Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 6 novembre 1995

.1531

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Bon après-midi, chers collègues. Nous reprenons l'examen du projet de loi C-101, Loi sur les Transports du Canada. Nos premiers témoins sont des représentants de la Western Canadian Shippers' Coalition.

Messieurs, nous allons écouter votre exposé avec beaucoup d'intérêt. J'espère que vous ne prendrez pas plus de quinze minutes, afin que nous puissions vous poser des questions.

M. Robert Renwick (président, Western Canadian Shippers' Coalition): Monsieur le président, je suis accompagné de Dick Whittington, de la société Luscar Ltd., d'Edmonton, en Alberta; de Tom Culham, de Wildwood of Canada, société de Vancouver, en Colombie-Britannique; de M. Kevin Doyle, de Sultran, société de Calgary, en Alberta; et de M. Jim Foran, de la firme Aikins MacAulay & Thorvaldson, de Winnipeg, au Manitoba.

Je m'appelle Bob Renwick et je suis président de la Western Canadian Shippers' Coalition, groupe de douze membres comprenant neuf sociétés et trois associations commerciales et représentant plusieurs centaines d'entreprises de l'Ouest canadien.

Je dois vous dire dès le départ que nous appuyons la majeure partie des dispositions du projet de loi C-101. De fait, sur les 283 articles qu'il contient, quelques-uns seulement font l'objet de réserves de notre part. Cela dit, il s'agit d'articles d'une importance extrême car ils touchent directement l'équilibre délicat qu'avait établi la LTN de 1987, et ils risquent d'entraver l'instauration d'une industrie compétitive du transport ferroviaire au Canada.

Le CN et le CP détiennent à toutes fins pratiques un monopole sur le transport des ressources naturelles de l'Ouest canadien. Ce projet de loi devrait cependant porter sur beaucoup plus que la seule viabilité de telle ou telle société de chemin de fer; il devrait porter aussi sur les conséquences préjudiciables du monopole ferroviaire auprès de nos membres, puisqu'il limite leur compétitivité sur les marchés mondiaux.

Nos membres craignent sérieusement que certaines dispositions du projet de loi n'aillent à l'encontre de la compétitivité et ne nous ramènent en fait à la situation qui prévalait avant la LTN de 1987, situation qui était caractérisée par la discorde entre les expéditeurs et les transporteurs, ainsi que par des litiges interminables devant l'organisme de réglementation et devant les tribunaux. Comme nous ne pensons pas que le but du gouvernement soit de rétablir cette situation, nous vous demandons de recommander des modifications au projet de loi C-101 afin de favoriser les ententes commerciales plutôt que les litiges.

Le CN et le CP tirent une proportion élevée de leurs revenus des produits issus des ressources naturelles des provinces de l'Ouest. Nos membres sont des clients importants des sociétés de chemin de fer canadiennes puisqu'ils consacrent plus de 3 milliards de dollars par an au transport de minerais, d'engrais, de produits forestiers, de potasse, de soufre, de charbon, de produits pétrochimiques, d'huiles et de moulées végétales à destination des marchés mondiaux. Nos membres font transporter plus de 50 millions de tonnes de marchandises et emploient plus de140 000 personnes. Or, les frais de transport peuvent représenter jusqu'à 50 p. 100 du prix de leurs produits, ce qui veut dire qu'ils ont une incidence considérable sur notre compétitivité internationale.

Pour la majeure partie des membres de notre coalition, le transport ferroviaire est le seul moyen économique et réaliste d'acheminement des marchandises sur les marchés canadiens, américains et d'outre-mer. Bon nombre de nos concurrents sont avantagés à cet égard puisqu'ils sont plus proches de leurs marchés et qu'ils ont accès à d'autres moyens de transport.

Les mécanismes favorisant la concurrence, tels que l'interconnexion étendue, les prix de ligne concurrentiels et l'arbitrage, ont permis aux clients des compagnies de chemin de fer d'avoir accès à des recours efficaces, que toutes les parties prenantes comprenaient fort bien. C'est d'ailleurs parce qu'ils étaient très efficaces que ces mécanismes ont été rarement utilisés pendant les huit dernières années; ils ont en effet incité les expéditeurs et les transporteurs à ratifier des ententes commerciales qu'il eût été peut-être plus difficile de négocier dans un autre contexte.

.1535

Nous sommes extrêmement inquiets de voir que le projet de loi C-101 va entraver l'accès à l'Office des transports du Canada.

Comme vous le savez maintenant fort bien, les dispositions auxquelles nous nous opposons le plus vigoureusement sont les paragraphes 27(2) et 34(1), ainsi que l'article 113. Il s'agit là de dispositions qui ont suscité l'inquiétude généralisée des expéditeurs canadiens car elles vont sérieusement perturber les ententes commerciales négociées entre les sociétés de chemin de fer et les expéditeurs.

À de nombreux égards, elles vont créer de formidables obstacles. Ainsi, l'obligation pour un expéditeur de prouver qu'il «subirait [...] un préjudice important» si le correctif qu'il demande ne pouvait être obtenu autrement constitue un critère subjectif dont l'application pourra varier d'une affaire à l'autre. Ces termes, pouvant faire l'objet d'interprétations très différentes, n'ont jamais été utilisés dans une loi sur le transport ferroviaire. Si cette disposition est adoptée, il sera beaucoup plus difficile à l'expéditeur d'obtenir un recours en s'adressant à l'Office. En outre, et c'est peut-être encore plus regrettable, cette disposition va favoriser les litiges plutôt que le règlement commercial des différends.

La même remarque vaut pour l'expression «commercialement équitables et raisonnables», de l'article 113. De plus, rendre l'expéditeur passible de sanctions pour avoir formulé une objection frustratoire aura pour effet d'entraver le dépôt de plaintes légitimes. Les tribunaux eux-mêmes n'appliquent jamais de telles sanctions puisqu'ils se contentent, dans de telles circonstances, d'imputer les frais au perdant. Nous avons peine à comprendre pourquoi on veut imposer de tels obstacles ou mécanismes de dissuasion, alors que le nombre de demandes adressées à l'Office depuis 1988 est tellement minime et que l'on ne connaît aucun exemple de comportement abusif ou illégitime des expéditeurs à l'égard de ces recours favorables à la concurrence. En conséquence, nous vous invitons à recommander l'abrogation de cette disposition.

Les membres de la coalition tiennent à ce que les compagnies de chemin de fer du Canada soient viables, fiables et efficientes, mais il est essentiel que ces objectifs soient atteints au moyen d'une gestion plus rigoureuse de leurs activités et de gains de productivité. Voilà d'ailleurs pourquoi les membres de la coalition appuient les dispositions du projet de loi C-101 qui permettront aux compagnies de chemin de fer de vendre ou d'abandonner des voies sans intervention de l'organisme de réglementation, et pourquoi ils appuient aussi les efforts déployés par ces compagnies pour se doter d'une main-d'oeuvre plus compétitive et plus productive. En revanche, nous ne saurions accepter que les compagnies de chemin de fer s'efforcent d'accroître leurs profits en obtenant à l'égard de leurs clients un pouvoir accru qui leur permettra d'augmenter les tarifs de transport des produits issus des ressources naturelles de l'Ouest canadien, ce qui réduirait la compétitivité de nos membres sur les marchés mondiaux.

Il est évident que la concurrence favorise l'efficience. C'est pour cette raison que nos membres ont recommandé à la fin de l'an dernier l'approbation de droits de circulation dans l'ensemble du système, sans qu'il soit nécessaire de satisfaire à un critère d'intérêt public. Le CN et le CP ont d'ailleurs vigoureusement résisté à cette recommandation. Pendant nos discussions avec Transports Canada, au début de cette année, toutes les parties se sont entendues sur une proposition beaucoup plus restreinte en matière de droits de circulation. En vertu de cette proposition, une compagnie de chemin de fer provinciale d'intérêt local pourra avoir accès aux voies d'une compagnie fédérale auxquelles elle est reliée par le premier point de correspondance disponible d'une autre compagnie.

Nous sommes extrêmement déçus que cette disposition ne figure pas dans le projet de loi car elle serait extrêmement bénéfique à la fois aux sociétés de chemin de fer d'intérêt local et aux expéditeurs desservis par les voies locales. Nous rejetons l'argument du CN et du CP voulant qu'ils aient besoin d'une clientèle captive pour avoir l'assurance de volumes et de revenus adéquats. C'est un argument qui n'a tout simplement aucun sens dans le monde d'aujourd'hui. En fait, cela revient tout simplement à dire qu'une société de monopole a tout intérêt à préserver son monopole. Nous demandons en conséquence que l'on ajoute au projet de loi notre proposition limitée en matière de droits de circulation.

La coalition invite par ailleurs le comité permanent à recommander au gouvernement d'inclure dans le projet de loi C-101 le droit pour l'Office d'émettre une injonction afin offrir à l'expéditeur un correctif immédiat en cas de service inadéquat, s'il est évident qu'un tel correctif est nécessaire. Il serait en effet fort peu utile à l'expéditeur ayant besoin d'un service immédiat de savoir qu'il aura probablement gain de cause devant l'Office, mais seulement deux ou trois mois plus tard. À ce moment-là, en effet, cela risque d'être trop tard.

Il est par ailleurs essentiel que l'on modifie la définition des mots «lieu de correspondance» et «interconnexion», pour permettre à l'expéditeur d'obtenir une ordonnance d'interconnexion élargie lorsque deux services ferroviaires sont offerts à un même lieu de correspondance, quel que soit le propriétaire de la voie utilisée. Les compagnies de chemin de fer n'ont aucune raison de s'opposer à cette proposition, sauf si leur objectif est de réduire la concurrence par des détours techniques.

Il conviendrait d'abroger le critère «d'intérêt public» de la disposition relative aux droits de circulation fédéraux. Cette disposition va en effet à l'encontre de l'objectif annoncé par Transports Canada, qui est d'enlever à l'Office le pouvoir de juger de ce qui est conforme à l'intérêt public et de remettre ce pouvoir aux élus. Conserver cette disposition, qui n'est rien d'autre qu'un obstacle à l'obtention d'une ordonnance de circulation, est incohérent et anticompétitif.

Transports Canada a déclaré publiquement que le projet de loi garantira aux expéditeurs des taux d'interconnexion et des prix de ligne compétitifs sur les chemins de fer d'intérêt local, pour ce qui est de la partie restante des voies fédérales. Cet objectif n'est pas atteint par le texte actuel, et des amendements seront donc nécessaires pour indiquer explicitement que le point de raccordement d'une société de chemin de fer fédérale et d'une société provinciale constitue un point d'origine ou de destination pour l'interconnexion et pour les prix de ligne compétitifs.

.1540

Au début de vos audiences publiques, Transports Canada a proposé une quarantaine d'amendements concernant cette question ainsi que d'autres dispositions du projet de loi. S'ils sont adoptés, en tout ou en partie, ces amendements risquent d'avoir une incidence profonde sur nos membres. Nous sommes extrêmement inquiets de voir que ces amendements n'ont pas été formulés en termes législatifs, ce qui ne nous permet pas d'en évaluer l'incidence avec précision.

C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le président, de nous autoriser à vous adresser un autre mémoire lorsque ces amendements auront pris leur forme définitive et que nous aurons eu la possibilité d'en évaluer attentivement l'incidence sur nos membres.

Les modifications que nous venons de demander ne sont pas considérables, monsieur le président, mais nous les croyons essentielles pour favoriser la concurrence dans le transport ferroviaire, ce qui permettra à nos membres de vendre plus facilement sur les marchés mondiaux leurs produits issus des ressources naturelles. Au moment où d'autres pays prennent des mesures pour rendre leurs services de transport plus compétitifs, nous ne devrions certainement pas aller dans l'autre sens. Si nous voulons rehausser la viabilité des sociétés de chemin de fer, faisons-le en adoptant des mesures favorables à la réduction des coûts et à l'accroissement de la productivité, et non pas par des mesures renforçant leur pouvoir de monopole. Sous sa forme actuelle, le projet de loi ne répond pas aux objectifs annoncés par le gouvernement. Il constitue en fait un retour en arrière et il permettra à d'autres pays de s'emparer de certains de nos marchés.

Merci. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Puis-je dire un dernier mot, monsieur le président, avant de passer aux questions? Si vous me le permettez, je voudrais que les membres de la Western Canadian Shippers' Coalition qui m'accompagnent aujourd'hui puissent se présenter et vous dire qui ils représentent.

Le président: Certainement. Allez-y.

M. George Chapell (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): Je m'appelle George Chapell et je représente Manalta Coal.

M. Jack McMunn (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): Je m'appelle Jack McMunn et je représente Canpotex Limited, de Saskatoon.

M. Cyril Eckl (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): Je m'appelle Cyril Eckl, de PCS Sales, Saskatoon.

M. Rick Lacroix (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): Je m'appelle Rick Lacroix, de PCS Sales.

Le président: Merci.

Je vais garder mes questions pour la fin. Monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord parler des dispositions qui suscitent le plus de controverses - soit le triumvirat 27(2), 34(1) et 113. Commençons par le paragraphe 27(2).

Si le paragraphe 27(2) restait dans le projet de loi mais que l'on y indiquait clairement qu'il ne s'applique pas à l'arbitrage, cela vous donnerait-il satisfaction? Certains témoins affirment que c'est déjà le cas, mais voudriez-vous que cela soit indiqué explicitement, c'est à dire que l'on précise que ce n'est pas un obstacle à franchir pour avoir accès à l'Office mais plutôt un recours pouvant être invoqué après que la cause a été entendue? Je sais bien que ce n'est pas tout ce que vous souhaitez, mais cela vous donnerait-il quand même satisfaction?

M. Tom Culham (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): À mon sens, l'élément fondamental des trois entraves dont vous parlez - les paragraphes 27(2) et 34(1), et l'article 113 - est qu'il nous ramène loin en arrière, c'est à dire avant la LTN de 1987. L'interconnexion, l'arbitrage et les prix de ligne concurrentiels sont des dispositions que les membres peuvent invoquer individuellement de plusieurs manières différentes. Certains invoquent l'interconnexion, d'autres l'arbitrage, et d'autres ne peuvent se fonder que sur les PLC.

Mettre un obstacle quelconque à l'utilisation de ces recours favorisant l'accès concurrentiel nous ramènerait à une situation anticoncurrentielle. C'est ce que nous ne pouvons pas accepter. Et je ne pense pas que nous puissions faire de choix entre ces trois dispositions car nous serions perdants dans tous les cas de figure. Vous semblez nous demander de faire un compromis entre les trois, ce qui est impossible.

M. Gouk: Non, ce n'est pas nécessairement ce que je demande. Je voudrais plutôt que vous vous efforciez de tenir compte des intérêts de toutes les parties. Autrement dit, si je voulais que l'on abroge le paragraphe 27(2) - ce qui n'est pas nécessairement le cas - mais que ce soit impossible, vaudrait-il la peine d'essayer de faire quelque chose d'autre avec ce paragraphe? Si nous ne pouvons pas l'abroger, sa formulation a-t-elle une importance quelconque?

M. Culham: C'est le fait que ce paragraphe existe qui pose problème, et c'est la même chose pour les deux autres dispositions dont nous parlons. Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

M. Renwick: Cela répond-il à votre question?

M. Gouk: Oui. Je voulais connaître le fond de votre pensée.

.1545

Je vais me pencher attentivement sur ces trois dispositions. Sachez bien, en effet, que je partage bon nombre de vos préoccupations.

Je tiens à dire, sans aucune ambiguïté, que je ne suis pas ici le porte-parole des expéditeurs, des producteurs ou des compagnies de chemin de fer. C'est l'économie canadienne dans son ensemble qui m'intéresse, et je voudrais trouver une solution qui contribue à son épanouissement. Je n'ai pas encore de position définitive sur la question.

Nous accueillerons mercredi des représentants de l'ONT à qui j'ai demandé, avec beaucoup de préavis, de nous donner la preuve que les causes entendues depuis 1987 auraient été traitées différemment si ces dispositions avaient figuré dans la loi, et de nous expliquer pourquoi celles-ci sont nécessaires. S'ils ne peuvent me répondre, ce sera certainement un très gros point en votre faveur. S'ils me donnent des réponses, je les analyserai en toute objectivité et je prendrai alors ma décision.

La dernière chose que je voudrais vous demander avant de m'éclipser - et ne prenez pas ce mot au pied de la lettre -

M. Nault (Kenora - Rainy River): Nous irons à vos funérailles.

M. Gouk: - concerne ce que vous avez dit sur les amendements proposés par le gouvernement.

Le comité a l'intention d'entreprendre dans une semaine l'étude du projet de loi article par article. Ces amendements ne seront donc probablement pas produits sous forme définitive avec suffisamment de préavis pour que vous puissiez les étudier et nous adresser un rapport d'ici là.

Je suis sûr que le comité demandera à ce qu'on vous en envoie le texte définitif, tout comme je demanderai à l'obtenir aussi. Quoiqu'il en soit, pourriez-vous quand même formuler vos objections par écrit et me les adresser d'ici à mardi prochain, afin que je puisse en tenir compte?

Le président: Ce que vous venez de dire n'est pas tout à fait exact. À moins que vous ne vouliez travailler pendant la semaine de congé, nous ne commencerons pas l'étude article par article avant deux semaines.

M. Gouk: C'est pourquoi j'ai dit que j'aimerais avoir ce document à l'avance, c'est à dire avant la semaine de congé.

Le président: Mais l'étude article par article ne commencera pas avant une semaine après.

M. Gouk: C'est vrai. Veuillez m'excuser.

M. Culham: Il me semble que nous devrions obtenir le texte définitif des amendements pour pouvoir exprimer un avis éclairé. Je ne suis pas certain que nous l'aurons obtenu d'ici là.

M. Gouk: Je n'ai pas encore ce texte définitif, et je doute que nous puissions l'avoir beaucoup avant le début de l'étude article par article. Si vous pouviez cependant me communiquer vos préoccupations générales à ce sujet - même s'il ne s'agit que de réserves préliminaires - cela me permettrait de mieux comprendre votre point de vue avant l'étude article par article.

M. Renwick: Ce sera difficile. Il me semble que nous devrions obtenir le texte définitif pour voir si nous avons toujours des préoccupations.

M. Gouk: J'entends bien, mais vous devez comprendre qu'il ne sera probablement pas possible d'obtenir ce texte à temps. Ce n'est pas moi qui fixe l'ordre du jour du comité. Moi-même, je ne verrai probablement pas le texte de ces amendements avant le début de l'étude article par article. Cela dit, si vous voulez que je puisse tenir compte de vos préoccupations éventuelles, il faut que vous me les communiquiez. Ce serait dans votre intérêt.

M. Jim Foran (avocat, Western Canadian Shippers' Coalition): Puis-je ajouter quelque chose, M. Gouk? Lorsque le ministre a comparu, le 4 octobre, Transports Canada a déposé devant le comité des propositions préliminaires exprimant son intention de modifier un nombre relativement élevé de dispositions du projet de loi.

L'une des questions qui suscite de graves réserves au sein de la coalition concerne les PLC et les droits d'interconnexion pour les expéditeurs utilisant les voies locales, en ce qui concerne la partie restante des voies fédérales. Transports Canada et le ministre ont clairement exprimé leur intention à ce sujet dès le début. Or, il semble y avoir dans la quarantaine d'amendements proposés plusieurs éléments portant sur cette question.

Vous trouverez en annexe à notre mémoire un document rédigé suite à une rencontre que nous avons eue avec Transports Canada le 29 août, au cours de laquelle nous avions formulé des recommandations à ce sujet. Tant que nous ne saurons pas si les amendements de Transports Canada correspondent d'assez près à ce que nous indiquons à l'annexe 1 de notre mémoire, il nous sera bien difficile d'exprimer une autre opinion.

Et je ne parle ici que d'un exemple dans toute une série d'amendements. Tant que nous n'aurons pas de texte définitif, il nous sera très difficile de formuler des remarques valables.

Je précise au demeurant que nous sommes assez surpris de voir le gouvernement proposer un nombre aussi élevé d'amendements sur un aussi grand nombre de dispositions du projet de loi, à une date aussi tardive. D'après nous, il est non seulement légitime mais absolument nécessaire que nos membres aient la possibilité de se pencher sur le texte définitif des amendements pour en analyser l'incidence sur le projet de loi.

.1550

M. Gouk: Je comprends votre point de vue. Il se trouve simplement que je ne peux rien y faire. Je devrai agir en conséquence.

Le président: Avant de donner la parole à quelqu'un d'autre, je voudrais préciser que nous avons l'intention de demander que toutes les propositions d'amendement nous soient adressées d'ici à une semaine à partir de vendredi, afin de pouvoir en dresser la liste précise samedi, dimanche, et même lundi si nécessaire, à l'intention de tous les membres du comité. De cette manière, nous aurons au moins une journée et demie, soit lundi et mardi matin, pour les étudier avant d'entamer l'étude article par article mardi après-midi.

Monsieur Fontana.

M. Fontana (London-Est): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord préciser, sans critiquer en quoi que ce soit les témoins d'aujourd'hui, que le ministre nous a remis ce projet de loi avant la deuxième lecture pour que nous puissions l'étudier attentivement. De fait, le président a donné beaucoup de préavis à tous les témoins pour qu'ils envoient leurs mémoires, afin qu'ils soient parfaitement prêts à répondre à nos questions pendant les audiences.

Nous allons faire notre travail. Si vous demandez le droit d'exprimer un nouvel avis sur les amendements après que nous les avons étudiés et que nous ayons formulé nos recommandations, cela nous obligera à offrir la même possibilité aux 110 témoins que nous avons accueillis. Vous comprenez bien que ce n'est pas possible. À mon avis, vous devriez présenter votre position le mieux possible aujourd'hui, après avoir examiné les propositions d'amendement qui ont déjà été reçues et en continuant de faire ce que vous faites très efficacement depuis trois mois, c'est-à-dire exercer de fortes pressions auprès de tous les députés, quel que soit leur parti, pour qu'ils adoptent votre point de vue.

Revenons maintenant à nos moutons. Avant d'aborder vos recommandations en détail, je voudrais vous demander de préciser ce que vous entendez par concurrence. Si je comprends bien, le gouvernement souhaite assurer la viabilité économique des compagnies de chemin de fer. C'est autant dans son intérêt que dans le vôtre, car vous voulez vendre vos produits sur les marchés mondiaux et vous devez donc en assurer le transport au moindre coût possible. À mon avis, vos intérêts sont tout à fait concordants.

Pour ce qui est des compagnies de chemin de fer, elles ont clairement indiqué qu'elles ont autant besoin de vous que vous, d'elles. Comme elles ont besoin de transporter vos marchandises, elles doivent absolument être compétitives. Si elles ne le sont pas, vous utiliserez d'autres moyens de transport.

Je suis donc un peu étonné que vous parliez de monopole, en disant que les sociétés de chemin de fer ne vous traitent pas de manière équitable. Pourriez-vous me dire, pour commencer, comment ont évolué vos tarifs de transport ferroviaire depuis 1987, c'est à dire depuis l'adoption de la LTN? Vos prix ont-ils monté ou baissé?

M. Kevin Doyle (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): Je vais répondre à cette question, monsieur le président.

Les tarifs de transport ferroviaire de notre produit, le soufre, ont baissé un peu depuis l'adoption de la loi de 1987. Pendant les 20 années précédentes, ils avaient constamment augmenté, parfois d'un très gros pourcentage. En 1987, ils ont légèrement baissé, pour deux raisons. Premièrement, à cause des dispositions d'accès concurrentiel figurant dans la Loi, qui obligeaient pour la première fois les transporteurs à négocier sérieusement avec nous. Deuxièmement, parce que les cours mondiaux de la quasi-totalité de notre production ont chuté de près de 50 p. 100. Et ils n'ont pas remonté depuis! Le marché international n'a certainement pas été favorable à la plupart de nos ressources naturelles, ce qui a manifestement contribué à la baisse des taux de fret, au même titre que la loi de 1987.

M. Fontana: Ce que vous dites s'applique-t-il à toutes les ressources naturelles ou simplement à celle que vous produisez, monsieur Doyle?

M. Richard Whittington (membre de la Western Canadian Shippers' Coalition): J'aimerais préciser cette réponse. La même chose est arrivée avec le charbon, dont le prix ne cesse de baisser depuis 1982. Cela dit, jusqu'en 1987, les compagnies de chemin de fer n'ont tenu absolument aucun compte des forces du marché et nous ont obligé à absorber la totalité de la baisse des cours. C'est seulement après l'adoption de la LTN de 1987 que les choses ont changé. En ce qui concerne ma propre entreprise, nous avons quasiment dû fermer une mine et renvoyer 350 personnes. Malgré cela, la société de chemin de fer n'a pas daigné baisser nos taux de fret d'un seul sou.

.1555

Selon nous, si ce projet de loi est adopté, nous allons revenir à la situation d'avant 1987. De fait, il sera encore plus difficile pour nous d'entreprendre des négociations raisonnables, à armes égales.

M. Fontana: Dites-moi donc ceci, monsieur Whittington: si les sociétés de chemin de fer n'ont fait preuve d'aucune souplesse en ce qui concerne l'octroi de prix compétitifs, vous êtes-vous prévalu des dispositions de la LTN pour essayer de les obtenir? À ma connaissance, seulement six ou sept demandes ont été adressées à l'ONT. Je serais surpris de vous entendre dire que les sociétés de chemin de fer ne vous ont consenti aucune baisse de prix et que vous ne vous soyez pas adressé à l'ONT. Que pouvez-vous donc me répondre?

M. Whittington: J'ai l'impression que vous comparez deux situations qui ne sont pas comparables car mes remarques concernaient la période d'avant 1987, c'est à dire la situation dans laquelle va nous ramener ce projet de loi.

Pour ce qui est de la période allant de 1987 à aujourd'hui, vous avez parfaitement raison de dire qu'il n'y a eu que six ou sept demandes qui ont été adressées à l'Office. C'est d'ailleurs précisément pour cela que nous avons du mal à comprendre les changements que veut apporter le gouvernement. En effet, s'il n'y a eu que six ou sept demandes, cela montre que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer ont négocié de bonne foi, et nous voudrions tout simplement que cela continue.

M. Fontana: Sans parler précisément du paragraphe 27(2), pourriez-vous me dire quelles sont vos recommandations les plus importantes, dans la liste que vous nous avez adressée?

Le rôle du comité est évidemment de trouver un certain équilibre entre les intérêts des compagnies de chemin de fer, pour garantir leur viabilité, et ceux des expéditeurs. Vous ne contesterez pas que les compagnies de chemin de fer sont des entreprises au même titre que les vôtres, ce qui veut dire qu'elles ont besoin d'avoir un taux de rendement satisfaisant sur leur capital. Ce ne sont pas des services publics appartenant au gouvernement. Ce sont des entreprises du secteur privé. De fait, le CN sera bientôt privatisée, dans environ un mois. Comme vous êtes des gens d'affaires avisés, vous savez fort bien que vous pouvez intervenir si certains acteurs du marché abusent de leur pouvoir - comme vous pourrez le faire en invoquant les dispositions du projet de loi C-101 - c'est-à-dire que vous pouvez vous adresser à l'ONT si vous estimez faire l'objet d'un préjudice important en matière de prix ou d'accès aux services.

Quoi qu'il en soit, sur les sept recommandations que vous avez formulées, lesquelles sont les plus importantes? Lesquelles auront l'incidence la plus profonde sur vos entreprises?

M. Whittington: Les plus importantes sont celles qui concernent les obstacles, c'est à dire les paragraphes 27(2) et 34(1) ainsi que l'article 113. Ce sont vraiment ces trois dispositions qui vont nous ramener à la situation d'avant 1987.

M. Fontana: C'est donc ce qui est le plus important à vos yeux.

M. Whittington: C'est absolument crucial. Il faut que ces trois dispositions soient toutes éliminées du projet de loi.

M. Fontana: Je crois vous avoir entendu dire que les droits de circulation sont également une question importante. Nous n'avons entendu qu'une seule compagnie de chemin de fer provinciale réclamer des droits de circulation. Personne d'autre ne semble penser que c'est important pour atteindre l'autre objectif du projet de loi, qui est de favoriser non pas l'abandon mais le transfert de voies en créant des voies d'intérêt local.

En quoi les grandes sociétés de chemin de fer seront-elles incitées à transférer des voies ou à créer des voies courtes d'intérêt local si l'on accorde des droits de circulation à n'importe qui, ce qui ne se fait nulle part au monde, même pas aux États-Unis? Chez nous, les droits de circulation font l'objet de négociations, et il y a une centaine d'ententes qui ont été négociées à ce sujet. Aux États-Unis, la notion de réglementation des droits de circulation par voie législative n'existe même pas. Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable de laisser les gens négocier, c'est-à-dire les compagnies locales et les compagnies nationales? Il existe une relation de partenariat entre les deux, et vous savez bien que les compagnies locales elles-mêmes ne réclament pas de droits de circulation.

M. Culham: Je vais essayer de répondre à la première partie de votre question en vous indiquant pourquoi les compagnies d'intérêt local devraient avoir des droits de circulation.

Ma position à ce sujet s'explique par le fait que je suis un expéditeur qui est tributaire d'une seule compagnie de chemin de fer. Croyez-moi, ceux qui sont dans la même situation savent qu'il est extrêmement difficile de négocier dans un tel contexte.

Notre argument est donc le suivant: tout comme les expéditeurs devraient pouvoir négocier avec les compagnies de chemin de fer et avoir le choix entre plusieurs compagnies concurrentes, il nous semble important que les compagnies d'intérêt local qui transporteront nos marchandises puissent elles aussi négocier avec les transporteurs. Cela nous semble crucial. Cela dit, comme les compagnies d'intérêt local sont d'origine relativement récente au Canada, elles n'ont peut-être pas encore saisi toutes les difficultés qu'elles risquent de rencontrer lorsqu'elles voudront entreprendre des négociations sérieuses avec les grandes compagnies.

.1600

Dick pourrait probablement vous expliquer notre position en indiquant pourquoi les compagnies de chemin de fer affirment qu'il n'y aura aucune compagnie d'intérêt local qui sera créée s'il y a des droits de circulation.

M. Fontana: Croyez-vous que la solution à ce problème puisse être de définir ce qu'est un expéditeur captif? S'agit-il d'une compagnie de chemin de fer? D'un mode de transport?

Croyez-vous que la solution pourrait être de définir ce qu'on entend par un expéditeur captif, dans le contexte du paragraphe 27(2) et des deux autres dispositions qui nous préoccupent, de façon à réserver la libre concurrence aux expéditeurs qui ne sont pas vraiment captifs?

M. Doyle: Les Américains essaient depuis plusieurs années déjà de définir ce qu'est un expéditeur captif, et je crois comprendre qu'ils n'y sont pas encore parvenus. Ils ont simplement réussi à engendrer une foule de procès.

Si vous analysez l'expérience acquise par l'Office ces dernières années, vous verrez que quiconque a accès à des options compétitives ne va pas s'adresser à l'Office. En effet, ce genre de recours coûte très cher en temps et en argent, ce qui représente en soi un obstacle efficace et qui permet au fond de définir qui est vraiment captif.

Pour répondre à une question antérieure, je dois vous dire que nous nous sommes adressés à l'Office parce que nous avions du mal à parvenir à une entente avec les sociétés ferroviaires. Je suis donc fort bien placé pour vous dire que cela coûte très cher et prend beaucoup de temps. C'est en soi un obstacle très important. Et c'est cela qui peut indiquer qui est vraiment captif.

M. Nault: J'ai plusieurs questions à vous poser, la première concernant vos frais de transport.

Vous dites dans votre mémoire que la moitié des coûts que doivent assumer les membres de votre coalition sont des frais de transport. Quelle est la proportion entre le camionnage et le rail? Je crois qu'il serait intéressant de le savoir dans le contexte de notre débat.

M. Whittington: Où avez-vous vu cela dans notre mémoire?

M. Nault: C'est ce que votre porte-parole a dit dans sa déclaration liminaire. Il a dit que la moitié des coûts de la coalition sont des frais de transport. Je voudrais donc connaître la ventilation entre les différents modes de transport. Je suis sûr que certains membres de votre coalition ont également accès au transport par eau, alors que d'autres ont accès au camionnage et d'autres au rail. Quelles sont les proportions?

M. Renwick: Je crois avoir dit que la proportion pouvait atteindre la moitié. Tout dépend du produit considéré, du lieu d'origine et de la destination. Nous ne voulions pas dire que tous les membres de notre coalition sont exactement dans la même situation. Il y a évidemment des variantes. Pour certains produits, il est plus intéressant d'avoir recours au camionnage, mais certains expéditeurs n'y ont aucunement accès et sont donc captifs des sociétés ferroviaires. À mon avis, il n'est pas facile de répondre à cette question. Tout dépend...

M. Nault: Il serait très facile d'y répondre. Peut-être pourriez-vous nous adresser dans les prochaines semaines, en même temps que les informations que vous demandait M. Gouk, une ventilation des frais de transport par denrées - et je pense que vous devriez être capable de nous donner cela -

M. Culham: Je peux vous la donner pour les produits forestiers.

M. Nault: C'est bien, mais j'aimerais l'avoir pour toutes les denrées produites par la coalition. Cela me parait important. Il est facile de venir affirmer devant un comité que la moitié de vos coûts sont des frais de transport, mais il se peut fort bien que, pour certains expéditeurs, la majeure partie des frais de transport soit en fait des frais de camionnage, ce qui voudrait dire qu'il pourrait n'y avoir que 5 p. 100 de ces frais qui soient des frais de chemin de fer.

J'aimerais donc savoir exactement ce qu'il en est, mais je ne voudrais pas que nous passions tout notre temps là-dessus aujourd'hui. Je vous invite donc à nous adresser la réponse par écrit.

M. Whittington: Je précise que la moitié dont nous parlions concerne en totalité le rail.

M. Nault: Mais c'est pour le charbon. La situation est bien différente quand il s'agit de produits forestiers, de soufre ou de potasse. Il peut y avoir toutes sortes d'autres scénarios à prendre en considération.

Écoutez, vous êtes les experts et j'aimerais avoir une ventilation précise par denrée. Ce n'est pas un secret commercial, n'est-ce pas?

M. Renwick: Puis-je préciser votre question? Voulez-vous connaître le degré de compétitivité de chacune de ces denrées?

M. Nault: Non. Je pourrais tirer cette conclusion moi-même en voyant votre ventilation des frais de transport. Si vous pouvez m'indiquer les frais de transport réels, denrée par denrée et mode de transport par mode de transport - camion, rail, etc - je saurais si telle ou telle industrie ou denrée est captive ou non.

.1605

Ce serait extrêmement utile pour poursuivre le débat car bon nombre d'expéditeurs n'ont cessé de dire qu'ils étaient captifs. Or, nous savons tous que ce n'est pas vrai pour tout le monde. Nous voudrions donc avoir des chiffres précis pour voir si vos arguments sont fondés.

Le président: Monsieur Renwick, puisque vous dirigez la délégation, pourriez-vous vous charger d'obtenir cette ventilation et la communiquer au greffier?

M. Renwick: Je veux cependant que vous compreniez bien que nous ne pouvons pas parler de prix définitifs dans un cas comme celui-ci car il s'agit dans la plupart des cas de contrats confidentiels. Par contre, nous pourrions probablement vous indiquer quelle proportion de la production de tel ou tel membre est transportée par le chemin de fer. Nous pourrions vous donner cela.

Le président: C'est ce que vous demandez, Bob?

M. Nault: Non.

Le président: Vous voulez connaître les tarifs aussi?

M. Nault: Ce qu'on me propose ne me serait pas très utile. Je veux savoir quels sont vos frais de transport totaux par denrée, puis par mode de transport. Par exemple, si la moitié du coût total d'un groupe de produits tels que les produits forestiers provient du transport, quelles sont les proportions respectives du camionnage, du rail et du transport par eau? C'est ce que nous devons savoir puisqu'il y a trois modes de transport. Je ne pense pas que vous expédiiez vos produits par avion. J'aimerais avoir cette ventilation en ce qui concerne votre coalition. Ça me semble important.

M. Renwick: Nous pouvons essayer mais, comme l'a dit M. Culham, ce sera difficile.

M. Nault: Mais c'est la seule manière pour vous de justifier votre argument qu'il y a dans ce pays un monopole du transport ferroviaire. Le mot n'est d'ailleurs pas exact puisqu'il s'agirait au minimum d'un duopole, car il y a au moins deux compagnies de chemin de fer. Quoi qu'il en soit, si vous voulez que nous prenions vos arguments au sérieux, vous allez devoir nous dire quel est le pourcentage de vos frais de transport qui est destiné à ce duopole. C'est fort bien de venir nous dire que la moitié de vos coûts totaux sont des coûts de transport mais, si ce n'est pas le cas, vous ne parlez peut-être pas aux bonnes personnes. Peut-être devriez-vous vous adresser aux provinces, si la moitié de vos coûts totaux proviennent du camionnage. J'aimerais savoir ce qu'il en est exactement.

M. Renwick: Je ne voudrais pas engager de débat avec vous là-dessus, mais comprenez bien que ces informations, surtout en ce qui concerne le rail, font partie de contrats confidentiels que nous ne pouvons pas révéler. Nous pourrions peut-être vous donner des estimations, mais certainement pas de chiffres exacts.

M. Nault: Bien.

M. Culham: Il est sans doute difficile de définir avec précision la notion de captivité. Cela dit, quand nous parlons de monopole, c'est parce que nous nous plaçons du point de vue des consommateurs. Seul le consommateur peut dire s'il est dans une situation difficile par rapport au transporteur. Je ne pense pas que nous serions venus vous parler de ce genre de choses si nous ne craigniions pas de nous retrouver dans une situation difficile.

Nous avons l'expérience d'avant 1987, lorsque les transporteurs étaient en position de force, et nous savons ce qui est arrivé après. Nous savons quels bienfaits ont découlé de la loi de 1987. Certes, il y a des producteurs situés près de la frontière américaine qui peuvent acheminer leurs marchandises par camion au-delà de la frontière afin d'utiliser les services de Burlington Northern ou d'une autre société ferroviaire. Mais il y a aussi des producteurs forestiers qui se trouvent loin de tout transporteur concurrentiel -

M. Nault: Vous m'amenez à ma question suivante.

M. Culham: - et pour qui le camionnage ne compte pas.

M. Nault: C'est bien. Je ne vous demande que des renseignements et, franchement, je crois que vous pourriez me les donner. Quant à savoir si vous le ferez ou non, la décision vous appartient.

Je voudrais maintenant parler de la situation d'avant 1987, pendant laquelle, à vous en croire, on vous a causé du tort. J'aimerais savoir quels ont été vos profits avant et après impôt au cours des vingt dernières années, car j'ai l'impression que vous n'avez pas tellement souffert avant 1987.

Je sais bien qu'il ne serait dans l'intérêt de personne, et certainement pas des compagnies de chemin de fer, de vous pousser à la faillite. Quand j'entends Richard nous dire que la compagnie l'a poussé à fermer sa mine de charbon, je ne peux le croire car ce ne pouvait certainement pas être dans l'intérêt de la compagnie de chemin de fer dont la raison d'être est de transporter des marchandises pour faire des profits, si je ne me trompe. Il m'est donc extrêmement difficile d'accepter votre affirmation qu'elle vous a imposé des tarifs abusifs qui vous ont poussé à la ruine.

.1610

Pourriez-vous me donner la ventilation de vos profits par produit au cours des vingt dernières années, pour nous prouver que vous avez vraiment connu des difficultés depuis, disons, 1975? Cela nous permettrait de voir quels ont été les hauts et les bas de vos différentes industries au cours des vingt dernières années. Évidemment, tout le monde sait qu'il y a des hauts et des bas dans les industries des ressources naturelles.

Le président: Bien, vous avez donc reçu deux demandes.

Au fait, Tom, je ne vais pas vous demander de nous donner des détails pour chaque société de produits forestiers représentée ici, car nous n'en aurons pas le temps.

Ce que je voudrais, c'est que votre président, M. Renwick. s'engage à faire son possible pour répondre à ces deux demandes. Hélas, vous n'aurez pas plusieurs semaines pour ce faire mais seulement quelques jours. Si vous pouviez en discuter avec les autres membres de la coalition...

M. Nault: Une dernière question.

Le président: Très brève.

M. Nault: Je voudrais demander aux témoins s'ils acceptent l'idée que les compagnies de chemin de fer n'ont pas récupéré leurs coûts en capital au cours des vingt dernières années. À leur avis, cela est-il exact ou non?

M. Doyle: Je dois vous dire, monsieur, que la plupart d'entre nous, qui travaillons dans le secteur des ressources naturelles de l'Ouest, estimons que les sociétés ferroviaires ont réalisé d'excellents profits.

M. Nault: Ce n'était pas ma question.

M. Doyle: Il se peut qu'elles n'aient pas récupéré leurs frais dans d'autres secteurs mais, dans ceux que nous représentons, elles ont non seulement récupéré leurs frais, elles ont aussi réalisé d'excellents profits, ce dont elles conviennent d'ailleurs.

M. Nault: Donc, votre réponse est à la fois oui et non. C'est entre les deux.

Cela dit, l'Office affirme que les sociétés ferroviaires n'ont pas récupéré leurs dépenses d'investissement au cours des dix dernières années, ou n'ont pas fait assez de profits pour récupérer les dépenses d'investissement qu'elles ont dû consacrer à leur matériel et à l'entretien de leurs installations. Êtes-vous d'accord avec cela ou complètement en désaccord?

M. Doyle: Il est vrai que les compagnies de chemin de fer ont bâti des structures extrêmement coûteuses, à cause du manque de concurrence, ce qui a nui à leur rentabilité. Elles ont offert des emplois garantis, les salaires les plus élevés de toute l'industrie du transport du Canada, etc. Voilà ce qui a porté atteinte à leur rentabilité.

M. Nault: Merci, monsieur le président.

Le président: En conclusion, messieurs, il me semble évident que votre organisation ne va pas changer d'avis, tout comme celles qui l'ont précédée et qui ont exprimé la même opinion.

À mon sens, ce qui hante ce projet de loi, c'est la méfiance qui existe entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer. Vous avez proposé plus tôt des amendements que vous dites être sans conséquence grave, mais vous conviendrez qu'ils auraient pour effet de déséquilibrer le projet de loi. Ce que vous demandez, c'est tout ce que vous aviez auparavant: l'interconnexion, les PLC, l'arbitrage et tout le reste. En même temps, toutefois, vous voulez que l'on abandonne les articles 27, 34, 113 et autres dont ont besoin les compagnies de chemin de fer pour opérer dans un environnement commercial équilibré.

Dans l'intérêt d'une vraie concurrence, et je souligne le mot vraie, seriez-vous prêts à aller jusqu'à demander non seulement que nous éliminions du projet de loi des dispositions telles que les articles 27, 34 et 113, mais aussi, toujours dans l'intérêt d'une vraie concurrence, toutes les dispositions favorables aux expéditeurs, comme l'interconnexion et les PLC, pour instaurer une véritable structure de concurrence, étant entendu que vous pourriez toujours avoir recours à l'arbitrage en cas de différend irréductible?

M. Culham: Je vais revenir à ce que nous disions plus tôt. Vous nous demandez de choisir entre deux solutions perdantes. Vous dites que nous pourrions abandonner les PLC et l'interconnexion, en échange de quoi nous aurions l'arbitrage. C'est bien cela ?

Le président: Non. Vous donneriez tout cela en échange des articles 27, 34 et 113.

M. Culham: Mais il n'y aurait alors plus rien répondant à nos intérêts.

Le président: Mais ce serait ça la vraie concurrence, monsieur Culham.

M. Culham: Non, ce ne serait pas la vraie concurrence.

Une voix: Ce ne serait pas de la vraie concurrence.

Le président: Pas selon votre définition, évidemment. Nous avons déjà entendu cela.

M. Culham: Si l'une des parties détient un pouvoir de monopole sur le marché et que les autres ne bénéficient pas de dispositions garantissant un accès concurrentiel, on aboutit à un monopole pur et simple. Pas à la concurrence. Un marché déréglementé serait un marché de monopole, et vous dites que nous devrions renoncer à toutes les dispositions d'accès concurrentiel de la LTN pour assurer le monopole des sociétés ferroviaires. C'est cela que vous recommandez. Voilà quelles sont les forces du marché.

.1615

Selon nous, l'intérêt du Canada est d'avoir un système concurrentiel et nous estimons que c'est ce que nous ont donné les dispositions d'accès concurrentiel de la LTN. Elles ont assuré la concurrence.

M. Fontana: Je voudrais revenir sur votre question concernant la réglementation par opposition à la concurrence. Nous avons fait le tour complet de la question aujourd'hui, et c'est pourquoi mon collègue, monsieur Nault, vous a demandé de donner des chiffres par groupe de denrées, afin que nous puissions nous faire une idée exacte du degré de concurrence.

Les compagnies de chemin de fer et d'autres nous disent qu'il y a concurrence dans ce secteur. Certes, il y a l'exception des expéditeurs captifs, qui n'ont accès qu'à une seule société ferroviaire; ou des mines qui n'ont accès qu'à un seul transporteur. D'après nous, cependant...

Le président a tout à fait raison de dire que nous n'avons jamais perçu autant de méfiance qu'entre ces deux groupes d'acteurs économiques qui sont censés être des partenaires oeuvrant dans l'intérêt de l'économie canadienne. Ce n'est pas vous qui êtes le client ultime mais nous, les citoyens qui achetons vos marchandises. Ainsi, si vous ne pouvez pas vendre vos produits à un prix compétitif, et si les sociétés ferroviaires ne peuvent pas vous donner de bons tarifs, personne ne peut s'y retrouver. Vous ne pouvez plus travailler, les compagnies de chemin de fer font faillite, et l'économie canadienne dans son ensemble en souffre. Le client ultime est celui qui achète vos produits.

J'aimerais vous comprendre. Le président vous a offert la concurrence absolue - en abolissant tous les règlements, ce qui garantirait une concurrence réelle - tout en préservant l'arbitrage en cas de problème. Pour ma part, je vous offre une autre solution: donnons des droits de circulation illimités à tout le monde, abolissons toutes les dispositions d'accès concurrentiel, et laissons le système fonctionner comme il le devrait. Avez-vous quelque chose contre ça?

Vous ne pouvez pas tout avoir, messieurs. Ça ne marche pas comme ça.

M. Doyle: Dans ce que nous proposons, monsieur le président, nous sommes loin de réclamer tout pour nous. Nous disons simplement que toutes les usines de l'Ouest canadien sont exposées à un certain degré de risque étant donné que les compagnies de chemin de fer peuvent vendre ou abandonner -

Le président: Nous avons déjà entendu cela, monsieur Doyle. Nous avons aussi entendu les compagnies de chemin de fer nous dire qu'elles défendent les intérêts de toutes les compagnies de chemin de fer, nationales ou locales, et de tous les cheminots qui risqueraient de perdre leur emploi.

M. Whittington: M. Fontana est-il en train de dire que nous devrions retourner à la case départ, en abolissant tout et en revenant aux droits de circulation?

M. Fontana: Nous vous demandons simplement de faire des propositions constructives au lieu de réclamer simplement l'abrogation du paragraphe 27(2), l'abrogation de ceci, l'abrogation de cela, et le maintien du statu quo. Car c'est au fond ce que vous demandez. Ne savez-vous donc pas que le statu quo n'est plus envisageable?

M. Culham: Une chose que -

M. Fontana: Vous n'avez encore rien proposé de constructif.

Le président: Je vais demander à M. Renwick de conclure, après quoi nous accueillerons les témoins suivants.

M. Renwick: Je pense que vous nous avez posé quelques questions très intéressantes, mais je crains que nous ne puissions vous fournir toutes les réponses que vous souhaitez, en tout cas à brève échéance. Nous allons donc devoir nous en tenir au mémoire que nous vous avons présenté.

Je voudrais toutefois revenir sur la notion de captivité, étant donné qu'il peut y avoir des degrés différents de captivité. Ainsi, ce n'est pas parce qu'une compagnie de chemin de fer vous impose d'un seul coup un tarif excessif que vous allez immédiatement tomber en faillite. En revanche, vous risquez d'être engagé sur la mauvaise pente si vous n'avez plus la possibilité d'adresser un appel de toute bonne foi à l'organisme de réglementation.

J'aimerais vous ramener à la loi précédente, lorsque les producteurs de pâte à papier de l'Ouest ont dû déposer une plainte en vertu de l'article 23. Il leur a fallu quatre ans et 15 millions de dollars de 1978 pour résoudre le problème. Je ne pense pas que l'objectif du législateur canadien soit de ramener les expéditeurs à ce genre de régime qui était absolument et complètement injuste. Ce que nous avons aujourd'hui est beaucoup plus équitable.

Il est vrai que nous avons besoin d'une industrie solide du transport ferroviaire - personne ne le conteste - mais, lorsque nous voyons les chiffres, nous constatons que les sociétés ferroviaires canadiennes sont aujourd'hui dans une bien meilleure situation que leurs homologues américaines. Ces dernières sont cependant plus rentables, ce qui montre que les sociétés ferroviaires canadiennes ont encore des problèmes à régler, mais sur le plan des coûts et non pas des tarifs. Nous priver des dispositions de la loi de 1987 nous mettrait complètement à la merci des prix abusifs des compagnies de chemin de fer.

Le président: Je vous remercie de votre résumé, monsieur Renwick. Messieurs, merci beaucoup de nous avoir présenté votre mémoire. Nous vous remercions d'être venus devant le comité.

.1620

Nous allons maintenant accueillir les représentants de la société Sultran.

Je souhaite la bienvenue à Kevin Doyle, président, et à Jim Foran, avocat.

J'aimerais avoir le silence dans la salle. Vous pouvez poursuivre vos conversations dans le couloir si vous le voulez.

M. Doyle et M. Foran, vous faisiez partie de l'organisation qui vient juste de témoigner. Je ne sais pas si vous avez l'intention de nous présenter un point de vue différent, mais je suppose que ce sera un point de vue plus focalisé. Quoiqu'il en soit, je vous invite à ne pas dépasser quinze minutes, pour que nous puissions vous poser des questions.

M. Kevin Doyle (président, Sultran Ltd.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de nous offrir la possibilité de témoigner devant votre comité pour exposer nos préoccupations sur ce projet de loi important.

Sultran Ltd., la société que je représente, est une société de service logistique appartenant aux grands producteurs de soufre du Canada. Elle fournit des services de transport et de logistique pour toutes les exportations de soufre du pays.

Le Canada produit actuellement 7,5 millions de tonnes de soufre par an, dans les provinces de l'Ouest, dont 90 p. 100 sont exportées aux États-Unis et outre-mer. Notre marché intérieur du soufre est très petit puisqu'il ne représente qu'environ 0,5 million de tonne par an.

La quasi-totalité du soufre produit au Canada est acheminée par chemin de fer sur les divers marchés du Canada et des États-Unis et, pour ce qui est des marchés d'outre-mer, par le port de Vancouver. L'industrie du soufre est captive des chemins de fer dans la mesure où chacun des plus de 50 centres de production de l'Ouest canadien n'est desservi que par une seule compagnie et qu'il n'y a quasiment aucun transport de soufre qui soit effectué autrement que par chemin de fer, à cause de l'éloignement des marchés, des grosses quantités à transporter et de la valeur marchande relativement minime du soufre.

Sultran Ltd. a appuyé les mesures prises par le gouvernement pour aider les compagnies de chemin de fer nationales à assainir durablement leurs finances. Le Canada a besoin de compagnies de chemin de fer viables et capables de réinvestir leurs profits pour améliorer leur matériel et leurs installations, afin d'assurer la prospérité à long terme des producteurs et des exportateurs de ressources naturelles. Cela dit, il est vrai que nous avons aussi besoin de compagnies de chemin de fer très compétitives et maîtrisant le plus possible leurs coûts, si nous voulons survivre sur un marché international de plus en plus difficile.

Bien que le Canada soit actuellement le troisième producteur mondial de soufre élémentaire, son marché intérieur relativement minime le rend extrêmement tributaire des exportations. Or, il y a peu de marchés étrangers de soufre, voire aucun, sur lesquels le Canada jouisse d'un avantage évident.

.1625

Le principal désavantage auquel nous faisons face lorsque nous voulons exporter résulte de l'éloignement des centres de production par rapport aux océans, éloignement qui varie entre 1 000 et 1 600 kilomètres. Plus que n'importe quel autre fournisseur de soufre au monde, le Canada est tributaire de coûts qui sont fortement influencés par les tarifs de transport ferroviaire entre les centres de production et les zones portuaires. Et cette situation vaut généralement pour tous les producteurs et exportateurs canadiens de produits issus des ressources naturelles.

S'il est vrai que les Canadiens de l'Ouest se sont montrés fort efficaces pour préserver des parts importantes de leurs marchés internationaux, ils ont eu beaucoup moins de succès sur le plan des prix. En effet, les cours des denrées exportées par le Canada, exprimés en dollars réels, ne cessent de baisser depuis plus de vingt ans. Même en dollars d'aujourd'hui, les prix à l'exportation ont augmenté moins que l'inflation pendant cette période, et le taux d'augmentation a considérablement baissé au cours des dix dernières années. On s'attend par ailleurs à ce que cette tendance lourde en matière de prix se maintienne à longue échéance, malgré des pointes ponctuelles comme celle résultant du raffermissement actuel des marchés de certaines denrées.

J'attire l'attention des membres du comité sur les statistiques de prix et de valeurs publiées mensuellement par la Banque de la Nouvelle Écosse. Ces statistiques montrent en détail les tendances à long terme dont je viens de parler. L'indice des prix d'exportation de toutes les denrées établi par cette banque montre que les prix de 1995, en chiffres réels, sans inflation, sont légèrement inférieurs à ceux de 1972. Même en tenant compte de l'inflation, l'indice révèle que les prix à l'exportation n'ont augmenté en moyenne que d'environ 1,5 p. 100 au cours des cinq dernières années.

C'est à cause de ces tendances et des réalités auxquelles nous faisons face sur les marchés étrangers que nous exprimons certaines inquiétudes au sujet du projet de loi C-101. Si ce texte n'est pas modifié pour favoriser l'instauration d'une industrie du transport ferroviaire vraiment concurrentielle, au sein de laquelle les compagnies ferroviaires et leurs clients pourront négocier des ententes de tarifs et de service à armes plus égales, le Canada risque de perdre peu à peu sa place parmi les grandes nations commerçantes, alors que c'est le contraire que nous souhaitons tous.

Jusqu'à l'adoption de la Loi de 1987 sur les Transports nationaux, la législation canadienne en matière de transport garantissait essentiellement la protection des compagnies de chemin de fer face aux dures réalités du marché, ce qui avait pour effet d'entériner des pratiques inefficientes telles que l'octroi des salaires les plus élevés de l'industrie des transports, l'acceptation de règles de travail très coûteuses, et l'offre aux cheminots de garanties d'emploi beaucoup plus généreuses que dans n'importe quel autre secteur.

Avec l'adoption de la Loi de 1987 sur les Transports nationaux, les compagnies de chemin de fer du Canada ont été obligées d'être beaucoup plus sensibles à l'incidence des forces du marché sur leurs clients. Pour rester viables, elles ont été obligées de prendre des mesures importantes de réduction de leurs coûts et d'accroissement de leur efficience. Il est crucial pour l'économie canadienne que l'on encourage les compagnies de chemin de fer à continuer dans cette voie. Hélas, sous sa forme actuelle, le projet de loi C-101 ne va pas dans ce sens.

Certes, nous pouvons accepter bon nombre des dispositions du projet, mais nous ne saurions appuyer celles qui permettraient aux compagnies de chemin de fer de renoncer à leurs mesures de réduction des coûts pour privilégier l'accroissement de leurs revenus. Si nous acceptions cette réorientation, nous constaterions une détérioration de la compétitivité du Canada sur les marchés étrangers, et l'effritement de sa réputation comme nation commerçante fiable et efficiente.

Dans l'Ouest, les compagnies de chemin de fer bénéficient d'un monopole naturel, surtout auprès des producteurs de ressources telles que le soufre, le charbon ou les denrées agricoles. La loi de 1987 visait à instaurer une sorte de concurrence structurée en offrant aux expéditeurs certains recours face aux pratiques monopolistiques. Cette loi a produit dans une certaine mesure les effets attendus, bien que les deux sociétés ferroviaires nationales aient refusé de mettre en place des prix de ligne concurrentiels.

Avec la loi de 1987, le législateur pensait que les recours offerts aux expéditeurs obligeraient les sociétés ferroviaires et leurs clients à négocier sérieusement, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant, en l'absence de toute concurrence. Il est incontestable que la loi de 1987 a connu un succès remarquable, étant donné qu'une poignée seulement de plaintes ont été adressées par les expéditeurs à l'Office national des transports au cours des huit dernières années, alors que des milliers de négociations aboutissaient de manière satisfaisante.

Aujourd'hui, avec le projet de loi C-101, le gouvernement se propose d'entraver les recours des expéditeurs, ce qui empêchera la plupart, si ce n'est la totalité, de s'en prévaloir. Je veux parler ici des paragraphes 27(2) et 34(1), ainsi que de l'article 113. Ces trois dispositions constituent des entraves très sérieuses risquant d'aboutir à des procès interminables et, éventuellement, à l'imposition de lourdes sanctions, ce qui dissuadera à toutes fins pratiques les expéditeurs d'invoquer leurs droits et renforcera les pouvoirs de monopole naturels des compagnies de chemin de fer.

Je demande au comité d'éliminer ces entraves. Rien ne prouve qu'elles soient nécessaires. Si elles demeurent dans le projet de loi, elles auront pour effet de permettre aux transporteurs d'augmenter les taux de fret imposés aux expéditeurs captifs plutôt que de chercher à réduire leurs coûts. À long terme, cela sera préjudiciable à l'économie canadienne.

.1630

Nous appuyons les dispositions du projet de loi C-101 relatives à la vente et à l'abandon de voies, même si cela risque de causer de très sérieuses difficultés à n'importe lequel des plus de 50 centres de production de notre industrie. Nous comprenons que les transporteurs ont besoin d'adapter leurs installations et leurs voies à leurs marchés.

Nous demandons au législateur d'accepter un modeste amendement pour favoriser un système de transport ferroviaire compétitif au Canada, dans l'intérêt même du Canada. Cet amendement consisterait à garantir des droits de circulation limités aux compagnies d'intérêt local. Sous sa forme actuelle, le projet de loi permettra aux grands transporteurs d'imposer absolument toutes leurs conditions à n'importe quelle compagnie de chemin de fer d'intérêt local. En conséquence, s'il ne peut y avoir d'entente avec le transporteur principal de liaison, nous pensons que le transporteur d'intérêt local devrait bénéficier de droits de circulation sur la voie principale jusqu'au point de correspondance le plus proche avec un transporteur concurrentiel. Une telle disposition aurait pour effet d'obliger le transporteur principal et les transporteurs d'intérêt local à négocier de bonne foi, dams un environnement sain et concurrentiel correspondant à l'un des principes fondamentaux de la Loi.

En conclusion, les compagnies de chemin de fer bénéficient d'un pouvoir de monopole considérable à l'égard des industries de ressources naturelles de l'Ouest canadien. Des dispositions législatives sont nécessaires pour garantir aux expéditeurs des options concurrentielles efficaces, ainsi que l'accès direct à un mécanisme de règlement des litiges par une tierce partie. Les dispositions allant à l'encontre de ces objectifs, telles que les entraves envisagées dans le projet de loi C-101, sont anticoncurrentielles et porteront préjudice à l'industrie canadienne. Elles porteront également préjudice aux investissements considérables que notre pays a réalisés dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles, de l'exportation et de l'emploi. En conclusion, j'invite le comité à envisager nos modestes propositions sous cet angle.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Doyle.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans) : Monsieur Doyle, si je comprends bien, votre compagnie est responsable du transport du soufre à partir de deux usines situées en Alberta et en Colombie-Britannique jusqu'aux terminaux côtiers de Vancouver. Est-ce Roberts Bank?

[Traduction]

M. Doyle: Non, monsieur. Le soufre de l'Alberta et de la Colombie-Britannique est acheminé aux deux terminaux du port principal de Vancouver, soit Vancouver Wharves et Pacific Coast Terminals.

[Français]

M. Guimond: D'accord. Si le projet de loi C-101 était adopté tel que proposé, est-ce que votre capacité concurrentielle pourrait en être affectée? Vous parlez dans votre texte de la déréglementation qui a eu lieu aux États-Unis. J'ai de la difficulté à saisir. Est-ce que vous avez peur de vous faire concurrencer? Est-ce qu'il serait dangereux que les Américains viennent vous concurrencer dans le domaine du transport du soufre si le projet de loi C-101 était adopté tel que proposé?

[Traduction]

M. Doyle: J'espère avoir bien compris votre question. Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, les transporteurs seront plus portés à essayer d'accroître les recettes issues du transport de nos produits qu'à négocier des taux de fret justes et équitables. À terme, cela réduira notre compétitivité. J'ajoute que cela vaut autant pour nos ventes sur les marchés d'outre-mer que pour nos ventes aux États-Unis.

[Français]

M. Guimond: Donc, là aussi, la capacité concurrentielle du Canada par rapport à celle des Américains s'en trouverait affectée, en ce sens que le Canada pourrait perdre sa troisième place ou ses parts de marché.

[Traduction]

M. Doyle: Oui, je crois que c'est exactement ce qui arrivera à terme.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président. Je voudrais juste demander quelques précisions.

Si je vous comprends bien, vos préoccupations portent avant tout sur l'accès à l'ONT, sur le paragraphe 27(2) et sur l'octroi de droits de circulation, n'est-ce pas?

M. Doyle: Oui. Nous tenons à conserver l'accès à l'Office, et nous pensons que les trois dispositions auront pour effet de réduire cet accès. Voilà pourquoi nous demandons des droits de circulation limités.

M. Gouk: Ma seule autre question concerne donc le début de votre exposé. Dans votre mémoire, vous faites surtout allusion au paragraphe 27(2), en ce qui concerne les entraves, comme vous dites, à l'accès à l'Office. J'aimerais savoir pourquoi vous ne parlez pas dans le même contexte du paragraphe 34(1) et de l'article 113. Vous en avez parlé brièvement mais vous avez surtout mis l'accent sur le paragraphe 27(2). Pourriez-vous nous indiquer brièvement quelles sont vos réserves au sujet du paragraphe 34(1) et de l'article 113?

.1635

M. Doyle: Nos réserves concernent la manière dont on pourrait interpréter la notion de plainte frustratoire. Elles concernent également la question des prix commercialement équitables et raisonnables et le fait que toute tentative d'explication de ces prix risque d'aboutir à un procès.

En fin de compte, ce sont les avocats qui risquent d'être les grands gagnants de ces dispositions plutôt que les expéditeurs ou les transporteurs, puisqu'aucune de ces notions n'est clairement définie dans le projet de loi. En outre, il n'existe aucun précédent de recours à cette terminologie. À mon sens, ces dispositions constituent des entraves extrêmement graves pour les expéditeurs.

Le président: Bob Nault.

M. Nault: Vous dites à la page 7 de votre mémoire qu'il faudrait abolir les entraves aux recours dont bénéficient les expéditeurs. Je vous cite: «Sultran perdra tout pouvoir de négociation réel avec les compagnies de chemin de fer, et l'industrie du soufre aura de plus en plus de difficulté à soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.»

Si je comprends bien, vous dites par cette phrase que la réglementation actuelle vous sert d'outil de négociation. Pourriez-vous m'expliquer en termes très simples en quoi le droit de vous adresser à l'Office renforce votre pouvoir de négociation?

M. Doyle: À mes yeux, la loi de 1987 comportait des règles destinées à forcer les parties, c'est-à-dire les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs, à négocier de bonne foi. S'il n'y avait pas de négociation sérieuse, les expéditeurs pouvaient avoir recours à l'une des dispositions relatives à l'accès concurrentiel. D'après nous, il y a dans le projet de loi C-101 des dispositions qui constitueront des entraves limitant ou abolissant l'accès à ces recours. Autrement dit, nous allons être ramenés à la période d'avant 1987, lorsque les transporteurs refusaient de négocier sérieusement avec nous.

Après l'adoption de la loi de 1987 et des dispositions relatives à l'accès concurrentiel, nous avons constaté un changement d'attitude remarquable chez les compagnies de chemin de fer, qui se sont mises à négocier sérieusement avec nous. À une exception près, nous avons réussi au cours des huit dernières années à négocier des ententes sans avoir recours à l'Office. Il ne fait aucun doute à nos yeux que l'existence de ces dispositions a fortement incité les compagnies de chemin de fer à négocier avec nous. Avant, ce n'était pas le cas.

M. Nault: Mon interprétation de la loi actuelle est que seul l'expéditeur peut s'adresser à l'Office pour se plaindre de discrimination ou pour contester les tarifs établis par une compagnie de chemin de fer. Celle-ci ne bénéficie pas du même droit.

M. Doyle: Voulez-vous parler d'avant 1987?

M. Nault: Non, je parle de la LTN de 1987. Si j'en interprète bien les dispositions, seul l'expéditeur peut s'adresser à l'ONT pour se plaindre d'un tarif ferroviaire ou d'un refus de négocier de la part d'une compagnie, n'est-ce pas?

M. Doyle: Oui.

M. Nault: Aujourd'hui, vous voulez résoudre le problème du paragraphe 27(2), qui ne vous convient pas, même si vous avez reconnu ne pas savoir ce qu'il veut dire... Je trouve extrêmement intéressant que vous vous opposiez à ce paragraphe même si vous n'en comprenez pas la portée réelle.

À mon sens, vous savez parfaitement ce que veut dire ce paragraphe, ou vos avocats le savent très bien. Sinon, vous ne viendriez pas tous ici pour le contester. Je suis convaincu que vous savez parfaitement ce que veut dire ce paragraphe et j'aimerais beaucoup que vous me le disiez.

Laissez-moi préciser ma pensée. Seriez-vous prêt à accepter que l'on élimine ce paragraphe et que l'on autorise les compagnies de chemin de fer à s'adresser elles aussi à l'Office pour se plaindre de pratiques déloyales de la part d'un expéditeur? À l'heure actuelle, seuls les expéditeurs peuvent s'adresser à l'Office, n'est-ce pas?

M. Doyle: Oui, l'interprétation générale de ces dispositions -

M. Nault: Croyez-vous qu'il serait équitable d'accorder le même droit aux compagnies de chemin de fer?

M. Doyle: Je ne sache pas que les pouvoirs des compagnies de chemin de fer soient limités à cet égard, et je ne peux donc répondre à votre question. En revanche, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que l'on devrait supprimer ces dispositions, puisque c'est ce que nous recommandons.

.1640

Nous ne voyons pas pourquoi ces dispositions figurent dans le projet de loi puisque l'expérience acquise ne les justifie aucunement. Au cours des huit dernières années, une dizaine de plaintes seulement ont été adressées à l'Office. Quels abus ont donc été commis pendant cette période pour justifier cette protection extraordinaire? Et protection contre quoi?

M. Nault: Je comprends votre inquiétude mais je dois vous dire franchement que très peu d'expéditeurs ou de représentants de compagnies de chemin de fer ont exposé en toute honnêteté au comité le sens du paragraphe 27(2).

Je vais vous dire comment je l'interprète, et vous me direz si vous êtes d'accord. Le paragraphe 27(2) permettra de vérifier si une plainte adressée à l'Office est frustratoire, étant donné que vous devrez prouver qu'un transporteur a pris des mesures commercialement préjudiciables à votre entreprise. Par exemple, dans le contexte législatif actuel - c'est à dire avant le projet de loi C-101 - vous pouvez vous adresser à l'Office si une compagnie de chemin de fer vous annonce une augmentation de tarif de 3 p. 100 et que vous jugez cette augmentation injuste et inacceptable. Par contre, avec la nouvelle définition du «préjudice important», vous risquez de ne pas pouvoir prouver qu'une hausse de 3 p. 100 de vos tarifs vous empêchera d'être efficace.

Revenons par ailleurs à votre argument que les tarifs sont élevés. Si je ne me trompe, les tarifs sont plus élevés aux États-Unis qu'au Canada, puisque les compagnies de chemin de fer américaines ont toute liberté pour les augmenter, ce qu'elles font régulièrement. N'est-ce pas d'ailleurs cela ce qui vous inquiète réellement - c'est-à-dire que les compagnies de chemin de fer puissent être autorisées à relever leurs tarifs? Croyez-vous qu'elles ne devraient être autorisées qu'à les baisser? Si tel est le cas, je suis surpris que les expéditeurs se soient exprimés en faveur de la privatisation du CN. Vous auriez dû vous y opposer et demander au gouvernement d'acquérir la pleine propriété du CN, puisque vous voulez que cette compagnie soit gérée comme un service public.

M. Doyle: Je ne vois aucune définition au paragraphe 27(2). Je me suis laissé dire que -

M. Nault: Les avocats doivent bien savoir ce qu'il veut dire.

M. Doyle: Il n'en reste pas moins qu'il y a des controverses sur son interprétation, ce qui est précisément le coeur du problème. Pourquoi adopter une disposition comportant une expression qui n'est pas définie? Personne ne peut dire avec certitude quel en est le sens, et c'est ça le problème. C'est ça qui va déboucher sur des controverses de plus en plus vives. Bien sûr, ce paragraphe nous impose un critère, même si nous ne savons pas exactement lequel, mais je n'ai encore rien vu qui prouve que ce critère soit nécessaire. S'il n'y a eu que six ou huit plaintes adressées à l'ONT en huit ans, pourquoi cette disposition est-elle nécessaire?

Les tarifs de transport représentent aujourd'hui plus de la moitié de la valeur de notre produit, et je parle ici des tarifs ferroviaires, pas du camionnage. Le camionnage représente moins de 10 p. 100 de nos frais de transport totaux, contre plus de 90 p. 100 pour le chemin de fer. Les tarifs ferroviaires appliqués au soufre sont extrêmement rentables pour les transporteurs. Dans certains cas, ils représentent plus de 100 p. 100 des coûts variables à long terme, lesquels comprennent les coûts d'investissement dans le cas des sociétés ferroviaires. Ils sont donc extrêmement rentables.

Le président: Je ne sais pas non plus qui a trouvé le mot «frustratoire». Quand je vois ce mot, j'ai l'impression de lire un article sur un club de strip-tease. Que diriez-vous si l'on remplaçait «frustratoire» par «tort considérable» ou quelque chose ayant un sens évident? Si vous pouviez faire la preuve d'un tort considérable, plutôt que d'un préjudice important ou -

M. Jim Foran (avocat, Sultran Ltd.): C'est toujours la même chose, M. Keyes. Que l'on parle de préjudice important, de tarifs commercialement équitables et raisonnables ou de plainte frustratoire, c'est l'Office qui devra rendre une décision tout à fait subjective dans chaque cas. C'est comme l'ancienne notion d'intérêt public. L'Office entend des témoins -

Le président: Quel est le problème avec cela, monsieur Foran?

M. Foran: Le problème est que l'on est passé de critères objectifs à des critères subjectifs. Prenons par exemple les prix de ligne concurrentiels en vertu de l'article 130. Il existe déjà une formule d'établissement des prix de ligne concurrentiels, fondée sur les tarifs exigés pour des produits identiques ou foncièrement similaires, dans tout le réseau ferroviaire d'une compagnie donnée. Il s'agit donc des tarifs imposés pour transporter des marchandises, et ce sont des tarifs établis au moyen de contrats confidentiels. Cela garantit des tarifs commerciaux. Pourquoi vouloir alors imposer des critères subjectifs empêchant l'expéditeur d'avoir accès à un recours intégrant ce type de formule commerciale? Ça n'a tout simplement aucun sens.

.1645

M. Fontana: Un rappel au règlement, monsieur le président. Cela ne constitue aucunement une entrave à l'accès, comme on n'a cessé de le dire au cours du dernier mois. Je sais que vous payez vos avocats fort cher pour qu'ils vous disent ce que vous voulez entendre, mais il n'en reste pas moins que notre interprétation est qu'il ne s'agit aucunement là d'une entrave à l'accès. Il s'agit en fait d'un critère s'appliquant aux correctifs éventuels et non pas d'un critère utilisé pour déterminer si vous pouvez ou non vous adresser à l'Office. Et c'est d'ailleurs le principe qu'appliquent tous les gouvernements, quel que soit leur palier, pour tout organisme quasi-judiciaire. Il s'agit de fixer les paramètres nécessaires pour conclure qu'il y a eu un préjudice important - et non pas d'un critère utilisé pour dire si vous avez le droit ou non de vous plaindre à l'Office.

M. Foran: Très respectueusement, monsieur Fontana, les dispositions du projet de loi concernant les enquêtes, les plaintes et les demandes sont toutes assujetties à des conditions. En vertu du paragraphe 27(2), des critères doivent être respectés pour qu'un correctif soit imposé. Je crois -

M. Fontana: Ce sont donc des critères s'appliquant aux correctifs.

M. Foran: Avant l'octroi d'un correctif. On peut débattre -

Le président: Ils s'appliquent au correctif et non pas au droit de le demander.

M. Foran: Voyons, croyez-vous que l'Office va se pencher sur les mérites d'une plainte sans avoir décidé auparavant qu'il y a eu une sorte de préjudice important -

M. Fontana: Nous le saurons mercredi, quand ses représentants viendront témoigner.

M. Foran: J'ai hâte de les entendre car la chose est loin d'être aussi évidente que Transports Canada voudrait le faire croire.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Nous entendons actuellement les représentants d'une compagnie, Sultran, qui s'occupe des expéditions de vingt entreprises. Si je comprends bien, celles-ci craignent que les compagnies de chemin de fer ne profitent de ce projet de loi pour leur imposer des tarifs abusifs. Vous dites également que ces compagnies réalisent actuellement d'excellents profits en transportant votre soufre. Finalement, vous affirmez que les compagnies de chemin de fer payent des salaires trop élevés et qu'elles ont des méthodes d'exploitation dépassées.

Prenons donc les choses dans l'ordre. Quelle est la proportion respective du CP et du CN dans le transport du soufre?

En outre, puisqu'on parle de privatisation du CN, envisagez-vous d'acheter des actions de cette compagnie pour être représenté à son conseil d'administration et pouvoir influer sur ses décisions, puisque cela vous en rendrait copropriétaire avec d'autres groupes industriels?

M. Doyle: Nos producteurs ont déjà du mal à trouver les capitaux nécessaires pour investir dans leur propre domaine d'activité, la production de pétrole, de gaz naturel et de soufre, et je doute donc qu'ils se mettent à investir dans un domaine qu'ils ne connaissent pas. On s'efforce de plus en plus aujourd'hui de se concentrer sur ce que l'on connaît bien, en laissant les autres s'occuper de ce qu'ils connaissent bien. Il me parait donc peu vraisemblable que nous nous mettions à investir dans les compagnies de chemin de fer.

M. Hubbard: Vous m'étonnez. À vous entendre, j'avais l'impression que vous connaissiez très bien le transport ferroviaire. Vous savez très bien ce qui ne va pas avec les compagnies de chemin de fer, vous savez combien vous contribuez à leurs profits, vous les considérez comme des alliées ou comme des ennemies - je ne sais pas vraiment mais, quoi qu'il en soit, j'avais l'impression que vous connaissiez très bien ce domaine.

M. Doyle: J'en ai évidemment une certaine connaissance puisque je collabore depuis 35 ans avec ces compagnies, mais ce n'est certainement pas suffisant pour décider d'investir dans ce secteur.

Vous avez rappelé ma déclaration que les compagnies ferroviaires réalisent de très gros profits dans le transport du soufre. À mon avis, c'est tout à fait incontestable. Elles gagnent beaucoup d'argent avec le transport du soufre, et souvent beaucoup plus que les producteurs eux-mêmes.

M. Hubbard: Parlons de vos propriétaires, qui sont Dow Chemical, Home Oil, Husky Oil, Imperial Oil, Chevron et PanCanadian. Ce ne sont pas des acteurs sans importance sur la scène économique canadienne. Ce sont au contraire certaines des plus grosses entreprises de notre pays, et vous dites qu'elles ont de mauvaises relations avec les compagnies ferroviaires?

M. Doyle: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'elles se battent pour trouver des capitaux. N'oubliez pas que c'est une industrie qui a mis à pied près de 35 000 personnes au cours des dix dernières années en Alberta et en Colombie-Britannique pour essayer de réduire ses coûts de production. Certes, ce sont de grosses entreprises, mais elles doivent aussi se battre sur des marchés extrêmement difficiles. Il y a d'ailleurs eu beaucoup de prises de contrôle, toutes destinées à améliorer les paramètres économiques des entreprises.

Le président: Madame Cowling.

.1650

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je serai très brève, monsieur le président. Ma question porte sur l'incidence globale du projet de loi C-101. Pouvez-vous me dire si vous appuyez ou non l'objectif général du projet de loi?

M. Doyle: Sur les 283 dispositions, seulement trois ou quatre font l'objet de réserves importantes de notre part. Nous avons déjà indiqué publiquement que nous appuyons l'objectif général du projet de loi. Nous savons bien pourquoi la plupart de ces dispositions sont nécessaires. Donc, de manière générale, nous appuyons le projet de loi.

Mme Cowling: Merci beaucoup.

M. Gouk: Je voudrais revenir sur les remarques faites par le secrétaire parlementaire, notamment sur l'idée, formulée par M. Nault, qu'il doit bien y avoir quelque part un avocat qui comprenne les termes employés dans les dispositions critiquées. Le problème est que chaque avocat va produire sa propre interprétation.

À mon avis, les témoins ont parfaitement bien exposé la situation en disant que l'on va passer de critères objectifs à des critères subjectifs. C'est cela qui les inquiète. Si M. Nault s'imagine que tous les avocats vont arriver à la même interprétation, c'est sans doute qu'il ne vit pas dans le même monde que nous.

Le président: Allez-vous donc proposer un amendement concernant précisément les avocats...?

Monsieur Fontana, pour une dernière question.

M. Fontana: Pourriez-vous me dire si Sultran négocie avec les compagnies ferroviaires usine par usine, ou pour toutes les usines d'un seul coup?

M. Doyle: Nous négocions avec les compagnies de chemin de fer au nom de nos producteurs, usine par usine. Nous n'avons pas nécessairement la même position pour chaque usine. Tout dépend des paramètres économiques en cause.

M. Fontana: Est-ce que Sultran transfère certains chargements d'un point à un autre ou d'une société ferroviaire à une autre pour mieux répondre aux besoins des consommateurs, ou pour...

M. Doyle: La structure de propriété de nos entreprises est relativement complexe. Dans certaines usines, nous pouvons avoir une dizaine de propriétaires, ce qui peut entraîner des transferts de marchandises entre producteurs. Mais Sultran n'a rien à voir avec cela. Notre rôle est d'assurer le transport des marchandises vers les clients, selon les instructions des producteurs.

M. Fontana: Quelle est donc la proportion de la production qui est acheminée par Sultran?

M. Doyle: Sultran s'occupe de la totalité des exportations, ce qui représente environ 5 millions de tonnes par an. Cela peut varier d'une année à l'autre.

Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup de votre témoignage devant le comité. Merci, monsieur Doyle.

Nous accueillons maintenant les représentants du Conseil des industries forestières.

Comme disait un jour Yogi Berra, c'est déjà vu qui recommence encore une fois. Messieurs Renwick, Culham, Foran et Black, je vous souhaite la bienvenue.

M. Robert Renwick (consultant en logistique, Conseil des industries forestières): Je dois d'abord vous présenter les excuses du président du comité des transports du Conseil des industries forestières, qui n'a pas pu nous accompagner à cause d'un problème familial. Je remplace M.Knut Bjorndal, du groupe Weyerhaeuser de Kamloops, qui aurait dû présenter notre mémoire.

.1655

Nous vous remercions de nous donner la possibilité de témoigner devant votre comité au sujet du projet de loi C-101. Nous n'avons pas l'intention de lire notre mémoire, qui a été envoyé au comité, mais nous pourrons répondre à toute question que vous pourriez poser à son sujet.

Avant de faire une brève déclaration, je voudrais vous présenter les membres de notre comité: M. Jim Black, de MC Forest Products Incorporated de Vancouver, Colombie-Britannique; M. Tom Culham de Wildwood of Canada, également de Vancouver; M. James Foran, notre conseiller juridique qui fait partie du cabinet Aikins MacAulay & Thorvaldson, de Winnipeg, au Manitoba.

Je m'appelle Bob Renwick et je suis conseiller en logistique du Conseil des industries forestières. Auparavant, j'étais vice-président du secteur du transport des pâtes et papiers de Canadian Forest Products Ltd. de Vancouver.

Tout le monde ici sait ce qu'est la concurrence. Dans l'industrie forestière, comme dans les autres industries des ressources naturelles, on parle beaucoup de concurrence. Savons-nous cependant le lien qui existe entre la concurrence et les transports? Pour comprendre ce lien, il vaut la peine de sortir un instant du monde commercial pour se pencher sur nos processus démocratiques et politiques.

Chacun convient que l'un des principes fondamentaux de notre processus politique et démocratique est celui du choix - la possibilité de choisir un parti politique ou un député. Le choix est un droit fondamental en démocratie.

Si le choix est fondamental sur le plan démocratique, il l'est aussi sur le plan commercial. Dans notre vie quotidienne, nous tenons à avoir un choix entre plusieurs options. Cela nous parait évident et c'est un droit que nous tenons pour acquis. Si nous apprenions un jour qu'il n'y a plus qu'un seul fabricant d'automobiles, une seule chaîne d'épicerie ou un seul fabricant de meubles, nous serions tous profondément choqués. L'idée de choix est tellement ancrée dans nos habitudes que nous sommes rarement sensibles aux avantages que nous en retirons, par exemple celui de pouvoir choisir le produit répondant le mieux à nos besoins, en ayant un choix entre plusieurs fournisseurs concurrents désirant nous offrir leurs produits au meilleur prix possible. Les bienfaits qui résultent de notre possibilité de choisir ne sont pas nécessairement évidents. Les producteurs sont obligés de faire preuve d'innovation et d'être plus productifs afin d'attirer des clients qui risqueraient, sinon, de préférer un autre fournisseur.

Nous insistons sur cette caractéristique de notre société parce que les membres de l'industrie forestière connaissent fort bien les deux côtés de la barrière. Avant 1988, nous étions nombreux à être tributaires d'une seule compagnie de chemin de fer. De ce fait, nous étions obligés d'accepter les prix et les services qu'elle était prête à nous offrir. Les personnes qui m'accompagnent n'auront aucun mal à vous dire ce que cela signifiait pour elles. En tant que clients, nous avions fort peu de pouvoirs à l'égard des prix ou des services, parce que nous n'avions pas de choix. Sachez bien, monsieur le président, que nous ne voulons pas revenir à cette situation.

Nous ne vous demandons qu'une seule chose: un minimum de choix dans l'industrie du transport ferroviaire. Toutes nos recommandations sont axées sur cet objectif.

Le Conseil des industries forestières représente 200 producteurs de Colombie-Britannique et d'Alberta qui produisent, en valeur financière, plus de 90 p. 100 des produits forestiers fabriqués dans ces provinces. Je parle ici de produits du bois, de contreplaqué, de pâtes et papiers et de divers types d'agglomérés. L'an dernier, nos exportations ont atteint près de 16 milliards de dollars. Notre industrie emploie directement près de 115 400 personnes et elle est à l'origine d'environ 750 000 emplois indirects en Alberta et en Colombie-Britannique.

Nos produits forestiers sont destinés à des marchés extrêmement compétitifs, et les frais de transport ont donc une incidence considérable sur notre accès à ces marchés. Nos membres sont fortement tributaires du rail et ont donc besoin d'un réseau de transport ferroviaire compétitif pour obtenir des services efficients.

Les membres du Conseil des industries forestières ont vigoureusement appuyé la LTN de 1987, qui ouvrait le transport ferroviaire à la concurrence. L'interconnexion étendue, les prix de ligne concurrentiels et l'arbitrage ont fourni aux membres du Conseil des industries forestières de nouvelles options compétitives qui leur ont permis de chercher de nouveaux marchés et de mieux desservir leurs marchés existants. Plus important encore, ces dispositions ont donné à nos membres un certain pouvoir de négociation face aux compagnies de chemin de fer en matière de tarif et de service. Au cours des huit dernières années, nos membres sont parvenus à négocier des ententes avec les compagnies de chemin de fer dans la quasi-totalité des cas. En conséquence, nous croyons que la loi de 1987 nous a été utile, et qu'elle l'a été aussi à l'Ouest canadien dans son ensemble, dont l'économie dépend fortement des ressources naturelles.

.1700

Nous partageons les conclusions auxquelles était parvenu le comité permanent des transports il y a seulement deux ans, lorsqu'il déclarait, au sujet des dispositions d'accès concurrentiel, suite à l'analyse du rapport de la Commission d'examen sur la Loi sur les Transports nationaux:

Nous ne voyons aucune raison de changer d'avis aujourd'hui. En conséquence, nos membres s'opposent aux dispositions du projet de loi C-101 qui auraient pour effet de modifier cet équilibre au profit d'un pouvoir monopolistique.

Nous savons que vous avez beaucoup entendu parler des paragraphes 27(2) et 34(1) ainsi que de l'article 113 pendant vos audiences publiques. Ces dispositions sont toutes destinées à éliminer les options dont nous bénéficions actuellement en tant qu'expéditeurs. Nous vous demandons de faire en sorte que les options concurrentielles offertes aux expéditeurs en vertu de la LTN de 1987 ne soient ni modifiées ni détruites par l'adoption de ces dispositions du projet de loi. Il ne fait aucun doute, monsieur le président et membres du comité, que les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113 auront pour effet d'éliminer ou de réduire considérablement nos possibilités de choix s'ils sont conservés. En conséquence, nous vous demandons d'en recommander l'abolition.

Avant de passer à une autre question, monsieur le président, je voudrais faire quelques remarques sur un sujet connexe. Nous avons beaucoup entendu parler du fait qu'il y a toujours dans le projet de loi les dispositions relatives au niveau de service. Nous nous en réjouissons, certes, mais nous tenons à souligner que ces dispositions seront considérablement atténuées si l'Office n'a plus le pouvoir d'accorder une injonction provisoire à l'expéditeur qui ne parvient pas à obtenir de matériel adéquat là où il en a besoin. L'article 43 de la LTN de 1987 donnait ce pouvoir aux expéditeurs, mais on ne le retrouve pas dans le projet de loi C-101.

Si un expéditeur ne peut recevoir de matériel adéquat pour assurer le transport de ses produits, il ne va certainement pas attendre trois ou quatre mois pour obtenir de l'Office une ordonnance obligeant la compagnie de chemin de fer à le lui fournir. C'est immédiatement qu'il a besoin du service. L'injonction provisoire donne à l'Office le pouvoir d'octroyer un recours immédiat à l'expéditeur, sous réserve d'un réexamen de la question après avoir entendu toutes les parties concernées. Ce mécanisme est crucial pour garantir à l'expéditeur un minimum de pouvoir de négociation en matière de prestation de services adéquats par les compagnies de chemin de fer. Nous vous implorons de recommander l'inclusion d'une telle disposition dans le projet de loi.

Le droit de choisir serait également renforcé par deux autres amendements qui ne devraient susciter aucune controverse. Premièrement, il s'agirait de modifier la définition des mots «lieu de correspondance» et «interconnexion», de façon à en éliminer toute référence à la propriété des lignes de chemin de fer et à garantir que les marchandises peuvent être transférées lorsque deux services ferroviaires sont fournis au même lieu de correspondance, quel que soit le propriétaire de la voie utilisée par les trains. Nous ne voyons aucune raison de ne pas apporter cette modification au projet de loi.

Deuxièmement, Transports Canada a souvent déclaré que le projet de loi permettra à l'expéditeur utilisant une compagnie ferroviaire d'intérêt local de conserver l'accès à des prix de ligne concurrentiels et à une interconnexion élargie sur les voies fédérales restantes. Nous vous demandons de modifier le projet de loi pour indiquer explicitement dans les dispositions relatives aux PLC et à l'interconnexion que le point de jonction d'une voie fédérale et d'une voie provinciale sera considéré comme un point d'origine ou de destination dans ce contexte. Sans cette modification, la politique ne pourra être appliquée de manière efficace.

On pourra également rehausser considérablement la compétitivité en octroyant des droits de circulation limités aux compagnies de chemin de fer provinciales. Cela leur permettra de quitter la voie fédérale à laquelle elles sont reliées, afin d'emprunter un autre transporteur fédéral au lieu de correspondance le plus proche.

Comme les expéditeurs, les compagnies de chemin de fer d'intérêt local ont besoin d'un minimum de pouvoir de négociation pour conclure des ententes commerciales satisfaisantes. Nous sommes attristés de constater que le CN et le CP vous recommandent d'établir un régime leur permettant de vendre des voies ferrées tout en s'emparant en même temps des marchandises qui y sont transportées.

Si l'un de nos membres vend une partie de son entreprise à une autre société, il s'attend à ce que l'acheteur lui fasse concurrence dans son secteur d'activité. C'est là une réalité incontournable des marchés libres. Maintenir une compagnie de chemin de fer d'intérêt local captive d'une compagnie fédérale à laquelle elle est reliée ne serait pas conforme à la réalité des marchés contemporains et ne contribuerait aucunement à l'instauration d'un régime de transport ferroviaire compétitif au Canada. De plus, ce ne serait pas conforme aux intérêts des compagnies d'intérêt local ou des expéditeurs desservis par ces compagnies.

Nous estimons que notre recommandation concernant l'octroi de droits de circulation limités est à la fois réaliste et raisonnable, et nous vous demandons d'en demander l'intégration au projet de loi. Précisons au demeurant que cela ne devrait pas être considéré comme un compromis par rapport aux dispositions concernant le niveau du service. Ces dispositions correspondent à un objectif important qui est tout à fait distinct de l'octroi de droits de circulation aux compagnies provinciales d'intérêt local. Il ne faudrait donc certainement pas renoncer à l'un pour obtenir les autres.

Il est extrêmement important, monsieur le président, d'abolir la notion «d'intérêt public» des dispositions du projet de loi concernant les droits de circulation fédéraux. En effet, ce critère rendra beaucoup plus difficile l'obtention d'ordonnances sur les droits de circulation, ce qui irait à l'encontre des déclarations de Transports Canada voulant que la notion d'intérêt public soit prise en considération par les élus du peuple et non pas par l'Office.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité d'exposer notre point de vue sur le projet de loi C-101. Nous sommes convaincus que nos recommandations favoriseront l'instauration d'un régime de transport ferroviaire compétitif au Canada et permettront d'éviter toute perturbation du régime au sein duquel fonctionnent nos membres depuis huit ans.

.1705

Si les compagnies de chemin de fer veulent être plus efficientes, elles devraient le faire en réduisant leurs coûts et en rehaussant leur productivité. Le projet de loi C-101 sera extrêmement bénéfique aux compagnies de chemin de fer dans la mesure où il permettra de rationaliser le réseau de voies ferrées et d'abolir certains règlements bureaucratiques dépassés. Conjugué à la réforme de la législation du travail, qui est déjà bien engagée, ce projet de loi donnera aux compagnies de chemin de fer nationales du Canada l'assurance qu'elles pourront devenir beaucoup plus rentables.

Nos membres ne sauraient cependant accepter que cet accroissement de rentabilité résulte du renforcement du pouvoir de monopole des compagnies de chemin de fer. Une telle orientation aboutirait en effet à la hausse des taux de fret, ce qui serait extrêmement préjudiciable à notre compétitivité, à nos investissements et à nos employés.

Le Canada est beaucoup trop tributaire des exportations pour risquer de porter atteinte à sa compétitivité nationale en renforçant les pouvoirs de monopole des compagnies de chemin de fer. C'est pourquoi il importe que vous éliminiez du projet de loi les obstacles à l'accès à l'Office.

Le Canada a besoin de plus de concurrence, pas de moins. Nous estimons que les amendements que nous proposons au sujet du projet de loi C-101 nous feront largement avancer dans cette voie et c'est pourquoi nous vous recommandons de les accepter.

Le président: Merci, monsieur Renwick. Vous pourrez dire à M. Bjorndal qu'il n'avait aucune inquiétude à avoir puisque vous vous êtes parfaitement acquitté de votre tâche. Nous vous remercions d'avoir fort bien exposé votre point de vue et celui de votre organisation.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Nous avons déjà discuté de ces trois dispositions avec ces personnes. Je voudrais donc m'en tenir maintenant à l'article 138, concernant les droits de circulation pour les compagnies d'intérêt local.

Je viens de connaître ce genre de situation dans ma propre circonscription. Slocan Forest Products est un expéditeur primaire sur la voie ferroviaire locale. Dans le passé, si les compagnies de chemin de fer voulaient abandonner une voie - et je ne leur reproche rien à ce sujet car c'était comme cela que fonctionnait le système - elles devaient montrer que l'exploitation de cette voie leur causait des difficultés financières. De ce fait, elles cessaient de l'entretenir pour qu'elle se détériore peu à peu. Je ne veux pas dire que les normes de sécurité n'étaient pas respectées mais simplement que l'entretien était des plus sommaires, ce qui veut dire qu'au bout de quelques mois la voie et les traverses étaient en mauvais état et que l'on voyait pousser des arbres, pas des mauvaises herbes, entre les traverses. Disons que c'était un entretien vraiment minime.

En même temps, la compagnie «décommercialisait» la voie, c'est-à-dire qu'elle négociait un contrat confidentiel de camionnage très avantageux avec l'expéditeur, dans le cas présent Slocan Forest Products, jusqu'à un centre de transfert construit spécialement à Nelson. Cela veut dire que nous perdions notre voie de chemin de fer et que nous étions obligés de chercher d'autres solutions.

Si nous établissons des droits de circulation pour les voies locales, les compagnies de chemin de fer vont dire qu'elles risquent d'être obligées d'offrir à la compagnie à qui elles vendraient une voie d'intérêt local le droit de transporter les marchandises de l'ancien client sur leurs propres voies, à des tarifs qui ne seraient pas nécessairement satisfaisants et dans des conditions risquant de perturber leurs propres activités. De ce fait, au lieu de donner l'ancien client au nouveau concurrent, la compagnie de chemin de fer risque de vouloir revenir à l'ancienne méthode, c'est-à-dire laisser la voie se détériorer. Elle va la décommercialiser et chercher d'autres solutions, après quoi elle mettra la voie en vente, mais en sachant très bien que personne ne voudra la racheter.

Comment pensez-vous empêcher cela si l'on adopte ce que vous recommandez au sujet des droits de circulation pour les compagnies locales?

M. Tom Culham (membre du Conseil des industries forestières): Ce que vous dites, c'est que vous voulez remettre une franchise actuelle à une compagnie de chemin de fer de l'avenir. Dans l'exemple que vous venez de donner, rien n'empêchera une autre compagnie de camionnage d'offrir ses services à Slocan en allant livrer ses marchandises ailleurs. Autrement dit, rien n'empêchera la concurrence de s'établir sur nos marchés, et rien ne devrait l'empêcher dans le secteur du transport ferroviaire.

Dans notre secteur, c'est une réalité à laquelle nous faisons face tous les jours. Quand je vends de la pâte à papier à un client, celui-ci peut fort bien choisir de s'approvisionner ailleurs le lendemain. Je n'y peux rien. Prétendre que l'on devrait consentir une franchise absolue aux compagnies de chemin de fer, c'est-à-dire un pouvoir de monopole, n'est absolument pas justifié à nos yeux.

M. Gouk: Dans le cas dont je viens de parler, il s'agissait du CP. Je ne parle pas d'une situation où l'on aurait pu avoir recours à une compagnie de chemin de fer différente. C'est toujours le CP qui était là pour fournir le service, et j'aurais bien aimé avoir accès à une compagnie d'intérêt local pour lui faire concurrence.

.1710

Une dernière question. Cet été, j'ai discuté avec des représentants d'expéditeurs et de la compagnie de chemin de fer. Ceux de la compagnie de chemin de fer m'ont dit une chose très intéressante. À leur avis, les compagnies d'intérêt local ne veulent pas de cette disposition. Cependant, ont-ils ajouté, je n'avais pas à les croire sur parole, je pouvais aller le leur demander moi-même, ce que j'ai fait. Et, surprise, je n'ai trouvé qu'une seule compagnie d'intérêt local qui souhaitait obtenir ce droit. Toutes les autres, et j'en ai contacté plusieurs, m'ont dit qu'elles ne le voulaient pas. Que pouvez-vous répondre à cela?

J'aime bien le nouveau processus d'abandon des voies car il nous permettra peut-être de sauver certaines des voies que l'on risquait de perdre. C'est l'une des choses qui me plaisent au sujet de ce projet de loi. Il y a beaucoup de choses que je n'aime pas, tout comme vous, mais il y a au moins cette chose-là qui me convient. J'aimerais cependant savoir comment vous réagissez à l'affirmation que nous risquons d'aller à l'encontre de notre objectif de préservation des voies, tout au moins sous forme de voies locales, en ramenant les compagnies de chemin de fer dans l'ancien régime d'abandon des voies.

M. Culham: Je dois vous dire tout d'abord que nos appuyons les dispositions du projet de loi concernant l'abandon des voies. Il nous semble en effet crucial que les compagnies puissent se débarrasser des voies inutiles. Ceux qui disent que notre attitude est négative ne tiennent pas compte du fait que nous appuyons cet aspect du texte. Dès nos premières discussions avec Transports Canada, nous avons dit qu'il nous semblait nécessaire que les compagnies puissent gérer correctement leurs coûts, et ce mécanisme est l'une des méthodes pertinentes.

Toutefois, le droit d'abandonner un marché doit nécessairement s'accompagner du droit pour quelqu'un d'autre d'y entrer. Autrement dit, si vous permettez à une compagnie d'abandonner un marché, vous devez permettre à une autre de venir s'y établir si elle le souhaite, et de négocier avec le transporteur existant.

Je crois que Jim veut apporter des précisions.

M. Jim Black (membre du Conseil des industries forestières): Il ne faut pas oublier que nous allons établir des règles qui s'appliqueront pendant longtemps. Ce ne sont pas des règles qu'on va pouvoir changer dans deux ou trois ans. Or, ces règles constituent un changement spectaculaire dans tout l'Ouest et l'Est du Canada, dans la mesure où les compagnies existantes pourront abandonner des voies et où de nouvelles compagnies d'intérêt local pourront les remplacer.

Dans notre cas, au nord de l'Alberta, la Alberta Pacific Pulp Mill se trouve à environ douze heures de chemin de fer d'Edmonton. À l'avenir, si cette voie devenait une voie d'intérêt local, nous ne voudrions certainement pas que nos options soient limitées.

Le président: Merci, Jim. Ces nouvelles règles ne s'appliqueront pas nécessairement pendant très longtemps, M. Black. La loi de 1987 n'aura duré que sept ans.

M. Black: Je sais...

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Je voudrais juste demander une précision, monsieur le président. Pourriez-vous nous donner une idée du nombre d'entreprises de l'Ouest qui sont complètement captives des chemins de fer? Autrement dit, quelles sont celles qui n'ont absolument aucun autre moyen de transport que le rail?

M. Black: M. Renwick va vous donner des chiffres à ce sujet.

Je voudrais ajouter quelque chose d'autre.

M. Hubbard: Vous pouvez nous donner des chiffres ou des exemples.

M. Renwick: Cela varie, monsieur Hubbard. En Colombie- Britannique, 76 p. 100 de nos entreprises sont captives. Cette proportion se répartit comme suit: dans la région côtière, bon nombre d'entreprises ne sont desservies par aucune des compagnies de chemin de fer et utilisent le transport par eau. Elles ne sont donc pas captives du tout. Dans l'ensemble, on peut dire qu'il n'y a environ que 40 p. 100 des entreprises de cette région qui sont captives. Quand on avance vers l'intérieur de la province, dans la moitié sud, la proportion peut monter jusqu'à 59 p. 100. Dans le centre et le nord, on atteint 93 p. 100. En Alberta, l'industrie des pâtes et papiers est à 95 p. 100 captive d'une seule compagnie ferroviaire nationale.

M. Hubbard: Puis-je vous interrompre un instant? Pour moi, une entreprise est captive lorsqu'elle n'a même pas accès au transport routier.

Des représentants des provinces sont venus exprimer leur vive inquiétude devant le fait qu'il y a tant de marchandises lourdes qui sont transportées par la route, ce qui endommage considérablement la voie et coûte cher aux provinces et aux municipalités. Nous avons également entendu des compagnies de chemin de fer nous dire que des entreprises situées à proximité d'une voie ferrée n'utilisent cette dernière que pour environ 10 p. 100 du total de leurs besoins. Le reste est acheminé par camion parce que les camions pratiquent des tarifs plus avantageux que le rail. En fait, les compagnies de chemin de fer ne maintiennent le service que pour préserver la concurrence, c'est-à-dire pour obliger les compagnies de camionnage à maîtriser leurs coûts.

.1715

Pour ce qui est des expéditeurs, quand considérez-vous qu'ils sont vraiment captifs? Deuxièmement, êtes-vous préoccupé par les frais de camionnage et croyez-vous que ces frais sont assumés par le grand public - par les propriétaires d'automobiles lorsqu'ils financent la réparation des routes? Autrement dit, reconnaissez-vous que votre industrie n'assume pas vraiment les frais réels du camionnage?

Que répondez-vous à ces deux questions concernant les expéditeurs captifs et les coûts réels du camionnage?

M. Renwick: Je vais essayer de vous expliquer ce que nous entendons par un expéditeur captif. En effet, quand nous utilisons cette notion, nous parlons d'expéditeurs qui sont totalement captifs, c'est-à-dire qui sont établis dans des régions isolées où ils peuvent peut-être avoir accès à quelques camions mais pas à beaucoup.

Dans certains cas - et je termine ici ce que je disais sur l'Alberta - l'industrie des pâtes et papiers est captive à 95 p. 100 d'un seul transporteur ferroviaire national. En ce qui concerne les producteurs d'aggloméré et de contreplaqué, ils sont captifs à environ 70 p. 100. Pour ce qui est du bois d'oeuvre, la situation peut varier beaucoup car des quantités importantes de bois d'oeuvre sont acheminées par camion de la scierie d'origine jusqu'à un centre de transfert ferroviaire. L'acheminement sur le marché se fait ensuite par le rail à cause des longues distances à parcourir. Il y a certaines scieries du nord de l'Alberta qui font transporter leur bois d'oeuvre et, dans une certaine mesure, leur contreplaqué par camion jusqu'à un centre de transfert parce que les compagnies de chemin de fer refusent de faire concurrence aux tarifs compétitifs du camionnage. Si elles acceptaient de relever le défi, une partie non négligeable de ce bois d'oeuvre serait probablement transportée par rail depuis la scierie.

Je ne peux vous donner de chiffres précis aujourd'hui. De toutes façons, nous ne pensons pas qu'il soit très important de donner des chiffres parfaitement exacts. Ce qui compte, c'est qu'une partie importante de l'industrie soit captive. Voilà ce qui arrive avec le régime dans lequel ces gens fonctionnent.

M. Hubbard: Pourriez-vous donner au comité une liste des 25 principales usines qui sont complètement captives d'une compagnie de chemin de fer?

M. Renwick: Permettez-moi de vous dire, monsieur, que l'expression «complètement captives» mérite d'être précisée. Prenez le cas d'un camionneur qui vient proposer un jour à une scierie de transporter son bois d'oeuvre, en offrant son service une fois par mois. Pour nous, la scierie serait encore complètement captive du rail, malgré la présence de ce camionneur.

Pour ce qui est de -

M. Hubbard: Vous n'allez pas essayer de me faire croire que, dans un pays comme le nôtre où circulent tant de poids lourds à 18 ou 24 roues, les routes ne sont pas assez bonnes pour -

M. Culham: Comprenez cependant que plusieurs milliers de kilomètres nous séparent des marchés. De fait, l'éloignement moyen des marchés est de l'ordre de 2 600 kilomètres. Il serait inconcevable de transporter par camion sur 2 600 milles toute la production de pâte à papier de l'usine de Hinton. Ce serait tout simplement impossible. Et la même chose vaut pour le bois d'oeuvre.

La très grosse majorité de nos expéditions se fait par le rail jusqu'à la destination finale. Certes, il peut y avoir du camionnage au départ mais, à toutes fins pratiques, c'est le rail qui sert à transporter la majeure partie de la production locale.

M. Hubbard: C'est parce que le rail est le moyen de transport le meilleur marché auquel vous ayez accès. L'Île-du-Prince-Édouard envoie chaque année 12 000 chargements de pommes de terre dans les provinces du centre mais elle n'a pas de service ferroviaire. Le Nouveau-Brunswick envoie la majeure partie de sa production vers le centre du Canada ou le long de la côte atlantique au moyen de camions, et il est sans doute aussi captif que vous. Venant des provinces maritimes, j'ai quelques difficultés à accepter votre notion de captivité.

M. Black: Il y a dans le nord de l'Alberta la nouvelle usine de la compagnie Alberta Pacific, qui produit 1 500 tonnes de pâte de bois par jour. Croyez-moi, il n'y a pas assez de camions dans la région pour transporter toute sa production, et je ne parle même pas ici des paramètres économiques du camionnage. Que faudrait-il faire si on devait utiliser des camions? On s'en servirait pour aller jusqu'à Edmonton, après quoi on aurait recours au rail. S'il y a un camion par an qui fait concurrence à 4 000 wagons, je crois pouvoir dire que nous sommes captifs.

M. Culham: Ce débat met en lumière certaines des préoccupations que nous avons également au sujet des critères. Il y a quelques années, en vertu de la loi antérieure, Domtar a dû attendre sept ans pour savoir si elle était captive ou non d'une compagnie de chemin de fer. En fin de compte, l'ONT a fini par décider qu'elle l'était. Malheureusement, Domtar a dû payer très cher et attendre fort longtemps pour obtenir ce jugement. Si je me souviens bien, elle avait dit que seulement 1 p. 100 du volume qu'elle expédiait était acheminé par camion.

Mon argument est que c'est l'expéditeur lui-même qui devrait décider s'il est captif ou non, et pas un organisme quasi judiciaire. Sans parler de sept ans, vous conviendrez qu'attendre ne serait-ce que cinq mois pour obtenir une décision serait totalement inacceptable pour des entreprises qui doivent quant à elles prendre des décisions au jour le jour. Envisager que cette question de captivité soit décidée par votre comité ou par un organisme quasi judiciaire n'aurait donc aucun sens à nos yeux. C'est le client lui-même qui est seul capable de décider s'il est captif ou non, c'est-à-dire s'il obtient ou non le service dont il a besoin.

.1720

M. Hubbard: Mais c'est le client qui décidera. Nous allons mettre en place une sorte de système de paiement des frais par l'usager, dans lequel le client et le fournisseur du service décideront ensemble. J'ai du mal à accepter l'idée que ce soit le client qui puisse décider seul. Évidemment, les expéditeurs aimeraient sans doute détenir ce pouvoir, à titre de consommateurs -

M. Culham: Mais c'est vrai à 90 p. 100 au moins. Répétons-le, il y a eu à peine huit plaintes qui ont été portées devant l'Office au cours des huit dernières années. Nous en revenons toujours à la même chose: qu'est-ce qui peut justifier que l'on établisse ces critères et cette notion de captivité alors que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer ont réussi pendant huit ans à négocier de manière satisfaisante? Nous ne comprenons tout simplement pas.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président. Ma question fait suite à celle de mon collègue, comparant les Maritimes aux provinces de l'ouest. Croyez-vous que le transport des marchandises à partir des deux régions soit comparable? Sinon, pourquoi?

Ma deuxième question concerne le camionnage. Lorsque vous utilisez des camions pour transporter votre production, c'est sur quel genre de routes? Quel est l'état des routes? S'agit-il d'autoroutes asphaltées, de routes principales ou de routes en gravier?

M. Black: Comme je l'ai dit, nous sommes à plus de 200 kilomètres au nord d'Edmonton. En Alberta, les routes sont relativement bonnes. Évidemment, quand il fait -20 et qu'il y a beaucoup de vent, ce n'est pas toujours facile. Il n'y a pas beaucoup de wagons vides qui attendent à notre porte qu'on les charge de pâte à papier. Il n'y a pas beaucoup de produits d'épicerie qui ne sont pas acheminés dans la région dans des petits fourgons. Pendant la grève des chemins de fer, nous avions calculé qu'il faudrait 80 fourgons de train super-B par jour simplement pour transporter la pâte à papier jusqu'à Edmonton. Nous sommes dans une région très isolée.

Évidemment, nous avons du bon matériel à notre disposition si nous sommes prêts à transporter de petites quantités. C'est quelque chose que nous pourrions faire si nous avions un marché local.

Hélas, nous n'en avons pas. Nos marchés sont des marchés d'outre-mer, desservis par le port de Vancouver, des marchés américains desservis par Wisconsin, au Minnesota, ou des marchés de l'extrême Nouvelle Angleterre. Nous avons donc de très longs trajets à parcourir pour acheminer notre production sur les marchés à partir de l'Ouest canadien. La situation est bien différente dans l'Est. Si vous vous trouvez à Thunder Bay, vous n'avez pas loin à faire pour acheminer quelque chose à Wisconsin. De fait, vous avez un marché local quasiment à votre porte. De même, si vous êtes au Québec, vous n'avez pas loin à faire pour aller en Nouvelle Angleterre.

M. Fontana: Je voudrais intervenir, monsieur le président. Je ne le fais avec aucun plaisir car il s'agit d'une question de droit et d'interprétation. Je vous invite à lire le paragraphe 28(2).

En vertu de ce paragraphe, l'Office pourra émettre des ordonnances provisoires, sous réserve, bien sûr, de prendre contact avec les parties auxquelles elles s'appliqueront. Avec les moyens de communication d'aujourd'hui, cela ne devrait poser aucun problème. Dans le temps, à l'époque des diligences, cela aurait été plus difficile. Aujourd'hui, avec les télécopieurs, ce sera très facile. Je ne vois donc vraiment pas quel gros problème peut poser ce paragraphe 28(2).

M. Renwick: Pourriez-vous me donner un instant...

.1725

M. Jim Foran (avocat, Conseil des industries forestières): À mon avis, monsieur Fontana, il est douteux que ce paragraphe donne à l'Office le pouvoir d'émettre des injonctions. D'après moi, le législateur envisage plutôt que l'Office émette une ordonnance après avoir tenu une audience. Au lieu d'être définitive elle serait provisoire.

En vertu de l'ancien article 23, dans l'affaire du colza par exemple, l'Office avait tenu de longues audiences, qui avaient duré plusieurs mois, et il avait fini par émettre une ordonnance provisoire parce qu'il voulait évaluer l'incidence de celle-ci sur les tarifs. Si je me souviens bien, c'était le paragraphe 40(3) qui lui donnait ce pouvoir d'émettre des injonctions. Hélas, cette disposition ne se trouve pas dans le nouveau projet de loi.

Je ne suis donc pas du tout certain, monsieur, que le paragraphe 28(2) donne à l'Office le pouvoir d'émettre des injonctions.

M. Fontana: Comment se fait-il que j'avais prévu votre réponse, Jim? Nous sommes évidemment en désaccord sur ce point. Merci.

Le président: Messieurs, je vous remercie sincèrement d'être venus témoigner devant notre comité.

Nous allons maintenant inviter les représentants du Réseau canadien des corridors Verts. Doug Franklin, je vous souhaite la bienvenue devant le comité. Pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent puis faire votre exposé, après quoi nous vous poserons quelques questions.

Mme Anne Robinson (directrice générale, Réseau canadien des corridors Verts): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis accompagnée de Doug Franklin, de la Fondation canadienne pour la protection du patrimoine, et de Pierre Camu, de la Trans-Canada Trail Foundation.

Je m'appelle Anne Robinson et je suis actuellement directrice générale du Réseau canadien des corridors Verts. Je fais également de la politique puisque je suis une élue municipale. Je ne sais pas si c'est bien ou mal.

Le président: Notre secrétaire parlementaire l'était aussi. Nous allons donc dire que c'était bien.

Mme Robinson: J'interviens souvent à l'autre bout de la procédure d'abandon des voies ferrées. Comme je viens d'une municipalité rurale, j'étais un peu intimidée par votre comité. C'est la première fois que je participe au processus parlementaire et je dois dire que je suis très heureuse de pouvoir le faire.

Nous nous adressons à vous aujourd'hui pour parler des corridors ferroviaires abandonnés. Nous voudrions en effet qu'ils restent dans le domaine public. D'après nous, c'est très important. Nous sommes donc plus préoccupés par le processus qui fait suite à l'abandon d'une voie ferrée, c'est-à-dire par ce que devient le corridor lorsque la voie n'est pas reprise par une autre compagnie de chemin de fer.

Nous voudrions appuyer les plans triennaux que vous envisagez dans le projet de loi C-101, ainsi que votre souci d'instaurer un processus officiel, mais, en même temps, nous craignons que les dispositions du projet de loi n'aillent pas assez loin.

Nous aimerions vous communiquer plusieurs messages. Le premier est que nous sommes fermement convaincus que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Il est donc important qu'il ne renonce pas à toutes ses responsabilités. Certes, la déréglementation est importante, nous en convenons, et il y a manifestement aujourd'hui une tendance à la décentralisation. Il n'en reste pas moins que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important en encourageant les provinces à conserver dans le domaine public les corridors abandonnés.

Je ne sais si vous avez lu le rapport publié à ce sujet, intitulé Mechanisms for Managing Abandoned Railway Rights-of-Way in Canada. C'est un rapport excellent dans lequel on propose plusieurs méthodes pour préserver ces corridors dans l'intérêt des générations futures.

Et il n'est pas nécessaire que cela coûte cher. Nous ne parlons pas ici d'investissements industriels considérables.

.1730

Comme je suis conseillère municipale et qu'il m'arrive de rencontrer certains des exploitants agricoles ou entrepreneurs en colère qui voudraient obtenir une partie des corridors abandonnés, je sais que l'on est bien mieux à même de résister lorsqu'on peut s'appuyer sur une politique fédérale ou une politique provinciale. Si tel n'est pas le cas, il est beaucoup plus difficile de dire à monsieur Untel, que l'on connaît peut-être depuis vingt ans, qu'il ne peut pas obtenir une partie de tel ou tel terrain public parce qu'on veut le préserver pour les générations futures. Il est donc très utile, dans ce genre de situation, de pouvoir s'appuyer sur une politique fédérale ou provinciale. J'ajoute que d'excellentes recommandations ont été formulées à ce sujet dans le document que vous aviez commandé sur cette question.

Chaque fois que le pouvoir de décider est confié à un palier inférieur, on accroît les risques de perdre le corridor abandonné. Et, quand on en perd une partie, on risque d'en perdre la totalité à terme.

Il y a dans notre pays bien des exemples de corridors abandonnés qui ont été recyclés. Il y en a même un dans la ville où nous nous trouvons. En effet, le Centre de conférences du gouvernement était autrefois une gare de chemin de fer. Les pistes cyclables que vous avez certainement empruntées le long du canal se trouvaient autrefois le long d'une voie ferrée. Aujourd'hui, elles jouent un rôle crucial du point de vue touristique. Et je pourrais mentionner bien d'autres initiatives semblables prises dans d'autres régions. Ainsi, à l'Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement a pris possession d'un corridor complet qu'il transforme actuellement en zone touristique de première classe. Ce que l'on fait dans cette province et dans toute la région des Maritimes est extrêmement intéressant.

Il y a par contre d'autres provinces qui n'ont encore rien fait à cet égard parce qu'elles veulent prendre le temps nécessaire pour évaluer leurs options. Si ce projet de loi est adopté, nous craignons qu'elles n'en aient pas le temps. En effet, donner à une municipalité un délai de quinze jours pour répondre, comme on l'envisage dans le projet de loi C-101, est absolument insuffisant. Dans notre collectivité, il n'est pas rare que le conseil municipal ne se réunisse même pas une fois tous les quinze jours, et je vois mal comment nous pourrions en si peu de temps obtenir les budgets nécessaires si nous voulions acheter un corridor abandonné. Ce facteur temps risque donc de nous causer un tort considérable.

Ma dernière remarque est que c'est peut-être la dernière fois que nous avons la possibilité d'agir en la matière. Bien que le Canada ait un excès de capacité ferroviaire depuis les années 20 - et je précise que nous sommes en faveur de la conversion des voies de compagnie à compagnie, et de la création de voies d'intérêt local, que vous essayez d'encourager - nous pensons que de nombreuses voies seront abandonnées dans les dix prochaines années.

Le CN et le CP possèdent actuellement près de 89 p. 100 de toutes les voies principales et secondaires du pays. D'après nous, avant de vendre le CN, le gouvernement fédéral devrait envisager sérieusement de conserver tous les corridors que la compagnie a l'intention d'abandonner. Il s'agit là en effet d'un trésor national dont nous n'avons pas le droit de priver les générations futures. Or, depuis 1992 - si l'on en croit les journaux - le CN s'est déjà débarrassé de 4 200 kilomètres de voies à faible densité. C'est beaucoup. C'est beaucoup pour notre pays.

Nous pensons par ailleurs que la politique que nous recommandons tombe à pic du point de vue de l'unité nationale. En plus, elle est parfaitement écologique puisqu'elle concerne le recyclage de corridors ferroviaires abandonnés pouvant se prêter à des usages multiples. Au Nouveau-Brunswick, on se sert de ces corridors pour enterrer des lignes de fibres optiques et pour aménager des pistes à usages multiples. Nous pensons que le problème est important et que vous feriez perdre beaucoup au pays si vous laissiez passer cette chance.

Je voudrais conclure en citant un passage de ce document:

Je sais que cela a été fait par des avocats et je comprends votre remarque antérieure, mais il n'en reste pas moins que cette opinion a été exprimée.

Je vais en rester là. Si vous nous le permettez, Doug et Pierre voudraient faire quelques remarques, après quoi nous pourrons passer aux questions. Cela vous convient-il?

.1735

Le président: À condition qu'ils ne soient pas trop longs car nous aimerions - -

M. Pierre Camu (président honoraire, Trans-Canada Trail Foundation): Je n'ai rien à ajouter.

M. Douglas Franklin (directeur, Relations gouvernementales et publiques, Fondation canadienne pour la protection du patrimoine): Je n'ai qu'une remarque à ajouter, monsieur le président.

La Fondation canadienne pour la protection du patrimoine est fermement convaincue que les corridors ferroviaires tracés d'un bout à l'autre de ce pays et comprenant bon nombre de voies historiques constituent un patrimoine précieux. Ces corridors montrent en effet comment le Canada s'est développé. Là où l'on a construit des voies de chemin de fer sont apparues des collectivités et des entreprises. À notre avis, il serait regrettable de laisser disparaître ce patrimoine morceau par morceau. Il le serait tout autant de laisser disparaître les autres infrastructures essentielles des compagnies de chemin de fer car nous ne pourrions jamais les récupérer. Hélas, dans la plupart des cas où l'on a abandonné des voies ferroviaires, on a aussi vu disparaître petit à petit bon nombre des infrastructures qui y avaient été aménagées.

Je voudrais dire au nom de la Fondation canadienne pour la protection du Patrimoine - et je précise qu'elle a contribué à faire adopter en 1988 le projet de loi spécial concernant la protection des gares patrimoniales - que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle exceptionnel dans ce domaine. En effet, comme il a compétence en la matière, bien des citoyens attendent de lui qu'il fasse preuve de leadership. S'il se décide à créer des réserves foncières et à prendre d'autres mesures pour protéger les corridors, dans l'intérêt des générations futures, les citoyens verront dans le gouvernement fédéral un allié puissant, important et pro-actif.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Franklin et madame Robinson. Je vous félicite de votre première comparution devant un comité de la Chambre des Communes. Vous étiez très détendus. Vous n'avez jamais songé à faire de la politique fédérale?

Quelle circonscription représentez-vous, monsieur Gouk?

Des voix: Oh!

M. Gouk: Je voudrais dire pour commencer que j'appuie complètement l'objectif que vous visez. Le président aime bien que je fasse des analogies avec ma propre circonscription. Or, il se trouve qu'il y a un corridor ferroviaire abandonné entre une ville de ma circonscription et une ville de la circonscription voisine. Nous essayons aujourd'hui d'en acquérir les terrains précisément pour faire le genre de choses dont vous venez de parler.

Cela dit, je voudrais vous demander si vous connaissez bien certaines des dispositions du projet de loi. Je songe en particulier à l'article 145 traitant du cas où personne ne serait prêt à racheter une voie mise en vente afin de continuer à l'exploiter comme voie ferroviaire. Dans ce cas, les terrains sont offerts d'abord au gouvernement fédéral, puis au gouvernement provincial et, enfin, aux municipalités. Je suppose que vous connaissez cet article. Si je vous comprends bien, vous êtes d'accord pour qu'une municipalité intéressée puisse procéder à l'acquisition des terrains mais vous craignez que le délai de quinze jours prévu pour qu'elle se décide ne soit largement insuffisant.

Mme Robinson: C'est tout à fait cela.

M. Gouk: Moi aussi, en voyant ça, j'ai pensé que c'était beaucoup trop court. J'ai fait partie d'un conseil municipal et je sais bien que les choses ne vont jamais aussi vite. Cela dit, il ne faut pas oublier qu'il y a une liste triennale pour commencer, ce qui peut être pour la municipalité le signal qu'un problème risque de se poser. Il y a dans ma circonscription deux voies dont je sais qu'elles risquent d'être abandonnées, et les municipalités concernées le savent aussi. Ensuite, une période est prévue pour que la compagnie de chemin de fer fasse savoir publiquement qu'elle a l'intention d'abandonner la voie, afin que les parties pouvant être intéressées à l'exploiter comme voie de chemin de fer puissent se manifester. Cela constitue donc un préavis fort important. Après tout cela, il y a une autre période qui est prévue pour que le gouvernement fédéral puis le gouvernement provincial puissent prendre une décision. C'est seulement ensuite que la question peut être soumise à la municipalité, et j'ose espérer qu'elle aura à ce moment-là pris toutes les mesures nécessaires pour savoir ce qu'elle veut faire.

Il ne s'agit donc pas vraiment d'un délai de quinze jours pour effectuer la vente. Les quinze jours ne sont comptés qu'après tout le processus préalable, et le rôle de la municipalité est tout simplement de dire, pendant cette période, si elle est intéressée à acheter les terrains. Ensuite, une période de 90 jours est prévue pour conclure les négociations, notamment sur le prix. S'il n'y a pas d'entente sur le prix, une autre disposition permet de s'adresser à l'Office pour lui demander de prendre une décision.

Je crois donc pouvoir dire que vous avez au minimum trois mois pour passer par tout ce processus. Ne croyez-vous pas que ce soit largement suffisant?

Mme Robinson: C'est évidemment mieux que quinze jours. Ce qui n'est pas clair, c'est le préavis de trois ans. À mon avis, il ne serait pas nécessaire d'utiliser la période complète de trois ans pour donner le préavis. Je crois également que les petites collectivités, préoccupées par les problèmes locaux, risquent de ne pas voir passer les messages publicitaires annonçant qu'une voie risque d'être abandonnée. On peut cependant espérer qu'elles surveillent la situation concernant les couloirs ferroviaires les traversant.

.1740

À mon sens, 90 jours est quand même un peu court pour conclure une négociation, mais je suppose que tout dépend de l'écart qu'il y a entre les parties au sujet du prix. La municipalité peut bien indiquer qu'elle souhaiterait acheter les terrains, mais ne lui accorder que quinze jours pour prendre sa décision -

M. Gouk: Ce serait simplement une sorte de lettre d'intention, car le prix ne serait pas nécessairement connu à ce moment-là.

Mme Robinson: C'est vrai, et il faudrait peut-être faire beaucoup d'efforts pour le trouver.

M. Gouk: N'oubliez pas cependant toutes les étapes qu'il faut franchir avant que le problème ne soit soumis à la municipalité - la période de publicité; la négociation éventuelle avec les parties intéressées; l'effondrement éventuel des négociations; puis le processus de sollicitation du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, avant même que ne s'ouvre la période de quinze jours. Donc, même si la municipalité n'est pas prévenue dès le début, elle aura quand même beaucoup de temps pour prendre conscience de ce qui se passe et elle bénéficiera toujours de quinze jours simplement pour exprimer son intérêt.

Mme Robinson: Oui, c'est tout à fait le contraire de la situation actuelle, où l'on est informé si la voie se trouve dans notre région. On n'aura plus nécessairement cela -

Le président: On pourrait discuter longtemps du préavis qui serait justifié mais il me semble clair qu'il y aura quand même une longue période avant que -

M. Gouk: Je voudrais faire une remarque, monsieur le président. Si le projet de loi est adopté et que la question vous préoccupe, n'oubliez pas de prendre contact avec le député de chaque circonscription pour lui indiquer ce que vous voulez. S'il tient à être informé, veillez à ce qu'il le fasse savoir aux parties concernées, pour que ce soit à elles de lui communiquer les renseignements pertinents. Chaque député devrait savoir si des voies risquent d'être abandonnées dans sa circonscription. Je sais quelle est la situation dans la mienne et je suis sûr qu'il y en a qui sont menacées dans d'autres circonscriptions.

Le président: Merci, Jim.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Très brièvement, monsieur le président, vous et moi avons discuté la semaine dernière de ce que deviendraient les emprises des voies ferroviaires abandonnées. Bien souvent, le dossier passe du gouvernement fédéral au gouvernement provincial puis à la municipalité. Si l'on veut préserver une voie continue, il est important de veiller à ce que les municipalités ne se mettent pas à en vendre des parties en catimini, comme c'est souvent le cas.

En règle générale, ce sont les municipalités qui perçoivent le plus de taxes. Quand une voie est abandonnée, personne ne veut assumer la responsabilité des détails juridiques ou de la perception des taxes. Tout le monde semble vouloir se débarrasser du problème. Si le gouvernement provincial ou fédéral veut en conserver la propriété, il devra payer les taxes municipales. Voilà pourquoi il n'y aura probablement aucun organisme fédéral ou provincial qui voudra conserver les emprises des voies abandonnées.

Si les témoins pouvaient nous donner... j'aimerais bien que ces corridors soient préservés mais c'est au niveau des municipalités que l'on rencontre le plus d'obstacles à ce sujet.

Mme Robinson: Voulez-vous parler ici des taxes foncières qu'elles perçoivent?

M. Hubbard: Je veux parler de deux choses. Premièrement, des taxes foncières et, deuxièmement, du fait qu'une municipalité peut fort bien décider en comité restreint - ne comprenant que trois ou quatre membres d'un petit conseil municipal - de vendre une partie de la voie, entraînant ainsi la rupture d'une emprise qui aurait pu intéresser plusieurs autres parties si elle était restée continue.

Mme Robinson: Absolument, et c'est pourquoi il faut que le gouvernement provincial -

M. Hubbard: Il faut donc franchir ces deux obstacles. Bien qu'il reste peu de temps, j'espère que les témoins pourront nous proposer une solution que nous pourrions intégrer au projet de loi pour préserver ces corridors verts ou voies de communication dans l'intérêt de la nation.

Mme Robinson: Il serait très intéressant de savoir quel était le montant des taxes foncières acquittées auparavant, car la municipalité pourrait alors décider si elle est prête à y renoncer ou non.

M. Franklin: Puis-je dire un mot en réponse à votre question, monsieur Hubbard? Je crois que le rapport préparé en août 1992 et intitulé Mechanisms for Managing Abandoned Railway Rights-of-Way in Canada est un excellent document à ce sujet. On y examine par exemple les dispositions législatives qui existent actuellement au palier fédéral, c'est à dire des choses telles que les fiducies publiques, le recours à la loi de l'impôt sur le revenu, etc. C'est un document très créatif qui a été préparé en 1992 sous l'égide de la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, et vous y trouverez bon nombre des réponses que vous cherchez. Je crois que nous pouvons tous vous en recommander vivement la lecture.

Le président: Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de venir vous adresser à nous. Bon travail, Anne.

.1745

Nous allons maintenant accueillir nos derniers témoins de cet après-midi, dirigés par M. Ross Miller, gestionnaire des structures et des emprises pour la société Nova Scotia Power.

Je vous souhaite la bienvenue devant notre comité, monsieur Miller. Nous gardons toujours le meilleur pour la fin.

Nous avons une vingtaine de minutes avant de devoir aller voter en Chambre. Pourriez-vous donc nous donner un bref résumé du mémoire que vous avez eu la gentillesse de nous envoyer il y a quelque temps et que nous avons déjà eu la possibilité de lire? Nous pourrons ensuite vous poser quelques questions.

M. John K. Poirier (avocat, Nova Scotia Power Incorporated): Merci, monsieur le président. Étant donné l'heure, nous avons été invités à passer directement aux recommandations.

Dans l'ensemble, nos recommandations s'appuient sur les mêmes facteurs que celles de Stentor, que vous avez déjà entendues. Notre proposition diffère cependant à un égard important de celle de Stentor dans la mesure où nous recommandons d'intégrer au projet de loi C-101 un article créant une emprise irrévocable pour l'installation des câbles des sociétés de service public.

Je crois comprendre que Stentor a proposé d'ajouter au texte de loi une disposition obligeant les compagnies de chemin de fer à mettre à exécution les documents de servitude. Cela convient probablement à beaucoup de compagnies de téléphone, dont les câbles sont souvent enterrés, mais beaucoup moins aux compagnies d'électricité dont les installations sont presque toutes hors sol et sont donc visibles par quiconque traverse le terrain. À notre avis, il devrait être possible d'établir simplement dans le projet de loi le droit pour toute société de service public d'installer et d'entretenir ses câbles en traversant les emprises ferroviaires.

Dans notre mémoire, nous évoquons la loi de la Nouvelle-Écosse sur l'électrification rurale, aujourd'hui abrogée. Il s'agissait d'un texte adopté par la province durant les années 20 pour assurer l'électrification des régions rurales. Or, il y avait dans cette loi un article établissant une telle servitude pour les installations électriques.

Nous avons d'ailleurs apporté avec nous des exemplaires de cet article pour que vous puissiez l'intégrer au projet de loi C-101. À notre avis, cela réduirait considérablement les obstacles bureaucratiques pour les compagnies de chemin de fer - concernant l'obligation d'entreprendre des négociations, de les mettre à exécution, d'en assurer le suivi, de les enregistrer, etc.

En ce qui concerne les câbles téléphoniques souterrains de Stentor, il est probablement nécessaire de faire enregistrer les documents car on ne peut pas voir les câbles quand on traverse les terrains. Dans notre cas, cependant, les câbles sont parfaitement en évidence. Si l'on prévoyait dans la loi une servitude pour ces câbles, cela nous conviendrait parfaitement et nous donnerait la protection que nous estimons mériter.

Je voudrais ajouter en conclusion qu'il devrait être possible à notre avis d'intégrer au projet de loi C-101 les décisions de l'Office national des transports - je crois que Stentor les a citées pendant son témoignage, et nous en avons cité quelques-unes aussi dans notre mémoire. Cela permettrait d'établir simplement par voie législative les mêmes modalités qui ont été établies par l'Office national des transports au sujet des câbles des sociétés de service public.

.1750

Le président: Monsieur Miller, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Ross Miller (directeur, Structures et Emprises, Nova Scotia Power Incorporated): Je ne crois pas, monsieur le président. Nous voulions simplement exposer notre position sur le processus d'approbation auquel sont assujetties les sociétés de service public pour installer leurs câbles sur les emprises ferroviaires. Nous estimons que la documentation qui nous est demandée est relativement excessive dans ce contexte et nous aimerions que quelques modifications soient également apportées à ce chapitre.

Le président: À titre d'information, nous nous demandions quelles indemnités ont été versées dans ce contexte. Pourriez-vous nous donner un chiffre global?

M. Poirier: Pour traverser les voies ferrées -

Le président: C'est cela.

M. Poirier: - du CN? Ce n'est pas excessif. Il s'agit généralement d'une indemnité annuelle.

Ce n'est pas cela qui fait problème. C'est plutôt le fait que le droit que nous acquérons n'est au fond que le droit d'être là au bon plaisir de la compagnie de chemin de fer. Celle-ci peut nous obliger à partir n'importe quand. En outre, si la voie est transférée à un nouveau propriétaire, nous sommes obligés de reprendre les négociations avec lui. Voilà la difficulté. Nous ne pouvons pas obtenir de servitude perpétuelle dans ce contexte.

M. Miller: John vient d'évoquer l'une de nos préoccupations. Rien que la semaine dernière, nous avons vu deux avis du CN concernant le transfert de notre droit de traverser les voies ferrées. Cela montre bien que le droit qui nous est accordé n'est pas un droit perpétuel. Or, si nous n'obtenons pas de servitude nous garantissant un droit de longue durée, nous craignons de ne pas pouvoir conserver ce droit. Celui-ci pourrait être transféré par la compagnie de chemin de fer à n'importe quelle entreprise du secteur privé ou à n'importe qui.

Le président: Si vous obteniez ce droit de servitude dans le projet de loi, seriez-vous toujours prêts à payer?

M. Miller: Nous sommes prêts à indemniser la compagnie pour la dévalorisation de sa propriété, pour autant qu'il y ait dévalorisation, parce que nous traversons -

Le président: - vous paieriez les indemnités et les droits correspondants?

M. Miller: Comme avec tout autre propriétaire foncier, si l'on peut établir qu'il y a une dévalorisation de la propriété lorsque nous obtenons une servitude, nous sommes prêts à donner une indemnité. Cela dit, nous pensons que cette indemnité ne devrait être versée qu'une fois et que nous ne devrions pas être obligés de payer des droits annuels.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: La semaine dernière, nous avons reçu un mémoire très intéressant de la Fédération canadienne des municipalités exposant le point de vue des municipalités sur toute cette question du passage des installations des sociétés de service public sur les voies ferroviaires. J'estime que la position des municipalités n'est pas sans mérite, mais je vous assure que j'analyserai la vôtre en gardant l'esprit ouvert. J'ai jeté un coup d'oeil rapide sur votre mémoire et j'y ai vu beaucoup d'arguments de bon sens. Je vais maintenant voir s'il m'est possible de trouver un compromis entre vos préoccupations et celles de la FCM.

Je n'ai qu'une question à vous poser. S'il y avait un problème quelconque à l'avenir - par exemple si la compagnie de chemin de fer décidait d'utiliser de nouveaux trains et que vos câbles ne soient pas installés suffisamment haut pour permettre le passage de ces trains, ou si cela devait poser un problème de zonage, par exemple - seriez-vous prêts à accepter la responsabilité complète de toutes les sommes qu'il faudrait verser pour modifier vos installations afin de respecter les nouvelles conditions établies par la compagnie de chemin de fer?

M. Miller: Je ne suis pas nécessairement d'accord avec cela. Si nous obtenions une servitude en vertu des règlements existants, je ne pense pas qu'il serait juste de nous obliger à changer nos installations si les dispositions réglementaires devaient changer.

M. Gouk: Autrement dit, vous nous dites que vous ne devriez pas nécessairement assumer cette responsabilité à la place des compagnies de chemin de fer. Vous acceptez de payer quelque chose aux compagnies uniquement en cas de dévalorisation de leur propriété foncière, mais pas autrement. Par contre, si la compagnie se met à exploiter des trains à deux étages, chose qui n'avait peut-être jamais été envisagée dans le passé, sur la voie considérée, il se peut que vos câbles constituent un obstacle infranchissable. Voulez-vous dire que c'est la compagnie de chemin de fer qui devrait alors payer les frais de réaménagement de vos câbles?

.1755

M. Miller: Je dois dire que votre exemple est extrêmement hypothétique. Cela dit, nous espérons que ce genre de choses pourrait faire l'objet de discussions avec les sociétés canadiennes de service public et avec l'Association canadienne de l'électricité, et que l'on arrivera jamais à une telle extrémité.

M. Gouk: Certes, le problème risque de ne jamais se poser mais, s'il était nécessaire de modifier vos installations à cause de nouvelles exigences de la compagnie de chemin de fer - exigences parfaitement légitimes pour lui permettre d'exploiter des services ferroviaires - accepteriez-vous d'assumer les coûts? Si l'on prend l'exemple que j'ai mentionné...

M. Miller: La Nova Scotia Power Ltd. prend déjà de mesures de ce genre avec certains promoteurs immobiliers. Par exemple, nous acceptons toujours de déplacer nos câbles et de collaborer avec les promoteurs pour permettre à ces derniers de réaliser leurs projets immobiliers. Autrement dit, même si nous avons des droits incontestables, nous sommes toujours prêts à faire preuve de souplesse. Je veux dire par là que nous serions toujours prêts à discuter du problème, mais je ne peux prendre aujourd'hui l'engagement officiel que nous accepterons d'assumer tous les coûts.

Le président: M. Hubbard.

M. Hubbard: Lorsque le CN a vendu une voie à Railtex, une nouvelle compagnie de chemin de fer, avez-vous eu des difficultés quelconques pour traiter avec cette compagnie?

M. Poirier: Oui, nous en parlons dans notre mémoire. Après la vente, nous avons été informés que la voie appartenait à un nouveau propriétaire. Nous avons donc discuté avec Railtex qui s'attendait, suite à son expérience aux États-Unis, à recevoir des indemnités pouvant atteindre 1 500 $US par croisement. Cela nous a paru excessif et nous avons négocié une somme plus équitable. Cela dit, nous sommes quand même tenus de payer un somme assez élevée pour plus de 300 croisements entre Truro et Sydney. À nos yeux, la somme payée à Railtex dans ce contexte constitue purement et simplement un profit exceptionnel pour celle-ci. La compagnie ne s'attendait aucunement à recevoir des indemnités de la compagnie d'électricité. C'est seulement après la vente par le CN que le problème s'est posé.

M. Hubbard: Je suppose que vous avez beaucoup de croisements de câbles soutenus par des tours et que vous avez probablement aussi beaucoup de câbles de 25 000 volts ou plus pour l'approvisionnement en électricité des secteurs urbanisés. Pour nous donner une idée de l'ampleur du problème, pourriez-vous nous dire combien vous pensez avoir de tels croisements en Nouvelle- Écosse?

M. Poirier: Nous en avons a peu près 1 500.

M. Hubbard: Et combien concernent des câbles à très haute tension?

M. Miller: Il s'agit dans tous les cas de câbles importants. Certes, notre réseau d'électricité n'est certainement pas aussi étendu que dans d'autres régions mais...

M. Hubbard: Y a-t-il des cas où les câbles électriques sont parallèles aux voies ferrées, en étant soutenus par de pylônes ou des tours installés sur les terrains de la compagnie de chemin de fer?

M. Miller: Oui, il y a un cas -

M. Hubbard: Il y en a donc?

M. Miller: Oui.

M. Hubbard: Parlons maintenant des autres sources d'énergie disponibles. Par exemple, on parle actuellement en Nouvelle-Écosse de construire un gazoduc à travers la province. Croyez-vous que le même type de droit devrait être établi dans ce contexte, pour que le gazoduc traverse les terrains des compagnies de chemin de fer?

M. Miller: Mon avis personnel, qui n'est pas nécessairement celui de la Nova Scotia Power, correspond à ce qu'ont dit les témoins précédents. Je fais partie d'un comité des chemins de fer provincial qui est chargé d'examiner avec des représentants du gouvernement provincial et des sociétés de service public des choses telles que l'aménagement de pistes de plein air le long des corridors abandonnés. Je puis vous dire que la Nova Scotia Power appuie clairement la thèse des témoins précédents, qui est que ces corridors devraient être préservés dans l'intérêt public.

.1800

Le président: Ma question n'était peut-être pas assez précise. Vous payez des droits annuels pour pouvoir faire passer vos câbles électriques au-dessus des voies ferrées. Combien devez-vous payer dans ce contexte? Quel est le total?

M. Miller: Les permis et les droits se situent en tout entre 50 000$ et 100 000$ par an.

Le président: Par an?

M. Miller: Oui. Il ne s'agit peut-être pas uniquement de droits ferroviaires. Cette somme peut également inclure d'autres droits que nous devons verser au gouvernement fédéral.

Le président: M. Hubbard vous a posé une question au sujet des câbles électriques installés parallèlement aux voies ferrées. Est-ce que la compagnie de chemin de fer aménage parfois des voies de communication en utilisant vos pylônes le long des voies ferrées?

M. Miller: À ma connaissance, la compagnie de chemin de fer n'a jamais installé de câble sur nos propres structures. Par contre, nous avons des structures qui peuvent être utilisées conjointement par la compagnie de téléphone et par les compagnies de câblodiffusion. Toutefois, il ne s'agit peut-être pas de structures aménagées sur les propriétés de la compagnie de chemin de fer.

Le président: Je vois.

Y a-t-il d'autres questions?

Messieurs, je vous remercie beaucoup de votre coopération, de votre synopsis et de vos recommandations. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner et d'avoir répondu à nos questions.

Merci, chers collègues. La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;