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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 novembre 1995

.0937

[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada.

Nous accueillons ce matin le représentant de Manalta, M. Forrest Hume, avocat. Monsieur, bienvenue au comité. Nous sommes impatients d'entendre votre déclaration, qui ne devrait pas dépasser quinze minutes, afin que nous puissions vous poser des questions.

M. George Chapel (président-directeur général, Manalta Coal Ltd.): Merci.

Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent. John Morgan est vice-président et directeur général de Manalta Coal. M. Forrest Hume est notre conseiller juridique du cabinet Hume, McLearn, de Montréal; et David Wilson est directeur de la commercialisation et du transport.

Je m'appelle George Chapel. Je suis président-directeur général de Manalta. Vous avez notre mémoire du 11 septembre 1995 que nous avons présenté au comité. J'aimerais faire une déclaration à l'appui de notre mémoire, après quoi nous serons disposés à répondre à vos questions.

Manalta produit environ 30 millions de tonnes courtes de charbon par an. Nous avons deux mines qui fournissent du charbon au marché d'exportation, ce qui signifie que du charbon est acheminé par chemin de fer sur de longues distances jusqu'aux terminaux de la côte ouest, près de Vancouver, ou aux utilisateurs finals du Centre nord des États-Unis.

Nous expédions par chemin de fer environ 5,5 millions de tonnes courtes de charbon par année, ce qui représente près de 20 p. 100 de tout le transport ferroviaire au Canada. Nos dépenses en transport ferroviaire dépassent les 100 millions de dollars par an. Depuis leur création, nos deux mines de charbon destiné à l'exportation ont versé environ 1,25 milliard de dollars à des sociétés de chemin de fer canadiennes.

Nous croyons savoir que vous avez discuté au cours des audiences de ce qu'est un expéditeur captif. Dans notre cas, pour ce qui est du marché du charbon d'exportation, nous sommes vraiment des expéditeurs captifs, puisque nous n'avons aucun autre moyen de faire transporter le charbon.

.0940

Notre mine de Gregg River, près de Hinton, en Alberta, n'est desservie que par le CN, et notre mine de Line Creek, dans le Sud-Est de la Colombie-Britannique, n'est desservie que par le Canadien Pacifique. Le transport routier ne peut être envisagé pour le transport en vrac de plusieurs millions de tonnes de charbon par année sur un trajet de 1 100 kilomètres. On peut facilement montrer que le secteur du charbon est un expéditeur captif.

Au printemps 1995, le service ferroviaire assuré à la Smokey River Ltd., une mine près de Grande Cache, en Alberta, a été interrompu en raison de la destruction d'un pont ferroviaire près de la mine. La mine de Smokey River n'a rien pu expédier pendant les 36 jours pendant lesquels le pont était fermé.

Manalta approuve de nombreux éléments du projet de loi C-101. Nous souscrivons au principe selon lequel le réseau ferroviaire canadien doit être économique, efficace et adéquat. À cet égard, nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-101 donne aux sociétés ferroviaires la possibilité de mieux contrôler leurs coûts ainsi qu'une plus grande latitude dans la gestion de leurs affaires. Toutefois, nous estimons qu'il est également essentiel que l'on fournisse des services de transport aux expéditeurs, et cela au moindre coût possible, conformément à la politique nationale en matière de transport.

Le marché international du charbon thermique et du charbon métallurgique est extrêmement concurrentiel. Les mines canadiennes concurrencent des mines étrangères, qui, elles, sont beaucoup plus près que les nôtres de ports maritimes et qui bénéficient donc d'un important avantage concurrentiel que n'ont pas la plupart des producteurs canadiens.

L'Australie est actuellement le plus grand pays exportateur de charbon du monde et exploite à profit des mines de charbon qui sont beaucoup plus près des ports que les nôtres. Par exemple, la mine Boggabri, en Nouvelle-Galles du Sud, qui se trouve à 360 kilomètres des côtes, est celle qui, de toutes les exploitations australiennes de charbon d'exportation, en est la plus éloignée, alors que dans notre cas l'aller simple représente quelque 1 100 kilomètres.

Comme vous l'avez entendu dire au cours d'un témoignage précédent, la Nouvelle-Galles du Sud et le Queensland sont en train de rationaliser leur réseau ferroviaire, ce qui aura pour effet d'abaisser les tarifs marchandises et d'améliorer encore la position concurrentielle de l'Australie. Par exemple, en Nouvelle-Galles du Sud, l'administration ferroviaire nationale est en train de créer des voies d'utilisation communes en permettant l'accès libre aux droits de circulation sur les voies ferrées nationalisées. On risque fort de voir les exportateurs de charbon canadien perdre leur part du marché au profit de l'Australie à la suite de cette réforme.

Aux États-Unis, de récentes fusions de grandes sociétés ferroviaires de catégorie 1 menacent de grandement réduire les solutions de rechange qui s'offrent à un grand nombre d'expéditeurs. Par conséquent, pour garantir l'approbation réglementaire, les compagnies qui ont fusionné ont accordé d'importants droits communs d'utilisation et de remorquage à des transporteurs ferroviaires concurrents.

Un exemple parfait en est la fusion récente de la Union Pacific et des chemins de fer de la Southern Pacific. Afin de garantir l'approbation réglementaire, ces sociétés ont promis à leurs clients qu'elles veilleraient à ce qu'il y ait une forte concurrence dans le secteur ferroviaire partout où l'on perdrait la possibilité de recourir à deux transporteurs. Nous sommes préoccupés de voir le secteur ferroviaire américain mettre en place ce qui équivaut ni plus ni moins à un réseau d'utilisation commune. À notre avis, ce projet de loi permettra aux producteurs de charbon de l'Ouest des États-Unis d'être plus concurrentiels sur les marchés de la région du Pacifique.

Les taux des tarifs marchandises représentent la plus grande part des coûts d'approvisionnement de nos marchés d'exportation et constituent donc un facteur très important de notre compétitivité globale sur le marché. Malheureusement, la faible compétitivité de nos envois ferroviaires permet aux sociétés exploitantes de nous imposer des prix de monopole.

De nombreux expéditeurs de marchandises en vrac de l'Ouest se trouvent dans la même situation. Parce qu'ils sont captifs, on leur impose des prix monopolistiques. Les sociétés de chemins de fer imposent à ces expéditeurs de l'Ouest du Canada des taux artificiellement élevés pour les tarifs marchandises afin de subventionner leurs activités non rentables.

.0945

Au cours des dernières années, le CN et le CP n'en ont pas fait de mystère. L'interfinancement des taux ferroviaires canadiens a été confirmé à de nombreuses reprises. Par exemple, dans un discours prononcé le 15 février 1994 devant la Chambre de commerce du Québec, M. Paul Tellier, président-directeur général du CN, a dit, et je cite:

Autre citation de Paul Tellier, PDG du CN, dans The Financial Post, le 16 mars 1994:

Autre citation, cette fois de Brian Smith, président du conseil du CN, dans la Montreal Gazette, le 27 septembre 1994:

Enfin, selon le prospectus préliminaire du CN, en date du 28 août 1995:

Comment les sociétés ferroviaires peuvent-elles maintenir des taux élevés dans l'Ouest, peut-on se demander, étant donné l'accès concurrentiel garanti aux expéditeurs dans la LTN de 1987? La réponse est tout simplement que les recours qui devraient être offerts aux expéditeurs en vertu de la loi soit ne s'appliquent pas, soit sont sans effet pour les expéditeurs qui sont vraiment captifs.

Je m'explique. La LTN de 1987 prévoit trois grands mécanismes d'accès concurrentiel. Le premier, c'est l'interconnexion étendue. Ce mécanisme ne s'applique à aucun cotransporteur de marchandises en vrac de l'Ouest du Canada, car aucun ne se trouve dans un rayon de 30 kilomètres d'un réseau ferroviaire concurrentiel.

Le deuxième, c'est le PLC. Le prix de ligne concurrentiel suppose que les sociétés ferroviaires canadiennes sont tenues de livrer concurrence. La Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux de 1992 a révélé que le CN et le CP ont en fait renoncé à se concurrencer mutuellement par l'imposition d'un prix de ligne concurrentiel. Par conséquent, cette disposition demeure presque sans effet au Canada.

Le troisième mécanisme, c'est l'arbitrage. Il permet à la société ferroviaire de présenter son offre finale après avoir vu et examiné l'offre finale de l'expéditeur. Il ne s'agit pas d'un arbitrage à double insu, comme on l'avait voulu à l'origine. Cet inconvénient favorise la société ferroviaire et dissuade les expéditeurs de chercher une autre solution.

Le manque de concurrence eu égard à d'importants segments du transport ferroviaire explique les grandes anomalies du système. Par exemple, il tend à perpétuer la non-rentabilité traditionnelle de certaines activités ferroviaires. Le CN et le CP se retrouvent loin derrière leurs concurrents américains à cet égard. Chacun a un ratio d'exploitation de l'ordre de 80 p. 100, alors qu'aux États-Unis, en raison de la concurrence, ils sont parvenus à ramener leur ratio d'exploitation à un maximum de 70 p. 100.

L'étude du BII, commandée par la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, et mise à jour en 1994 par les chemins de fer, faisait clairement apparaître que les problèmes de viabilité de ceux-ci sont liés aux coûts, et non pas aux recettes.

Quant à nous, le fret de nos marchandises est devenu exorbitant, en raison du manque de concurrence. Une analyse récemment menée par M. John Edsforth, de Travacon Research Limited, a confirmé que le CN et le CP réalisent, pour le transport de nos marchandises sur ces lignes, des recettes qui dépassent d'environ 60 p. 100 leurs coûts, ce qui excède de beaucoup le niveau des tarifs exigés par les chemins de fer pour recouvrer leurs coûts et réaliser un bénéfice suffisant.

Nous approuvons les mesures du projet de loi C-101 visant à donner aux compagnies ferroviaires plus de souplesse pour la gestion de leurs coûts, mais le projet de loi ne prévoit pas de recours concurrentiels efficaces pour des expéditeurs en vrac comme Manalta, de sorte que le projet de loi ne fait que perpétuer les insuffisances de la LTN de 1987.

À la page 11 et aux pages suivantes de notre mémoire nous recommandons quatre amendements visant à remédier à cette situation. Nos amendements au projet de loi C-101 visent tous à faire en sorte qu'il y ait effectivement concurrence, soit réelle, soit réglementée, pour les expéditeurs en vrac captifs comme Manalta. Ce que nous préférerions, c'est voir adopter, pour les compagnies ferroviaires canadiennes, la notion de plate-forme commune, conformément aux réformes accomplies au bénéfice de nos concurrents étrangers.

Vous vous rappelez sans doute que M. Young, ministre des Transports, a fait connaître sa préférence pour des droits de circulation illimités quand il a comparu devant vous le 4 octobre 1995. Cela mettrait certes un terme à la plupart des inquiétudes des expéditeurs captifs, mais l'introduction d'une telle mesure au Canada ne serait probablement pas réalisable à l'heure actuelle, et c'est pourquoi nous proposons, comme autre possibilité, la mise en place des mesures que nous avons recommandées pour amender le projet de loi C-101, afin qu'il y ait concurrence effective pour les expéditeurs en vrac captifs, jusqu'à ce que la notion de plate-forme commune soit examinée à fond et adoptée.

.0950

Si l'amendement que nous recommandons concernant les PLC est adopté, la disposition serait conforme à l'intention du législateur, qui était d'exiger des compagnies ferroviaires d'indiquer leurs tarifs aux fins des PLC.

Si l'amendement que nous recommandons concernant l'arbitrage est adopté, ce processus sera équitable pour les deux parties, car chaque partie devra présenter son devis sans connaître l'offre de l'autre, contrairement aux dispositions actuelles, qui autorisent les chemins de fer à prendre connaissance de l'offre finale de l'expéditeur avant de soumettre la sienne.

Si le monde était parfait, tous les expéditeurs auraient accès à tous les transporteurs, et la concurrence jouerait à plein sur le marché mondial, assurant aux expéditeurs canadiens des tarifs de fret compétitifs. Il n'en est malheureusement rien, et il faut avoir recours à ces expédients pour stimuler la concurrence, parce que celle-ci ne joue pas naturellement.

Compte tenu des circonstances réelles, nos amendements redresseraient la situation, et nous vous demandons donc, en toute déférence, de bien vouloir les examiner.

M. Tellier vous a dit que les compagnies ferroviaires étaient surprises des objections des expéditeurs au projet de loi C-101, car, selon lui, nous ne devrions pas avoir d'objection à ce que les compagnies ferroviaires réalisent des bénéfices. M. Ritchie, dans son exposé, a exprimé le même sentiment. Mais ce que nous voudrions affirmer bien haut, c'est que nous n'avons pas d'objection à ce que les chemins de fer réalisent des bénéfices justes et suffisants, puisque nos exportations dépendent de l'existence de transports ferroviaires viables. Ce contre quoi nous nous élevons, c'est que les chemins de fer, en raison du manque de concurrence, réalisent des bénéfices excessifs sur le transport de notre charbon, profitant de notre dépendance pour interfinancer ailleurs des opérations non rentables.

Le CN aussi bien que le CP ont déclaré une baisse de 30 p. 100 de leurs recettes au cours des 10 dernières années, en prétendant que les expéditeurs en avaient été les bénéficiaires, ce qui est vrai, mais seulement en partie. Pendant la même période le prix du charbon métallurgique canadien a baissé de 36 p. 100, et les producteurs canadiens ont été forcés par la concurrence de réduire leurs coûts de plus de 36 p. 100 afin de conserver leur part de marché. Pendant la même période les compagnies ferroviaires canadiennes, sans les pressions de la concurrence, ont réduit leurs coûts de 21 p. 100.

L'étude du BII, commandée par la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, a clairement démontré que les difficultés des chemins de fer sont liées à leurs coûts, et non pas à leurs recettes, qui sont suffisantes. Ce sont leurs coûts qui sont trop élevés pour assurer leur viabilité. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Chapel, de votre exposé. Nous allons passer tout de suite aux questions.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): J'ai cru comprendre dans vos propos - et c'est confirmé un peu à la page 3 - que si le C-101 était adopté tel que proposé, la compétitivité de vos deux mines pourrait en être grandement affectée. J'aimerais avoir des précisions. Vous êtes si dépendants que cela? Bien sûr, chacune de vos mines est desservie seulement par une des deux lignes de chemin de fer majeures, et vous êtes un peu, si vous me passez l'expression, des otages. Mais est-ce que le transport est le seul facteur qui affecte votre compétitivité sur le plan international?

[Traduction]

M. Chapel: Ce n'est certainement pas le seul élément, mais il représente une proportion élevée de notre coût total. Le transport par rail du charbon à partir de ces mines constitue entre 40 et 50 p. 100 de notre coût total de livraison du charbon au port.

.0955

[Français]

M. Guimond: Deuxièmement, vous n'êtes pas très tendres à l'égard des deux compagnies ferroviaires, surtout à la page 6 où vous mentionnez:

Vous avez déposé une série d'amendements qui devraient favoriser le recours à la Loi sur la concurrence. Personnellement, j'en ai pris bonne note, car pour ce qui est de la situation de monopole des deux compagnies ferroviaires, je ne suis pas loin de partager votre opinion. J'aimerais que vous m'indiquiez si avec la loi actuelle, vous avez déjà envisagé la possibilité de recourir à des plaintes ou à des demandes d'enquête en vertu de la Loi sur la concurrence. Si oui, est-ce que vous l'avez déjà fait sans succès?

[Traduction]

M. Forrest C. Hume (conseiller juridique, Manalta Coal Ltd.): Monsieur Guimond, nous nous sommes adressés au Tribunal de la concurrence à propos de la loi actuelle sur la concurrence. Mais la question qui nous occupe est liée aux compagnies ferroviaires, et porte particulièrement sur les PLC. Il semblerait donc que le meilleur moyen serait, plutôt que d'invoquer à cet égard la Loi sur la concurrence, de demander que soit apporté à cet égard un amendement spécifique à la Loi sur les transports nationaux.

[Français]

M. Guimond: Vous terminez avec l'exemple de l'Australie, et je ne vous suis pas. Vous dites:

Sans vouloir m'étendre sur l'expérience australienne, je voudrais comprendre pour savoir comment faire pour ne pas que la même chose arrive.

[Traduction]

M. Chapel: Vous parlez sans doute des dispositions sur la plate-forme commune prises par les États de la Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland. Cela fonctionne alors comme sur une route à péage, la voie ferrée pouvant être utilisée par quiconque est à même de fournir l'équipement et de le faire fonctionner conformément aux règles de sécurité.

Dans les deux exemples susmentionnés le gouvernement conserve, si je ne me trompe, la propriété de la plate-forme commune: les mines de charbon pourront donc transporter elles-mêmes, avec leurs propres trains, leur charbon, ou elles pourront faire appel à un tiers qui leur offrira ses services. Mais ce ne sera plus la compagnie ferroviaire qui s'en occupera, comme cela se fait actuellement.

[Français]

M. Guimond: Est-ce que Manalta est une compagnie uniquement canadienne qui possède seulement ces deux mines-là, est-elle une multinationale ayant des installations ailleurs, ou fait-elle partie d'une société de portefeuille?

[Traduction]

M. Chapel: Non, nous sommes une société privée, de propriété canadienne, basée en Alberta, dont les propriétaires sont de l'Alberta. Nous exploitons huit mines, dont deux pour le marché de l'exportation. Nous vendons du charbon au Japon, en Corée, dans le Centre nord des États-Unis et en Europe.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je voudrais commencer par le paragraphe 27(2), qui a été mentionné par presque tous les expéditeurs et producteurs qui ont comparu devant nous. Vous êtes disposés à examiner des solutions de rechange, ce que j'approuve, mais je me demande toujours encore, sur ce point, quelle va être ma position.

Ce qui m'inquiète un peu, c'est que la plupart des expéditeurs ou compagnies ferroviaires ne semblent pas disposés à s'en accommoder, au lieu de prendre l'une ou l'autre position extrême, et je suis donc heureux de constater que vous vous êtes efforcés de définir le problème.

Des objections s'adressent également, à part le paragraphe 27(2), au paragraphe 34(1) et à l'article 113, mais vous n'avez pas mentionné ceux-ci dans votre mémoire. Est-ce parce que ces paragraphes ne représentent pas des obstacles à vos yeux?

.1000

M. Hume: Compte tenu de la position des mines d'exportation de Manalta nous sommes persuadés, monsieur Gouk, que ces deux dispositions ne s'appliqueraient jamais dans notre cas, puisque nous dépendons entièrement de l'une des deux compagnies ferroviaires pour chacune de ces mines. Nous n'aurions aucune difficulté à prouver que nous en dépendons et que nous devons bénéficier du genre de protection prévue dans la loi.

Ces deux autres paragraphes ne nous préoccupent donc pas, à la différence du paragraphe 27(2), où, comme nous l'avons dit, les termes sont trop imprécis et posent un problème d'interprétation.

Nous avons tenté de recommander une solution à cet effet à votre comité et, ce faisant, nous avons repris les termes utilisés par la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, qui sont plus clairs, plus faciles à appliquer et soulèvent moins de difficultés d'interprétation.

M. Gouk: Pour en revenir brièvement aux termes que vous proposez pour le paragraphe 27(2), vous disiez qu'un expéditeur captif, c'est celui qui n'a accès qu'à un seul transporteur. Je reconnais que dans certains cas - celui du charbon, par exemple - le rail est la seule solution viable, mais ce n'est pas le cas d'autres expéditeurs, qui peuvent avoir recours au camionnage, qui n'est peut-être pas leur solution préférée, et qui n'est pas sans inconvénients, mais qui fonctionne.

Quand vous parlez de ce transporteur, voulez-vous dire par là qu'il ne s'agit pas seulement du transport par chemin de fer, mais que le projet de loi peut porter sur le camionnage dans toutes les circonstances où celui-ci s'applique? Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'un projet de loi sur le charbon, mais d'un projet de loi sur les transports, autrement dit sur tous les produits qui peuvent être transportés. Est-ce que vous parlez non seulement de l'accès à un seul transporteur par chemin de fer, mais également de l'accès à une seule unité, pour tout mode de transport convenant à votre produit?

M. Chapel: Dans notre cas, monsieur Gouk, nous avons accès à une seule ligne ferroviaire, et il n'existe pas d'autres moyens de transporter ce charbon jusqu'à la côte. Si nous devions le transporter par camion - soit 300 millions de tonnes par an et 365 jours par an - il nous faudrait, rien que pour cela, 550 camions, soit un camion toutes les sept minutes. Et un camion qui revient pour chaque camion qui part. Ce serait donc une opération de camionnage toutes les trois minutes et demie.

M. Gouk: Je comprends la situation dans votre cas, mais encore faut-il rédiger ce paragraphe de telle sorte que pour une autre catégorie d'expéditeurs, pour lesquels le camionnage représenterait une solution plus pratique, cette possibilité reste ouverte. De même, si une mine se trouve à plus de 30 kilomètres de distance d'un autre transporteur - disons le CP, parce que c'est votre transporteur à vous - et si vous pouviez transporter la marchandise en camion sur 50 milles jusqu'au train du CN vous considéreriez - vous alors encore comme étant captifs?

M. Hume: Si la marchandise et les circonstances à l'origine de ce transport sont telles qu'on peut faire appel à la concurrence entre deux modes de transport, pour tout ou partie du parcours, nous ne considérerions pas l'expéditeur comme étant captif pour la portion du parcours sur laquelle il y a concurrence.

Mais chaque cas devrait être examiné selon ses mérites. Dans notre cas il n'y a pas de brèche dans notre exposé de la situation, car nous sommes entièrement captifs, et la question ne se pose pas.

M. Gouk: Très bien, je vous remercie.

Le président: J'approuve ce que j'ai entendu.

M. Fontana (London-Est): Merci, messieurs, de votre exposé, qui nous change agréablement de ce que nous avons entendu auparavant. Sans vouloir offenser qui que ce soit je dirais seulement que les expéditeurs n'arrêtent pas de ronchonner, sans pour autant faire des propositions utiles et constructives. Aussi sommes-nous reconnaissants d'entendre des gens qui ont quelque chose de positif à proposer.

.1005

Notre comité et le gouvernement comprennent votre dilemme. Nous tenons, bien entendu, à ce que vous puissiez faire transporter le plus de charbon possible vers les marchés d'exportation, car c'est bien de cela qu'il s'agit en dernier ressort. Le projet de loi C-101 vise à réduire les coûts des compagnies ferroviaires, ce qui devrait se répercuter sur vos propres coûts de transport par rail, car si vous n'avez pas le pied à l'étrier vous serez tout simplement écartés par la concurrence. Je comprends cela fort bien.

Vous mentionniez les PLC, et je me demande si vous avez remarqué les termes de l'article 119:

L'article 119 ne vous suffit-il pas en matière de publication des PLC?

M. Hume: L'article 119 le dit explicitement. Le problème, c'est que les PLC doivent être établis avant que le barème de tarifs ne soit publié.

Ce qu'ont pu constater les expéditeurs canadiens, d'après ce qu'à révélé la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, c'est que le CN et le CP refusent obstinément de se faire concurrence, en matière de PLC, pour les marchandises canadiennes ou pour celles qui sont exportées via les ports canadiens. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement à la loi aux termes duquel la Loi sur la concurrence s'appliquerait en cas de refus d'obtempérer de l'une ou l'autre des compagnies ferroviaires. Cela ne paraît que juste.

Tout ce que nous demandons, c'est que cette disposition joue en notre faveur en cas de refus d'obtempérer des transporteurs.

M. Fontana: Je vous remercie; vous avez là un argument solide.

Vous avez éclairé le comité sur un problème auquel nous achoppions depuis un moment, à savoir la question de dépendance, car vous nous avez montré que c'est un facteur de taille dans certains cas, dans le vôtre par exemple, en raison de la nature de votre exploitation.

Je dois toutefois récuser l'accusation d'injustice que vous portez à l'égard des compagnies ferroviaires. Celles-ci, bien entendu, plaideront non coupable - en disant qu'elles n'ont pas obtenu leur part des bénéfices - en se basant sur les prix, qui ont augmenté en période prospère, pour chuter quand il y a eu récession. Combien de fois vous est-il arrivé, depuis 1987, de vous adresser à l'Office national des transports, soit pour obtenir réparation, soit pour faire appel à l'arbitrage prévu dans la loi de 1987?

Si vous aviez été mal en point, vous auriez fait appel contre l'une ou l'autre des compagnies ferroviaires, par le biais de l'office, mais je crois savoir que vous n'en avez rien fait.

M. Chapel: Ce que vous dites là est inexact, monsieur Fontana. Gregg River Coal, notre filiale en propriété exclusive et l'une des mines dont nous exportons le charbon, a effectivement fait appel l'an dernier à l'office.

Mais cela nous amène, si vous le permettez, à une discussion sur les sociétés de personnes, auxquelles personnellement je crois. Dans une telle société - c'est le cas de l'exploitation du charbon - chacun des associés apporte la même contribution. Comme je le disais, le rôle des compagnies ferroviaires est essentiel; elles représentent environ 50 p. 100 de nos coûts.

En 1994 nous avons appliqué une réduction de 8$ au charbon de Gregg River Mine destiné aux Japon. Auparavant nous avons rencontré à plusieurs reprises les représentants des compagnies ferroviaires pour discuter, officieusement, de la façon dont nous pourrions nous répartir cette réduction.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Était-ce 8$ la tonne?

M. Chapel: C'était 8$ par tonne métrique.

Ils ont consenti officieusement à se comporter en vrais associés et à accorder une partie de cette réduction.

Nous nous sommes alors rendus au Japon et avons revu nos prix avec les Japonais, en consentant cette réduction de 8$. Quand nous avons repris nos discussions avec les compagnies ferroviaires, pour réexaminer les tarifs de fret et les négocier avec eux, nous avons dû, au bout de trois entretiens, nous déclarer bredouilles.

Nous avons appliqué la réduction de 8$. La compagnie ferroviaire a proposé d'absorber environ 3 p. 100 de cette réduction, alors que nos coûts de transport représentent entre 40 et 50 p. 100 du coût total. Nous avons dû alors passer par l'arbitrage.

M. Fontana: Vous êtes donc passés par l'arbitrage; vous n'avez pas passé ni par l'office, ni par les PLC, par exemple.

M. Chapel: Non, c'était l'arbitrage.

.1010

M. Fontana: Vous disiez donc, à propos de l'arbitrage, que la proposition du projet de loi C-101 n'est pas vraiment la méthode à double insu. Savez-vous que seul l'expéditeur peut demander l'arbitrage? Ne pensez-vous pas qu'il devrait être loisible aux compagnies ferroviaires d'examiner la position finale de l'expéditeur, afin de pouvoir réviser leur position?

Nous pouvons procéder de deux manières: soit donner aux compagnies ferroviaires le même droit qu'à l'expéditeur de passer par l'arbitrage, afin que la règle soit la même pour tous, soit...

Mais avec la loi actuelle, c'est seulement l'expéditeur qui peut demander l'arbitrage. Est-ce que vous comprenez notre souci d'équité?

M. Chapel: Certainement, et nous sommes en faveur de l'équité, mais dans ce cas, monsieur Fontana, les compagnies ferroviaires augmentent les tarifs de 10 p. 100 lorsque nous les négocions. Il leur est loisible de le faire, et c'est à nous ensuite de réagir. Pendant que les négociations sont en cours ils peuvent fixer leurs tarifs, demander une augmentation de 30 p. 100, et, à ce moment-là, bien entendu, nous devons passer par l'arbitrage.

Plutôt que d'avoir recours à l'arbitrage, qui, comme nous l'avons constaté, n'est pas un processus aisé, nous essayons de résoudre ces questions à l'amiable.

M. Hume: Sur ce point je voudrais ajouter quelque chose, monsieur Fontana. D'autres ont fait cette proposition avant vous. Lorsque le CP a comparu devant vous il vous a fait savoir que le processus ne serait peut-être pas juste, car seul l'expéditeur peut avoir recours à l'arbitrage.

En réalité, c'est seulement à l'expéditeur de le faire, car c'est lui qui est captif, la compagnie ferroviaire n'ayant pas besoin de protection.

M. Fontana: Oui, dans votre cas.

M. Hume: Dans notre cas, certes, et je ne parle qu'au nom de Manalta et des expéditeurs qui sont dans la même position, qui sont authentiquement captifs. Dans un cas comme le nôtre la compagnie ferroviaire n'a pas besoin d'être protégée, parce que c'est elle qui est en position de force.

M. Fontana: Quand vous avez passé par l'arbitrage, qui est-ce qui a gagné, à propos?

M. Chapel: Nous avons fini par résoudre la question à l'amiable.... Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout.

M. Fontana: Je vous remercie.

M. Comuzzi: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.

Vous avez donc huit mines: deux dont le charbon est destiné à l'exportation, et six autres qui se trouvent en Saskatchewan. Dans votre rapport vous dites que vous dépensez 100 millions de dollars par an en frais de transport; est-ce pour ces deux mines, ou pour toutes vos mines?

M. Chapel: C'est seulement pour les deux.

M. Comuzzi: À combien s'élèvent tous vos frais de transport?

M. Chapel: Nous n'exportons pas de charbon des autres mines. Nous alimentons des centrales électriques; nous n'exportons donc pas ce charbon.

M. Comuzzi: Je comprends bien, mais encore faut-il le transporter.

M. Chapel: Oui, mais cela se fait avec des véhicules miniers: ce sont des camions miniers qui le livrent à la centrale.

M. Comuzzi: Jusqu'en Alberta et en Saskatchewan?

M. Chapel: C'est exact.

M. Comuzzi: Vos frais de transport s'élèvent donc au total à 100 millions de dollars.

M. Chapel: Oui, à plus de 100 millions de dollars.

M. Comuzzi: Que représentent en pourcentage les frais de transport par tonne de charbon? Si je comprends bien, vos clients achètent le charbon et vous disent où il doit être livré, de sorte que le prix de vente représente le coût du charbon additionné du coût de transport.

M. Chapel: Nous le vendons franco à bord du bateau à Vancouver.

M. Comuzzi: Vous n'êtes donc pas responsables du transport.

M. Chapel: C'est exact.

M. Comuzzi: Quel est le pourcentage du transport dans le coût total de votre charbon?

M. Chapel: Là encore je dois être prudent.

M. Comuzzi: Nous sommes tous très prudents ici, monsieur Chapel.

M. Chapel: Mais je suis sûr que nos concurrents aimeraient prendre connaissance du contenu du procès-verbal.

M. Comuzzi: Donnez-moi une idée approximative.

M. Chapel: Je disais tout à l'heure qu'entre 40 et 50 p. 100 de notre coût total est lié au coût du transport.

M. Comuzzi: Quel est le prix actuel du charbon?

M. Chapel: À l'heure actuelle, c'est 51,10$ US.

M. Comuzzi: Cela signifie donc qu'entre 20 et 25$ de ce...

M. Chapel: C'est à vous de faire le calcul; je ne m'y risquerai pas.

M. Comuzzi: Mais je ne me trompe pas, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

M. Comuzzi: On a souvent affirmé devant ce comité que les deux compagnies ferroviaires étaient vraiment compétitives, mais d'après ce que vous nous dites il semblerait que malgré cela, et bien qu'elles constituent des entités distinctes, leurs tarifs de fret sont alignés l'un sur l'autre, n'est-ce pas?

M. Chapel: Oui, dans une certaine mesure.

M. Comuzzi: À quelle conclusion cela vous amène-t-il?

M. Chapel: Je suis naïf.

Des voix: Oh, oh!

.1015

M. Comuzzi: Il me reste une question. Vous nous disiez ce que Manalta a dû faire pour se maintenir sur le marché, en particulier face à la concurrence des producteurs australiens de charbon, puis vous avez continué en disant que les chemins de fer avaient des coûts excessivement élevés, et que c'est leur problème. Pourriez-vous préciser en nous disant où exactement se situent ces coûts excessifs?

M. Chapel: Vous devriez examiner certaines des conventions collectives qu'ils ont; très peu de sociétés, à ma connaissance, garantissent un emploi à vie. Ces ententes étaient peut-être communes il y a une dizaine ou une vingtaine d'années, mais les circonstances ont changé.

Nous devons nous montrer plus compétitifs, faire davantage avec moins de personnel, et les compagnies ferroviaires doivent faire comme tout le monde, appliquer de nouvelles techniques, acheter de nouveaux wagons et de l'équipement plus efficace. Il faut aussi abandonner certaines lignes ferroviaires.

M. Comuzzi: Quel est, à votre avis, le facteur principal qui gonfle les coûts des chemins de fer? Est-ce que ce sont les conventions de gestion ou les conventions collectives?

M. Chapel: Je suis mal placé pour vous le dire, car je ne puis parler que pour Manalta.

M. Comuzzi: C'était tout ce que je voulais savoir.

M. Chapel: Je ne voudrais pas être considéré comme...

M. Comuzzi: Je vous ai demandé de répondre en tant que représentant de Manalta.

M. Chapel: Je crois que ce sont les conventions collectives. Il faudrait alléger certaines charges fiscales, entre autres la taxe d'accise à verser sur les carburants dans les provinces. Il faudrait réexaminer cela.

M. Ritchie, dans son exposé, parlait d'une période d'amortissement pour l'équipement neuf. La période de passation en charges est de 20 ans au Canada, alors que les sociétés américaines bénéficient d'une période de huit ans. Or, l'équipement change considérablement d'année en année, et 20 ans paraît une bien longue période. C'est en deux ou trois ans qu'une pièce d'équipement devient désuète, et la même chose s'applique aux voies ferrées.

Le président: Monsieur Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): J'aimerais savoir d'où nos témoins tirent leur idée et définition de «expéditeur captif».

Est-ce de votre propre cru, ou l'avez-vous emprunté à quelqu'un?

M. Chapel: C'est nous qui avons inventé ce terme.

M. Nault: Il semble sorti tout droit de la Staggers Act. Je demandais cela par simple curiosité.

M. Chapel: Non, c'est nous qui l'avons inventé, car c'est une situation dans laquelle nous sommes empêtrés depuis assez longtemps. J'ai lu la transcription de l'exposé du représentant de Stelco, et sa définition ressemble fort à la nôtre, car leur situation présente beaucoup de ressemblance avec la nôtre. Cela m'a conforté dans mon idée.

M. Hume: Les deux pôles d'entraînement, pour produire cette définition, c'est qu'elle soit aussi objective et aussi facile à déterminer que possible. Nous avons pensé que cela rendrait le critère moins gênant à la longue.

M. Nault: Reconnaissez-vous alors la nécessité d'un processus à deux niveaux, l'un pour les expéditeurs captifs, l'autre pour ceux qui ne le sont pas? Serait-il bon par exemple que des expéditeurs captifs aient un accès complet, tandis que ceux qui ne le sont pas se verraient appliquer le critère du paragraphe 27(2)?

M. Chapel: Si je ne tiens compte que de nous je répondrais que ce serait acceptable. Je ne connais vraiment pas les circonstances dans lesquelles peuvent se trouver d'autres, mais si vous ne parlez que de nous, je peux être d'accord, car nous pouvons prouver que nous n'avons pas d'autre recours.

M. Nault: Quant au processus d'arbitrage vous n'avez pas mentionné un autre niveau, à savoir la médiation, dont ont parlé certains. Il faut commencer bien entendu par passer par un médiateur. Votre groupe voudrait-il qu'il y ait un processus officiel de médiation?

Vous savez, monsieur Hume, comment cela se passe dans le secteur ferroviaire. Peut-être pourriez-vous nous donner des idées.

M. Hume: C'est une idée dont on pourrait discuter. J'ai tendance à penser que les négociations qui ont lieu entre la compagnie de chemin de fer et l'expéditeur captif comprennent une grande part de médiation. Si les négociations s'enlisent, les positions des parties sont passablement arrêtées, et l'accès à l'arbitrage est le seul recours qui nous est laissé, compte tenu du fait que nous n'avons pas d'accès effectif aux PLC.

.1020

Le président: Je vous remercie, messieurs, de votre exposé très instructif et positif. Le comité l'a apprécié.

M. Chapel: Monsieur le président, j'ai des exemplaires de ma déclaration d'ouverture, que je remettrai au greffier.

Le président: Merci beaucoup.

Nous invitons les représentants de Novacor Chemicals à s'approcher de la table.

Chers collègues, nous avons devant nous Terry Park, gérant, Logistique, stratégie et développement, chez Novacor Chemicals.

Messieurs, bienvenue au comité. Vous pourriez peut-être tout d'abord vous présenter et nous exposer votre mémoire en quinze minutes ou moins, de sorte que nous ayons le temps de vous poser des questions.

M. Terry Park (gérant, Logistique, stratégie et développement, Novacor Chemicals Ltd.): Merci à vous, monsieur le président et aux membres du comité. Bonjour.

Je suis accompagné aujourd'hui de Dennis McConaghy, vice-président principal et chef des services financiers chez Novacor Chemicals.

Nous représentons aujourd'hui Novacor Chemicals et nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'exposer nos opinions au sujet du projet de loi C-101 et de l'état actuel de l'infrastructure ferroviaire canadienne.

J'aimerais ce matin passer rapidement en revue certains des aspects soulevés dans le mémoire de Novacor, qui a été déposé auprès du comité vers la fin du mois d'août. Après cela, nous souhaitons décrire l'évolution de notre pensée et de notre position au sujet des questions complexes et difficiles qui nous concernent. Puis nous serons tout à fait disposés à répondre à vos questions.

M. Dennis McConaghy (vice-président principal, Finances, Novacor Chemicals Ltd.): Novacor est une filiale en propriété exclusive de NOVA Corporation of Alberta. Il s'agit du plus important fabricant de produits pétrochimiques et de résines de plastique du Canada. Ses principales installations sont situées en Alberta et en Ontario, et elle en a une au Québec également.

À l'échelle mondiale, nous sommes le deuxième producteur d'éthylène de toute l'Amérique du Nord, après Dow Chemical. À l'échelle de l'Amérique du Nord toujours, nous sommes le cinquième producteur de polyéthylène et le troisième producteur de polystyrène. Nous y sommes arrivés sans recourir à des subventions gouvernementales, et nos réalisations ont contribué de façon significative à la diversification de l'Ouest du Canada et aux recettes d'exportation du pays.

Novacor dépend largement au Canada d'une infrastructure de transport efficace. Les frais de transport, et notamment ceux qui ont trait au transport ferroviaire et à nos éléments d'actif situés dans l'Ouest du Canada, constituent un élément significatif de nos coûts. Par rapport à nos frais fixes, les frais de transport représentent entre 20 et 25 p. 100 environ des frais fixes de fabrication. Par ailleurs, Novacor Chemicals emploie environ 2 000 personnes un peu partout au Canada.

Il vaut également la peine de souligner que la société Novacor Chemicals est généralement considérée comme étant l'un des fabricants de produits chimiques de base dont les coûts sont les plus faibles en Amérique du Nord. C'est justement à titre de fabricant à faible coût que nous nous sommes tant intéressés aux conséquences du projet de loi C-101.

Comme d'autres vous l'auront déjà dit, et c'est d'autant plus vrai pour l'Ouest du Canada, où la question de la concurrence intermodale n'est pas aussi pertinente que dans d'autres régions, tout expéditeur veut au plus haut point disposer de services de transport, notamment pour ce qui est du transport ferroviaire, au moindre coût possible. Voilà pourquoi le projet de loi C-101 représente une menace si considérable.

.1025

L'Ouest du Canada est enclavé pour l'essentiel. Nous sommes plutôt loin des océans. Il faut donc que les services de transport soient aussi efficaces et concurrentiels que possible.

Nous reconnaissons que la compétitivité des transporteurs ou la rentabilité du transport ferroviaire ne constituent pas une fin en soi. Il s'agit plutôt d'un maillon d'un enchaînement d'activités économiques. La solidité de la chaîne dépend de la viabilité de chacun des maillons.

Nous espérons donc que le comité étudiera l'ensemble du problème en cherchant à trouver une solution qui corresponde aux besoins de l'ensemble de ceux qui participent à cette chaîne au lieu d'envisager tout simplement la question de la rentabilité du transport ferroviaire en oubliant la compétitivité de l'ensemble de ceux qui utilisent ce service.

Les sociétés ferroviaires, notamment dans l'Ouest du Canada, ont certaines des caractéristiques d'un monopole naturel. Voilà l'un des thèmes sur lesquels nous allons revenir sans cesse. Il nous faut donc trouver le moyen de composer de façon efficace avec cette réalité tout en favorisant dans la mesure du possible les forces concurrentielles dans les secteurs où elles peuvent le mieux s'appliquer.

Les réformes de 1987 ont été bien accueillies, mais, d'après nous, elles demeurent imparfaites et ne correspondent que de loin à la perspective qui nous tient à coeur.

Cela dit, nous avons l'intention de formuler un certain nombre de propositions précises concernant le projet de loi C-101. Nous espérons que le comité y verra un apport constructif au présent débat.

Permettez-moi de terminer mes premiers commentaires en mettant l'accent sur trois thèmes qui, selon moi, doivent constituer les principes de toute restructuration future des chemins de fer.

Premièrement, nous souhaitons tirer parti de la concurrence au maximum là où elle est la plus pertinente. Pour le secteur ferroviaire, cela veut dire qu'il faut faire jouer la concurrence pour ce qui est des wagons sur les voies ferrées.

Deuxièmement, il nous faut reconnaître que certaines caractéristiques importantes des sociétés de chemins de fer canadiennes en font essentiellement un monopole naturel, avec lequel il faut composer comme on l'a fait au Canada avec tout autre monopole naturel, c'est-à-dire en faisant appel à une forme quelconque de réglementation.

Troisièmement, il nous faut reconnaître que le maintien de l'infrastructure ferroviaire passe par la rentabilité des investissements.

Voilà donc les grands thèmes qui doivent nous guider, non seulement pour l'étude du projet de loi C-101, mais également dans la détermination du juste équilibre entre les intérêts des expéditeurs et ceux des actionnaires des sociétés ferroviaires.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, Terry Park, qui va vous expliquer davantage les propositions précises que nous avons formulées au sujet du projet de loi C-101.

M. Park: Merci, Dennis.

Le projet de loi C-101, bien qu'il donne lieu à un certain nombre de changements souhaités, notamment pour ce qui est de l'abandon de tronçons ferroviaires, par exemple, a suscité des inquiétudes, surtout à cause de dispositions qui tendent à limiter les droits actuels des expéditeurs. À cet égard, nous avons tout particulièrement à l'esprit le paragraphe 27(2), qui porte sur la notion de préjudice important.

Par le passé, la société Novacor a eu l'occasion de participer de diverses façons à l'évolution de la LTN de 1987 et aux travaux de la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux. Les recommandations du groupe de travail Nault nous ont d'ailleurs paru encourageantes. Nous étions impatients de voir disparaître certaines dispositions législatives aussi désuètes qu'inutiles et de voir l'accent mis sur la compétitivité. Nous avons cependant constaté que, dans le projet de loi C-101, l'accent était davantage mis sur la viabilité des sociétés ferroviaires que sur une amélioration des dispositions d'accès pour les expéditeurs aux mesures de réparation.

Nous sommes inquiets de constater que les objectifs explicites de la réforme ne seront pas pleinement réalisés, et ce, à l'encontre des intérêts du Canada.

Soucieuse de trouver un compromis acceptable par rapport à cette situation déplorable, la société Novacor a cherché, après avoir déposé son mémoire devant le comité, à faire valoir la pertinence de certains changements.

Le 4 octobre 1995, nous avons transmis à Transports Canada une lettre dans laquelle nous proposions une solution de rechange au paragraphe 27(2) que nous jugions acceptable pour les deux parties. Dans la même lettre, nous reconnaissions également que le projet de loi C-101 ne servirait pas à élargir les droits de circulation ou d'autres mécanismes en vue d'accorder des avantages commerciaux supplémentaires aux expéditeurs.

Permettez-moi donc de vous lire le libellé que nous proposons pour le paragraphe 27(2). Nous estimons que toute partie doit pouvoir demander réparation aux termes des dispositions de la loi relatives à l'accès à des services concurrentiels dans la mesure où elle peut démontrer qu'elle est clairement intéressée au résultat de la demande. Voilà une norme claire et facilement vérifiable. De plus, elle correspond aux dispositions de la réglementation habituelle qui visent les monopoles nationaux et qui permettent de déterminer le droit des parties d'avoir la qualité de partie intervenante.

.1030

Le libellé que nous recommandons en remplacement du libellé nettement biaisé du paragraphe 27(2) est le suivant:

D'après nous, un tel libellé favorise l'efficacité réglementaire et fait en sorte que le critère d'accès à un recours réglementaire correspond à celui qui vise les autres utilisateurs de services assujettis à un contrôle réglementaire.

Nous avons également proposé que le gouvernement fédéral réunisse les parties intéressées en 1996 dans le cadre d'un forum où les participants viseraient à résoudre le conflit de base qui continue d'exister entre la viabilité des sociétés ferroviaires et la notion de prix de ligne concurrentiels pour les expéditeurs. À cet égard, nous estimons que le secteur ferroviaire peut s'inspirer de la méthode appliquée dans les secteurs des pipelines, de l'électricité et des télécommunications. En effet, dans ces secteurs, la concurrence existe entre les utilisateurs de l'infrastructure, et non pas entre les propriétaires de l'infrastructure. Une telle solution part du fait que l'infrastructure ferroviaire canadienne correspond souvent à un monopole national et qu'il convient de faire appel à la concurrence dans les secteurs du service ferroviaire où elle est pertinente.

Dans leur réponse à la lettre où nous exposions ces idées, les responsables de Transports Canada nous ont informés du fait que les questions ayant trait au projet de loi C-101 ne relevaient pas d'eux et que c'est à vous que nous devrions adresser nos commentaires.

Novacor souhaite que le gouvernement fédéral convoque les parties intéressées au début de 1996, quel que soit le sort réservé au projet de loi C-101, de manière à ce qu'elles collaborent à un forum qui s'inspirerait du processus de déréglementation du secteur énergétique au cours des années quatre-vingt. Je tiens à signaler que nous avons échangé à ce sujet avec des représentants de Transports Canada et certains de nos collègues des milieux de l'expédition, mais que la proposition en est faite publiquement pour la première fois aujourd'hui.

Nous avons noté, dans le cas des États-Unis, que les fusions récentes de sociétés ferroviaires de la première catégorie ont été réalisées dans une optique de concurrence. Si on accorde spontanément des droits de circulation à des tiers dans le cadre de ces fusions, c'est que les organismes de réglementation ne donneront pas leur approbation à une fusion qui ne comporte pas une disposition d'accès concurrentiel aux sociétés ferroviaires intéressées. Ainsi, dans de nombreux marchés importants aux États-Unis, on évolue vers un partage de la plate-forme commune entre usagers des infrastructures ferroviaires.

Voilà le genre de résultats qu'il nous semble opportun de discuter dans le cadre d'un forum comme celui que nous proposons pour 1996. Nous exhortons le comité à recommander la tenue d'un tel forum dans son rapport au ministre au sujet du projet de loi C-101. Nous tenons à vous dire que nous ne considérons pas le projet de loi C-101 comme une solution, mais plutôt comme une mesure provisoire.

J'aimerais maintenant redonner la parole à Dennis.

M. McConaghy: Je voudrais résumer en disant que les modifications apportées à notre mémoire se veulent constructives et que nous nous sommes efforcés de limiter au minimum les amendements proposés au projet de loi C-101. En l'occurrence, notre proposition concerne le paragraphe 27(2).

Par ailleurs, et c'est peut-être l'aspect le plus important, nous espérons que le comité aura le dynamisme nécessaire pour lancer un processus d'un nouveau genre qui permettra de concilier pour l'essentiel les tensions qui existent entre les expéditeurs et les actionnaires intéressés à l'infrastructure des transports ferroviaires du Canada.

Il faut exploiter les chemins de fer canadiens comme on exploite les routes ou les pipelines au Canada. Ainsi, la société Novacor pourrait choisir de faire transporter ses wagons-trémies par d'autres ou d'en assurer elle-même le transport, selon l'opportunité du prix dans un cas ou dans l'autre, tout en laissant le choix aux organismes habituels de réglementation d'assurer le maintien des infrastructures, comme nous le faisons par exemple dans le cas des pipelines. Voilà une idée sur laquelle on a trop tardé à se pencher.

.1035

Rattachée à toutes ces notions de transporteur public, de plate-forme commune à usagers multiples, il y a l'idée fondamentale de l'avantage pour tous les intéressés de veiller à ce que le rendement soit suffisant pour assurer le maintien de l'infrastructure. Cependant, au lieu de tenter de déterminer dans quelle mesure les sociétés ferroviaires ont été équitables, nous faisons appel au marché, comme cela se fait pour pratiquement toutes les autres marchandises, en vue de déterminer si un service est fourni de façon équitable ou non.

Il nous semble qu'il y a moyen de faire évoluer le débat au-delà du processus assez long et plutôt frustrant qui consiste à modifier la loi de façon régulière au lieu de faire appel aussi bien aux forces du marché qu'à l'application d'une réglementation raisonnable pour les aspects où la chose est absolument nécessaire. Voilà une perspective qu'il faut mettre à l'épreuve.

Au milieu des années quatre-vingt, dans le secteur de l'énergie, des parties intéressées dont les positions étaient diamétralement opposées ont été en mesure de s'entendre dans le cadre de la déréglementation. Plus récemment, un modèle analogue de règlement des différends a été appliqué avec succès dans le secteur de l'électricité, notamment dans la province de l'Alberta.

En terminant, donc, nous invitons le comité à faire preuve d'esprit d'initiative en favorisant un débat plus approfondi et, nous l'espérons, plus constructif pour l'avenir qui permettra de concilier les intérêts des actionnaires des sociétés ferroviaires et des expéditeurs en débouchant sur des solutions davantage axées sur la réalité des marchés. Merci.

Le président: Merci, messieurs, de vos exposés. Nous passons directement aux questions.

[Français]

M. Guimond: Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'en décembre 1994, la Western Canadian Shippers' Coalition a déposé un mémoire au Comité des transports dans le cadre de la révision du projet de loi C-89. C'est bien cela?

[Traduction]

C'est à la page 3 de la version française.

[Français]

[Traduction]

M. Park: Oui, j'y suis. On avait généralement l'impression à l'époque qu'il s'agirait d'un processus très ouvert, notamment pour ce qui est des dispositions relatives à l'accès à des services concurrentiels. À l'époque, il nous semblait que la présente ronde ferait davantage de place aux changements souhaités. Lorsque nous avons déposé notre mémoire, le 30 août, nous en étions toujours convaincus. Par la suite et encore aujourd'hui, nous avons constaté que la présente ronde ne réserve rien en matière de services concurrentiels pour les expéditeurs.

[Français]

M. Guimond: D'accord. Donc, en décembre 1994, c'était un mémoire général, et non dans le cadre d'un projet de loi particulier.

[Traduction]

M. Park: C'est exact.

[Français]

M. Guimond: Deuxièmement, avez-vous vu le mémoire qui a été déposé hier par la Western Canadian Shippers' Coalition?

[Traduction]

M. Park: Non, je n'ai pas vu cela.

[Français]

M. Guimond: Non? Vous en faites encore partie parce qu'on y retrouve beaucoup de points similaires que mes collègues auront sûrement reconnus et qui concernent les paragraphes 27(2) et 34(1), de même que l'article 113 du projet de loi. Vous n'avez pas vu le dernier mémoire proposé?

[Traduction]

M. Park: Je n'ai pas vu ce mémoire, mais j'ai pris connaissance de certaines ébauches. Je suis convaincu qu'il est de même nature, étant donné que les plaintes ont tendance à graviter autour de ces questions communes.

[Français]

M. Guimond: En ce qui a trait au critère de l'intérêt public auquel vous faites référence dans votre mémoire, vous dites que:

Qu'entendez-vous par «déclarations de Transport Canada»? S'agit-il des déclarations du ministre, du sous-ministre, d'un fonctionnaire, d'un commis?

[Traduction]

M. Park: Aucune réponse ne me vient immédiatement à l'esprit.

[Français]

M. Guimond: Vous affirmez que cette obligation relative à l'intérêt public est incompatible avec ce que quelqu'un a déjà déclaré à Transports Canada. S'agit-il de quelqu'un qui était en situation d'autorité ou de quelqu'un qui a donné son opinion lors d'un cocktail? D'où vient cette affirmation?

.1040

[Traduction]

M. Park: Pouvez-vous me dire quelle page vous citiez?

M. Guimond: Je citais le texte français.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Il s'agit de la page 7.

M. Park: Je ne connais pas l'origine de ce commentaire. Je ne sais pas sur quoi il se fonde.

[Français]

M. Guimond: Donc, il est possible que ce commentaire soit inexact?

[Traduction]

M. Park: Oui.

[Français]

M. Guimond: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président. Je limiterai mes interventions à quelques aspects seulement.

Vous avez parlé de partage de la plate-forme commune. Il s'agit d'une question sur laquelle je me suis penché. Elle m'intéresse. J'ai même comparu comme partie intervenante, tout comme vous, devant le groupe de travail des Libéraux sur le CN et j'y ai abordé cet aspect.

Je dois dire cependant que, d'après moi, bon nombre d'intervenants adoptent au départ une position et ne font que s'employer à la justifier, au lieu de chercher des compromis. Je crois que les membres du comité risquent d'en faire autant. J'ai consacré du temps à m'intéresser aux sociétés ferroviaires, non pas tant à ce que leurs représentants avaient à dire, mais plutôt aux problèmes qui pourraient découler de ce qui est proposé. Je ne dirais pas que j'ai tout à fait changé d'idée, mais j'ai certainement beaucoup atténué ma position en me fondant, comme je l'ai dit, non pas tout simplement sur des déclarations, mais en étudiant les raisons pour lesquelles certaines personnes estiment que cela ne fonctionnerait pas.

Sur la question des expéditeurs captifs, tout d'abord, estimez-vous que vous êtes du nombre?

M. Park: Pour certaines de nos marchandises, du fait qu'elles sont extrêmement dangereuses, nous sommes effectivement captifs du transport ferroviaire.

M. Gouk: Je veux dire captifs, un point, c'est tout.

Le président: Vraiment captifs.

M. Gouk: En effet...avez-vous une solution de rechange, c'est-à-dire une autre société ferroviaire à une distance raisonnable qui pourrait transporter les produits, le camionnage, ou quoi que ce soit?

M. Park: Oui, ces possibilités existent pour nous.

M. McConaghy: Permettez-moi d'en dire davantage. Pour la grande majorité de nos produits, nous n'avons accès aux marchés que par le service ferroviaire. Il n'est pas économique de transporter par camion le polyéthylène de l'Alberta vers l'Illinois ou vers la côte du golfe ou la côte ouest. Nous dépendons donc des chemins de fer. Certaines possibilités d'interconnexion entre les deux transporteurs nous sont ouvertes, nous le reconnaissons. Cependant, dans notre perspective, nos clients peuvent s'approvisionner auprès de 10 ou 12 fabricants de polyéthylène. De notre côté, nous n'avons accès qu'à deux transporteurs ferroviaires, de sorte que je dirais que nous sommes entièrement captifs à l'heure actuelle de deux sociétés ferroviaires.

M. Gouk: Combien de transporteurs ferroviaires faut-il pour ne pas être captif? Trois, quatre?

M. McConaghy: La question que vous posez a trait à l'évolution d'un marché au moment où s'installe la concurrence pour ce qui est du transport de wagons-trémies chargés de résine de polyéthylène. Je ne saurais vous donner une réponse complète à ce sujet. Je sais tout au moins qu'on obtiendrait une réponse plus réaliste en laissant le marché déterminer le nombre d'intervenants qu'en tentant de formuler des hypothèses sur le degré de captivité des entreprises de l'Ouest canadien.

Ce qui doit nous préoccuper aujourd'hui, c'est qu'il existe des entraves pour toute personne qui souhaite participer à ce secteur d'activité. Je pense par exemple à l'accès aux plates-formes ferroviaires qui appartiennent à d'autres, dans un contexte où on n'envisage pas cette plate-forme de la même manière qu'un pipeline ou un tronçon routier.

M. Gouk: Si vous étiez en mesure de vous prévaloir de toutes les dispositions de la Loi sur la concurrence en cas de collusion ou d'apparence de collusion, tout en n'ayant accès qu'à deux sociétés ferroviaires, seriez-vous satisfaits dans une certaine mesure de ne pas avoir accès à plus de deux sociétés ferroviaires?

M. McConaghy: Ce serait vraisemblablement une amélioration, mais je ne crois pas qu'il s'agit là du modèle qui déboucherait sur la plus grande efficacité possible et sur l'équilibre souhaitable entre les intérêts des expéditeurs et ceux des sociétés ferroviaires. Ce serait mieux, je le reconnais, mais je ne crois pas que c'est la perspective que nous souhaitons favoriser. Nous voulons que les chemins de fer soient envisagés comme les plates-formes routières ou comme les pipelines. Voilà l'idée que j'aimerais qu'on explore davantage dans le cadre d'un forum comme celui dont nous avons parlé.

M. Gouk: D'accord. Je crois que je vais m'en tenir à cela, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Madame Sheridan.

Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Merci, monsieur le président. J'aurais quelques questions.

.1045

Tout d'abord, je voudrais m'attarder sur cette question des expéditeurs captifs. Nous venons d'entendre parler «d'expéditeurs captifs» et «d'expéditeurs vraiment captifs». Allons-nous parler «d'expéditeurs vraiment, vraiment captifs» et «d'expéditeurs un peu moins captifs»? Il y a lieu tout au moins de constater qu'il est difficile de définir cette notion. Le groupe qui a comparu avant vous a fait certaines propositions à cet égard, comme vous l'avez fait vous-mêmes.

D'après votre réponse, j'ai l'impression que vous vous dites «captifs en raison de la géographie» plutôt que «captifs en raison du produit». Tout en évitant de vous étendre sur la question, puisque je souhaite revenir au paragraphe 27(2), je vous demanderais de me donner un commentaire à ce sujet.

M. McConaghy: Je me bornerai à vous répondre qu'il n'est pas productif, à mon avis, de trop focaliser sur la définition de l'expéditeur captif. Dans d'autres secteurs où les forces du marché se déploient normalement, le degré de captivité d'un acheteur par rapport à ses fournisseurs dépend de l'évolution du marché.

Il est peut-être plus fructueux de tenter de comprendre les raisons pour lesquelles divers intervenants pourraient souhaiter participer au secteur du transport par wagons-trémies ou du transport du charbon, etc., pour déterminer en quoi consiste un expéditeur captif, que de dire qu'un problème important existe du fait que certains expéditeurs n'ont accès qu'à un seul transporteur ferroviaire. S'il n'y a que deux transporteurs, y a-t-il suffisamment de concurrence? Pour répondre, il faut tout au moins se demander dans quelle mesure deux sociétés ferroviaires souhaitent se faire concurrence.

Je vous réponds donc en vous disant qu'il est beaucoup plus constructif d'étudier un tout autre modèle que de tenter de déterminer le degré de captivité d'un expéditeur.

Mme Sheridan: L'idée d'une définition m'inquiète également, car il y a là un projet de création d'emplois assez formidable pour les avocats. J'avoue être ici en conflit d'intérêts, étant moi-même avocate. Je vois déjà une possibilité d'emploi intéressante. Si nous entrons dans le jeu de la définition, ce sont les expéditeurs qui peuvent se payer le plus grand nombre d'avocats et qui peuvent faire traîner les choses en longueur qui seront en mesure de faire définir l'expéditeur de telle ou telle façon.

M. McConaghy: Je suis d'accord. Je préférerais de beaucoup que le secteur du transport soit déréglementé et que le seul aspect qui fasse l'objet d'une réglementation soit celui de la plate-forme.

Mme Sheridan: D'accord, passons au paragraphe 27(2). Vous avez proposé une définition révisée.

M. Guimond a manifesté son étonnement - attribuable peut-être au fait que d'autres événements ailleurs au pays le préoccupaient au cours du dernier mois - en constatant que la Western Canadian Shippers' Coalition disait à peu près la même chose que vous. Au cours du mois écoulé, s'il avait entendu ce qu'avaient à dire tous les autres expéditeurs de l'Ouest - je sais qu'il se donnera la peine de lire le procès-verbal plus tard - il aurait justement pu constater que vous n'êtes pas satisfaits des paragraphes 27(2) et 34(1) et de l'article 113. Bon nombre de ces expéditeurs, comme l'ont souligné les représentants de la coalition qui ont témoigné hier, s'intéressent aux produits de base, etc.

Cependant, vous voulez modifier la définition de manière à ce qu'elle vise les expéditeurs directement intéressés au résultat de la démarche. J'arrive difficilement à voir quels expéditeurs ne seraient pas intéressés d'une façon ou d'une autre. Si c'est tellement vague, pourquoi se donner la peine d'en parler?

Il s'agit d'une question à deux volets, et j'aimerais donc avoir vos commentaires sur le premier volet, à moins qu'il ne s'agisse d'une stratégie astucieuse des expéditeurs consistant à modifier le libellé justement à cette fin.

Supposons maintenant que cette définition soit acceptée... Dans votre mémoire, vous disiez souhaiter la suppression du paragraphe 34(1) également. Or, si le paragraphe 27(2) est modifié, ne conviendrait-il pas de maintenir le paragraphe 34(1) comme mécanisme de réglementation par rapport à la définition passablement élargie donnée au paragraphe 27(2)?

M. McConaghy: Plus nous y réfléchissons, plus nous constatons que, dans la mesure où le projet de loi C-101 doit être adopté, nous serions satisfaits de l'amendement au paragraphe 27(2). Nous pourrions nous satisfaire des autres dispositions telles qu'elles sont actuellement.

Mme Sheridan: L'article 113 également?

M. McConaghy: En effet.

Notre position explique le libellé que nous proposons. Et, d'ailleurs, le commentaire que vous en avez fait est loin d'être inexact... Les expéditeurs ont fortement réagi à la perspective de voir limité le recours à l'office. Nous nous sommes donc inspirés d'autres pratiques réglementaires. Toute personne qui adresse une demande à un organisme de réglementation ou qui a qualité d'intervenant dans un processus réglementaire se voit habituellement reconnaître cette qualité en fonction d'un critère de ce genre, ce qui nous semble beaucoup plus juste que le fait d'imposer aux parties un litige prolongé ou un affrontement concernant la signification de l'expression «préjudice important».

.1050

Permettez-moi de rappeler que, pour nous, le projet de loi C-101 ne règle pas tout. Il nous faut trouver mieux. Dans le contexte de ce projet de loi, toutefois, nous avons déposé un amendement qui, selon nous, peut donner satisfaction aux expéditeurs et constitue par ailleurs le minimum acceptable.

Cependant, nous espérons que le processus qui entoure le projet de loi C-101 va nous permettre d'entrevoir des possibilités plus concrètes de restructuration de l'équilibre entre expéditeurs et sociétés ferroviaires. Nous espérons que votre comité et que l'ensemble du processus législatif pourront nous orienter dans cette direction.

Le président: Messieurs, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité. Nous vous en sommes reconnaissants.

Maintenant, nous accueillons l'Association des organismes de santé de la Saskatchewan.

Bienvenue au comité. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Monsieur McPherson, vous avez une quinzaine de minutes ou moins pour faire votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions.

M. Russ McPherson (président du conseil, Association des organismes de santé de la Saskatchewan): Monsieur le président, nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité. Je m'excuse de ne pas vous avoir transmis le mémoire auparavant et de ne pas l'avoir fait traduire.

Je vous présente M. Arlis Wright, le PDG de notre organisation.

L'Association des organismes de santé de la Saskatchewan est une organisation non gouvernementale sans but lucratif qui assure l'animation de divers organismes du secteur de la santé et qui leur fournit certains services. Notre association compte pratiquement 200 membres, y compris notamment nos nouveaux conseils de santé de district, de nouvelles entités issues de la réforme du secteur de la santé en Saskatchewan - de qui relèvent l'ensemble des programmes et services de santé à l'échelle locale - les conseils d'hôpitaux et de foyers de soins spéciaux privés, des organismes qui offrent des services à l'échelle de la province, comme la Saskatchewan Cancer Foundation, des centres de réadaptation pour alcooliques et toxicomanes financés par les fonds publics, et toute une gamme de groupes d'intérêts du secteur de la santé, d'associations professionnelles, d'organismes d'accréditation et d'autres groupes et programmes provinciaux du secteur de la santé.

La Saskatchewan a certainement fait plus pour amorcer une réforme structurale de son régime de santé que n'importe quelle autre province. Nous avons 30 conseils de district qui ont assumé tous les pouvoirs nécessaires pour fournir une vaste gamme de services de santé à l'échelon local.

Le 25 octobre, les habitants de la province ont élu huit membres à chacun de ces conseils, qui seront donc nettement responsables devant les électeurs. Nous avons aussi fait plus que les autres provinces au niveau de la réforme conceptuelle, c'est-à-dire que nous commençons à examiner de plus près ce qui constitue la santé et ce qu'on peut faire pour influer sur ces éléments fondamentaux de la santé.

L'Organisation mondiale de la santé définit la santé comme étant un état de bien-être physique, mental et social complet, et non pas simplement l'absence de maladies ou d'infirmités. C'est la mesure dans laquelle une personne ou un groupe peuvent d'une part réaliser leurs aspirations et satisfaire à leurs besoins et, d'autre part, changer leur environnement ou s'y adapter. Cette définition est généralement acceptée, et elle l'est notamment par nos gouvernements à l'échelon fédéral, provincial et territorial.

En Saskatchewan, nous prenons cette définition de la santé au sérieux. Nous envisageons la santé d'un point de vue de plus en plus holistique. Nous avons un conseil provincial de la santé qui s'occupe de faire des recommandations au gouvernement pour qu'il élabore des politiques publiques saines et multisectorielles, compte tenu de l'incidence des décisions gouvernementales sur la santé des habitants de la province. Nous comprenons maintenant, tout d'abord, qu'il y a plusieurs facteurs qui déterminent la santé personnelle et, deuxièmement, que la santé personnelle est intimement liée à celle de la famille et de la communauté.

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Le rapport de septembre 1994 du Comité consultatif fédéral, provincial et territorial de la santé de la population relevait comme facteurs qui influent sur la santé les éléments suivants: le revenu et la condition sociale; les programmes de soutien sociaux; l'éducation; l'emploi et les conditions de travail; l'environnement physique; le bagage biologique et génétique; les habitudes d'hygiène personnelle et la capacité d'adaptation; le développement de l'enfant; les services de santé.

Sauf pour le bagage génétique, il n'est pas difficile de voir comment la décision unilatérale d'abandonner une ligne ferroviaire dans les régions rurales de la Saskatchewan peut avoir une influence négative sur chacun de ces facteurs. On peut aussi facilement comprendre l'incidence que peuvent avoir ces facteurs sur les communautés, les familles et les particuliers, soit sur la santé de l'ensemble de notre population.

Il existe une proportion plus élevée de chemins de fer et de routes en Saskatchewan par habitant que n'importe où ailleurs au Canada. Ce n'est pas étonnant, étant donné notre vaste territoire, notre base de ressources agricoles, notre population clairsemée. Il n'est pas non plus étonnant de voir que l'entretien de ces routes et de ces voies ferrées coûte cher. Face à certaines pressions économiques, les gestionnaires doivent maintenant faire certains choix.

Ces dernières années, nous avons vu de plus en plus d'ententes internationales et interprovinciales, ce qui mène à une économie plus diversifiée et à une plus grande stabilité économique. À la longue, ces changements devraient avoir des conséquences positives pour la santé personnelle et communautaire.

Malheureusement, l'abandon des lignes ferroviaires nous fait perdre les gains que nous aurions pu réaliser. La suppression arbitraire de services ferroviaires entraînera des problèmes économiques pour les localités rurales et d'importants bouleversements démographiques. Il y aura donc d'énormes retombées en Saskatchewan.

Notre province a entamé une restructuration importante, non seulement de son réseau de transport, mais aussi de son tissu social. Un réseau de transport restructuré doit être abordable sur le plan de l'entretien et du fonctionnement parce qu'il a d'énormes répercussions sur l'emplacement et le mode de fonctionnement des services et des installations de santé et d'éducation.

Nous sommes en train de restructurer notre système de santé, notre système d'enseignement et notre réseau de services sociaux. Nous devons aussi restructurer nos secteurs de services ruraux et municipaux, mais cela n'est pas encore fait. Nous essayons de faire face à des changements démographiques, à une technologie en évolution, à des réductions répétées des paiements de transfert fédéraux et du financement provincial et à la suppression de programmes fédéraux comme le tarif du pas du Nid-de-Corbeau. Les décisions unilatérales que pourraient prendre le CP et le CN entraîneraient toute une suite de réactions locales qui ne seraient pas nécessairement dans l'intérêt des habitants de la province ou de la société rurale.

Dans le domaine social, surtout pour la santé et l'éducation, nous sommes en train de mettre à l'essai divers services de fourniture de programmes et services d'urgence pour répondre aux besoins des régions rurales où il y a moins d'un habitant par mille carré. Nous sommes convaincus que ce sont les habitants de ces régions rurales, et non pas les sociétés ferroviaires, qui devraient décider où seront situés les divers services et institutions. Ce qui doit primer, c'est la logique et l'aspect pratique.

L'abandon non planifié et imprévisible de lignes ferroviaires sans que les habitants de la province aient leur mot à dire nous obligera à changer notre mode de vie et à accepter des modèles et des niveaux de services différents, et peut-être inférieurs. Pourquoi? Parce que de plus en plus de familles quitteront la campagne pour la ville à mesure que l'infrastructure rurale s'effondrera et qu'elles perdront un accès raisonnable aux services. Si une ligne ferroviaire est abandonnée, des écoles fermeront, des installations de santé fermeront et des magasins fermeront. Bref, les communautés deviendront moins nombreuses et risquent de disparaître. Il suffit de voyager un peu dans la province pour se rendre compte des conséquences qu'ont déjà eues les abandons de lignes ferroviaires dans le passé.

Notre province manque malheureusement de leadership pour ce qui est d'avoir une bonne politique globale de transport. À cause de cette lacune, nous avons connu beaucoup d'incertitude ces dernières années, et cela a eu aussi des conséquences dans la société rurale. Les communautés et les gens en ont souffert, et un nombre record d'agriculteurs souffrent de stress.

Parce que nous sommes au milieu d'une période de transition critique en Saskatchewan, nous devons prendre des décisions avisées qui seront à l'avantage de toute notre population à l'avenir. Nous avons besoin d'outils pour nous aider à prendre ces décisions et nous avons besoin du plus de souplesse possible pour faire face sans problèmes aux changements. Bref, nous devons pouvoir influer sur les décisions qui influenceront notre mode de vie dans nos localités rurales.

Pour que nous puissions avoir quelques chances de succès, il faudrait à tout le moins apporter les changements suivants à la loi.

Pour ne pas prendre trop de temps, je me contenterai de mentionner, premièrement, la disposition relative à l'arbitrage, deuxièmement, la disposition relative aux droits de circulation et, troisièmement, l'élimination du critère relatif aux expéditeurs captifs. Comme vous avez déjà sans doute tous les détails sur ces questions, je n'insisterai pas davantage là-dessus.

Nous trouvons particulièrement déplorable la possibilité que les sociétés ferroviaires récupèrent une ligne ferroviaire réaménagée pour réaliser des gains à court terme aux dépens des contribuables.

Pour terminer, nous ne demandons pas la charité et nous n'essayons pas non plus d'empêcher l'abandon justifié de certaines lignes ferroviaires. Nous demandons simplement quelques changements au projet de loi C-101 pour que les expéditeurs, surtout ceux des régions rurales, puissent influer sur les décisions qui toucheront leur propre avenir dans leurs provinces respectives. La possibilité d'exercer un certain contrôle sur sa propre vie et son propre destin revêt une importance primordiale pour la santé et le bien-être des particuliers, des familles et des communautés partout. C'est ce qui fait une bonne politique publique.

Je vous remercie de nous avoir permis de venir vous parler aujourd'hui.

.1100

Le président: Je vais procéder dans l'ordre inverse. Êtes-vous prêts? Sinon, je pourrai vous donner la parole tout à l'heure.

Madame Sheridan.

Mme Sheridan: Merci, monsieur le président.

Pour ceux qui n'auraient pas passé toute leur vie en Saskatchewan, je voudrais que vous expliquiez de façon un peu plus précise pourquoi l'abandon de lignes ferroviaires vous inquiète.

Certains pourraient avoir du mal à comprendre pourquoi les représentants de l'Association des organismes de santé ont voulu venir témoigner devant le comité même si nous étudions un projet de loi sur les transports. Vous ne vous êtes pas trompés de salle.

Pourriez-vous l'expliquer en termes pratiques?

M. McPherson: Oui. Certains d'entre vous ne savent peut-être pas qu'avant d'entamer sa réforme en matière de santé, la Saskatchewan avait plus d'hôpitaux que l'Ontario. Nous avons encore beaucoup plus d'installations de santé qu'il ne nous en faudrait. Nous sommes en train de rationaliser notre système. Il est très important pour nous de décider intelligemment où nous avons besoin d'installations.

Les lignes de chemins de fer ont une très grande incidence sur la démographie de la province. Lorsqu'on supprime une ligne ferroviaire, cela a d'énormes conséquences pour l'endroit où habitent les gens. Si nous prenons des décisions erronées sur l'endroit où nous devons avoir certaines installations, cela nous coûtera plus d'argent que nous n'en avons. Cette période de transition est très importante pour nous. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a moins d'un habitant par mille carré dans ma région, qui a une superficie de 20 000 milles carrés. Même si l'on tient compte de toutes les villes et villages, nous sommes moins de 19 000 habitants. Nous devons donc aborder la fourniture de services de façon plutôt innovatrice dans cette région, et il ne faudrait surtout pas que les sociétés ferroviaires nous prennent par surprise en enlevant tout à coup leurs voies ferrées.

Mme Sheridan: Qu'en pensez-vous? En fait, le projet de loi C-101 donne aux municipalités locales, ou même à la province, une possibilité accrue de participer à l'exploitation des lignes secondaires. Il s'agit de supprimer bien des obstacles et la bureaucratie. N'est-ce pas une bonne chose pour des collectivités comme la vôtre?

M. McPherson: Je pense que si vous entrez dans les détails du projet de loi, vous êtes probablement beaucoup plus informés que moi. Néanmoins, les gens de ma province me disent que le projet de loi n'est pas assez fort.

Honnêtement, nous avons 300 municipalités rurales qui n'ont pas tellement la capacité d'acheter les lignes ferroviaires dans un bref délai. La décision de les acheter doit être prise assez rapidement. Nous n'avons pas l'infrastructure rurale. Nos municipalités ne sont pas structurées de façon à pouvoir s'y réunir pour prendre une telle décision assez rapidement.

Par conséquent, il est presque improbable qu'elles réagissent. La province s'est engagée à ne pas se lancer dans le secteur ferroviaire. Elle a déjà assez de difficulté à s'occuper des routes.

Le projet de loi ne prévoit donc rien à cet effet. Si le CP décide d'abandonner une ligne, il peut toujours s'en tirer à bon compte. Nous craignons qu'il n'adopte une telle démarche.

Mme Sheridan: Vous avez dit qu'il y a un manque d'intérêt évident de la part de la province, mais que se passerait-il si les délais étaient prolongés, par exemple, pour les municipalités rurales?

Vous avez raison de dire que les agriculteurs, les gens d'affaires et autres intervenants locaux siègent aux conseils municipaux. Ils ne disposent pas d'un personnel fortement rémunéré pour les conseiller, comme vous le dites, sur un projet de loi comme celui-ci, ou sur bien d'autres choses. Cela aiderait-il?

M. McPherson: Oui, si nous avions plus de temps. Tout ce que nous demandons, c'est la possibilité de prendre une décision intelligente et de déterminer si nous devons maintenir les lignes ferroviaires dont nous avons besoin chez nous. Si nous avons le temps nécessaire pour constituer un groupe chargé du maintien de la ligne secondaire, si nous avons les droits de circulation, si nous avons la capacité de fonctionner de cette manière, alors nous pouvons faire des choix quant au maintien de certaines lignes que le CP ou le CN ne juge peut-être pas viables, mais que nous estimons viables pour d'autres raisons. Actuellement, les délais sont trop serrés.

Mme Sheridan: Très bien.

Le président: Merci, madame Sheridan.

La pertinence des questions de la députée m'incite à en poser une supplémentaire.

Êtes-vous d'accord avec la rationalisation du secteur médical dans votre province?

M. McPherson: En tant que contribuable, oui.

Le président: Bien. Et à l'instar du domaine médical, ne pensez-vous pas que le secteur ferroviaire devrait également rationaliser ses activités pour être viable?

M. McPherson: Certainement.

Le président: Bien. Et ne pensez-vous pas que le projet de loi donne peut-être la possibilité de s'assurer, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, que personne n'enlève des lignes et n'abandonne les collectivités isolées, etc.? Le projet de loi ne donne-t-il pas la possibilité aux provinces, gouvernements régionaux, municipalités et entreprises privées la possibilité d'acheter ces lignes si les compagnies ferroviaires décident de ne plus les utiliser?

.1105

M. McPherson: À cet égard, les dispositions du projet de loi sont trop faibles. Ce sont des voeux pieux.

Le président: Dans quelle mesure sont-elles des voeux pieux? Donnez-moi un exemple. J'ai du mal à comprendre. J'ai devant moi un document dans lequel on affirme que la Saskatchewan subira des répercussions énormes. En lisant le projet de loi, on se rend compte que vos déclarations sont tout simplement alarmistes.

Donnez-moi un exemple où l'on assistera à des répercussions énormes, comme vous dites, si une compagnie ferroviaire décide de ne plus exploiter une ligne existant entre une communauté A et une communauté B pour cause de rationalisation - comme on l'a vu dans le secteur médical dans votre province - et de déplacer 50 kilomètres de lignes dans un endroit plus central.

M. McPherson: Je pense que cela nous ramène au niveau de population que nous essayons de maintenir dans la province. Quand on tombe en deçà d'une certaine masse critique, il est très difficile de préserver ce genre de services. Les compagnies ferroviaires et céréalières qui utilisent ces lignes ont un impact fiscal considérable dans ces collectivités. En supprimant ces lignes, vous supprimez un élément clé du système.

Vous avez mentionné la possibilité pour la province ou pour des groupes locaux de les racheter. Je suis membre d'un conseil municipal qui a un budget annuel inférieur à 500 000$. Nous n'avons pas les ressources nécessaires. Pour regrouper un certain nombre de municipalités et de groupes, il nous faudrait du temps, des efforts et beaucoup d'organisation.

Comme je l'ai dit dans mon mémoire, nous avons beaucoup de restructuration à faire à l'échelle municipale. Ce n'est pas la faute de votre comité. C'est la réalité dans laquelle nous vivons.

Tout ce que nous demandons, en ce qui concerne les lignes que le CP ne veut peut-être pas conserver, c'est qu'on nous donne l'occasion de maintenir ces lignes en place - car les contribuables ont déjà financé une grande partie de la remise en état - jusqu'à ce que nous décidions de la façon dont nous allons assurer les transports à l'échelle provinciale.

L'abandon progressif du transport ferroviaire au profit du transport routier a déjà un impact considérable sur nos routes. Quiconque a voyagé dans notre province vous le dira. Je vous invite à visiter certaines collectivités de la Saskatchewan où l'on a fermé des lignes ferroviaires. Les répercussions sont profondes.

Le président: Combien de temps voulez-vous, monsieur McPherson? De combien de temps la province a-t-elle besoin?

M. McPherson: En matière ferroviaire, je pense que nous avons besoin d'un délai supérieur à trois mois.

Le président: Vous demandez que l'on donne du temps à la province pour réfléchir et prendre une décision sur la possibilité d'acheter 50 kilomètres de lignes. Combien de temps vous faudra-t-il? Combien de temps ce processus durera-t-il? Qu'attendez-vous du gouvernement fédéral?

M. McPherson: Je pense que je ne me fais pas bien comprendre. Je demande simplement que l'on nous donne plus de temps pour nous organiser afin d'acheter la ligne. Que cela fasse partie ou non de notre politique à long terme en matière de transport, c'est notre problème.

Nous voulons simplement avoir l'occasion de conserver cette ligne. Nous essayons tout simplement de gérer le changement. Cela nous donne l'occasion de prendre de bonnes décisions. Nous ne demandons pas au CP de maintenir la ligne en place; nous demandons simplement un peu plus de temps pour mettre sur pied un programme d'achat, si telle est la démarche à suivre.

Le président: Vous savez que le projet de loi prévoit des informations concernant notamment le plan triennal des chemins de fer que nous allons obtenir. Au début, nous donnons un délai de trois ans, et le projet de loi n'a même pas encore été adopté par la Chambre. Nous n'en sommes qu'à la première lecture.

M. McPherson: Une fois de plus, en ce qui concerne l'aspect technique du projet de loi, je m'en tiens à ce qu'on m'a dit en Saskatchewan, à savoir qu'on ne nous donne pas assez de temps. Dans les réunions auxquelles j'ai assisté, on disait que le délai n'était pas assez long.

Le président: Monsieur Fontana, voulez-vous poser une brève question supplémentaire?

M. Fontana: Évidemment, je peux comprendre son point de vue. Mais je pense que si vous aviez lu les détails du projet de loi et si vous n'aviez pas écouté certains prophètes de malheur... Évidemment, vous êtes motivés par vos intérêts personnels.

Dans la situation actuelle - si rien ne change - les collectivités comme la vôtre et votre mode de vie sont vraiment menacés, parce que les compagnies ferroviaires pourront abandonner ces lignes. Le projet de loi C-101 veut offrir aux collectivités et à tout le monde un plan triennal. Cela vous permettra de connaître trois ans à l'avance les lignes que les deux compagnies ferroviaires ont l'intention de vendre, transférer, abandonner, etc.

Je pense que le délai est en réalité beaucoup plus long que les 90 jours que vous avez mentionnés, je crois. Les compagnies ferroviaires doivent donner un préavis.

L'intérêt du projet de loi réside dans le fait que les compagnies ferroviaires vont d'abord proposer de vendre ou de transférer ces lignes à des exploitants de lignes secondaires. C'est important que la loi les oblige. Si les lignes en question ne trouvent pas preneurs, il incombe aux gouvernements fédéral et provinciaux ou aux administrations municipales de les acheter. Je pense que c'est très positif.

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Vous devez exercer des pressions. Votre ministre était ici la semaine dernière. Les décisions sociales et économiques ne doivent pas incomber au CN et au CP, qui sont des entreprises privées - du moins, le CN sera privatisé bientôt. Il appartient aux gouvernements de prendre ces décisions sociales et économiques.

Par conséquent, vous devez vous assurer que votre propre gouvernement adopte une loi permettant l'exploitation de lignes secondaires, car, à mon avis, le modèle des droits du successeur qui existe en Saskatchewan ne sera pas trop encourageant. Vous devez faire pression sur votre gouvernement provincial pour qu'il permette la création de lignes secondaires. Je pense que cela est très important.

Deuxièmement, vous devez amener la province et les municipalités à participer au développement du réseau de transport et à la mise en place d'un système qui sera propre à votre région.

Je pense que le gouvernement fédéral répond à cette exigence avec le projet de loi C-101, mais nous devons travailler en partenariat avec les collectivités, les provinces et les compagnies ferroviaires pour créer des lignes secondaires. Après tout, vous voulez un bon système de transport, car c'est essentiel.

Toutefois, si vous ne pouvez pas obtenir un tel système, vous devez être en mesure de contrôler les terres de façon à décider dans le sens de vos intérêts. Je pense que c'est ce que nous essayons de faire pour vous.

Le président: Monsieur McPherson, voulez-vous répondre à cette intervention avant de continuer?

M. McPherson: C'est effectivement ce que nous demandons. En fait, dans ce processus, nous avons très vite perdu quelques kilomètres de lignes près de là où j'habite. Il n'y a pas eu de préavis de trois ans non plus.

M. Fontana: Mais c'était l'ancien système.

M. McPherson: Nous craignons de revivre ce qui s'est passé. Nous n'avons pas eu de préavis de trois ans.

M. Gouk: En ce qui concerne les observations de M. Fontana, je conviens que le délai est important. Il n'est pas de trois ans; il peut durer trois ans. Mais une fois que la liste triennale est ouverte, on peut y inclure une ligne et en annoncer la vente. Le délai pourrait être de loin inférieur à trois ans.

D'autre part, j'espère certainement que vous n'aurez pas besoin de trois ans pour vous organiser. D'autres intervenants ont dit la même chose que vous. Souvent, c'est venu de représentants des municipalités. Les compagnies ferroviaires canadiennes et Greenways Network ont comparu hier, je crois. Il existe un délai important, mais vous ne pouvez pas attendre que l'on en arrive à l'échelle municipale pour commencer à prendre une décision. Il faut s'y prendre beaucoup plus tôt.

Je voudrais avoir des éclaircissements dans un autre domaine. Vous avez mentionné deux choses: les droits de circulation et le paragraphe 27(2). Nous avons reçu beaucoup de correspondance et de communications à ce sujet. Je suis sûr que vous avez vu certaines observations qui ont été formulées par les différents témoins.

En ce qui concerne la disposition relative à l'arbitrage, vous dites que nous avons besoin d'un article qui permettra aux compagnies ferroviaires fédérales et provinciales d'accéder au mécanisme de règlement des différends. Dans quelle mesure? Je ne sais pas très bien quels différends vous voulez que l'on règle. Voulez-vous parler du retour au concept des droits de circulation? Voulez-vous qu'il en soit question dans le projet de loi?

M. McPherson: Oui, c'est à cela que nous voulons revenir. Quand j'ai parlé des trois modifications que nous proposons, j'allais dire qu'elles découlent d'un consensus. Il y a eu des réunions de groupes en Saskatchewan. Nous avons estimé que les changements en question nous donneraient la possibilité d'avoir des lignes secondaires, compte tenu de l'expérience passée et de la vie de personnes beaucoup plus éclairées que moi.

Au sein du comité, il y avait des gens qui avaient exploité des lignes secondaires en Saskatchewan, et elles partagent cet avis. Je ne suis pas en mesure d'expliquer très bien l'aspect technique de la question.

M. Gouk: J'ai un commentaire qui a déjà été fait, mais j'essaierai d'être très bref.

Dans l'ancien système d'abandon des lignes ferroviaires, la compagnie devait démontrer qu'elle éprouvait des difficultés financières, et elle s'assurait qu'elle le pouvait. Elles ont cessé d'exploiter les lignes et les ont entretenues au minimum. Quand est venu le moment de les abandonner, aucune personne sensée n'a voulu les acheter. En fin de compte, les localités situées dans la région concernée ont perdu ces lignes.

Regardez les problèmes que le projet de loi C-101 tente de régler. Je n'essaie pas d'en appuyer les dispositions de manière générale, mais il y a certainement des choses que j'aime dans ce projet de loi. Comme par hasard, j'aime en particulier le nouveau processus relatif à l'abandon des lignes, parce qu'il permet aux compagnies d'amorcer la vente au moment où la ligne est encore viable. Il n'est pas nécessaire d'attendre que la ligne soit en mauvais état avant même d'engager le processus. Par conséquent, l'acheteur peut hériter d'une ligne beaucoup plus viable.

Une fois que vous avez vendu à quelqu'un d'autre, si nous vous forçons à transporter les marchandises du nouvel exploitant de la ligne secondaire - c'est-à-dire votre ancien client - sur vos lignes, et à modifier votre emploi du temps pour pouvoir acheminer ces marchandises à votre principal concurrent, vous allez vous fâcher et retourner à l'ancien système, qui consistait à mettre fin à l'exploitation, construire des centres de rechargement, faire tout ce qu'il faut, et mettre la ligne dans un état tel que personne ne l'achètera afin qu'elle soit abandonnée au lieu de servir à transporter les marchandises de votre ancien client.

.1115

C'est le genre de problème que nous essayons d'éviter, et je vous ai entendu justement dire que vous ne voulez pas qu'on abandonne les lignes; nous voulons des solutions de rechange à l'abandon. À mon avis, les droits de circulation sont contraires à l'objectif même que vous voulez atteindre.

M. McPherson: C'est pour cela que nous vous payons pour nous représenter ici. Dans notre témoignage aujourd'hui, nous tenions surtout à vous dire que l'enjeu de ce débat est beaucoup plus important que de savoir comment nous transporterons le produit X vers le port Y.

En Saskatchewan, où nous n'avons pas de politique en matière de transport - et je comprends que notre gouvernement provincial a une part de responsabilité à cet égard - nous disons simplement que l'abandon généralisé des lignes aura des répercussions considérables sur le plan social. Voilà ce que nous voulions porter à l'attention du comité.

M. Gouk: J'aimerais faire une dernière observation, qui se rapporte à celle d'un collègue d'en face.

Dans trois provinces, dont la Saskatchewan, les droits du successeur sont contraires aux objectifs que vous avez énoncés aujourd'hui. Ne l'oubliez pas quand vous reviendrez.

M. McPherson: Je le sais.

Le président: Monsieur Guimond, pour conclure.

[Français]

M. Guimond: Monsieur McPherson, contrairement à notre président qui vous a fait certains commentaires sur la rationalisation des hôpitaux dont vous faites état dans votre mémoire, je vous félicite pour la qualité de votre mémoire, parce que vous y faites ressortir l'impact que toute cette réforme ferroviaire peut avoir sur des communautés, des établissements de santé, des écoles et des commerces. Cela fait du bien parfois de voir qu'il y a des gens qui nous rappellent qu'il y a des êtres humains qui sont touchés par n'importe quelle réforme qu'un gouvernement peut entreprendre.

Je ne sais pas si cela est dû au fait que vous venez d'une province où le NPD est au pouvoir, mais je vous remercie encore une fois d'avoir abordé l'aspect humain dans votre mémoire. C'était le premier commentaire que je voulais vous faire.

Mon deuxième commentaire est semblable celui que j'ai fait à la Fédération canadienne des municipalités pour avoir présenté un mémoire en anglais seulement. Il s'agit peut-être d'un manque de temps ou tout simplement d'un oubli de votre part, mais je voulais vous rappeler qu'il y a, au Canada, deux langues officielles et que les francophones comme moi, qui ne parlent pas la langue de Shakespeare, apprécient avoir des documents dans leur langue pour pouvoir mieux suivre les délibérations.

J'aurais aussi apprécié que Mme Sheridan, une députée de la Saskatchewan, fasse cette même mise en garde dans ses remarques plutôt que de commenter la présence ou l'absence de certaines personnes au comité depuis les trois dernières semaines. Il est tout à fait contraire aux règles de procédure, monsieur le président, de mentionner les absences de quelqu'un...

[Traduction]

Le président: Là, vous sortez un peu du sujet...

M. Guimond: Je ferai ces observations à votre whip.

Le président: ...parce que les microphones n'étaient pas réglés à ce moment-là, cela n'a pas été enregistré.

M. Guimond: Je ferai ces observations à votre whip.

Le président: Comme vous voulez.

M. McPherson: Si je peux répondre, une fois de plus, mes excuses; notre personnel a préparé le document très tard, et l'encre n'est pas encore sèche. C'est pour cela que nous n'avons pas de traduction, comme je l'ai signalé au début - veuillez m'en excuser. Autrement, nous l'aurions fait traduire.

Le président: Je vous remercie, messieurs, d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.

M. McPherson: Merci.

.1120

Le président: Nous recevons maintenant le représentant de la Great West Rural Development Corporation, M. William Matlock, président. Monsieur Matlock, nous vous donnons 15 minutes au maximum pour votre exposé avant de passer aux questions.

M. William J. Matlock (président, Great West Rural Development Corporation): Bonjour, mesdames et messieurs. Avant d'aller plus loin, je tiens à vous présenter mes excuses. Mon mémoire est un peu différent de celui que je vous ai envoyé par la poste, mais je viens d'en faire distribuer d'autres exemplaires.

Au nom de la Great West Rural Development Corporation, je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de m'adresser à vous au sujet du projet de loi C-101. Je comprends très bien qu'à cette étape-ci de vos audiences vous êtes probablement inondés de faits et de chiffres. Je vais donc vous montrer quelques diapositives sur notre région et sur la diversification qui est en cours, et je vous dirai pourquoi notre ligne ferroviaire est importante maintenant et pour l'avenir.

La Great West Rural Development Corporation couvre une région située sur la rive nord du lac Diefenbaker et est constituée de 12 municipalités rurales et urbaines qui se sont regroupées en 1991 pour créer des emplois, diversifier l'économie et améliorer la qualité de vie dans la région. La création du lac Diefenbaker et de l'infrastructure adjacente a suscité une atmosphère propice à la diversification que l'on n'avait jamais vue auparavant en Saskatchewan. La région est desservie par le Canadien Pacifique via la subdivision qui commence à Moose Jaw et se prolonge sur près de 120 milles vers le nord-ouest, jusqu'à Outlook.

La ligne est une voie de 100 livres qui a été remise en état dans les années quatre-vingt. Actuellement, son tonnage moyen sur 10 ans est d'environ 260 000 tonnes. Même si elle semble viable, comme ligne principale ou comme ligne secondaire, il y a un certain nombre de choses que vous devez comprendre.

Théoriquement, la ligne pourrait être divisée en deux parties: la moitié sud, qui va de Eyebrow, village situé à peu près à mi-chemin entre Moose Jaw et Outlook, à Moose Jaw, et la moitié nord, qui va de Eyebrow à Outlook. À Eyebrow, la Saskatchewan Wheat Pool a construit un silo en béton qui pourrait permettre de conserver la moitié sud, mais aucun exploitant de silos ne construit d'installations importantes dans la moitié nord. En fait, il y a deux grands silos en béton sur une ligne adjacente à Davidson, en Saskatchewan.

Les compagnies céréalières ont l'intention de fermer des installations sur la partie nord de la ligne et d'obliger les agriculteurs à transporter leurs produits vers les silos en béton situés à Davidson. Si les silos ferment sur notre ligne, les industries non céréalières de notre région pourraient ne pas être en mesure d'assurer suffisamment de trafic pour que la ligne soit viable.

Nous nous intéressons beaucoup à l'existence d'une ligne secondaire dans notre région. Les agriculteurs pourraient être encouragés à développer leurs propres installations de manutention du grain s'ils constatent qu'ils ont leur mot à dire sur l'avenir des lignes ferroviaires. À cet égard, la loi actuelle donne trop de pouvoir aux compagnies ferroviaires.

L'une des entreprises diversifiées de la région est une usine de déshydratation de la luzerne, qui transforme des ballots de luzerne en cubes destinés essentiellement à la région du Pacifique. Cette usine produit à peu près 27 000 tonnes, ou 400 wagons, de luzerne par an. L'expansion de cette usine, qui pourrait porter sa production à près de 55 000 tonnes, ou à 800 ou 900 wagons, par an, est actuellement suspendue à cause de l'incertitude de notre ligne ferroviaire.

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Une initiative conjointe de recherche et de développement sur la luzerne verte est en cours; elle consiste à produire des cubes de luzerne déshydratée et de la fécule de pomme de terre déshydratée. Si l'expérience est concluante, on pourrait produire environ 30 000 tonnes ou de 450 à 500 wagons chaque année. Une fois de plus, cela n'est possible que s'il existe une ligne ferroviaire sûre.

La production de pommes de terre est un autre domaine diversifié actuellement dans notre société de développement rural. Même si ce domaine n'est pas aussi important qu'au Manitoba, nous estimons que les possibilités de croissance sont énormes avec le projet de recherche et de développement que nous avons mis sur pied.

Il ne s'agit là que de quelques-unes des industries diversifiées fonctionnant dans le cadre de notre société de développement rural. C'est pour cela que nous préconisons fortement des modifications au projet de loi C-101 pour que nous puissions poursuivre notre expansion et créer un environnement intéressant pour toute industrie diversifiée désireuse de s'établir chez nous. Cela ne peut se produire que si l'on nous garantit un service ferroviaire satisfaisant.

Premièrement, nous voulons que l'on mette sur pied un système d'arbitrage pour permettre aux chemins de fer fédéraux et provinciaux d'accéder au mécanisme de réglement des différends. En raison de la différence de taille entre les chemins de fer fédéraux et provinciaux, ces derniers seront en position de faiblesse dans les différends relatifs au prix d'achat et aux accords d'exploitation, ce qui laisserait une région comme la nôtre à la merci d'une grande compagnie ferroviaire fédérale.

Deuxièmement, il faut mettre en place des droits de circulation pour s'assurer que les compagnies secondaires pourront circuler sur les lignes d'une compagnie fédérale jusqu'à un point de correspondance avec une autre compagnie de leur choix. Cela inciterait à fixer des tarifs compétitifs, qui, comme vous le savez certainement, seraient très bénéfiques pour une région comme la nôtre.

Enfin, le critère de captivité, qui s'avérerait très menaçant pour toute personne désireuse de contester une grande compagnie ferroviaire, devrait être supprimé. La seule idée que l'on pourrait être tenu responsable de tous les coûts si les revendications étaient jugées frustratoires dissuaderait certainement tous les expéditeurs d'invoquer cette disposition.

Nous pensons que ce projet de loi nous mettrait en position de faiblesse face aux chemins de fer et aux compagnies céréalières, qui prendraient des décisions à la place des collectivités touchées.

On voit bien qu'en cessant d'exploiter une ligne il devient impossible de la vendre à une ligne secondaire, ce qui élimine la possibilité de conserver quelque service ferroviaire que ce soit. Les compagnies céréalières doivent également assumer certaines responsabilités dans ce domaine pour s'assurer que l'on transporte suffisamment de produits par voie ferroviaire pour rendre l'exploitation de la ligne secondaire viable.

Mesdames et messieurs, il est important de souligner que nous vivons dans une région qui a probablement de 800 millions à un milliard de dollars de travaux d'infrastructure, dont la viabilité et l'expansion futures dépendent d'une ligne ferroviaire qui fonctionne bien. Aucun gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, ne dispose de ressources assez importantes pour remédier aux dommages qui sont infligés au réseau routier en Saskatchewan.

Enfin, dans l'avenir, quand nous nous rendrons compte de certaines de nos erreurs et quand nous repasserons du camionnage au transport ferroviaire, j'espère que nous aurons encore une infrastructure ferroviaire en place. À mon avis, cela ne peut se produire que si ces modifications sont apportées au projet de loi C-101. Je vous invite à réfléchir sur ces trois propositions. Merci.

Le président: Si j'ai bien compris, vous parlez d'une seule ligne?

M. Matlock: Oui.

Le président: Quelle en est la longueur?

M. Matlock: Elle est de 120 milles.

Le président: Nous ne parlons pas ici de l'abandon possible de toute la ligne, n'est-ce pas? Car des silos y sont situés?

M. Matlock: Nous ne le savons pas. Personne ne veut nous donner de garantie. La réalité, c'est que la partie nord de la ligne pourrait être abandonnée tout simplement parce qu'il existe des silos en béton dans des collectivités adjacentes.

Le président: Quelle est la longueur de cette partie?

M. Matlock: Elle représente à peu près la moitié de la ligne, soit de 50 à 60 milles.

Le président: Maintenant, votre société va réfléchir et voir les possibilités, votre crainte, et comprendre que la loi permet de dire aux chemins de fer que s'ils veulent se débarrasser de la ligne, vous êtes intéressés. Votre société se demande pourquoi vous ne pouvez pas trouver un gars comme - quel est son nom? - Tom Payne pour venir exploiter cette ligne pour vous. Vous travailleriez avec lui pour vous assurer de disposer d'une ligne secondaire qui est non seulement fonctionnelle et fiable, mais peut-être aussi rentable.

C'est pourquoi j'aimerais savoir, monsieur Matlock, si votre société s'est penchée sur cette question et a envisagé de consulter un gars comme Tom Payne...et je suis convaincu qu'ils sont nombreux à être disposés, tout comme Tom Payne, à exploiter ces 50 milles de voie.

M. Matlock: Deux choses, monsieur le président. Tout d'abord, Tom Payne ne va pas se tourner vers nous si on en arrive au point où le CP demande 80 000$ le kilomètre pour nous vendre cette ligne. Ce que je demande, c'est quel est le mécanisme prévu si le CP déclare qu'il veut 100 000$ le kilomètre. Notre société, pour sa part, est prête à payer 40 000$ le kilomètre, ce qui constitue à notre avis un juste prix, étant donné les deniers publics qui ont été investis dans la remise en état de la voie.

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Qui va fixer le prix intermédiaire? Les responsables du CP disent qu'ils refusent de vendre, car ils n'y sont pas obligés. La voie est donc inutilisée. Ai-je raison, ou est-ce que je me trompe? Je crois comprendre que s'il est impossible d'en arriver à un compromis, le CP n'est pas tenu de vendre cette voie à qui que ce soit. Si on ne peut pas s'entendre sur le prix d'achat, la société n'est pas tenue de vendre.

Le président: Monsieur Fontana, avez-vous une question supplémentaire?

M. Fontana: J'aimerais envisager la question sous un angle positif. Vous devez comprendre qu'aux termes de la loi en vigueur, le CP ne sera pas tenu de vendre sa voie à qui que ce soit. Il va également falloir que vous négociiez avec le gouvernement provincial de la Saskatchewan pour obtenir l'autorisation de créer un CFIL. Nous ne sommes pas convaincus que cela se produira. Je sais que le ministre était là. Il ne faut pas oublier non plus que votre municipalité est très active dans ce domaine.

En vertu du nouveau régime établi dans le projet de loi C-101, grâce au plan continu triennal il vous sera possible de discuter à l'avance avec les responsables du CP du maintien en activité de cette ligne de chemin de fer. Si aucun acheteur ne se présente, la ligne sera offerte au gouvernement fédéral, à la province et aux municipalités à la valeur nette de récupération. Les municipalités, en l'occurrence votre société, auront donc diverses occasions pour attirer un exploitant de chemin de fer sur ligne courte. J'ai donc tendance à penser que vous avez raison. Même si personne ne peut imposer au CP de vendre cette ligne, il n'en demeure pas moins que si la société veut se départir de cette ligne, c'est uniquement parce qu'elle n'est pas rentable et qu'il y aura une possibilité de partenariat pour créer un CFIL qui pourra sans doute être exploité à moindres frais.

Le projet de loi à l'étude ne résout pas vraiment votre problème. Cela m'inquiète très vivement. La nouvelle loi offre aux collectivités et aux CFIL des occasions extraordinaires, et il faut les saisir. Comme a dit le président, votre société de développement est sans doute la mieux placée pour attirer un exploitant de CFIL et amorcer le processus de négociation.

Est-ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'une sorte de mécanisme d'arbitrage entre la société ferroviaire et un acheteur éventuel pour s'assurer que le prix de vente proposé est équitable et raisonnable?

M. Matlock: Oui, c'est exact. Je continue à croire que, en mettant les choses au pire, tant qu'il ne sera pas satisfait du prix demandé la voie ferrée restera là inutilisée. Faute de mieux, elle sera laissée à l'abandon parce que personne ne pourra s'entendre sur son prix. Comment sortir de l'impasse?

M. Fontana: La deuxième étape, c'est que si la ligne ne peut pas être mise en vente et reprise par une société ferroviaire, il faut reprendre le processus au début en disant qu'elle doit être offerte au gouvernement fédéral, aux provinces et/ou aux municipalités à sa valeur de récupération nette. Il y a donc là une stratégie de la carotte et du bâton qui est à l'avantage des deux parties.

M. Matlock: Je le répète, nous contestons cette valeur de récupération nette, car c'est une ligne qui a été remise en état et qui est dotée de rails en acier lourd. Certains m'ont dit que nous, contribuables, avons déjà payé la note pour remettre cette ligne en état et que nous ne devons pas payer à nouveau pour l'acheter...

M. Fontana: Vous n'avez pas raison de dire que les contribuables ont payé pour le CP. Il ne s'agit pas du Canadien National. Nous parlons du Canadien Pacifique, qui est une société privée. Je ne comprends pas comment on peut dire que le contribuable a payé ces travaux de remise en état.

M. Matlock: Il y avait un panneau d'affichage au début de la ligne ferroviaire.

M. Fontana: Soyons réalistes. Ce sont les usagers qui ont payé ces frais d'une façon ou d'une autre dans le prix du transport par chemin de fer.

M. Matlock: Lorsqu'on procède à des travaux de remise en état d'une ligne, il y a un panneau d'affichage juste au début du projet où il est indiqué: Gouvernement du Canada. Nous avons donc payé ces travaux.

Le président: En un mot, je ne pense pas que les dirigeants du CP soient stupides. Je suis prêt à parier qu'ils constatent que l'exploitation de ce tronçon de 50 milles de voie n'est pas rentable, mais qu'ils savent que s'ils voulaient vendre ces 50 milles de voie à la Great West Rural Development Corporation pour qu'elle exploite une ligne d'apport desservant sa ligne principale...tout le monde a l'air d'y gagner: vous, le CP, sans oublier les acheteurs du produit et les producteurs que vous desservez. Je vois donc là une possibilité d'entente. Je crois comprendre que certains sont un peu inquiets, mais je suis prêt à parier que la logique et le bons sens l'emporteront.

M. Matlock: Il faut bien comprendre, monsieur le président, que pendant des années la diversification était un mot à la mode. Nous avons fini par en arriver là. Nous avons constitué cette société. Nous avons les pommes de terre. Nous avons les usines de déshydratation en état de marche, et les usines pilotes qui tournent et sont très prometteuses.

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Je ne sais pas, je me sens vraiment menacé.

Pour en revenir aux droits de circulation, nous pourrons acheminer ce produit si la Great West achète ce tronçon de ligne. Nous pourrons l'acheminer jusqu'au point de correspondance du CP le plus proche.

Je le répète, nous sommes un marché captif. Comment faire pour transporter le produit jusqu'à la côte au meilleur tarif possible qui nous permette d'être concurrentiels avec les pays riverains du Pacifique, sans...?

Le président: Eh bien, encore une fois...

M. Matlock: Je soutiens, je suppose...

Le président: Les expéditeurs doivent avoir plus confiance dans la société ferroviaire, et il faut absolument faire disparaître la méfiance qui existait jusqu'ici entre eux. Il faudra que les deux parties en arrivent à adopter des pratiques commerciales communes et à faire preuve de bons sens, car nous ne pouvons pas légiférer dans tous les domaines.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président.

Monsieur Matlock, je voudrais vous demander quelques précisions. Les produits que vous traitez arrivent-ils sous diverses formes à vos installations en vue du raffinage?

M. Matlock: Non. En fait, nous sommes simplement un groupe constitué pour favoriser le développement économique. Nous intervenons pour aider tous ceux qui veulent s'implanter dans notre région et y lancer une entreprise.

Nous montrons aux personnes intéressées ce que la région a à leur offrir. Nous leur montrons le service ferroviaire, le service de camionnage, la main-d'oeuvre que nous pouvons mettre à leur disposition, nos services d'adduction d'eau, etc.

M. Gouk: Très bien.

M. Matlock: Puis nous créons le milieu propice à l'établissement de cette entreprise.

M. Gouk: À l'heure actuelle, les produits dont vous avez parlé, comme la luzerne déshydratée, les cubes de luzerne, etc., proviennent-ils d'un seul point jusqu'au chemin de fer? Ou arrivent-ils de divers endroits différents?

M. Matlock: Les produits arrivent d'une région située dans un rayon variant d'un kilomètre à environ 200 kilomètres de l'usine.

M. Gouk: Très bien; vous parlez là de l'usine?

M. Matlock: C'est exact.

M. Gouk: Comment le produit est-il acheminé depuis l'usine jusqu'au chemin de fer?

M. Matlock: L'usine est située le long de la voie.

M. Gouk: Elle est située le long de la ligne?

M. Matlock: Oui.

M. Gouk: Donc, si la ligne disparaît, l'usine n'a plus de raison d'être, ou alors il faudra acheminer les produits par camion jusqu'à...

M. Matlock: C'est exact. Ils ont envisagé la possibilité de transporter le produit par camion vers le nord, sur 80 kilomètres, jusqu'à Saskatoon. Ils ont essayé. Apparemment, cela n'est pas rentable. Il est impossible de rentrer dans nos frais si nous devons acheminer nos produits par camion sur une telle distance.

M. Gouk: J'étais tenté de proposer une solution dans le même sens que celle de M. Fontana. Bien sûr, vous n'êtes pas d'accord, parce que vous dites que ce sont les deniers publics qui ont servi à financer la remise en état de la voie.

En dernier ressort, il vous faudra tout au plus payer la ligne, à moins qu'une société concurrente n'envisage d'exploiter un chemin de fer sur cette ligne. Si quelqu'un d'autre le fait, c'est très bien, vous aurez encore le transport par chemin de fer, mais pour vous le prix d'achat sera à la valeur de récupération nette.

Je comprends que ce que vous qualifiez de subvention vous pose un problème. À moi aussi d'ailleurs. Est-il exagéré de la part de la société ferroviaire de dire que cela fait partie de son exploitation, de ses éléments d'actif, et que le moins qu'elle puisse espérer, c'est d'obtenir lors de la vente la valeur minimum du terrain?

À mon avis, une bande de terre de 100 pieds de large ne pourrait servir qu'à un parc linéaire, rien de plus. Cela a très peu de valeur du point de vue foncier. Quant aux rails, selon qu'ils pourront être réutilisés ou iront à la ferraille, leur valeur de récupération est facile à calculer. Le prix est relativement faible. Cela ne représente pas une dépense excessive pour quelqu'un qui déciderait de reprendre la ligne et de l'exploiter.

Or, vous avez dit que la société ferroviaire pourrait exiger 100 000$ le kilomètre...

M. Matlock: J'ai choisi...

M. Gouk: Je sais que vous avez cité des chiffres au hasard. Disons que la valeur de récupération soit de 50 000$; vous offrez ce montant-là, et la valeur de récupération est peut-être même inférieure à cela.

En se fondant sur ce chiffre, les responsables de la société ferroviaire devraient avoir perdu la tête pour refuser une telle offre, à moins qu'il n'y ait un autre acheteur prêt à payer plus cher; ils pourraient vous dire simplement qu'ils préfèrent ne pas vendre la ligne du tout.

Dans ce cas-là, si vous étiez futés, vous vous adresseriez à la province ou à la municipalité locale en lui disant: écoutez, vous achetez la ligne, vous nous la remettez, nous vous rembourserons et nous utiliserons la différence entre le prix que nous avions offert à ces imbéciles et celui que vous avez payé pour réduire nos dépenses.

M. Matlock: Pourquoi pas?

M. Gouk: Le système n'est pas infaillible. Mais comment, grand Dieu! pouvons-nous rédiger une loi infaillible?

M. Matlock: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Ce que dit le monsieur au bout de la table, c'est qu'il y a un plan triennal. C'est ce qu'on disait il y a quelque temps. Je ne veux pas de cette période de trois ans. Il faut proposer un plan plus rapidement que cela. Vous parlez à des gens comme nous.

Je le répète, je suis disposé à négocier avec les responsables du CP ou n'importe qui d'autre pour en arriver à un prix raisonnable. Si cela correspond uniquement au prix des rails - ce qui me paraît raisonnable - je n'y verrais rien à redire.

Par contre, si on ne peut pas s'entendre sur ce prix, alors là j'ai un problème.

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M. Gouk: Lorsque j'ai parlé avec les responsables des chemins de fer... En fait, j'ai même posé la question aux fonctionnaires de Transports Canada. Votre ligne ne fait pas partie de leur plan triennal. Si vous communiquez avec eux en leur disant: écoutez, nous pensons que vous ne voulez pas vraiment exploiter cette ligne et nous désirons l'acheter, ils pourront négocier avec vous sans que la ligne soit incluse dans le plan triennal.

À la fin des négociations, juste avant de signer à l'endroit prévu, tout ce qu'il leur faudra faire, c'est modifier votre plan, l'inscrire ici, signer l'entente, et le chemin de fer sera à vous.

Ils ne sont pas tenus d'attendre trois ans si vous communiquez avec eux et qu'ils concluent une entente avec vous. C'est ce que nous ont dit les responsables de Transports Canada, et notre comité est bien d'accord.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Monsieur Matlock, au nom du comité, je vous remercie de votre témoignage.

M. Matlock: Merci beaucoup.

Le président: Chers collègues, nous entendrons maintenant les représentants de la Commission des transports des provinces de l'Atlantique.

Monsieur Armitage, soyez le bienvenu. Nous espérons que vous pourrez vous limiter à une dizaine de minutes, ce qui nous laissera le temps de poser des questions dès que votre exposé sera terminé. Nous vous souhaitons la bienvenue. Allez-y quand vous serez prêt.

M. Ramsay Armitage (directeur général, Commission des transports des provinces de l'Atlantique): Merci beaucoup, monsieur le président. Vous serez heureux d'apprendre que mes remarques liminaires seront brèves. Ensuite, je répondrai volontiers à toutes vos questions.

Tout d'abord, permettez-moi de dire que la Commission des transports des provinces de l'Atlantique apprécie beaucoup d'avoir cette occasion de comparaître devant le comité et de présenter ses vues sur cette question importante.

Je voudrais tout d'abord vous expliquer brièvement le rôle de la CTPA et ce qui motive notre intérêt pour cette question. La CTPA est un organisme qui représente les intérêts des fabricants et des producteurs des provinces de l'Atlantique en matière de transport.

La commission a pour mandat de s'assurer que les services de transport sont rentables, efficaces et bien adaptés, afin de satisfaire les besoins des expéditeurs.

Je signale également que je présente cet exposé de la part de notre président, Joseph Hutchings, et du conseil d'administration de la CTPA.

Comme nous le disons dans notre mémoire écrit, le transport ferroviaire est essentiel pour satisfaire les besoins des fabricants et des producteurs de la région de l'Atlantique, lesquels, en tant qu'utilisateurs directs, sont tributaires d'un mode de transport rentable pour les marchandises à destination et en provenance de la région.

Qui plus est, le service ferroviaire est d'une importance cruciale pour les ports de Halifax et Saint John. En l'absence d'un service ferroviaire rentable qui relierait les ports de Halifax et Saint John aux principaux marchés d'Amérique du Nord, bon nombre des services actuels de transport maritime océanique disparaîtraient au profit des ports américains, et il serait alors très difficile à la région d'attirer de nouveaux services.

Cette situation aurait un effet de domino du fait que les services de navigation océanique qui passent par nos ports constituent le moyen qui permet à bon nombre de nos exportateurs régionaux d'être concurrentiels sur les marchés internationaux.

La CTPA approuve l'objectif général du projet de loi C-101, qui vise à supprimer les chevauchements et la réglementation superflue. La commission estime que la concurrence et les forces du marché devraient être les facteurs essentiels qui déterminent le niveau de service qui sera offert.

Toutefois, dans la région de l'Atlantique notamment, il n'y a pas de concurrence dans le secteur ferroviaire qui fait des droits des expéditeurs et des mécanismes de protection un élément essentiel du projet de loi. Nous sommes préoccupés par le fait que, aux termes du projet de loi C-101, la possibilité qu'ont les expéditeurs de demander et obtenir un redressement en cas de besoin est considérablement affaiblie.

Les préoccupations de la CTPA concernant le projet de loi C-101 portent sur deux secteurs clés: l'avenir du service ferroviaire dans la région de l'Atlantique et l'affaiblissement des droits des expéditeurs et des mécanismes de protection.

En ce qui concerne notre première source d'inquiétude, c'est-à-dire l'avenir des services ferroviaires, la CTPA est favorable à un processus d'abandon moins onéreux et à l'adoption d'un nouveau cadre visant à faciliter la création de chemins de fer régionaux sur courtes distances.

Dans la région de l'Atlantique, toutefois, les résultats financiers du CN ont été moins que satisfaisants ces dernières années; et encore, c'est un euphémisme. Il s'ensuit de graves répercussions à la veille de la privatisation du CN. La viabilité commerciale à long terme des services ferroviaires dans la région de l'Atlantique est un objectif qu'il est possible d'atteindre, à notre avis, mais la CTPA craint que, à court terme, les résultats financiers ne soient pas suffisants pour répondre aux attentes des nouveaux investisseurs.

L'absence éventuelle de rentabilité des services ferroviaires dans la région, à court terme, justifie la nécessité d'adopter de toute urgence une politique sur le réseau ferroviaire essentiel.

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À notre avis, les lignes du CN à l'est de Montréal doivent être désignées dans le projet de loi C-101 comme un élément essentiel du réseau ferroviaire national du CN. Le projet de loi C-101 passe sous silence la nécessité d'adopter une politique sur le réseau ferroviaire essentiel. Il n'en est absolument pas question dans le projet de loi, et c'est pourquoi nous recommandons d'en faire un élément intégral de notre politique.

Nous sommes aussi préoccupés, comme je l'ai déjà indiqué, par les dispositions limitant l'accès des expéditeurs aux mécanismes de protection, notamment lorsqu'il s'agit d'interconnexion, de prix de ligne concurrentiels et d'arbitrage.

À cet égard, le paragraphe 27(2) établit le critère du préjudice important - et je sais que le comité a déjà entendu cela à maintes et maintes reprises - auquel l'expéditeur doit satisfaire avant que l'office ne puisse traiter sa demande. Nous estimons que ce critère introduit une réglementation inutile et mal définie qui empiète sur les droits existants des expéditeurs et qui affaiblit considérablement l'utilité des dispositions de la loi sur l'accès concurrentiel comme outil de négociation.

Nous nous opposons également à certains autres éléments du nouveau projet de loi, notamment au paragraphe 34(1) concernant les demandes frustratoires. Nous nous opposons à l'article 113, qui prévoit que les prix doivent être commercialement équitables et raisonnables, et nous nous opposons aussi à l'élimination des exigences concernant la limitation de la responsabilité qui sont contenues dans la loi existante.

Pour conclure notre exposé préliminaire, je tiens à vous faire part d'une dernière préoccupation dont il est fait état dans le mémoire de la CTPA en ce qui a trait à la disposition visant à restreindre l'application des prix de ligne concurrentiels de manière à en exclure les chemins de fer soumis à la réglementation provinciale et à faire disparaître la porte de Saint John et, partant, le corridor ferroviaire passant par les États-Unis. Nous donnons un peu plus de détails à ce sujet dans notre mémoire, et nous y expliquons également de façon plus concrète beaucoup des autres points que j'ai abordés.

Voilà qui termine notre exposé préliminaire, monsieur le président. Je serai heureux d'essayer de répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Armitage. Nous vous avons souvent vu devant notre comité et nous sommes heureux de vous revoir. Nous vous sommes reconnaissants pour votre exposé.

Nous commençons par M. Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président. Je veux discuter en premier de ce fameux paragraphe 27(2). Si j'ai bien compris les préoccupations dont vous nous avez fait part, si le libellé de ce paragraphe était modifié... Les fonctionnaires de Transports Canada et les membres de notre comité disent que l'objet de la disposition n'est pas d'empêcher l'office d'examiner une demande; elle vise uniquement à préciser la façon de régler le cas une fois que la demande a été entendue. Si le libellé était modifié de façon à indiquer bien clairement que l'office doit entendre la cause avant de prendre quelque décision que ce soit, cela répondrait-il à vos principales préoccupations en ce qui concerne le paragraphe 27(2)?

M. Armitage: À vrai dire, monsieur le président, c'est la première fois que j'entends parler de cette proposition visant à modifier le libellé du paragraphe.

Pour ma part - et je crois pouvoir parler au nom de la Commission des transports des provinces de l'Atlantique à cet égard - , je ne pense pas que ce serait suffisant. L'objet du projet de loi, tel que je le comprends, c'est de ne pas réduire ni affaiblir ni compromettre les possibilités qu'ont les expéditeurs aux termes de la loi existante d'obtenir des correctifs, que ce soit sur le plan des prix de ligne concurrentiels ou d'autres mécanismes destinés à les protéger.

Je pense bien, monsieur Gouk, que ce que vous proposez permettrait d'atteindre cet objectif, en vertu du fait que, comme vous dites, cela se ferait uniquement après...

M. Gouk: Je tiens toutefois à vous faire remarquer, sauf le respect que je vous dois, que vous avez vous-même dit dans votre mémoire que ce qui vous inquiète, c'est que les expéditeurs doivent d'abord faire agréer leur demande par l'office. Les expéditeurs souffriront d'un préjudice important avant même que leur demande puisse être entendue. C'est là votre principale préoccupation.

Bon, si l'on tient compte de cela et de ce que je viens de proposer comme modification de manière à préciser clairement ce qui constitue un préjudice important - pour qu'on ne puisse pas empêcher la demande d'être soumise à l'office, mais qu'on se serve uniquement de ce critère pour régler le cas une fois que la demande aura été entendue - et si tout le monde sait exactement ce qu'il faut entendre par préjudice important, cela répondrait-il à vos préoccupations?

M. Armitage: Je dirais que cette modification ferait beaucoup pour atténuer nos inquiétudes, dans la mesure où la définition serait raisonnable et, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne compromettrait pas les possibilités qu'ont les expéditeurs d'obtenir des correctifs.

M. Gouk: Acceptez-vous le fait que le paragraphe 27(2) toucherait surtout les demandes des expéditeurs captifs?

M. Armitage: Captifs en ce sens que le transport ferroviaire constitue le seul moyen de transport rentable...

M. Gouk: Et en ce sens qu'ils n'ont accès qu'à un seul chemin de fer et que les transports routiers n'ont manifestement pas une solution de rechange viable - si c'était là la définition qu'on donnerait d'expéditeur captif et si on précisait que le paragraphe 27(2) ne s'appliquerait pas à l'expéditeur captif... sommes-nous près de toucher au but?

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M. Armitage: Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il faudrait définir le terme expéditeur captif. Il me semble que la situation dans laquelle se trouve l'expéditeur qui doit payer des prix déraisonnables ou qui se heurte à d'autres problèmes suffit en soi à démontrer...

M. Gouk: Ainsi, si je vous comprends bien, vous croyez qu'il est impossible d'apporter les améliorations nécessaires au paragraphe 27(2) et que ce paragraphe doit tout simplement être éliminé.

M. Armitage: Oui, c'est vraiment là...

M. Gouk: Bon, d'accord.

En ce qui concerne le paragraphe 34(1), j'ai fait quelques recherches rapides à ce sujet que j'ai trouvé très intéressantes. J'ai constaté qu'il pourrait être utilisé plus souvent contre les chemins de fer que contre les expéditeurs, car les expéditeurs ont tendance à tenir compte de cette condition avant même de présenter une demande; ils s'assurent de ne pas présenter de demandes frustratoires.

Pour ce qui est des chemins de fer, je ne me suis pas livré à une étude approfondie de la question, mais j'ai constaté qu'à deux reprises au moins les chemins de fer ont cherché à retarder le processus en érigeant des obstacles dont il serait très facile de montrer qu'ils étaient frustratoires et qui, dans un cas, mettait en cause un important expéditeur de la côte ouest. Ainsi, d'après les recherches que j'ai faites jusqu'à maintenant, il semble que cette disposition pourrait tout au moins être autant à l'avantage des expéditeurs que des chemins de fer et qu'elle se révélera peut-être bien plus avantageuse pour les expéditeurs que pour les chemins de fer.

M. Armitage: Oui, je comprends votre argument. Je m'inquiète toutefois du fait que les chemins de fer sont tout-puissants lorsqu'il s'agit de procédures juridiques et réglementaires, contrairement aux expéditeurs, qui auraient du mal à justifier les dépenses qu'ils seraient obligés d'engager pour aller de l'avant et qui se sentiraient donc plus menacés par cet aspect économique que les chemins de fer. Cette raison suffirait à elle seule, il me semble...

M. Gouk: C'est intéressant ce que vous dites là. Il me semble que ce serait tout le contraire, pour les raisons que vous avez vous-mêmes énoncées.

Si je suis à la tête d'une grande société et que je peux embaucher des avocats et faire durer la procédure contre un petit expéditeur qui n'a pas les moyens, lui, de supporter les dépenses qu'entraînerait une longue poursuite, je ne voudrais certainement pas d'une disposition qui m'interdirait de présenter à l'office une demande frustratoire qui retarderait le processus et qui entraînerait des dépenses considérables pour l'expéditeur sans motif valable.

Si, par contre, j'étais moi-même ce petit expéditeur, je voudrais pouvoir bénéficier d'une disposition comme celle-là, alors que si j'étais à la tête d'un chemin de fer et que je pouvais recourir à des avocats et à d'autres moyens pour vous amener à la faillite, je n'en voudrais pas.

M. Armitage: Votre optique est intéressante, et, en toute honnêteté, je n'y avais pas pensé. Cela me causerait néanmoins des problèmes.

M. Gouk: Bon, je crois qu'il vaut mieux passer à autre chose. Je veux aborder certains autres aspects avec vous.

Pour ce qui est des chemins de fer d'intérêt local ou des lignes secondaires provinciales, qui devraient, selon vous, être soumis au même régime, rien n'empêche les provinces de légiférer en ce sens. Les chemins de fer provinciaux sont soumis à la réglementation des provinces, que vous représentez d'ailleurs, et ce n'est pas à nous, mais bien aux provinces, qu'il appartient de prendre des règlements relativement à ces chemins de fer provinciaux.

M. Armitage: Nous trouvions que le projet de loi présentait une lacune relativement aux chemins de fer provinciaux du fait que ces chemins de fer ne seraient pas visés par la loi; ils ne sont pas compris dans la définition de ce qui constitue un chemin de fer.

M. Gouk: Non, ils ne le sont pas, et c'est donc à vous qu'il appartient de vous en occuper.

M. Armitage: Par conséquent, même s'il ne s'agit que de ce qui est autorisé, ces chemins de fer n'ont pas, à notre avis, la possibilité d'être inclus dans une décision relative au prix de ligne concurrentiel. Je crois, monsieur le président, que vous avez entendu d'autres témoins sur ce sujet - la New Brunswick Southern Railway et d'autres.

Le président: Merci, messieurs.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président. Du point de vue de l'économie atlantique et de votre commission, avez-vous une ventilation des coûts que représentent pour les expéditeurs de l'Atlantique les trois principaux modes de transport - routier, ferroviaire et maritime?

M. Armitage: Pas vraiment. Quand vous parlez du coût, voulez-vous...

M. Hubbard: Ou du pourcentage d'utilisation - je pourrais peut-être reformuler ma question ainsi - des divers modes de transport.

M. Armitage: Je n'ai pas de chiffres définitifs, mais il est généralement reconnu que le transport routier représente environ 80 p. 100 de l'ensemble des expéditions et que le reste est acheminé par chemin de fer. Si on tient compte aussi du transport maritime, les chiffres changent de façon considérable, mais s'il s'agit uniquement de transport terrestre intérieur au Canada, les camionneurs qui desservent le Canada atlantique ont environ 80 p. 100 du marché.

M. Hubbard: Nous avons entendu des témoignages de l'Ouest sur le choix entre le transport routier et le transport ferroviaire, et il y a des divergences d'opinions considérables entre le Canada atlantique et la Saskatchewan, le Manitoba ou l'Alberta. Avez-vous essayé de faire des recherches, ou avez-vous effectué des recherches pour montrer quels sont les problèmes dans les provinces Atlantiques au regard de ce qu'on nous dit dans l'Ouest?

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M. Armitage: Je crois que les expéditions dans le Canada atlantique, exception faite du Labrador, où le minerai de fer en vrac constitue une bonne part du trafic, sont très différentes de celles de l'Ouest, où l'on retrouve le charbon, le soufre et divers produits en vrac pour lesquels le rail est le seul mode de transport rentable.

Nous avons aussi de ces produits, mais leur proportion est loin d'atteindre celle qu'ils atteignent dans l'Ouest. Je ne crois pas à ce moment-là qu'il y ait de comparaison possible.

M. Hubbard: Vous savez que le secteur forestier de l'Ouest nous a présenté les mêmes arguments que les producteurs de céréales, de houille et de sel. L'optique semble être la même dans tout l'Ouest du Canada... On semble avoir une perception différente du transport.

Ramsay, nous avons entendu une motion relative au projet de loi visant à privatiser le CN. Vous dites craindre pour la survie du réseau ferroviaire national dans le Canada atlantique.

M. Armitage: En effet, monsieur Hubbard, c'est là notre principale préoccupation. Nous sommes très préoccupés par la transformation éventuelle du CN de société de la Couronne en entreprise commerciale privée tenue avant tout de surveiller son bilan, c'est-à-dire sa rentabilité commerciale.

Nous croyons savoir que, pour le CN, la rentabilité est toujours un objectif assez lointain dans le Canada atlantique, c'est-à-dire dans les trois provinces Maritimes qui sont les plus dépendantes du transport ferroviaire. Le CN fait des progrès en ce sens, mais il aurait besoin de plus de temps.

Nous nous inquiétons parce que nous sommes à la veille de la privatisation et que la situation du CN dans le Canada atlantique est toujours déficitaire. Les nouveaux investisseurs, administrateurs et gestionnaires qui prendront la relève voudront-ils maintenir le réseau ferroviaire qui dessert le Canada atlantique quand ce réseau pourrait être déficitaire pendant plusieurs années encore?

M. Hubbard: L'AANB prévoyait la construction d'un chemin de fer jusqu'à Halifax pour assurer la liaison avec le Canada atlantique. Cela est un engagement qui avait été pris par les gouvernements des quatre provinces qui ont créé le Canada en 1867.

À cet égard, comment percevez-vous la responsabilité du gouvernement fédéral pour ce qui est, non seulement de construire, mais aussi de maintenir et d'exploiter un chemin de fer allant jusqu'au Canada atlantique et jusqu'aux ports de l'Atlantique, notamment jusqu'à Halifax? Avez-vous discuté de cette question, ou avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Armitage: Je ne me hasarderai pas à répondre à cette question, monsieur le président. Je ne suis pas avocat, et c'est là une question très controversée. Si je ne dis pas ce qu'il faut dire, je serai dans le pétrin. Je crois qu'il vaut mieux que je n'y réponde pas, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

M. Hubbard: Votre commission a-t-elle une position sur les changements qui pourraient survenir dans le transport maritime? Nous avons trois grands ports dans le Canada atlantique: Saint John, Halifax, bien sûr, et le troisième, celui de Belledune, qui concerne tout particulièrement un de nos membres.

Étant donné les changements dont il est question relativement aux services de brise-glace et la possibilité de faire payer les services aux usagers, pensez-vous qu'il pourrait y avoir des changements dans le système de transport national si la voie maritime du Saint-Laurent devait payer sa part des dépenses relatives aux services de brise-glace? L'importance historique des ports de Halifax et de Saint John est due au fait qu'ils sont libres de glace.

M. Armitage: Oui, l'idée de faire payer aux usagers les coûts des services maritimes nous cause de profondes inquiétudes. Il ne faut pas conclure pour autant que nous ne souscrivons pas à cette formule en principe - nous y souscrivons et nous voudrions que la formule du recouvrement des coûts soit appliquée à autant de services que possible...

Par contre, nous avons des industries qui dépendent des ports et des services maritimes pour pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés, notamment sur les marchés étrangers. Nous ne voudrions pas que la politique en matière de transport maritime fasse en sorte que ces entreprises ne soient plus compétitives sur ces marchés.

Nous soutenons donc qu'il faut faire en sorte que la formule de recouvrement des coûts qui sera appliquée n'ait pas un impact tel que le préjudice économique serait plus important que l'avantage économique qui pourrait en être retiré. Autrement dit, nous voudrions qu'une étude soit faite sur les ports dont dépend une bonne part de notre secteur industriel.

M. Hubbard: Revenons à la question essentielle, celle des chemins de fer. Si la formule de recouvrement des coûts était adoptée, les ports de Halifax et de Saint John deviendraient-ils plus importants au regard du transport ferroviaire et de la nécessité d'assurer un lien ferroviaire solide avec les provinces du centre?

M. Armitage: Bien sûr que oui, et ce serait tout particulièrement le cas de Halifax.

.1200

M. Comuzzi: Monsieur Armitage, la conteneurisation est la nouvelle tendance en matière de transport, et Halifax est en train de devenir un port très important pour le trafic conteneurisé. Quand le CP s'est retiré du Canada atlantique, et plus particulièrement de Halifax, il a investi des sommes considérables pour aménager dans le port de New York des installations capables de recevoir les conteneurs. Est-ce bien ce qui s'est produit? Est-ce ainsi que vous percevez les choses?

M. Armitage: C'est à peu près cela, monsieur Comuzzi. Si je me souviens bien, le CP a abandonné sa ligne principale. Pour nous, dans notre région, il s'agissait en fait de la ligne principale reliant Montréal à Saint John. Une fois que l'abandon a été chose faite sur le plan juridique, la ligne a été rachetée par divers chemins de fer d'intérêt local.

Pour ce qui est des sommes qu'il a investies dans l'infrastructure portuaire américaine, le CP a acheté, il y a de cela plusieurs années, le chemin de fer Delaware and Hudson, qui va littéralement de Montréal ou Rouses Point jusqu'au port de Philadelphie, avec accès aux ports de l'État de New York, du New Jersey et à d'autres destinations. D'après ce que j'en sais, le CP a non seulement payé un prix d'achat initial de bien des millions de dollars, mais a aussi investi des sommes considérables pour améliorer cette ligne ferroviaire, et il serait sur le point de pouvoir offrir un service de train à deux niveaux qui constituerait une solution de rechange extrêmement compétitive par rapport aux ports de Halifax, de Saint John, ou même de Montréal, pour ce qui est d'acheminer vers les provinces canadiennes du centre ou vers le Midwest américain les marchandises en provenance de l'étranger.

M. Comuzzi: Quel était le nom de ce chemin de fer que la compagnie a acheté?

M. Armitage: C'est le Delaware and Hudson.

M. Comuzzi: La compagnie a donc choisi essentiellement cette région, de préférence aux trois ports canadiens, comme point de départ du trafic conteneurisé.

M. Armitage: Je ne pense pas que votre affirmation soit tout à fait juste, puisque le CP est tout de même un acteur important dans le port de Montréal. La compagnie est propriétaire de Canmar et de CAST, deux entreprises qui ensemble représentent la plus grande part du transport maritime en provenance et à destination de Montréal, puisqu'elles assurent le transport d'environ 80 p. 100 de tous les conteneurs qui passent par le port de Montréal. Montréal reste donc un point d'entrée et de sortie important pour le CP. La compagnie a toutefois très bien tiré son épingle du jeu en s'assurant une porte vers les ports américains, de sorte qu'elle a de bonnes possibilités d'accès des deux côtés de la frontière. Dans les deux cas, cependant, elle s'arrange pour contourner les provinces Atlantiques.

M. Comuzzi: C'est précisément ce que je voulais dire... contourner les provinces Atlantiques.

M. Armitage: Oui.

Mme Wayne (Saint John): Ramsay, si je comprends bien, cette nouvelle politique en matière de transport maritime qui est à l'étude... De nombreuses entreprises, notamment dans ma région, ont une position bien arrêtée à cet égard: elles sont prêtes à payer des frais pour les services dont elles ont besoin, mais pas à payer les services de brise-glace dans la voie maritime du Saint-Laurent alors que le port de Saint John est exempt de glace. N'est-ce pas leur position?

M. Fontana: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il n'est pas question de la politique en matière de transport maritime dans le projet de loi C-101.

Mme Wayne: Monsieur Fontana, M. Comuzzi vient juste d'en parler, et vous n'avez pas invoqué le Règlement.

Le président suppléant (M. Hubbard): Monsieur Fontana, les chemins de fer sont étroitement liés à la politique maritime dans la région atlantique.

M. Fontana: Mais pas la question qu'elle vient tout juste de poser sur la tarification. Monsieur le président, vous devriez savoir que pour l'instant il n'est pas question de politique maritime; donc, je ne sais pas vraiment de quoi vous voulez parler.

Mme Wayne: Non, il n'y en a pas encore, mais elle fait déjà l'objet de discussions.

M. Fontana: Non, il n'en est pas question actuellement.

Mme Wayne: Nous en avons une copie. Nous vous l'enverrons cet après-midi pour que vous puissiez la lire.

Le président suppléant (M. Hubbard): Nous permettons à Mme Wayne de poser sa question.

Mme Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Vous le savez, Ramsay, nous avons entendu les représentants du New Brunswick Southern Railway, et ils ont un gros problème. Quel est l'avis de votre commission? Pense-t-elle que le New Brunswick Southern Railway devrait être considéré comme une compagnie canadienne, comme l'était le Canadien Pacifique lorsqu'il exploitait cette ligne dans le cadre de la Loi sur les transports nationaux, et être donc inclus dans ce projet de loi C-101?

M. Armitage: Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point avec le New Brunswick Southern. C'est un exemple typique des lacunes du projet de loi C-101.

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Jusqu'à ce que le CN abandonne la ligne entre Saint John et Montréal, Saint John était l'autre point d'accès, conformément aux dispositions sur les prix de ligne concurrentiels de la Loi sur les transports nationaux de 1987. Selon une disposition de cette loi, la ligne qui passe par le Maine, autrefois exploitée par le CP, est considérée comme une ligne canadienne aux fins des prix de ligne concurrentiels.

Nous aimerions que cette disposition soit transposée dans la nouvelle loi pour les exploitants actuels, l'un d'entre eux étant le New Brunswick Southern.

Il y a une autre chose qui manque. Les dispositions de la loi sur les prix de ligne concurrentiels devraient englober les chemins de fer provinciaux, non pas pour les faire relever du gouvernement fédéral, puisque de toute évidence ce sont des chemins de fer provinciaux et que ce ne serait pas justifiable, mais pour leur permettre, par une dérogation spéciale qui ne devrait déranger personne, d'être couverts, tout comme les chemins de fer réglementés par le gouvernement fédéral, par les prix de ligne concurrentiels.

Le problème pour le Canada atlantique, c'est que son seul accès aux prix de ligne concurrentiels est Québec, ce qui, pour commencer, oblige à longuement transiter par le CN, ce qui va totalement à l'encontre de ce concept de prix de ligne concurrentiels en l'absence de cet accès par Saint John.

Le président: Monsieur Armitage, nous vous remercions infiniment de votre témoignage. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.

Chers collègues, notre dernier témoin de ce matin représente l'Union des Indiens de l'Ontario.

Nous souhaitons la bienvenue au vice-grand chef de l'Union des Indiens de l'Ontario, Vernon Roote. Bonjour, monsieur, et monsieur Rogers, bienvenue à notre comité. Nous aimerions, si c'est possible, que vous limitiez votre exposé à quinze minutes afin que nous puissions vous poser quelques questions.

M. Vernon Roote (vice-grand chef, Union des Indiens de l'Ontario): Nous représentons un certain nombre de communautés, comme mon témoignage vous l'indiquera.

Je suis accompagné d'un ancien de la région du Sud-Ouest de l'Ontario, Ray Rogers, qui vient de la communauté de Sarnia. Il est ici pour m'aider à répondre aux questions que vous voudrez peut-être me poser concernant les expropriations de terres indiennes.

L'unique objet de cet exposé est la question des expropriations de terres indiennes en général. La communauté de la Première nation de Sarnia a l'expérience des menaces d'expropriation. C'est de cette expérience que nous aimerions vous parler, et Ray est ici pour m'aider à le faire.

Pour commencer, j'aimerais vous lire notre mémoire pour vous exposer nos problèmes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, en me présentant, je suis vice-grand chef. En d'autres termes, je suis le vice-président de cette organisation. Nous représentons 41 Premières nations et ces communautés se répartissent tout le long de la région des Grands Lacs, de Thunder Bay jusqu'au centre et au sud de l'Ontario.

Les rapports avec la terre de la nation Anishinabek - c'est notre nom - sont très différents des notions foncières et territoriales des Européens. Nous ne considérons pas la terre comme une denrée. Pour nous, notre terre c'est notre mère qui réclame le respect, la responsabilité et l'honneur. Cette différence est largement documentée dans l'histoire du continent et forme la base de nombre des questions critiques et actuellement en souffrance qui touchent aujourd'hui les Premières nations du Canada.

Cette différence d'opinion est à l'origine d'interprétations vastement différentes des traités que nous avons signés. Dans chaque cas, notre interprétation a été ignorée et celle de la Couronne a prévalu, nous laissant avec très peu de terres et avec de moins en moins les moyens de subvenir à nos propres besoins.

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Nous sommes les occupants et les gardiens originaux de ces terres et nous n'avons jamais cédé notre responsabilité ni renoncé à nos intérêts. Pourtant aujourd'hui, nos nations se retrouvent avec moins de 0,01 p. 100 du territoire. Il n'a cessé d'être érodé par des ententes et des politiques gouvernementales unilatérales. La construction des chemins de fer et d'autres infrastructures de transport sont majoritairement responsables de ces expropriations massives.

Au cours des dernières décennies, nos nations sont parvenues au prix de longues luttes à faire reconnaître nos droits et nos responsabilités. Nos efforts ont mené à la reconnaissance dans la Loi constitutionnelle de 1982 des droits territoriaux contenus dans nos traités. Cette protection a été interprétée par les tribunaux comme signifiant la nécessité de donner l'interprétation la plus juste, la plus large et la plus libérale à nos traités. Cette décision ainsi que d'autres des tribunaux canadiens ont favorisé la dynamique de résolution des revendications territoriales et de reconnaissance de la juridiction des Premières nations sur leurs terres et leurs peuples.

Le gouvernement actuel du Canada s'est engagé à plusieurs reprises à régler les revendications territoriales et à mettre pleinement en application la reconnaissance de notre droit inhérent à disposer de nous-mêmes. Il est notoire que la récupération de ces terres par le biais des revendications et d'autres procédures est la première étape cruciale sur la voie de l'autonomie gouvernementale.

Dans ce contexte, nous considérons totalement inadmissibles et inopportunes les propositions de modification de la Loi sur les transports nationaux visant à étendre ces pouvoirs d'expropriation. Permettre à des compagnies privées de recommander des expropriations ne fera qu'exacerber le problème que présentent nos territoires déjà limités. De plus, cela va directement à l'encontre des garanties de respect des droits conférés par les traités et des promesses solennelles de résolution des revendications territoriales.

Lorsqu'une Première nation manifeste un intérêt potentiel pour un territoire, il est hors de question que celui soit inclus dans cette proposition de procédure accélérée d'expropriation. C'est le seul moyen d'assurer le respect de la procédure des revendications territoriales et de la garantie constitutionnelle des droits conférés par les traités.

En conséquence, et ce sera notre conclusion, nous vous recommandons de ne procéder à aucune modification sans prendre en considération l'intérêt des Premières nations pour les terres liées aux activités ferroviaires. Il faut respecter la garantie constitutionnelle des droits conférés par les traités et il faut que vous excluiez toutes les terres des Premières nations. Enfin, il faut que votre nouvelle loi tienne compte des intérêts des Premières nations en matière d'activités ferroviaires, qu'on les consulte et qu'on obtienne leur approbation chaque fois que c'est nécessaire.

Voilà ce que nous voulions vous dire. C'est ce qui est reproduit dans le document qui vous a été distribué. Nous sommes prêts à répondre à vos questions si vous en avez. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Roote. J'apprécie votre témoignage.

Le secrétaire parlementaire a un rappel au Règlement concernant une petite chose que vous dites à la page 3 de votre mémoire.

M. Fontana: Merci, monsieur le président. Il serait peut-être bon de signaler au chef que les pouvoirs d'expropriation conférés par les lois précédentes sur les chemins de fer - et je crois que nous serons tous d'accord - étaient probablement draconiens puisque pour l'essentiel, il suffisait aux chemins de fer, s'ils avaient besoin de telle ou telle terre, de mettre la main dessus.

Vous devriez savoir, je pense, que l'article 228 de ce projet de loi réduit considérablement ces pouvoirs, s'il ne les supprime pas carrément, sauf que l'autorisation du gouvernement sera dorénavant nécessaire pour utiliser la Loi sur l'expropriation. Je pense qu'on a considérablement réduit les pouvoirs dont vous avez parlé.

Je sais que le ministre, M. Irwin, et même M. Tellier, ont pris des engagements au sujet de la manière de traiter avec les Premières nations, en ce qui concerne les questions liées aux chemins de fer; M. Tellier avait convenu que ces rapports auraient pu être meilleurs dans le passé. Il est même en train de constituer un comité qui s'occupera de toutes les questions liées aux Premières nations et aux chemins de fer sur les réserves et en dehors des réserves. Il est évident qu'en ce qui concerne les terres qui font l'objet d'une revendication, le ministre Irwin s'est déjà engagé à faire en sorte que ce processus soit établi et que des consultations préalables aient lieu.

.1215

Je tenais cependant à répondre au moins à vos préoccupations au sujet de l'expropriation, car vous constaterez, je pense, que le projet de loi a essentiellement neutralisé la capacité des compagnies de chemin de fer de prendre des terres sans l'application régulière de la loi, car elles devront demander au gouvernement l'autorisation de procéder à l'expropriation.

Le président: Merci, Joe.

Monsieur Roote, voulez-vous répondre à cela?

M. Roote: Je suppose que nous sommes justement ici pour signaler le problème de l'expropriation et si vous répondez qu'il y aura en effet un mécanisme d'appel passant par le gouvernement fédéral, cela nous convient. J'espère seulement que cela suffira et que d'autres problèmes ne résulteront de la façon dont le gouvernement procède à des expropriations. C'est la mise en garde que nous faisons.

Le président: Merci. Je me permets d'ajouter à l'explication de M. Fontana, et parce que la question m'intéresse particulièrement, je tiens à préciser que le ministère des Affaires indiennes prévoit suivre de près, le plan triennal des compagnies de chemin de fer et il informera les bandes intéressées des propriétés qui deviendront disponibles. Cela apaise-t-il également certaines de vos préoccupations?

M. Roote: Je pense que oui, et j'espère seulement qu'une structure de cette nature n'occasionnera pas d'autres problèmes. C'est l'organisation des gouvernements, je suppose, qui nous préoccupe depuis bien des années. Nous passons d'une position à une autre, cherchant différents moyens de suivre le mouvement, et c'est notre problème - essayer constamment de suivre le mouvement. Une loi est adoptée et nous devons alors passer de l'ancienne loi à la nouvelle, une loi différente, dans tous ses articles. Alors, le temps passe, de sorte que certaines choses peuvent se produire - en l'occurrence il s'agit de l'expropriation - en dépit de nos efforts pour empêcher ces expropriations, car on adopte tellement de lois différentes. C'est notre problème.

Le président: C'est compris.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président. Vous avez à vrai dire abordé le sujet qui m'intéresse. Au début de nos réunions, un groupe de bandes d'Autochtones de la Colombie-Britannique sont venues témoigner et leur principale préoccupation était tout à fait différente de celle que vient de mentionner le président; ils se préoccupaient de ce qu'il advient des terres des chemins de fer lorsque la compagnie les abandonne. Ils tenaient à ce qu'on ne vende pas les terres faisant l'objet ou pouvant faire l'objet de revendications de leur part avant que ces revendications soient réglées. Est-ce une préoccupation pour vous également?

M. Roote: Je pense qu'il faut honorer les ententes conclues, celles qu'on appelle des traités. Si ces traités portaient sur des terres appartenant aux chemins de fer avant ou après la signature des traités en question, je pense que tout ce qui était inclus dans ce document... Tout comme si vous et moi signions un document aujourd'hui...tout ce que contient ce document doit prévaloir. Si ces traités mentionnent des terres des chemins de fer, je pense qu'il faut en tenir compte. Si ces terres ne sont pas mentionnées dans le traité, je pense qu'il faut trouver d'autres moyens de résoudre le problème.

M. Gouk: L'une des dispositions du projet de loi stipule que si les chemins de fer abandonnent des terres obtenues du gouvernement fédéral, ces terres doivent retourner au gouvernement fédéral. Les représentants de cette bande estimaient que si on leur avait pris ces terres, elles devaient leur revenir.

J'y ai vu une injustice - et je dois avouer que ces aspects particuliers de la question sont nouveaux pour moi; je n'ai pas tellement étudié les problèmes liés aux revendications territoriales des Autochtones et aux titres aborigènes. Nous nous sommes notamment rendus compte qu'une emprise située le long d'une terre cédée en vertu d'un traité s'élargit énormément dès l'entrée sur la terre cédée en vertu d'un traité et rétrécit à nouveau dès qu'elle n'est plus sur la terre cédée en vertu d'un traité.

C'est le genre de chose qu'il faut certainement examiner, à mon avis, dans le cas des expropriations. Avant de remettre des terres qui avaient été cédées à contrecoeur en vertu d'un traité ou des terres qui font l'objet d'une revendication, on doit attendre que la revendication territoriale soit réglée. Je vais examiner soigneusement cet aspect de la question.

.1220

M. Roote: Je peux vous donner un exemple si vous le permettez monsieur le président, dans ma région du sud de l'Ontario. Notre traité dit essentiellement que les terres seront vendues et qu'elles seront évidemment arpentées avant d'être vendues. Ce sont les conditions de l'entente. Mais avant que les terres soient arpentées, le chemin de fer y ait passé et l'arpentage s'est fait seulement jusqu'à la limite de l'emprise réservée au chemin de fer. Ainsi, lorsque ces terres ne serviront plus au chemin de fer, elles reviendront à la Couronne fédérale, et c'est justement ce que vous venez de dire.

En ce qui nous concerne, si les terres n'ont pas été vendues, il s'agit alors de terres cédées mais invendues et de telles terres sont par la suite rendues à l'ensemble de la tribu ou de ceux qui ont conclu le traité en question. Si les terres n'étaient pas rendues à la tribu, il faudrait l'indemniser, après des négociations, peut-être. C'est ainsi que je réponds à cette question et à cet exemple.

Ray veut peut-être ajouter quelque chose à ce sujet.

Le président: Monsieur Rogers.

Ray Rogers, aîné (Union des Indiens de l'Ontario): Nous avons de grandes préoccupations. Vous avez déjà répondu à l'une d'elle en ce qui concerne l'expropriation des terres indiennes. Nous avons un traité pour les terres de notre région, mais nous avons aussi des terres cédées. Notre réserve est située sur des terres cédées. Nous avons donc des rapports avec le CN, puisque nous sommes dans la ville de Sarnia même et que nous avons une industrie dans la ville. Une grande partie de notre réserve est actuellement louée de manière à permettre des emprises pour des pipelines et en vertu d'autres baux comme celui de la compagnie d'électricité. Si des lignes de chemin de fer passant dans notre réserve sont abandonnées, nous estimons que ces terres devraient reprendre le statut de réserve.

C'est notre principale préoccupation. Lorsque nous entendons parler «d'expropriation»... Nous devons protéger le peu de terre que nous avons, comme l'a dit le grand chef Roote. Les terres qui nous restent dans nos réserves... Nous devons protéger ce que nous avons.

Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'avoir si bien représenté l'Union des Indiens de l'Ontario. Nous vous remercions pour votre exposé et nous avons pris note de vos préoccupations. Merci.

M. Roote: Merci beaucoup. Merci de nous avoir consacré du temps.

Le président: Merci à tous les membres du comité. Nous nous reverrons cet après-midi à 15h30.

Mme Wayne: J'invoque le Règlement, si vous le permettez.

Monsieur le président, lorsque vous n'occupiez pas le fauteuil, pendant le témoignage du représentant de la Commission des transports des provinces de l'Atlantique, j'ai soulevé la question des services maritimes et de leur coût et le secrétaire parlementaire m'a interrompue en invoquant le Règlement pour dire que j'enfreignais le Règlement. Pourtant, Joe Comuzzi et Charles Hubbard ont certainement pris la parole. Étant donné notre situation particulière dans la région de l'Atlantique - les ports et les chemins de fer sont reliés et ces deux services sont très pertinents à leur fonctionnement réciproque.

Il n'y a pas eu de rappel au Règlement lorsque les deux députés ministériels ont pris la parole et je n'invoquerai pas le Règlement. Il est bien, je pense, qu'ils soulèvent ces questions, mais je dois dire, monsieur le président, que lorsque le secrétaire parlementaire dit que c'est de la foutaise et lorsqu'il qualifie toutes mes déclarations de foutaise... La population de la région de l'Atlantique saura exactement ce qu'il a dit. J'estime cependant que de telles expressions et un tel langage, monsieur le président, sont antiréglementaires, peu importe qui parle.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Monsieur le président, je ne peux pas convenir que le secrétaire parlementaire a enfreint le Règlement et je pense que le compte rendu devrait le montrer. Il avait une opinion...

Le président: Mais vous ne l'avez pas acceptée?

M. Hubbard: Non, nous ne l'avons pas acceptée.

Le président: Très bien, nous en prenons note.

M. Fontana: Je m'excuse pour les paroles que j'ai pu prononcer. Pour votre gouverne, je ne pense pas que mes paroles aient été enregistrées.

Mme Wayne: Elles sont enregistrées ici, monsieur, juste ici, et elles seront également enregistrées dans la région de l'Atlantique où tous sauront que le secrétaire parlementaire...

M. Fontana: Faites comme il vous plaira. Je ne parlais pas de la région de l'Atlantique, je parlais plutôt...

Le président: La séance est levée. Vous pouvez maintenant discuter.

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