Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mai 1995

.1544

[Français]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue à tous les membres du comité. Nous commençons cet après-midi l'étude du budget des dépenses du ministère du Développement des ressources humaines.

.1545

Nous avons le grand plaisir d'accueillir l'honorable Lucienne Robillard, la ministre du Travail, qui va nous parler de la partie travail du Budget des dépenses du ministère du Développement des ressources humaines. Elle est accompagnée de hauts fonctionnaires de son Ministère et je vais lui demander de nous les présenter avant de commencer ses propos.

Madame Robillard, je vous cède la parole. Nous avons à peu près une heure à heure et demi, soit jusqu'à 17 heures pour notre séance de cet après-midi.

Je vous cède la parole.

L'honorable Lucienne Robillard (ministre du Travail): Merci, monsieur le président. Je suis accompagnée aujourd'hui du sous-ministre adjoint au Programme du travail du ministère du Développement des ressources humaines, M. James Lahey; de mon adjoint exécutif, M. Marc St-Pierre; de M. David Good, qui est le sous-ministre adjoint des services financiers et administratifs du ministère du Développement des ressources humaines; et de M. Warren Edmonston, qui est le directeur général du Service de conciliation et de médiation au ministère.

Monsieur le président, je suis heureuse d'être ici parmi vous aujourd'hui pour discuter du Programme du travail du ministère du Développement des ressources humaines du Canada.

Nous allons passer en revue avec vous, si vous le désirez bien, quelques activités et réalisations récentes de notre Programme du travail et vous décrire les priorités pour la prochaine année. Nous serons heureux, par la suite, de répondre à vos questions.

[Traduction]

Comme vous le savez, la dernière que fois que nous nous sommes rencontrés, c'était pour discuter d'une loi visant à mettre fin à un arrêt de travail dans l'industrie ferroviaire. Le gouvernement a dû adopter cette loi pour éviter les graves conséquences économiques de cet arrêt de travail. La décision a été très difficile à prendre, mais c'était le seul moyen de protéger l'intérêt national.

Pour la même raison, le gouvernement a dû intervenir dans le différend entre les contremaîtres de navire et de quai de la Colombie-Britannique et leurs employeurs.

J'ai annoncé le mandat d'une commission d'enquête sur les relations de travail avec deux commissaires très qualifiés qui me feront rapport dans quatre mois. Ils devront examiner les relations de travail dans le domaine du débardage et de la manutention des grains ainsi que dans les opérations connexes qui se déroulent dans les ports de la Côte Ouest et me recommander les moyens à prendre pour améliorer les relations syndicales-patronales et réduire les risques relatifs à un arrêt de travail généralisé.

Je tiens à préciser que je n'ai pas l'intention de demander au Parlement d'intervenir régulièrement dans les conflits de travail. Je crois toujours aussi fermement à notre processus de négociation collective qui attribue aux parties en cause la responsabilité de régler leurs différends. Ce processus constitue, sans aucun doute, le meilleur moyen de régler les conflits de travail.

Je tiens aussi à signaler que certains groupes ont réussi à régler leurs différends avec ou sans l'aide de notre service de médiation et de conciliation. Il s'agit de Postes Canada, des expéditeurs des Grands Lacs et de certaines unités de négociation des industries de la radiodiffusion et des télécommunications.

[Français]

Je sais aussi que le règlement du conflit de travail dans le port de Montréal se fait attendre et qu'il préoccupe bien des députés, mais les opérations portuaires ont repris et on me dit qu'avec l'aide du médiateur spécial, M. Pierre Dufresne, les parties continuent présentement de travailler pour en arriver à un règlement.

Dans les entreprises de compétence fédérale régies par le Code canadien du travail, environ95 p. 100 des conflits de travail sont réglés sans arrêt de travail. Lorsque les parties ont besoin de l'aide d'un tiers et que le Service de médiation et de conciliation intervient, environ 90 p. 100 des conflits se règlent sans arrêt de travail.

On peut donc conclure que, globalement, le régime de relations industrielles établi par le Code canadien du travail fonctionne très bien en général.

.1550

En plus de contribuer au règlement des différends, le Service de médiation et de conciliation offre une programme de médiation préventive. Je pense qu'il est très important que nous ayons ce service au Programme du travail.

Ce service est offert aux syndicats et aux entreprises pendant la durée des conventions collectives et ceux-ci sont libres d'y avoir recours ou non. Il est destiné à aider les parties à nouer et à maintenir des relations constructives et à chercher, de leur plein gré, à trouver des solutions à leurs différends plutôt que d'opter pour l'affrontement.

La médiation préventive comprend plusieurs éléments, notamment la formation nécessaire pour pratiquer la négociation raisonnée et pour travailler efficacement en comité, la médiation des griefs et l'aide pour la formation d'un comité syndical-patronal.

Ce service permet aussi aux dirigeants syndicaux et aux gestionnaires d'améliorer leurs communications, de régler leurs problèmes avant d'en perdre le contrôle et de créer une atmosphère plus favorable à la négociation.

[Traduction]

L'adoption de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail a ouvert un champ d'activité relativement nouveau au Programme du travail. Cet accord a pour objectif d'encourager la coopération dans le domaine du travail en Amérique du Nord et de garantir l'application efficace de la législation du travail par le Canada, les États-Unis et le Mexique. Un bureau administratif national a été créé au sein même du Programme du travail. Ce bureau est chargé de mettre en oeuvre cet accord au Canada. Il coordonne aussi la participation des syndicats, des entreprises et du gouvernement du Canada dans le Programme du travail coopératif avec le Mexique et les États-Unis.

Le mois dernier, j'ai eu le plaisir d'accueillir le Secrétaire au Travail des États-Unis, M. Robert Reich et son homologue du Mexique, M. Santiago Onate, pour la réunion annuelle du Conseil de la Commission de coopération dans le domaine du travail. Cette réunion m'a permis de discuter avec mes homologues des États-Unis et du Mexique des questions et des tendances relatives au travail et notamment de l'impact de la libéralisation du commerce sur les lieux de travail. Nous sommes très actifs dans le Programme de travail coopératif et nous avons récemment participé, dans le cadre de ce programme, à une importante conférence en Alberta sur l'industrie pétrochimique.

Je suis heureuse qu'un Canadien, M. John McKennirey, ait été nommé directeur exécutif du Secrétariat de la Commission du travail, dont les bureaux sont situés à Dallas, au Texas.

[Français]

Une autre initiative de première importance est le projet d'harmonisation de la législation en matière de santé et de sécurité au travail que nous poursuivons avec les provinces. Cette initiative tripartite regroupe les 13 administrations ainsi que des représentants des employeurs et des syndicats dans le but d'uniformiser les règlements et les lois dans l'ensemble du Canada.

Je crois qu'en réduisant le dédoublement des activités et en favorisant une plus grande uniformité dans la législation à l'échelle nationale, nous pouvons réaliser des gains en efficience et des économies, tout en accroissant la protection accordée aux travailleurs et aux travailleuses en matière de santé et de sécurité au travail.

À l'heure actuelle, deux projets pilotes sont en cours. Ils visent à harmoniser les dispositions du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail relatives à la plongée et aux espaces clos. En outre, on examine aussi la possibilité d'harmoniser l'ergonomie au travail.

Je suis également heureuse d'annoncer que les dernières dispositions de la partie II de la Loi sur la situation de l'artiste sont maintenant en vigueur. L'application de cette partie de la loi relève de la ministre du Travail, comme vous le savez. Cette partie établit un cadre juridique pour les artistes professionnels qui travaillent comme entrepreneurs indépendants pour des entreprises relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Je veux dire quelques mots au sujet de l'examen du programme du travail qui est l'un des éléments de l'examen plus large de Développement des ressources humaines Canada. Afin d'aider le gouvernement à se serrer la ceinture et à mieux cibler ses programmes et services, le programme du travail retranchera plus de 2 millions de dollars de son budget de fonctionnement d'environ 64 millions de dollars pour 1994-95.

[Français]

Monsieur le président, un effort considérable est demandé présentement à notre Programme du travail dans le cadre de cette rationalisation budgétaire. De même, nous le demandons aussi aux organismes qui relèvent de la ministre du Travail et, de façon particulière, au Conseil canadien des relations de travail et au Conseil de la santé et de l'hygiène au travail.

.1555

Le tribunal pour les artistes vient à peine de commencer, mais les deux organismes et le Programme du travail ont à faire face à des rationalisations budgétaires importantes, et ceci demande l'implication et la participation de l'ensemble de nos collaborateurs et de nos collaboratrices. Je pense bien qu'ils pourront relever ce défi.

Quelles sont les grandes priorités du Programme du travail pour l'année qui vient? Je peux vous dire qu'au cours de la prochaine année, le programme poursuivra l'examen du Code canadien du travail en consultation avec des représentants des employeurs et des syndicats ainsi que d'autres parties intéressées.

L'annonce a en été faite, vous vous rappelez, en novembre dernier par le ministre de l'Industrie, M. Manley, dans le document qu'il a rendu public et qui s'intitule L'innovation: La clé de l'économie canadienne. La Partie I du Code, qui porte sur les relations de travail, est en cours d'examen en vue de la moderniser et de l'améliorer pour mieux refléter la réalité d'aujourd'hui.

Dans le cadre de cet examen, on aborde des questions complexes et difficiles, comme le recours au travailleurs et aux travailleuses de remplacement et le règlement des différends dans les services essentiels. Ce sont des questions trop controversées, comme on le sait déjà, et il sera difficile de satisfaire tous et chacun. Vous pouvez cependant être certains que l'opinion de tous les intéressés et les recommandations de la Commission d'enquête sur les ports de la Colombie-Britannique, dont j'ai déjà parlé, seront prises en considération avant que les modifications soient déposées au Parlement.

La partie II du Code, qui a trait aux questions de santé et de sécurité au travail, est également passée en revue, à l'heure actuelle, en collaboration avec des représentants des employeurs et des travailleurs. Certains des changements envisagés ont pour but de donner aux parties en présence dans le milieu de travail plus de pouvoirs et de responsabilités en ce qui concerne le règlement des problèmes relatifs à la santé et à la sécurité. Ce sont eux, monsieur le président, qui connaissent le mieux les besoins et les problèmes de leur milieu de travail.

En ce qui concerne la partie III du Code du travail, soit celle qui concerne les normes du travail, on consulte, à l'heure actuelle, des représentants des employeurs et des travailleurs pour déterminer s'il est possible de mettre en oeuvre certaines des propositions du Groupe consultatif sur le temps de travail et la répartitition du travail mieux connu sous le nom de Groupe de travail Donner. Ces propositions portent notamment sur la durée du travail, les heures supplémentaires, les avantages sociaux des travailleurs et des travailleuses à temps partiel, le congé pour obligations familiales ainsi que l'éducation et la formation.

Jusqu'à maintenant, les représentants patronaux et syndicaux et d'autres personnes consultées ont participé à l'examen avec vigueur et détermination. Ils ont eux aussi compris qu'une mise à jour du Code s'impose et, en conséquence, ils nous ont fait profiter de leur expérience et de leurs connaissances et nous ont accordé de leur temps. Je leur suis reconnaissante de leur contribution à ce processus de consultation.

Je suis convaincue que les dispositions législatives que nous soumettrons éventuellement au Parlement seront considérées comme pertinentes, sensées et adaptées aux réalités du milieu de travail d'aujourd'hui.

Monsieur le président, j'entrevois avec plaisir l'année qui est devant nous et mon travail avec les membres du Comité. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre. Nous allons commencer comme d'habitude par l'Opposition officielle. Madame Lalonde.

Mme Lalonde (Mercier): Bien que terrassée par la grippe, je vais néanmoins chercher à obtenir des réponses à mes questions. Je ne peux faire autrement que de commenter brièvement l'introduction de Mme la ministre. Je lui ai dit avec force que je regrettais beaucoup qu'elle commence à exercer son rôle de ministre du Travail en imposant, dans la loi de retour au travail sur le conflit du chemin de fer, ces fameux articles 12 et compagnie qui étaient loin de relever du rôle que devrait jouer un ministre du Travail.

J'ai plusieurs questions préliminaires avant d'entrer dans les questions davantage politiques. J'ai vu l'organigramme de Développement des ressources humaines Canada. Quels sont rôle et votre poids au ministère?

.1600

L'organigramme qui est devant moi, qui est sans doute un organigramme officiel, fait passer tous les sous-ministres par le ministre du Développement des ressources humaines, la ministre du Travail et la secrétaire d'État à la Formation et à la Jeunesse n'étant pour leur part qu'un appendice. Il me semble qu'il y a des explications à donner.

Mme Robillard: Lors de ma nomination comme ministre du Travail, il était très clair qu'on ne modifierait pas la structure administrative du ministère du Développement des ressources humaines. Donc, vous retrouvez sur l'organigramme toutes les responsabilités du grand ministère du Développement des ressources humaines.

À l'intérieur de ce ministère, il y a un sous-ministre adjoint au Programme du travail, avec toute une équipe pour s'occuper spécifiquement de la dimension du travail. Mes responsabilités sont tout ce qui touche le travail en tant que tel.

Mme Lalonde: Je regrette, madame, mais l'organigramme montre que le sous-ministre du Travail relève du ministre Axworthy et non pas de la ministre du Travail. Cet organigramme est daté le 6 avril 1995. Il me semble qu'il y a là quelque chose à clarifier de votre part ou des conséquences à tirer pour nous.

Mme Robillard: Il n'y a rien à clarifier. Je viens de dire que nous avons décidé de ne pas modifier la structure administrative du ministère. Donc, il y a un sous-ministre en titre et a des sous-ministres adjoints dans différents secteurs. Il y a un sous-ministre adjoint au niveau du Travail et le responsable hiérarchique de ce sous-ministre adjoint au Travail est le sous-ministre en titre, comme dans toute bonne structure administrative, ce qui n'empêche pas le sous-ministre adjoint au Travail de transiger directement avec la ministre.

Mme Lalonde: Je ne vois pas comment vous pouvez dire cela. De toute façon, je ne perdrai pas de temps. Je m'excuse. Franchement, monsieur le président...

M. Cauchon (Outremont): Vous avez la ministre devant vous. Posez des questions sur le budget. Ce sera bien plus intéressant et bien plus constructif que de s'amuser avec des détails.

Le président: Monsieur Cauchon, à l'ordre, s'il vous plaît.

M. Cauchon: Excusez-moi, monsieur le président.

Le président: On va laisser à Mme Lalonde le temps de poser ses questions.

Mme Lalonde: Je regrette. Je n'accepte pas cela, monsieur le président. C'est une question qui est sérieuse, y compris pour Mme la ministre.

Voici une autre question préliminaire. En étudiant le plan budgétaire, le plan des dépenses, à la page 38 en français, on voit que le budget est de 103 millions de dollars. M'attendant à voir les mêmes chiffres, j'ai regardé le profil triennal des dépenses, et le chiffre n'est pas le même. Je voudrais avoir une réponse.

[Traduction]

M. David Good (sous-ministre adjoint, services financiers et administratifs, ministère du Travail): En fait, il ne s'agit pas d'un écart. Ce que vous voyez dans l'aperçu ministériel ce sont les fonds qui ont été dégagés... Dans le document que vous avez mentionné, le crédit de 103 688$ est le montant prévu pour le ministère pour 1995-1996. Le chiffre que vous voyez dans l'aperçu ministériel comprend certaines parties qui peuvent être recouvrées du compte de l'assurance-chômage, ce qui explique le montant plus élevé.

[Français]

Mme Lalonde: Ce n'est pas comme cela d'habitude.

Voici ma première question de fond, madame la ministre. Vous faites allusion à la révision du Code canadien du travail. À cet égard, j'ai trois questions. Premièrement, quand pensez-vous compléter ce travail?

.1605

Deuxièmement, vous ne parlez pas d'une loi anti-briseurs de grève ou d'une disposition de ce Code qui serait une disposition anti-briseurs de grève. Il y a un conflit qui perdure à Montréal, qui est grave et qui dépend de cette loi anti-briseurs de grève. Nous vous avons demandé et les travailleurs vous ont demandé à répétition si, dans le cadre de la révision globale, on allait prendre le temps de déposer une loi pour empêcher que les employeurs puissent avoir recours à des briseurs de grève.

Troisièmement, ne trouveriez-vous pas bon de confier cette révision non pas à un seul sous-ministre, mais à un groupe plus large qui puisse faire rapport?

Mme Robillard: Ce sont deux questions qui se rapportent à la révision du Code canadien du travail. L'une est plus particulièrement liée au conflit qui se vit présentement aux Minoteries Ogilvie ou ADM Agri-Industries, si vous préférez.

Ce conflit perdure présentement à Montréal depuis presque un an. Comme vous le savez, il y a, à l'intérieur du Code actuel, des mesures pour aider les parties en présence et il pourrait y avoir des modifications au Code.

L'objectif que nous poursuivons devant ce conflit est d'aider les parties à en venir à une entente afin que les travailleurs qui sont en grève à l'heure actuelle rentrent au travail. Quel que soit le moyen que nous utiliserons, il faudra se mettre d'accord sur l'objectif: il faut qu'il y ait une entente et que les travailleurs retournent travailler dans leur milieu de travail.

J'ai discuté avec les travailleurs et le syndicat local, et ils ont accepté de retourner à la table de médiation, donc d'utiliser les outils du Code actuel. Il y a eu une séance de médiation les 1er et 2 mai, et les parties ont convenu de tenir une autre séance de médiation les 25 et 26 mai prochains. J'ose espérer que cette médiation réussira. Comme vous le savez, on en a une dans le port de Montréal qui fonctionne bien à l'heure actuelle. Donc, les parties, dont le syndicat local, acceptent de continuer à utiliser les outils du Code actuel, à savoir l'aide d'un médiateur pour que les parties en arrivent à une entente.

La deuxième question liée à ce conflit est: pouvez-vous changer des éléments du Code actuel? C'est une question qui est beaucoup plus globale et qui se rapporte aux deux autres questions de Mme La députée, à savoir la révision du Code.

Cette révision de la partie I du Code est en cours présentement. Je voudrais que cette révision soit globale. Je ne voudrais pas qu'on cible strictement la question des travailleurs de remplacement ou des services essentiels, mais qu'on regarde de façon globale cette révision de la partie I du Code qui n'a pas été faite depuis au moins 25 ans, alors qu'on sait bien que le contexte a changé depuis 25 ans. Des consultations se poursuivent présentement, tant avec la partie patronale qu'avec la partie syndicale, sur tous les éléments de la partie I du Code, mais de façon particulière.

Le sous-ministre adjoint qui est en charge de cette consultation, M. McDermott, a ciblé trois questions dans les consultations. La première concerne le mandat et la structure du Conseil canadien des relations de travail et la deuxième concerne les étapes de conciliation telles que prévues au Code. La troisième touche les travailleurs de remplacement et des services essentiels.

.1610

Outre ces trois questions, je veux aussi qu'on regarde d'autres éléments du Code.M. McDermott doit terminer la révision du Code et terminer ses consultations d'ici quelques semaines. Je m'attends à ce qu'il me fasse rapport au début du mois de juin et, face aux résultats de cette consultation, je verrai la suite du processus. C'est donc pour cela que, dans mon introduction, j'ai indiqué que la révision des parties I et II du Code sera la priorité de la prochaine année.

À la suite du rapport qui me sera fait par mon sous-ministre adjoint, je verrai s'il sera nécessaire d'élargir cela et je verrai s'il serait utile que des personnes de l'extérieur apportent un éclairage supplémentaire à la révision du Code.

Mme Lalonde: Concernant Ogilvie, je conçois aisément que les travailleurs n'aient pas le choix et soient même contents qu'il y ait eu quelques séances de négociation. Cependant, madame la ministre, vous conviendrez que les relations de travail dépendent du rapport de forces. Toute l'histoire des relations de travail a visé à faire en sorte, et c'est aussi l'histoire du Code, que l'on codifie d'une certaine façon, après bien des luttes dures pour les différentes parties, des éléments confirmés par la loi qui garantissent en quelque sorte l'équilibre entre les forces. La grève, même si elle n'est pas utilisée souvent, demeure le recours ultime. Quand la grève ne peut pas être utilisée parce qu'il y a des briseurs de grève, à ce moment-là, les travailleurs ne sont pas dans un rapport de forces qui leur permette de régler rapidement et de façon moins malheureuse.

Vous connaissez l'histoire d'Ogilvie. Ce qu'on leur demande, c'est d'abandonner à peu près tout ce qu'ils avaient. D'ailleurs, je dois vous rappeler - et je suis contente de le faire ici - que le premier ministre Bourassa qui, avant d'être élu en 1985, avait été sollicité par le Conseil du patronat pour rappeler les dispositions anti-briseurs de grève et avait fait allusion à la possibilité de le faire, ne l'a pas fait quand il a été élu.

C'était très clair, même dans une entrevue au Journal des affaires. J'enseignais à ce moment-là et je comprenais qu'il ne le fasse pas parce que, disait-il, cette loi anti-briseurs de grève avait apporté la paix sociale. Elle a apporté la paix sociale parce qu'elle garantit l'exercice d'un rapport de forces ordonné. Il me semble qu'on ne peut pas attendre la révision de l'ensemble du Code qui, de toute manière...

Une voix: [Inaudible]

Mme Lalonde: Monsieur le président, est-ce qu'il y a une procédure pour demander à un député de la partie adverse de sortir? Il y a des limites au harcèlement dont on peut être l'objet. J'explique mon point de vue à la ministre.

M. Cauchon: On est au courant de l'histoire.

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Cauchon: Très bien, monsieur le président.

Le président: Continuez, madame Lalonde.

M. Cauchon: Ça ne me touche pas du tout.

Mme Lalonde: Non, je sais que rien ne vous touche.

M. Cauchon: Cela n'atteint pas le parapluie de mon indifférence. Vous pouvez continuer.

Mme Lalonde: On constate qu'au Canada, selon le rapport fait par le ministère, à la page 3-21, le total des jours ainsi perdus représente seulement 0,1 p. 100 de tous les jours perdus dans la sphère de compétence fédérale. C'est un fait que dans la plupart des cas, les négociations se terminent sans même avoir recours à la médiation.

.1615

Je disais donc qu'il serait souhaitable, pour le Canada, d'avoir une disposition anti-briseurs de grève, et cela sans tarder en ce qui concerne les travailleurs d'Ogilvie qui se trouvent dans une situation où il y a deux poids, deux mesures.

Je voudrais que vous me disiez également pourquoi le sous-ministre McDermott s'est vu confier la tâche de faire seul des recommandations de modifications qui ne sont pas globales. D'après ce que vous m'avez dit, il y a trois éléments là-dedans.

Mme Robillard: Au niveau du conflit chez Ogilvie, l'objectif est que les travailleurs reprennent leur emploi. Il y a à l'heure actuelle, dans le Code, des outils qui peuvent continuer à être utilisés. J'ai parlé des séances de médiation tout à l'heure. C'en est un. Un autre des outils du Code qui n'a pas encore été utilisé au maximum dans le conflit qui est devant nous, c'est le mécanisme par lequel on peut porter plainte devant le Conseil canadien des relations du travai.

J'aimerais dire aux membres du Comité, s'ils ne le savent pas déjà, que la partie syndicale avait demandé à mon prédécesseur la permission de porter plainte devant le Conseil canadien des relations travail parce que la partie patronale agissait de mauvaise foi dans les négociations, et le ministre Axworthy avait accédé à cette demande. Donc, une plainte avait été portée devant le Conseil canadien des relations travail. Quand des dates d'audience ont été fixées au niveau du Conseil, la partie syndicale a décidé, pour des raisons qui la regardaient, de retarder le processus, de ne pas comparaître immédiatement, de ne pas aller aux audiences, de demander un report des audiences.

Je mentionne cet élément pour vous dire que tous les éléments du Code actuel ne sont pas encore utilisés au maximum dans le cas du conflit qui nous concerne.

Cela étant dit, je comprends très bien qu'on veuille débattre de la question des travailleurs de remplacement, et je pense qu'on se doit de le faire. On doit débattre non seulement des travailleurs de remplacement, mais aussi des services essentiels. Comme vous le savez, au niveau du Code, les services essentiels ne sont pas précisés et, depuis quelques années, on a vu apparaître de nouvelles juridictions au plan fédéral qui, je pense, nécessiteraient qu'on ait des services essentiels. Je pense par exemple aux services d'incendie dans les aéroports et à différents autres services. Il faut sûrement s'interroger aussi sur les services essentiels.

Par ailleurs, quand on se met à examiner le Code, on voit que dès qu'on touche à un des éléments du Code, il y a un lien avec une autre partie du Code. Ce sera d'autant plus important si on veut réviser la structure et le mandat du Conseil canadien. Donc, pour avoir une approche cohérente et globale, si un touche à un élément, il faut le faire en lien avec un autre élément du Code. Il est donc important de faire la révision de l'ensemble du Code.

Trois éléments ont été mis en lumière lors de la consultation par le sous-ministre, mais le sous-ministre, dans ses consultations, a clairement indiqué aux parties consultées qu'elles pouvaient avoir recours à d'autres éléments du Code. Cela a été dit lors des consultations.

Pourquoi cette révision du Code devrait-elle être confiée à un seul sous-ministre et non pas à un groupe d'autres personnes? Je demeure ouverte à cette question-là, mais encore une fois, je vais attendre que le sous-ministre me fasse rapport, d'ici quelques semaines, et je prendrai alors la décision sur le processus qui va suivre la présentation de ce rapport.

Le président: Merci, madame la ministre. Nous allons passer maintenant au Parti réformiste.

[Traduction]

Monsieur Johnston, vous avez des questions?

M. Johnston (Wetaskiwin): Merci, monsieur le président et bon après-midi, madame la ministre.

J'aimerais vous toucher quelques mots du tribunal des artistes. Évidemment, en 1993, le gouvernement précédent a retardé la proclamation des dispositions concernant le fonctionnement du tribunal à cause de «la dépense en cette période de restrictions budgétaires». Évidemment, la ministre, dans ce document, soutient encore qu'il faut se serrer la ceinture et restreindre les dépenses, mais nous apprenons quand même que les dispositons qui permettraient à ce tribunal de fonctionner n'ont été proclamées qu'hier.

.1620

J'aimerais donc demander à la ministre si elle croit qu'il est sage de dépenser 1,7 million de dollars pour ce genre de tribunal alors qu'il nous faut réduire les dépenses dans le domaine de l'éducation postsecondaire, sans oublier les transferts en matière de santé et de bien-être social?

[Français]

Mme Robillard: Monsieur le président, comme on le sait, le Parlement a adopté la Loi sur la situation de l'artiste. Il y a des députés légitimement élus qui ont voté en faveur de cette loi. Cette loi contient deux parties dont l'une concerne le tribunal pour les artistes.

Nous sommes très conscients des implications budgétaires, mais je pense que lors de l'adoption de cette loi, une volonté de mettre en oeuvre tous les éléments de la loi a été clairement exprimée, comme le milieu culturel l'exigeait. Les artistes sont des travailleurs autonomes qui ont besoin de se faire entendre quand il s'agit de leurs conditions de travail. Donc, nous avons mis de l'avant ce tribunal et les éléments de la loi qui concernent la mise en oeuvre de ce tribunal-là.

Par ailleurs, je peux affirmer à M. le député du Parti réformiste que nous faisons notre possible pour limiter le budget accordé au tribunal. Vous aurez l'occasion d'entendre Mme la présidente. Je pense qu'elle pourra aller plus loin. Elle est en contact avec d'autres organismes. On pourrait voir s'il ne pourrait pas y avoir des échanges administratifs avec d'autres conseils qui existent en matière de relations de travail pour ne pas augmenter les coûts. À mon point de vue, ce budget est raisonnable par rapport à la mission de ce tribunal.

[Traduction]

M. Johnston: Monsieur le président, je m'oppose à ce genre de dépense qui sert à créer, fondamentalement, un atelier fermé, surtout en cette période d'extrêmes restrictions budgétaires. La ministre n'a peut-être pas compris que même si les dispositions de cette loi ont été adoptées en 1993, c'est hier seulement qu'elles ont été proclamées et la ministre n'a pas répondu à cette partie de la question, monsieur le président.

[Français]

Mme Robillard: Pourquoi avoir attendu de proclamer ces...

[Traduction]

Mr. Johnston: Oui, j'aimerais bien savoir pourquoi cela a été proclamé hier seulement, alors qu'on nous présente ce document aujourd'hui? Y a-t-il une raison à cela?

[Français]

Mme Robillard: Monsieur le président, quand je suis arrivée en poste, le 22 février de cette année, j'ai été mise au courant de cette loi qui avait été adoptée par le Parlement et du fait que le gouvernement avait déjà nommé la présidente de ce tribunal. Je voyais très bien que le tribunal n'aurait pas les éléments nécessaires pour jouer son rôle si d'autres membres n'étaient pas nommés et si on ne mettait pas en application les éléments de la loi qui s'appliquaient au tribunal.

La première étape fut de nommer un vice-président et deux membres, parce que la loi permet qu'il y ait un vice-président et de deux à quatre membres. Le 1er mars, je crois, nous avons nommé un vice-président et deux membres et, à la suite de leur nomination, j'ai demandé qu'un décret soit signifié pour mettre en application les articles de la loi.

.1625

Le processus a été suivi, et cela n'a aucun rapport avec la réunion d'aujourd'hui du Comité. Même si la réunion du Comité d'aujourd'hui n'avait pas eu lieu, les articles de la loi auraient été mis en force.

[Traduction]

M. Johnston: Monsieur le président, la ministre nous souligne la création d'une commission d'enquête sur les ports de la Colombie-Britannique. C'est à la page 5 de l'allocution de la ministre.

Quand nous débattions du projet de loi C-77 en Chambre - la loi sur le retour au travail des cheminots - la ministre avait promis la création d'une commission d'enquête qui réviserait la structure de la convention collective et j'ai cru, à l'époque, que cela ne porterait que sur les chemins de fer.

Cette enquête de la commission sur les ports de la Colombie-Britannique ne porte-t-elle que sur les ports ou comprend-elle aussi les chemins de fer? Cela se trouve dans l'avant-dernier paragraphe du rapport de la ministre.

[Français]

Mme Robillard: Nous avons discuté de ces éléments au Parlement, lors de l'adoption de la loi de retour au travail pour les ports de la côte ouest. On se souvient que les activités de l'ensemble des ports de la côte ouest étaient interrompues et que nous avons été obligés d'adopter une loi. À ce moment-là, j'ai annoncé une commission d'enquête sur la structure et les négociations collectives dans les ports de la côte ouest parce que le Parlement est obligé d'adopter une loi de façon régulière.

Par ailleurs, quand nous avons regardé la situation d'un peu plus près en vue de nommer cette commission d'enquête, on s'est aperçu que les activités de débardage des ports de la côte ouest avaient un lien avec l'industrie de la manutention du grain et d'autres secteurs. Les activités sont intégrées et interreliées, et la commission d'enquête a donc un mandat élargi. Elle peut tenir compte de ces autres secteurs d'activités en faisant des recommandations.

[Traduction]

M. Johnston: Un éclaircissement, monsieur le président; cette commission enquête aussi sur les chemins de fer...

[Français]

Mme Robillard: Excusez-moi. J'ai omis de répondre à cette partie de la question, monsieur le président. À l'heure actuelle, comme vous le savez, il y a des commissions d'arbitrage, et il n'était pas question de les inclure dans cette commission d'enquête. Nous avons déjà des commissions de médiation et d'arbitrage. Donc, non, elles ne sont pas incluses dans la commission d'enquête.

[Traduction]

M. Johnston: Si vous avez expliqué pourquoi elles n'étaient pas incluses, je n'ai pas compris pourquoi elles ne le seraient pas parce que le transport par rail a été interrompu tellement de fois. Il me vient à l'esprit que les chemins de fer et leurs employés en sont au point où les deux parties comptent sur l'adoption de lois portant le retour au travail et l'écart qui les sépare pendant les négociations est tellement énorme qu'il est évident qu'il y aura soit grève, soit lockout, et les parties comptent sur le fait qu'on les obligera à retourner au travail.

Je me demande pourquoi la ministre n'étudie pas ce problème que nous avons avec les chemins de fer, surtout qu'on nous en a fait la promesse lors du débat en Chambre. Si cela ne se fait pas maintenant, y aura-t-il une autre enquête distincte sur le sujet avec un budget distinct?

[Français]

Mme Robillard: On se rappellera qu'on a vécu deux conflits: le premier touchait les ports de l'Ouest et le deuxième touchait les chemins de fer. Quand j'ai annoncé la commission d'enquête, c'était sur les ports de l'Ouest. Donc, la commission d'enquête part de cette problématique des ports de l'Ouest, mais aux ports de l'Ouest se rattache tout le problème de l'industrie de la manutention des grains et parfois d'autres secteurs. Cela se situe strictement dans l'Ouest du pays. Donc, le mandat de la commission d'enquête est ciblé et limité.

Pour ce qui est des chemins de fer, on sait que ce sont des chemins de fer nationaux, dans l'ensemble du pays. Je suis très consciente qu'on a dû adopter une loi de retour au travail dans ce cas. Cela n'a pas toujours été le cas dans le secteur des chemins de fer, remarquez bien.

.1630

Je suis préoccupée aussi par cette question des grèves des chemins de fer au plan national. Concernant les améliorations à apporter pour éviter de telles situations à l'avenir, je ne compte pas nommer une commission d'enquête pour les chemins de fer. Je compte plutôt sur la révision de la partie I du Code pour nous apporter des éléments de solution pour éviter de tels conflits à l'échelle nationale.

[Traduction]

Le président: C'est clair, maintenant, monsieur Johnston?

M. Johnston: Pas tout à fait, mais peut-être pourrions-nous passer à autre chose.

Il y a, quelque part, un rapport sur l'enquête menée sur les chemins de fer et c'est le rapport Fraser. Évidemment, on ne devrait jamais présumer de rien, mais je suppose que M. Fraser a fini son rapport. Quand le verrons-nous, à votre avis? Peut-être la ministre pourrait-elle nous faire une petite mise à jour sur le rapport Fraser.

[Français]

Mme Robillard: Je n'ai pas encore reçu le rapport de M. Fraser, mais j'espère le recevoir le plus tôt possible. J'ai demandé que ce rapport me soit livré le plus tôt possible. Donc, j'ose espérer que nous l'aurons dans les prochaines semaines.

[Traduction]

M. Johnston: J'aimerais bien voir ce rapport.

Au mois de mars, quand nous légiférions le retour au travail des cheminots et des travailleurs des ports de la côte ouest, le Parti réformiste avait proposé une motion prévoyant l'arbitrage de l'offre finale. La ministre croit-elle que ce genre d'outil pourrait être utile à la fois aux syndicats et aux employeurs dans ce genre de cas et songe-t-elle à adopter quelque chose du genre?

[Français]

Mme Robillard: Le mécanisme de l'offre finale peut être intéressant dans certains cas et mérite d'être étudié de près, mais il ne peut sûrement pas être utilisé dans des situations très complexes où beaucoup d'éléments sont en cause.

Je pense à un conflit de travail où il a été très facile d'utiliser l'offre finale. Il s'agissait strictement d'un malentendu ou d'un manque de consensus sur une augmentation salariale. Il s'agit de statuer si c'est 1,30$ ou 1,60$, par exemple. C'est assez simple. Cela s'est produit dans un cas de relations de travail. Mais quand on se retrouve dans des situations complexes comme celle des chemins de fer canadiens, la question mérite d'être étudiée. Je peux vous dire qu'à prime abord, il me semblerait très difficile d'utiliser ce mécanisme-là pour arriver à une solution qui puisse satisfaire les deux parties.

La question du mécanisme de l'offre finale sera sûrement mise sur la table pendant les discussions de la révision de la partie I du Code.

[Traduction]

M. Johnston: Je suis content d'entendre cela, monsieur le président, parce qu'à mon avis il s'agit d'un outil très utile. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui est imposé à l'une ou l'autre des parties et ce n'est pas cette vision qu'on devrait avoir de la chose.

Il est intéressant de voir que parce que nous avons légiféré le retour au travail des cheminots, la Fraternité des préposés à l'entretien des voies en est arrivé à un accord avec l'employeur sur la sécurité d'emploi. Je suis sûr que c'est là une de ces situations complexes dont voulait parler la ministre. À mon avis, savoir que l'outil est disponible représente un énorme avantage et pour l'employeur et pour l'employé puisque les deux savent qu'ils peuvent l'invoquer en tout temps. Que les deux parties en soient arrivées à un accord tout récemment prouve que ce serait probablement utile.

.1635

Le gouvernement a commandé plusieurs études depuis un an, mais je ne vois pas de ventilation du coût des études dans les prévisions budgétaires. La ministre pourrait-elle nous donner la ventilation?

[Français]

Mme Robillard: Quelles études, monsieur le président? Je suis prête à fournir toute l'information au député s'il veut nous nommer les études et nous donner des précisions. Quels sont les coûts?

[Traduction]

M. Johnston: Je pense particulièrement à l'étude Fraser, et à toutes les études qui ont été faites. Je ne suis pas difficile; j'aimerais tout simplement connaître le coût moyen des études ou le coût réel d'une étude donnée pour le contribuable canadien. Je n'arrive pas à trouver ces renseignements dans les prévisions budgétaires.

[Français]

Mme Robillard: Si la question porte sur le rapport Fraser, il n'a pas encore été déposé. Je ne saurais dire aux membres du Comité quels en ont été les coûts finals, mais dès que le rapport sera déposé, on pourra fournir cette information.

Maintenant, si vous me posez des questions sur d'autres études qui sont terminées, nous sommes disposés à vous donner l'information sans aucun problème.

[Traduction]

Le président: Monsieur Johnston, vous devriez peut-être me donner les titres des études dont vous aimeriez connaître le coût. Nous communiquerons avec le ministère pour les obtenir et nous les transmettrons ensuite aux membres du comité.

M. Johnston: Je vous en serais reconnaissant.

Madame la ministre, pour quelle raison y a-t-il une augmentation de 580 000$ en ce qui a trait aux activités qui touchent les normes de travail et l'équité salariale? Cela se trouve à la page 3.29.

[Français]

Mme Robillard: Je vais demander à M. Lahey de répondre, monsieur le président.

[Traduction]

M. James Lahey (sous-ministre adjoint, Travail, ministère du Travail): Je ne connais pas la réponse à cette question précise. Il se peut que l'une de mes collègues la connaisse si elle est présente. Est-ce qu'on pourrait vous fournir la réponse par écrit dans un jour ou deux?

M. Johnston: Certainement.

Je vois également qu'il y a une augmentation de quelque 2,3 millions de dollars en ce qui concerne l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail depuis un an. Vous avez parlé de cet accord dans vos remarques préliminaires. Est-ce que cet accord est nécessaire à cause de l'Accord de libre-échange nord-américain? Dans l'affirmative, est-ce que les autres signataires de l'ALENA font une contribution semblable?

[Français]

Mme Robillard: M. Lahey répondra à la question.

[Traduction]

M. Lahey: Je suis heureux de vous dire que je peux répondre à cette question. La Commission nord-américaine de coopération dans le domaine du travail est entrée en vigueur en principe au moment de l'adoption de l'ALENA le premier janvier, 1994. Mais le secrétariat, par exemple, est sur le point d'être créé maintenant à Dallas, et le programme coopératif a commencé pendant 1994. Cette somme représente la contribution du Canada à un programme qui est financé par les trois pays ensemble.

Je peux vous assurer que les trois pays s'assurent de verser exactement la même contribution au secrétariat.

À date, chacun des trois pays a envoyé au secrétariat 400 000$ US pour les opérations du secrétariat. Pendant 1995, la contribution sera de l'ordre de 700 000$ US. Il est donc possible que la somme qui figure dans les prévisions budgétaires ne soit pas entièrement dépensée. Notre contribution sera égale à celle des deux autres parties. La contribution de chacun est égale.

.1640

Le président: Permettez-moi de vous poser une question supplémentaire. Vous dites que les coûts de fonctionnement de la commission sont répartis de façon égale entre les trois pays?

M. Lahey: C'est exact.

Le président: La contribution n'est pas proportionnelle au volume commercial ni à rien d'autre?

M. Lahey: Non. On a décidé que la seule façon équitable de procéder était d'exiger une contribution égale de chaque pays. Il se trouve que l'un des pays est beaucoup plus important que les autres. Je pense qu'on estimait que ce pays aurait pu exercer une influence indue au sein du secrétariat si la contribution de chaque partie n'était pas égale.

Le président: C'est très bien. Merci.

Est-ce que cela vous va? On peut vous revenir plus tard, monsieur Johnston, s'il nous reste du temps.

Je donne maintenant la parole aux libéraux.

[Français]

Monsieur Cauchon, voulez-vous commencer?

M. Cauchon: Madame la ministre, merci beaucoup pour votre précieux temps et pour votre exposé. Merci également de nous soumettre à cet exercice démocratique qui nous permet de poser des questions sur votre ministère.

Vous avez expliqué ce que comprendra la réforme du Code canadien du travail. Vous avez exposé également les objectifs de la partie I. Je m'intéresse davantage à la partie II. La partie II, si je comprends bien, concerne la question de la santé et de la sécurité au travail.

J'imagine qu'avec les années, la loi est devenue désuète. J'aimerais connaître les buts de cette réforme. Quels seront les effets de la réforme pour le monde du travail? Finalement, madame la ministre, vous n'êtes pas sans savoir que, quand on parle de santé et de sécurité au travail, on parle d'une multitude de réglementations et de lois au Canada; on parle également de plusieurs intervenants. Quel processus entendez-vous mettre en branle pour réussir à trouver un consensus à travers tous ces organismes, toutes ces lois et tous ces gens qui sont impliqués?

Mme Robillard: La question est fort pertinente parce qu'elle touche la santé et la sécurité des travailleurs. Je pense que c'est une question fort importante en tant que telle. En ce qui concerne les parties II et III du Code du travail, nous avons un mécanisme de consultation, tant avec la partie patronale que syndicale, d'une façon presque permanente. Je pense que c'est nécessaire. Ce sont des mécanismes de consultation qui, à l'heure actuelle, satisfont l'ensemble des parties.

Donc, pour la partie II, ce mécanisme de consultation existe présentement. C'est un mécanisme de consultation tripartite qui implique des fonctionnaires du Programme du travail du ministère, des représentants de la partie patronale et des représentants de la partie syndicale. Je dois vous dire qu'il y a une multitude de dossiers qui sont examinés, soit environ 200 projets. Ils sont arrivés à des consensus sur les deux tiers des projets. C'est pour cela que j'annonce qu'en 1996, nous pourrons peut-être apporter des modifications à la partie II du Code du travail parce qu'il y a des consensus qui se dégagent entre les parties.

Cela étant dit, je n'entrerai pas dans le détail de l'ensemble de ces projets. Je pense qu'il y a trois grands dossiers qui concernent la partie II. Il y a les comités mixtes de santé et de sécurité au travail qui existent sur les lieux de travail. Il y a les processus d'appel qui existent dans notre Code et qui sont soumis à la réflexion. Enfin, il y a le droit de refuser de travailler.

Ces trois questions sont examinées présentement par notre groupe consultatif. Le premier point, qui touche le comité mixte de santé et de sécurité au travail, consiste à regarder si on ne pourrait pas donner davantage de responsabilités, dans le Code du travail, à ces comités internes qui existent sur les lieux de travail et qui sont prêts. La réflexion se fait dans ce sens. On essaie de responsabiliser davantage ces comités qui existent sur les lieux de travail.

.1645

Il y a un processus d'appel qui nous sera proposé si on arrive à un consensus. Pour faire en sorte que ce processus soit vraiment juste, accessible et facile d'accès, ils sont en train de regarder ces éléments.

Le troisième élément est le droit de refuser de travailler. Vous savez que, dans les situations dangereuses, le droit de refuser de travailler... Quelle est la définition du terme «danger»? Quand peut-on refuser de travailler?

Ce sont les trois grands dossiers qui sont examinés par le comité tripartite. Il s'agit d'un mécanisme de consultation qui, à l'heure actuelle, fonctionne bien et réussit à dégager des consensus. Les choses ne sont pas toujours faciles en matière de relations de travail. Il sera peut-être plus difficile de dégager des consensus dans la partie I, mais pour ce qui est de la partie II, qui porte sur la santé et la sécurité au travail, je dois vous dire que je suis très satisfaite de ce qui se passe présentement.

M. Cauchon: Est-ce que le Code canadien du travail contient déjà des dispositions concernant le droit de retrait pour cause de sécurité?

Mme Robillard: Oui, c'est le droit de refus.

M. Cauchon: Il s'agit uniquement de spécifier ces articles, j'imagine.

Madame la ministre, j'aimerais savoir si le processus de l'accord nord-américain en matière de travail a été mis en branle dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Est-ce un processus qui dérive de l'Accord de libre-échange nord-américain? J'aimerais également savoir où en sont les négociations. Quels sont les éléments que vous cherchez à uniformiser dans un contexte nord-américain?

On avait parlé, à un moment donné, de l'établissement d'un secrétariat au travail, à Dallas, je crois. Où en sommes-nous dans l'établissement de ce secrétariat? Est-ce que cela fera bientôt partie du domaine du réel?

Mme Robillard: Oui, le secrétariat est déjà en place et il est à Dallas, au Texas. Je soulignais justement, dans mes notes préliminaires, que nous étions très heureux de voir que le premier directeur exécutif du secrétariat était un Canadien, M. McKennirey. Il est en train de compléter l'embauche de son personnel au niveau du secrétariat. Les trois pays ont présenté des candidatures au niveau du personnel. Ce n'est pas un projet qui ne se réalise pas. Au contraire, le secrétariat devrait ouvrir officiellement en juillet de cette année.

En ce qui a trait à la première partie de votre question, c'est un accord du travail qui découle... C'est fort intéressant parce qu'à la réunion d'avril dernier, M. Reich et M. Onate, mes vis-à-vis des deux autres pays, et moi-même avons parlé d'un programme coopératif pour voir comment les trois pays peuvent encourager cette coopération en matière de relations de travail et garantir l'application efficace de l'ALENA.

Je puis vous dire qu'au cours de la dernière année, il y a eu beaucoup d'activités au niveau du programme coopératif. Comme ce sont trois pays qui ont différentes façons de faire en matière de relations de travail, le défi est grand. Quand je vois comment les choses ont évolué depuis seulement un an, je pense que c'est à la satisfaction... Les trois ministres doivent se rencontrer annuellement pour faire le point sur ce qui a été fait pendant l'année et déterminer le programme de l'année suivante.

.1650

Je dois vous dire qu'il y a des rapprochements qui se font. Il y a beaucoup de discussions. C'est encourageant de voir cela, même si tous les problèmes ne sont pas réglés.

Au Canada, comme vous le savez, les provinces doivent absolument être parties prenantes à l'accord pour qu'on puisse jouer notre rôle complètement dans ce domaine-là.

Plusieurs provinces ont participé à des activités du programme de coopération. Elles doivent officiellement s'engager et donc signer en foi de quoi elles sont parties prenantes. Dès qu'elles l'auront fait, elles assisteront à ces rencontres de coopération.

On m'a dit que l'Alberta serait sur le point de signer cet accord et qu'au Québec, on a commencé à discuter de cet accord au sein d'une commission parlementaire. Je pense que c'est la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec qui examine cette dimension-là.

On peut espérer qu'au cours des mois à venir, des provinces seront officiellement partie prenante à l'accord et participeront avec nous à cette commission.

M. Cauchon: Vous avez mentionné, madame la ministre, que les lois d'un pays à l'autre étaient extrêmement différentes. J'imagine qu'il sera difficile de commencer les négociations dans pareil contexte.

Quels éléments allez-vous prioriser dans le cadre des premières négociations?

Mme Robillard: Je dois vous dire qu'on a examiné cela au cours de la dernière année et qu'on va continuer de le faire au cours l'année qui vient. Nous examinons très attentivement la dimension de la santé et de la sécurité au travail. C'est un des éléments importants.

Deuxièmement, nous voudrions comparer nos systèmes de relations de travail pour voir sur quels éléments on peut se rejoindre.

Les statistiques en matière de relations de travail sont tenues différemment d'un pays à l'autre, et on a de la difficulté à comparer les données. Par exemple, même quand on parle de taux de chômage, les statisques ne sont pas faites de la même façon.

Un mandat très clair a été donné à notre secrétariat, celui d'essayer d'arriver à des outils communs qui vont nous permettre de mesurer les éléments en matière de relations de travail et de voir comment on peut se rapprocher. Voilà comment se dessinent les travaux.

Je ne sais pas si M. Lahey a des éléments à ajouter.

M. Lahey: Un point seulement. Le but n'est pas d'harmoniser les dispositions des trois pays parce que les systèmes sont assez différents. Il s'agit plutôt de nous assurer que les lois en vigueur soient appliquées d'une façon efficace. C'est un des buts de l'accord.

Il s'agit aussi de partager les expériences, de dire ce qui va bien et ce qui va mal. À long terme, cela pourra peut-être influencer l'évolution des lois dans les trois pays. Notre but n'est pas d'harmoniser les lois des trois pays.

Mme Robillard: C'est plutôt de la coopération.

M. Lahey: C'est ça.

M. Cauchon: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Cauchon.

[Traduction]

Je donne maintenant la parole à Andy Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai que deux questions que je vais aborder rapidement. L'une porte sur la durée du travail.

Vous avez dit dans votre déclaration, madame la ministre, qu'on consulte les représentants patronaux et syndicaux quant à la viabilité de certaines des propositions contenues dans le rapport Donner. J'aimerais savoir quelles propositions sont à l'étude, comment on procède, et quels sont les délais éventuels.

La prochaine question est très précise. Quelques-unes des recommandations du rapport portent sur les rapports entre le gouvernement et ses employés pour ce qui est du partage du travail, etc. Est-ce qu'on tient compte de cette recommandation dans le cadre de ce qui se passe à l'heure actuelle au sein de la Fonction publique?

.1655

[Français]

Mme Robillard: C'est une très bonne question, monsieur le président. Je dirais même que c'est une question qui déborde les responsabilités de la ministre du Travail. Souvenons-nous de ce rapport Donner, qui était un rapport d'analyse et de réflexion sur la durée et sur la répartition du travail.

À moins que les membres du Comité aient une opinion différentes, c'est un rapport qui ne s'adressait pas uniquement à la ministre du Travail du Canada, mais aussi à l'ensemble du gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux. Les membres du Comité souhaitaient que leur rapport puisse susciter des débats publics sur cette question-là et avec raison.

Au niveau du Programme du travail, nous avons parlé des suites que nous pourrions donner à ce rapport dans nos champs de responsabilité. J'ose espérer que mes collègues des provinces en font autant. Si jamais on devait apporter des changements en fonction de ces nouvelles réalités, on devrait le faire en accord avec les provinces afin que cela touche l'ensemble des travailleurs canadiens.

Au niveau du Programme du travail du ministère du Développement des ressources humaines, comme nous faisons aussi face à une rationalisation budgétaire, nous avons l'intention de mettre en place des projets pilotes pour voir s'il n'y aurait pas des pratiques innovatrices à développer en matière de durée du travail.

Nous voulons aussi que le débat se fasse avec nos partenaires du milieu du travail, et c'est pourquoi nous demandons à notre groupe consultatif sur la partie III du Code du travail d'examiner ce rapport et de prendre position au moyen de plusieurs éléments, ce qui pourrait résulter en des amendements législatifs sur le nombre d'heures de travail - je pense à la recommandation sur les 40 heures par semaine - et sur la limite du temps supplémentaire.

Premièrement, donc, on essaie chez nous de faire des projets pilotes dans ces domaines. Deuxièmement, on veut que l'ensemble des recommandations soient examinées par notre groupe consultatif tripartite. Troisièmement on veut susciter des débats publics sur la question. On a demandé à divers groupes consultatifs comme le Centre canadien du marché du travail et de la productivité et la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre d'examiner ces éléments-là, parce que le débat doit inclure tous ces intervenants dans le dossier.

Le président: Je viens d'apprendre qu'on doit partir tout de suite pour aller votre.

Mme Robillard: Est-ce que nous revenons, monsieur le président?

Le président: Est-ce que la ministre peut revenir?

Mme Robillard: Monsieur le président, c'est à vous de prendre la décision.

Le président: Je suis prêt à revenir pour 15 à 20 minutes si les membres du Comité...

M. Cauchon: Envoyez vos questions par écrit.

Le président: Les officiels seront ici demain, à partir de 10 h.

.1700

[Traduction]

Il faut qu'on parte. Le temps de revenir, nous aurons perdu le fil. Je vais prendre la décision et nous allons lever la séance. Nous recevrons les fonctionnaires demain. Les membres du comité pourront leur poser des questions à ce moment-là, par écrit si nécessaire.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;