[Enregistrement électronique]
Le jeudi 19 octobre 1995
[Français]
Le président: Bonjour.
[Traduction]
Monsieur Linklater, vous serez le premier. Soyez le bienvenu au Sous-comité. Je sais que ce que vous allez nous dire est très important pour la rédaction de notre rapport et pour l'information des membres du Comité. Vous disposez d'enviroin 30 minutes pour votre exposé après quoi nous vous poserons des questions.
M. Alfred Linklater (directeur, éducation; et gestionnaire principal, secrétariat à l'éducation, Assemblée des premières nations): Je vais vous présenter les collègues qui m'accompagnent: Marjorie Gould, directrice suppléante de l'éducation, administration de l'éducation des Mi'kMag de la Nouvelle-Écosse; Barbara White, des Premières nations de Nanaimo, membre du Comité directeur sur l'éducation pour les Premières nations de Colombie-Britannique; Warren Tremblay, directeur de l'éducation pour l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick; Vivian Ayoungman, directrice de l'éducation pour le Conseil tribal du Traité numéro 7 de l'Alberta; Rose-Alma McDonald, expert conseil en éducation pour l'Assemblée des Premières nations, et le Chef Steven Point, des Premières nations de la Colombie-Britannique.
J'ai des exemplaires de notre mémoire que vous pouvez faire distribuer.
Monsieur le président, et distingués membres du Sous-comité de l'éducation des autochones du Comité permanent des affaires autochones, je suis ici pour vous parler de l'éducation des Premières nations au nom du Comité des Chefs pour l'éducation et du Conseil national de l'éducation des indiens. Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de faire un exposé devant vous et de présenter nos recommandations aux membres du Comité avant qu'il dépose son rapport à la Chambre des communes.
Permettez-moi de commencer par faire quelques remarques sur notre mandat. Tout d'abord, nous constatons que le mandat du Sous-comité est très limité. On vous demande en effet de faire un examen et des recommandations essentiellement sur la façon dont on pourrait mieux appuyer les écoles primaires situées dans les réserves. Cette portée limitée laisse supposer que le droit des Premières nations à l'éducation se limite à des critères de résidence contrairement à notre position, à savoir que l'éducation des Premières nations est un droit transférable, ancestral, conféré par traité.
Dans le mandat, il est question d'enseignement primaire dans les réserves et cela fait fi du fait que les Premières nations estiment que l'éducation est un processus qui dure toute la vie. En rappelant que les ressources financières prévues sont substantielles, on laisse supposer qu'elles sont suffisantes, quand on sait que le véritable problème vient du fait que l'éducation des Premières nations manque d'argent. Nous ne pouvons donc accepter ces hypothèses. Toutefois, en tant que représentant des Premières nations, nous avons la responsabilité d'attirer votre attention sur ce qui suit.
Nous pensons que l'éducation des Premières nations correspond à un droit acestral inhérent. Nous croyons que le gouvernement fédéral a la responsabilité de prévoir des ressources suffisantes pour l'éducation et ce en raison de l'obligation fiduciaire qui lui incombe en vertu de l'article 91.24 de l'Acte constitutionnel de 1867. La compétence en matière d'éducation est un droit autonome ancestral établi prévu au paragraphe 35(1) de l'Acte constitutionnel de 1982. Le gouvernement fédéral a, de par les traités, l'obligation juridique de prévoir les ressources nécessaires pour que soient offerts des services éducatifs suffisants.
Les Premières nations proclament et affirment leurs droits autochtones inhérents à l'autonomie gouvernementale et exigent que ces droits soient respectés et reconnus à tous les paliers de gouvernement au Canada. Les Premières nations ne peuvent pas exercer leur compétence en matière d'éducation ou dans d'autres domaines sans détenir le plein contrôle fiscal et opérationnel à cet égard. Cette compétence ne découle pas d'un pouvoir délégué conféré par le gouvernement fédéral. Le pouvoir délégué n'est pas acceptable comme substitut à la compétence des Premières nations autochtones telle qu'elle est reconnue et affirmée dans la Constitution du Canada.
Selon nous, l'éducation de notre peuple est un outil fondamental pour l'épanouissement et la consolidation de l'autonomie politique de nos collectivités. L'égalité d'accès à un processus d'acquisition du savoir qui dure toute la vie est un droit fondamental pour tous, et pourtant aujourd'hui la moitié des enfants d'âge scolaire appartenant aux Premières nations n'atteignent pas la douzième année. Il existe 633 collectivités des Premières nations au Canada dont 283 n'ont absolument pas d'écoles. Les taux d'analphabétisme des Premières nations atteignent 65 p. 100 à 75 p. 100 dans certaines régions. L'utilisation des langues est en déclin, en danger ou dans une situation précaire dans 69 p. 100 des collectivités et 66 p. 100 des adultes appartenant aux Premières nations n'ont pas fait d'études postsecondaires alors que la moitié de la population canadienne a accédé à ce niveau d'étude.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, en 1988 on a rendu public les résultats d'un examen national sur l'éducation des Premières nations, examen qui avait duré quatre années et coûté 6 millions de dollars. C'est le secrétariat à l'éducation de l'assemblée des Premières nations qui avait la responsabilité de cette étude. Cet examen national avait quatre objectifs: examiner l'impact de la politique de 1973 qui confiait aux Indiens le contrôle de l'éducation de Indiens; résumer les recherches faites depuis 1972 aux paliers local, provincial et territorial; examiner la compétence des Premières nations en matière d'éducation à la lumière des modifications constitutionnelles les plus récentes; et recommander une politique améliorée en matière d'éducation et des lois appropriées visant à créer des relations de gouvernement à gouvernement entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.
Comme nous le savons tous, cet examen visait à analyser quatre aspects de l'éducation des Premières nations: la compétence, la qualité de l'éducation des Premières nations, la gestion de l'éducation des Premières nations et enfin, le financement de l'éducation des Premières nations.
La conclusion essentielle de cet examen a été d'affirmer que l'éducation est un droit inhérent qui doit être respectée par tous les paliers de gouvernement. Il faut en particulier que le gouvernement des Premières nations garantissent que les enfants, les enseignants et les membres de la communauté comprennent pleinement que les notions d'autonomie gouvernementale et d'autosuffisance sont reliées. Les conclusions de l'étude indiquent que les collectivités qui exercent une certaine compétence en matière d'éducation ont tendance à accorder plus d'importance à l'autonomie gouvernementale que les communautés qui ne s'occupent pas d'éducation. Cela étant, il est impératif que les écoles provinciales et territoriales qui desservent les enfants des Premières nations offrent dans leur programme d'enseignement un contenu sur les questions contemporaines qui préoccupent les Premières nations.
Même si le gouvernement fédéral a affirmé à plusieurs reprises, et notamment devant le Comité, que sa politique actuelle de transfert est guidée par les recommandations de cette étude, nous soutenons que les recommandations qui figurent dans cette étude n'ont pas été mises en oeuvre à la satisfaction des Premières nations.
J'ai ici un tableau qui dresse la liste des mesures à notre avis nécessaires, autrement dit, ce que le gouvernement a fait ou n'a pas fait pour mettre en oeuvre ces 54 recommandations. Je vais faire distribuer ce tableau car il fait partie de mon exposé.
Nous savons d'autre part, monsieur le président, que le 26 juillet 1995, le gouvernement fédéral a publié un document intitulé Le point sur les engagements pris envers les autochtones. Dans l'introduction, on répète l'engagement pris dans le livre rouge au sujet d'un plan d'envergure visant à renouveler le partenariat entre le gouvernement du Canada et les populations autochtones.
On lit ensuite, et je cite:
- Le gouvernement s'est engagé à créer un nouveau partenariat avec les autochtones, fondé sur le
respect mutuel, la confiance et la participation au processus décisionnel...
- Ce nouveau partenariat repose principalement sur la reconnaissance du droit inhérent des
autochtones à l'autonomie gouvernementale. C'est dans ce contexte que le gouvernement du
Canada collabore avec les Premières nations afin de renforcer leurs collectivités et de soutenir
leur autosuffisance croissante.
Nous croyons d'autre part comprendre que le mandat de votre sous-comité est de soumettre un rapport final à la Chambre des communes contenant des recommandations portant sur certaines initiatives visant à permettre aux enfants indiens et aux jeunes de suivre les meilleures études possibles aux niveaux primaire et secondaire et les encourager à rester à l'école et à atteindre des niveaux qui leur permettront de poursuivre des études postsecondaires et finalement de devenir plus compétitifs dans la population active.
Nous croyons d'autre part comprendre, monsieur le président, que votre mandat consiste à inclure dans votre rapport des recommandations sur la façon dont le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ainsi que d'autres ministères et organismes peuvent jouer un rôle positif dans l'amélioration des programmes d'éducation et des services offerts par les Premières nations, les Inuit et les écoles provinciales ainsi que les conseils et commissions scolaires et les établissements d'enseignement.
Ce qui nous préoccupe le plus, c'est que nous devions faire des recommandations touchant l'éducation des élèves des Premières nations qui puissent être mises en oeuvre avec les ressources budgétaires et financières disponibles. J'insiste là-dessus parce que c'est également indiqué dans votre mandat. Nous prétendons que c'est impossible étant donné que l'éducation pour les Premières nations manquent déjà terriblement de ressources. Vous nous demandez d'assumer une responsabilité avec un budget tout à fait insuffisant. C'est comme demander de circuler en Volkswagen quand le reste du pays circule en Lexus grand luxe.
D'après ce que nous savons des tendances qu'ont pris les dépenses gouvernementales touchant les programmes et les services destinés aux Indiens entre 1983-1984 et 1993-1994, selon une étude du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, il semble que l'on ait continuellement augmenté les budgets destinés à l'éducation des Premières nations - j'insiste là-dessus. Toutefois, cela permet simplement aux Premières nations de faire face aux dépenses accrues que doivent assumer leurs homologues au niveau provincial.
Comme vous le savez, l'actuel processus de financement des Affaires indiennes a été adopté par le gouvernement fédéral à la fin des années 1980 sans consultation avec les peuples des Premières nations. Celles-ci estiment qu'une telle décision unilatérale visant à imposer une formule de financement est contraire à la loi actuelle qui exige une consultation avec les Premières nations sur toutes questions touchant à leurs droits constitutionnels. Nous croyons que cela contrevient d'autre part aux dispositions de la décision Sparrow rendue par la Cour suprême du Canada.
Cette formule qui a été imposée a été fortement décriée par les dirigeants des Premières nations. Ils considéraient en effet que c'était un exercice visant à légitimer les affectations budgétaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. On a d'autre part considéré qu'il s'agissait là d'une mesure visant à assurer que le ministère atteigne ses objectifs budgétaires, indépendamment des besoins des Premières nations. Ce sentiment n'a pas changé et beaucoup de Premières nations se sont opposées à cette initiative du gouvernement fédéral.
Peut-on continuer à parler de partenariat fondé sur le respect mutuel, la confiance et la participation au processus décisionnel, comme on le prétend dans Pour la création d'emploi, pour la relance économique où il est question de permettre aux Premières nations de participer au processus décisionnel, en particulier lorsque cela les touche, et conformément à la décision de la Cour suprême?
Il ne semble pas d'autre part que les éléments fondamentaux de cette formule se justifient du point de vue éducationnel. De nombreux éléments critiques dans un programme d'éducation de qualité ne sont pas couverts dans cette formule. Nous croyons que l'idéal serait que les ressources consacrées à l'éducation des Premières nations soient décidées en fonction d'objectifs et de normes d'éducation très clairs. Cela devrait refléter un engagement ferme vis-à-vis des programmes d'éducation et contenir une série d'objectifs qu'il serait possible d'atteindre grâce à des budgets suffisants.
Bref, monsieur le président, les problèmes des Premières nations en matière d'éducation sont graves et profonds. Ils ne peuvent être réglés avec des budgets équivalents à ceux du reste du pays parce que les normes canadiennes ne répondent pas aux besoins des Premières nations. Le financement de l'éducation doit donc être envisagé différemment et nécessite des ressources additionnelles.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous sommes prêts à collaborer à la mise au point d'une politique de financement qui reflète les besoins des Premières nations sur le plan des ressources et de la gestion des programmes d'éducation, qui assurent des normes permettant un enseignement de qualité donnant des résultats et qui précise la compétence, la responsabilité et l'imputabilité de chacun. Nous estimons que cet exercice attend depuis trop longtemps et que nous devons parvenir à des solutions mutuellement acceptables, en particulier dans le contexte de votre sous-comité.
Voici certains des éléments que nous proposons pour tout système de financement des programmes d'éducation destinés aux Premières nations. La liste suivante n'est pas exhaustive: un budget et des ressources qui permettent d'amiliorer le ratio élève-enseignant; insistance sur la langue et la culture autochtones dans le programme scolaire; formation culturelle; budget nettement supérieur pour les programmes d'éducation spéciale - ces dernières années, nous avons constaté là un énorme besoin dans nos collectivités; orientation et services de bibliothécaire; budget de perfectionnement pour les responsables de l'éducation des Premières nations; addition de services de deuxième et troisième niveaux; financement de la recherche et du développement; rationalisation des dépenses en immobilisation; normes de construction définies par les Premières nations.
J'insiste sur ces normes parce que celles que le ministère applique aux installations mises à la disposition des Premières nations sont très limitées. À ces principes devrait s'ajouter l'octroi de ressources nécessaires pour le fonctionnement, l'entretien et les transports.
Il ne faut pas oublier, certes, les établissements postsecondaires des Premières nations, elles-mêmes responsables de leur développement, de leur évolution et de leur multiplication, le nivellement des différences, l'amélioration des systèmes de financement de l'éducation permanente au niveau postsecondaire et les études postsecondaires elles-mêmes.
Le niveau de ressources nécessaires doit être déterminé en fonction de normes claires pour les services d'éducation. Nous estimons qu'il s'agit d'assurer les budgets nécessaires à l'éducation et de permettre aux peuples autochtones d'arrêter eux-mêmes des objectifs d'éducation, et des programmes et services scolaires ainsi que la répartition des ressources.
Ce modèle insiste beaucoup sur le financement de l'éducation des Premières nations dans le contexte de l'autonomie gouvernementale, administrative et politique. Nous estimons que cela rendrait aux Premières nations le contrôle de leur vie, la possibilité de décider de l'évolution de leur peuple et de leur éducation. C'est ainsi que nous voyons la compétence des Premières nations en matière d'éducation.
D'autre part, les Premières nations reconnaissent que la Déclaration universelle des droits de l'homme a été adoptée et proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies à l'intention de tous les peuples et de toutes les nations. C'est une déclaration que votre gouvernement a signée. Dans le contexte de cette déclaration, les Premières nations estiment que les principes d'équité, de liberté, de justice s'appliquent également à elles.
Les Premières nations demandent que vos systèmes d'éducation comportent les droits suivants: un milieu scolaire qui respecte et insiste sur l'histoire et les traditions de tous les peuples autochtones; accès aux technologies d'éducation, aux systèmes d'information et à l'apprentissage de leur utilisation; accès à un système d'éducation permanente afin que les élèves puissent réaliser tout leur potentiel et transmettre leur savoir aux autres. Nous croyons d'autre part qu'il faut ménager aux élèves un milieu scolaire sûr qui les incite à apporter leur contribution à la collectivité. Enfin, nous réclamons le droit d'hériter d'un monde de paix où l'on respecte l'environnement.
En conclusion, nous tenons à dire que la qualité de l'éducation des Premières nations est fondée sur de valeurs traditionnelles qui reflètent et intègrent les principes d'holisme, d'ordre, d'équilibre et de respect pour le monde spirituel et naturel. Ces valeurs aident à définir une éducation de qualité pour les Premières nations.
La planification à long terme pour tous les niveaux d'enseignement intègre les facteurs économiques, sociaux, politiques et culturelles des collectivités des Premières nations. L'éducation contribue au développement de leur autonomie. L'école est un prolongement et une partie intégrante de la collectivité et les programmes scolaires associent les services fournis par les aînés et les membres de la collectivité ainsi que les valeurs traditionnelles.
Nous croyons que les responsables de l'éducation des Premières nations n'ont pas un rôle uniquement consultatif. Ils ont des pouvoirs dans leur conception de la gestion des programmes et il faut leur donner les moyens d'exercer pleinement cette fonction. Les structures de gestion des Premières nations ne sont pas des prolongemens des programmes fédérux, mais les fonds limités dont nous disposons font qu'il est impossible pour les responsables de l'éducation des Premières nations de faire une planification et des prévisions à long terme.
Les responsables de l'éducation des Premières nations doivent être en mesure d'exercer un pouvoir réel à tous les niveaux, du préscolaire au postsecondaire et à l'éducation permanente. Les responsbles en matière d'éducation doivent faire participer les membres de la collectivité, y compris les aînés, à l'élaboration des programmes et des politiques en matière d'éducation. Nous croyons également que l'évaluation des systèmes d'éducation des Premières nations, y compris celle des systèmes administratifs, doit être constante afin d'assurer une gestion efficace et l'atteinte des objectifs des Premières nations en matière d'éducation.
L'exercice des compétences matière d'éducation par les Premières nations supposent de nombreux changements aux pratiques actuelles des Premières nations et des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Cette compétence doit être mise en oeuvre par un processus de développement d'une façon planifiée et prudente avec toutes les ressources nécessaires pour assurer le succès des écoles administrées par les autorités locales. Cela suppose la reconnaissance du statut des Premières nations et une réforme des politiques et des lois fédérales; des gouvernements autochtones qui sont compatiles avec les diverses cultures et organisations sociales des diverses premières nations; la négociation de soutien, de ressources suffisantes, de mécanismes de consultation et d'aide; une planification locale et l'évaluation des besoins; la conception de programmes scolaires; la formation.
Les premières nations reconnaissent qu'il est important pour elles de mettre au point leurs propres méthodes et leurs propres solutions pour répondre aux besoins particuliers de leur collectivité en matière d'éducation. Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous voulons que soit reconnu et codifié le droit inhérent à être et à rester des premières nations distinctes et à exercer notre droit à la libre disposition en matière de programmes d'enseignement dans le cadre de l'autonomie gouvernementale. C'est le facteur central, essentiel pour toutes les premières nations. Les Premières nations n'ont jamais renoncé à leur droit d'exister en tant que premières nations individuelles et en tant que peuples autonomes au sein du Canada. Les diverses premières nations ne veulent pas être assimilées à un autre groupe socio-culturel, autochtone ou non autochtone.
En tant que premières nations, nous insistons pour que le gouvernement du Canada, qui a l'obligation morale et juridique de défendre les traités négociés entre les Premières nations et la Couronne, reconnaisse pleinement les droits inhérents ancestraux des Premières nations. Travaillons ensemble pour donner suite à l'examen national de l'éducation et pour mettre en oeuvre les recommandations que vous ferez lorsque lorsque votre sous-comité aura terminés ses délibérations.
Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre à toutes vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Linklater. Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Bachand (Saint-Jean): Je vous remercie de votre présentation, monsieur Linklater. Cela nous fait plaisir de vous recevoir ici.
J'attire votre attention sur la page 4 de votre présentation. Je vais lire en anglais. J'aimerais que vous élaboriez sur la dernière phrase du deuxième paragraphe:
[Traduction]
«Peut-on continuer à parler de partenariat fondé sur le respect mutuel, la confiance et la participation au processus décisionnel?»
[Français]
Cela est suivi d'un point d'interrogation.
Considérez-vous que l'approche actuelle est respectueuse et basée sur un partenariat? Vous avez soulevé ce point sous forme d'interrogation, et j'aimerais connaître votre réponse à cette question.
Deuxièmement, j'aimerais que vous élaboriez sur la participation des provinces à l'éducation autochtone.
Je sais qu'au Québec, nous jouons le rôle d'un modèle avec la Convention de la Baie James, convention qu'on veut moderniser avec les Cris. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a déjà annoncé son intention de le faire.
J'aimerais que vous nous disiez si, dans certaines provinces, on est disposé à aider les Premières Nations à financer l'éducation aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. Le Sous-comité sur l'éducation des autochtones a fait des tournées et a pu constater que, dans certaines réserves, il n'y avait pas d'école. Les jeunes sont obligés d'aller à l'extérieur. Que je sache, les provinces ne participent presque pas au financement de l'enseignement aux autochtones. En d'autres termes, la commission scolaire qui dispense l'enseignement aux enfants autochtones en fait payer les coûts par le gouvernement fédéral. Cela arrive souvent.
Est-ce qu'il y a des provinces qui sont aussi généreuses que le Québec à l'égard des autochtones?
[Traduction]
M. Linklater: Je pense pouvoir dire tout d'abord que cette question soulève celle du manque de respect dont le gouvernement fédéral a fait preuve au début des années quatre-vingt lorsqu'il nous imposé une formule de financement. Nous disons que la mise en oeuvre de cette formule de financement pour l'affectation de ressources pour l'éducation des Premières nations s'est faite sans que les Premières nations soient consultées. Nous disons maintenant que le maintien de cette formule de financement est contraire à la décision de la Cour suprême du Canada. En l'occurrence, si le gouvernement persiste à vouloir imposer des décisions unilatérales sans consulter les Premières nations, il contrevient à la décision lui enjoignant de nous consulter. Nous disons que le maintien de cette forumule de financement sans le moindre examen et sans que les Premières nations soient consultées est contraire à cette décision.
La participation des provinces à l'éducation des Premières nations est une question qui fait l'objet d'un débat à l'heure actuelle. Notre position a toujours été que le gouvernement fédéral détient les pouvoirs en matière d'éducation des Premières nations. Nous reconnaissons que l'article 92 de la Loi constitutionnelle accorde aux gouvernements provinciaux la responsabilité de l'éducation des non-autochtones. Nous estimons que la compétence des Premières nations doit être reconnue au-delà des limites des réserves et que toute modalité d'affectation de ressources et toute entente financière qui touche ceux de nos membres qui vivent hors réserve doivent être annexées aux ententes conclues entre les gouvernements - soit fédéral soit provincial - et les gouvernements des Premières nations dans les réserves.
Je vais demander à mon collègue, le chef de la Colombie-Britannique, de répondre lui aussi à cette question.
Le chef Steven Point (représentant des chefs, Nation Sto:lo, Assemblée des premières nations): La question touche au coeur du problème du financement. D'après ce que je sais de la formule de financement qui s'applique en Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral nous fournit un montant de base qu'il juge être comparable à ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique fournit pour les élèves fréquentant les écoles publiques. En fait, ces dernières reçoivent par ailleurs des fonds du gouvernement provincial ou d'autres sources, fonds auxquels les Premières nations n'ont pas accès. Par conséquent, nos écoles dans les réserves ne sont pas financées au même niveau que les écoles hors réserve, et nous sommes néanmoins obligés d'essayer de fournir les mêmes services éducatifs dans les réserves avec moins de ressources. En fait, c'est ça le problème.
L'autre problème que je vois c'est que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire, même si d'après la constitution la province est responsable de l'éducation en réserve. Daprès notre interprétation du droit inhérent, qui est protégé par l'article 35, le gouvernement fédéral doit défendre ce droit. Nous estimons que pour fournir des services d'éducation qui soient aussi bons que ceux qui sont offerts à l'extérieur de nos collectivités, il est absolument essentiel que le gouvernement fédéral nous fournisse exactement le même financement que celui qui est offert à l'extérieur de collectivités - c'est d'ailleurs une exigence de la loi.
Nous ne sommes pas suffisamment instruits. Il y a dans certaines de nos collectivités des enfants à problèmes irréversibles dont il faut pourtant s'occuper. Nous souffrons depuis longtemps de l'abus d'alcool, qui produit des enfants qui ont besoin d'attention spéciale. Depuis longtemps nos collectivités vivent dans la pauvreté à cause du système de réserves. En outre, nous avons depuis longtemps des problèmes de comportement engendré par l'imposition du système de pensionnat qui a été financé et préconisé par les institutions religieuses et qui recevaient des fonds du gouvernement fédéral.
Cela veut dire que les écoles dans nos collectivités font face à des problèmes différents qui exigent des solutions différentes. Toutes ces solutions supposent plus d'argent. Il nous faut des analyses faites par des spécialistes. Il nous faut des évaluation. Il nous faut des tests et des services de counselling pour les enfants. Je pense que même si nous recevions exactement le même financement que les autres écoles de la province de la Colombie-Britannique, ce qui n'est pas le cas, cela ne suffirait pas à nos besoins réels.
Votre question est intéressante. Y a-t-il d'autres provinces aussi généreuses? Je pense que non, quoique la Colombie-Britannique fournisse des fonds additionnels aux écoles publiques pour la langue et la culture, mais les écoles situées dans les réserves n'ont pas accès à ces fonds. Les écoles hors réserve peuvent compter sur une partie de l'assiette fiscale des municipalités, mais ce n'est pas une possibilité pour les écoles dans les réserves. Les écoles hors réserve obtiennent des fonds pour le perfectionnement des enseignants, mais les écoles dans les réserves n'y ont pas accès.
Alors lorsque nous examinons vraiment la différence dans le financement des écoles dans les réserves et hors réserve, nous voyons qu'il y a un écart important que le gouvernement fédéral doit combler pour que nous puissions nous attaquer aux problèmes sociaux à long terme dont le gouvernement fédéral est responsable et qui ont été causés par certaines des premières politiques du gouvernement fédéral.
M. Linklater: Je voudrais simplement répondre, monsieur le président, à la question de Bachand qui voulait savoir si d'autres provinces sont aussi généreuses que le Québec.
Vous prétendez que le Québec est généreux dans le financement de l'éducation: c'est vous qui le dites. Par ailleurs, par comparaison aux autres provinces, la répartition des ressources accordées aux Premières nations par le Québec comporte des différences. Il faudra examiner la situation pour déterminer quels sont les besoins particuliers au Québec.
Notez, monsieur Bachand, que la promotion des langues autochtones au Québec ne reçoit pas suffisamment de ressources. L'enseignement de ces langues n'est pas financé au même niveau que le français et l'anglais. Pour cette raison, je ne pense pas que le Québec soit aussi généreux que vous le croyez.
Le président: Monsieur Bonin.
M. Bonin (Nickel Belt): J'aimerais répondre à un commentaire que vous avez fait au sujet du financement additionnel auquel vos communautés n'ont pas accès.
Dans le système provincial, le système public, c'est vrai qu'il y a des fonds additionnels. Mais dans ma circonscription, là où mes enfants vont à l'école, je paie des impôt sur ma résidence; je paie 1 500$ d'impôt pour l'éducation. Vous n'avez pas accès aux extras... notre collectivité a décidé qu'elle était prête à payer plus pour en obtenir davantage. Il faut le dire, car parfois nous donnons l'impression que le gouvernement est injuste dans sa façon d'attribuer les fonds. Ce n'est pas vrai. Le financement de base en Ontario est probablement inférieur, mais les impôts locaux que je paie sont de 1 500$ pour ma résidence et de 550$ pour mon chalet. Il faut dire que dans les commissions scolaires publiques nous payons plus pour les extras. Cela ne vient pas des fonds du gouvernement. C'est clair et cela ne fait aucun doute.
Maintenant, je vais vous proposer un scénario et j'aimerais entendre votre réaction. Coyez-moi mes intentions sont bonnes.
Je crois que le coût de l'éducation des collectivités autochtones dans tout le pays devrait être normalisé. À partir de cette base, puisqu'il n'y a qu'une source de fonds, nous ajoutons toutes les choses que vous avez mentionnées: les besoins spéciaux, l'éducation spéciale, le perfectionnement, la préparation de programmes d'étude - mais nous commençons par établir une base. Il y a peut-être une excellente raison pour laquelle l'éducation coûte peut-être plus cher par étudiant dans le Nord de l'Ontario que dans le Sud de l'Ontario. Je crois que nous devons partir de la même base et ajouter des facteurs pour tenir compte des différences. Cela veut dire que pour obtenir un supplément, la collectivité devra se présenter devant l'un de vos groupes - pas un groupe du gouvernement, l'une de vos associations scolaires, devant les autorités, peu importe le nom - pour expliquer pourquoi elle a besoin de fonds supplémentaires. Tout cela sort de la même bourse.
Ce qui m'inquiète c'est qu'il y a des collectivités où il y a beaucoup de gaspillage; pas seulement dans vos collectivités, dans les nôtres aussi. Au moins de cette façon, pour obtenir des fonds supplémentaires, il faudra que la collectivité vous prouve qu'elle obtiendra des résultats. Je crois que c'est la façon de s'occuper des enfants. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En outre, vous parlez des Premières nations formant diverses communautés. Vous avez raison et je vous encourage à le faire, mais que faire si une communauté s'acquitte mal de la tâche? Qui a la compétence nécessaire pour intervenir? Dans nos collectivités, si une commission scolaire fait mal son travail, il y a un mécanisme gouvernemental qui intervient et les oblige à faire mieux. Comment pouvons-nous protéger les enfants dans ces quelques collectivités où le chef et le conseil sont incompétents? C'est injuste envers ces enfants. Ils n'ont pas les mêmes chances que les autres. Étant donné la diversité des communautés, sur quel mécanisme pouvons-nous compter pour protéger les enfants là où le travail n'est pas bien fait?
Mes questions concernent donc le financement de base avec l'ajout de facteurs, et la façon d'assurer la prestation de services adéquats pour les tous les enfants du Canada.
Ma troisième et dernière question est la suivante: à votre avis, qui est responsable de la langue et de la culture? La famille et la collectivité, ou l'école? Je suis d'un milieu français catholique et nous avons inclu tous ces facteurs dans notre éducation. Il est vrai que les sciences et d'autres matières en ont souffert. Je constate que certaines commissions scolaires accordent énormément d'importance à la langue et à la culture, qui sont très importantes. Mais si elles mettent trop l'accent là-dessus, les étudiants finiront leurs études élémentaires ou secondaires sans avoir reçu les outils nécessaires pour faire concurrence à nos enfants lorsqu'ils iront à l'université.
Croyez-moi, mes inntentions sont bonnes et j'ai vraiment à coeur le sort des enfants. Je n'essaie pas de vous acculer au pied du mur, mais je pense qu'il faille trouver réponse à ces questions.
Le chef Point: J'aimerais répondre à la première et à la troisième de vos questions. Je vais laisser M. Linklater répondre à votre question sur les normes à l'échelle du Canada.
Tout d'abord, en ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet des impôts, je m'y oppose et je m'en offense pour deux raisons. Tout d'abord, oui, il y a un taux foncier au mille et les Canadiens qui vivent à l'extérieur des réserves, tout comme les autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves, s'ils sont propriétaires fonciers, versent cet impôt. Il faut savoir que 50 p. 100 de nos membres vivent à l'extérieur de nos réserves, mais il faut savoir également que dans ma communauté - comme sans doute dans toutes les communautés autochtones du pays - 80 p. 100 de la population vit en deçà du seuil de la pauvreté. Ils ne deviennent jamais propriétaires, parce qu'ils n'en ont pas les moyens.
Je ne sais pas quels sont les chiffres, actuellement, pour les Européens, mais il y a de nombreux Européens, des non-autochtones, qui vivent à l'extérieur des réserves de la communauté. Ils ne versent pas le taux au mille parce qu'ils ne sont pas propriétaires fonciers. Ce sont ceux qui ont les moyens de devenir propriétaires, auprès de qui cet impôt foncier... et si je comprends bien, c'est ainsi que fonctionne le régime fiscal au Canada. On vise à partager la richesse du pays, à aider les nantis à partager avec les moins bien nantis.
M. Bonin: J'ai dit que le supplément était versé localement par...
Le chef Point: Vous avez dit que vous versiez un supplément pour obtenir des extras.
M. Bonin: En effet.
Le chef Point: On nous a installés dans ces réserves qui appartiennent au gouvernement fédéral et qui sont donc exclus du régime d'mipôt foncier. Nous payons les taxes de vente provincialees sur nos achats faits à l'extérieur, car nous n'avons pas d'assises économiques dans nos réserves. Il faut trouver une solution à la question des impôts. Je pense d'ailleurs qu'on se penchera sur cette question dans le cadre de l'examen de la dévolution des responsabilités prévues dans la Loi sur les Indiens.
Vos propos m'offusquent parce que je pense qu'il faut souligner que le régime fiscal de ce pays vise justement le transfert de la richesse. Qui possède la richesse au Canada? Ce ne sont pas les autochtones.
Quant à vos deux dernières questions qui concernent les mesures à prendre dans le cas des Premières nations qui ne s'acquittent pas très bien de leurs responsabilités en matière d'enseignement, je tiens à vous faire remarquer, monsieur, que le gouvernement n'affiche pas une très bonne performance à cet égard. Et qu'avons-nous fait? Nous avons dit, donnez-nous la possibilité d'instruire nos enfants et nous le ferons mieux. Natuellement, il y a certaines premières nations qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous considérons être les normes en éducation et il faut faire quelque chose à cet égard. Toutefois, je suis perduadé que c'est l'exception. Je pense que nous sommes tous intéressés à assurer l'éducation de nos enfants.
En troisième lieu, vous demandez qui est responsable de la culture et de la langue. Sans vouloir me lancer dans le débat actuel sur la question français-anglais, je pense que c'est la responsabilité de chacun. Je ne pense pas...
M. Bonin: Il n'y a pas de réponse facile. La première responsabilité en matière d'éducation revient aux parents.
Le chef Point: C'est votre opinion. Personnellement, j'estime que dans le cas des autochtones, l'histoire de notre culture et de notre langue n'est pas la même que la vôtre qui êtes venus dans ce pays. La perte de cette culture et de cette langue, monsieur, est la responsabilité de ceux qui ont contribué à la disparition de cette culture. Qui a forcé nos enfants à rester dans des pensionnats avec l'aide de la GRC? Qui a enlevé...
M. Bonin: Excusez-moi. Nous tentons de rédiger un rapport pour aider les communautés. Vous nous donnez une leçon d'histoire. Tentons plutôt de trouver des solutions. C'est tout ce que j'essaie de faire.
Le chef Point: Monsieur, pour vous...
M. Bonin: Je n'ai pas donné de réponse. J'ai posé des questions.
Le chef Point: ... la responsabilité revient à la famille et à la communauté. Personne ne vous contredira là-dessus, j'en suis sûr.
M. Bonin: Donc qui est responsable de la langue? Qui a la responsabilité première dans le cas de la langue et de la culture? Est-ce l'école, ou est-ce la famille et la communauté? Je sais ce que c'est chez moi.
Mme Vivian Ayoungman (directrice de l'éducation, Conseil tribal du Traité numéro 7, Assemblée des premières nations): Puis-je aussi répondre à cette question?
Je m'occupe d'enseignement depuis plusieurs années. J'ai mon diplôme de l'Université de Calgary. J'ai des diplômes de troisième cycle. Je n'ai jamais pu m'offrir le luxe de suivre des cours qui présentaient mon histoire de mon point de vue ou de celle de mon peuple. Mes parents étaient pensionnaires. J'ai été pensionnaire. Toutefois, mes parents se sont assurés de m'enseigner la langue. Je suis très fière d'être Siksika. J'ai été élevée avec les valeurs de mon peuple. Je suis vraiment désolée pour tous les étudiants à qui j'ai enseigné parce qu'ils n'ont jamais eu les mêmes chances que moi. Voyez-vous, de nombreux livres d'histoire sont rédigés par des auteurs qui portent des verres teintés, qui se placent de leur point de vue.
Je ne veux pas prendre trop de temps, mais j'aimerais beaucoup vous donner rapidement un exemple. James Willard Schultz est reconnu pour ses nombreux écrits sur les Pieds-Noirs, il fait autorité. Je n'avais pas eu l'occasion de lire ses oeuvres, parce que ce n'était pas mon domaine d'étude, mais j'ai su qu'il s'était rendu dans ma tribu et qu'il avait notamment longuement interviewé mon arrière-grand-père. Quand j'ai appris cela, je tenais absolument à lire ses oeuvres.
J'ai donc trouvé ses livres et j'ai lu l'entrevue avec mes grands-parents rédigée de sa perspective à lui. À mesure que je lisais ses oeuvres, je constatais qu'à son avis, mon peuple était très supersticieux. L'auteur avait joué le jeu pour en apprendre plus long. Lire cela ne faisait que me blesser davantage. Je me disais, voici quelqu'un qui a écrit l'histoire des Pieds-Noirs, qui est considéré un spécialiste du domaine, et pourtant, sa perspective est biaisée puisqu'il voit ce peuple comme superstitieux, etc.
Plus j'y réchéfléchissais, plus j'avais l'impression d'avoir été trompée, d'avoir été volée. On ne nous a jamais donné la possibilité de faire les recherches nous-mêmes auprès de ceux qui savent encore ce qui s'est passé. Voilà le problème. Je ne sais pas pourquoi je suis si... Je suppose que c'est parce que ça vient du coeur.
Voilà pourquoi j'aimerais simplement que nous puissions obtenir le financement, les budgets de recherche pour ma préparation des programmes d'enseignement. Nous avons les compétences voulues. Nous pouvons communiquer avec certains aînés et le faire dans notre propre langue. Pourtant, lorsque le gouvernement a des budgets, il les accorde à d'autres pour qu'ils fassent le travail pour nous. Il y a des budgets de recherche; il y a le CRSH; il y a d'autres organismes. Pourtant, lorsqu'il y a des budgets, on les donne aux universités, aux gouvernements, pour faire des études, pour élaborer des programmes d'enseignement.
On ne nous fait jamais confiance, semble-t-il, même si - et je suis fière de le dire - j'ai reçu une mention en même temps que mon diplôme de l'Université de Calgary. J'ai reçu le prix de femme éducatrice de l'année à Calgary. La communauté non indienne reconnaît que j'ai ces compétences, mais pourtant, on ne nous fait toujours pas confiance. On ne nous considère pas capables de faire une partie de ce travail. C'est toujours quelqu'un d'autre qui le fait pour nous.
Voilà donc la réponse à votre question. Oui, c'est la responsabilité de nos parents, etc. Mais qu'arrive-t-il dans les cas où ces parents ont vraiment été marqués parce qu'ils ont été floués, qu'ils ont été volés?
Si vous jetez un coup d'oeil au texte de la Convention des Nations unies sur le génocide, vous verrez que le Canada est très coupable. Le gouvernement ne nous a peut-être pas tirés dessus, mais il nous a enlevé notre langue et bien d'autres choses encore. La Convention des Nations unies a été proclamé en 1949. J'ai commencé l'école en 1954 et j'ai été battue pour avoir parlé ma langue. Quand j'ai commencé à lire le rapport et l'étude à propos des pensionnats, cela m'a mise en colère. Je me suis dit que le Canada prétendait avoir bonne conscience aux yeux du monde. Il avait signé la Convention des Nations unies sur le génocide. Pourtant, en 1954, j'étais battue quand je parlais ma propre langue.
Quand je songe aux étudiants à qui j'ai enseigné, je les plains parce qu'ils n'ont pas été élevés par leurs parents. J'ai effectué une étude de la langue siksika, pour faire un profil de la lanque et voir combien on l'utilise et cela me fait peur. Nous avons perdu du terrain pour diverses raisons. Nous essayons maintenant d'obtenir un revirement de la situation.
Je signale à mes collègues que, dans tous les pays du monde, une nation a le droit d'étudier sa nation, sa littérature, son histoire, sa langue, sa philosophie. Elle peut le faire. On nous a refusé cette possibilité à titre de première nation du Canada. Ce que je voudrais le plus au monde, c'est me concentrer uniquement sur ma langue, mais je n'en ai pas le temps. Qui me paierait? Je dois aussi me nourrir.
M. Linklater: Nous disons dans notre mémoire que nous sommes prêts à collaborer pour mettre au point une politique de financement. À mon avis, cela aurait dû se faire il y a longtemps. Nous reconnaissons que la formule utilisée maintenant par le ministère pour financer l'éducation des Premières nations laisse à désirer. Nous recommandons donc au comité la collaboration, la consultation et la création du nouveau partenariat dont nous vous avons parlé.
Je pense aussi que nous pourrions incorporer dans cette nouvelle politique les normes auxquelles vous avez fait allusion, mais du point de vue des Premières nations. Cette politique devrait s'appliquer à toutes les langues traditionnelles. Nous ferions, bien sûr, le nécessaire pour garantir que tout modèle de financement satisfasse aux exigences que votre gouvernement s'était engagé à respecter relativement aux nouveaux accords financiers. Selon moi, c'est une chose dont vous devriez tenir compte dans vos recommandations.
Vu que les communautés autochtones sont tellement diversifiées, nous savons que le fait d'être obligés d'accepter et de gérer le système déjà défectueux que nous délègue le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord rend les erreurs de notre part inévitables. Nous pouvons cependant tirer des leçons de ces erreurs. Indéniablement, les peuples des Premières nations commencent à élaborer les politiques qui nous permettront d'éviter de telles erreurs à l'avenir. Les communautés des Premières nations reconnaissent que les enfants sont un atout précieux et elles ne permettraient jamais qu'on répète les atrocités que nous avons nous-mêmes connues dans le domaine de l'éducation des Premières nations.
Le transfert de compétences permet aussi aux Premières nations de se sentir propriétaires de leur système d'éducation. Selon nous, quand notre peuple aura finalement compétence reconnue en matière d'éducation, nous pourrons élaborer des politiques qui nous permettront d'éviter les problèmes auxquels vous avez fait allusion.
Comme nous l'avons déjà dit, il faut d'abord mettre au point une nouvelle formule ou un nouveau modèle de financement et d'affectation de ressources, et je préfère ne pas parler de formule, mais plutôt de modèle, qui nous permettra de devenir vraiment propriétaires de notre système d'éducation, comme il se doit, et qui tiendra aussi compte des éléments dont nous avons parlé plus tôt pour que nous puissions y intégrer et valoriser nos langues et notre culture. Ce modèle tiendra compte aussi des besoins de l'éducation comtemporaine et de ce que nous devons faire pour devenir ce que vous voulez que nous soyons sous bien des rapports, c'est-à-dire des partenaires qui peuvent contribuer à la société canadienne.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je voudrais vous poser trois questions.
D'abord, je vous signale que, dans certaines des écoles que nous avons visitées dans diverses provinces du pays, nous avons trouvé d'excellents exemples de programmes scolaires mis au point par les autochtones. Cela correspond à ce que vous avez dit plus tôt. Ce sont d'excellents modèles.
Sur le plan pratique, l'une des choses dont on parle beaucoup, et vous venez de la mentionner encore une fois, monsieur Linklater, c'est la formule de financement. Pourriez-vous me donner des exemples de façon de rendre le système plus efficace sur le plan pratique? On parle beaucoup de partenariat entre le gouvernement et les peuples des Premières nations dans le domaine de l'éducation. Quelles sont certaines des choses que les deux côtés devraient faire pour rendre ce partenariat plus efficace? Quand je parle d'un système plus efficace, je veux dire qu'il faut faire en sorte que les enfants soient mieux instruits et c'est pour cela que nous sommes tous ici.
Je voudrais demander à Mme Gould de la Nouvelle-Écosse comment ce partenariat fonctionne ou ne fonctionne pas en Nouvelle-Écosse.
Mme Marjorie Gould (directrice suppléante, Nova Scotia Mi'kma Education Authority, Conseil national indien de l'éducation, Assemblée des premières nations): Je peux peut-être vous parler un peu de ce que nous essayons de faire en Nouvelle-Écosse.
J'imagine que cela découle dans une certaine mesure de l'examen national qu'on a fait du système d'éducation. Quand nous avons commencé à essayer de voir comment nous pourrions donner suite à certaines des recommandations découlant de cet examen, nos dirigeants ont jugé qu'il faudrait élaborer une structure provinciale unique au lieu d'avoir 13 systèmes d'éducation distincts et gérés individuellement, pour que l'on puisse gérer le système au niveau provincial, reprendre les divers programmes administrés maintenant par le ministère et distribuer les fonds à toutes les bandes.
Bien des sujets ont été soulevés ce matin à propos des ambitions que nous avons pour notre système d'éducation à l'échelle de la province mais il faut dire que le financement reste crucial. Nos dirigeants croient que, s'ils assument la responsabilité et la compétence en matière d'éducation, il est extrêmement important que le système d'éducation s'appuie sur notre culture et notre langue. Ce sont des chose qui ont été bien négligées jusqu'ici.
Cela comporte aussi un élément spirituel. Le gouvernement fédéral ne croyait pas que c'était très important pour notre épanouissement, mais nous sommes convaincus que ça l'est. Comme nous l'avons dit aujourd'hui, il n'y a pas de financement et il n'y a jamais eu de développement. Dites-moi qui doit s'occuper de ce développement?
Si une ville comme Montréal ou Québec décide d'améliorer son système d'éducation, elle peut demander à ses habitants de payer des impôts ou d'accepter d'autres mesures semblables. Mais quand on regarde des régions pauvres comme celles de l'Atlantique, pour ne pas parler des réserves, où le chômage atteint 95 p. 100, il est impossible d'obtenir des fonds supplémentaires. C'est pourquoi il faut chercher ailleurs.
Étant donné que cette question est importante pour nous, nous demandons la collaboration du gouvernement. Autrement, cela ne vaut pas la peine et le gouvernement pourrait aussi bien continuer à faire ce qu'il fait sans contribuer à l'avancement de nos collectivités et sans utiliser les connaissances qui existent chez nous et qui nous ont miraculeusement fait survivre à cette oppression depuis 500 ans. Il est évident que notre système d'éducation n'était pas fondé sur notre culture et notre langue. Il doit avoir du bon s'il a survécu à 500 années d'oppression.
Nous pensons qu'il est important de partir de notre culture et de notre langue. C'est cela qui va nous faire avancer. Il faut d'abord respecter ces fondements, langue et culture, pour se respecter soi-même et respecter les autres. Telle est notre analyse.
Le président: Merci. Très rapidement, monsieur Linklater, en ce qui concerne les formules de financement...
M. Linklater: Nous avons dit que notre examen national avait quatre volets. Premièrement, le volet ressources, et nous sommes prêts à travailler ensemble pour essayer de trouver les solutions les plus appropriées en ce moment.
Deuxièment, la capacité de gérer et d'administrer les programmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons assumer le pouvoir qui a été mal administré par le ministère.
Nous sommes tenus d'incorporer des normes d'éducation provinciales qui ne tiennent pas nécessairement compte de nos besoins en matière linguistique et culturelle. Je pense que l'on devrait nous donner les moyens de remédier à cette situation, de faire évoluer les politiques dont les Premières nations ont besoin pour soutenir un système qu'on leur a retiré il y a de nombreuses années. Il nous a été difficile de le faire depuis vingt-cinq ans, c'est-à-dire depuis que l'on nous a en théorie rendu l'autorité de le faire.
Évidemment, tout cela, c'est une affaire de compétences. Afin que nous puissions exercer pleinement notre compétence en tant que Première nation, nous devons avoir les mains libres. Notre système qui, une fois de plus, nécessite une profonde réforme, ne doit pas être constamment comparé aux systèmes provinciaux et à des normes établies.
Si le Comité étudiait les recommandations que nous proposons, je pense que ce serait un début de changement.
Le président: Merci beaucoup. Nous passons maintenant à M. Taylor pour une question brève.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup. Je me rends compte que le temps passe et que nous avons d'autres témoins.
Je vais faire un bref commentaire avant de poser ma question. Il y a quelques semaines, j'ai eu la chance de participer à l'ouverture d'une nouvelle école dans la Première nation du lac Pelican au Nord-Ouest de la Saskatchewan, dans ma circonscription. J'ai visité cet établissement avec le chef Blain Favel de la Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan.
Le chef Favel s'est dit ravi lorsque nous sommes entrés dans la salle culturelle, conçue et construite au sein de l'école. La salle culturelle est circulaire. Les poteaux du tipi sont intégrés aux murs et s'élèvent vers le ciel. Au centre de la salle, on a prévu un espace pour un feu de purification. Au sol, on a bâti des sièges pour que les anciens et les jeunes puissent parler et réfléchir ensemble.
La salle avait un caractère extrêmement spirituel. Le chef Favel et le chef Edward Bill du conseil de bande ont estimé que les étudiants respecteraient beaucoup l'éducation qu'ils recevraient à l'école grâce à cette salle culturelle.
D'après de que j'ai entendu aujourd'hui, car vous avez souligné la nécessité d'intégrer la langue et la culture dans l'éducation et le manque de fonds supplémentaires pour le faire, je pense que cet exemple est éloquent. La bande aura du mal - je devrais plutôt parler d'un défi à relever, car la salle existe déjà - à maintenir les activités prévues dans cette salle, qui a été conçue précisément pour répondre à des besoins très particuliers dans cette école, au sein de cette bande, et d'après ce que vous dites, dans toutes les collectivités indiennes du Canada. Par conséquent, j'ai vu pourquoi les ressources supplémentaires sont nécessaires, et je vous appuie dans ce sens.
Par ailleurs - et j'en viens à ma question - je discutais récemment du financement de l'éducation avec des conseillers des bandes, et j'ai constaté qu'il existe à cet égard un problème très concret. Dans ma circonscription, certaines bandes ont constaté - et je sais qu'il en est de même dans toutes les régions du pays - que leur conseil de bande était dans une situation déficitaire. D'une manière générale, ces conseils sont responsables du financement de l'éducation avec les fonds qu'ils reçoivent du ministère des Affaires indiennes.
Quand les conseils de bande sont déficitaires, le ministère des Affaires indiennes intervient et nomme un administrateur chargé de la gestion; ce dernier retire les fonds destinés à l'éducation, au logement et développement social, et le conseil de bande ne contrôle rien. Par conséquent, à cause des problèmes de financement auxquels le conseil de bande est confronté, c'est le système d'éducation ou l'école qui en souffre. Les élèves souffrent aussi des autres compressions budgétaires.
Vous êtes-vous penchés sur cette question? Est-il nécessaire de réserver des fonds pour l'éducation? Est-ce que les rapports entre l'école, le conseil et le ministère...? Que pensez-vous de tout cela?
M. Linklater: En septembre de cette année, j'ai eu l'occasion de visiter une école que l'on venait d'ouvrir à Red Sucker Lake au Manitoba. Comme par hasard, elle est également située dans la circonscription de votre député - M. Elijah Harper. L'école est belle, très moderne et elle répond très bien aux besoins de la population.
Cependant, étant donné que le conseil a peu eu à voir avec les décisions finales relatives à la construction et à l'ouverture de l'école, l'espace prévu était insuffisant dès le premier jour. Cela illustre bien notre propos - il faut que le financement permette de tenir compte des normes de construction des Premières nations afin de répondre à nos besoins particuliers.
Pour ce qui de l'argent et de notre attitude à cet égard, le ministère a toujours combiné les fonds alloués aux autorités scolaires et au conseil de bande. Il y a de nombreuses années, il nous a indiqué que les fonds destinés à l'éducation doivent être distincts de ceux alloués au conseil de bande. Quand les conseils de bande ont respecté cette exigence, il a été nécessaire de procéder à la co-gestion parce que les déficits dans une partie de l'administration débordent sur l'éducation, et la co-gestion autochtones exige que tous les aspects soient pris en considération.
Évidemment, ça a nui aux programmes scolaires. Cependant, le vrai problème, à mon avis, tient aux formules qui ont été imposées aux collectivités autochtones pour développer les infrastructures, distribuer l'aide sociale dans les collectivités autochtones et répondre aux besoins dans le domaine du logement. Le gouvernement doit revoir toutes ces formules de façon à ce que le système d'éducation ne devienne pas un autre exemple de sa mauvaise gestion dans les collectivités autochtones.
Le président: Merci beaucoup. J'ai moi-même quelques questions à votre intention.
Dans le document que vous nous avez présenté ce matin, vous parlez de nouvelles approches pour le financement de l'éducation. Pouvez-vous nous en donner rapidement un exemple? En avez-vous déjà en tête ou dites-vous que vous voulez rencontrer le ministère pour en discuter avec lui? En envisagiez-vous déjà quelques-unes en préparant votre document?
M. Linklater: Nous avons envoyé divers rapport au ministère au cours des années, entre autres, l'étude sur le financement de l'éducation au Manitoba. Des recommandations ont été faites. Il y avait des éléments du système de financement proposé qui pouvaient être appliqués à l'échelle nationale.
Cependant, comme vous le savez, toutes les suggestions que nous avons pu faire au ministère au cours des années ont été accueillies avec indifférence. Nous insistons pour que maintenant il y ait un examen de la politique et du mode de financement actuels. Essayons ensemble de trouver un cadre fiscal global pour le financement de l'éducation des Premières nations. Beaucoup d'éléments que nous proposons ici pourraient constituer la base d'un modèle. Cependant il faudrait absolument que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ainsi que le gouvernement fédéral procèdent à de sérieuses consultations avant de remanier le système actuel.
Le président: Mon autre question a trait aux recommandations que vous mentionnez. Certaines ont-elles été mises en oeuvre ou est-ce quelque chose que vous souhaitez?
M. Linklater: Je vais laisser ma collègue répondre à cette question.
Mme Rose-Alma McDonald (consultante, Secrétariat de l'éducation, Assemblée des premières nations): Nous avons examiné les 54 recommandations - je vois que vous avez l'exemplaire de Tradition and Education - et nous avons essayé de voir quelles étaient celles qui relevaient des Premières nations, celles qui relevaient du gouvernement fédéral, celles qui s'appliquaient sur le long terme, celles qui s'appliquaient sur le court terme et celles qui pouvaient faire l'objet d'une responsabilité partagée.
Comme vous le savez, j'ai fait partie du groupe qui a mené cette étude. Nous avons constaté depuis que nous sommes bien loin du jour où elles pourront être mises en oeuvre. Il y en a encore beaucoup qui attendent un suivi. Il y a encore... Il faudrait au moins avoir des discussions avec le ministère afin de voir - nous avons dit que certaines pouvaient peut-être appliquées à court terme - ce qui peut être fait.
Nous avons voulu au moins revenir sur ces recommandations. Nous avons indiqué sur quoi elles portaient, par exemple, les programmes d'étude, les modes d'apprentissage, l'éducation postsecondaire.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
Le président: Oui.
Merci beaucoup de votre exposé. Comme je l'ai indiqué, il nous sera utile au moment où nous préparerons notre rapport final. Je remercie chacun d'entre vous de votre participation.
Monsieur Linklater.
M. Linklater: Une dernière question. Pour ce qui est de votre rapport, qui sera transmis au comité permanent plénier et ensuite à la Chambre des communes, à quelle réponse vous attendez-vous de la part du gouvernement?
Le président: Comme vous le savez, nous avons beaucoup voyagé, nous avons visité beaucoup d'endroits. Les députés qui comme moi ont participé à ce processus y ont consacré beaucoup d'heures. Pour ma part, je ne voudrais certainement pas voir le rapport relégué aux oubliettes. Nous y avons consacré beaucoup de temps et d'effort. Pour en avoir discuté avec le ministre, je suis sûr que les recommandations qui en émaneront seront prises au sérieux et auront une suite.
M. Linklater: Pouvez-vous me dire quels seront les délais?
Le président: Pour la présentation du rapport?
M. Linklater: Je crois comprendre que vous présenterez votre rapport au comité permanent plénier qui, lui, le soumettra à la Chambre. Ensuite la Chambre aura un certain temps pour répondre à vos recommandations, si elle y répond.
Le président: Nous pouvons inclure dans notre rapport que le gouvernement doit répondre dans les 150 jours qui suivent. Je pense que ce serait une bonne idée.
M. Linklater: Est-il obligé de le faire?
Le président: Si nous l'indiquons dans notre rapport, oui.
PAUSE
Le président: Si les autres témoins veulent bien prendre place.
Commencez quand vous voudrez, madame Young. Vous avez à peu près une demi-heure pour faire votre exposé, après quoi vous serez invitée à répondre aux questions des députés.
Vous pourriez peut-être nous présenter également votre collègue.
Mme Donna Young (directrice, Coalition autochtone pour l'éducation): Bonjour, monsieur le président et distingués membres du comité permanent des Affaires autochtones. Je m'appelle Donna Young. Je suis directrice de la Indigenous Education Coalition, dont le bureau se trouve à London, Ontario. Je suis accompagné de John Peters. Nous sommes ici pour vous parler de la Coalition autochtone pour l'éducation, qui vient d'être formée. Merci de nous avoir invités.
Il y a eu au cours de l'année écoulée une série de consultations dans le sud de l'Ontario. La démarche a été financée par l'Ontario et le Canada dans le cadre de la Déclaration d'intention à caractère politique. Elle était parrainée conjointement par deux associations politiques: L'Association of Iroquois and Allied Indian et le London District Chiefs Council. En tout, ces associations représentaient quarante collectivités des Premières nations. Y participaient également deux centres d'amitié, pour les centres autochtones urbains, un centre culturel et une collectivité traditionnelle.
La démarche se voulait la plus ouverte possible - je pense que ça se voit dans notre composition - en reconnaissance du fait que l'éducation des Premières nations met en cause de nombreux intervenants.
Les Premières nations qui participaient à la démarche avaient des systèmes d'éducation divers. Presque toutes avaient un système quelconque qui pouvait accueillir de quarante à quatre cents élèves. Il y avait une école traditionnelle qui offrait toute la gamme des programmes culturels et linguistiques. Deux localités commençaient à offrir des programmes secondaires parallèles. Une offrait des services aux élèves du nord.
Lorsque nous avons conçu l'opération, nous avons dû tenir compte de plusieurs facteurs particuliers. Entre autres, la nature multiculturelle de la région, où habitent les peuples iroquois, Ojibway, Delaware et Potawatomi; la combinaison des systèmes d'éducation sur les territoires autochtones et en dehors des territoires autochtones; la disponibilité du service d'éducation dans les centres urbains; et la nécessité d'établir un organisme de service complet de deuxième niveau pour répondre aux besoins des localités.
Au cours de l'année, nous avons eu huit journées entières de consultation avec trente-cinq représentants des localités participantes. Nous voudrions discuter aujourd'hui de certaines des conclusions de cette démarche et du suivi qui lui a été donné.
John et moi voudrions surtout mettre l'accent sur quatre grandes questions. D'abord, le premier, le deuxième et le troisième niveau d'éducation des Premières nations, c'est surtout moi qui en traiterai. Ensuite, John parlera brièvement des préoccupations des collectivités participantes relatives à la langue.
Je dois indiquer au départ que cette démarche a abouti à la création de la Indigenous Education Coalition. Nous comptons douze collectivités membres, dont deux centres autochtones urbains.
Les consultations avaient principalement pour but de recenser les besoins dans le domaine de l'instruction des Premières nations - au moins cinq collectivités ont des écoles - afin de constater le résultat de la délégation d'autorité du pouvoir fédéral au pouvoir local et de permettre aux participants d'échanger entre eux. L'opération a été couronnée de succès et nous sommes heureux de vous en communiquer les résultats aujourd'hui.
Je vais d'abord vous lire notre énoncé de mission. Les Premières nations ont un droit inhérent à l'éducation. Le Gouvernement du Canada est moralement et légalement tenu de respecter tous ses engagements envers tous les traités et ses responsabilités fiduciaires y compris en matière d'éducation. Par conséquent, il a la responsabilité d'assurer le financement de programmes scolaires de qualité et de fournir les ressources, les services et les installations nécessaires. Il faudra également veiller à l'application du modèle de la Coalition autochtone pour l'éducation, lequel établit un cadre général d'auto-détermination dans le domaine de l'éducation.
J'aimerais d'abord parler de ce que nous appelons le premier niveau de l'éducation. Il s'agit de l'enseignement en salle de classe. Cela est très proche de ce qu'a dit l'Assemblée des Premières nations ce matin à propos des formules de financement car nous partageons ses inquiétudes. Comme la plupart d'entre nous venons du sud de l'Ontario, c'est la formule de cette province que nous commentons.
Comme l'a dit l'APN, la formule de financement remonte à 1988 environ et correspond au cinquième échelon de l'échelle salariale des enseignants. On n'a pas envisagé de scénario à long terme, comme le salaire de l'enseignant lorsqu'il atteint le sommet de l'échelle.
Ce régime est inapplicable dans la plupart de nos écoles. Même si certaines de nos dépenses sont moins élevées, les conseils scolaires autochtones font souvent la concurrence aux conseils provinciaux, capables d'offrir des avantages sociaux et des salaires plus intéressants. Cela conduit parfois à un exode de cerveaux surtout dans le cas des professeurs de langue, qui sont très recherchés.
Le budget du premier niveau finance le salaire des enseignants, les coûts administratifs et les fournitures scolaires. Comme il est insuffisant, les autorités autochtones ont souvent du mal à remplir les postes et à élaborer le programme d'études.
On l'a dit précédemment dans le document qui vous a été remis. Vous verrez que pour les écoles du sud de l'Ontario, en fonction de la formule actuelle, chaque élève reçoit un peu plus de 4 000$. C'est trop peu. Or, pour envoyer un de nos élèves dans un conseil scolaire provincial, il nous en coûte entre 6 000$ et 17 000$. Vous voyez l'écart. Il s'agit ici d'élèves qui ont des besoins particuliers ou qui suivent des programmes techniques. Il y a néanmoins une grosse différence et c'est injuste. Nous sommes pénalisés par cette formule.
Dans le tableau, vous voyez l'importance de l'écart entre le financement accordé aux écoles du nord, du centre et du sud de l'Ontario. Cela coûte plus cher dans le nord. Sachez bien qu'à notre avis le financement était suffisant dans tous les cas, que ce soit dans le nord, le centre ou le sud. Il faudrait faire une comparaison avec les conseils scolaires provinciaux et leur demander ce dont ils estiment avoir besoin pour assurer les services.
Quand le gouvernement fédéral a transféré aux pouvoirs autochtones la compétence sur l'appareil scolaire, beaucoup de services ont disparu. Je pense au perfectionnement professionnel, aux experts-conseils et aux spécialistes en matière d'enseignement spécial et au soutien linguistique. Pour cette raison, les autorités scolaires autochtones ont dû faire des choix difficiles. Pour conserver leur personnel, qui représente environ 80 p. 100 du budget de l'enseignement, elles ont dû supprimer des programmes.
C'est ce que nous appelons les services du deuxième niveau, ceux qui viennent appuyer les précédents. Comme les fonds calculés en fonction de la formule sont insuffisants, c'est au deuxième niveau qu'il a fallu faire des compressions.
La Coalition est en train de recenser les besoins du deuxième niveau. Nous avons un petit budget pour assurer quelques-uns de ces services. Toutefois, c'est insuffisant et ne permettra pas à répondre à nos besoins. Cela signifie que des élèves pourront ne pas avoir accès à des services ou à du matériel comme des ordinateurs ou des conseillers en matière de programmes d'études, comme c'est le cas dans le système provincial. Ce qui revient constamment sur le tapis, c'est le manque de matériel pédagogique et linguistique pour l'enseignant. C'est très dur pour notre population.
J'estime donc que la formule de financement ne suffit pas à couvrir les coûts de fonctionnement des écoles. Comme l'Assemblée des Premières nations, j'estime qu'il faut changer cette façon de procéder et que le financement doit être établi en fonction des besoins.
La formule actuelle, dans le cas des grandes écoles du sud, ne tient pas compte de la proximité des grands conseils scolaires provinciaux qui peuvent offrir des salaires beaucoup plus attirants. C'est pourquoi nous perdons souvent nos meilleurs éléments, en particulier chez les professeurs de langue. Souvent, le coût du programme de langues autochtones ainsi que le salaire de l'enseignant sont prélevés sur le montant calculé en fonction de la formule.
Il faut aussi examiner sous l'angle de l'enseignement la question du transfert des responsabilités et de la réduction de l'effectif du ministère des Affaires indiennes. Il est très difficile de voir combien il faut d'années personnes, etc, vu la réduction du nombre de postes et des services. Ils devraient être transférés aux Premières nations et non pas disparaître en cours de route. Avec le transfert, on dirait qu'il se sont volatisés comme par magie.
J'ai été responsable de l'enseignement dans une collectivité autochtone et je peux vous assurer que cela crée beaucoup de difficultés chez nous et qu'il a fallu à contrecoeur supprimer des programmes pour garder nos enseignants. Dans certains cas, même les dépenses d'immobilisations proviennent de ce budet. Cela a créé inutilement des difficultés. Une bonne partie de ce budget doit aussi faire l'objet de négociations avec les représentants locaux du ministère. D'ailleurs, le montant n'est pas établi en fonction des besoins, ce qui aboutit à des injustices.
J'aimerais maintenant parler du troisième niveau, c'est-à-dire la recherche et le développement ou ce que nous appelons chez nous le développement visionnaire. L'Assemblée des Premières nations en a parlé brièvement tout à l'heure.
À notre avis, ce qu'il faut, c'est une sorte d'institut qui répondrait aux besoins des deux premiers niveaux. Ce que nous recommandons, c'est que le gouvernement fédéral crée un institut national d'enseignement autochtone. Ce n'est pas une idée nouvelle. Elle existe depuis quelque temps déjà.
L'étude de l'APN sur les traditions et l'enseignement comporte plusieurs recommandations qui pourraient être mises en oeuvre grâce à un institut national pour l'enseignement autochtone. Ce n'est qu'un germe d'idée qui devra prendre forme en fonction des besoins des nations autochtones.
Il en a aussi été question dans le rapport MacPherson rédigé en réponse à l'étude de l'APN, dans lequel l'auteur affirme un institut de ce genre permettrait de concentrer en un seul lieu la recherche et la planification à long terme, la formation des enseignants et des administrateurs, l'élaboration du programme d'études et d'autres questions. Ce sont des services qui existent déjà dans les conseils scolaires ou les ministères de l'Éducation provinciaux.
Actuellement, nous n'avons aucun mécanisme de planification à long terme. Les domaines d'intérêt sont les langues autochtones, l'analyse et l'élaboration de politiques, les méthodes d'apprentissage et d'enseignement, le perfectionnement des ressources humaines - nous avons cruellement besoin d'une politique dans ce domaine - l'enseignement adapté, l'enseignement postsecondaire, et les liens entre les maisons d'enseignement.
Il se fait beaucoup de choses actuellement depuis la parution récente du rapport intitulé For the Love of Learning, qui comprend des recommandations sur l'enseignement autochtone. Il y est question de réviser la formule de financement.
Nous songeons aussi à des programmes novateurs comme la survie culturelle, la communication électronique et l'élaboration du programme d'études.
Nous estimons qu'un institut national pour l'enseignement autochtone permettrait de répondre à un grand nombre de besoins à l'échelle du pays. Je rappelle également la promesse suivante faite dans le livre rouge du Parti libéral du Canada: Nous mettrons sur pied, en collaboration avec les autochtones, un institut d'enseignement autochtone chargé de l'élaboration des cursus pour tous les établissements d'enseignement concernés, de la formation des enseignants, de l'enseignement à distance, de l'établissement de normes, de l'enseignement des langues autochtones, de l'alphabétisation et des programmes de survie culturelle pour les jeunes.
Nous sommes donc convaincus de l'importance d'un institut de ce genre. Il doit répondre aux besoins de la collectivité et être souple dans sa conception et la prestation de ses services. Nous encourageons le gouvernement libéral à réaliser sa promesse le plus tôt possible. Le besoin est là.
J'aimerais maintenant céder la parole à John Peters, qui vous parlera de langue.
M. John Peters (coordonnateur des services, Coalition autochtone pour l'éducation): Bonjour. Je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre.
Je suis ici pour vous parler de langue. La langue, c'est le véhicule par lequel la culture se transmet d'une génération à l'autre. La langue et la culture autochtones ne font pas exception à cette règle. Pendant des générations, les anciens se sont servis de leur langue pour communiquer histoires et légendes à leurs cadets. Malheureusement - permettez-moi ici une petite leçon d'histoire - des mesures énergiques ont été prises par le gouvernement fédéral par le passé pour rompre ce lien entre la langue et la culture. Le principal outil a été la politique d'assimilation du gouvernement et plus particulièrement les internats.
Les chiffres que nous avons portent sur le sud de l'Ontario, mais le problème de la langue s'étend à l'échelle nationale. Tous les peuples autochtones du pays ont subi une expérience analogue et ce sont nous, nos langues et nos cultures qui en ont souffert. L'Assemblée des Premières nations vient d'étudier cette question en détail et a produit un rapport intitulé Towards Linguistic Justice for First Nations, qui montre bien qu'il faut favoriser le maintien de l'acquis linguistique.
Je vous renvoie au dossier inclus dans votre trousse compilé auprès de seize collectivités du Conseil linguistique de la Première nation Sweetgrass, créé en mars 1994. Comme vous pouvez le voir, cette collectivité compte 43 747 habitants. De ce nombre, à peine 1 415 d'entre eux, soit 3 p. 100, parlaient couramment une langue autochtone.
Cette situation déjà sombre est aggravée du fait que ceux qui parlent encore les langues ancestrales sont eux-mêmes âgés et qu'à chaque jour qui passe la mort les emporte. Nous perdons donc nos trésors nationaux.
Le réseau de l'enseignement, largement responsable de cette situation déplorable, peut aujourd'hui servir à redonner vie à ces langues et à les maintenir.
Il peut arriver que les écoles autochtones offrent des cours de langue ou d'immersion, mais aucun budget n'est prévu à cet effet et rien n'est envisagé pour en obtenir davantage, comme on l'a dit. Les Premières nations doivent donc utiliser encore plus judicieusement les fonds déjà insuffisants qu'elles reçoivent en vertu de la formule de financement si elles veulent créer un programme de langue. Comme Donna l'a dit, il faut faire des choix difficiles, au moment de la répartition de ce budget limité.
Les conseils scolaires provinciaux, eux, ont droit à des budgets qui viennent s'ajouter aux frais de scolarité parfois déjà gonflés que doivent leur verser les autochtones. En effet, en Ontario en tout cas, le ministère de l'Éducation accorde les fonds à ces conseils en fonction du nombre de participants à un programme de langue seconde autochtone.
Lorsqu'une école ou une collectivité a la chance d'avoir accès à un programme de langue, le manque de fonds n'est souvent pas le seul obstacle à surmonter. Il faut absolument effectuer des travaux de recherche et de développement et coordonner les services linguistiques. Les collectivités autochtones ont besoin de services d'appui pour assurer le succès de leurs programmes de langue.
Comme Donna l'a dit, grâce aux consultations que nous avons tenues l'année dernière dans quatorze collectivités, nous savons que la langue est pour elles une priorité. Mais il faut leur donner l'aide qui leur permettra d'assurer leur survie linguistique et culturelle.
Ce que nous attendons du gouvernement fédéral, c'est qu'il investisse dans la jeune génération autochtone. La langue, la survie culturelle et le maintien des valeurs transmises par la langue redonneront à nos enfants la fierté qu'avaient leurs grands-parents. Ils leur redonneront la confiance qu'était jadis l'apanage de tous les peuples autochtones. Il est donc temps d'examiner sérieusement l'octroi de fonds suffisants pour mener à bien une opération de revitalisation linguistique. Une entreprise comme celle-là, j'en suis convaincue, aura un retentissement majeur.
D'où viendront les crédits? Comme nous y invitent les termes de votre mandat, nous formulons des recommandations réalisables dans le cadre budgétaire et financier actuel. Je pense à un poste du budget linguistique qui pourrait être réaffecté aux langues autochtones: celui de la prime au bilinguisme offerte aux employés fédéraux. Je ne me contente pas de vous présenter un problème, je vous fournis aussi la solution.
Dans son rapport annuel de 1993, le Commissaire aux langues officielles affirme ceci:
- Cette année, environ 50 millions de dollars y auront de nouveau été consacrés, sans que l'on
puisse affirmer que le versement d'une telle somme soit nécessaire pour assurer aux Canadiens
la disponibilité de services de qualité dans la langue officielle de leur choix.
Ce programme est financé chaque année, depuis combien de temps je l'ignore - le rapport date de 1993 - et à ma connaissance ce programme existe toujours. Il était financé à hauteur de 50 millions de dollars.
Combien a-t-on consacré aux langues autochtones? Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais je parierais que le chiffre est bien loin de la marque des 50 millions. Une fois que ces 50 millions auront été réaffectés au programme de langues autochtones, ils assureront la survie culturelle et linguistique des Premières nations.
À la suite de notre examen de la question des langues, nous avons recommandé que le gouvernement fédéral subventionne les programmes de langue des Premières nations afin qu'il soit possible de faire de la recherche et du développement en la matière, qu'il fournisse des services d'archivage et qu'il appuie les initiatives de revitalisation des langues communautaires et de maintien de l'acquis linguistique.
Nous n'avons que peu de temps, et nous pourrions sans doute passer l'après-midi à vous expliquer qu'elles ont été nos conclusions et les sujets que nous avons abordés avec nos collectivités du sud de l'Ontario. Mais comme Mme Young l'a montré dans son survol de nos consultations et des résultats, c'est la langue qui préoccupe au premier chef toutes nos collectivités des Premières nations.
Voilà pour notre exposé, et nous répondrons maintenant à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
C'est M. Murphy qui posera la première question.
M. Murphy: Merci de votre exposé.
Je voudrais revenir sur une question qui a été abordée avec le groupe de témoins précédent et qui a semblé intéresser aussi notre président: le financement selon une formule pré-établie. Je ne sais trop quoi en penser. Je sais comment on procède aujourd'hui, mais quel changement pratique recommanderiez-vous d'apporter à ce financement?
Mme Young: La première chose, c'est de suivre la suggestion de l'assemblée des Premières nations, et de commencer par la formule elle-même. À la fin des années 80, la formule a été déterminée de façon beaucoup trop rapide, et elle correspondait au cinquième échelon de l'échelle salariale des enseignants. Or, je crois que l'échelle peut aller jusqu'au niveau sept ou huit, et que le gouvernement fédéral avait affirmé à l'époque qu'il fallait réallouer les ressources existantes. Mais les temps ont beaucoup changé depuis, et le montant de la formule n'a pas vraiment augmenté. Ce montant n'a jamais été vraiment fondé sur le besoin, et il faudrait se demander sérieusement ce dont les collectivités autochtones ont besoin dans le cadre du transfert de l'éducation aux Premières nations.
Je suggère que l'on entame des consultations. Nous ne voulons pas imiter ce qui se fait dans les provinces, mais ces consultations pourraient inclure une étude des allocations aux provinces, c'est-à-dire des fonds alloués par élève. Cela permettrait une plus grande équité dans l'éducation et permettrait aussi à nos élèves d'être sur un pied d'égalité avec ceux du reste de la province. Beaucoup d'entre eux quittent les écoles autochtones pour entrer dans le système scolaire provincial et devraient être préparés à faire la transition. Nos écoles autochtones devraient être égales sinon supérieures aux écoles de la province. Il faut donc examiner la formule et se demander comment et pourquoi elle a été déterminée au début et ce qui peut y être modifié.
Je n'ai aucune formule de rechange à vous suggérer pour l'instant, mais il faudrait avoir la même base de départ et y ajouter toutes les composantes, en tenant compte de celles qui nous causent un préjudice en Ontario. Il faut que tout le monde ait le même montant de base, et qu'on y ajoute les autres facteurs comme l'allocation pour l'administration, qui représente 20 000 dollars versés à tous les conseils scolaires. Il faut aussi tenir compte d'autres facteurs et de l'emplacement géographique - si vous habitez une région donnée, vous recevez un peu plus que si vous habitez ailleurs - ou tenir compte du fait que l'anglais est une langue seconde pour nos élèves. Toutes ces variables devraient être prises en considération dans l'établissement final de l'allocation par élève.
Il faudra un certain temps pour étudier tout cela et pour voir quel autre formule pourrait répondre à nos besoins, étant donné que celle-ci ne donne visiblement pas les résultats escomptés.
Le président: Monsieur Bonin.
M. Bonin: Cette fois-ci, j'essaierai d'être plus bref. J'ai demandé à la plupart des témoins s'ils pouvaient me dire quel était le coût de l'enseignement par élève. Il est très difficile de faire des comparaisons, car chaque province inclut dans l'établissement de son coût des facteurs qui ne sont pas nécessairement les mêmes ailleurs, et c'est pourquoi je ne m'y attarderai pas. Ne comparons pas les pommes et les oranges. La comparaison ne tient pas, car rien n'est pareil.
Vous avez dit que la différence de coût entre les écoles communautaires autochtones et les écoles publiques était assumée par les autochtones. J'ai peut-être tort, mais je croyais que c'était le ministère des Affaires indiennes qui assumait la différence.
Mme Young: Vous savez sans doute qu'en vertu des accords sur l'enseignement, les collectivités autochtones achètent les services pour les élèves qui fréquentent une école hors de leur territoire, soit qu'il n'y aucune école sur place soit pour une autre raison. Dans la plupart de nos collectivités, ce sont maintenant les Premières nations qui s'occupent de la gestion de ces fonds.
Vous dites que c'est le ministère des Affaires indiennes qui donne l'argent. Mais comme le disait le chef de la Colombie-Britannique venait témoigner ce matin, nous croyons fermement que l'instruction est un droit inhérent pour les autochtones et que le gouvernement du Canada doit honorer ses engagements en vertu des traités et ses responsabilités fiduciaires, y compris l'instruction. Voilà ce sur quoi se base le financement des accords en matière d'instruction.
M. Bonin: J'ai posé la question pour que votre réponse puisse être inscrite au compte rendu. Nous avions l'impression que les coûts supplémentaires nécessaires pour acheter ces services étaient prélevés sur les fonds locaux, ce qui n'est pas le cas, puisque ces coûts supplémentaires sont subventionnés.
Mme Young: Non. Le financement en vertu des accords d'enseignement sont distincts du financement selon la formule.
M. Bonin: C'est exact, et il est incorrect d'affirmer que ce sont les autochtones qui en assument les frais.
Mme Young: Il faut également faire remarquer que le ministère paiera ce que demandera le conseil scolaire pour l'instruction des élèves, peu importe que les coûts augmentent d'une année à l'autre. Mais de mon côté, dans les collectivités des Premières nations, si mes coûts augmentent d'une année à l'autre - si les salaires des enseignants augmentent dans l'échelle, si mon essence me coûte plus cher ou que mes autres coûts augmentent dans mon école communautaire - je ne verrai pas ma subvention augmenter parce qu'elle dépend de la formule de financement.
M. Bonin: Je comprends.
Quel est votre ratio élève-enseignant et qu'inclut-il? Chaque fois, on me donne une réponse différente. Y incluez-vous le salaire du psychologue ou du directeur d'école? Dans nos conseils scolaires à nous, tout le monde est inclus.
Mme Young: C'est une question très complexe. Cela varie d'un conseil scolaire à l'autre, tout comme cela varie d'une première nation à l'autre.
En général, nous incluons le personnel enseignant à temps plein, c'est-à-dire tous ceux qui sont au service des élèves. Je n'y inclus pas les experts-conseils, que la plupart de nos écoles n'ont pas de toute façon, ni les administrateurs, parce que ces derniers n'ont pas de contacts directs et individuels avec les élèves. Actuellement, notre ratio élèves-enseignant varie entre 1 à 18 et 1 à 30, selon les calculs.
M. Bonin: Vous parlez du nombre d'élèves par classe ou de votre ratio élèves-enseignant?
Mme Young: De notre ratio élèves-enseignant
M. Bonin: Un pour trente élèves?
Mme Young: Oui.
M. Bonin: Une dernière question. Nous arrivons à la fin de la période de témoignages, et j'aurais besoin d'aide. Chaque fois que je pose la question, on me donne une leçon d'histoire. J'ai entendu cette leçon plus d'une fois et je suis tout à fait d'accord avec ce qu'on a dit jusqu'à maintenant. Mais il reste que, parce que nous avons oublié une génération d'enfants à qui nous n'enseignions pas votre langue dans vos collectivités - peu importe que ce soit la faute du gouvernement fédéral ou pas - nous essayons aujourd'hui de nous racheter, et il est très important que nous le fassions. Il en même de notre devoir.
Je suis bien d'accord que l'on mette à nouveau l'accent sur la langue et la culture et qu'on y passe plus de temps dans les écoles; toutefois, comment concilier cet objectif louable avec l'autre objectif d'outiller comme il se doit vos élèves pour que, arrivés en neuvième année, ils soient aussi forts que les autres? Si vous passez plus de temps à enseigner la langue et la culture, qu'allez-vous faire de l'enseignement des sciences?
J'essaie de trouver des solutions pratiques. Que doit-on faire? Faut-il prolonger la journée de trente minutes à l'école? Trouvons une solution, car le problème est bien réel. Je veux bien que vos élèves retrouvent leur langue et leur culture, mais ils en pâtissent dans les autres matières. Pouvez-vous nous aider à élaborer une recommandation?
Mme Young: Vous fondez votre interprétation sur l'hypothèse que la langue et la culture sont enseignées séparément des autres matières scolaires. Nous, nous prétendons que ce ne doit pas être le cas. L'enseignement pour les Premières nations doit adopter la méthode holistique. Je ne vois pas pourquoi la langue et la culture ne pourraient pas être incorporées aux autres matières et intégrées à l'enseignement quotidien, pour tout le programme d'études.
Vous avez parlé des sciences. Ce que nous devons faire, c'est mettre au point des programmes d'études - des programmes d'études environnementales ou scientifiques - qui sont fondés sur les communautés des Premières nations, tout en y intégrant certaines des composantes principales du système d'éducation, tout en répondant aux exigences du programme. Cela fait partie du défi devant nous, il y a aucune raison pourquoi nous ne pourrions pas faire cela. Si nos enseignants sont formés pour le faire, rien ne nous empêche d'intégrer de telles études dans le programme quotidien.
Je crois que c'est là une des raisons principales pour le transfert, pour la reprise de l'éducation par les communautés - il s'agit d'intégrer la langue et la culture de ces Premières Nations dans le système scolaire.
M. Peters: J'aurais une remarque à faire. Je pense que votre question laisse entendre que les écoles des Premières nations sont tellement axées sur la langue et la culture qu'elles ne fournissent pas aux élèves les compétences essentielles dont ils ont besoin pour recevoir une bonne éducation de base. J'aimerais vous demander où cela se produit?
M. Bonin: Voilà notre problème. Vous connaissez probablement votre système et vous faites probablement un excellent travail. Si c'est vrai, vous n'avez pas besoin de ce comité. Nous n'avons pas besoin de ce comité pour les endroits ou tout va bien. Nous essayons d'aider ceux que nous avons visités. Lorsque je pose ces questions, cela ne va pas vous aider si vous accomplissez bien ce travail; c'est pour pouvoir profiter de votre expertise pour aider les autres. Votre réponse est très bonne - le perfectionnement professionnel, la mise au point de programmes d'études. Dans les endroits dont je vous parle cela n'existe pas. Alors nous sommes confrontés à un vrai dilemme pour ces conseils scolaires.
Je me répète. Nous n'avons pas créé ce comité pour les bons conseils, ceux qui sont performants et qui offrent un bon service aux élèves. Nous n'aidons pas les gens qui n'ont pas besoin d'aide; nous vous demandons de nous aider à aider les autres. Nos questions peuvent donc vous frustrer parfois, mais nous avons vu ces choses-là. Comment pouvons-nous les aider?
Mme Young: Je pense que toutes les communautés avec lesquelles nous faisons affaire ont identifié un besoin de soutien dans le domaine des programmes scolaires de langue et de culture. Bien sûr, ils peuvent avoir besoin d'aide dans une plus ou moins grande mesure, mais nous ne connaissons qu'une communauté qui dit qu'elle est parfaitement satisfaite de la façon dont cela fonctionne actuellement. C'est en partie pourquoi la Coalition autochtone pour l'éducation existe, pour les appuyer dans leurs efforts.
M. Peters: Pour fins d'éclaircissement, y a-t-il des écoles qui donnent tellement de cours de langue qu'ils ne peuvent pas offrir le cours régulier...?
M. Bonin: À mon avis, oui, absolument, et ce ne sont pas des cas isolés.
M. Peters: Vous n'avez pas d'exemples précis de tels systèmes scolaires?
M. Bonin: [inaudible] système, mais cela fera partie de nos discussions pour la rédaction de notre rapport.
M. Peters: Ce sera dans votre rapport.
M. Bonin: Ce que j'aimerais savoir c'est si vous avez du perfectionnement professionel et de l'élaboration de programmes d'études, comment pouvez-vous partager ces ressources avec ceux qui n'en ont pas. Ils n'ont pas la capacité de faire tout cela tout seul. Quelqu'un va devoir aller les voir et dire voici, nous allons aider ces personnes, ou au moins nous allons mettre nos ressources à leur disposition.
M. Peters: Je pense que votre question rejoint ce que Donna a dit à propos d'un institut national.
M. Bonin: Donna parle de cela depuis que nous nous sommes rencontrés, et vous êtes le premier à inclure cela dans votre présentation, si ma mémoire est bonne. C'est excellent.
M. Peters: Nous prendrons notre chèque à la sortie.
M. Bonin: Mais ce sera un chèque de bois.
M. Peters: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Bachand.
[Français]
M. Bachand: Dans les documents qui sont préparés à notre intention par la Bibliothèque du Parlement, on mentionne une déclaration d'intention à caractère politique qui aurait été signée en 1986. On dit dans votre présentation ou dans ces documents-là - je ne me rappelle plus où j'ai vu cela - que le premier sujet à être traité est justement l'éducation. Pouvez-vous nous dire si on a traité de choses autres que l'éducation? Cette déclaration est signée depuis presque 10 ans. A-t-on traité uniquement de l'éducation? Où en est-on rendu? Est-ce qu'on en est rendu à la présentation que vous nous avez faite aujourd'hui?
Ma deuxième question a trait au courtage. J'ai vu dans vos dossiers que vous aviez recours à divers fournisseurs de services de courtage. Est-ce que ces fournisseurs sont autochtones et est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples de services que vous donnez aux membres de votre coalition?
Finalement, vous faites mention d'un Institut national autochtone pour l'éducation, ce qui est conforme aux promesses du Livre rouge, mais vous faites aussi allusion à un institut de langues. Est-ce que l'Institut national autochtone pour l'éducation ne pourrait pas se donner une division des langues ou si vous croyez qu'il est nécessaire qu'il y ait deux instituts distincts?
[Traduction]
Mme Young: Il y a trois éléments. D'abord, vous remettez en question le processus de la déclaration d'intention à caractère politique, et je parle plus particulièrement de l'Ontario. Notre coalition est un groupe technique, apolitique. Je ne suis pas très à l'aise pour répondre à cette question puisqu'il s'agit d'une initiative politique au sein de la province de l'Ontario. Mais je crois qu'elle remonte à il y a dix ans, qu'elle résultait d'une déclaration d'intention signée par l'Ontario, le Canada et les Premières nations de l'Ontario afin d'avoir une relation de travail égal à égal, au nom des peuples des Premières nations.
Il a notamment résulté de cette déclaration d'intention à caractère politique ce processus qui reconnaissait que l'éducation était l'une des questions à régler en priorité en Ontario. C'est pourquoi la priorité a été accordée à cette question, jusqu'à maintenant, probablement.
C'est de là qu'est venu l'argent pour notre projet et c'est pourquoi nous en parlons. Nous avons également été financé à parts égales par le Canada et l'Ontario pour mettre sur pied la coalition. Ce processus est maintenant terminé mais le processus de la déclaration d'intention à caractère politique, si j'ai bien compris, porte également sur des questions d'ordre juridique, sur l'éducation et sur une ou deux autres questions qui ne me viennent pas maintenant à l'esprit.
Voilà ce que j'ai compris du processus découlant de la déclaration d'intention. Depuis l'avènement du nouveau gouvernement en Ontario, je ne sais pas comment la situation a évolué. Ai-je bien répondu à votre question?
M. Bachand: Oui.
Mme Young: Votre deuxième question portait sur le courtage. Notre coalition est la seule à affirmer, au nom de ses participants, que le courtage pourrait être une bonne solution. En effet, on pourrait ainsi réduire au minimum les coûts administratifs tout en ayant accès aux compétences existantes.
Nous avons maintenant davantage de personnes compétentes dans divers domaines, mais c'est toujours une ressource limitée. Nous ne voulons certainement pas aller chercher du personnel qui travaille déjà au niveau communautaire. Nous souhaitons travailler avec des consultants dans divers domaines, parce que les besoins de notre communauté varient énormément. Une école communautaire peut avoir besoin d'un consultant en éducation spécialisée, pour un domaine donné, alors que quelques milles plus loin, dans une autre école, il faudrait plutôt mettre sur pied des ateliers de perfectionnement professionnel. Nous pourrions donc communiquer avec les professionnels ou les gens que la communauté nous a recommandés, en espérant trouver au sein de la communauté des Premières Nations des gens qui peuvent fournir ce service et en coordonner la prestation. C'est ce que fait John.
Nous croyons que c'est un bon concept. Nous commençons à peine mais je pense que c'est faisable et que nous avons ainsi accès à diverses ressources humaines et matérielles. Nous faisons également la coordination des ressources humaines et matérielles existantes, plutôt que de toujours recommencer à zéro. Nous essayons de faire l'inventaire de ce qui existe chez nous et ailleurs et de centraliser ces ressources pour les rendre accessibles à nos commuanutés membres.
Plus particulièrement, nous nous occupons de soutien à l'éducation spécialisée, de coordination linguistique, de soutien aux programmes et de soutien aux établissements, si bien que nous collaborons étroitement avec les conseils scolaires. Il a été nécessaire d'examiner certaines questions comme les accords relatifs aux frais de scolarité ou l'élaboration des politiques.
La troisième question, au sujet de l'institut national... nous avions également parlé de la nécessité d'avoir un institut des langues. Le besoin existe dans les deux secteurs. Je sais que les études de l'APN ont aussi régulièrement recommandé la création d'un institut des langues. Au sujet de ce que nous avons dit tout à l'heure, à savoir que la langue et la culture sont indissociables et que la langue véhicule la culture, j'estime qu'il doit être possible de fusionner les deux, après consultation des Premières nations de tout le pays.
Le président: Monsieur Taylor, avez-vous une courte question?
M. Taylor: Oui. Je ne suis pas tout à fait certain de la façon dont seront appliquées certaines de ces initiatives d'une province à l'autre. J'aimerais simplement savoir si le modèle ontarien et celui que je connais, celui de la Saskatchewan, sont semblables.
Je viens de participer à des réunions avec des bandes de ma circonscription, notamment celle du lac Witchekan, au nord de Spiritwood au nord-ouest de la Saskatchewan. Cette bande confie ses élèves au système scolaire provincial, mais elle doit les transporter par autobus jusqu'à la ville de Spiritwood. Je fournis ces détails pour votre gouverne, même s'ils ne sont pas particulièrement utiles à la discussion que nous avons, qui est plus générale.
La bande dépend donc du système scolaire provincial pour l'éducation de ses élèves. Cette année, d'après les dossiers de la bande, une centaine de ses élèves sont transférés de la réserve vers le système scolaire provincial. La bande souhaite ardemment que ce dernier leur offre des cours de langue en cri. Le conseil scolaire refuse de le faire, à moins que la bande assume 100 p. 100 des coûts de ce programme. Bien entendu, la bande n'a pas les fonds spéciaux nécessaires pour payer ces coûts supplémentaires, même s'il y a une entente relative aux frais de scolarité entre la bande et le conseil scolaire.
Je présume que la situation là-bas ne diffère pas tellement de ce qu'on voit ailleurs au Canada, mais j'aimerais savoir quelle a été votre expérience. Dans quelle mesure le gouvernement fédéral doit-il collaborer avec les instances provinciales, lorsqu'elles sont seules responsables de l'éducation, afin qu'une formation linguistique et culturelle soit offerte aux élèves des bandes qui relèvent d'elles?
Mme Young: Nous ne pouvons en fait vous parler que de l'expérience ontarienne. En Ontario, nous avons un programme d'enseignement des langues autochtones comme langues secondes, qui a été mis sur pied par le gouvernement précédent. En vertu de ce programme, s'il y a 15 élèves ou plus dans le réseau scolaire provincial qui veulent suivre un cours de langues autochtones comme langues secondes, le conseil scolaire a l'obligation d'offrir le programme. Je ne sais pas si d'autres provinces ou territoires ont un programme semblable.
Le problème, c'est le manque d'enseignants en langues autochtones et le manque de ressources didactiques pour ces enseignants et ces programmes, au niveau provincial. Il y a peu d'exemples concrets de programmes de ce genre. Je ne pense pas qu'actuellement la province ait l'obligation de consacrer des fonds particuliers à ces services.
Le seul outil dont nous disposions en ce moment, ce sont les accords sur les frais de scolarité. Si une Première nation paie une certaine somme, disons un million de dollars, à la commission scolaire provinciale voisine pour des services aux élèves de cette Première nation, il est possible, dans le cadre du processus de négociation, d'indiquer dans l'accord sur les frais de scolarité qu'il y aura, par exemple, un professeur de langues autochtones ou un programme de langues autochtones ou d'autres services pour les élèves. Mais tout dépend du processus de négociation, à moins que la province ou le territoire ait une loi ou un décret qui se rapporte à ces services.
Le président: Le MAIMC nous a informés qu'environ 8,2 millions de dollars par an étaient consacrés à des centres de culture et d'éducation dont le mandat comprend notamment la formation linguistique. Ces centres culturels ont-ils des contacts avec les responsables de l'éducation chez les Premières nations? Si ce n'est pas le cas, quel mécanisme faut-il mettre en place pour y remédier?
Mme Young: Cette somme de 8,2 millions représente le total de ce qui est versé pour les centres culturels et éducatifs. Encore une fois, nous ne parlons que de la région du sud de l'Ontario, mais il existe un programme de consultation linguistique qui manque d'argent et qui ne peut pas répondre aux besoins dans bon nombre de langues autochtones. C'est le seul programme que je connaisse et je ne suis pas sûr qu'il fonctionne encore. Il n'en demeure pas moins que c'est plutôt négligeable quand on connaît les besoins linguistiques des Premières nations, d'où la nécessité d'un programme de soutien aux langues autochtones.
Le président: Merci beaucoup. Je tiens à dire que je suis entièrement favorable à l'idée d'un institut de l'éducation.
Merci beaucoup d'être venus ce matin. Nous vous remercions de votre exposé qui, j'en suis sûr, nous aidera dans la rédaction de notre rapport.
La séance est levée.