[Enregistrement électronique]
Le mardi 24 octobre 1995
[Traduction]
Le président suppléant (M. Bonin): Le témoin que nous allons entendre aujourd'hui est le chef Blaine C. Favel, du Bureau de l'éducation de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan.
Bienvenu, chef Favel.
Le sous-Comité sur l'éducation des autochtones vous invite à faire votre exposé.
Il nous reste 50 minutes, veuillez donc prendre 20 minutes pour votre exposé, et nous aurons une demi-heure pour les questions. Si vous n'avez pas assez de 20 minutes, vous pourrez profiter de vos réponses pour faire le reste de votre exposé.
Le chef Blaine C. Favel (Bureau de l'éducation, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan): Mais si je n'ai pas besoin de 20 minutes pour mon exposé?
Le président suppléant (M. Bonin): Eh bien, nous aurons alors plus de temps pour les questions, et nous préférons cela.
Vous avez la parole.
Le chef Favel: Merci.
Le président suppléant (M. Bonin): Auriez-vous l'obligeance de nous présenter votre collègue?
Le chef Favel: Voici mon directeur de l'enseignement, Kevin Tootoosis, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan.
Le président suppléant (M. Bonin): Merci beaucoup. Nous vous écoutons.
Le chef Favel: Eh bien, je tiens à remercier le sous-comité qui me permet ce matin de parler de cette question très importante qu'est l'éducation des Autochtones.
Je représente la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Notre organisation regroupe 73 Premières nations de la province de Saskatchewan, soit entre 85 000 et 90 000 citoyens des Premières nations.
Deux de vos députés de la Saskatchewan connaissent fort bien notre organisation et ont fort bien coopérer avec elle par le passé.
L'an prochain, la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan célébrera son cinquantenaire, ses débuts remontant à l'alliance de diverses nations: les Saulteux, les Cris, les Dakotas et les Dénés.
À sa création, la FNIS s'est donné pour mission de contrer... ce qui était alors, et ce que l'on croit toujours être, le manque de résolution du gouvernement du Canada fasse aux obligations issues des traités et aux droits issus des traités des Premières nations de notre province.
Nous allons célébrer notre cinquantenaire dans un esprit de renouveau. Nous renouvelons notre organisation, et ce faisant, nous concentrons nos efforts dans les domaines où nous devons faire des progrès, et je songe particulièrement ici aux engagements que nos peuples ont pris en vertu des traités, engagements qui ont trait à l'éducation et à la nécessité pour les Premières nations d'avoir un accès égal à l'éducation et de réussir dans ce domaine. Nous réaffirmons aussi la déclaration de principe de 1972, qu'on retrouve dans le texte directeur intitulé «La maîtrise indienne de l'éducation indienne» de la Fraternité des indiens du Canada.
Notre structure éducative oblige les chefs à s'assembler cinq ou six fois par an, pendant plusieurs jours, et à débattre des diverses lois des Premières nations de la Saskatchewan à l'intérieur de nos lois cadres, dont notre Loi de l'éducation.
Les commissions de nos chefs alimentent en quelque sorte ces assemblées législatives. La Commission de l'éducation, dont je suis responsable, représente tous les conseils tribaux de la province. C'est une commission très rigoureuse et très structurée.
Tous les conseil tribaux - par exemple, le Grand Conseil de Prince Albert, le Conseil tribal de North Battleford, le Conseil tribal de Yorkton, et plusieurs autres conseils tribaux - sont représentés à cette commission de l'éducation.
La commission de l'éducation articule la politique de l'Assemblée législative, des chefs représentatifs y siègent à peu près de la même façon que votre sous-comité fonctionne ici aujourd'hui, où un vaste échantillonnage de la province y est représenté. La commission discute de questions relatives à la politique, particulièrement dans le domaine de l'éducation.
La commission de l'éducation et l'assemblée législative des chefs dirigent aussi un certain nombre d'institutions dont nous sommes très fiers. La seule université indienne du Canada, la Saskatchewan Indian Federated College, dispense son enseignement en collaboration avec l'Université de Regina. Le collège a aussi un campus à Saskatoon, et j'y étais l'été dernier pour annoncer avec l'un de vos députés l'implantation du collège dans la ville de Prince Albert. où nous aurons notre second satellite et la troisième antenne du Saskatchewan Indian Federated College.
Nous avons aussi un institut technique qu'on appelle le Saskatchewan Indian Institute of Technologies, où l'on enseigne les compétences et les métiers techniques, par exemple, la mécanique automobile, la menuiserie et tous ces autres métiers qu'on apprend généralement dans une école professionnelle.
Au Saskatchewan Indian Federated College, on enseigne surtout l'administration des affaires, la formation pédagogique, le travail social, la justice humaine, soit des secteurs d'enseignement que nos chefs ont jugé prioritaires pour l'avancement des citoyens et des gouvernements des Premières nations.
Quelques mots sur la fédération. La fédération est l'organisation la plus structurée, la plus organisée et la plus efficace du Canada, et elle est reconnue comme telle.
Dans le domaine de l'éducation, nous voyons plusieurs carences. À mon avis, il appartient à votre sous-comité de coopérer avec les Premières nations afin de redresser certaines de ces inégalités.
Mon exposé portera sur deux questions fondamentales, la première étant les droits issus de traités des membres des Premières nations et la deuxième les champs de compétence, après quoi je ferai quelques observations générales.
Pour ce qui est des droits issus de traités, nos peuples maintiennent depuis toujours que l'éducation est au nombre de ces droits, et cela comprend l'éducation élémentaire, secondaire et postsecondaire. Les textes des traités vous apprendront que les représentants du gouvernement du Canada se sont engagés à assurer à perpétuité l'éducation des Premières nations, et cette éducation doit être d'une qualité égale à celle que connaissent les peuples non autochtones, les peuples qui n'étaient pas les Premières nations à l'époque.
Si l'on situe cet engagement séculaire dans le contexte moderne, cela signifie le financement de nos écoles de l'élémentaire au postsecondaire. Mais lorsqu'on parle de financement des écoles, il ne s'agit pas de financer simplement la construction d'une école. Lorsque nos aînés ont signé les traités, ils s'attendaient à ce qu'on leur offre non seulement des chances égales mais aussi des chances égales de réussite.
À l'heure actuelle, dans la situation où nous nous trouvons, particulièrement en Saskatchewan avec le genre de financement que nous obtenons pour nos écoles, nous pouvons assurer le fonctionnement de nos écoles mais nombre des possibilités qu'on nous offre ne se comparent pas aux possibilités qu'on offre aux écoles provinciales. Dans une large mesure, nous sommes programmés essentiellement pour réussir médiocrement et ne jamais connaître le degré de réussite auquel nous aspirons.
Cela dit, nous faisons beaucoup pour hausser la qualité de notre enseignement, mais il est difficile d'y arriver parce que le financement per capita de nos écoles est inférieur à celui des écoles provinciales - c'est un fait historique - et parce que les possibilités qu'on offre à nos étudiants sont moindres que celles qu'on offre aux personnes qui ne sont pas membres des Premières nations.
Lorsqu'on parle du droit issu de traités à l'éducation postsecondaire là encore, il ne s'agit pas simplement d'avoir accès à ce niveau d'éducation mais aussi de réussir à ce niveau. C'est la question essentielle.
Je crois que l'éducation - c'est presque une platitude de le répéter parce que les politiciens n'arrêtent pas de le dire - est la clé de l'avenir. C'est une chose que nos peuples croient depuis longtemps mais, toute platitude mise à part, c'est la vérité. C'est cela qui fait la différence entre l'autosuffisance, soit la capacité technique de rebâtir nos sociétés, et le statu quo.
Dans le domaine de l'éducation postsecondaire, nous ne sommes pas heureux. Nous nous inquiétons vivement du fait que le Parti libéral n'a pas donné suite à la promesse qu'il a faite de débloquer le financement de l'éducation postsecondaire. On avait promis dans le Livre rouge que ce droit serait reconnu et qu'on débloquerait le financement de l'éducation post secondaire.
Cela nous inquiète. Nous croyons que si des gens veulent être élus et qu'ils proposent un programme en ce sens, ils doivent tenir leurs promesses. C'est le fait de ne pas tenir ses promesses qui, à mon avis, suscite le cynisme du grand public. C'est pourquoi je demande aux députés libéraux qui siègent à votre sous-comité de donner suite à cet engagement. C'est très important pour nos peuples.
À l'heure actuelle, on prévoit que le document sur la réforme de la sécurité sociale - je crois qu'on l'appelle le Livre vert - compromettra sérieusement tout le domaine de l'éducation postsecondaire. Il y a des statistiques dans les documents que nous vous avons remis qui montrent qu'en Saskatchewan, à l'heure actuelle, nous avons environ 3 000 étudiants qui vont entrer dans les institutions postsecondaires, et selon nos analystes, le Livre vert aura pour effet de faire augmenter les frais de scolarité de 160 p. 100 en Saskatchewan.
Ce qui veut dire que nos 900 étudiants des Premières nations inscrits actuellement à l'école ne pourront pas continuer leurs études si on leur impose des augmentations des frais de scolarité sans une aide financière équivalente, à moins que nos gouvernements des Premières nations n'aient les moyens d'envoyer nos étudiants à l'école. Cela nous inquiète aussi beaucoup.
J'aimerais maintenant parler de compétence. J'espère que votre sous-comité peut faire quelque chose ici. Quand on parle du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, la question de la compétence se pose aussi pour l'éducation.
Avec le statu quo qui régit les écoles gérées par les Premières nations, nous sommes assujettis à l'autorité de la Saskatchewan en matière d'éducation. La Loi sur l'éducation du gouvernement de la Saskatchewan s'applique aux terres indiennes. Nous croyons que cela contrevient à la compétence que nous donnent nos traités, et qu'en outre, cela crée dans la pratique des circonstances très inhabituelles.
Je vais vous donner un exemple. Hier, je rendais visite à la première nation Kawacatoose dans le centre-sud de la Saskatchewan. «La réserve du pauvre», c'est ainsi que se traduit ce nom. J'ai rencontré le chef de cette communauté et son comité de l'éducation.
Les aînés de cette communauté ont imploré leur chef d'assurer l'enseignement de la langue crie, qui fait partie intégrante de cette société, ils veulent que cette langue survive et qu'on l'enseigne aux enfants pour qu'elle ne disparaisse pas ou meure, parce que le cri est la langue de notre religion, de notre culture et de notre spiritualité. La communauté a lancé un projet très intéressant; elle a décidé de se doter de son propre programme en langue crie.
Elle a mis au point des programmes de la neuvième à la douzième année. On s'emploie maintenant à créer des programmes pour la première à la troisième année, et pour la quatrième à la huitième. On a consacré beaucoup d'efforts à l'établissement des programmes pour la neuvième à la douzième année - et c'est ce que j'ai trouvé extraordinaire. On prévoit environ 120 plans de leçons par année pour la neuvième à la douzième. Les auteurs du projet se sont adressés à leurs aînés et ont recruté des spécialistes de la création de programmes d'études pour mettre en place un programme d'enseignement de leur langue, parce que préserver leur langue, comme je l'ai dit, est leur première préoccupation.
Lorsqu'on a voulu enseigner le cri dans les écoles, le chef du conseil a appris, à son grand émoi, que le programme ne pouvait être approuvé. On ne pouvait enseigner le cri à l'école. Les étudiants perdraient leur temps parce qu'ils ne recevraient aucun crédit tant que le ministre provincial de l'éducation, une dame du nom de Pat Atkinson, n'admettrait pas le programme en langue crie dans le programme officiel du gouvernement de la Saskatchewan.
C'était une situation très ironique. La communauté a dû s'adresser au ministre provincial de l'éducation pour obtenir l'autorisation d'enseigner sa propre langue - une langue vieille de plusieurs siècles - à ses propres étudiants dans le cadre de son propre système d'éducation, sur la réserve.
Ce n'est qu'un exemple qui démontre la nécessité de maîtriser toute cette question de la compétence. Le gouvernement du Canada ne peut pas simplement rester passif et dire que ce n'est pas sa responsabilité mais celle du gouvernement de la Saskatchewan. C'est faux. C'est ce que disent le gouvernement et le ministère des Affaires indiennes pour s'en laver les mains. C'est ce que dit le ministère des Affaires indiennes depuis toujours.
Nous voulons renouveler l'éducation, et si l'on veut un renouveau authentique, si l'on veut que les choses changent nous devons bâtir à partir de nos réussites. Il ne serait pas juste de ma part de venir ici dénoncer le gouvernement sans reconnaître aussi que nous avons eu des succès dans le domaine de l'éducation.
Si nous avons connu des succès, ce n'est pas grâce à la collaboration du gouvernement du Canada, mais c'est grâce à la détermination de nos dirigeants qui se sont assurés que votre gouvernement et vos peuples rempliraient les engagements qu'ils ont pris dans le cadre des traités à l'égard de l'éducation... engagements qui reposent sur la bonne foi, l'honnêteté et le respect des promesses.
La seule façon de procéder à l'avenir c'est de travailler ensemble en partenariat pour assurer la continuation des succès réalisés jusqu'ici. Et on a déjà connu des succès. Cependant, j'estime que nous avons beaucoup plus de travail à faire car les taux de suicides ne diminuent pas, et le nombre de cas de toxicomanie aux solvants augmente dans beaucoup de collectivités. Donc, même s'il y a une augmentation du nombre d'étudiants au niveau post-secondaire, il faut continuer à travailler pour améliorer notre situation.
C'est à peu près tout ce que j'avais à vous dire, monsieur le président. Je pense avoir pris beaucoup de votre temps, mais dans le résumé de mon exposé, j'ai essayé de démontrer qu'il est nécessaire d'insister sur les engagements du gouvernement du Canada en ce qui concerne l'éducation en tant que droit issu de traité.
Beaucoup disent que les traités ne sont pas pertinents, qu'en 1995, il ne faut pas s'occuper des traités, qu'il faut avoir une approche plus réaliste.
J'ai rencontré un de mes bons amis du Parti réformiste à une réunion du Comité permanent de la justice, et je lui ai dit que les non autochtones ont aussi des droits issus de traités, surtout dans l'ouest du Canada. Il a été abasourdi et m'a répondu qu'il n'en avait pas, parce qu'il n'était pas autochtone. Je lui ai demandé quel était son comté. Il m'a dit que c'était un des comtés d'Edmonton. J'ai ensuite expliqué que la ville d'Edmonton se trouve sur des terres qui étaient partagées en vertu du traité no 6, et que s'il occupait ces terres, c'était seulement à cause des traités, et que donc lui aussi avait des droits issus de traités.
Les traités, c'est donnant donnant. Votre peuple en a profité, il en a bénéficié. Les traités ont permis son épanouissement. On ne peut pas en dire autant de notre peuple. Notre peuple s'efforce de s'assurer que le gouvernement respecte ses engagements, et nous allons continuer de le faire. Cependant, bien des efforts qui seront faits pour garantir un accès égal à l'éducation et des possibilités égales de succès seront perdues ou peu utiles, à moins que l'on ne discute de toute la question des compétences.
On a adopté une approche double et il faut poursuivre dans cette veine. C'est la position que nous prenons dans le mémoire que nous avons déposé au comité aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. Bonin): Merci. Je ne vais pas inviter votre collègue à faire un exposé, car vous avez utilisé les 20 minutes. Il pourra répondre aux questions, ce qui lui permettra d'avoir son mot à dire. Nous allons avoir deux tours de cinq minutes chaque, et nous allons réserver trois minutes pour M. Taylor à la fin de la réunion.
[Français]
M. Bachand (Saint-Jean): Monsieur Favel, je vous remercie de votre exposé. Je sais que la question des traités est assez complexe. J'ai eu la chance de rencontrer les gens du traité no 7. Si je vous ai bien compris, la Saskatchewan est régie par le traité no 6. C'est bien cela?
[Traduction]
Le chef Favel: La province est couverte par cinq traités différents.
[Français]
M. Bachand: Cinq traités différents! Ils sont tous numérotés?
[Traduction]
Le chef Favel: Oui.
[Français]
M. Bachand: Je sais qu'il s'agit d'un domaine complexe. Nous, au Québec, on a la convention de la Baie James, que vous connaissez certainement. J'aimerais beaucoup pouvoir échanger avec vous sur les sujets très complexes que sont la modernisation et l'interprétation de ces traités ainsi que les négociations relatives à l'autonomie gouvernementale, mais comme je n'ai que peu de temps, je vais me contenter de vous poser des questions très précises qui ont été préparées, d'ailleurs, par le service de recherche de la Bibliothèque.
Dans le document qu'on nous a distribué, on fait mention de camps d'été scientifiques. Pourriez-vous nous en dire davantage? Dans nos discussions, lors de nos voyages à travers le Canada, nous nous sommes rendu compte que la question scientifique n'était pas une préoccupation importante pour les jeunes étudiants autochtones. Pourriez-vous nous parler de ces camps d'été scientifiques, de la façon dont ils fonctionnent et de l'effet qu'ils ont sur les jeunes autochtones pour les intéresser un peu plus à la question scientifique?
Par ailleurs, Mme Atkinson, la ministre de l'Éducation, a dit dans son allocution qu'il y avait un taux de décrochage de 90 p. 100 chez les jeunes autochtones et métis de la province, ce qui est énorme, à mon point de vue. Pourriez-vous nous donner le taux de décrochage dans les écoles autochtones et dans les écoles provinciales?
[Traduction]
Le chef Favel: Je vais commencer par répondre à la première question. Donc les réponses seront dans le même ordre que les questions.
En ce qui concerne le camp d'été scientifique, j'ai sorti mon sac qui fait la promotion pour les camps d'été scientifiques. Je vous fait remarquer qu'on trouve sur le sac les noms de différentes sociétés commanditaires qui nous ont aidé à réaliser les camps d'été scientifiques. Il y a beaucoup de sociétés qui nous ont fait des dons, et surtout beaucoup de sociétés de la Couronne, et d'autres organismes du gouvernement de la Saskatchewan qui ont beaucoup appuyé les camps d'été scientifiques.
Le but des camps c'est d'informer davantage les élèves de l'école primaire et secondaire au sujet des sciences et d'accroître leur enthousiasme pour cette matière. Les élèves autochtones suivent peu de cours de sciences, de médecine et de génie. Le but des camps d'été scientifiques c'est de les encourager à s'intéresser aux sciences. On espère provoquer suffisamment d'enthousiasme pour les sciences pendant les quelques semaines du camp pour que les élèves choisissent des cours dans les sciences à l'école et à l'université. C'est l'objectif des camps.
Je vais céder la parole à Kevin Tootoosis, le coordonnateur du programme, qui vous parlera de cette question dans son ensemble.
M. Kevin Tootoosis (directeur de l'éducation, Bureau de l'éducation, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan): Merci. Les camps d'été scientifiques ne sont qu'une des méthodes que nous avons adoptées pour essayer d'augmenter le nombre d'autochtones dans les sciences, les mathématiques et les professions de santé. Nous avons un plan stratégique que nous avons déjà présenté à beaucoup de nos membres, surtout ceux de la Saskatchewan. Dans le plan, nous leur disons qu'il faut travailler sur plusieurs fronts afin d'augmenter le nombre d'étudiants qui suivent ce genre de cours.
Les camps ne sont qu'un petit élément de notre stratégie. Les camps ne fonctionnent qu'en été. Nous avons trouvé qu'il faut donner suite au programme et nous cherchons à obtenir du financement de la part de beaucoup de sources afin d'avoir un coordonnateur à plein temps. Nous voulons, de cette façon, donner suite à l'élan créé par les camps dans les cours suivis par les élèves à l'école. De plus, on discute de la possibilité de mettre le programme, une fois mis au point, sur SchoolNet.
Vous avez également posé une question au sujet de taux de décrochage. Il est très difficile de le connaître exactement, car tout dépend de la source de l'information, soit Statistique Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada, etc.
La communauté où j'ai enseigné autrefois, la nation cri d'Onion Lake en Saskatchewan, est un bon exemple. Nous avons suivi nos étudiants de la première année à la douzième, et seulement deux étudiants sur une vingtaine étaient au niveau où ils devaient être. Ils ont reçu leur diplôme à un âge normal. Cela vous donne un bon exemple du fonctionnement du système. Comme l'a dit le chef Favel, la province impose son programme à nos communautés.
En chemin, plusieurs de nos étudiants décrochent. Nombre d'entre eux accusaient une, deux ou trois années de retard. C'est ce que je voulais dire à ce sujet.
Mme Bridgman (Surrey-Nord): Merci d'être venus.
Il y a certaines choses que je ne comprends pas. Vous dites que les écoles autochtones n'ont pas les mêmes possibilités que les écoles provinciales non autochtones. De même, lorsque vous avez parlé des droits issus de traités concernant l'éducation élémentaire, secondaire et postsecondaire, le postsecondaire était différent selon vous parce qu'il ne s'agit pas seulement d'avoir les moyens d'étudier mais les moyens de réussir. Je crois que c'est ce que vous avez dit.
L'une des choses que je ne comprends pas, c'est que lorsqu'on discute du système d'éducation, on revient toujours à l'aspect social des choses, par exemple le logement, le counselling, les dépenses individuelles et les choses qui sont nécessaires pour survivre mais qui n'ont pas nécessairement de rapport avec l'aspect éducation à proprement parler.
Y a-t-il un lien entre les demandes qu'on fait ou les remarques qu'on entend au sujet du logement et des autres besoins sociaux, et cette définition de la faculté de réussir? Je ne comprends pas très bien ce qu'on entend par cette faculté de réussir que vous voulez avoir. La première chose qui vient à l'esprit, c'est le counselling individuel, mais il s'agit de plus que cela, n'est-ce pas?
Le chef Favel: Je crois qu'il s'agit de plus que cela. Il ne s'agit pas seulement de la brique et du ciment qu'il faut pour bâtir des écoles. Nous disons plutôt qu'il faut faire de l'éducation une priorité au sein de nos communautés.
Comme Kevin l'a dit, il y a une différence entre avoir une école et s'assurer que les enfants vont à l'école, qu'ils terminent leurs études et qu'ils aient des possibilités d'avenir. Je ne crois pas que les statistiques qu'il a mentionnées à titre d'exemple sont exclusives. Je ne crois pas qu'il s'agisse seulement d'Onion Lake. Je pense que c'est une statistique qui s'applique à bien des communautés.
Qu'un étudiant réussisse ou ne réussisse pas est fonction de plusieurs variables. C'est fonction de la santé et du bien-être de la première nation, du progrès qu'elle fait pour panser ses plaies et se renouveler. Je pense que ce sont des facteurs essentiels, mais cela revient à toute la question de l'éducation et aux questions qui sont très importants pour nous, dont les programmes, par exemple.
Nous devons préparer nos étudiants à l'enseignement postsecondaire, qu'il s'agisse de nos institutions à nous comme le SIFC ou d'autres institutions où j'ai étudié à l'extérieur de la province. Le succès doit entraîner le succès, et la seule façon d'y parvenir, c'est de s'assurer que les enfants soient bien éduqués et qu'on leur donne une éducation qui ait du sens pour eux. Ce qui me ramène à mon exemple de la première nation Kawacatoose. Avoir une école mal financée, c'est le premier problème, mais ce problème est aggravé par le fait qu'une large part du programme scolaire est absolument étranger aux étudiants. Ce qui pose la question de la compétence et de la faculté de définir nos propres programmes. Nous n'avons pas les moyens de les établir et de les faire approuver par les autorités. Il faut s'adresser au ministre provincial de l'éducation.
Ce n'est qu'un cas où nous tâchons de raviver notre culture et de lui donner sa pertinence à l'école. On essaie de rendre l'éducation intéressante et de donner aux étudiants des Premières nations une éducation et une culture dans leur langue, ainsi que les rudiments voulus, pour qu'ils puissent réussir à un niveau d'enseignement supérieur.
Je crois que c'est là l'objet de nos efforts en matière d'éducation. Le fait est que très souvent on n'a pas suffisamment de ressources mais également que tous les outils nécessaires ne sont pas disponibles, en particulier en matière de compétence.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Pratiquement tout ce que nous avons entendu à ce sujet et tous les documents que j'ai pu lire portent sur l'éducation dans les réserves indiennes, à moins que ce soit strictement des problèmes locaux? Comment pourrait-on mieux intégrer votre peuple au système d'éducation général de la province, par exemple? Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
Le chef Favell: Pourriez-vous être plus précis?
M. DeVillers: Y a-t-il un inconvénient à ce que les gens des Premières nations fassent des études dans les établissements non indiens? Cela vous inquiéterait-il? Est-ce un problème?
Le chef Favel: Nous disons qu'il y a une question de compétence. Je ne comprends pas très bien votre question.
M. DeVillers: J'aimerais simplement savoir si cela pose un problème ou si vous pensez en fait que cela est nécessaire? Préféreriez-vous que les Indiens n'aillent pas dans des établissements non indiens?
Le chef Favel: Nous préférerions tous qu'ils n'y aillent pas mais il y a des choses comme les problèmes de racisme dans le système en question. Je ne comprends pas exactement votre question... elle est très vague.
M. DeVillers: Non, je demande si vous préférez que votre système d'éducation soit dirigé par les Premières nations pour les Premières nations en tant qu'établissements distincts et si vous pensez que votre peuple pourrait faire des études dans les établissements provinciaux existants?
Le chef Favel: L'idée est qu'il s'agisse d'un système distinct. C'est là qu'intervient la question de compétence. Il faut qu'à un moment ou à un autre on relie les différents éléments. Quand on parle du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il y a un problème de désinformation délibérée. Il est évident que nous aimerions pouvoir concevoir des systèmes qui nous soient propres mais nous reconnaissons, parce que nous sommes pragmatiques, qu'il ne sert à rien d'enseigner à nos enfants le grec s'ils doivent aller à l'école en français ou en anglais. La chimie, c'est la chimie; la biologie, la biologie. S'ils doivent réussir en tant qu'ingénieurs, ils doivent avoir des connaissances de base en maths et en sciences.
Cela dit, nous devons pouvoir décider du programme scolaire en tant qu'égaux et non pas en tant que clients ni subordonnés. C'est à nous de décider ce qui peut marcher, ce que nous devons faire étudier à nos enfants. C'est une des choses auxquelles nous tenons. On demande pourquoi l'on souhaite un système distinct? On demande si cela ne va pas semer la confusion et nous dissocier du reste? Je réponds qu'il vous faut réfléchir, mesdames et messieurs, parce que nous n'essayons pas de prendre le contrôle de nos établissements dans un but d'échec. Nous voulons qu'ils réussissent. Et on ne peut le faire si on enseigne à nos élèves quelque chose qu'ils n'utiliseront pas lorsqu'ils iront à l'université.
Il faut donc que les systèmes soient distincts mais se rejoignent à un certain moment. Toutefois, il ne faut que cela se fasse comme aujourd'hui, à savoir sans que nous puissions être considérés comme égaux, sans que nous puissions discuter avec le ministre de l'éducation, au palier fédéral et au palier provincial, pour dire ce que nous voulons faire au sujet des programmes scolaires; au sujet des normes, au sujet de l'accréditation des enseignants qui travailleront chez nous. Peut-être que nous devrions exiger des normes plus élevées pour les enseignants non autochtones qui viennent chez nous, afin qu'ils soient plus sensibles à notre culture. C'est le genre de choses dont nous parlons lorsque nous disons que nous voulons avoir notre propre système.
Cela dit, lorsque nous en aurons un, lorsque nous aurons pu définir nos propres normes, il faudra que les systèmes se rejoignent parce que si ma fille veut être ingénieur, je ne peux pas la programmer pour qu'elle ne réussisse pas.
Le président suppléant (M. Bonin): Il y a une chose dont on n'entend jamais parler, c'est de la responsabilité des parents et de la collectivité. Je sais que dans ma collectivité - et j'étais conseiller scolaire pendant neuf ans - il était très clair que la responsabilité revenait aux parents. Dans tous les exposés que nous avons entendus, personne n'a parlé de la responsabilité et de l'engagement des parents et des collectivités.
Est-ce seulement de la faute du gouvernement si les choses se passent mal aujourd'hui? Est-ce seulement parce qu'il n'y a pas suffisamment d'argent?
Je pense que nous devrions en parler dans le rapport.
Je vais vous donner une minute supplémentaire. Je vais la voler à notre prochaine période de cinq minutes, je suppose.
Le chef Favel: Allez-vous me donner une minute supplémentaire pour que je puisse vous dire ce que vous voulez entendre?
Le président suppléant (M. Bonin): Si nous allons comparer vos systèmes aux systèmes provinciaux.
Le chef Favel: Je ne pense pas que le fait que vous n'en avez pas entendu parlé signifie que cela n'existe pas. Ça semble être ce que vous voulez dire, et je suis complètement en désaccord avec vous.
Le président suppléant (M. Bonin): Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je veux consigner quelque chose au procès-verbal.
Le chef Favel: Je vous dis simplement ce que je ressens.
Je ne pense vraiment pas qu'il y ait de manque d'appui de la part des parents. Les parents ne s'impliquent pas suffisamment dans l'éducation, mais la réalité c'est que nous sommes aux prises avec un cycle de désespoir et de pauvreté et c'est donc difficile pour certaines de ces communautés d'insister autant qu'elles ne le devraient sur l'éducation. C'est à cause du fait qu'il y a du chômage. Souvent, les occasions qui se présentent aux non autochtones sur le marché du travail ne sont pas disponibles aux Indiens à cause du racisme en Saskatchewan. C'est tout simplement un fait. C'est la réalité, et nous continuerons de le répéter.
Toutefois, je pense que ce pourrait être le contraire. Nos dirigeants ont toujours été catégoriques quant aux droits à l'éducation garantis par traité et à la protection de ce droit par les communautés elles-mêmes, les gouvernements et le peuple lui-même.
La société indienne estime toujours devoir s'occuper de la prochaine génération. C'est ce qu'on nous a toujours enseigné. C'est ce qu'on m'a enseigné à moi personnellement. C'est ce qu'on a enseigné aux dirigeants dont je suis serviteur.
C'est pourquoi l'éducation est une grande priorité pour nous. Je pense que c'est pour cela qu'on a tant insisté là-dessus. Ce n'est pas une simple coïncidence si la première politique, uninationale et publique, de la fraternité des Indiens du Canada portait sur l'éducation. C'est parce que le peuple indien croit que l'éducation est sa pierre angulaire. Mis à part tous les beaux discours, c'est la réalité.
J'ai peut-être mal interprété vos propos, mais vous semblez dire que les Indiens n'ont pas un engagement ferme envers l'éducation, et que les problèmes n'incombent pas tous au gouvernement.
Le président suppléant (M. Bonin): Je n'ai pas dit ça. Je vous arrête tout de suite. Je n'ai pas dit ça.
Le chef Favel: Tant mieux.
Le président suppléant (M. Bonin): J'ai dit que je voulais consigner quelque chose au procès-verbal concernant la position des parents. Vous l'avez fait très bien.
Le chef Favel: Cela toujours été la position des parents. Les positions des parents sont exprimées par les positions des dirigeants.
Le président suppléant (M. Bonin): Il faut que ce soit consigné au procès-verbal. C'est ce que j'ai fait.
Le chef Favel: D'accord.
[Français]
M. Bachand: Il m'apparaît clair que les traités n'ont presque jamais été respectés et que du côté gouvernemental, on cherche souvent à les interpréter de façon restrictive, alors que de votre côté, vous cherchez à les interpréter de façon un petit peu plus large, ce qui est tout à fait normal. Je me demande toutefois où réside la solution: s'agit-il de moderniser ces traités-là par des ententes d'autonomie gouvernementale, par exemple, ententes aux termes desquelles l'éducation et la santé pourraient devenir de la compétence de certaines nations?
Le sous-comité étudie un problème particulier qui est l'éducation, mais on se rend compte aussi que cela touche à un ensemble de choses. Les traités ne sont pas respectés. Est-ce que la solution ne serait pas que les Premières nations ouvrent des négociations en vue de les moderniser? À moins que vous ne l'ayez déjà fait et que le gouvernement ait fait la sourde oreille, il me semble que la solution serait de moderniser ces traités-là pour actualiser leur interprétation et faire en sorte que l'éducation, par exemple, soit prise en charge par les Premières nations, dans le respect, naturellement, des spécificités de chaque nation.
Donc ma question est la suivante: est-ce que la solution au problème est tout simplement de respecter les anciens traités ou de tenter de les moderniser?
[Traduction]
Le chef Favel: Merci, monsieur. Je vais faire de mon mieux pour répondre à votre question.
La position que nous avons toujours prise est que les traités doivent être respectés tant dans leur esprit que leur intention. C'est une notion importante et il est question ici d'interpréter les traités ainsi que leur esprit et leur intention. Il n'est pas question de les rouvrir, de les moderniser ou de les renégocier. Cela doit être dit très clairement au départ.
Nous sommes et avons été catégoriques au fil des ans sur le fait que les traités doivent former la base de nos relations avec le gouvernement du Canada. Mais le gouvernement du Canada préférerait que ces traités ne servent pas de fondements à nos relations. Nous aimerions voir des changements et des progrès à ce sujet.
Pour répondre à votre question telle que je l'interprète, vous me demandez s'il ne serait pas préférable d'essayer de moderniser le traité et de résoudre certaines de ces questions en négociant des ententes d'autonomie gouvernementale concernant l'éducation. La réponse est en partie oui et en partie non.
Dans son vrai contexte, nous maintenons que le traité contient des engagements concernant l'étendue du droit d'éducation - l'étendue, le contenu. Mais le fait que nous n'avons pas cédé ce champ de compétence au gouvernement du Canada, particulièrement au gouvernement de la Saskatchewan, signifie que nous le gardons pour nous-mêmes. Le problème qui se pose est de faire reconnaître l'étendue de cette autorité par les autres gouvernements.
Vous m'avez demandé si ce ne serait pas préférable de tenir des négociations d'autonomie gouvernementale sur le dossier de l'éducation. Dans les circonstances actuelles, je conseillerais à mes dirigeants de ne pas s'engager dans cette voie-là. Parmi les conditions que le ministère des Affaires indiennes nous imposer lorsque nous signons des ententes d'autonomie gouvernementales il y a le fait que de telles ententes doivent toujours être libellées «sans porter préjudice aux traités». Chaque entente que nous signons, que ce soit un document d'entente de contributions au niveau de la bande ou un protocole aux niveaux supérieur national ou régionaux, est toujours sans préjudice aux traités lorsqu'il s'agit du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. C'est exactement le contraire de ce dont il est question ici.
Notre inquiétude, particulièrement lorsqu'il s'agit du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en matière d'éducation, est que ce droit est trop restrictif. Il restreint notre autorité aux réserves seulement selon la politique actuelle et limite notre capacité de négocier un champ de compétence complet en matière d'éducation, fondé sur les instruments actuels utilisés pour déterminer les états nominatifs, utilisés pour le financement de nos écoles.
Essentiellement, si vous me demandez si la solution est de négocier l'autonomie gouvernementale en matière d'éducation, la réponse est oui, mais les paramètres actuels sont trop restrictifs et je ne crois pas que l'on devrait suivre cette voie au-delà de la relation de traité.
En Saskatchewan, nous faisons deux choses. Dans nos pourparlers avec le gouvernement du Canada, nous proposons le renouvellement du bureau du commissaire aux traités, qui fonctionne à pleine capacité depuis cinq ans. Le mandat du commissaire aux traités est d'examiner les griefs en matière de traités et essayer de les résoudre dans une perspective contemporaine. Il ne se propose pas d'ouvrir, de renouveler ou de renégocier des traités. Il s'agit simplement de bâtir à partir des ententes qui existaient antérieurement.
À l'heure actuelle, il est très important de faire la distinction entre les traités et l'autonomie gouvernementale en matière d'éducation, étant donné le climat de politique actuel. Si ce climat n'était pas aussi hostile à l'étendue du droit à l'éducation, nous serions prêts à en discuter.
Je m'inquiète des propositions prises par le ministère de la Justice et le ministère des Affaires indiennes, pas nécessairement les élus eux-mêmes, car la plupart du temps ils sont conseilles par le bureaucrates. Leurs services de contentieux leur conseillent de ne pas signer de nouvelles ententes qui pourraient donner plus de portée ou de fond au droit à l'éducation garanti par traités. Cela va à l'encontre de la structure même des obligations fiduciaires qu'a le Canada envers le peuple indien. Nous sommes souvent aux prises avec ce dilemme.
Mme Bridgman: Lorsque vous parlez de deux systèmes d'éducation distincts, entendez-vous deux systèmes vraiment séparés ou plutôt une décentralisation des systèmes existants afin qu'il y ait plus de souplesse au niveau local, ce qui permettrait évidemment diverses sortes de processus, etc.?
Je pense à une norme nationale générale où chacun fait ce qu'il veut dans son domaine mais où tous, en fin de compte, cherchent à réaliser une norme nationale. Cela ne veut pas nécessairement dire deux systèmes, mais plutôt plusieurs systèmes qui utilisent des méthodes pratiques.
Le chef Favel: Cela me ramène à la question qu'un honorable membre du comité m'a posée, mais notre position a toujours été de parler de deux systèmes distincts. Quant à l'intégrité des compétences, nous parlons de deux système distincts, mais en réalité ils doivent se rejoindre à un moment donné pour permettre la réussite plus tard. Plus particulièrement, ils devraient se rejoindre sur les questions de programmes d'études et d'accréditation.
Mme Bridgman: D'accord.
Le chef Favel: Je ne dis pas qu'il devrait y avoir deux réalités et deux systèmes distincts qui n'ont rien en commun. Ils doivent se rejoindre lorsqu'on pense aux normes fixées pour les diplômés d'école secondaire et aux programmes qu'ils doivent suivre pour y satisfaire. Il faut des similitudes et un équilibre.
Mme Bridgman: Merci.
M. DeVillers: Je vais laisser du temps à M. Taylor, car je sais qu'il a une certaine expertise dans ce domaine.
J'aimerais une précision. Avez-vous du mal à intégrer les diplômés de votre système? Je crois que vous avez dit qu'il n'y avait qu'une université autochtone au Canada. Quant à l'enseignement supérieur, avez-vous du mal à intégrer vos élèves dans le système régulier?
Le chef Favel: À mon avis, il y a des problèmes, mais je crois que nous pouvons renforcer les rapports existants en reconnaissant le pouvoir des gouvernements autochtones de prendre ses propres décisions dans le domaine de l'éducation. Je crois que nous aurions plus de succès si nous pouvions obtenir un taux de rétention plus élevé. L'une des raisons pour lesquelles nous avons des taux de rétention bas, c'est que même dans les écoles des réserves, une grande partie du programme d'études ne correspond à rien pour les élèves. Nous voulons donc définir notre propre programme, surtout aux niveaux primaire et secondaire, et assurer que l'école a un sens, et que son programme est intéressant et pertinent sur le plan culturel. Par ailleurs, nous devons enseigner les disciplines de base aux élèves pour qu'ils puissent réussir à l'université.
M. DeVillers: Merci.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Bienvenu au comité, chef Favel. C'est un plaisir de vous voir aujourd'hui.
Il y a quelques semaines, vous et moi avons eu l'occasion de visiter l'école Pelican Lake le jour de son inauguration. La salle culturelle de la première nation Pelican Lake m'a beaucoup impressionné, comme vous je crois.
C'est une grande réussite pour cette bande. Ils luttent depuis 18 ans pour amener cette école sur le territoire des Premières nations, et ils ont maintenant intégré une salle culturelle à l'école.
Cependant, c'est le premier pas d'une autre bataille, et c'est là que j'aimerais avoir vos observations. Cet élément culturel, cet élément de langue, ainsi que cette motivation pour les jeunes élèves dans cet environnement résident le coût plus élevé que celui assumé par les non-Autochtones qui fréquentent une école de la province. En prenant l'exemple de l'école de Pelican Lake que je connais si bien, pourriez-vous nous donner plus de détails sur les raisons pour lesquelles ces programmes qui sont si importants pour réussir à éduquer les jeunes coûtent plus cher?
Le chef Favel: Je ne sais pas s'ils coûtent plus cher. Les écoles font beaucoup au sein de notre communauté pour enseigner nos fêtes traditionnelles, notre spiritualité, notre langue, notre culture et nos traditions.
À tire d'exemple, je reprendrai ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de la première nation Kawacatoose et ses efforts concernant le programme d'études. Si Pelican Lake avait voulu développer son propre programme pour enseigner sa langue dans ses écoles, le coût aurait été de... Selon ce que le chef Kawacatoose m'a dit hier, cette nation aurait jusqu'ici dépensé plus de 100 000$ pour élaborer ce programme. Le processus a été échelonné sur plusieurs années et ils ont dû mendier, emprunter et soutirer de l'argent à d'autres programmes pour faire cet important travail.
Quant au programme d'études, le ministère des Affaires indiennes - qui est souvent le problème dans ces cas-ci - ne le juge pas prioritaire. En Saskatchewan, chaque année 100 000$ sont mis de côté pour l'élaboration du programme. Je crois qu'on pourrait facilement investir dix fois plus d'argent dans l'élaboration de programmes si le but était de réussir à assurer la pertinence des écoles. La grande lacune réside dans l'élaboration de programmes d'études et dans les efforts pour donner un sens à l'école et pour l'adapter aux besoins des Autochtones.
Par exemple, cette semaine, le doyen du collège d'éducation de l'Université de la Saskatchewan a fait référence à un manuel qui se trouvait dans beaucoup d'écoles non-autochtones et autochtones. Les étudiants autochtones avaient protesté en disant que le livre était raciste. Ce livre se trouve dans beaucoup d'écoles. Il a dit: «Eh bien, comme on s'en sert comme un exemple de racisme, il faut le garder». C'est le genre de stupidité à laquelle nous nous heurtons.
Pour répondre à votre question, monsieur Taylor, il faut travailler aux programmes d'études et s'assurer que les écoles riment à quelque chose et qu'elles soient utiles aux communautés.
M. Taylor: J'ai une dernière petite question.
Le président suppléant (M. Bonin): Il ne nous reste plus de temps.
Je vous accorderai une minute pour conclure vos remarques.
Le chef Favel: Je céderai mon temps à M. Taylor.
Le président suppléant (M. Bonin): Non, je préside la réunion. Avez-vous besoin d'une minute pour conclure vos observations?
Le chef Favel: Je ne le pense pas, si vous n'allez pas me l'accorder.
Le président suppléant (M. Bonin): Merci.
La séance est levée.