TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 mai 1995
[Traduction]
- Le président: La séance est ouverte.
- Bonjour à tous et bienvenue à la ministre. Nous accueillons ce matin avec grand plaisir ma
bonne amie et collègue, la ministre de la Santé. Nous vous invitons à prendre brièvement la parole.
- Nous avons bien des questions à vous poser.
- L'honorable Diane Marleau (ministre de la Santé): Merci, monsieur le président. C'est
toujours un grand plaisir pour moi de comparaître devant le comité. Avant que vous ne me posiez des
questions, j'ai beaucoup de choses à vous dire.
[Français]
- C'est avec plaisir que je me présente à nouveau devant votre Comité pour discuter du budget des
dépenses principal de mon ministère.
- Dans mes fonctions antérieures de porte-parole suppléante pour les Finances et de présidente
du Comité des finances de la municipalité régionale de Sudbury, j'ai toujours cru que les dépenses
publiques devaient être examinées de près. Les contribuables canadiens exigent que nous fassions
preuve de sagesse dans l'utilisation de nos recettes fiscales.
- Ce matin, je voudrais vous parler des dossiers dont je me suis occupée depuis ma nomination et
indiquer mes priorités pour l'année à venir. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre à toutes vos
questions.
- Au fil de mes réflexions sur mon rôle de ministre de la Santé, j'ai constaté que mes
responsabilités consistaient à apporter aux Canadiens et aux Canadiennes un sentiment de sécurité. À
une époque où tant de choses changent, au Canada aussi bien que dans le reste du monde, les gens ont
besoin de se sentir en sécurité afin de faire face à ces changements. Ils s'attendent à ce que les
gouvernements jouent un rôle important à cet égard. Cela ne veut pas dire que les gouvernements
doivent faire preuve de paternalisme, bien au contraire, puisque je crois fermement que chacun doit
assumer ses propres responsabilités. Mais il faut reconnaître que seul le gouvernement peut garantir
l'assurance-santé universelle, veiller à l'innocuité des médicaments et investir les centaines de
millions de dollars nécessaires dans la recherche sur la santé.
- Certains de mes collègues du Cabinet ont aussi un rôle clé à jouer pour donner aux Canadiens un
sentiment de sécurité. En tant que membre du Comité permanent de la santé, vous comprenez
assurément le rôle particulier de Santé Canada à cet égard. Quand on pense à la sécurité, c'est bien
souvent la sécurité dans nos rues qui nous vient à l'esprit; mais dans nos vies quotidiennes, d'autres
facteurs de sécurité sont au moins aussi importants. Je pense à l'innocuité des aliments, de l'eau, des
médicaments ou encore à la certitude de pouvoir être soigné en cas de nécessité sans égard au revenu
personnel.
- Mesdames et messieurs, je voudrais m'arrêter quelques instants à ce que nous avons accompli.
Je ne vais pas revoir en détail ce matin les engagements du Livre rouge en matière de santé. Mais je
veux vous dire que je suis fière des programmes mis sur pied - en particulier les deux programmes
axés sur la santé des enfants, soit le programme d'aide préscolaire aux autochtones et le programme
de nutrition prénatale.
- Après avoir entendu Fraser Mustard, vous avez sans doute saisi, sur des bases scientifiques,
toute l'importance d'une enfance en santé, particulièrement à l'âge préscolaire. Je sais que les
membres du Forum national sur la santé se sont aussi présentés devant votre comité.
- Les personnes exceptionnelles que nous avons nommées pour siéger au Forum ont pris leur rôle
très au sérieux et sont maintenant en mesure de nous conseiller. Ils concentrent leurs travaux sur
quatre grands thèmes: les facteurs déterminants de la santé, la prise de décision fondée sur des
données probantes, les valeurs et l'atteinte d'un équilibre. Ce dernier thème a trait à la nécessité
d'assurer un équilibre dans l'utilisation de nos ressources limitées, afin d'obtenir de meilleurs
résultats.
- À leur réunion des 15 et 16 mars, les membres du Forum ont confirmé leur appui aux principes
de la Loi canadienne sur la santé et au financement public du système de santé. Le Forum a déjà
annoncé une cinquantaine de projets et il va entreprendre un grand dialogue avec les Canadiens à
l'automne.
- Le quatrième engagement du Livre rouge auquel j'ai donné suite prévoyait la mise sur pied de
centres d'excellence pour la santé des femmes. Après avoir consulté des centaines de femmes à
l'échelle du pays, nous nous préparons à inviter les groupes intéressés à nous communiquer leur
intention de soumissionner, d'ici la fin de mai.
- Je suis heureuse également de dire que j'explore, avec la responsable de la santé et des services
sociaux des États-Unis, madame Donna Shalala, la possibilité d'organiser une conférence conjointe
sur la santé des femmes.
- J'ai également déployé beaucoup d'efforts cette année pour protéger notre régime public
d'assurance-santé. Je vous invite, en dehors de toute rhétorique, à vous arrêter quelques instants à ce
que nous avons accompli.
- En septembre dernier, lors d'une réunion à Halifax, tous les ministres de la santé ont décidé de
travailler ensemble, en vue de maintenir les principes de la Loi canadienne sur la santé. Ce type
d'entente fédérale-provinciale doit être souligné.
- Les ministres présents à Halifax, sauf la ministre de l'Alberta, ont reconnu la nécessité de
réglementer les cliniques privées. J'ai donc envoyer aux ministres provinciaux, le 6 janvier dernier,
une lettre d'interprétation de la Loi canadienne sur la santé, où je demandais à mes homologues
provinciaux d'empêcher que des cliniques privées qui fournissent les soins nécessaires du point de
vue médical fassent payer des frais d'établissement à leurs clients. J'y reviendrai bientôt.
- Pendant ce temps, j'ai aussi montré que je suis prête à me servir des pouvoirs que me confère la
loi si c'est nécessaire. En mai 1994, nous avons commencé à déduire un montant de 1,7 million de
dollars des paiements de transfert à la Colombie-Britannique, dans le but de décourager la
surfacturation. La Loi canadienne sur la santé prévoit des retenues de paiement équivalentes, pour
les provinces qui permettent aux médecins d'imposer des frais additionnels pour des services
nécessaires du point de vue médical.
- Nous nous sommes attaqués à bien d'autres questions difficiles. Le Comité connaît bien la
Stratégie de réduction de la demande de tabac qui a été lancée dans le cadre du plan d'action
gouvernemental contre la contrebande. Je reviendrai là-dessus plus tard, mais j'aimerais tout de
suite vous dire à quel point j'apprécie votre soutien dans ce dossier, qui demeure encore délicat. Par
ailleurs, vous serez heureux d'apprendre que, la semaine dernière, l'Organisation mondiale de la
santé, à sa réunion annuelle, a adopté une résolution visant à l'établissement d'une convention
internationale sur la lutte contre le tabagisme, résolution que nous avions coparrainée.
- Il serait bien difficile de trouver un rôle plus vital pour la sécurité des Canadiens que celui de la
protection de la sécurité de notre approvisionnement en sang. Nous attendons le rapport final du juge
Krever. J'ai pris des mesures, ou je suis en voie de prendre des mesures, pour renforcer les processus
et les pratiques de réglementation à Santé Canada concernant le sang et la sécurité du sang.
- L'une des questions les plus délicates auxquelles nous avons dû faire faire face est celle des
nouvelles techniques de reproduction. Je me suis entretenue à ce sujet avec les ministres de la Santé
de divers pays, plus particulièrement avec Mme Veil. Je sais que ce dossier est un des plus difficiles
de l'heure. J'ai également consulté mes collègues provinciaux et j'espère pouvoir annoncer bientôt
des mesures provisoires à cet égard.
- Après mon entrée en fonction, j'ai promis que le cancer du sein deviendrait l'une de mes
priorités et l'une de celles de mon ministère. À la suite du succès remporté par le Forum national sur
le cancer du sein, nous avons formé un partenariat avec le Conseil des recherches médicales et
l'Institut national du cancer du Canada. Grâce à cette collaboration, plus de 24 projets de recherche
portant sur des questions telles que la prévention, le traitement et les soins de soutien ont reçu 6,8
millions de dollars de financement.
- On oublie souvent que les deux tiers du budget de mon ministère, si on exclut les transferts aux
provinces, sont consacrés à la santé des autochtones. Alors que la plupart des programmes
gouvernementaux subissent des réductions, nous avons réussi à assurer la croissance du financement
de ce secteur; ce financement est inscrit dans le dernier Budget. J'ai invité les chefs des Premières
nations à collaborer avec mon ministère pour trouver des moyens d'atteindre les objectifs que nous
avons fixés. La semaine dernière, j'ai annoncé l'établissement de six centres permanents de
traitement pour la lutte contre l'abus de solvants dans les collectivités autochtones.
- Cela dit, nous avons comme principal objectif le transfert du contrôle des programmes aux
Premières nations et nous continuerons de travailler dans cette direction. Ces initiatives, comme tant
d'autres, témoignent de la détermination du gouvernement à corriger les inégalités en matière de
santé des autochtones, des inégalités tout à fait inacceptables.
- Je ne vais pas énumérer toutes les activités de la promotion de la santé de mon ministère, mais je
tiens à souligner le travail que nous accomplissons en ce qui a trait au sida, à la violence familiale et à
l'aide apportée aux aînés vulnérables.
- La reconnaissance, l'évaluation et la gestion des risques, nouveaux ou courants, pour la santé,
sont quelques-unes des responsabilités assumées par la Direction générale de la protection de la
santé. Cette direction générale joue un rôle unique, puisqu'elle assure l'innocuité des aliments, des
médicaments, des cosmétiques, des matériels médicaux et des produits de consommation de notre
pays, et qu'elle maintient en place l'infrastructure canadienne de protection de la santé.
- C'est vers Santé Canada que les Canadiens se tournent pour être rassurés face à une catastrophe
naturelle ou sociale, à une maladie chronique comme le cancer ou la tuberculose, ou à une maladie
contagieuse comme le VIH/sida ou le virus Ebola. Pour mieux dépister et comprendre les menaces
posées à la santé des Canadiens, nous sommes en train de renforcer notre réseau d'information sur la
santé, qui nous permettra de partager nos données et nos résultats de recherche avec nos collègues
provinciaux et territoriaux, et de prendre des décisions judicieuses en ce qui concerne la gestion des
risques et l'utilisation des nouvelles techniques.
- Je veux dire quelques mots sur la gestion, sujet trop souvent négligé. Quand j'ai assumé le
portefeuille de la Santé, j'ai avisé mes fonctionnaires que l'un de mes grands objectifs était d'obtenir
un rendement optimal à partir de l'argent investi. Je crois profondément à la mission de Santé
Canada, mais je veux que le Ministère accomplisse cette mission très simplement. Je suis prête à
dépenser davantage quand c'est nécessaire, comme c'est le cas, je pense, avec la lutte contre le cancer
du sein; mais je n'ai pas de temps à perdre pour les choses inutiles.
- J'ai donc demandé à mon ministère d'examiner ses dépenses dans un certain nombre de
secteurs - par exemple, les services communs et les opérations de laboratoire.
- En simplifiant la gestion de services communs comme l'administration financière, la gestion
des biens et l'informatique, nous comptons économiser jusqu'à 6 millions de dollars. Par ailleurs, le
regroupement de nos opérations de laboratoire devrait nous permettre d'épargner 8 millions de
dollars d'ici 1997-1998. Voilà ce que j'entends par dépenses intelligentes.
- Maintenant que vous connaissez ma priorité, vous comprendrez pourquoi j'ai bien accueilli
l'Examen des programmes. Étant donné l'importance de la santé, notre ministère a subi moins de
réductions que bien d'autres. Mais nous avons profité de l'Examen des programmes pour effectuer
d'importantes réaffectations internes, de façon à pouvoir financer de nouvelles priorités, comme
l'amélioration de notre capacité de surveillance en matière de santé.
- Nous avons décidé également d'organiser notre travail autour de quatre secteurs d'activités:
soutien et renouvellement du système de santé; stratégies d'amélioration de la santé de la population,
visant les groupes à risque; prestation des services aux Premières nations, aux Inuit et aux habitants
du Yukon; gestion des risques pour la santé des Canadiens - contrôle des produits et lutte contre la
maladie.
- Je veux profiter de l'occasion pour souligner l'empressement remarquable dont les
fonctionnaires de mon ministère font preuve. Je crois que j'ai oublié de vous les présenter. Voici mon
sous-ministre, Michèle Jean; Kent Foster que vous connaissez déjà; et Orvel Marquardt,
directeur-général des finances. Je veux les remercier du travail énorme qu'ils effectuent pour assurer
la protection de la santé des Canadiens.
- Passons maintenant à mes priorités pour l'an prochain.
- Le président: Pardon, mais auparavant, j'aimerais résoudre un problème de logistique. On
nous a dit que vous n'étiez disponible que pour une heure. Nous avions informé vos gens que nous
souhaitions que votre exposé soit bref, pour que nous puissions vous poser des questions. Voici
quelle est l'alternative: soit que vous résumiez vos propos, soit que vous acceptiez de rester plus
longtemps, car nous avons des questions à vous poser.
- Mme Marleau: Je suis ici à votre service, monsieur le président.
- Le président: Très bien, vous resterez donc plus longtemps.
- Mme Marleau: J'aimerais bien vous exposer certaines de mes priorités. La difficulté, c'est que
je suis de service à la Chambre, et vous savez ce que cela veut dire. Voilà pourquoi je me dois de
partir. Mais si vous me laissiez vous exposer certaines de mes priorités, j'essayerai d'abréger.
- Premièrement, je vais continuer de défendre les principes de l'assurance-santé. Les Canadiens
sont vivement attachés à leur système de santé et au rôle que joue le gouvernement fédéral en rapport
avec ce système. En fait, ils veulent presque tous que les soins de santé soient assujettis à des normes
nationales, et 94 p. 100 déclarent que de telles normes sont plus ou moins essentielles (sondage
Angus Reid, mars 1995).
- Dans un contexte de restrictions financières, cela continue de représenter un défi. Je reste
convaincue de deux choses: d'abord, les principes de l'assurance-santé n'ont rien perdu de leur
validité; et deuxièmement, c'est plutôt la solution de rechange à l'assurance-santé - un système de
santé à deux palliers - que nous ne pouvons nous permettre d'envisager en tant que nation.
- Voici quelles sont les prochaines étapes à suivre relativement à l'assurance-santé. J'ai invité
mes homologues provinciaux et territoriaux à venir me rencontrer à Ottawa à la fin de juin suite à leur
récente réunion à Vancouver. Nous pourrons alors poursuivre le débat sur la Loi canadienne sur la
santé et le renouvellement du système de santé. Parallèlement, des discussions ont été engagées entre
hauts fonctionnaires au sujet des suites qui ont été données à la lettre que j'ai envoyée aux provinces
en janvier dernier au sujet des cliniques privées et des frais d'établissement. Le 15 octobre, je
commencerai à appliquer les mesures prévues au titre de la Loi canadienne sur la santé dans le cas des
provinces qui continuent de permettre aux cliniques privées d'exiger des frais d'établissement.
- Tout au long de cette période, je continuerai de conjuguer mes efforts à ceux de mes
homologues provinciaux dans le cadre d'initiatives conçues en vue d'abaisser les coûts liés à la santé.
J'ai tout particulièrement à coeur la réduction du coût des médicaments, car il s'agit là de la
composante des dépenses de santé qui croît le plus rapidement au pays.
- La réglementation des produits est bien entendu essentielle, mais la protection de la santé exige
également la mise en place de systèmes de surveillance permettant aux gouvernements fédéral et
provinciaux de prévoir les problèmes et de trouver des solutions au moment où les besoins se font
sentir.
- Le Budget de février annonçait que Santé Canada réinvestirait toutes les économies réalisées
grâce à la planification des dépenses dans les domaines où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle
de chef de file. Pensons par exemple au réseau d'information sur la santé publique. Cela comprendra
la mise au point de réseaux internationaux améliorés par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale
de la Santé et des Centers for Disease Control and Prevention d'Atlanta. Grâce aux efforts que nous
déployons actuellement dans ce domaine, nous sommes en mesure d'être tenus au courant de la
situation au Zaïre en ce qui a trait au virus Ebola.
- À ce sujet, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous assurer que le risque pour la santé des
Canadiens est extrêmement faible et que nous avons pris des mesures nécessaires qui nous
permettront de réagir rapidement en cas de danger.
- J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la banalisation de l'emballage des produits du
tabac, l'une des mesures envisagées dans le cadre de la stratégie de réduction de la demande de tabac.
Vous connaissez cette question puisque vous l'avez étudiée en profondeur, et je vous remercie de
votre bon travail. Vous êtes certainement au courant que je présenterai le rapport final du projet de
recherche demain matin.
- Voulant tirer parti de ce que nous avons déjà mis en place, j'ai demandé à mon ministère
d'accorder une haute priorité à la santé des femmes. Un grand nombre d'activités et d'initiatives en
cours ont un rapport direct ou indirect avec cette question. Je veux assurer leur coordination et leur
intégration à une approche complète en ce domaine. Dans notre entreprise, nous serons solidement
appuyés par les centres d'excellence pour la santé des femmes, qui devraient commencer leurs
travaux au début de 1996.
- Je n'aborderai pas maintenant ce que nous faisons en matière de recherche, nous pourrons en
parler pendant la période de questions.
- Pour conclure, monsieur le président, permettez-moi de revenir au thème central de mon
intervention - donner aux Canadiens et aux Canadiennes un sentiment de sécurité. Ils se sentent en
sécurité quand ils savent qu'ils seront soignés s'ils tombent malades, quand ils savent que les
produits et les médicaments qu'ils utilisent sont sans danger, quand ils voient les mesures que nous
prenons pour prévenir la maladie. Voilà ce qu'il faut que nous fassions pour que les Canadiens nous
accordent leur confiance. Nous allons nous efforcer d'accomplir notre tâche sous le signe de
l'excellence et de l'intégrité.
- Si vous êtes prêts à me poser des questions, je serai heureuse d'y répondre.
- Mme Picard (Drummond): Bonjour, madame la ministre. Bienvenue au Comité. Je voudrais
vous poser des questions au sujet du Bureau des produits biologiques.
- Je voudrais savoir si le budget de fonctionnement du Bureau des produits biologiques a été
augmenté et si on a élaboré, au Bureau, un programme de formation adéquat pour ceux qui ont la
responsabilité d'inspecter les centres d'approvisionnement sanguin. Finalement, est-ce qu'on a
embauché du personnel additionnel pour l'inspection des centres d'approvisionnement sanguin et
pour l'analyse en laboratoire des produits sanguins?
- Mme Marleau: Si cela ne vous dérange pas, parce que ce sont des questions très spécifiques, je
vais demander à M. Foster d'y répondre.
- M. Kent Foster (sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de la santé,
Santé Canada): En général, nous pouvons répondre oui à presque toutes vos questions, mais de
façon plus détaillée, nous avons établi un nouveau groupe pour s'occuper des pathogènes du sang.
Nous avons doublé le personnel qui s'occupe des pathogènes au Bureau des produits biologiques.
- Nous avons aussi élaboré des directives pour la fabrication, le contrôle et le traitement des
produits biologiques, y compris le sang, le composant du sang et les produits sanguins. Nous avons
formulé des propositions en vue de créer un réseau international d'inspecteurs et avoir instauré un
programme de formation des inspecteurs.
- Tous les résultats de nos inspections sont rendus publics dans nos avis, et nous examinons de
façon continue notre politique de réglementation relative à l'inspection du sang d'hôpital et aux
méthodes de fabrication des composantes du sang. Nous attendons bien sûr le rapport définitif et les
recommandations de M. Krever, mais nous avons néanmoins déjà pris les mesures qui nous semblent
nécessaires pour assurer aux Canadiens un approvisionnement en sang sûr.
- Si je n'ai pas répondu à une ou deux de vos questions, j'en suis désolé, mais peut-être
voudrez-vous me les reposer.
- Mme Picard: J'aimerais savoir si le budget de fonctionnement du Bureau a augmenté.
- M. Foster: Oui, on a augmenté ce budget en réaffectant des fonds de la Direction générale de la
protection de la santé et du ministère.
- Mme Picard: Merci, monsieur Foster.
- M. Hill (Macleod): Pour commencer, j'aimerais vous donner un aperçu du processus
d'examen des budgets; mais j'aimerais d'abord vous lire la déclaration d'un politique à ce sujet.
- Au Canada, les ministres peuvent être appelés à témoigner devant des comités, mais en raison
de toutes sortes de pratiques, y compris la tradition des séances courtes et des réponses sans fin
par les ministres et les fonctionnaires au sujet du budget des dépenses, le rôle des comités en
matière de surveillance des dépenses des deniers publics est pratiquement inexistant.
- Ce politique ajoute que seulement une fois dans toute notre histoire, en 1969, un comité est-il
parvenu à réduire un budget, en l'occurence, en réclamant la suppression d'un poste de 20 000$. De
toute façon, la dépense avait déjà été faite au moment où le comité a décidé de l'interdire.
- Puisque nous sommes ici pour examiner votre budget de dépenses, pourriez-vous nous dire si
vous estimez que ce processus est utile au ministère de la Santé? Vous est-il utile que nous
examinions sous toutes ses coutures votre budget?
- Mme Marleau: J'estime que c'est très important, parce que vous pouvez aussi nous suggérer
de concentrer notre attention ailleurs à l'avenir; cela nous donne une idée des questions que posent
les Canadiens. Vous pouvez aussi poser aux ministres et aux fonctionnaires les questions difficiles
qui doivent être posées.
- Il ne fait aucun doute, à mon avis, que plus nous examinerons les budgets, meilleure sera notre
étude. Mais n'oubliez pas que nous venons de terminer un examen des programmes très rigoureux au
ministère, que certains secteurs ont subi des compressions considérables qui se sont ajoutées aux
réductions qu'avait imposées le gouvernement précédent au cours des dix dernières années.
- Nous prenons très au sérieux votre examen de notre budget, et il me semble important que tous
sachent bien à quel point cela nous semble important, que nous tenons à dépenser sagement notre
budget tout en nous acquittant de nos responsabilités. Les Canadiens doivent savoir que nous
sommes là, que nous faisons de l'excellent travail, notamment en assurant l'application de la Loi
canadienne sur la santé et en garantissant l'inocuité des produits que doit consommer la population,
et le reste.
- M. Hill: En fait, j'aimerais bien que vous preniez un engagement en ce sens, à titre de ministre.
Je ne suis pas aussi naïf que je l'étais peut-être il y a un an, au point de croire qu'un député de
l'Opposition exerce une véritable influence. Mais si notre comité, et en particulier les députés
libéraux membres de notre comité, estimaient qu'un des postes de notre budget devrait être réduit,
quel changement apporteriez-vous? Quel changement ferait suite à ce moment historique de
l'histoire canadienne où un comité aurait véritablement fait quelque chose d'utile relativement au
budget des dépenses?
- Mme Marleau: Je serais tout à fait disposée à examiner les recommandations du comité de la
façon la plus ouverte possible.
- Si, par exemple, vous recommandiez que nous supprimions nos dépenses dans des domaines où
il pourrait être légitime de prétendre que nous dépensons trop d'argent, je serais prête à en discuter
avec vous. Vous ne m'avez toutefois pas donné d'exemple concret.
- L'examen des programmes n'a pas été facile pour moi car j'ai dû comprimer les défenses
affectées à des domaines qui m'apparaissaient très importants. Mais si votre comité a des suggestions
utiles à me faire pour me faciliter la tâche, je les examinerai très sérieusement.
- M. Hill: Par conséquent, si notre comité vous recommande de réduire certaines dépenses, vous
vous engagez...
- Mme Marleau: J'ai dit que j'examinerais vos propositions très attentivement, que je les
analyserais et que j'y répondrais.
- M. Hill: Comme j'ai l'impression qu'on ne va pas prendre mes suggestions très au sérieux je
vais céder la parole à mes collègues qui ont des meilleures chances d'être écoutés.
- Le président: C'est un précédent merveilleux, Grant. Merci beaucoup.
- J'ai négligé de mentionner plus tôt que deux de nos collègues sont ici pour remplacer les
membres du comité car elles s'intéressent beaucoup au sujet dont nous sommes saisis aujourd'hui:
de Guelph-Wellington, Brenda Chamberlain et de Beaches-Woodbine, Maria Minna.
- Paul, vous êtes le prochain intervenant. Cela mettra fin à la première série de questions; nous
commencerons alors le deuxième tour de table.
- M. Szabo (Mississauga-Sud): Bonjour, madame la ministre.
- Pour faire suite aux questions de Grant, je voudrais vous recommander d'augmenter votre
budget...
- M. Marleau: J'aimerais bien le faire, mais il me faudrait l'accord de...
- M. Szabo: ...selon les besoins. Dans vos remarques liminaires, vous avez dit que vous étiez
prête à apporter des changements si l'on prouvait qu'ils étaient nécessaires.
- Le Dr Elgie qui a témoigné devant notre comité... vous avez indiqué que les médicaments
représentent une des dépenses dont l'augmentation est la plus rapide au sein de votre ministère. Le
budget du Dr Elgie - je n'ai pas les chiffres sous les yeux - est approximativement de 3 millions de
dollars; pourtant, son conseil n'a jamais obtenu de véritables audiences et nous sommes sur le point
d'aborder toute une série de questions concernant les médicaments génériques.
- Je soulève cette question, mais ce n'est pas ce que je voudrais que vous commenciez. Je
m'intéresse plutôt - comme tout le monde, nul doute - à votre vision, à la direction stratégique de
votre ministère.
- Au cours de nos travaux, nous, les membres du comité, avons pu constaté que l'intervention
précoce a une incidence considérable sur les coûts à long terme des soins de santé pour les Canadiens.
Nous en avons aussi appris beaucoup sur les conséquences du vieillissement de la population et sur le
fait que les soins des coûts de santé augmentent beaucoup au crépuscule de la vie.
- Nous subissons ces changements, et j'estime que votre remarque sur l'importance des
médicaments reflète bien la tendance de notre société en ce qui concerne l'âge, l'éducation et les
déterminants de la santé. La plus grande partie du budget des soins de santé sert dorénavant aux
remèdes et aux traitements.
- Votre ministère est-il prêt à adopter une nouvelle stratégie en donnant plus d'importance à la
prévention, étant donné surtout que nous n'avons pas de fonds supplémentaires à consacrer aux soins
de santé? Nous croyons que vous disposez de suffisamment d'argent, mais que vous pourriez
l'employer à meilleur escient. À titre de ministre de la Santé, pourriez-vous nous décrire votre vision
de la Santé?
- Mme Marleau: Vous m'avez posé deux questions; l'une sur le Conseil d'examen du prix des
médicaments breuvetés et son budget. Comme vous les savez, ce conseil a un nouveau président, le
Dr Elgie, que vous avez rencontré et qui fera de l'excellent travail, j'en suis certaine. Moi aussi, je
veux m'assurer que le conseil a les outils qu'il lui faut pour bien faire son travail et je suis certes
disposée à discuter avec le Dr Elgie de la possibilité d'augmenter son budget, car je suis convaincue
qu'un financement adéquat lui est essentiel.
- En ce qui concerne la santé des Canadiens, nous voulons faire l'impossible pour assurer la santé
de la population, et pas seulement traiter les malades.
- Notre ministère a déjà pris plusieurs initiatives. Notre nouveau plan d'affaires est axé sur la
santé de la population. Ainsi, nos nous assurons de faire des dépenses intégrées là où nous pouvons
obtenir des résultats optimaux.
- Vous parlez de la santé de la population. La Stratégie de réduction de la demande du tabac est un
bon exemple des investissements que nous faisons pour aider les Canadiens à demeurer en bonne
santé. S'ils cessent de fumer, ils seront en bien meilleure santé. Ils auront moins de problèmes de
santé, et ils coûteront moins cher à notre système. Ce n'est là qu'un exemple.
- Il y a aussi le Programme de nutrition prénatale qui vous donne une bonne indication de notre
orientation. Nous savons qu'il faut aider les enfants à prendre un bon départ; nous investissons donc
dans la santé des mères, pendant leur grossesse, afin de nous assurer que leurs enfants ne seront pas
désavantagés dès leur naissance. Les bébés au poids insuffisant ont beaucoup de problèmes, pas
seulement des problèmes de santé. Souvent, ils ont aussi des problèmes d'apprentissage. Nous
estimons donc essentiel d'agir à cet égard.
- Le transfert social des Canadiens a été structuré de façon à nous permettre de tenir compte de
tous les facteurs déterminants de la santé. Nous devrions financer non seulement les soins de santé,
mais prendre aussi des mesures en matière d'emploi et de revenu. Ce sont tous là des facteurs
déterminants de la santé qui nous montrent que nous pouvons améliorer la santé des gens en général.
C'est là notre objectif.
- M. Szabo: Merci, monsieur le président.
- Le président: Je rappelle aux membres du comité que, pendant la deuxième série de questions,
les questions et les réponses devront être plus courtes.
- Mme Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Madame la ministre, madame et messieurs les
fonctionnaires, bonjour. J'ai trois questions très différentes. Je vais commencer par celle qui me tient
le plus à coeur.
- Dans votre exposé, vous avez dit que vous prévoyiez annoncer bientôt des mesures provisoires
en ce qui concerne les nouvelles technologies de reproduction. Tout le monde autour de la table sait
certainement que l'anniversaire sera au mois de novembre. Est-ce que vous allez attendre
l'anniversaire pour déposer ces mesures ou si vous comptez les déposer avant l'ajournement de la
session, le 22 ou le 23 juin? C'est ma première question. Voulez-vous que je pose les autres ou que
j'attende? Répondez à celle-là car elle est courte.
- Mme Marleau: Nous avons fait beaucoup de travail dans ce domaine et nous espérons avoir
quelque chose avant la fin de la session.
- Mme Dalphond-Guiral: Vous savez que quand une session est ajournér, cela ne veut pas dire
que c'est fini.
- Mme Marleau: Non, et permettez-moi de vous dire que nous allons avoir encore beaucoup de
travail à faire. Ce sont des dossiers très difficiles, comme vous le savez. Il s'agit de faire ce qu'on peut
immédiatement et de continuer par la suite.
- Mme Dalphond-Guiral: Est-ce que les coûts générés par la mise en place de ces mesures
provisoires, au niveau budgétaire, sont importants?
- Mme Marleau: Je ne crois pas que ce soit le cas à ce point-ci.
- Mme Dalphond-Guiral: Très bien. À cause du manque de temps, vous avez passé très
rapidement dans votre exposé sur tout ce qui touche la recherche. On parle de prévention, mais pour
faire de la prévention, il faut un peu savoir sur quoi on travaille. La recherche me semble être un
domaine où on ne peut vraiment réduire les budgets. Dans la redistribution de l'assiette budgétaire du
ministère, est-ce que les sommes allouées à la recherche ont été réduites, maintenues ou
augmentées? Je voudrais savoir quel est le pourcentage actuel du budget affecté à la recherche. Je
voudrais également savoir le pourcentage des fonds fédéraux provenant du ministère de la Santé
affectés à la recherche au Québec.
- Mme Marleau: On vous répondra plus tard parce que je n'ai pas les données précises. Je peux
toutefois vous dire qu'en ce qui a trait à la recherche, surtout au niveau de la prévention de la santé, je
travaille de très près à la prévention et à l'efficacité du système et des choses qu'on fait déjà. Je
travaille de très près avec le Conseil recherches médicales. Je peux vous dire qu'on a dû réduire leur
budget de 10 p. 100, ce qui est quand même beaucoup moins que ce qu'on a vu dans les autres
ministères du gouvernement. Nous connaissons l'importance de la recherche dans ce domaine.
- Comme je l'ai dit à maintes reprises, les décisions concernant les coupures budgétaires sont très
difficiles, surtout dans le domaine de la santé parce que ce sont des questions clés qui affectent tous
les gens à différents niveaux. Nous avons dû prendre des décisions très difficiles. Pour répondre à
votre question, c'est 10 p. 100 sur trois ans.
- Au ministère, le PNRDS a eu une augmentation d'environ trois millions de dollars cette année.
- Mme Dalphond-Guiral: Vous avez parlé d'une entente en ce qui concerne la réglementation
des cliniques privées. Cela me semble nécessaire. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'une seule
province, l'Alberta, ne s'était pas entendue. Est-ce qu'il y a eu des mesures de prises à l'endroit de
l'Alberta?
- Mme Marleau: Comme je vous l'ai dit, on a envoyé la lettre au mois de janvier et on s'attend à
ce qu'ils nous répondent pour nous dire s'ils vont prendre des mesures ou non. Jusqu'à maintenant, je
ne crois pas qu'ils l'aient fait.
- Mme Dalphond-Guiral: Le ministère est très patient.
- Mme Marleau: Comme je l'ai dit dans mon discours, nous allons prendre les mesures
nécessaires à partir du 15 octobre. Nous leur avons donné une date limite. Cette date est fixée et nous
allons certainement prendre les mesures nécessaires à partir de cette date.
- Mme Bridgman (Surrey-Nord): Merci beaucoup d'être venue.
- J'ai trois questions. Deux portent sur la gestion du budget et je prends la liberté de vous poser la
troisième puisque vous êtes ici.
- Ma première question porte sur le cancer chez la femme de façon générale. Compte tenu des
compressions budgétaires, nous avons surtout consacré notre attention au cancer du sein. Les
nouvelles compressions budgétaires auront-elles une incidence importante sur ce programme?
Pourriez-vous aussi nous rassurer, nous dire que la recherche ne se limitera pas au cancer du sein
mais à toutes les formes de cancer chez la femme?
- Mme Marleau: Ce programme ne devrait pas être touché. D'ailleurs, avec notre proposition de
création de centres d'excellence pour la santé des femmes, nous espérons concentrer les efforts, non
pas seulement ceux du gouvernement parce que l'argnt dont nous disposons est limité, mais aussi
ceux d'autres organismes, sur la recherche portant sur tous les aspects de la santé des femmes, et pas
seulement sur le cancer du sein.
- Mme Bridgman: Ma deuxième question concerne les services de santé pour les autochtones. Je
ne prétends pas que ces services sont inutiles, surtout dans le Grand Nord où les grands centres sont
difficilement accessibles. Nous consacrons beaucoup d'argent à ces services et je me demande si,
avec la cession de responsabilités aux collectivités autochtones en matière de soins de santé, on
parvient à réaliser des économies à ce chapitre. On a déjà signé, d'après mes notes, 27 ententes en
matière de soins de santé avec 82 premières nations, et d'autres sont à venir. Pourriez-vous nous
définir le processus, nous indiquer les coûts et nous dire si le ministère réalisera des économies en
cédant cette responsabilité aux autochtones.
- Mme Marleau: Je crois que nous réaliserons, à long terme, des économies parce que les
collectivités autochtones connaissent mieux les domaines qui leur sont importants. La cession de ces
pouvoirs ne vise pas tant la réduction des budgets que de permettre aux autochtones de contrôler leur
propre santé et de distribuer les fonds pour assurer la santé de leurs collectivités. Pendant trop
longtemps, Ottawa ou quelqu'un d'autre de l'extérieur leur disait ce qu'il leur fallait;
manifestement, ça n'a pas marché. Nous n'avons certainement pas économiser d'argent ainsi.
- La santé des autochtones est mauvaise. Nous n'avons pas su résoudre les plus graves problèmes
des collectivités autochtones. Nous sommes convaincus qu'en leur permettant de prendre leurs
propres décisions en matière de santé, dans le cadre de leur budget bien sûr, ils dépenseront leur
budget de façon beaucoup plus efficace.
- Mme Bridgman: On ne prévoit donc pas d'annulation de programmes particuliers. Il s'agit
simplement d'une cession de gestion dans un contexte administratif.
- Ma troisième question porte sur le virus Ebola qui pourrait nous servir d'exemple. Les
conditions actuelles de prolifération de bactéries et virus qui risquent de créer des situations
pandémiques ressemblent à celles qui ont mené à la transmission de maladies contagieuses telles que
la varicelle et la petite vérole il y a 30 ou 40 ans, à l'époque où ces maladies représentaient une grave
préoccupation.
- Il y a maintenant toute une gamme de ces petits virus à l'échelle de la planète qui nous
préoccupent énormément. Or, à ce que je sache, le Canada ne s'est pas encore doté d'un plan d'action
distinct comme c'était le cas pour les maladies transmissibles. À l'époque, on imposait la
quarantaine, on apposait des affiches sur les portes, on prenait des mesures de ce genre.
Pourriez-vous nous dire ce qui se fait à cet égard? Le Canada a-t-il un plan?
- Mme Marleau: Oui, nous avons un plan, et nous nous consacrons des sommes considérables à
la surveillance de la santé. Je demanderais à M. Foster de vous donner plus de détails. C'est une
grande préoccupation pour nous, et nous avons déjà déployé de grands efforts à ce chapitre.
- M. Foster: Nous partageons vos préoccupations. Nous avons décelé des lacunes dans notre
réseau de surveillance et avons donc consacré des ressources financières et autres en vue de colmater
ces brèches. Je vous donne un ou deux exemples qui traduisent bien l'approche axée sur les facteurs
déterminants de la santé préconisés par la ministre. Nous tentons de délaisser la stratégie fondée sur
le diagnostic et le traitement pour adopter plutôt une stratégie d'anticipation et de prévention.
- Nous essayons quand même de colmater ces brèches. C'est ainsi qu'au laboratoire de lutte
contre la maladie, nous avons créé une nouvelle section qui s'appelle de l'initiative de
renseignements sur la santé publique et qui traite des pathogènes à diffusion hématogène, par
exemple. On y effectue des recherches notamment sur le HIV/SIDA, le virus Ebola et d'autres
pathogènes émergeants et réémergeants, tels que la tuberculose chimio-résistante. On y fera aussi
des recherches sur les infections d'hôpital et antibiorésistance, les maladies respiratoires chroniques
et cardiovasculaires, les comportements sexuels à risque, les maladies respiratoires infectieuses,
etc., et ce, dans le cadre de la stratégie, dans le cadre du programme.
- Nous avons réaffecté des fonds du ministère en fonction de l'évaluation des risques et de
l'évaluation des risques par rapport aux avantages. Nous allons consacrer des efforts et des
ressources dans les domaines où l'on obtiendra le plus de résultats. Evidemment, nous nous
attaquerons en priorité aux risques les plus élevés.
- J'espère que cela vous donne une idée de ce que nous faisons.
- Le président: J'aimerais poser une courte question à la ministre.
- J'aurais cru que vous auriez profiter de l'occasion qui vous était offerte ce matin pour nous
distribuer votre documewnt intitulé Perspective.
- Mme Marleau: Je pensais que c'était fait.
- Le président: Le fait est que nous ne l'avons pas.
- Mme Marleau: Je croyais qu'on l'avait distribué avant la séance.
- Le président: Nous avons eu quelques petits ennuis de communication avec votre ministère,
madame la ministre. Mais nous reviendrons là-dessus une autre fois, car la critique ne s'adresse pas
particulièrement à vous.
- Mme Minna (Beaches - Woodbine): Madame la ministre, j'ai trois questions.
- Au début de votre exposé, vous avez parlé des engagements du Livre rouge. Je ne m'attends pas
à ce que vous les énumériez tous, mais pourriez-vous dire si, à cette étape-ci de votre mandat, vous
avez rempli la plupart, voire tous les engagements qui figuraient dans le Livre rouge?
- Mme Marleau: Je pense que nous avons rempli tous nos engagements, à l'exception des
centres d'excellence pour la santé des femmes, en vue desquels nous avons déployé beaucoup
d'énergie. Comme vous le savez, nous avons lancé des invitations soumissionnées et nous espérons
que ces centres seront opérationnels d'ici 1996.
- Les autres engagements du Livre rouge qui s'appliquaient à nous incluaient le programme
préscolaire destiné aux autochtones, le programme de nutrition prénatale, les centres d'excellence
pour la santé des femmes et le Forum national sur la santé, notamment.
- Mme Minna: Ma deuxième question porte sur la crainte qu'éprouvent mes électeurs que nous
ne nous orientions éventuellement vers un système de soins de santé à deux paliers. C'est une
question que les élections ont mises en vedette.
- La candidate dans ma circonscription est également ministre de la province. Or, elle a envoyé à
mes électeurs une brochure et une lettre dans lesquelles elle explique très clairement que le
gouvernement fédéral discute ouvertement de l'instauration d'un système de santé à deux paliers.
- C'est très clair comme déclaration. Ceux qui peuvent payer auront plus, et ceux qui ne le
peuvent pas, moins.
- Prenez le cas de l'Alberta. Que je sache, le gouvernement albertain n'a pas jusqu'ici décidé
d'adhérer aux principes de la Loi canadienne sur la santé.
- Pouvez-vous me dire si votre ministère envisage de modifier certains services de base dans un
éventuel système à deux paliers? A-t-on l'intention de changer quelque chose? Sinon, avons-nous
l'intention d'obliger l'Alberta à respecter la Loi canadienne sur la santé?
- Mme Marleau: Nous ne discutons absolument pas avec les provinces de l'éventualité d'un
système à deux paliers, bien au contraire. Nous concentrons tous nos efforts sur la prévention d'un tel
système et sur la diffusion de l'information correcte à cet égard.
- Le Forum national sur la santé prend également part aux discussions et a donné son accord à
notre système subventionné et administré par l'État. Le Forum continue à travailler pour que ce
système soit maintenu.
- Nous ne discutons pas du tout de l'éventualité d'un système à deux paliers, sauf pour nous
demander comment empêcher qu'il ne se concrétise et faire en sorte que l'argent versé aux provinces
est utilisé de façon optimale.
- Toutefois, nous travaillons de façon très étroite avec les provinces pour les aider à relever
l'énorme défi qui se pose à nous tous.
- Le Conseil de recherche médicale du Canada, de même que notre direction de la recherche, se
demandent comment nous pouvons investir dans une recherche sur l'issue de bien des procédures qui
existent actuellement afin de mieux traiter les Canadiens avec des méthodes efficaces.
- Nous déployons beaucoup d'efforts dans ce domaine-là, mais nous ne faisons rien pour détruire
ce que nous, les Libéraux, avons édifié et ce en quoi nous avons foi.
- Mme Minna: Je vous félicite de vous intéresser tout particulièrement aux femmes et aux
enfants, car je suis convaincue que c'est la prévention qui nous permettra d'économiser, et non pas
uniquement le traitement des symptômes, ce qui m'amène à la question suivante.
- Le Forum national sur la santé nationale et le ministère essaient-ils d'élargir la recherche de
façon a ce que la médecine devienne plus préventive? Regardons ce qui se passe du côté des
personnes âgées et de leur maintien dans la collectivité; les personnes continuent actuellement en
Ontario à vivre chez elles, mais malheureusement, une fois qu'il y a désinstitutionnalisation, l'aide
financière ne sert plus à la vie en communauté. Je suis convaincue que c'est en faisant de la
prévention qu'à long terme on pourra économiser dans les soins de santé, et non pas en imposant des
compressions. À partir du moment où les gens sont malades, on ne peut rien y changer, il faut les
traiter. Or, à mon sens, la seule façon de réduire ces coûts, c'est par les soins préventifs.
- De plus, il y a beaucoup d'argent gaspillé dans les hôpitaux.
- Le président: Veuiller conclure, je vous prie.
- Mme Marleau: Nous déployons beaucoup d'efforts pour promouvoir un mode de vie sain chez
les Canadiens. Je pourrais vous énumérer tous les programmes que nous avons instaurés. Cet aspect
là nous intéresse énormément, car nous sommes très sensible aux avantages à long terme d'avoir un
mode de vie sain. D'ailleurs, tous nos programmes tiennent compte de cet aspect, car c'est essentiel
pour nous. Mais ce n'est pas toujours facile d'aller chercher de l'argent pour ces secteurs. En effet,
même si nous savons que nous pouvons épargner à long terme, il est très difficile de justifier la
défense à court terme.
- Pour ce qui est de la nutrition pré-natale, nous savons ce qu'il en coûte de garder 60 jours, par
exemple, à l'hôpital un nouveau-né dont le poids est inférieur à la normale. Mais il est difficile de
mesurer l'économie, si le nouveau-né n'est pas à l'hôpital. On ne peut que l'imaginer, et elle est
énorme.
- Néanmoins, c'est un aspect qui continue à nous intéresser et nous tentons de convaincre tous les
autres ministères de se demander quel rôle ils peuvent jouer pour assurer le bien-être et la santé des
Canadiens.
- On sait bien que ceux qui ont de bons emplois sont généralement en meilleure santé: c'est un
élément clé. Nous savons également que l'environnement joue un rôle énorme dans la santé; que de
l'eau potable, une alimentation suffisante et saine jouent un rôle clé dans la santé des Canadiens et
nous permet d'économiser à long terme.
- M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Madame la ministre, j'ai deux questions qui portent sur
votre budget. D'abord, dans son budget de février, le gouvernement fédéral a annoncé qu'à la suite
de l'examen des programmes, plusieurs d'entre eux seraient réduits et que les épargnes seraient
ré-injectées dans les secteurs prioritaires tels que l'élargissement des réseaux d'information sur la
santé publique, la recherche sur le cancer du sein, la nutrition pré-natale et le programme d'aide
pré-scolaire pour les autochtones.
- Le budget mentionnait également que, à l'exception du financement des programmes établis en
matière de transfert dans le domaine de la santé, le ministère de la Santé verrait ses dépenses réduites
de 70 millions de dollars au cours des trois prochaines années.
- Quels programmes seront réduits voire éliminés à la suite de ces décisions budgétaires ou quels
programmes en particulier seront ciblés?
- Mme Marleau: Nous avons imposé des réductions dans plusieurs secteurs. Nous avons réduit
les fonds destinés à la Stratégie de la réduction de la demande de tabac. Nous avons réduit
l'augmentation de certains autres programmes. Ainsi, nous n'allons pas dépenser autant d'argent
dans le cadre des programmes d'action communautaire pour les enfants que ce qui avait été prévu au
départ. Je pourrais vous énumérer les autres programmes pour lesquels nous avons envisagé des
réductions.
- A ce jour, nous n'avons imposé encore aucune compression au budget de lutte contre le sida, ni
au budget de financement de la recherche sur le cancer du sein, même si les sommes ne sont pas
énormes dans ce dernier secteur. Nous voudrions bien augmenter les fonds et nous essayons de
trouver la façon de le faire.
- Nous n'avons pas imposé des réductions au secteur de la santé chez les autochtones, sauf que
nous avons réduit les augmentations projetées qui figuraient dans les budgets précédents. Cette
année, l'augmentation sera de 6 p. 100, mais seulement de 3 p. 100 pour les deux prochaines années.
- Nous avons réduit le budget du Conseil de recherches médicales de 10 p. 100, de même que
beaucoup d'autres programmes pour pouvoir répondre aux objectifs. Notre ministère a pourtant été
bien épargné par rapport à d'autres ministères.
- M. Patry: Merci. Le Budget des dépenses indique que le personnel de la Direction générale des
politiques et de la consultation a effectué des examens analytiques portant sur des questions relatives
à l'assurance-santé et aux soins de santé. J'aimerais savoir quels aspects particuliers ont fait l'objet
d'examens analytiques, combien d'examens analytiques ont été effectués et quelles en sont les
conclusions. Si vous ne pouvez pas me donner ces renseignements aujourd'hui, vous serait-il
possible les faire parvenir au Comité?
- Mme Marleau: Je vais demander à la personne responsable, M. Juneau, de vous donner des
réponses.
- M. André Juneau (sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques et de la
consultation, Santé Canada): Les travaux en question visaient à appuyer les efforts de la ministre
dans l'application de la Loi canadienne sur la santé. Ils ont porté, par exemple, sur l'étendue du
phénomène des cliniques privées et, de façon plus générale, sur la problématique de l'économie de la
santé de manière à montrer, de concert avec des collègues des universités, qu'un système financé
publiquement est non seulement meilleur pour la santé, mais plus rentable sur le plan économique. Il
s'agit donc de ce genre de travaux.
- Ce matin, je ne pourrais pas vous dire combien on a fait de travaux, parce qu'on en fait tous les
jours, mais si vous le voulez, on pourra vous faire parvenir une liste plus précise des travaux.
- M. Patry: S'il vous plaît.
- Le président: Deux membres du comité ne sont pas encore intervenus. Lorsqu'ils l'auront fait,
j'accepterai de brèves questions de ceux qui sont déjà intervenus.
- Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci.
- D'entrée de jeu, je voudrais vous féliciter de votre exposé, madame la ministre. Je ne suis pas un
membre permanent du comité, et je dois dire que j'ai eu du plaisir à vous entendre car j'y ai appris
bien des choses, ce qui me permettra d'expliquer votre rôle à mes électeurs. Je vous félicite donc
officiellement de votre excellent exposé.
- Je vous félicite également de tout le travail que vous faites, particulièrement dans le domaine du
cancer du sein. Il est impératif que l'on déploie des efforts dans ce domaine, et je ne le dis pas
uniquement parce que je suis une femme, mais parce que c'est une question de santé qui nous
concerne tous. Sachez que nombreux sont les Canadiens qui pensent beaucoup de bien de votre
travail.
- J'aimerais aborder un autre sujet. J'ai rencontré récemment Dr Kittle de ma circoncription qui
s'inquiète énormément de la diminution du prix des cigarettes. Notre gouvernement a dit qu'il fallait
bien faire cesser la contrebande, et nous y sommes parvenus en faisant diminuer les prix, mais nous
avons également reconnu que cela pouvait inciter des tas de gens, notamment des jeunes, à acheter
des produits du tabac. Ne nous leurrons pas en croyant qu'ils n'avaient pas accès à ce marché. Bien au
contraire.
- Tout comme Dr Kittle, je suis convaincue qu'en diminuant les prix, le nombre des fumeurs a
augmenté. Les prix élevés étaient à mon avis dissuasifs. Je sais bien qu'il n'y a pas de solution
parfaite et que nous faisons de notre mieux pour lutter contre une situation extrêmement difficile,
mais la ministre peut-elle nous parler du rôle d'éducation que nous avons à jouer? Je pense qu'il
donne des résultats.
- Mais que faire? Conviendriez-vous qu'en réduisant les prix, nous encourageons plus de
Canadiens à s'adonner au tabagisme? Que faisons-nous pour y remédier? Quels sont vos projets?
Comment va-t-on parvenir à aider ces gens-là?
- Mme Marleau: D'abord, j'aurais aimé que nous n'ayons pas été forcés d'agir comme nous
l'avons fait il y a de cela un an. Les choes auraient été plus simples si nous n'avions pas eu de
problème de contrebande.
- Mais je tiens à vous dire qu'il circule beaucoup de fausses informations sur ladite augmentation
du tabagisme.
- Nous avons commandé des enquêtes et à notre grande suprise, les résultats ne prouvent pas qu'il
y ait eu une augmentation considérable du nombre de fumeurs. C'est ce qui m'inquiétait. La dernière
enquête était aussi détaillée que les autres et démontre que 150 000 Canadiens de moins fument.
C'est une enquête publique dont les résultats sont connus.
- Mme Chamberlain: De quelle enquête s'agit-il? Celle de Statistique Canada?
- Mme Marleau: Oui. En fait, il s'agissait là de la troisième étape de l'enquête publique, et la
quatrième étape est prévue pour bientôt.
- Cela ne calme pas mes craintes pour autant au sujet des jeunes qui ont accès aux produits du
tabac. Bien entendu, le prix joue un rôle important. Ce qui m'inquiète, c'est le nombre de jeunes qui
se mettent à fumer et qui ont facilement accès aux produits du tabac.
- Il est démontré que si les jeunes ne se mettent pas à fumer avant l'âge de 18 ou de 19 ans, en
général ils ne s'y mettent pas plus tard. Il est donc extrêmement important pour nous d'atteindre ces
jeunes. Si nous pouvons les empêcher de se mettre à fumer, nous aurons résolu le problème d'ici une
génération, faute de quoi nous aurons à faire face à d'énormes coûts et problèmes de santé pendant
plusieurs années encore. Je m'inquiète particulièrement du grand nombre de jeunes femmes qui se
mettent à fumer. Dans le cadre de la stratégie de la réduction de la demande de tabac, nous avons
plusieurs programmes qui s'adressent spécifiquement aux jeunes femmes et qui visent à les
dissuader de se mettre à fumer et à les encourager à cesser de fumer le cas échéant.
- L'effet positif de tout le brouhaha d'il y a un an, c'est que toute la question du tabagisme a fait la
une.
- Les événements nous ont également permis d'imposer une surtaxe sur les profits des
compagnies de tabac, l'argent prélevé nous aidant à combattre le tabagisme. Nous avons déployés
beaucoup d'efforts au Canada et aussi à l'étranger. En effet, nous avons poussé l'Organisation
mondiale de la santé à adopter une résolution que nous avions coparrainée, résolution proposant un
protocole international sur la réduction des produits du tabac. C'est un grand pas dans la bonne
direction, mais il nous reste encore beaucoup à faire.
- Demain, je vais rendre publique l'étude sur la banalisation des produits du tabac que nous avons
commandée.
- Nous ne pouvons faire qu'un pas à la fois. Mais plus nous diffusons de l'information auprès de
la population et plus nous encourageons les gens à cesser de fumer, plus il sera difficile pour les
jeunes d'avoir accès aux produits du tabac. Nous avons fait d'énormes progrès avec les provinces
dans l'embauche d'agents chargés de l'application de la loi. Autrement dit, il faut nous prendre au
sérieux. Nous voulons nous assurer qu'on ne vend des cigarettes qu'aux gens de plus de 18 ou de 19
ans.
- M. Jackson (Bruce - Grey): Bonjour, madame la ministre.
- Ce qui semble frustrer les groupes féminins, c'est que l'on ait toujours pas trouvé de façon de
guérir le cancer du sein. Lorsqu'ils ont comparu, les membres de la Direction générale de la
recherche nous a dit que c'était un travail de longue haleine, mais que l'on pourra peut-être
déterminer quelles femmes étaient le plus à risque en faisant le lien entre les gènes et la densité du
sein. Que l'on puisse plus facilement prédire les risques est à peu près le seul progrès que l'on ait fait
en ce sens.
- Quel travail a-t-on fait pour améliorer la santé des femmes et pour empêcher certaines des
chirurgies radicales qui autrefois les défiguraient?
- Ensuite, lorsque l'on parle de soins de santé, on se plaît à dire que le Canada a l'un des meilleurs
systèmes au monde. On est toujours tenté de vouloir expérimenter la méthode commerciale qui a
cours aux États-Unis. Nous savons que notre système est bon et que d'y consacrer 10 p. 100 de notre
PNB est un montant sans doute suffisant et peut-être élevé. Vous parlez aussi des résultats et avez dit
que ce serait aux résultats que l'on jugerait de la valeur des fonds consacrés à lutter contre une
maladie donnée.
- Je voudrais savoir comment les ministères jugent ces résultats? On sait par exemple depuis la
publication du Rapport Hall que l'on ne peut se permettre de parquer les gens et que les hôpitaux
coûtent très cher.
- Certaines techniques de chirurgie permettent aux malades de rester le moins de temps possible à
l'hôpital. Au fil des ans, les hôpitaux se sont équipés en techniques de visualisation qui sont très à la
mode.
- Naguère, lorsque les malades allaient voir le docteur, celui-ci les examinait, les informait qu'ils
avaient un cancer, qu'il leur restaient six mois à vivre, et qu'ils devaient rentrer chez eux pour se
préparer à mourir. Aujourd'hui, les malades veulent une deuxième ou une troisième opinion, veulent
subir une tomodensitographie et d'autres seintiographies du genre... Dans la société d'aujourd'hui,
on ne voudrait surtout pas renvoyer qui que ce soit et faire des malades des citoyens de seconde zone,
de sorte qu'on leur permet tous ces examens successifs, même si le prognostic était sans espoir.
- Quelle est la situation? J'ai l'impression que c'est l'une des difficultés auxquelles on se heurte, à
en juger d'après l'évolution des soins de santé. Il existe aujourd'hui toute une stratification de
professionnels de la santé. Naguère, on ne faisait affaires qu'avec un seul médecin. Aujourd'hui,
toute maladie commande tout un bataillon. Qu'est-ce que cela représente en termes de rentabilité?
- Mme Marleau: Le Conseil de recherches médicales et nous-mêmes effectuons beaucoup de
travail sur les résultats, au palier provincial et au palier fédéral. Nous travaillons aussi de concert
avec les provinces. Mes collègues provinciaux et moi-même reconnaissent que c'est un travail
nécessaire.
- Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'évaluer l'efficacité de toute une série de façon de faire.
Beaucoup a été fait, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche. De plus, nous cherchons à
disséminer l'information de concert avec l'Association médicale canadienne, puisqu'il s'agit aussi
de directives destinées aux médecins. Une fois le travail effectué, il est tout aussi important d'obtenir
l'information.
- Nous avons déployé beaucoup d'efforts et continueront à le faire pour nous assurer de
l'utilisation optimale et la plus rentable qui soit des nouvelles techniques, ce qui veut dire de ne pas
les utiliser à l'excès si c'est inutile.
- Vous avez parlé du cancer du sein. La grande tragédie, c'est qu'il a fallu tant de temps pour le
prendre au sérieux. Cela fait déjà longtemps que les femmes meurent du cancer du sein. Or, en gros,
on ne s'intéressait pas à la guérison du cancer du sein. Or, j'ai plaisir à vous dire que l'optique a
changé du tout au tout ces dernières années et que l'on fait aujourd'hui beaucoup de travail en
matière de soins.
- Nous demandons également aux femmes atteintes d'un cancer du sein de prendre part aux
décisions et de nous dire ce qu'elles pensent des protocoles qui sont envisagés. À mon avis c'est une
approche innovative, même si nous avons encore beauocup de chemin à parcourir.
- Le président: La séance touche à sa fin. La ministre avait dit au départ qu'elle devait nous
quitter vers 10h30, mais elle a courtoisement accepté de rester un peu plus longtemps. Trois des
membres du comité qui ont déjà pris la parole aimeraient intervenir à nouveau.
- Mme Picard: Madame la ministre, ma question porte sur les programmes de services de santé
non assurés chez les Indiens inscrits et les Inuit. En 1993, le vérificateur général nous a informés que
l'obligation de Santé Canada de rendre compte des résultats financiers n'avait pas été remplie, que
l'information contenue dans le Budget n'était pas suffisante et que le peu d'information rendait
l'évaluation de l'efficacité du programme très difficile.
- J'aimerais savoir quels efforts ont été entrepris par votre ministère pour améliorer cette
situation en 1994-1995. De quelle façon Santé Canada prévoit-il évaluer le programme? Sur la base
de quels critères? Finalement, selon vous, ce programme est-il efficace?
- Mme Marleau: Nous avons fait beaucoup de travail dans ce domaine. Comme vous le savez,
nous faisons face à des problèmes très spéciaux.
- Si vous le voulez, je vais demander à M. Cochrane de vous donner plus de détails sur les choses
qu'il a entreprises dans son secteur.
[Traduction]
- M. Paul Cochrane (sous-ministre adjoint suppléant, Direction générale des services
médicaux, Santé Canada): Nous sommes intervenus de bien des façons depuis le dépôt du rapport
du vérificateur général. Regardons les résultats. Pendant la période de trois ans antérieure au dépôt
du rapport - 1993 y compris - il y a eu une augmentation générale des coûts du programme
d'environ 14 p. 100 à 15 p. 100.
- Demandons-nous ce qui contribue à ces coûts. La population recevant ces services a augmenté
d'environ 54 p. 100 depuis 10 ans, alors que la population canadienne en comparaison n'augmentait
que d'environ 11 p. 100 pour la même période. Vous voyez donc que la population visée croît
beaucoup plus rapidement que le reste de la population canadienne, alors qu'elle est beaucoup plus à
risques du point de vue santé que les autres Canadiens. Ces deux facteurs contribuent donc à la
croissance du programme.
- Depuis le rapport du vérificateur général et au cours du dernier exercice, nous avons réussi à
réduire d'environ 6 p. 100 la croissance de ce programme, par un réaménagement des pratiques
d'administration et de gestion, et en précisant plus exactement quels services sont disponibles et qui
en bénéficie.
- Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que pendant ce temps, les Premières nations n'ont pas
connu de réduction de leur niveau de prestations. Dans la foulée des recomandations du vérificateur
général, nous avons pu préciser le programme et le rendre plus efficace, sans pour autant diminuer les
services aux Premières nations.
- M. Hill: Le gouvernement fédéral dépense actuellement par personne 1 522$ pour le service de
la dette et 268$ pour les soins de santé, et je ne pense pas que l'on puisse envisager de réductions à
court terme. La ministre ne s'inquiète-t-elle pas de la réduction des paiements de transfert aux
provinces?
- Mme Marleau: Je ne cesse de m'inquiéter de notre dette et de notre déficit, étant donné les
sommes que nous avons à notre disposition, et je veux qu'elles soient utilisées de façon optimale. Le
financement global donnera aux provinces la possibilité de choisir comment elles veulent dépenser
l'argent qu'elles reçoivent en vertu des accords de transfert, et c'est très important.
- Je me dois d'ajouter aussi une autre chose importante. Il n'y a pas un seul économiste au Canada
qui vous dira qu'il faut injecter plus de fonds dans le système. Il s'agit plutôt de mieux utiliser ce qui
existe déjà, il est important de le comprendre.
- M. Hill: Mais vous conviendrez qu'il y aura moins d'argent, n'est-ce pas?
- Mme Marleau: Le montant total consacré à la santé peut ne pas changer, dans la mesure où les
provinces souhaitent affecter les sommes à certains secteurs.
- M. Hill: Seulement si la croissance démographique...
- Mme Marleau: Il y a toujours autant d'argent. On ne compte pas avant l'année prochaine,
diminuer l'ensemble des sommes transférées.
- M. Hill: Mais il y a proportionnellement moins d'argent par personne, n'est-ce pas?
- Mme Marleau: Les montants ont été maintenus depuis notre arrivée au pouvoir. Ils
augmentent même à l'heure qu'il est.
- M. Hill: Nous réfutons carrément cette affirmation.
- Mme Marleau: Le montant par habitant augmente cette année, mais sera réduit l'année
prochaine.
- M. Hill: Mais les sommes consacrées aux soins de santé ne diminueront-elles pas
proportionnellement au fil des ans?
- Mme Marleau: Le montant total des transferts sera réduit au fil des ans. Au fond, cela dépend
également des points d'impôts. Les points d'impôts valent plus que de l'argent. Nous cherchons à
réduire notre dette et notre déficit et nous nous attaquons au problème, comme le Parti réformiste ne
cesse de le réclamer.
- Je pense que c'est la seule solution responsable, et nous avons déjà subi beaucoup plus de
compressions, dans nos ministères, que celles que nous demandons aux provinces d'assumer. Les
provinces doivent ensuite prendre leurs décisions en fonction de leurs priorités.
- Croyez-moi, monsieur le président, la santé constitue une priorité pour tous les Canadiens.
- M. Hill: La ministre a dit qu'il était logique de rapprocher le plus possible les programmes de
santé autochtone des autochtones, et qu'ils s'en sentiraient plus responsable. Serait-elle d'accord
pour dire qu'en principe le même argument s'appliquerait aux provinces?
- Mme Marleau: Permettez-moi de vous dire que c'est déjà le cas pour les provinces. Elles
gèrent leur propre système de soins de santé. Le gouvernement fédéral fixe des principes ou des
paramètres pour protéger tous les Canadiens, et pas seulement les Canadiens pauvres. Les
propositions du Parti réformiste laisseraient beaucoup de Canadiens très vulnérables.
- Mme Bridgman: Je pense par exemple au Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux
matières dangereuses, qui a été créé il y a 10 ou 15 ans par voie législative. Il me semble qu'à ce
moment-là, le Cabinet avait décrété qu'il devait faire ses frais, grâce à un programme de
recouvrement des coûts.
- Or, les chiffres les plus récents pour 1984-1985, révèlent un taux de recouvrement de 28 p. 100.
Si ce conseil existe depuis 10 ou 15 ans, compte tenu du temps nécessaire pour démarrer et des autres
exigences de ce genre, pendant combien de temps allons-nous maintenir ce programme qui ne
respecte pas ce mandat de recouvrement des coûts?
- Mme Marleau: C'est une question très précise. Y a-t-il quelqu'un qui puisse y répondre?
- M. Orvel Marquardt (sous-ministre adjoint intérimaire, Santé Canada): Non, je suis
désolé. Il faudra que nous en parlions au Conseil et que nous vous fassions parvenir la réponse.
- Mme Michèle S. Jean (sous-ministre, Santé Canada): Le Conseil a son propre budget.
- Mme Bridgman: Ce que je veux souligner, c'est qu'il ne semble pas qu'on ait fixé le moment
où cet objectif doit être atteint. J'aimerais bien le savoir.
- Le président: Je voudrais remercier madame la ministre au nom du comité. Je la remercie
également de nous avoir fourni le document Perspective. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour dire
que nous aurions bien aimé l'avoir plus tôt. Tout cela aurait été beaucoup plus utile si nous avions pu
examiner les divers documents simultanément.
- Mme Marleau: C'est vrai, et il me semblait que vous...
- Le président: Ce qui m'amène à la vraie question que nous voulions soulever avec vous, et
avec vos fonctionnaires, pendant que vous êtes ici. Le comité n'est pas en concurrence avec le
ministère. Nous sommes ici pour travailler, et nous avons les mêmes objectifs. Mais vous m'avez
entendu marmonner au sujet des difficultés de communication. Je ne vous les énumérerez pas toutes
ce matin, mais le fait est qu'il y a entre nous et le ministère une relation presque hostile, ce qui ne
devrait pas être le cas. Il faut constamment tirer les vers du nez à vos fonctionnaires pour obtenir de
l'information.
- Nous en avons eu un parfait exemple ce matin. J'ai parcouru le document et je n'ai vu aucun
secret d'État, aucun projet de largage de bombe atomique ou quoi que ce soit du genre, et pourtant on
a refusé de nous le fournir pendant des semaines. Nous avons supplié qu'on nous le remette, et nous
avons obtenu des réponses tout à fait tarabiscotées de certains de vos gens. Cela me crève le coeur.
- Si je vous dis cela, c'est pour être constructif et pas pour vous mettre sur la sellette, madame la
ministre. Comme vous le savez, j'ai beaucoup d'affection pour vous personnellement et je pense que
vous avez l'appui de la plupart des parlementaires qui se trouvent ici. Là n'est pas la question. La
question, c'est que nous pourrions tous réaliser notre objectif commun beaucoup mieux si nous
faisions nôtres les engagements de M. Chrétien au sujet de la transparence du gouvernement. Notre
expérience, dans le cas de Perspective n'est certainement pas un exemple de transparence,
permettez-moi de vous le dire.
- Nous vous remercions, Diane, ainsi que tous vos fonctionnaires. Nous avons eu une bonne série
d'entretiens avec eux tous, et cela nous a donné la chance de commencer à en connaître certains qui
partagent nos objectifs, il me semble.
- J'aimerais que les membres permanents du comité restent ici quelques minutes.
- Je veux dire aux membres permanents qu'il y aura demain à 8h30 une séance d'information sur
la stratégie relative au tabac, sous la présidence d'Ovide, à la pièce 237 de l'Édifice du Centre. Le
comité reprendra ses travaux le 30 mai à 9 heures.
- La séance est levée.