[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Notre ordre de renvoi porte sur le projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois.
Aujourd'hui, nous allons entendre des témoins. Nous accueillons, de l'Association pharmaceutique canadienne, Mme Noëlle-Dominique Willems. Cela dit, nous allons reprendre l'étude de l'article 2. J'invite notre témoin à se présenter, ainsi que son association. Je crois savoir que le témoin a un mémoire à nous communiquer.
Tout le monde a-t-il le texte?
Noëlle-Dominique Willems (directrice des affaires publiques et gouvernementales, Association pharmaceutique canadienne): Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je répondrai aux questions en français, si vous le désirez.
[Traduction]
L'Association pharmaceutique canadienne est heureuse de pouvoir témoigner aujourd'hui devant le comité qui étudie le projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois.
L'APhC compte plus de 10 000 membres représentant tous les domaines de la pharmacie dans les dix provinces et les deux territoires. Il y a dans nos rangs des pharmaciens communautaires, des pharmaciens hospitaliers, des professeurs de pharmacie, des pharmaciens de recherche, des étudiants, des stagiaires et des administrateurs.
On peut lire dans notre Code de déontologie que «...le pharmacien tient la santé et la sécurité du public pour la première considération dans la pratique de la profession et accorde à chaque client la pleine mesure de sa compétence comme professionnel de la santé essentiel».
Dans le cas du projet de loi dont nous sommes saisis, l'APhC estime qu'il est de son devoir, comme organisme de soins de santé, d'exprimer ses préoccupations concernant l'opportunité de soustraire à la compétence du ministre de la Santé des programmes sociaux qui influent directement ou indirectement sur la santé. Nous estimons que le ministre pourrait plus aisément s'acquitter de ses responsabilités en matière de promotion de la santé et de la sécurité à l'aide de programmes appropriés et de crédits adéquats.
Si je suis au courant de tout cela, c'est parce que je me suis beaucoup occupée de politique, mais je vais passer brièvement en revue l'historique de ce réaménagement des responsabilités.
En 1993, la première ministre Kim Campbell s'est engagée dans un processus de rationalisation des ministères fédéraux en s'appuyant sur une analyse que MM. de Cotret et Osbaldeston avaient rendue publique sur la restructuration et la rationalisation de l'administration fédérale.
Le processus a entraîné une redistribution des diverses fonctions à l'intérieur de l'administration fédérale dans le but surtout d'en réduire les frais de fonctionnement. Bien que la rationalisation ait eu lieu et que certaines économies aient été réalisées, on ne peut s'empêcher de contester les fondements des décisions qui ont été prises à l'époque.
La redistribution des programmes a entraîné le transfert, que le projet de loi C-95 a pour but d'officialiser, du volet bien-être social de Santé et Bien-être social Canada à un ministère recentré appelé Développement des ressources humaines Canada, DRHCC, autrefois appelé Emploi et Immigration Canada.
Il s'agissait de regrouper toutes les mesures de remplacement du revenu, les pensions, l'assistance publique et l'assurance chômage sous le toit d'un nouveau ministère. Ce faisant, on a considéré les programmes comme exclusivement économiques et la raison sociale de leur existence ne semble pas avoir pesé lourd dans la décision.
En 1995, cependant, nous faisons face à un contexte en évolution et il nous faut prendre en considération quelques nouveaux facteurs pour nous faire une idée plus complète de notre orientation.
En octobre 1994, le premier ministre a établi le Forum national sur la santé en vue d'examiner le système de santé canadien et de formuler des recommandations visant à le rendre aussi efficient que possible. En se lançant dans cette grande initiative, les membres du forum choisis par le premier ministre ont estimé que les déterminants de la santé étaient un facteur si important que l'un des quatre groupes de travail devait se vouer à leur étude.
Ce groupe de travail examine les facteurs économiques et sociaux qui influent directement sur la santé. Il se servira sans aucun doute des données du rapport 1994 de l'Institut national de la santé des enfants, qui fait ressortir le rôle de la pauvreté dans la détérioration de la santé des enfants. Il se servira peut-être aussi des statistiques du rapport annuel de Campagne 2000, qui fait lui aussi ressortit l'impact de la pauvreté sur la santé des familles. J'ai apporté quelques exemplaires de ces rapports pour les députés qui n'en auraient pas pris connaissance.
Au moment de sa création, la Direction du bien-être social de Santé Canada cherchait à assurer un niveau fondamental de revenu, de sécurité et de bien-être aux familles pauvres. Elle relevait de Santé Canada à cause de sa contribution à la santé de la clientèle visée. Depuis son transfert à Développement des ressources humaines, on a sabré dans son budget sans tenir compte de l'effet de ces transferts et de ces réductions sur la santé des Canadiens.
Que ce soit dans un cadre communautaire ou hospitalier, les pharmaciens constatent tous les jours l'effet des conditions économiques sur la santé et le bien-être de leurs clients. Ils voient souvent des malades qui sont incapables de quitter l'hôpital parce qu'ils n'ont pas les moyens de se procurer les médicaments voulus faute d'une protection d'assurance supplémentaire ou parce que les médicaments en question ne sont pas couverts par les régimes privés ou publics à l'extérieur des hôpitaux.
Le deuxième facteur qu'il faut prendre en considération, lorsqu'on examine le volet social, est le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui a été annoncé dans le budget fédéral de 1995 par le ministre des Finances, là encore à titre de mesure de rationalisation et en sus des coupes sombres dans toutes les enveloppes concernées. Il s'agit d'un transfert unique aux provinces qui engloberait les transferts du Programme d'assistance publique du Canada, les paiements de péréquation et les transferts au titre des soins de santé.
Bien que le ministre du Développement des ressources humaines n'ait pas encore établi les principes devant présider à ces transferts et que le ministère des Finances n'ait pas encore annoncé la façon exacte dont ils seront faits ni comment leur volet en argent comptant sera maintenu, ces transferts prennent effet en 1996.
Étant donné que le Forum national sur la santé n'a pas encore formulé de recommandations, une décision finale sur le transfert de programmes à DRHCC serait prématurée. Certaines de ces recommandations mettront l'accent sur les liens entre la santé et ses déterminants et sur les programmes sociaux qu'il conviendrait éventuellement de rattacher aux mandats du ministère en matière de prévention de la maladie et de promotion de la santé.
À cause de l'évolution rapide des circonstances, y compris les travaux du Forum national sur la santé et le Transfert en matière de santé et de programmes sociaux, l'Association pharmaceutique canadienne recommande que le transfert des responsabilités du ministère de la Santé et du Bien-être social, qui s'est fait en 1993, soit réévalué.
Nous recommandons que le comité de la santé propose d'apporter au projet de loi C-95 un amendement prévoyant l'examen de la décision d'effectuer le transfert de responsabilités en attendant le rapport final du Forum national sur la santé. Si le transfert de responsabilité se faisait conformément au projet de loi C-95, le Comité de la santé devrait proposer d'apporter au projet de loi un amendement prévoyant la mise en place d'un mécanisme de liaison entre les autorités compétentes de chaque ministère et recommander des moyens d'établir des communications permanentes et un processus d'évaluation.
L'APhC vous remercie de l'occasion qui lui a été donnée d'exposer ses vues, dont elle espère que vous tiendrez comte dans vos délibérations.
Le président: Merci beaucoup, Mme Willems. J'invite maintenant les membres du comité à faire des observations et à poser des questions, en commençant par Mme Picard.
[Français]
Mme Picard (Drummond): Bonjour, madame. Bienvenue au comité. Vous dites, dans votre mémoire, que:
- ...l'APhC estime qu'il est de son devoir comme organisme de soins de santé d'exprimer ses
préoccupations concernant l'opportunité de soustraire à la compétence du ministre de la Santé
des programmes sociaux qui influent directement ou indirectement sur la santé.
Nous estimons que le ministre pourrait plus aisément s'acquitter de ses responsabilités en matière de promotion de la santé et de la sécurité à l'aide de programmes appropriés et de crédits adéquats.
J'aimerais d'abord que vous me précisiez quels sont ces programmes et ce que vous voulez dire par «programmes appropriés et crédits adéquats».
Mme Willems: Il faut revenir un petit peu en arrière. Pour nous, il est évident que l'assurance sociale, telle qu'elle était prévue au début, était faite pour améliorer les conditions de vie et la santé des personnes qui allaient en bénéficier. Ce n'était pas un programme purement économique de revenu minimum garanti, mais un programme pour assurer le mieux-être ou, en tout cas, le bien-être de base de la population.
Nous avons vu, depuis, que cela a été transféré au ministère de M. Axworthy, que les fonds ont été coupés, que les programmes ont été sabrés et qu'après 1998, avec la nouvelle méthode de transfert proposée, il n'y avait même plus de disposition pour que le transfert consacré aux programmes sociaux se fasse de façon normale.
Pour nous, il est évident que ces mesures-là, qui sont des mesures de prévention, ne doivent pas être absorbées par des mesures directement liées à l'emploi et aux conditions économiques des gens. Elles ont une dimension supplémentaire qui est celle de servir de minimum garanti pour que les gens puissent vivre d'une manière saine et non pas d'une manière purement économique.
Mme Picard: Est-ce que vous pourriez me donner un exemple d'un programme qui a été sabré?
Mme Willems: Il y avait Brighter Futures, un programme qui visait à améliorer les conditions de vie des enfants en bas âge. Il était la responsabilité du ministre de la Santé et ce qu'il en reste est encore en partie sa responsabilité. Brighter Futures servait d'incubateur pour essayer de développer des programmes sociaux qui allaient aider les jeunes ou qui allaient leur donner une meilleure chance dans l'avenir pour qu'ils puissent s'assumer comme citoyens à part entière.
Mme Picard: Vous faites des recommandations quant au Forum national sur la santé.
Mme Willems: Oui.
Mme Picard: Vous savez que la gestion des soins de santé est de compétence exclusivement provinciale, et vous savez aussi que les ministres provinciaux ne prennent pas part aux travaux du forum.
Vous savez aussi que dans la majorité des provinces, à l'heure actuelle, les ministres mettent en place des réformes. Quelle importance ou quelle considération croyez-vous qu'on accordera à ce rapport et aux travaux du forum?
Mme Willems: Je pense que le forum - je sais que pour le Québec, c'est un petit peu différent, car je suis Québécoise moi-même - tient à retisser les liens entre les valeurs communes qu'on a au point de vue de la santé, quelle que soit la province dans laquelle on habite.
Je travaille aussi à la coalition qui s'appelle HEAL et qui s'applique justement à essayer de voir comment on peut conserver une partie des transferts. Je sais que ça ne concerne pas encore le Québec, mais disons que pour nous, il est évident que les travaux du forum doivent consolider ou réaffirmer les valeurs qui sont communes aux gens à travers le Canada, puisque 89 p. 100 d'entre eux considèrent que la santé, ou à tout le moins notre système de santé, est une de nos valeurs les plus sûres.
Donc, d'après moi, c'est sur le plan des grands principes que vont se faire les recommandations pour permettre à toutes les provinces qui le désirent d'avoir des normes semblables ou, en tout cas, un niveau de soins médicaux assez similaire à travers le Canada afin ne pas qu'on assiste à une balkanisation.
Dans le moment, il y a des différences dans le système de santé. On se rend compte, par exemple, qu'il y a des provinces qui décident de ne plus payer les médicaments contre le sida, provoquant ainsi un mouvement de population vers la province d'à côté. C'est dangereux d'agir comme cela et je suis d'avis que le forum est là justement pour essayer de jeter les bases d'un système qui permettra à tout le monde d'avoir des soins de santé adéquats au Canada.
Mme Picard: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Hill.
M. Hill (Macleod): Je voudrais moi aussi dire quelques mots du forum. Vous avez beaucoup insisté sur le forum, sur la nécessité d'en attendre les résultats avant d'apporter des changements. Même si Mme Picard et moi avons des divergences de vues sur bien des points, nous nous entendons tous les deux pour dire que le forum est inefficace parce que les provinces n'y sont pas représentées. Pourquoi insistez-vous tellement sur ce forum?
Mme Willems: Principalement parce que les représentants élus ne semblent pas faire le travail de base en prévision de la réforme du système de santé, travail préparatoire dont nous avons besoin pour réexaminer et outiller différemment le système de santé canadien. Je déplore que les provinces ne participent pas au forum. Elles ont toutefois été invitées à nommer des représentants, et certaines l'ont fait.
Les représentants élus des provinces ne participent pas au forum, mais je sais que les sous-ministres et les ministres de la Santé ont à leur ordre du jour une séance d'information, à chacune de leurs rencontres, et se penchent sur les travaux du forum.
Je dois vous dire que les associations du domaine de la santé ont du Forum national sur la santé une impression bien différente de ce celle qui règne au Parlement. Le travail qu'il a réussi à abattre en un an est tout à fait extraordinaire.
M. Hill: En ce qui concerne la réforme des soins de santé, disons simplement que le forum fait des recommandations spécifiques sur les changements souhaités. Comment envisageriez-vous la modification du projet de loi C-95 et la répartition de ces pouvoirs?
Mme Willems: Le forum examine les facteurs déterminants de la santé. Je suis donc persuadée qu'il devra tenir compte de l'aspect économique, des programmes sociaux et de leur interaction dans l'exercice du mandat que possède le ministre de la Santé en matière de prévention et de promotion de la santé. Ce que nous faisons en ce moment, en mettant à part le volet social, c'est donner au ministre de la Santé seulement l'argent qu'il lui faut pour assurer le transfert, garantir la sécurité des médicaments et appliquer quelques autres programmes, mais pas beaucoup plus. À mon avis, le forum se fait une conception plus large de la santé et il ne va pas enfermer la santé dans un cadre trop limité.
Le président: Merci, monsieur Hill.
Je cède maintenant la parole à Mme Fry.
Mme Fry (Vancouver-Centre): Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Il est très réconfortant de constater que certains voient le forum pour ce qu'il est. Comme vous l'avez dit, le travail qu'il accompli est absolument extraordinaire.
Je voudrais revenir à votre crainte, qui me paraît fondée, que la suppression du volet social au ministère n'entraîne une fragmentation de tout le domaine des déterminants de la santé. Cela est vrai jusqu'à un certain point, mais ce que je voudrais vous demander, c'est s'il y a lieu de changer l'objectif, selon vous. Vous avez dit que le forum étudiait les déterminants de la santé, et nous savons que l'un des facteurs les plus importants pour la santé est la pauvreté.
Je ne vois pas comment les objectifs ou les recommandations qui ressortiront du forum seront nécessairement changés par le projet de loi à l'étude. La démarche suivie pour atteindre les objectifs pourra évoluer, cependant, car, si nous rattachons au mandat du ministère de la Santé tout ce qui peut influer sur la santé, ce ministère deviendra un superministère qui monopolisera probablement les trois quarts des pouvoirs de l'administration publique.
Le ministère deviendrait inefficace. Tout y serait centralisé. Selon moi, ce qui devrait nous préoccuper, c'est la possibilité d'établir des liens à caractère officiel entre la Condition féminine, le MAINC, le DRHC, l'Environnement et même le Travail. Vous voudriez peut-être commenter.
Il y aurait donc des liens très officiels, car nous savons que tous ces éléments ont une incidence sur la santé. Nous aurions des relations de travail étroites permettant d'appliquer une conception vraiment holistique de la santé. En fin de compte, le ministère de l'Environnement ne percevrait plus l'environnement comme un aspect qui concerne l'économie seulement et serait toujours conscient de l'aspect de la santé, et ainsi de suite.
Que pensez-vous de cette idée? Il me semble plus commode, pour obtenir des résultats, d'établir des liens en bonne et due forme. Qu'en pensez-vous?
Mme Willems: Deux observations. Tout d'abord, le ministère de la Santé devrait devenir un superministère, mais DRHC n'en est-il pas déjà un? Est-ce que l'élément social et la santé ne s'y perdent pas?
Deuxièmement, il existe déjà une structure de liaisons semblables qui a été élaborée dans les années 70 et 80 pour assurer la promotion de la femme dans chacun des ministères. Des groupes ont travaillé directement sur les aspects concernant les problèmes des femmes dans chacun des ministères pour s'assurer qu'ils ressortent nettement et attirent l'attention. Au début des années 90, on a procédé de la même manière pour les questions environnementales.
Les plans sont là. Les liens sont devenus plus lâches à cause du manque d'argent, de personnel, etc., mais ils existent, et il suffirait de les rafraîchir.
Mme Fry: Vous avez parlé de Grandir ensemble. Ce programme relève toujours du ministère de la Santé, mais il porte un autre nom. Ces choses n'ont pas changé. Je sais que les représentants de la Santé ont dit de ce projet de loi qu'il visait à élargir le mandat en matière de promotion et de prévention, de santé publique et de sécurité et concernait de nombreux autres éléments. Le ministère entend se pencher sur la promotion de la santé, et je pense que les liens officiels entre ministères seraient une bonne manière de s'y prendre.
Si on considère la pauvreté comme un important facteur qui influe sur l'état de santé, comment faut-il s'attaquer à la pauvreté? Certains diraient que, si 45 p. 100 des chefs de ménage qui vivent maintenant d'aide sociale sont aptes au travail, la réponse doit être d'améliorer leurs compétences et de les former pour qu'ils deviennent employables. Il faudrait tout de même établir des liens avec DRHC pour trouver une solution à certains des aspects du problème. Avez-vous l'impression que cela pourrait convenir?
Mme Willems: Oui, mais je pense aussi que les palliatifs comme la formation ne sont pas l'objectif ultime à poursuivre. La disparition du volet emploi au DRHC, ou au moins de la composante appelée emploi, création d'emploi et main-d'oeuvre, a vraiment été perçue comme un désengagement, de la part du gouvernement, d'un domaine où on a vraiment besoin de lui.
Mme Fry: Pensez-vous que ces pouvoirs devraient être cédés aux provinces?
Mme Willems: Je ne suis pas sûre que nous puissions avoir une approche cohérente si nos procédons de cette manière. Par exemple, nous avons beaucoup vu les provinces se disputer des marchés à l'extérieur. Cela va continuer, et des différences apparaîtront dans les provinces également.
[Français]
M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Merci beaucoup pour votre présentation.
Comme la sécurité sociale et la protection sociale sont exclues du projet de loi C-95, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous élaboriez un peu plus sur votre troisième recommandation, qui est d'instituer un processus de liaison entre les autorités compétentes de chaque ministère.
Deuxièmement, croyez-vous que ce projet de loi est un recul pour la santé des Canadiens et des Canadiennes?
Mme Willems: Pour reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure, les liens qui doivent exister, qui doivent être créés, doivent être beaucoup plus forts, beaucoup plus soutenus. Ils doivent faire partie de la loi et non pas être laissés au hasard des règlements qui vont suivre.
Quant à savoir si c'est un recul, je dirais que oui, parce que, comme la plupart des Canadiens, je trouve que la santé est la chose la plus importante qui nous lie au Canada. Toute mesure qui vient couper des fonds alloués à des programmes auxquels on tenait et on tient, à des programmes qui risquent de disparaître sous le chapeau d'un autre ministère, est vraiment un recul. Que le fédéral s'implique vraiment dans la santé et qu'il mette l'argent là où il doit être!
M. Patry: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Szabo.
M. Szabo (Mississauga-Sud): C'est une discussion intéressante. La première image qui me soit venue à l'esprit est celle des dominos.
Je suppose que, si votre raisonnement est poussé plus loin, nous rattacherions probablement le ministère de l'Environnement à la Santé aussi, à cause des relations entre les deux domaines. Les affaires autochtones devraient probablement y être rattachées aussi, étant donné les graves problèmes de santé qu'on observe dans les collectivités autochtones. Une fois qu'on s'engage dans cette voie, tout se retrouve centralisé au même endroit.
Je saisis le principe dont vous parlez, mais je pense que c'est peut-être trop demander que de vouloir que tout soit bien rangé, classé de manière nette et distincte dans chacun des ministères. Il faut qu'il y ait un certain chevauchement. Il faut une certaine coopération.
Mme Willems: Il faut qu'il y ait coopération, mais il n'y en a pas eu par le passé. Notre mémoire a pour but de vous alerter, de vous informer que le processus manque beaucoup de cohérence. La revue des programmes sociaux que DRHC a entreprise n'a pas vraiment été faite en harmonie avec les travaux du Forum national sur la santé.
Il y a en fait très peu de discussions entre ceux qui étudient actuellement la question. On a l'impression que le gouvernement, en se retirant de champs d'activité, procède rapidement sans établir les liens nécessaires, sans les examiner très sérieusement.
Vous avez parlé de l'environnement. J'ai étudié le droit de l'environnement lorsque j'étais plus jeune. L'un des points que je soutenais dans ma thèse était qu'il devrait toujours y avoir un superministère de l'environnement pour surveiller tout le reste. C'était dans les années 70. Nous sommes dans les années 90, et les considérations d'ordre économique sont très différentes.
M. Szabo: Je ne pense pas être en désaccord avec vous. L'idée d'une stratégie du développement durable est très importante. Elle fait même partie du mandat du gouvernement.
Le Forum national sur la santé publie périodiquement des déclarations ou des rapports, mais l'ensemble de ses travaux, le compte rendu intégré, ne sera rendu public que dans trois ans, probablement. Proposez-vous que nous restions là à rien faire en attendant son rapport final?
Mme Willems: Non, parce que les participants savent qu'une partie de leur travail est cruciale, comme la question du financement public et privé. Il est donc prévu de publier au moins un rapport provisoire en mars 1996. Les travaux se font de façon accélérée sur un certain nombre de questions, car les participants sont conscients des considérations économiques qui entrent en ligne de compte en ce moment.
M. Szabo: Oui, mais ce ne sera toujours qu'un rapport provisoire, et les travaux se poursuivront.
Mme Willems: Il y a tout de même des choses qu'on peut faire.
M. Szabo: Enfin, à propos du transfert pour les programmes sociaux et la santé, je déduis de la teneur de vos observations que la réduction des transferts aux provinces au titre de la santé et des programmes sociaux vous préoccupe. Pensez-vous que la décision de regrouper le financement de diverses enveloppes en un seul versement global va pénaliser les initiatives provinciales en matière de santé?
Mme Willems: C'est probablement ce que vous verrez si la situation reste inchangée. Nous avons comparu devant le Comité des finances la semaine dernière, au moment où je devais normalement comparaître ici, pour parler du transfert et de la nécessité de réserver des fonds aux services de santé. Au fur et à mesure que, au fil des ans, les fonds vont diminuer, il y aura beaucoup plus d'affrontements que maintenant entre l'aide sociale, l'enseignement postsecondaire et les services de santé. Le mouvement en faveur de la privatisation de ce secteur sera plus puissant. Cette idée ne tombera pas dans des oreilles de sourd.
M. Szabo: Vous connaissez le mécanisme des points fiscaux et des versements en espèces, et vous savez comment il fonctionne. Si des enveloppes distinctes étaient préservées, l'une étant celle de la santé, et si les points fiscaux dépassaient le montant prévu et que le versement en espèces était nul, quelles seraient les conséquences sur la capacité du gouvernement fédéral d'assurer une certaine protection et une certaine défense?
Mme Willems: Le gouvernement fédéral n'aurait plus aucun moyen pour imposer ses vues.
M. Szabo: Il est donc indispensable d'avoir des versements en espèces?
Mme Willems: Effectivement, et c'est pourquoi le mémoire du groupe HEAL - je vais voir à ce que vous en receviez des exemplaires - recommande un transfert de 250$ par habitant à chaque province.
M. Szabo: Sans égard aux points d'impôt?
Mme Willems: Effectivement.
M. Szabo: Une augmentation des dépenses.
Mme Willems: Oui.
Mme Fry: Vous avez répondu à la question sur votre mémoire en ce qui concerne les versements en espèces.
Il me semble curieux que vous disiez que le transfert global aura un effet négatif, étant donné que vous faites ressortir dans votre mémoire les liens étroits entre la santé, les services sociaux et la pauvreté. Voudriez-vous commenter? Le versement global permet, tout d'abord, de maintenir un versement en espèces, celui qui a été prévu dans le cadre du transfert au titre des services sociaux. Ce versement se fera toujours en espèces, et on va maintenant arrêter d'augmenter les points fiscaux de manière que le transfert global comporte toujours un versement en espèces.
À la vérité, dans les transferts de paiement initiaux du FPE, aucune condition n'était posée, sinon celles qui existent toujours, soit la Loi canadienne sur la santé et les cinq principes de l'assurance-maladie. En fait, rien n'a vraiment changé. Tout ce qui s'est passé, c'est qu'on a injecté des fonds au titre des services sociaux et permis d'élargir la notion de santé en ce qui concerne l'impact des services sociaux sur la santé.
Vous reconnaîtrez sûrement qu'il y a des économies substantielles à réaliser dans la prestation des services en ce moment, et l'argent ainsi récupéré pourrait être utilisé, autant que possible, pour la promotion de la santé et la prévention, aspects liés à l'enveloppe des services sociaux. Il me semble que c'est une façon de procéder qui nous fait progresser.
Qu'en pensez-vous? Qu'avez-vous à dire?
Mme Willems: D'après l'expérience passée des transferts non expressément affectés... Nous avons vu par exemple ce qui s'est passé dans votre province, la Colombie-Britannique, où des fonds destinés à l'enseignement ont servi à la construction de routes... Le danger est que... Pour le moment, il reste des versements en espèces, mais, vu les réductions qui se font en ce moment et se poursuivront, nous risquons de les voir disparaître.
Mme Fry: Mais c'est là une supposition.
Mme Willems: En fait, non. Si vous considérez le transfert canadien...
Mme Fry: Je l'ai fait.
Mme Willems: ... tel qu'il a été établi, il permet, jusqu'en...
Mme Fry: C'est un programme de deux ans pour l'instant.
Mme Willems: ...1998...
Mme Fry: Oui.
Mme Willems: ...et on ne dit pas ce qui va se passer ensuite.
Mme Fry: Vous présumez que les versements vont continuer de diminuer, mais il pourrait bien en aller autrement.
Le président: Je voudrais remettre en question l'opportunité de répondre plus particulièrement à la proposition du groupe HEAL, qui réclame un transfert de 250$ par habitant, indépendamment de la fonction de péréquation remplie par le transfert, fonction que ne peut remplir le transfert par habitant...
Mme Willems: Mais l'Ontario aimerait vraiment cette formule.
Le président: J'en suis absolument convaincu.
Indépendamment de cela, toutefois... Je ne vais pas essayer de démontrer, je vais poser la question suivante.
Toute la littérature de l'époque où le FPE a été mis sur pied et la majeure partie du débat qui a suivi ont fait ressortir que le transfert constituait essentiellement un pouvoir de dépenser. Il est conçu presque uniquement pour permettre au gouvernement fédéral d'établir une sorte d'orientation nationale et de la faire respecter. La fonction de péréquation est venue après le fait, en somme.
N'est-il pas juste que le pouvoir de dépenser est utilisé différemment par chaque gouvernement, car chacun pourrait dire au gouvernement fédéral qu'il n'est pas intéressé par son argent, à divers niveaux? N'est-ce pas vrai?
Mme Willems: Sans doute, mais je me demande quelle province le ferait.
Le président: Ce que je dis, c'est qu'elles n'adopteraient certainement pas toutes cette attitude au même moment. Certaines auraient le moyen de le faire à un moment donné, mais d'autres seraient moins en mesure de le faire.
Mme Willems: Je suppose qu'on me rappelle ce qu'est la nature humaine, et le sort qui a été fait aux transferts au titre de la formation que le premier ministre Chrétien a proposés hier, et l'accueil qu'ils ont reçu dans l'Ouest comme un excès de la part du Canada central. Idéalement, si tous étaient raisonnables, à tous les niveaux, c'est ainsi que les choses fonctionneraient. Les faits nous montrent que ce n'est pas nécessairement le cas.
Le président: Mon autre point, se rapporte davantage à la question de M. Hill. Le représentant du Nouveau-Brunswick au Forum national sur la santé est l'ancien directeur exécutif du conseil du premier ministre chargé de concevoir une nouvelle stratégie de la santé. Pour avoir ce genre de coopération, il n'est pas toujours nécessaire de tout graver dans la pierre. Elle est accordée parce que c'est logique.
Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, nous vous remercions non seulement d'avoir comparu, mais aussi de vous être montrée si patiente. Je me suis entretenu avec le témoin vendredi, et je n'aurais pas voulu avoir à me préparer pour la séance. Merci beaucoup. Tous les membres du comité sont très heureux que vous ayez pu préparer ce témoignage et être parmi nous aujourd'hui.
Mme Willems: Cela fait des week-ends intéressants. Merci beaucoup.
Le président: Je voudrais que tout le monde reste quelques minutes pour régler quelques problèmes après le départ de notre témoin.
Pour être plus précis, vous vous rappellerez que l'Association des infirmières et infirmiers du Canada a manifesté le désir de comparaître. Nous avons pu discuter avec l'association, et elle nous a remis un mémoire, qui est arrivé aujourd'hui. Il est actuellement en traduction, et il sera remis aux députés demain.
Je crois comprendre, d'après ce qu'a dit Mme Picard, qu'aucun autre témoin ne voulait comparaître. Je voudrais donc obtenir votre accord pour que nous passions jeudi à l'étude détaillée. J'invite les membres qui ont des amendements à faire étudier à les communiquer au personnel demain pour que nous puissions commencer à préparer cette étude.
Je voudrais qu'on me dise s'il sera possible de se mettre à l'oeuvre dès 10 heures du matin, jeudi. Nous avions prévu 15 h 30, mais si les membres sont d'accord, nous pourrions commencer dès 10 heures. Cette heure-là présente-t-elle des difficultés pour certains d'entre vous?
[Français]
Mme Picard: Parfait. Je voudrais vous dire que jeudi après-midi, j'aurais été absente. C'est jeudi matin?
[Traduction]
Le président: Oui, si c'est d'accord. L'heure que nous avions prévue la semaine dernière était plus tardive, mais, si nous pouvons commencer à 10 heures jeudi matin, ce sera tant mieux.
Des voix: D'accord.
Le président: La séance est levée. Merci beaucoup.