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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 juin 1995

.1530

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Chers collègues, cet après-midi nous examinons le budget principal du CSARS. Nous allons commencer cet examen dans quelques instants.

Après cette séance, le comité siégera à huis clos afin d'examiner certains textes qui serviront à préparer un rapport. Un simple rappel, c'est tout. Nous pouvons donc commencer notre examen du budget principal en suivant la procédure habituelle.

Nos témoins sont M. Jacques Courtois, président du CSARS, et M. Maurice Archdeacon, directeur exécutif du SCARS.

Monsieur Courtois, avez-vous une déclaration liminaire pour le comité?

M. Jacques Courtois (président, Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité): Je n'ai que quelques remarques, monsieur le président.

[Français]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Sous-comité, tout d'abord, permettez-moi de vous dire à quel point nous sommes heureux de nous présenter devant vous aujourd'hui pour parler d'autre chose que de l'affaire du Heritage Front.

Aujourd'hui, il sera question de notre budget principal.

.1535

Puisque je suis certain que vous avez bien des questions à poser, je pense qu'il vaut mieux y passer directement plutôt que d'essayer d'y répondre à l'avance dans une longue introduction.

Par conséquent, si vous me le permettez, monsieur le président, je m'en tiendrai à quelques brèves considérations.

[Traduction]

Notre budget rétrécit d'année en année sous la pression constante exercée par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire. Nous nous sommes adaptés à cette période d'austérité en réduisant substantiellement le recours à des consultants pour nos projets spéciaux, en nous passant de l'aide d'un rédacteur spécialisé pour notre rapporot annuel, en recourant dans un plus grand nombre de cas à notre propre avocat pour éviter autant que possible d'avoir à faire la dépense d'un conseiller juridique de l'extérieur, en rencontrant les experts de la sécurité du renseignement lors de nos réunions mensuelles plutôt que lors de colloques spéciaux et enfin, en réduisant nos frais de déplacement dans toute la mesure où notre mandat le permet. Nous pensons qu'avec ces mesures, nous conserverons quand même suffisamment de ressources pour continuer à assumer la charge de travail habituelle liée aux plaintes et pour scruter aussi les activités du SCRS comme le prévoit la Loi sur le SCRS.

Si la situation devait s'aggraver au point que nous estimions n'être plus capables de bien remplir notre mandat, nous essaierions de convaincre le Conseil du Trésor que nous avons besoin de ressources supplémentaires. Si nous n'y parvenions pas, nous vous ferions rapport en espérant que vous sauriez vous montrer plus persuasifs que nous.

Et maintenant, monsieur le président, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci.

Monsieur Langlois, vous avez dix minutes.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): On s'est peut-être éloigné un peu trop vite du Heritage Front.

Monsieur Courtois, dans le dossier du Heritage Front, il a été question d'allégations générales, de choses qui n'ont pas été prouvées et d'autres qui ont été démontrées. On nage un peu dans le drame, dans la science-fiction. Aujourd'hui, on a un dossier où on est carrément dans du concret.

Le ministre des Affaires intergouvernementales a déclaré que le Parti québécois constituait une menace pour la sécurité du Canada. Comme responsable du comité chargé de surveiller les services canadiens de renseignement, quelles mesures entendez-vous prendre pour contrer le mandat qu'a le Service canadien du renseignement de sécurité de voir à la sécurité du Canada et ainsi vous assurer que le Service ne se plie pas aux demandes du ministre?

M. Courtois: À mon avis, le Parti québécois ne met pas en danger la sécurité nationale du Canada. Personnellement, je ne verrais pas la nécessité d'enquêter sur ses activités, certainement pas à ce stade-ci. Comme vous le savez, il faudrait qu'il commette des actes illégaux qui mettent la sécurité en danger, et je n'en connais pas.

M. Langlois: Monsieur Courtois, lorsqu'un ministre de la Couronne affirme que le Parti québécois constitue une menace pour la sécurité du Canada, vous savez comme moi qu'il y a des dispositions dans nos lois, particulièrement dans le Code criminel, qui visent ces cas-là et qu'il y a un Service canadien du renseignement de sécurité qui, si la sécurité du Canada est en danger, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du Canada. Est-ce que vous êtes en train de me dire que le SCRS ne doit pas suivre les directives que peut lui donner le Conseil privé, mais s'en référer à vous s'il a des doutes? Est-ce que vous avez le pouvoir de prendre des mesures préventives et complémentaires?

M. Courtois: Votre question est basée sur la supposition que les déclarations du ministre sont bien fondées.

M. Langlois: Je prends la parole du ministre pour les fins de ma question.

M. Courtois: Oui, mais vous allez peut-être trop loin. Ce n'est pas une déclaration qui m'émeut beaucoup, pas au point de demander une enquête sur les faits.

.1540

Si le ministre a des raisons sérieuses de penser que la sécurité du Canada est en danger, je lui recommanderais fortement de nous approcher ou d'approcher le SCRS et de donner les faits. Je n'en connais pas.

M. Langlois: Êtes-vous en mesure à ce moment-ci, maître Courtois...

[Traduction]

Mme Cohen (Windsor - Saint-Claire): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je viens d'entrer, et je crois avoir entendu M. Langlois citer quelque chose qui a été dit pendant la période des questions. Selon lui, le ministre Massé a dit que le Bloc et le Parti Québécois constituent un danger à la sécurité du Canada. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit clairement - j'étais là - qu'ils constituent un danger pour l'unité du Canada. C'est une déclaration tout à fait différente qui exprime un sentiment très différent.

Le président: Si vous me permettez, je vais vous interrompre. Il y a peut-être une raison tout à fait valable pour expliquer pourquoi nous ne sommes pas d'accord, au moins rétrospectivement, sur ce que le ministre aurait dit ou n'aurait pas dit. Je suppose que vous parlez d'une déclaration lors de la période des questions d'aujourd'hui?

Mme Cohen: Oui.

Le président: Monsieur Langlois, vous avez le droit de donner votre version de la déclaration, mais il se peut que tout le monde ne soit pas d'accord avec vous pour ce qui est de l'interprétation de cette déclaration. En tout cas, vous êtes certainement libre de continuer vos questions, même si elles touchent des cordes un peu sensibles chez certains membres.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, je comprends très bien l'intervention de Mme Barnes.

[Traduction]

Mme Cohen: Mon nom est Cohen.

[Français]

M. Langlois: Qu'est-ce que j'ai dit? J'ai dit Barnes. Excusez-moi, madame Cohen. Je suis habitué à avoir Mme Barnes comme vis-à-vis. Je ne me réfère pas aux paroles du ministre à la Chambre cet après-midi, mais à celles qui sont rapportées dans les journaux de ce matin et qui sont quelque peu

[Traduction]

à l'encontre de sa déclaration antérieure.

[Français]

Donc, je vois que le ministre a corrigé son tir. Peut-être a-t-il eu l'occasion de vous parler entre-temps, monsieur Courtois, parce qu'il savait que vous comparaissiez devant nous aujourd'hui. Avez-vous eu l'occasion de parler au ministre depuis hier?

M. Courtois: Pas du tout.

M. Langlois: Si vous lui aviez parlé, lui auriez-vous conseillé de corriger son tir à la Chambre aujourd'hui?

M. Courtois: Monsieur le président, voyons!

M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le président, je croyais que le but de la rencontre était de réviser les prévisions budgétaires telles qu'elles ont été déposées au Comité. Si je ne m'abuse, c'est bien ça, le but de l'exercice d'aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Effectivement, notre tâche est d'examiner le budget des dépenses principales, même si nous sommes déjà réputés avoir rendu compte du budget des dépenses principales à la Chambre. Si nous suivons cette procédure, c'est parce qu'elle est utile pour nous et pour les Canadiens, et espérons-le, pour l'organisme en question.

En pratique, on donne beaucoup de latitude aux députés quand ils posent des questions sur le budget des dépenses principales. À mon sens, les questions de M. Langlois restent dans les limites permises, mais j'espère qu'il me pardonnera de noter que nous parlons d'une déclaration qui a été faite pendant la période des questions, il y a à peu près une heure. D'habitude, ce genre de question est soulevée dans le cadre des procédures régissant les délibérations sur la motion d'ajournement.

En tout cas, ces dix minutes appartiennent à M. Langlois, et la question qu'il soulève est certainement dans le domaine public.

[Français]

M. Langlois: J'espère que les rappels au Règlement seront soustraits de mon temps, monsieur le président. Je comprends que le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine a d'autres intérêts à servir.

Je reviens à M. Courtois. Pour ce qui est de votre mandat général, j'en suis à votre capacité préventive. On sait qu'après le référendum, il sera trop tard pour vous. Vous pourrez blâmer tout le monde et son père, mais si des choses irrégulières et non conformes aux traditions démocratiques ont lieu, il sera trop tard pour faire quelque chose. On sait combien de temps il faut pour mener à bien les procédures curatives.

Quelles garanties êtes-vous en mesure de donner aux souverainistes québécois qui ont été qualifiés de menaces pour le Canada qu'ils ne feront pas l'objet d'examens, d'écoute ou de toute mesure de déstabilisation, de coup monté qui pourrait venir du SCRS pour les discréditer, suivant ce que le ministre Massé a dit hier?

M. Courtois: La garantie est dans la loi. Ils n'ont qu'à lire la loi pour savoir que s'ils ne l'enfreignent pas, ils ne seront pas sujets à des mesures d'espionnage ou de contre-espionnage et de surveillance.

.1545

M. Langlois: Si vous constatez des choses, suivant les articles auxquels vous vous êtes si souvent référé dans la loi, vous en ferez rapport au solliciteur général du Canada, et non pas à ce comité.

M. Courtois: Exactement.

M. Langlois: On est exactement au même point qu'à la première séance, alors que le même témoin nous a dit à l'avance que s'il se passait quelque chose, il en ferait rapport à la branche exécutive du gouvernement du Canada et non pas aux parlementaires.

En tant que parlementaire, je considère qu'il y a là un bris de nos privilèges. J'ai déjà une motion en attente quelque part. Je pense qu'on va la sortir et faire rapport au Comité plénier de la justice et des questions juridiques afin que nous puissions éventuellement faire rapport à la Chambre.

Les témoins du CSARS se moquent littéralement des députés élus par la population canadienne qui siègent ici afin de défendre leurs intérêts. Les choses qui se passent derrière les portes closes entre le CSARS et le solliciteur général sont inconnues de la population canadienne et nous sommes un peu comme des marionnettes.

Je me permettrai de rappeler au témoin de surveiller un peu ce qui passe sur le réseau satellite C-SPAN et C-SPAN 2. Il verrait qu'à la Chambre des représentants américaine et au Sénat américain, les témoins qui donnent ce genre de réponse sont habituellement cités pour outrage au Congrès.

Je pense que le CSARS aurait grand intérêt à faire un retour aux sources du parlementarisme et à s'imprégner du respect qu'il devrait normalement avoir pour les élus de la population.

C'est avec tristesse, maître Courtois, que je note qu'en aucun temps, je n'ai perçu de la part de votre service le désir de coopérer avec le Parlement du Canada qui est ici représenté à ce sous-comité.

Je n'ai pas d'autres questions à poser.

M. Courtois: Pour apaiser votre tristesse, je vous dirai que s'il y avait des faits qui venaient à notre connaissance, on en parlerait au solliciteur général. Avant d'enquêter sur un parti politique, j'aimerais mieux avoir la permission du solliciteur général qui connaîtrait tous les faits.

Je n'ai pas dit qu'on le ferait automatiquement et que le seul rapport serait fait au solliciteur général. J'ai simplement dit que notre premier contact serait avec le solliciteur général et qu'avec sa permission, on serait très heureux de faire enquête.

M. Langlois: Vous ne dites pas autre chose que Me Robert qui a assuré l'intérim en attendant votre retour. Il nous a dit que s'il constatait des choses, il ferait rapport au solliciteur général, qu'il n'informerait pas directement les gens concernés, que s'il y avait lieu, il informerait le Bureau du Conseil privé, donc le Bureau du premier ministre qui, lui, pourrait peut-être informer les gens qui ont été victimes d'espionnage ou de quelque autre mesure que ce soit.

Mais pendant tout ce temps, vous ne pouvez pas empêcher les événements malheureux qui risquent de se produire. Vous nous avez dit tout à l'heure, en répondant à une question que je vous avais posée, que vous pourriez intervenir quand tout serait terminé afin de réviser et non de prévenir. Avez-vous une politique préventive?

M. Courtois: On ne commence pas des enquêtes seulement parce qu'il y a une rumeur dans les journaux ou à la télévision. Quand on a des faits sérieux qui indiquent qu'il y a un danger pour la sécurité nationale, on entre en action, mais on ne va pas, simplement sur la foi de rumeurs, déranger tout le monde et faire une enquête qui ne mènerait à rien. On se base sur des faits et non sur des rumeurs.

M. Langlois: Est-ce que vous vous sentez à l'aise dans votre poste de président du CSARS quand un ministre de la Couronne responsable des affaires intergouvernementales ne partage pas votre point de vue?

M. Courtois: Je ne peux pas dire ça parce que je ne sais pas exactement ce qu'il a dit.

M. Langlois: Est-ce que vous lisez les journaux?

M. Courtois: Je les lis, mais je ne suis pas intéressé à tout ce qu'ils disent parce que ce n'est pas toujours exact. Alors, avant de commenter, avant de faire une enquête, j'aimerais voir le texte du ministre, et non pas ce qui est rapporté dans les journaux ou par d'autres.

M. Langlois: Si je comprends bien, vous avez pris connaissance par les journaux des paroles qui sont imputées au ministre et qui sont citées entre guillemets.

M. Courtois: Pas du tout.

M. Langlois: Pas du tout?

M. Courtois: Non!

M. Langlois: Est-ce que je peux vous suggérer de vous procurer les journaux d'aujourd'hui, notamment La Presse, Le Devoir et les journaux de Toronto, pour voir ce que le ministre a dit et, s'il y a lieu, de prendre par la suite des mesures préventives?

.1550

Si vous attendez, il sera trop tard, monsieur Courtois.

M. Courtois: Je ne sauterais pas à des conclusions en lisant les journaux. Si le ministre a dit cela, je le verrai dans le Hansard, et à ce moment-là on pourra aviser. On peut lire trois, quatre ou cinq journaux et avoir cinq versions différentes. Ce n'est pas une base sur laquelle on peut agir, parce que c'est du ouï-dire.

M. Langlois: Lorsque le ouï-dire sera vérifié et sera avéré juste, est-ce que vous serez capable de prendre des mesures préventives?

M. Courtois: Si le ouï-dire est vérifié et si c'est une menace à la sécurité nationale, on va certainement faire une enquête.

M. Langlois: Merci, monsieur Courtois. C'est tout.

[Traduction]

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je dois admettre que je deviens un peu cynique. M. Courtois, vous avez dit que si quelqu'un fait l'objet d'une enquête, surtout une formation politique, quelque chose qui inquiète mon collègue du Bloc québécois, il faudrait que cette personne ait commis des actes illégaux pour être considérée comme un danger au Canada. Vous avez dit que si vous êtes au courant des faits, vous les porterez à l'attention du Solliciteur général, et vous demanderez son autorisation pour faire enquête... et que vous ne lancez pas d'enquêtes à cause des médias, à cause de choses que l'on voit à la télévision ou qu'on lit dans les journaux.

Toutefois, je dois vous dire que c'est précisément cela qui s'est passé avec le rapport sur le Heritage Front et avec le dossier du Parti réformiste. Je voudrais parler du chapitre 8 de ce rapport, que vous avez intitulé, de façon inoffensive ou innocente, «Le Parti réformiste dans un pays étranger», parce qu'essentiellement, tout ce chapitre porte sur une enquête du SCRS sur Preston Manning. Vous avez inclus ce chapitre dans le rapport, un chapitre qui n'avait absolument rien à voir avec l'enquête sur le Heritage Front. Vous avez donné tous les détails de cet incident, mais vous avez omis une information très pertinente, probablement la plus pertinente, c'est que toute l'enquête portait sur Preston Manning.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez inclus ce chapitre? Pourquoi avez-vous omis de préciser que Preston Manning était l'objet de l'enquête?

M. Courtois: Avez-vous le rapport en question? Je préfère baser mes observations sur le texte exact.

Mme Meredith: Le voici.

Je tiens à dire, pour les besoins du procès-verbal, que c'est dommage que M. Robert ne soit pas ici pour répondre, parce que c'est lui qui a mené ce dossier. J'espère que vous êtes au courant...

M. Courtois: S'il n'est pas ici, c'est parce qu'il siège maintenant à la Cour d'appel.

Mme Meredith: Je sais, monsieur.

M. Courtois: Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais demander àM. Archdeacon de répondre à cette question.

Le président: Je vous en prie.

M. Maurice Archdeacon (directeur exécutif, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité): Je répèterai tout simplement ce que M. Robert a dit par le passé; c'est-à-dire, Mme Meredith nous a demandé de faire rapport sur tout autre enquête du SCRS qui ne portait pas strictement sur le Heritage Front. Vous l'avez demandé dans une de vos 169 questions. À l'époque, nous avons supposé que vous étiez déjà au courant de cet enquête, et certaines des questions que vous avez posées plus tard l'ont confirmé. Elles ont démontré que vous étiez bien au courant.

Alors, nous nous retrouvés pris dans un dilemme. Si nous ne faisions pas rapport là-dessus, vous alliez dire, comme vous l'avez fait par le passé, que nos enquêtes sont incomplètes et que nous n'avions pas décelé cela. Et si nous faisions un rapport, ce serait sur quelque chose qui portait sur M. Manning, mais qui n'était pas une enquête sur M. Manning. Nous avons opté pour la deuxième voie, et nous avons décidé de mentionner quelque chose dont vous étiez déjà au courant, c'est-à-dire, l'enquête sur les dépenses électorales de M. Manning.

Alors, nous avons inclus cette réponse à votre question dans le rapport et nous avons déterminé sans l'ombre d'un doute, comme M. Robert vous l'avait dit à au moins trois reprises, que le SCRS n'a jamais essayé de faire une enquête sur M. Manning lui-même, et qu'il n'a jamais fait une telle enquête. En fait, notre autorisation elle-même indique que personne ne soupçonnait queM. Manning était même au courant de cela.

.1555

Mme Meredith: Je suis certaine que M. Manning ne savait pas qu'il faisait l'objet d'une enquête. Êtes-vous en train de dire au comité que l'on n'a pas ouvert d'enquête CARC de niveau un sur Preston Manning?

M. Archdeacon: Non, ce n'est pas ce que je dis, de toute évidence, parce que nous recommençons le débat que nous avons eu il y a plusieurs heures de cela. Vous savez très bien que ce n'est pas ce que je fais. Au lieu de prendre la peine d'écrire «contributeur non identifié à la campagne de Preston Manning» sur le dossier CARC, quelqu'un s'est contenté d'écrire «Preston Manning» - nous avons admis que c'était du travail bâclé, et je suis certain que le directeur du SCRS en ferait autant. Toutefois, dans le corps du rapport du CARC, il est très clair, vous pouvez le constater vous-même, que l'enquête ne portait pas sur M. Manning. On ne peut pas être plus explicite. La question a été posée et on y a répondu.

Le président: Il conviendrait de signaler à Mme Meredith et aux témoins que nous couvrons ici une matière reposant sur des faits, et qui a déjà fait l'objet d'un examen assez approfondi à huis clos. Je sais que Mme Meredith fera respecter les exigences de la procédure à huis clos. Il nous reste néanmoins amplement de latitude pour poursuivre l'examen de cette question.

Mme Meredith: Il s'agit de documents publics, monsieur le président.

Le président: J'apportais simplement une précision et je m'assurais que les paramètres de la procédure à huis clos seraient effectivement respectés.

Mme Meredith: Si vous me surprenez à dire une chose qui n'est pas du domaine public, je présume que vous le signalerez.

Le président: Il sera déjà trop tard, mais continuez, je vous prie.

Mme Meredith: J'aimerais dire publiquement, que nous avons ici une formule 4002 sur laquelle le nom de Preston Manning a figuré durant trois mois. Il s'agit bien d'une enquête du CARC, car on peut lire sur cette formule, et c'est cela qui sert de fondement à l'enquête, ou CARC un:

M. Archdeacon: Nous avons dit et répété à maintes reprises qu'il s'agit d'une erreur; une erreur qui a d'ailleurs été corrigée, comme vous le savez.

Mme Meredith: C'est par erreur, n'est-ce pas que le service secret de la GRC a incendié une grange? Par erreur aussi, n'est-ce pas, que le service secret de la GRC est entré dans les locaux d'un parti politique et s'est emparé d'une liste de membres dans le cadre de l'opération Ham ou quelque chose comme ça? Ce sont des erreurs qui ont été commises. Si vous aviez été chargé de faire enquête sur le Service canadien du renseignement de sécurité de la GRC à ce moment-là, auriez-vous décidé de ne pas aller plus loin dans votre enquête parce qu'il s'agissait d'une erreur de la part de ce service, erreur qu'il avait admise et qui avait donné lieu à certains changements?

M. Archdeacon: Non, c'est vous qui qualifiez cet incident d'erreur. Je ne suis pas d'accord avec votre choix de mots.

Mme Meredith: À votre avis, ce n'est pas commettre une erreur de mettre le nom d'un dirigeant politique sur un dossier d'enquête CARC de niveau un durant trois mois et de laisser des agents de renseignements partout au pays mener une telle enquête sur le chef d'un parti politique?

M. Archdeacon: Je crois effectivement que c'était une erreur. On s'est trompé, on a fait erreur. Je dis simplement que je ne suis pas d'accord pour qualifier le fait d'incendier des granges et de voler des listes de membres du PQ d'erreurs, comme vous venez de le faire.

Mme Meredith: Comment qualifieriez-vous ces actes?

M. Archdeacon: Je parlerais d'infraction, de transgression de ce qu'il était raisonnable, pour cet organisme, de faire dans le cadre de ces enquêtes.

Mme Meredith: Connaissez-vous les instructions du ministre?

M. Archdeacon: Oui, je les connais.

Mme Meredith: Ces instructions font-elles partie de la politique du SCRS?

M. Archdeacon: Oui, outre la loi qui a été adoptée par le Parlement, les instructions du ministre constituent l'outil d'orientation qui fait le plus autorité autorité au SCRS.

Mme Meredith: Vous êtes d'avis qu'elles ont beaucoup de poids pour guider la conduite des membres du service dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Archdeacon: C'est exact.

.1600

Mme Meredith: Êtiez-vous au courant qu'il y a une instruction du ministre adressée au SCRS qui dit que si l'on fait enquête sur... laissez-moi plutôt vous lire ce passage pour mémoire. Le ministre dit:

J'en déduis qu'il s'agit d'une directive très sérieuse, ce que vous venez de confirmer. Qui au SCRS est habilité à autoriser la tenue d'enquêtes dans ces secteurs névralgiques?

M. Archdeacon: Dans le cas d'une enquête sur un parti politique, un directeur adjoint aurait l'autorité voulue; toutefois, il préférerait probablement soumettre le cas au directeur avant d'autoriser la tenue d'une enquête sur un parti politique.

Si vous cherchez à dire par là - je sais que je ne devrais pas présumer - qu'il s'agissait d'une enquête sur un parti politique, ça n'en était pas une.

Mme Meredith: Toujours d'après la directive ministérielle, il faut porter une attention particulière aux enquêtes qui ont une incidence réelle ou présumée sur les questions les plus névralgiques de notre société. Voici ce que dit le ministre:

Or, cette directive ministérielle a été publiée juste au moment où un informateur avait infiltré Heritage Front et enquêtait sur le Parti réformiste. Ne pensez-vous pas que cette directive laissait clairement entendre au service que ce qu'il faisait était incorrect?

M. Archdeacon: Non, je ne le pense pas.

Le président: La période de dix minutes étant écoulée, je passe à M. Wappel.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Bonjour, monsieur. Le sujet à l'étude est le budget. J'aimerais d'abord parler de plaintes dont le SCRS a été saisi. On trouve un petit paragraphe bien intéressant à la page 18, et qui se lit comme suit:

À la page suivante, on nous présente un joli petit tableau. Je poursuis ma lecture pour voir de quel genre d'enquête il s'agissait, mais je ne trouve rien. C'est une façon intéressante de laisser une idée en suspens.

Permettez-moi d'abord de vous demander où cette plainte s'insère dans le tableau 5.

M. Courtois: Probablement sous plaintes générales.

M. Wappel: Pour quelle année?

M. Courtois: Probablement 1993-1994.

M. Wappel: En aurait-il été question dans votre rapport de 1993-1994 alors?

M. Courtois: S'il s'agissait d'une plainte générale, elle figurerait parmi les 45 plaintes générales que nous avons reçues.

M. Wappel: Ce à quoi je veux en venir, c'est que je ne me souviens pas de votre rapport de 1993-1994. Y faisait-on expressément mention de ce cas?

M. Courtois: Probablement pas expressément, parce que ce n'était pas un cas très important.

M. Archdeacon: Il l'est pourtant. C'est le cas numéro 6, à la page 76 de votre rapport annuel de 1993-1994.

.1605

M. Wappel: Voyons un peu. Un plaignant de sexe masculin... Est-ce exact? Le plaignant était-il bien un homme?

M. Courtois: Quant à savoir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, si c'est écrit que c'est un homme, alors c'est un homme.

M. Wappel: La question est assez simple quand même. Le plaignant était-il un homme?

M. Courtois: Oui, c'était un homme.

M. Wappel: Merci. Le plaignant en question était-il la même source dont il était question dans l'affaire Heritage Front?

M. Courtois: Je ne pense pas que nous puissions établir un lien précis avec la source qui a participé à l'affaire Heritage Front, parce qu'il serait facile de découvrir son identité en vérifiant le contenu des plaintes.

M. Wappel: Ce serait bien terrible. Il s'agit néanmoins d'une question légitime, n'est-ce pas, monsieur Courtois?

Une source est mentionnée dans l'affaire Heritage Front. On y parle bien d'une source. Je demande simplement s'il s'agit de la même source. La personne qui a déposé cette plainte était-elle la source à laquelle le SCRS avait fait longtemps appel?

M. Courtois: Non.

M. Wappel: Qu'est-il ressorti de l'enquête du comité sur cette plainte?

M. Courtois: La plainte a été rejetée.

M. Wappel: Comment se fait-il que cela ne soit pas mentionné dans le budget?

M. Courtois: Dans le budget des dépenses de cette année?

M. Wappel: Oui. Si je vous pose la question, c'est que vous avez parlé expressément d'un cas précis, laissant entendre par là qu'il méritait, par son importance, d'être porté à l'attention du public. Pourtant, on ne dit mot sur les résultats de l'enquête complète dont vous parlez. Nous apprenons maintenant que votre enquête a donné lieu au rejet de la plainte. Je voulais simplement savoir pourquoi ce fait n'était pas signalé dans le budget des dépenses.

M. Courtois: On dit dans le rapport que le comité a conclu que le plaignant avait reçu un traitement équitable en fait de dédommagement et d'indemnité de départ et que, par le fait même, il n'avait pas droit à un dédommagement supplémentaire.

M. Wappel: Très bien. C'est le rapport annuel de 1993-1994 que vous citez, n'est-ce pas?

M. Courtois: C'est exact.

M. Wappel: La question que je vous posais est la suivante: Pour quelle raison n'a-t-on pas mentionné que la plainte avait été rejetée dans le petit sommaire qui figure dans le budget des dépenses? C'est de cela dont je parle, pas du rapport annuel de 1993-1994.

À la page 18 du budget des dépenses, vous semblez insister sur l'importance de ce cas en le portant de nouveau à notre attention. Vous dites: «le comité a effectué une enquête complète», sans plus. Je me demande pourquoi on n'a pas ajouté une petite phrase pour dire que la plainte avait été rejetée.

M. Archdeacon: Puis-je répondre à cette question?

M. Wappel: Mais bien sûr.

M. Archdeacon: Je suis l'auteur de ce paragraphe; il est tout simplement mal écrit, monsieur Wappel.

M. Wappel: Il n'est pas forcément mal écrit; il y a peut-être une raison pour cela.

M. Archdeacon: L'affaire était déjà publique et, comme cette plainte sortait vraiment de l'ordinaire, nous avons pensé que ça intéresserait le public. Nous en avons donc fait état à cause de son caractère inhabituel et parce que c'était un cas plutôt intéressant.

Je sais qu'on ne dit pas grand-chose et qu'il faut se placer du point de vue du lecteur et non de l'auteur pour se rendre compte de ce qui cloche. J'aurais dû dire que l'affaire avait été classée ou donner quelques précisions. Le fait était connu, et nous ne cherchions pas à le cacher. Cette information était rendue publique dans notre rapport annuel.

M. Wappel: Très bien, merci. À la page 18, vous dites avoir enquêté sur les fondements d'un rapport ministériel. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Courtois: Je prierais M. Archdeacon de répondre à cette question.

M. Archdeacon: Chose curieuse, au moment de l'élaboration de la Loi sur le SCRS, le Parlement a inclus dans le mandat du CSARS le crime organisé, ou l'expulsion pour des motifs d'activités liées au crime organisé. Il arrive - je pense que c'est le troisième cas - que nous soyons saisis d'une mesure d'expulsion, laquelle doit être signée par deux ministres puis, comme la loi l'exige, être soumise au CSARS qui est alors légalement tenu de l'examiner.

Nous avons donc fait exactement ce que la loi exigeait de nous. Il s'agissait d'une affaire longue et compliquée, qui va se retrouver, je crois, devant les tribunaux fédéraux. Le plaignant était entouré d'une grosse équipe d'avocats. L'enquête a été plutôt longue.

M. Wappel: Quel article de la loi s'applique à ce genre d'affaire?

.1610

M. Archdeacon: Je crois que c'est dans la Loi sur l'immigration, monsieur Wappel.

M. Wappel: Pouvez-vous rafraîchir la mémoire des membres du comité en résumant ce que dit la loi. Parle-t-on d'audience en bonne et due forme, au cours de laquelle les avocats du plaignant peuvent se renseigner auprès des ministres sur les motifs et fondements de certaines de leurs actions?

Surtout dans le cas du crime organisé, on suppose que des renseignements assez délicats sont divulgués. Comment se passe les audiences? Pour commencer, se tiennent-elles à huit clos?

M. Archdeacon: En partie. Une audience sur l'habilitation de sécurité se déroule tantôt à huis clos, tantôt en public. Il ne s'agit pas d'un tribunal, mais d'un organe quasi judiciaire.

Dans ce cas particulier, la GRC avait un certain nombre de témoins très secrets à présenter; elle ne voulait même pas que l'existence d'un certain témoin soit connue. Pendant tout ce temps, la personne contre laquelle il fallait témoigner était incarcérée. Au nombre de ses crimes présumés - il a déjà été déclaré coupable ou condamné dans un cas - on compte le meurtre, l'homicide involontaire, l'extorsion, les coups et blessures; le tout pour le compte du crime organisé. Il était donc très périlleux pour les témoins de venir raconter ce qu'il avait fait.

M. Wappel: Quand vous dites que cette personne avait été déclarée coupable, je suppose que vous voulez dire dans un autre pays? Voulez-vous dire ici?

M. Archdeacon: Ici, par un tribunal canadien.

M. Wappel: Cette personne avait été condamnée par un tribunal canadien pour meurtre et activités liées au crime organisé?

M. Archdeacon: Pour homicide involontaire.

M. Wappel: Pour homicide involontaire et d'autres activités liées au crime organisé, ou seulement pour homicide involontaire?

M. Archdeacon: Non il n'a pas été reconnu coupable d'autres activités liées au crime organisé.

M. Wappel: Il a été condamné pour homicide involontaire et, pour ce motif je suppose, deux ministres ont décidé de prendre une mesure d'expulsion à l'égard de cette personne. C'est bien cela?

M. Archdeacon: Je ne crois pas que leur décision se soit fondée sur la condamnation pour homicide involontaire. Il faudrait que je vérifie ce que dit le rapport ministériel, qui a été rédigé avec grand soin, mais je crois que le motif avait plutôt à voir avec le rapport que continuait d'entretenir avec le crime organisé une personne qui vivait au Canada sans être citoyenne de notre pays.

M. Wappel: Bon, le CSARS soumet systématiquement ce genre de rapport à un examen, ou faut-il que quelqu'un en fasse la demande?

M. Archdeacon: Non, les ministres doivent saisir le CSARS; le CSARS doit alors étudier le rapport, puis faire une recommandation au gouverneur en conseil. Ce qu'il a fait.

M. Wappel: La personne sur qui porte le rapport doit avoir la possibilité d'interroger les témoins et ainsi de suite. Quelle est la procédure?

M. Archdeacon: La loi ne le dit pas. Nous nous efforçons de respecter toutes les règles de justice naturelles et les décisions antérieures des tribunaux, pour ne pas qu'une personne qui, de l'avis de notre pays, ne devrait pas résider ici puisse avoir gain de cause par notre faute. Nous prenons donc grand soin de faire de notre mieux.

M. Wappel: Vous avez dit que l'affaire avait été longue. Donnez-nous un aperçu des ressources que vous avez consacrées à cette affaire.

M Archdeacon: Des ressources considérables. Nous avons affecté un de nos agents de recherche exclusivement à cette affaire; ce que nous faisons rarement. Et M. Robert y a consacré beaucoup de temps.

M. Wappel: En fin de compte, la décision a été confirmée et il a vraisemblablement été ordonné que cette personne soit expulsée.

M. Archdeacon: En fait, ce qui se passe, c'est que le comité doit formuler une conclusion, pas une recommandation. Il doit simplement en arriver à une conclusion, puis soumettre son analyse des faits et sa conclusion au gouverneur en conseil. Ce que nous avons fait.

Notre comité n'a aucun pouvoir décisionnel. Seul le gouverneur en conseil a le pouvoir de décider - ce qu'il a maintenant dû faire. Je crois bien que le gouverneur en conseil a statué sur cette affaire à l'heure qu'il est.

M. Wappel: J'ai oublié qu'avec vous, monsieur Archdeacon, il faut faire très attention au mot qu'on utilise; je devrais le savoir pourtant. Ce que je voulais dire, c'était que votre conclusion quant à la rectitude du rapport....

M. Archdeacon: Je vous prie de m'excuser. Je ne voulais pas donner une interprétation étroite à ce que vous....

M. Wappel: Je veux simplement savoir quelle était la conclusion formulée dans le rapport. Confirmait-on la décision prise par les ministres d'expulser le monsieur?

M. Archdeacon: Notre rapport ne confirmait pas, à proprement parler, la recommandation des ministres....

M. Wappel: Oubliez la notion de confirmation.

M. Archdeacon: ...mais on y confirmait le fait que cette personne était assujettie aux dispositions de la Loi sur l'immigration, ce qui permettait de délivrer un certificat dans lequel il serait recommandé de ne pas tenir compte, au moment de décider de l'opportunité de l'expulser, des circonstances atténuantes comme les liens personnels, mais seulement des faits présentés.

.1615

M. Wappel: Je regrette, monsieur le président, excusez-moi. Pour que ce soit clair dans mon esprit, selon l'interprétation de la loi donnée par le CSARS, lorsque deux ministres signent un tel rapport en vertu de la Loi sur l'immigration, le CSARS doit le revoir afin de s'assurer que tout a été fait conformément à la loi. Est-ce exact? C'est ce que la loi exige?

M. Archdeacon: Non, il faut également que le CSARS étudie les faits dans l'affaire en question.

M. Wappel: Donc, le CSARS a étudié la loi, les faits, et a décidé que tout a été fait conformément à la loi, et qu'il n'y avait rien de particulier dans les faits qui justifie une démarche autre que celle proposée par les ministres.

M. Archdeacon: Oui, mais vous l'avez mieux dit que moi.

M. Wappel: Cette personne est-elle encore ici?

M. Arcdeacon: La personne est encore ici.

M. Wappel: Depuis combien de temps cette situation dure-t-ell?

M. Archdeacon: De notre point de vue, ça fait neuf mois, et comme beaucoup de Canadiens le savent, la prochaine étape sera assez longue parce qu'il y a tellement d'appels possibles devant les tribunaux.

M. Wappel: Vous voulez dire en vertu de la Loi sur l'immigration?

M. Archdeacon: Oui.

M. Wappel: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Langlois, cinq minutes.

[Français]

M. Langlois: Monsieur Courtois, j'aimerais revenir à la question des garanties pour être sûr qu'on se comprend bien.

Au moment où on se parle, avec votre connaissance des dossiers du Service canadien du renseignement de sécurité, quelle assurance pouvez-vous me donner quant au présent et au passé et quelle garantie pouvez-vous me donner quant à l'avenir? Pouvez-vous m'assurer que ni M. Lucien Bouchard, ni le Bloc québécois, ni aucun député du Bloc Québécois, ni moi-même, ni le premier ministre du Québec, ni aucun des membres de son Cabinet, ni aucun député de l'Assemblée nationale du Québec, ni M. Mario Dumont, ni personne qui est actuellement identifié comme faisant partie du camp du changement au Québec ne sommes actuellement sous enquête de la part du Service canadien du renseignement de sécurité?

Quelles sont les renseignements les plus frais que vous avez pu vérifier à ce sujet? À quand remontent-ils?

M. Courtois: Il y a une règle voulant qu'on ne dise jamais si quelqu'un est sous enquête ou non. Si une personne nous demandait si elle est sous enquête et qu'on répondait non, ce serait un soulagement. Si on disait oui, ça pourrait nuire à notre enquête.

Je ne vous garantis pas qu'ils ne sont pas sous surveillance, mais ce que je vous dis, et vous êtes peut-être mieux en mesure que moi de le savoir, c'est que s'ils n'ont rien fait d'illégal ou de contraire à la sécurité du Canada, ils ne sont pas sous enquête.

M. Langlois: Monsieur Courtois, vous vous rendez compte de la portée de la première partie de votre énoncé, qui est quand même assez sérieuse. Vous n'êtes pas en mesure de confirmer ou de nier que l'honnorable Lucien Bouchard, un membre du Conseil privé du Canada, n'est pas sous enquête de la part du SCRS ou de la part du président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Ce que vous me dites là est lourd de conséquences, maître Courtois.

M. Courtois: Pas du tout. Je connais la réponse, mais je ne peux pas vous la donner.

M. Langlois: Je vous pose à nouveau ma question: Est-ce que l'honnorable Lucien Bouchard est sous enquête du SCRS à votre connaissance personnelle, ou l'a été?

M. Courtois: Je ne peux pas vous répondre. On ne peut jamais répondre à une telle question parce que ça donnerait, dans le cas où la personne le serait, une indication qui pourrait porter préjudice à l'enquête. On ne peut pas dire non et on ne peut pas dire oui. C'est élémentaire.

M. Langlois: Vous vous réfugiez derrière le secret du confessionnal.

M. Courtois: Pas du tout.

M. Langlois: Vous êtes de l'école de Léon XIII ou de Benoît XV.

M. Courtois: Je ne connais pas toutes les écoles des papes. Je m'en réfère à vous.

M. Langlois: Vous êtes probablement en train d'en construire une nouvelle. Sous votre pontificat actuel, monsieur Courtois...

M. Courtois: Voulez-vous ma bénédiction?

M. Langlois: Pas nécessairement votre bénédiction, mais je vous demande de répondre à ma question, maître Courtois. Est-ce que M. Lucien Bouchard, député de Lac-Saint-Jean, membre du Conseil privé du Canada, est actuellement sous enquête du SCRS, à votre connaissance personnelle, ou l'a été?

M. Courtois: Je ne peux pas répondre à cette question-là, qu'il s'agisse de M. Bouchard, du premier ministre ou de n'importe qui d'autre.

M. Langlois: Monsieur le président, je vous demande d'ordonner au témoin de répondre.

.1620

[Traduction]

Le président: Monsieur Langlois, je crois que vous comprenez la difficulté qu'une réponse à cette question présente pour M. Courtois. Comme n'importe qui d'autre, vous pourriez faire une liste de Canadiens ordinaires et demander à M. Courtois si, à sa connaissance ou à celle du CSARS, le SCRS mène enquête à leur sujet.

Il aimerait bien dire non tout le temps, mais il y a quand même une chance que vous mettiez le doigt sur un nom en particulier et qu'il ne puisse pas vous répondre non. Il faudrait qu'il vous dise qu'il s'excuse, mais qu'il ne peut pas vous répondre, alors qu'il aurait répondu non pour tous les autres noms.

Afin de ne pas s'engager dans cette impasse, dans cette situation difficile, je pense qu'il est prudent de ne pas essayer de deviner qui est ou n'est pas sous enquête à un moment donné.

Il pourrait répondre que selon l'article 2 de la loi, les activités d'un parti à la Chambre des communes, pourvu qu'elles consistent en une «défense ou dissidence» politique légitime, ne constituent pas des menaces à la sécurité du Canada, et qu'il serait donc inapproprié de présumer que les activités politiques actuelles pourraient constituer une menace et donc faire l'objet d'une enquête du SCRS.

Je suis persuadé que M. Courtois aimerait bien répondre à votre question par la négative, mais... Si M. Courtois veut dire au comité qu'aucun des leaders des partis reconnus à la Chambre des communes sont visés par une enquête du SCRS actuellement, ce serait probablement suffisant. C'est donc à lui de décider s'il peut nous aider de cette façon-là.

M. Courtois: Je n'ai aucunement l'intention de répondre à une question qui serait contraire à des règles raisonnables, établies de longue date et comprises par la plupart des gens.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, je dépose une motion pour que le Comité ajourne jusqu'à demain, à 9h30, et que le témoin soit reconvoqué pour demain matin à 9h30 pour qu'il nous fasse valoir les motifs pour lesquels il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au Parlement.

[Traduction]

Le président: À ce moment-ci, monsieur Langlois, je vous demanderais de dire très précisément quelle est la question à laquelle vous voulez qu'on réponde. Peut-être voudriez-vous la poser à nouveau afin qu'elle soit claire et pondérée.

Ensuite, peut-être voudriez-vous préparer une motion que nous pourrions... C'est aux membres de décider quand nous pourrions nous pencher sur cette motion. Si tout le monde y consentait, on pourrait s'en occuper immédiatement, mais les membres voudront peut-être suivre la règle de l'avis de 24 heures qui est normalement exigé par le Comité de la justice.

Vos cinq minutes sont épuisées, et s'il n'y a pas de réponse, nous allons passer à un autre membre du comité. Peut-être pourriez-vous clarifier cela pour moi.

Monsieur Langlois, nous pourrions revenir sur le sujet que vous avez soulevé. Vous pourriez poser la question à nouveau, si vous voulez, et vous ne seriez pas désavantagé. Nous pourrions passer à un autre député maintenant. Est-ce que ce serait...

[Français]

M. Langlois: Vous voulez que je pose la même question, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Langlois: Ma question était la suivante. Monsieur Courtois, est-ce que vous pouvez me confirmer que M. Lucien Bouchard, député de Lac-St-Jean, chef du Bloc québécois et membre du Conseil privé du Canada, n'est pas actuellement sous enquête de la part du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et n'a pas été dans le passé, à votre connaissance personnelle, sous enquête de la part du SCRS?

M. Courtois: Monsieur Langlois, je ne peux pas répondre à votre question.

M. Langlois: Monsieur le président, désirez-vous que je répète ma motion? J'y reviendrai tout à l'heure. Je vais la mettre par écrit.

.1625

[Traduction]

Le président: Vous voudrez peut-être y travailler maintenant.

Nous allons passer à un autre député du côté ministériel. Madame Cohen.

Mme Cohen: Merci. Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur Courtois. J'aimerais passer des théories de complot à quelque chose d'un peu plus concret dans le budget des dépenses.

À la page 6 de la partie III de votre plan de dépenses, le SCRS parle de projets pour 1995-1996, y compris un examen des activités de services de renseignements alliés au Canada. Je pense savoir ce qu'on entend par services de renseignements alliés; toutefois, pourriez-vous nous l'expliquer, ou m'en donner une définition?

M. Courtois: Un service de renseignements serait une agence d'un gouvernement étranger. Dans ce cas-ci, c'est un gouvernement allié du Canada.

Mme Cohen: Très bien. Alors cela veut dire des activités au Canada - s'il y a lieu - de la CIA ou du Service de renseignements britannique ou d'un autre pays qui est notre allié.

M. Courtois: Oui.

Mme Cohen: Ce projet est-il commencé?

M. Courtois: Oui.

Mme Cohen: Pouvez-vous nous dire combien de temps il doit durer, et quand il sera terminé?

M. Courtois: Je crois qu'il serait juste de dire qu'il sera probablement terminé d'ici à la fin juillet, ou plus tôt.

Mme Cohen: Merci. Est-ce qu'un rapport comme celui-là ferait partie du rapport annuel ou serait-ce un rapport selon l'article 54 à l'intention du Solliciteur général? Lorsque vous avez fini votre travail, dans quel type de document faites-vous rapport?

M. Courtois: Ce pourrait être dans le rapport annuel. J'espère que ce serait dans notre rapport annuel, car c'est plus public. Cela peut faire l'objet d'un rapport selon l'article 54 si le comité en décide ainsi.

Mme Cohen: Serait-il juste de dire que vous n'avez pas encore pris cette décision?

M. Courtois: Oui, car le rapport n'est pas terminé.

Mme Cohen: Alors vous ne vous lancez pas dans ces enquêtes avec une idée préconçue de la façon dont vous allez en faire rapport éventuellement.

M. Courtois: Non.

Mme Cohen: Parfait. Est-ce que vous avez un cadre de référence pour ce projet? Dans l'affirmative, l'avez-vous défini? Existe-t-il par écrit, et le suivez-vous quelque part?

M. Courtois: Notre objectif est de découvrir si les services étrangers sont alliés et s'ils fonctionnent conformément à la loi et aux lignes directrices; c'est-à-dire, s'ils fonctionnent au vu et au su du SCRS, et avec sa coopération.

Mme Cohen: Est-ce que vous avez entrepris cette enquête parce que vous le faites périodiquement, ou parce que cela vous intéresse en général, ou est-ce que vous l'avez entreprise à cause de plaintes ou d'incidents précis?

M. Courtois: C'est une procédure habituelle. Il faut faire enquête sur ces choses-là.

Mme Cohen: Quelle est la fréquence des enquêtes sur les activités de services de renseignements alliés au Canada?

M. Courtois: Je ne pense pas que nous puissions faire tout cela en un an. M. Archdeacon me dit que c'est la première fois que nous avons examiné de façon approfondie ce qui s'est fait au cours des dernières années.

Mme Cohen: Ce n'est pas alléatoire, mais c'est un peu...

M. Courtois: Ce n'est pas déclenché par un incident malencontreux.

Mme Cohen: Parfait. Maintenant, j'aimerais poser le même genre de questions. Encore une fois à la page 6 du plan de dépenses, vous parlez d'une vérification portant sur les enquêtes de services de renseignements étrangers effectuée en vertu de l'article 16, ainsi que de l'analyse des renseignements issus du CST et que le SCRS conserve. Avez-vous entrepris ces examens?

M. Courtois: Oui.

Mme Cohen: Quand prévoyez-vous les avoir terminés?

M. Courtois: Encore une fois, je pense que ce serait prudent de parler de la fin juillet.

Mme Cohen: Est-ce que cela s'inscrit dans le prolongement d'examens que vous avez entrepris par le passé, ou est-ce le résultat de préoccupations actuelles?

M. Courtois: Cela s'inscrit dans le cadre d'un examen continu.

Mme Cohen: Est-ce que vous faites ça tous les ans, monsieur Courtois?

M. Courtois: Oui.

Mme Cohen: Est-ce que cela fait partie du rapport annuel, ou est-ce que vous n'avez pas encore pris cette décision?

M. Courtois: Encore une fois, de façon assez sommaire, cela pourrait être dans le rapport annuel; ou encore faire l'objet d'un rapport selon l'article 54.

Mme Cohen: Quel est le cadre de référence pour cet examen?

.1630

M. Courtois: J'aimerais savoir ce que nous pouvons faire à ce sujet car je ne les ai pas devant moi. J'aimerais savoir si on peut ou non les diffuser. Je pense que nous allons les examiner et diffuser ce que nous pouvons.

Mme Meredith: Je n'en reviens pas. Vous refusez de confirmer ou de nier que le chef du Bloc a fait ou fait encore l'objet d'une enquête; or, au cours de mon précédent tour de questions, vous avez passsé près de dix minutes à assurer au comité, à la population canadienne et à moi-même que Preston Manning le chef du Parti réformiste, ne faisait pas l'objet d'une enquête. Soit vous pouvez le confirmer, soit vous ne le pouvez pas.

M. Courtois: Vous déformez les choses, si j'ose dire. Nous avons simplement nié que le CARC ait fait enquête sur Preston Manning, car cela avait été annoncé et avait créé une fausse impression; nous voulions préserver sa réputation. Nous vous avons alors dit que ses dossiers avaient été identifier ou étiquetés de façon erronée.

Mme Meredith: Comment pouvez-vous dire que M. Manning n'a pas reçu une cote particulière par le CARC? Le formulaire 4002 a été établi au nom de Preston Manning et une enquête de niveau un a été effectuée pendant trois mois sous son nom par le CARC. L'erreur n'a pas été remarquée, et elle n'a été corrigée que trois mois après la fin de l'enquête. Comment pouvez-vous nous dire maintenant que le CARC n'a pas effectué une enquête de niveau un sur Preston Manning?

Je voudrais passer à autre chose et me pencher sur les prévisions budgétaires. Le rapport sur le Heritage Front a coûté 200 000$ aux contribuables; et je constate avec stupeur, pour ne pas dire plus, qu'il néglige certains éléments clés. Nous examinons un à un les bribes de renseignements que nous avons pu obtenir du SCRS à propos du dossier de Preston Manning. Ce rapport passe délibérément sous silence certains éléments d'information clés.

Je veux aborder plus précisément un point. Vous nous avez indiqué que l'enquête avait été ouverte parce que l'informateur avait laissé entendre que M. Manning allait recevoir une contribution financière de la part d'un gouvernement étranger. Selon l'enquêteur, l'informateur était de personnalité incertaine, à la fois intéressé et très opportuniste - surtout vis-à-vis de ce qui pouvait être avantageux pour lui. Trois semaines plus tard, le même individu a proposé des renseignements supplémentaires à l'enquêteur. Dans votre rapport, vous dites que l'enquêteur a dit ce qui suit:

Voilà donc ce que le rapport d'analyse disait à propos de ces deux choses. À la ligne suivante, il disait quelque chose que vous n'avez pas inclus dans ce rapport, et c'est: «...le moins que l'on puisse dire est qu'il serait difficile de défendre cet argument». Donc, en analysant l'information qui entrait dans la tenue de l'enquête, l'agent de renseignements déclare dans son rapport que cet argument serait difficle à appuyer.

Un an plus tard, le CARC a lancé une enquête du premier niveau. Rien d'autre dans le dossier ne fait écho à l'idée annoncée par l'analyste, selon laquelle cette théorie ne pourrait pas être défendue. Le CARC a néanmoins ouvert une enquête sur Preston Manning. En vertu de quoi en est-on arrivé à une telle conclusion alors qu'elle ne reposait sur rien? Avez-vous soudain demandé au CARC d'enquêter sur le chef d'un parti politique?

Je veux corriger quelque chose que j'ai dit précédemment quand j'ai un peu anticipé les événements à quelques années de près. La directive ministérielle relative aux établissements d'enseignement et à un parti politique existait à cette époque, ou a été émise très peu de temps après. La personne qui devait donner ou non son aval à l'enquête de niveau un exécutée par le CARC devait savoir que le ministre avait dit qu'on ne devait pas toucher aux partis politiques. Pouvez-vous me dire en vertu de quoi le CARC a pu faire une enquête de niveau un alors que vous n'avez aucune preuve à l'appui des allégations?

M. Courtois: Je pense que nous n'avons pas été assez clair. Le CARC n'a ouvert aucun dossier de niveau un au sujet de M. Manning.

Mme Meredith: Avez-vous vu le dossier?

.1635

M. Courtois: Il y avait un dossier établit au nom de «Ernest Manning». C'était une erreur.

Mme Meredith: C'était Preston Manning.

M. Courtois: Preston, Ernest, peu importe.

Mme Meredith: Il a porté le nom de Preston Manning pendant les trois mois qu'a duré l'enquête.

M. Courtois: Non.

Mme Meredith: Si, monsieur.

M. Courtois: Il portait son nom, mais il ne portait pas sur lui.

Mme Meredith: Il pouvait bien s'appeler n'importe comment. Le dossier portait le nom de Preston Manning et c'est sous le nom de Preston Manning qu'a été effectuée une enquête de niveau un par le CARC. Vous pouvez voir dans votre manuel de politiques qu'une enquête de niveau un du CARC permet à n'importe quel enquêteur, partout au Canada, d'effectuer ce type d'enquête sur la personne concernée par le dossier.

M. Courtois: J'aimerais pouvoir vous satisfaire et vous dire qu'il y avait une enquête de niveau un effectué par le CARC sur M. Manning, mais ce n'est pas le cas.

Mme Meredith: Sur qui portait donc cette enquête sinon sur Preston Manning?

M. Courtois: Peut-être portait-elle sur les activités d'un gouvernement étranger.

Mme Meredith: Mais le nom du dossier ne faisait pas référence aux activités d'un gouvernement étranger; il désignait Preston Manning. Lorsque l'agent de renseignements de Halifax a sorti le nom de Preston Manning, on l'a autorisé à effectuer une enquête de niveau un au nom du CARC, ne portant pas sur un quelconque inconnu appartenant à une sorte de gouvernement étranger. Le dossier portait bien le nom de Preston Manning.

M. Courtois: Si vous le répétez assez souvent, les gens vont finir par vous croire. Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Mme Meredith: Comment pouvez-vous donner de telles garanties à mon collègue du Bloc alors que j'ai des documents qui prouvent que le CARC a fait une enquête de niveau un au sujet du dirigeant d'un parti politique? Le dossier de niveau un du CARC portait son nom et vous nous dites: «Ça va très bien, madame; il n'y a pas de mal si un dirigeant politique fait l'objet d'une enquête de niveau un du CARC». Vous essayez de convaincre le député du Bloc que ça ne pose pas de problème. Ce n'est pas étonnant qu'il s'inquiète.

M. Courtois: Vous dites la même chose sous deux formes différentes. Vous me demandez de vous garantir que le CARC n'a pas fait enquête au sujet de M. Manning; ensuite vous dites que le dossier du CARC était établi à son nom. Ce sont deux choses tout à fait distinctes. Voilà ce que j'essaie de vous expliquer.

Mme Meredith: Comment peut-il s'agir de deux choses complètement distinctes? Le dossier est établi au nom de Preston Manning. C'est incroyable.

M. Archdeacon: Nous avons déjà parlé de cela à plusieurs reprises avec M. Robert. M. Robert a dit à Mme Meredith, de façon on ne peut plus claire, que cela fait déjà un certain temps que nous ne faisons plus seulement attention à la forme mais également au fond. Le fait est que, quand vous voyez le formulaire - je comprends ce que vous voulez dire - ce formulaire 4002 donne l'impression que l'enquête du CARC portait sur Preston Manning puisqu'elle portait son nom. C'est ce que j'appelle la forme.

Le fond contient le texte. La jurisprudence canadienne porte non seulement sur la forme mais aussi sur le fond. Le texte fait clairement ressortir que l'enquête portait sur un pays étranger qui versait peut-être une importante contribution à une campagne électorale. En fait, ce qui intéressait ce pays n'était pas l'élection de M. Manning. Peu lui importait le candidat qui se présentait à Yellowhead; il voulait la défaite de Joe Clark.

Nous avons fait un autre rapport. Je ne sais pas si vous l'avez oublié ou si vous le faites exprès, mais vous avez dit également que la source qui paraissait chercher à servir ses propres intérêts...

Mme Meredith: Elle n'était pas fiable.

M. Archdeacon: ...et qui n'était pas fiable n'avait pas été considérée au départ par le CARC comme pouvant justifier la tenue d'une enquête. Vous le savez très bien parce que je vous l'ai déjà dit personnellement deux fois. Vous l'avez dit à deux reprises la dernière fois, et lorsque vous l'avez dit la deuxième fois, je vous ai dit: «Si vous voulez répéter les mêmes allégations, je vais répéter la même réponse». Je vais donc la répéter une troisième fois. Entre ces deux événements, des renseignements très fiables, provenant d'une organisation étrangère, ont été fournis à notre pays; ils montraient, hors de tout doute, que ce gouvernement étranger avait prévu d'utiliser une somme considérable dans le cadre de la campagne électorale canadienne. Et vous le savez très bien.

Mme Meredith: Vous me dites donc...

Le président: Me Meredith, je sais à quel point vous voulez absolument avoir le dernier mot dans cette affaire, mais votre temps de parole est épuisé...

Mme Meredith: Mais je crois qu'il laisse entendre que j'ai travesti la vérité.

Il y a une question à laquelle on n'a pas répondu; pourquoi, dans son rapport, le SCRS at-t-il omis de mentionner une ligne qui infirmait l'hypothèse selon laquelle...

Le président: Vous avez cité cette ligne. Elle figure au procès-verbal.

Mme Meredith: Ne peut-on pas me répondre?

M. Archdeacon: La réponse est que l'enquête n'a pas été ouverte sur la base de cet élément, donc rien n'a changé. Aucune enquête n'a été effectuée sur la base de l'information provenant de cette source. Il n'y en a pas eu. La conclusion a été négative.

.1640

Le président: Point final.

Madame Cohen.

Mme Cohen: Je crois savoir, monsieur Courtois, que votre santé est bonne maintenant.

M. Courtois: Merci beaucoup.

Mme Cohen: J'aurais dû dire au début de la séance que nous étions très heureux de vous retrouver. Je sais que ce n'est pas la première fois que vous vous présentez devant notre comité. C'est une erreur de ma part de ne pas l'avoir mentionné.

Je crois également savoir que, depuis la nomination de M. le juge Robert à la Cour d'appel du Québec, il y a eu une nouvelle nomination au Conseil du SCRS, Mme Gauthier.

M. Courtois: Mme Gauthier avait déjà fait partie du Conseil du SCRS.

Mme Cohen: Oui. Je voulais simplement confirmer auprès de vous, et afin que cela figure au procès-verbal, qu'il n'y avait jamais eu absence de quorum au SCRS après...

M. Courtois: Oh, non, car le SCRS peut fonctionner avec seulement trois membres.

Mme Cohen: Oui. Quel a été le nombre le moins élevé de membres au SCRS depuis octobre 1993?

M. Courtois: Quatre; simplement depuis le départ de M. Robert.

Mme Cohen: Lorsque M. Robert a quitté le SCRS pour aller à la Cour d'appel, vous sentiez-vous physiquement en mesure de continuer à assumer la présidence?

M. Courtois: Oui.

Mme Cohen: Et tous les autres membres du SCRS, à l'exception bien entendu de M. Robert, étaient membres à part entière du SCRS?

M. Courtois: Oh oui; ils sont en bonne santé, et j'espère qu'ils continueront de l'être pendant de nombreuses années.

Mme Cohen: Serait-il juste de dire qu'ils s'intéressent encore à leur travail et qu'ils font la preuve de cet intérêt; et qu'ils consacrent beaucoup d'efforts à ce travail?

M. Courtois: Ils sont très intéressés et ils font tous les efforts que l'on attend d'eux.

Mme Cohen: Pour finir, à propos de Mme Gauthier, vous avez déjà dit qu'elle est, me semble-t-il, une des personnes les plus expérimentées à cet égard dans cette partie du pays.

M. Courtois: Je pense qu'elle a déjà été membre du Conseil du SCRS pendant sept ans. Elle avait commencé en 1984.

Mme Cohen: A-t-il fallu lui accorder une quelconque formation particulière pour qu'elle puisse remplir ses fonctions?

M. Courtois: Non.

Mme Cohen: Participe-t-elle également à part entière?

M. Courtois: Elle a été nommée la semaine dernière. Nous avons eu une réunion le lendemeain, mais elle n'a pas pu y participer. Nous n'avons pas de réunion prévue avant juillet. Elle assistera à notre réunion du mois d'août.

Mme Cohen: À la page 6 de votre plan de dépenses, vous dites qu'en 1995-1996, vous allez examiner les nouvelles instructions données au SCRS par le Solliciteur général. Est-ce une activité normale? Faites-vous cela régulièrement chaque année?

M. Courtois: Chaque année, nous examinons... C'est une pratique courante.

Mme Cohen: Êtes-vous avertis à l'avance des instructions du ministre, ou êtes-vous consultés à leur sujet?

M. Courtois: Non, pas du tout. Cela se fait après coup.

Mme Cohen: Donc, c'est toujours un examen a posteriori?

M. Courtois: Exactement.

Mme Cohen: Appliquez-vous des critères particuliers pour l'évaluation des retombées et de l'efficacité de ces instructions?

M. Courtois: Je vais demander à M. Archdeacon de vous répondre; il connaît la chose de plus près.

M. Archdeacon: Madame Cohen, nous ne nous appuyons sur aucun principe particulier pour les évaluer car elles portent sur des sujets très variés; et elles sont souvent ponctuelles. Il ne se présentera plus jamais rien à propos de ce domaine, par exemple en ce qui concerne les sources et les institutions délicates.

Nous vérifions donc si ces instructions sont réalistes et si la politique définie par le ministre remédie aux lacunes que nous avons constatées antérieurement. Bien souvent, même si nous ne faisons pas de propositions préalables au ministre, nous laissons entendre qu'il faudrait changer ou ajouter quelque chose. Nous commentons parfois les rapports annuels ou les rapports présentés en vertu de l'article 54; et tout d'un coup, le ministère publie de nouvelles instructions.

Nous vérifions donc les choses sous cet angle et, au niveau régional, nous consultons les contrôleurs, les enquêteurs et tous les gens qui sont là. Nous leur demandons quelles incidences ces instructions ont eues sur leurs activités pratiques; et si elles représentent un simple exercice théorique ou influencent véritablement la façon dont les choses se passent sur le terrain. Si c'est le cas, cela veut dire, sans doute, que l'objectif recherché est atteint.

Mme Cohen: Donc, si le SCRS a des réserves à propos d'instructions politiques émanant du ministre qui ne lui conviennent pas, il pourrait en discuter par votre intermédiaire... tout aussi bien que s'adresser au ministre.

M. Archdeacon: Il pourrait le faire, si nous étions d'accord avec lui, oui. C'est une idée intéressante. Il ne l'a encore jamais fait, mais il pourrait le faire.

.1645

Mme Cohen: C'est ma prochaine question. Vous me faites gagner un peu de temps.

Voulez-vous me dire si par le passé, vous avez critiqué des directives données par le ministre? Avez-vous jamais demandé qu'elles soient modifiées? Quelle réponse avez-vous eue des divers ministres?

M. Archdeacon: Oui, nous avons fait des critiques et les ministres y ont répondu. De fait, il paraît que le ministre actuel est en train de préparer sa réponse au rapport sur l'affaire du Heritage Front, mais elle n'est pas encore prête.

Mme Cohen: Je n'ai plus de questions. Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Monsieur Courtois, en décembre dernier, lorsque le SCRS a comparu devant le Comité, j'ai demandé, comme l'ont aussi demandé Mme Meredith et mes collègues, si le Parti réformiste et son chef, Preston Manning, avaient fait l'objet d'enquêtes. La réponse a été qu'il n'y avait pas d'enquêtes sur les partis politiques au Canada.

Nous avons eu la même réponse aux questions qui ont été posées au solliciteur général à la Chambre. Le solliciteur général a dit qu'il n'y avait pas d'enquête au sujet des partis politiques représentés à la Chambre des communes.

On apprend, dans la lettre du 27 janvier dernier qui a été transmise à ce comité, qu'il y avait effectivement un dossier qui portait le titre «Preston Manning» et qui a été rebaptisé «LNU/FNU». Plus tard, on débaptise ce qu'on a baptisé pour dire que ça ne touchait pas M. Manning, mais un pays étranger qu'on pense être l'Afrique du Sud. C'est l'extrapolation que j'en fais, mais il s'agit d'un pays étranger.

D'une part, vous affirmez que M. Manning n'est pas impliqué et d'autre part, vous ne pouvez pas m'assurer que M. Bouchard n'est pas l'objet d'un ciblage actuellement ou qu'il ne l'a pas été dans le passé.

Vous avez, me semble-t-il, une double norme qui à la fois ne me rassure pas sur les activités que vous avez menées à l'endroit du Parti réformiste du Canada et de M. Manning et ne me rassure pas à l'égard des activités que vous avez menées ou que vous menez actuellement à l'égard de M. Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, ou des députés du Bloc québécois.

M. Courtois: Vous me parlez de deux choses complètement différentes. Vous m'avez demandé s'il y avait une enquête sur M. Bouchard et j'ai dit que je ne pouvais pas vous répondre.

Vous parlez d'une enquête sur M. Manning. Je vous dis que le dossier auquel vous vous référez ne constituait pas une enquête sur M. Manning. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'autres enquêtes. Il pourrait y en avoir, mais je ne peux pas dire s'il y en a ou non. Le dossier auquel vous vous référez n'était pas et n'est pas une enquête sur M. Manning. Je l'ai dit en français et en anglais. Je ne vois pas ce que je peux ajouter à cela.

M. Langlois: Même si on mettait une étiquette «Lada» sur une Cadillac, ça ne changerait pas la grosseur de la voiture ou sa cylindrée. Appelons ça comme on veut: si on intitule un dossier «Preston Manning», on n'y parle probablement pas du saumon de l'Atlantique. J'ai l'impression que dans ce dossier...

M. Courtois: Dans ce cas-là, peut-être.

M. Langlois: Dans ce cas-là, on parle du saumon de l'Atlantique. Alors, on revient thon avarié.

M. Courtois: On parlait de choses autres que de Preston Manning. Je ne sais pas combien de fois on peut vous dire la même chose. Je suis en peine de mots.

M. Langlois: Cela ne tient pas debout, monsieur Courtois.

M. Courtois: C'est parce que vous ne comprenez pas. Si vous ne voulez pas comprendre, monsieur Langlois, je ne peux pas vous y forcer.

M. Langlois: Vous avez un dossier qui est intitulé «Jacques Courtois» et on vous dit qu'on parle là-dedans de l'équipe junior «A» de Fredericton. Il y a quand même des limites à se tromper.

M. Courtois: Je l'ai dit à Mme Meredith et je vous le dis. Si vous ne voulez pas comprendre...

M. Langlois: Vous êtes en mesure de m'assurer qu'on ne parle pas de Preston Manning, d'une part, mais vous n'êtes pas capable de m'assurer que M. Bouchard ne fait pas l'objet d'écoute.

M. Courtois: Non. Soyez de bonne foi et écoutez-moi. Si vous voulez parler de Preston Manning, je n'ai pas dit qu'il n'était pas sous enquête; j'ai dit que ce dossier ne constituait pas une enquête sur Preston Manning.

M. Langlois: Je vais vous poser de nouveau ma question. Pouvez-vous nous donner l'assurance que M. Preston Manning ne fait pas actuellement l'objet d'une enquête du SCRS ou qu'il n'a pas fait l'objet d'une telle enquête dans le passé?

M. Courtois: Non.

M. Langlois: Ah! Là j'ai une réponse.

M. Courtois: Tout dépend de la façon dont vous posez la question. Je vous dis que le dossier auquel Mme Meredith se réfère n'était pas une enquête sur M. Manning.

M. Langlois: Si je décode votre question - on a besoin d'un décodeur car on est dans le monde de l'autoroute électronique, semble-t-il - , je comprends que M. Manning peut très bien faire l'objet actuellement ou avoir fait l'objet dans le passé d'une enquête électronique, peu importe le dossier dont on a traité.

On nous a jeté de la poudre aux yeux pendant des mois pour nous faire croire que le Parti réformiste n'avait pas été sous écoute, n'avait pas été infiltré.

.1650

On nous sert la même médecine, les mêmes paroles par rapport au Bloc québécois, à son chef, un membre du Conseil privé, un de vos collègue du Conseil privé d'ailleurs.

M. Courtois: J'irais jusqu'à dire que votre ajout est de mauvaise foi. Vous mettez des mots dans ma bouche. Vous dites qu'on a fait cela pour jeter de la poudre aux yeux. Ce n'est pas du tout ce dont on a discuté. Vous savez ce dont on a discuté. On a discuté d'un dossier spécifique qui portait le nom «Preston Manning» et qui traitait d'un autre sujet. En toute justice pour M. Manning, nous avons dit que ce n'était pas une enquête sur lui.

M. Langlois: Donc, ce n'était pas ce dossier-là qui était une enquête sur M. Manning. Cela veut dire que deux dossiers plus loin, on pouvait trouver un dossier sur Preston Manning. Vous n'êtes pas en mesure de me l'infirmer aujourd'hui. Vous me dites que vous n'êtes pas capable de répondre. Est-ce bien ce que vous me dites?

M. Courtois: Je vous dis que je ne répondrai pas quand on me demandera si quelqu'un est sous enquête de la part du SCRS.

M. Langlois: Une chose est claire aujourd'hui, et ce que je peux tirer de cela, c'est qu'on est en mesure de penser que M. Manning et M. Bouchard sont actuellement l'objet d'enquêtes du SCRS et vous ne pouvez pas le nier.

M. Courtois: Si vous voulez vivre dans votre monde imaginaire, allez-y, mais ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

M. Langlois: Ce n'est pas Astérix, Tintin ou d'autres personnages de bandes dessinées. Je vise le chef de l'Opposition officielle à la Chambre des communes et le chef du troisième parti à la Chambre des communes. Je ne parle pas de personnages imaginaires.

M. Courtois: Que me demandez-vous à leur sujet?

M. Langlois: Je vous demande si M. Manning, le Parti réformiste, M. Lucien Bouchard et le Bloc québécois font actuellement l'objet d'enquêtes de la part du SCRS ou l'ont déjà fait, à votre connaissance personnelle.

M. Courtois: J'ai déjà répondu que je ne peux pas répondre à cette question.

M. Langlois: Monsieur le président, je dépose ma motion.

[Traduction]

Le président: Parfait.

[Français]

M. Langlois: Je propose que le Sous-comité s'ajourne jusqu'à demain matin à 9h30 et que le témoin Jacques Courtois soit reconvoqué à ce moment afin qu'il donne les motifs pour lesquels il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au Parlement suite à son refus caractérisé de répondre aux questions qui lui ont été posées relativement à la surveillance que le SCRS exerce ou a exercée à l'endroit de M. Lucien Bouchard, député de la circonscription de Lac-St-Jean, membre du Conseil privé du Canada et chef de l'Opposition officielle, et de M. Preston Manning, chef du Parti réformiste du Canada.

[Traduction]

Le président: J'ai bien entendu la motion. Je dois vous dire, monsieur Langlois, que je pourrais la déclarer irrecevable, pour le moment au moins, à cause de diverses raisons dont: numéro 1, manque de préavis; numéro 2, incorporation d'une résolution qui traite d'outrage.

Cette question relève de la Chambre et non pas du comité. Naturellement, dans ce contexte, si nous voulions aller de l'avant, le comité ferait rapport de ce refus de répondre à la Chambre et demanderait... à ce moment-là, on porterait une allégation d'outrage.

Je me tais. Je vais tout simplement demander à mes collègues s'ils veulent intervenir.

M. Wappel: J'aimerais tout simplement savoir, monsieur le président, si la motion est recevable. Je crois qu'il faut un préavis.

Le président: Le greffier m'informe que l'obligation de préavis ne s'applique pas au sous-comité, parce que nous n'avons pas adopté les mêmes règles que le comité principal.

M. Wappel: Donc, la motion est recevable pour ce qui est des délais. Est-elle recevable du point de vue du texte?

Le président: À mon avis, la motion n'est pas recevable à cause de la façon dont elle caractérise l'outrage et ce n'est pas à ce comité de décider s'il y a eu outrage.

Et voilà, nous traitons de nouveau la question de la forme et du fond. Peut-être que nos collègues aimeraient parler du fond de la motion. Je vais déclarer la motion irrecevable, à cause de sa forme.

M. Wappel: Alors la question est réglée. Monsieur le président, je suis prêt à poser des questions à propos du budget des dépenses.

Le président: D'accord.

M. Wappel: Merci.

.1655

À la page 7 des prévisions budgétaires, nous voyons les exigences financières du CSARS. Dans votre déclaration liminaire, monsieur Courtois, vous expliquez que votre budget diminue chaque année or, nous constatons pourtant qu'il a augmenté; de 6 000$. Je crois que c'est cela. Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment votre budget a augmenté de 6 000$ alors que vous nous dites qu'il diminue chaque année.

Ce faisant, vous pourriez également nous expliquer ce que signifie la phrase «une augmentation de 50 000$ pour remplacer les crédits de la traduction»? J'ai rarement entendu une phrase aussi ambiguë.

M. Courtois: L'augmentation est due aux facteurs suivants: Avant tout, il y a une diminution de 36 000$ correspondant à la réduction budgétaire des années précédentes. Il y a eu une diminution de 8 000$ consécutive au gel des salaires. Mais il y a eu une augmentation de 50 000$ pour remplacer les crédits consacrés à la traduction. Jusque là, toute la traduction nous était absorbée par le gouvernement; nous n'avions rien à payer. On a supprimé ce service et nous devons maintenant le sous-traiter ce qui nous coûte environ 50 000$ par an.

M. Wappel: Somme que le gouvernement vous a donné.

M. Courtois: Non, il nous fournissait autrefois le service...

M. Wappel: Cela fait partie de vos prévisions budgétaires.

M. Courtois: Nous avons, dans les prévisions budgétaires, 1 415 000$ au lieu de 1 409 000$.

M. Wappel: C'est exact.

M. Courtois: Il y a une différence de 6 000$.

M. Wappel: Oui. Donc, en fait, votre budget a augmenté, et non pas diminué.

M. Courtois: En fait, nos dépenses ont diminué, car nous devons maintenant payer un service que nous recevions gratuitement.

M. Wappel: Excusez-moi. Je vais essayer d'être plus clair. Les sommes prévues comme devant être fournies par le gouvernement, par la population du Canada, pour 1995-1996 au CSARS et dont nous avons, je suppose, déjà approuvé le montant...

M. Courtois: C'est exact.

M. Wappel: Nous en parlons donc après coup, puisque nous avons déjà voté là-dessus. Nous avons déjà approuvé que l'on consacre 1 415 000$ au CSARS en 1995-1996.

L'année dernière, je suppose, nous avons approuvé la somme de 1 409 000$. Nous approuvons donc en fait cette années 6 000$ de plus que l'année dernière. On peut dire ce qu'on veut, il me semble qu'il s'agit là d'une augmentation du budget.

M. Courtois: La somme de 1 409 000$ était une prévision. L'augmentation de 6 000$ est due à la dépense supplémentaire que constituent ces 50 000$.

M. Wappel: Je comprends cela, mais...

M. Archdeacon: J'ajouterai, monsieur Wappel, que jusqu'à maintenant, nous recevions gratuitement des services de traduction qui valaient approximativement 51 000$; et cette somme était attribuée par le Parlement au Bureau du Conseil privé qui payait cette traduction à notre place. Nous envoyions simplement les documents au Bureau du Conseil privé où ils étaient traduits.

Donc, en fait, ces 51 000$ ont toujours fait partie de notre budget; tout comme le loyer de 193 000$ que nous ne payons pas au ministère des Travaux publics parce que les locaux nous sont fournis gratuitement. Si le gouvernement décidait subitement que c'est à nous de payer ce loyer plutôt qu'au ministère des Travaux publics, ces 193 000$ figureraient dans nos prévisions budgétaires. Ce ne serait toutefois pas une augmentation de l'argent qui nous est versé puisque nous devrions le débourser à notre tour.

En fait, le Bureau du Conseil privé reçoit maintenant 51 000$ de moins qu'autrefois pour les services de traduction qu'il nous fournissait gratuitement, et cet argent figure dans nos prévisions budgétaires. En fait, la somme dont nous disposons pour nos dépenses de fonctionnement est de 44 000$ inférieure à ce qu'elle était l'année passée. Nous faisons faire encore la même quantité de traduction et l'argent correspondant est inclu maintenant dans notre budget - et non dans le budget général du Conseil privé. Mais en fait, il faudrait également ajouter ces 50 000$ au budget de l'année dernière. Si la situation avait été alors la même, notre budget aurait été de 1 459 000$; l'année précédente il aurait été également de 50 000$ de plus, etc.

M. Wappel: Donc, en fin de compte, vous fonctionnez avec 44 000$ de moins que l'année dernière.

M. Archdeacon: Exactement.

M. Wappel: C'est là où je voulais en venir.

Je voudrais maintenant passer à certaines expressions figurant dans le texte; à la page 6, vous dites qu'il y aura un examen annuel des échanges d'informations pratiqués avec des organisations nationaux. Qu'est-ce qu'une organisation nationale?

.1700

M. Courtois: C'est tout ce qui existe au Canada, tous les organismes gouvernementaux.

M. Wappel: Qu'ils soient fédéraux, provinciaux ou municipaux. Est-ce que cela inclurait les services de police et autres?

M. Courtois: Oui.

M. Wappel: Mme Cohen parlait de l'examen des activités des services de renseignements alliés. Cet examen est en cours, et il est censé se terminer bientôt.

Pouvez-vous nous dire quels services de renseignements alliés vous examinez?

M. Courtois: Non.

M. Wappel: Pourquoi?

M. Courtois: Premièrement, je pense que cela ne servirait à rien. Deuxièmement, si la presse disait quelque part que nous faisons enquête sur les services de renseignements de tel ou tel pays, les pays concernés pourraient s'en offusquer.

M. Wappel: Je ne pensais pas que le CSARS faisait enquête. Vous examinez des activités des services de renseignements alliés.

M. Courtois: Ces pays considéreraient, je pense, comme un acte indigne d'un allié le fait de déclarer que nous surveillons leurs activités au Canada.

M. Wappel: Par contre, on pourrait dire que c'est aimable de notre part puisque nous les désignons comme des alliés.

M. Courtois: Je vous demanderai de le leur expliquer.

M. Wappel: Quelle différence y a-t-il entre un service de renseignements allié et un autre? Pourriez-vous nous donner un exemple d'un service de renseignements qui n'est pas allié?

M. Courtois: Je dirais que le service de renseignements de la Grande-Bretagne est un service allié alors que celui de Cuba ne l'est pas.

M. Wappel: À votre connaissance, des services de renseignements alliés se sont-ils livrés à des activités déplacées au Canada?

M. Courtois: Je ne crois pas.

M. Wappel: Monsieur le président, au cours de la dernière législature, nous avons beaucoup entendu parler du Mossad et de M. Ostrovsky. Nous avons eu des audiences à ce sujet. On a dit toutes sortes de choses à ce moment-là. J'ai laissé échappé le nom d'un service de renseignements allié. Se passe-t-il des choses de ce genre? Certains profèrent-ils des allégations?

M. Courtois: Nous voulons essentiellement nous assurer que de tels services ne se livrent pas, incognito, à des opérations clandestines. Nous voulons être sûrs qu'ils sont en contact avec le SCRS et qu'ils collaborent étroitement avec lui.

Pour répondre à votre première question, je n'ai rien entendu de négatif au sujet du Mossad.

M. Wappel: Voici une dernière question, monsieur le président. Vous commencez juste à aborder le sujet. Quelles sont les dispositions légales et quelle est la politique en ce qui concerne les activités des services alliés au Canada?

M. Courtois: Je ne pense pas qu'il existe de loi à ce sujet. La politique est qu'ils doivent collaborer avec le SCRS.

M. Wappel: Quelqu'un doit donc savoir qu'ils sont ici...

M. Courtois: C'est exact.

M. Wappel: ...quelqu'un doit savoir ce qu'ils font...

M. Courtois: C'est exact.

M. Wappel: ...et ils doivent sans doute recevoir l'autorisation écrite de la part des autorités canadiennes compétentes.

M. Courtois: C'est exact.

M. Wappel: Et l'on considérerait indigne d'un allié d'avoir un service de renseignements opérant...

M. Courtois: Clandestinement.

M. Wappel: ...clandestinement au Canada.

M. Courtois: C'est exact. À coup sûr.

M. Wappel: Merci.

Le président: Madame Meredith, vous avez cinq minutes.

Mme Meredith: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir sur quelque chose que M. Archdeacon m'a lancé avant que mes cinq minutes ne s'épuisent. Il me disait que j'avais posé deux fois la même question, que vous aviez répondu à deux reprises et que vous alliez me donner la même réponse une troisième fois.

Même si je comprends bien que ces questions ont été posées à huis clos, je me référerai à une conférence de presse qui a eu lieu le 16 décembre, et au cours de laquelle une question du même type à été posée à M. Robert. On lui a demandé si le gouvernement étranger apportait ou non une contribution, et s'il y vait le moindre élément prouvant ou donnant à penser que le gouvernement étranger contribuait financièrement aux activités dans quelconque autre parti politique.

Pouvez-vous répondre à cette question à laquelle M. Robert a répondu le 16 décembre? La réponse fournie laisse-t-elle entendre qu'un ou plusieurs autres partis politiques recevaient de l'argent de la part de gouvernements étrangers?

M. Archdeacon: Me permettez-vous de me fier à ma mémoire? Je me souviens que l'on avait laissé entendre qu'il existait certains liens entre le gouvernement étranger en question et un certain nombre d'autres députés dans d'autres partis. Je crois qu'il y en avait 24. Rien dans l'assez gros dossier relatif à ce gouvernement étranger ne révélait le moindre mouvement d'argent en direction de ces gens-là. On disait que certaines personnes étaient payées pour essayer d'influencer ces gens-là, mais en discutant avec eux et non pas en leur donnant de l'argent.

.1705

On ne savait donc pas avec précision ce qu'avaient fait ces députés, ou qui leur avait dit quoi. On savait seulement avec force détails ce qu'il était prévu que d'autres gens leur disent - et ce que ces derniers recevaient pour leur parler. C'étaient les 24 personnes dont il était question.

Les sommes disponibles dépassaient largement 75 000$. Un peu plus d'un quart de million de dollars avait été transféré au Canada pour être utilisé pendant la campagne électorale. La seule indication précise concernant l'utilisation éventuelle de l'argent - mais seulement de 45 000$ - concernait la possibilité d'une contribution à la campagne menée spécifiquement contre un ennemi du pays en question. En l'occurence, il s'agissait de Joe Clark.

Mme Meredith: Il est donc publiquement établi que ce gouvernement étranger essayait d'influencer 24 députés.

M. Archdeacon: C'est un chiffre approximatif.

Mme Meredith: Et pourtant, d'un seul coup, pour je ne sais quelle raison, on fait enquête sur le chef d'un parti qui, à l'époque, ne s'était présenté à aucune élection et n'avait ni pouvoir ni influence. On a fait enquête sur lui et non pas sur les députés qu'on considérait également comme étant influencé par ce gouvernement étranger. Y a-t-il des dossiers au sujet de qui que ce soit d'autre?

M. Archdeacon: La façon dont vous présentez cela donne l'impression que c'est idiot. Vous avez tout à fait raison, il est idiot de prétendre qu'il n'a pas été fait enquête sur M. Manning. Il n'était pas député et n'exerçait aucune influence. A l'époque, M. Manning était important parce qu'il se présentait à Yellowhead. Si M. X ou M. Y avaient été candidats à Yellowhead, le dossier aurait porté le nom de M. X ou de M. Y. Il s'est agi d'une maladresse. Je sais que vous voulez exploiter la chose, mais elle ne s'y prête pas du tout.

Mme Meredith: Il est néanmoins vrai que, en fait, 24 députés qui étaient en mesure d'influencer la politique gouvernementale n'ont pas fait l'objet d'une enquête et leurs noms ne se sont pas retrouvés, de façon injustifiée, dans un dossier en prévision d'autres mesures éventuelles. Ce chef d'un parti politique qui se présentait dans une circonscription de l'Alberta constituait-il une menace?

M. Archdeacon: Non. À vous entendre, cela a l'air idiot.

Mme Meredith: Non. Excusez-moi. Laissez-moi finir. C'est moi qui ai la parole.

M. Archdeacon: Ce serait idiot.

Mme Meredith: Un dossier à son nom a donc été ouvert en s'appuyant sur des renseignements non fiables. On a ouvert un dossier au sujet de cet individu qui était simplement le chef d'un parti que l'on considérait comme menaçant pour le parti au pouvoir, mais qui n'était pas député et qui n'exerçait aucune influence sur la politique gouvernementale. Dans ce dossier, aucune mention n'est faite de la source fiable ou des renseignements reçus par la source fiable qui, selon vous, ont justifié l'ouverture de ce dossier. Celui-ci ne contient absolument aucune information au sujet de cette source fiable. Alors, si les renseignements en question ont joué un rôle si déterminants dans l'ouverture de ce dossier, pourquoi ne figurent-ils pas dans ce document? Pourquoi n'y a-t-il, dans ce document, aucun élément d'information appuyant cela?

M. Archdeacon: En fait, c'est parce que je n'aurais pas dû en parler du tout. Mais je vous en ai informé et voilà.

Mme Meredith: Mais ces renseignements n'ont absolument rien à voir avec M. Manning. Ils concernent 24 autres personnes qui étaient en mesure d'influencer la politique gouvernementale.

M. Archdeacon: Non, pas du tout. Je ne sais pas ce qui vous fait dire cela. Je n'ai rien dit de tel. J'ai dit que, d'après les renseignements que nous avions reçus, une sommes considérable d'argent avait été envoyée au Canada à l'intention des agents de ce pays étranger pour qu'ils l'utilisent lors de la campagne électorale dans notre pays.

Mme Meredith: Bon. Il y a donc une source non fiable qui a dit à quelqu'un que M. Manning va recevoir 45 000$ - et il avait fallu deux rencontres pour savoir cela. Il est intéressant de noter que, une fois le dossier clos et l'enquête terminée, on m'a laissé entendre qu'il ne serait plus question de tout cela. Or, j'ai ici un document en date du 12 septembre 1990, soit longtemps après le moment où le dossier a été clos, dans lequel on peut lire - et c'est tout ce qui est imprimé et qui n'a pas été effacé:

Pour moi, cela ne donne pas l'impression que ce dossier a été classé. On dirait plutôt qu'on continue à s'y intéresser.

.1710

Il y a un autre document du 7 septembre. Tout ce que je vois ici, dans ce document censuré, c'est le paragraphe numéro 5 où il est dit:

Il ne semble pas que l'affaire soit classée et que le dossier soit clos. Plusieurs mois se sont écoulés depuis. Ce ne peut pas être une erreur ou quelque chose qu'on aurait oubliée; ou encore qu'il n'y avait pas d'enquête. Cette enquête a duré encore des mois une fois que l'investigation de niveau du CARC avait pris fin.

M. Archdeacon: J'imagine que vous dites que ça n'a pas été fait légalement parce que cela ne venait pas d'un CARC. Comme vous le savez, à ce moment-là, l'enquête portait pour titre: «Prénom inconnu, nom de famille inconnu, donateur inconnu, pour la campagne de Preston Manning.» Le titre était donc différent à ce moment-là.

Vous ne pouvez donc pas dire qu'on enquêtait sur Preston Manning à ce moment-là parce que vous avez le nouveau titre, alors que tout ce que vous dites, c'est qu'il s'agissait de l'ancien titre.

Mme Meredith: Le titre figurait sur un dossier qui avait été clos...

Le président: Madame Meredith.

Mme Meredith: ...trois mois après la fin de l'enquête. L'enquête était terminée.

Le président: Vous avez dépassé de beaucoup votre temps de parole et je voulais laisser à notre témoin le soin de terminer sa réponse avant de passer à une autre question.

En avons-nous terminé avec la réponse? Monsieur Courtois. Monsieur Archdeacon? Vous dites que oui.

Nous revenons donc à Mme Cohen pour cinq minutes.

Mme Cohen: Au sommet de la page 2 du document sur la perspective du programme, vous dites que l'un des grands facteurs dont il faut tenir compte pour la gestion des ressources du CSARS et sa capacité d'entreprendre des projets d'envergure quand c'est nécessaire.

Vous donnez comme exemple l'affaire du Heritage Front qui a coûté, estime-t-on, au total plus de 200 000$. Lorsqu'on a quelque chose comme l'affaire du Heritage Front - et nous allons sans doute prendre cette enquête uniquement comme exemple - quel genre de répercussions l'enquête a-t-elle sur les fonctions que devraient normalement assumer le CSARS?

Cela prend-il du temps? Cela coûte-t-il de l'argent? Qu'arrive-t-il à vos autres fonctions dans un si petit organisme?

M. Courtois: Ce chiffre de 200 000$ correspond en gros aux salaires du personnel qui a participé à l'enquête. Il y a des frais de traduction, de photocopie et d'impression, mais le tout revient bien en gros à 200 000$.

Mme Cohen: Nous aurions de toute façon dépensé cette somme parce que ces personnes auraient quand même été là, n'est-ce pas?

M. Courtois: On les paye de toute façon. C'est exact. Nous n'avons pas négligé les autres plaintes. Nous pensons que le suivi des plaintes est un aspect très important dans nos fonctions; toutefois, certaines activités de recherche et autres ont été retardées ou remises à une date ultérieure.

Mme Cohen: Il vous faut donc refaire la liste des priorités. Vous êtes un si petit organisme. Vous n'avez pas des milliers de personnes qui travaillent pour vous, donc...

M. Courtois: Quatorze.

Mme Cohen: ...dans un organisme de si petite taille, le fait qu'un événement atteigne des proportions de crise, parce qu'il est là, qu'il fait à la une des journaux et qu'il faut s'en occuper tout de suite, cause-t-il de gros problèmes d'organisation, ou pouvez-vous vous en occuper tout en continuant à faire le reste de votre travail?

M. Courtois: Pas vraiment. Comme je l'ai dit, nous avons dû interrompre certaines enquêtes et certains travaux qui n'étaient pas urgents. Nous avons donné la priorité aux questions les plus urgentes comme les plaintes, qui n'en ont pas souffert.

Mme Cohen: Au deuxième paragraphe de la page 2 du document sur la perspective du programme, vous parlez de recourir à des colloques pour obtenir, entre autre, l'avis de spécialistes de l'extérieur. Ces colloques sont-ils destinés aux membres de votre Conseil d'administration ou à votre personnel?

M. Courtois: Non. Il s'agissait de colloques avec des gens de l'extérieur, avec des universitaires et des spécialistes du renseignement. Nous organisons le colloque ici. Certains membres y participaient. Ce n'était pas obligatoire. Nous voulions savoir ce qui se passait en dehors de chez nous.

Mais cela coûtait cher. Il nous fallait louer une salle, servir les repas et prendre en charge les frais de déplacement. Nous essayons maintenant de simplifier les choses en organisant des rencontres en tête-à-tête. Lorsque nous avons une réunion mensuelle, si nous avons un déjeuner, nous invitons un expert pour discuter de questions d'actualité.

.1715

Mme Cohen: Pensez-vous cependant que les membres du CSARS peuvent encore obtenir l'information voulue à l'extérieur lorsqu'elle est de nature plus générale, l'information que vous devez connaître...

M. Courtois: Pour l'instant oui.

Mme Cohen: Au premier paragraphe de la page 4 du document sur la perspecptive du programme, vous dites - en ce qui concerne les enquêtes sur les plaintes et les auditions - que vous allez faire plus de travail «à l'interne». Vous dites que vous avez moins recours à des avocats de l'extérieur. Est-ce que vous procédez à des rencontres préparatoires aux auditions pour mieux définir les questions à trancher lors des auditions. Tout cela a-t-il été possible sans entraîner une réduction de votre capacité de faire votre travail?

M. Courtois: Oui...et puisqu'il est question du document, si vous revenez au premier paragraphe de la page 2, vous constaterez que nos prévisions budgétaires sont bien supérieures à ce qu'elles sont. Il ne s'agit pas de millions en marge, mais de milliers.

Mme Cohen: Merci.

J'aimerais savoir si vous pensez que le fait de changer vos pratiques a des répercussions sur votre minutie ou votre efficatié.

M. Courtois: Non.

Mme Cohen: Vous pensez donc pouvoir encore produire des résultats sans...

M. Courtois: Sans être indûment affectés, oui.

Mme Cohen: Qu'en est-il des plaignants qui viennent vous trouver? Recevez-vous des plaintes au sujet de l'opportunité des enquêtes?

M. Courtois: Nous en recevons quelques-unes. Le retard peut ne pas nous être entièrement imputable. Lorsqu'on nous envoie une plainte, il faut qu'elle soit tout d'abord transmise au CSARS, attendre la réponse de celui-ci; c'est alors que nous la recevons. Il est ensuite parfois difficile d'atteindre certaines personnes, certains témoins, etc. Il est possible que dans certains cas il y ait eu des retards légèrement injustifiés, mais pas vraiment graves.

Le président: Si mes collègues n'y voient pas d'inconvénient, je vais vous poser une question. Elle ne porte pas directement sur les sujets abordés jusqu'ici.

Comme le CSARS le sait sûrement, la Chambre des communes et le gouvernement ont décidé de créer un mécanisme de surveillance du Centre de la sécurité des télécommunications. On examine actuellement les solutions possibles. Une d'entre elles consisterait à demander au CSARS d'assumer cette responsabilité. Il y a de très bonnes raisons pour qu'il en soit ainsi, mais il y en a aussi de très bonnes pour qu'il n'en soit pas ainsi. Je m'intéresse personnellement à la question. Je me demande si le CSARS a abordé le problème avec son personnel pour ce qui est de savoir s'il serait l'organisme indiqué pour surveiller le Centre de la sécurité des télécommunications, parallèlement au rôle de surveillance qu'il joue à l'égard du SCRS et de son rôle concernant les plaintes.

M. Courtois: Est-ce que cela supposerait un budget supplémentaire?

Le président: Oui.

M. Courtois: Je ne ferai pas de remarques avant qu'on l'obtienne.

Le président: Je pose la question davantage sur le plan des idées. Si vous avez examiné le problème, j'aimerais savoir quelle est votre opinion maintenant - pour qu'elle figure au procès-verbal. Si vous ne l'avez pas examiné, vous devriez peut-être le faire, pour le bien du Solliciteur général et du gouvernement, s'ils ont l'intention d'étudier le problème. Si vous n'y avez pas encore réfléchi, je vais vous envoyer quelque chose que j'ai préparé sur le sujet.

M. Courtois: Monsieur le président, nous en avons discuté officieusement de temps à autre. La question se pose de toute évidence. Je crois que pour ce qui est de l'opinion du personnel, la personne la mieux qualifiée pour vous répondre serait M. Archdeacon.

Le président: Je préciserais avant que vous ne répondiez qu'une recommandation dans ce sens a été faite vers 1990. Il en a été question.

Mais peu importe, allez-y.

M. Archdeacon: C'est juste, monsieur le président.

.1720

Si quelqu'un d'autre le faisait cela aurait notamment pour avantage que les secrets, etc., du CST susciteront beaucoup d'intérêt, que cela pourra donner une autre cible aux médias et à n'importe qui d'autre qui.... Ils s'intéresseraient un peu à d'autres que nous. Cela nous ferait de la compagnie; nous sommes très isolés pour le moment. Tout le monde s'en prend à nous. Le gouvernement nous dit que nous ne devons en aucun cas révéler de secrets. Tout le monde dit que nous demandons à tout le monde de nous faire confiance aveuglément. C'est donc une situation bien délicate. S'il y en avait d'autres dans la même situation, ils nous tiendraient agréablement compagnie.

Je pense qu'il nous suffirait d'une très faible augmentation de notre budget. D'après ce que je sais du CST - je me fonde sur mon expérience personnelle - je ne pense pas qu'il faille plus de deux personnes. Je n'en mettrais cependant pas la main au feu. Il nous suffirait peut-être d'une personne. Il faudrait examiner la question.

Nous ne souhaitons assurément pas construire un empire. Je suis sûr que nous pourrions collaborer avec qui que ce soit. Nos activités combinées ne laisseraient aucune faille dans le système. Quelqu'un d'autre pourrait également le faire. Je pense que ce serait alors plus coûteux, mais ce serait le seul inconvénient.

Le président: Vous pensez que vous pouvez le faire pour 250 000$ de plus?

M. Archdeacon: Moins que cela, monsieur le président.

Le président: C'est aussi mon avis. Merci.

Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, j'ai une autre motion à vous soumettre.

Je propose que le Sous-comité fasse rapport au Comité permanent de la justice et des questions juridiques pour lui demander de faire rapport à la Chambre du fait que le témoin Jacques Courtois a, de façon caractérisée, systématiquement refusé de répondre à des questions précises concernantM. Lucien Bouchard, chef de l'Opposition officielle, et M. Preston Manning, chef du Parti réformiste du Canada, et leurs partis politiques respectifs quant à leur surveillance par le SCRS.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, vous avez entendu la motion. Je ne vois à prime abord aucune raison de la juger irrecevable. Nos témoins sont encore ici. Je proposerais que nous terminions nos travaux avec eux - cela ne devrait plus durer très longtemps - et que nous passions ensuite à la motion. Cela vous convient-il?

Monsieur Langlois, nous reviendrons certainement à cela dès que nous aurons terminé les questions - ce qui ne devrait pas tarder.

Mme Meredith: Je voudrais préciser quelque chose pour le procès-verbal, monsieur le président. Je veux simplement présenter, en quelques mots, le point de vue du Parti réformiste sur ce qui s'est passé au cours des 10 derniers mois. Nous donnons l'impression de nous sentir directement concernés par toute cette question du rapport sur le Heritage Front; c'est en effet le cas.

Nous avons reçu des preuves établissant que le Service du renseignement de sécurité a enfreint sa propre politique en faisant enquête sur des groupes qui étaient en contact avec le Parti réformiste. Dans son examen de l'affaire relative au Heritage Front, le CSARS a induit en erreur notre sous-comité parlementaire et, par extension, la population du Canada. Il a refusé de nous communiquer des renseignements essentiels et n'a pas tenu compte de renseignements qui ne correspondaient pas à ses théories. Lorsqu'il se trouvait placé devant une question à laquelle il ne pouvait pas répondre, il a rapidement pris prétexte de la sécurité nationale.

Le CSARS prétend être les yeux et les oreilles du Parlement et de la population du Canada. Il semble plutôt penser que moins on est informé, moins on a de problèmes. Nous nous attendions à ce que les gens nommés au comité, en récompense à des services rendus à un parti, fassent preuve d'arrogance, mais j'ai été bien déçu de voir que cette même attitude avait pénétré la bureaucratie.

Je pense en particulier aux commentaires de M. Archdeacon lors de la conférence de presse du 16 décembre. Il est tout à fait déplacé pour un fonctionnaire de se moquer d'un dirigeant politique, comme l'a fait M. Archdeacon en déclarant que M. Manning croyait sans doute en l'existence du monstre du Loch Ness. C'est révélateur de l'arrogance et du mépris que manifeste le CSARS envers le Parti réformiste et l'ensemble du système parlementaire.

Si le SCRS et le CSARS avaient reconnu leurs erreurs et nous avaient assurés avoir pris les mesures nécessaires pour éviter tout nouveau problème de ce genre, je ne pense pas que nous aurions à nous plaindre. Or, ils semblent penser qu'il n'y a rien à corriger; c'est ce qui m'inquiète vraiment.

Ils continuent de nier que le SCRS a fait enquête sur M. Manning ou le Parti réformiste alors que le SCRS connaît dans tous ses détails l'histoire du Parti réformiste. Son rapport montre qu'il surveille ce parti depuis l'assemblée au cours de laquelle il a été fondé jusqu'à l'enquête qu'il a menée sur Paul Frum en 1987 et 1988. En 1989-1990, le CARC a fait enquête sur M. Manning. Enfin, de 1991 à 1993, le SCRS a fait enquête sur le Heritage Front et, par extension, sur les activités du Parti réformiste.

.1725

Suite à la façon dont le SCRS a mené toute cette affaire, le Parti réformiste du Canada se voit contraint de retirer complètement son appui au comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité.

Le Parlement se trouve maintenant dans une situation particulière: seul un des trois partis officiels représentés à la Chambre des communes fait confiance au CSARS. Celui-ci n'a plus de raison d'être étant donné que le gouvernement dispose déjà d'un inspecteur général pour contrôler en son nom les activités du SCRS.

Le Parti réformiste est d'avis que, le SCARS ayant perdu la confiance des trois partis représentés à la Chambre, il n'a pas d'autre option que se dissoudre. Des mesures devront être prises au cours de l'été pour que le sous-comité de la sécurité nationale assure la surveillance du SCRS au nom du Parlement.

Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir donné la possibilité de montrer que l'on pouvait peut-être faire un meilleur usage de la somme de 1,5 million de dollars.

M. Courtois: Aux fins du procès-verbal, je signale ma vive objection à la déclaration deMme Meredith selon laquelle notre comité aurait induit en erreur le Parti réformiste ou qui que ce soit d'autre. Quant à ses autres observations, elles se passent de commentaire.

Le président: Vous avez certainement la possibilité de répondre à la déclaration deMme Meredith. Je suis sûr que cela constituait une question.

Je pense que vous venez de nous donner votre réponse.

Dans ces conditions, chers collègues, nous pouvons remercier nos témoins d'être venus ici. Nous allons maintenant discuter publiquement la motion de M. Langlois.

Nous allons donc avoir une discussion publique relative à la motion présentée par M. Langlois et, ensuite, nous passerons au point de l'ordre du jour dont j'ai parlé précédemment.

Monsieur Langlois, si vos collègues n'ont pas d'autres interventions à faire en matière de procédure, vous pouvez maintenant énoncer les motifs de votre motion.

[Français]

M. Langlois: Est-ce que vous avez besoin d'une relecture, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Chers collègues, voulez-vous que M. Langlois relise sa motion?

Oui, je vous en prie, relisez-là.

[Français]

M. Langlois: Je vais la lire lentement pour faciliter le tâche aux interprètes et je vais la remettre au greffier.

Je propose que le Sous-comité fasse rapport au Comité permanent de la justice et des questions juridiques lui demandant de faire rapport à la Chambre du fait que le témoin Jacques Courtois a, de façon caractérisée, systématiquement refusé de répondre à des questions précises concernantM. Lucien Bouchard, chef de l'Opposition officielle, et M. Preston Manning, chef du Parti réformiste du Canada, et leurs partis politiques respectifs quant à leur surveillance par le SCRS.

Je pense que ma motion n'a pas besoin d'être débattue très longtemps et que c'est une question de crédibilité pour ce sous-comité. Nous avons à démontrer que nous ne sommes pas un tigre de papier.

À plusieurs reprises, en séance publique, des témoins ont refusé de nous répondre, parfois de façon arrogante et d'autre fois avec le sourire. Lorsqu'on arrivait dans les coins, c'était toujours la même chose. C'était l'évasion ou le refus caractérisé, non pas face à des hypothèses, mais face à des questions précises.

J'ai posé au moins six fois aujourd'hui les mêmes questions relativement à M. Bouchard et quelquefois relativement à M. Manning, et le témoin, comme cela a été la situation depuis le début du mois de septembre, a eu la même attitude.

Si nous ne devions pas rapporter ce qui s'est passé ici au Comité permanent, la crédibilité de ce sous-comité en prendrait pour son rhume et tout témoin qui viendrait témoigner à l'avenir pourrait impunément répondre n'importe quoi, sachant qu'aucune mesure ne serait prise envers lui ou elle.

.1730

[Traduction]

M. Wappel: Comme cela semble m'arriver bien souvent, les choses les plus intéressantes se produisent pendant que je vais aux toilettes. J'ai apparemment raté ce petit épisode pendant les quelques instants où je n'étais pas là.

D'après les questions qui ont suivi et vos commentaires, je suppose que l'on a demandé siM. Bouchard faisait, ou avait fait, l'objet d'une enquête de la part du SCRS. Je suppose que c'est ce qui a donné lieu à toute cette discussion.

Bien sûr, je n'ai pas eu l'occasion d'examiner la Loi sur le SCRS dans cette optique. J'ai trouvé vos commentaires intéressants ainsi que la façon dont, par élimination, on peut déterminer exactement qui a fait l'objet d'une enquête en posant des questions qui suscitent toujours une réponse négative jusqu'à ce qu'on cite un nom à propos duquel le témoin dit qu'il ou elle ne peut pas répondre. Bien entendu, on sait alors avec certitude que la réponse est oui.

Je ne suis pas porté à appuyer cette motion. Je ne suis certainement pas de ceux qui cherchent à invoquer le moindre prétexte. J'ai déjà été en désaccord avec le CSRS à propos, notamment, de son interprétation d'un rapport établi en vertu de l'article 54 et de ses destinataires, et à propos d'autres questions du même genre. Je cherche simplement une solution étant donné que notre comité n'arrive à rien si nous nous laissons emporter pendant trop longtemps par des considérations partisanes.

Je me demande si, au cours de l'été, il ne serait pas bon que nous étudions les aspects juridiques d'une question telle que celle-ci; nous pourrions déterminer si notre comité considère qu'il y a infraction à la Loi sur le SCRS - auquel cas la question n'aurait pas dû être posée. Si celle-ci est acceptable, nous pourrions le faire savoir au SCRS et lui demander en vertu de quels motifs juridiques il n'a pas l'intention de se conformer à notre point de vue. Les deux parties devraient alors faire rapport devant l'ensemble des membres du Comité de la justice au sein duquel se tiendrait un véritable débat.

Avec la motion sous sa forme actuelle, je ne voudrais pas que nous nous prononcions prématurément sur ce qui pourrait s'avérer être une question inacceptable si elle était en contravention avec la Loi sur le SCRS.

Mme Meredith: Je pense que le problème que nous devons régler, et que le Solliciteur général doit lui aussi à coup sûr régler, est de savoir comment un comité comme celui-ci, qui est censé jouer un rôle de surveillance au nom du Parlement, peut continuer son travail s'il ne jouit pas de la confiance de deux des trois partis qui composent le Parlement. Ni le Bloc ni le Parti réformiste ne lui font confiance. Comment peut-il continuer d'être à la fois les yeux et les oreilles du Parlement? Il lui est impossible de s'acquitter de cette tâche, et quelqu'un doit bien régler le problème.

Peut-être cette motion n'est-elle pas le meilleur moyen d'y parvenir mais nous ne pouvons pas continuer pendant encore deux ou trois ans avec ce système si le comité ne jouit pas de la confiance de deux des trois principaux partis représentés au Parlement. Si nous ne réglons pas la question au moyen de cette motion, comment allons-nous la présenter au Solliciteur général afin qu'il trouve une solution?

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Il me semble que, de ce comité, nous savons depuis longtemps que nous risquions un beau jour de nous voir refuser une réponse que, collectivement, nous jugerions souhaitable ou nécessaire. Nous avons parlé de cette procédure et de la façon de faire face à un tel problème. Dès que la question revêt des colorations partisanes, il devient bien difficile de la régler tous ensemble. C'est un problème très grave. Selon moi, ce qui est grave n'est pas tant la question elle-même que les détails de la procédure que nous allons engager; je pense qu'il faudrait par conséquent faire preuve de beaucoup de prudence.

Il me semble que trois solutions s'offrent à nous. Nous pouvons, d'une part, accepter la proposition de M. Wappel; d'autre part; simplement voter sur cette question. Je crois que ce sont en fait les deux seules options possibles. J'allais proposer en troisième lieu que nous renvoyions simplement la question au Comité de la justice pour qu'il s'en occupe. Mais il devrait s'appuyer sur des transcriptions et des choses comme ça. En fin de compte, il faudra qu'un membre, ou qu'un groupe de membres de notre sous-comité, présente notre point de vue au Comité de la justice.

.1735

Je ne sais pas, cela irait peut-être un peu trop loin s'il s'agit seulement de satisfaire des préoccupations partisanes.

Mme Meredith: Je pense que c'est beaucoup plus profond que cela. Comment un groupe, dont nous faisons partie, chargé de surveiller un organisme au nom du Parlement, peut-il le faire s'il n'a pas confiance en cet organisme? C'est tout simplement ça. Cela pourrait continuer encore pendant des années.

M. Wappel: Tout d'abord nous devons nous occuper d'une motion très précise qui nous a été présentée. Soit nous passons au vote, soit nous trouvons un compromis.

Pour répondre à Mme Meredith, la méfiance que semble ressentir le Parti réformiste à l'endroit du SCARS paraît découler directement de l'affaire du Heritage Front. Nous nous occuperons de celle-ci. Nous allons préparer un rapport. Dans le cadre d'un consensus ou sous la forme d'un rapport minoritaire, Mme Meredith et le Parti réformiste pourront inclure leurs points de vue dans ce rapport et je suis certain que le Solliciteur général et les bureaucrates le liront, et qu'ils en tiendront compte. Quant à savoir s'il vont l'accepter, c'est autre chose.

Je pense qu'il y a donc assurément un moyen permettant aux deux partis de l'opposition de faire connaître leurs préoccupations au Solliciteur général, au SCRS, au CSARS et au Parlement. Cela dépasse d'ailleurs le cadre de la motion.

Nous pourrions peut-être demander les conseils du président. Je ne vois vraiment pas comment nous en sortir autrement qu'en votant sur cette motion ou peut-être en procédant de la façon que j'ai proposée - sous réserve de modifications que d'autres pourraient vouloir apporter à mon idée.

Le président: Je voudrais vous donner quelques renseignements supplémentaires. En premier lieu, la plupart d'entre vous se souviennent sans doute que le CSARS a demandé lui-même un avis juridique au sujet de son obligation à répondre aux questions qui lui sont posées au Parlement. Il nous a fait savoir, il y a quelques semaines, que cet avis serait prêt en juin 1995. Je n'ai pas interrogé ses représentants à ce sujet aujourd'hui et aucun de vous ne l'a fait non plus. Cet avis juridique devrait bientôt être disponible.

Le greffier du Comité: Fin juin, je crois.

Le président: Quoi qu'il en soit, c'est précisément sur cette question que le SCARS a demandé un avis juridique.

Nous avons déjà abordé cette question, par l'intermédiaire du président, avec le CSARS sans mâcher nos mots, et je sais que nous en avons également discuté entre nous. Quand le moment viendra où nous poserons une question pour laquelle il nous faut recevoir une réponse, j'espère que nous pourrons tous faire front commun. Cet avis juridique sera donc bientôt présenté et je pense que le mieux serait que nous attendions en espérant qu'il nous sera communiqué. Le CSARS n'est pas du tout tenu de le faire. Il nous a néanmoins indiqué qu'il nous ferait part de l'avis que lui donnerait son avocat. Cela ne devrait donc plus beaucoup tarder.

Deuxièmement, le Comité de la Justice lui-même, à en juger par les activités prévues pour ce mois-ci, ne se réunira pas à nouveau avant longtemps; sans doute pas avant le 18 septembre. Il ne semble donc pas particulièrement urgent d'adopter cette motion pour la présenter au Comité de la justice cette semaine. Il est trop tard pour cela.

Pour finir, pour en revenir aux questions de forme et de fond, on peut facilement s'occuper du fond de cette question en ayant recours à d'autres options et nous pourrons en parler de façon informelle plus tard. En d'autres termes, pour ce qui est de savoir si, oui ou non, le chef d'un parti ou les chefs des partis représentés au Parlement sont pris dans les filets d'une enquête du CSARS, si celle-ci est influencée par un autre pays dans le cadre des relations entre le Canada et le Mexique, l'Argentine ou je ne sais quel autre pays, si des interventions de cette nature ont été effectuées dans le cadre de l'enquête... Il y aurait d'autres solutions. Nous ne sommes pas tenus d'en discuter en comité. Je crois bien que le CSARS et le SCRS, ainsi que les chefs des partis de la Chambre, pourraient organiser cela eux-mêmes.

.1740

Voilà ce qui en est de la question de fond.

La question qui reste à régler est celle de l'obligation de répondre aux questions posées par ce comité. Je vous suggère de reporter cette question de forme, de l'obligation du CRARS ou de quiconque de répondre aux questions, jusqu'à ce que nous ayons eu la possibilité de bien examiner tous les autres renseignements disponibles.

Nous avons ceux que nous ont fournis nos conseillers juridiques parlementaires, que vous avez tous lus. Il y a l'article 18, entre autres, de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, y compris le serment au Conseil privé prêté par les membres du CSARS. Nous avons également toutes les autres lois parlementaires. Nous pouvons retenir les opinions du Président de la Chambre, les points de vue de l'ancien Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui ont été discutés lorsqu'une question de privilège a été soulevée pendant la dernière législature, etc. Pour traiter d'une motion sur la contraignabilité, nous devrions idéalement tenir compte de toute cette information. Je recommanderais au comité de ne pas chercher à envoyer ce dossier rapidement au Comité de la justice sans avoir fait d'abord son propre travail et sans avoir étudié tous les angles, y compris les opinions qui seront bientôt données par le CSARS.

Je voudrais que la motion soit déposée. Je n'ai pas peur d'en discuter. Je ne cherche pas à passer sous silence la partie concernant la forme, à savoir la contraignabilité. Tôt ou tard, nous devrons en discuter. Je propose que la motion soit déposée, à moins que le comité veuille la mettre aux voix.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, par votre intermédiaire, j'aimerais dire à mon collègue, M. Wappel, que personnellement, je ne fais pas confiance au CSARS, particulièrement à cause du rapport qu'il a produit sur le Heritage Front. Le CSARS m'est apparu au tout début comme ne reflétant pas la composition de la 35e Législature. Aucun personne nommée sur recommandation du chef de l'Opposition officielle ne fait partie du Comité de surveillance.

En effet, jusqu'à tout récemment, la majorité des membres du Comité avaient été nommés sur recommandation du premier ministre de l'époque, M. Mulroney, ce qui mettait un peu la puce à l'oreille quant à leur crédibilité.

Mes premières craintes se sont confirmées au fur et à mesure de nos audiences. Les témoins ont comparu devant nous en nous traitant avec un certain mépris, sachant que lorsque le temps aurait quelque peu passé, c'en serait fini avec nous jusqu'à deux mois plus tard et qu'ils auraient la paix. À travers nous, au-delà de nos modestes personnes, l'autorité du Parlement, à mon avis, a été défiée.

Ce n'est pas relié particulièrement au Heritage Front ou à un autre dossier particulier. C'est l'attitude générale de ce Comité de surveillance face à des parlementaires. J'ai exercé le droit pendant quelques années et je dois vous dire que de tels témoins dans la boîte aux témoins auraient été déclarés témoins hostiles depuis longtemps par le juge et qu'ils auraient probablement été envoyés au sous-sol réfléchir pendant quelques heures avant de remonter plus tard et s'expliquer.

Le président a été extrêment tolérant. Je pense qu'il s'agit d'une grande qualité que nous devons lui reconnaître entre autres. Vous me pardonnerez de ne pas les énumérer toutes. Je serais tout à fait d'accord sur l'approche que le président et M. Wappel ont formulée.

.1745

Je pense que nous en sommes rendus à un point charnière où il deviendra inutile de continuer toute activité avant d'avoir déterminé où notre autorité commence et où elle se termine.

Le président parlait tout à l'heure d'opinions juridiques qui viendront du côté du Comité de surveillance. Nous avons déjà eu, il y a plusieurs mois, une opinion juridique du conseiller parlementaire sur le pouvoir qu'avait le Parlement d'exiger les réponses auxquelles il croyait avoir droit. Nous avons des opinions qui sont manifestement divergentes, et je vous signalerai que nous avons la manifestation d'un malaise extrêmement profond quand des membres d'un comité, le Comité de surveillance, qui est censé être là pour servir d'abord le Parlement en vertu duquel il existe, cherche des avis juridiques pour ne pas répondre aux questions que ce même Parlement veut lui poser. Il y a un malaise extrême dans ce pays, monsieur le président: des serviteurs de la nation, du pays, des gens nommés pour ce faire et assermentés pour ce faire refusent de collaborer avec nous, comme si nous étions des ennemis.

C'est bien sûr que les ponts ne se sont pas construits au cours des mois. Beaucoup de perches ont été tendues, mais à peu près aucune n'a été saisie.

Si vous-même, monsieur le président, monsieur Wappel et mes collègues, aviez une approche plus globale - et vous avez brossé un bon tableau de ce que pourrait être une discussion au Comité permanent de la justice et des questions juridiques - , je pourrais me rallier à une motion qui pourrait ne pas nécessairement être déposée aujourd'hui, mais qui pourrait être débattue et faire l'objet d'un consensus d'une large majorité parmi nous. Ce pourrait être notre première priorité lorsque nous reprendrons nos travaux, et nous pourrions traiter les choses à froid et en dehors de toute partisanerie politique. C'est une question éminemment politique, non pas partisane, mais politique, monsieur le président, que de savoir où l'autorité du Parlement du Canada s'étend dans ce pays-ci.

Je consentirai, si mes collègues sont d'accord, au dépôt de ma motion, étant entendu que nous pourrons travailler de façon plus informelle à une motion commune qui nous permettra de continuer ce débat.

[Traduction]

Le président: Merci. C'est probablement une bonne idée. J'espère que le greffier l'a notée et nous rappellera de tenir compte de ce refus de répondre dans nos discussions ultérieures, car dans le passé, certaines questions sont demeurées sans réponse.

J'ai oublié de mentionner que - pour le meilleur ou pour le pire - le ministère de la Justice a également commencé à examiner le dossier. Il est à la veille de publier un rapport global ou une étude sur cette question.

Tout cela est le fruit des travaux effectués au cours des deux ou trois dernières années. Le sous-ministre l'a mentionné dans une note de service que j'ai lue il y a à peine quelques semaines. Je présume que ce document sera disponible d'ici peu.

Mme Meredith: Je voudrais une précision. Le ministère de la Justice étudie-t-il cette question pour le compte du gouvernement et non pour celui du Parlement?

Le président: Oui, le ministère de la Justice, c'est le gouvernement.

Mme Meredith: Je voulais juste que ce soit bien clair.

Le président: Je crois que le ministère lui-même en a pris l'initiative. Le sous-ministre de la Justice a comparu devant le Comité mixte de l'examen de la réglementation pour discuter d'une question reliée à celle-ci. De cette discussion... Je ne sais pas ce qui est arrivé au ministère de la Justice, mais la note que j'ai vue, il y a une semaine ou deux, découle sans doute de cette discussion-là.

C'est probablement une bonne chose.

Avons-nous répondu à votre question, madame Cohen.

Mme Cohen: Non, votre réponse était un peu trop vague. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Dites-vous que George Thomson, le sous-ministre de la Justice, suite à son travail avec le Comité de l'examen de la réglementation, a décidé de voir quelle autorité a le Parlement pour forcer quelqu'un à répondre à des questions lorsque cette personne-là est assermentée par le Conseil privé? Ai-je bien compris?

.1750

Le président: Non. C'est presque cela, mais je ne peux pas confirmer le lien avec les obligations d'un conseiller juridique. Je ne peux vous dire que le sous-ministre a comparu devant le comité pour discuter de la contraignabilité d'un conseiller juridique devant les comités parlementaires. On a aussi parlé de la contraignabilité de toute autre personne, y compris les fonctionnaires.

Mme Cohen: Le conseiller juridique de qui?

Le président: Ce serait le conseiller juridique du ministère de la Justice auprès des organismes gouvernementaux et des ministres.

Mme Cohen: Je veux juste m'assurer de bien comprendre.

Le président: Si cela peut vous aider à mieux comprendre...

Mme Cohen: Dites-moi où est le problème.

Le président: ...un avocat du ministère de la Justice détaché auprès d'un ministère a commencé à agir comme administrateur, comme fonctionnaire, et non comme avocat; à ce titre, il a assumé des tâches qui n'étaient pas de nature juridique et il a commencé à avoir des échanges avec le comité. À un moment donné, le comité a voulu convoquer l'avocat en question qui a alors envoyé une lettre disant: «Je ne peux pas vous parler à cause du secret professionnel de l'avocat». Le comité a répondu en disant quelque chose comme: «Foutaise, vous avez communiqué avec nous en votre capacité de fonctionnaire; nous voulons les réponses».

L'avocat a donc été convoqué et le sous-ministre du ministère de la Justice est venu avec lui. On a trouvé une solution acceptable à ces difficultés. Ils ont fourni les réponses et le problème a été réglé, mais au même moment, le comité a vu une note de service rédigée par le Conseil privé et destinée à tous les fonctionnaires qui donnait des renseignements sur les situations dans lesquelles ils étaient tenus de répondre aux questions posées par le Parlement. Au même moment, le conseiller juridique parlementaire a donné son opinion sur cette question de contraignabilité au comité permanent mixte. Même si le comité permanent mixte a bien réglé le problème, le ministère de la Justice est passé à une autre étape de l'étude et, si je ne m'abuse, son rapport sera disponible d'ici peu.

Mme Cohen: Pourquoi ne pas tout simplement demander à chaque avocat au Canada de nous fournir son opinion et les comparer?

Le président: L'important c'est que la question n'a pas été résolue de façon satisfaisante ici, au Parlement.

Mme Cohen: Que se passera-t-il s'ils utilisent des services d'aide juridique?

Le président: Notre comité, tout comme le Comité de la justice, devra bien sûr prendre une décision. C'est inévitable; un comité quelconque va devoir prendre l'initiative et régler certaines de ces questions.

La motion a été déposée et nous pouvons maintenant siéger à huis clos et passer aux autres questions à l'ordre du jour. Il est déjà un peu tard.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, avant que nous ne siégions à huis clos, j'aimerais présenter mes excuses à Mme Cohen, que j'ai malencontreusement appelée Mme Barnes au début de la séance.

Je veux tout simplement dire que, selon mon jugement, mes collègues, Mme Cohen etMme Barnes, sont deux parlementaires, deux juristes, deux personnes de très grande qualité et de grande compétence. Confondre l'une avec l'autre ne diminue en rien l'estime que j'ai pour l'une comme pour l'autre.

Si Mme Cohen veut bien m'excuser... C'est probablement dans le feu de l'action que j'ai commis ce lapsus.

[Traduction]

Le président: J'espère qu'elles sont toutes les deux flattées, plutôt que le contraire.

La partie publique de la séance est levée.

[La séance se poursuit à huis clos]

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