[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Français]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue au Sous-comité du VIH/sida du Comité permanent de la santé. Nous avons comme témoins cet après-midi, de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, M. Jacques Gélinas, son président, M. Roger Malenfant, qui est le vice-président, ainsi que Mme Lyse Pinault, qui est la directrice générale.
Vous avez déjà comparu devant notre sous-comité et vous connaissez les règles. On vous donne une dizaine de minutes pour faire votre exposé afin de permettre aux membres du Sous-comité de de vous poser le plus de questions possible. Monsieur Gélinas, la parole est à vous.
M. Jacques Gélinas (président, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida): Monsieur le président, bonjour. Messieurs et mesdames les députés, messieurs, mesdames, la COCQ-SIDA est un regroupement de 31 organismes communautaires à but non lucratif, répartis à travers tout le Québec et engagés dans la lutte contre le sida.
Son mandat consiste à représenter les groupes membres afin de favoriser l'engagement et la poursuite d'une action concertée dans les dossiers d'intérêt commun. Son rôle est de faire connaître le savoir-faire, le savoir-être et l'apport des organismes communautaires et non gouvernmentaux dans la lutte contre le sida, ainsi que de s'assurer que ces derniers seront mis à contribution lors de l'élaboration, de la mise ne oeuvre et du suivi des politiques de santé concernant cette problématique.
Elle veille au respect des particularités des régions et se préoccupe de l'équité entre celles-ci en matière d'accessibilité aux soins et services. Ainsi, elle soutient le développement des organismes. Elle facilite la création de nouveaux organismes sur le territoire québécois et favorise l'adhésion de nouveaux membres. Elle facilite et encourage également la participation des personnes vivant avec le VIH/sida sur le plan de l'action communautaire.
Depuis cinq ans, la Coalition agit comme porte-parole de l'ensemble des organismes communautaires québécois.
Des groupes communautaires québécois se retrouvent dans 11 des 16 régions sociosanitaires du Québec.
Dix maisons d'hébergement communautaires accueillent, dans quatre régions parmi les plus touchées, des personnes vivant avec le VIH/sida en perte d'autonomie et en phase terminale de la maladie.
On retrouve dans ces maisons, non seulement tous les soins et services que requièrent les personnes affectées, mais aussi un milieu de vie épanouissant pour les résidents et leurs proches. Que ce soit pour une courte période ou pour la fin de la vie, les usagers des maisons y retrouvent toujours un milieu de vie où ils sont entourés et soutenus par des professionnels bénévoles ou rémunérés qui investissent énergie et forces à prendre soin d'eux.
Deux ressources offrent de l'hébergement en appartements supervisés, c'est-à-dire des petits appartements pour personnes autonomes ou semi-autonomes.
À travers le Québec, on retrouve également 19 groupes communautaires de lutte contre le sida offrant de multiples services à la population.
À l'extérieur de l'île de Montréal, les organismes poursuivent des objectifs d'éducation et de prévention et offrent des services aux personnes vivant avec le VIH/sida et leurs proches.
À Montréal, les organismes ont développé des services plus spécifiques, certains orientés vers les services aux femmes, aux enfants, aux proches, aux gays et aux communautés ethnoculturelles, d'autres offrant spécifiquement des services d'éducation et de prévention.
Parlons des ressources humaines de ces groupes. L'ensemble des organismes totalise environ 150 employés permanents et plus de 2 500 bénévoles. Si on comptabilise en dollars le travail abattu par l'ensemble de ces citoyens, on constate que pour un investissement de 667 800$ en soutien accordé par le gouvernement canadien à l'action communautaire, près de 5 millions de dollars sont généreusement donnés en temps par la population, l'évaluation étant basée sur un salaire horaire de 10$, ce qui équivaut au salaire d'un préposé au vestaire du Casino de Montréal. Ceci n'inclut évidemment pas les dons en argent recueillis lors des activités d'autofinacement des organismes communautaires.
Le Programme d'action communautaire sida ponctuel du gouvernement fédéral est aussi une source de financement pour les organismes. Toutefois, ce programme permet seulement la réalisation de projets de courte durée. Il peut être intéressant pour réaliser les interventions nouvelles particulièrement en éducation et prévention. Ce type de financement permet aussi à des organismes communautaires de développer des projets génériques, c'est-à-dire pouvant servir à l'ensemble de leurs partenaires. Cette manière ponctuelle d'utiliser les fonds est souhaitée de plus en plus par les organismes, car elle permet de faire preuve de créativité sans avoir constamment à réinventer la roue.
Malheureusement, le peu de ressources disponibles pour soutenir nos organisations nous oblige à avoir recours à ce programme pour mettre en place une infrastructure qui, une fois terminée, peut être déstabilisée si l'on ne réussit pas à trouver des ressources financières de remplacement au PACS ponctuel.
Face à cette dichotomie, nous souhaiterions fortement que le fonds ponctuel soit diminué au profit du fonds de soutien et que les projets génériques ou exécutés en partenariat soient privilégiés.
Parlons de la situation du VIH/sida au Québec. Au 31 décembre 1994, le Centre d'études sur le sida indiquait 3 213 cas de sida québécois déclarés. Compte tenu de la sous-déclaration, du délai survenu entre le diagnostic et la date de la réception, les épidémiologistes estiment à 5 160 le nombre de cas.
Au Québec, le VIH/sida n'étant pas à déclaration obligatoire, on ne peut qu'extrapoler le nombre de cas de séropositivité. Toujours d'après les chercheurs, il y aurait plus ou moins 15 000 cas de personnes séropositives. Nous sommes donc parmi les trois provinces les plus touchées par cette épidémie.
Depuis 1979, 85,7 p. 100 des cas sont identifiés à des hommes et 82 p. 100 de ceux-ci ont entre 20 et 45 ans, c'est-à-dire la période la plus productive de la vie d'un individu. Le Québec est aussi la province où il y a le plus de femmes et d'enfants touchés par cette réalité.
Pour ce qui est du lieu de résidence de ces personnes, 76 p. 100 sont de Montréal-Centre. Ce qui est toutefois difficile à estimer, c'est le nombre de personnes qui viennent vivre à Montréal à cause de la facilité à obtenir des soins et des services et en raison de l'expertise qui s'y est développée, et surtout pour mettre fin à l'ostracisation subie dans les régions où la population est peu ou pas informée de cette réalité.
Nous pouvons donc dire que nous faisons face à une réelle épidémie. Au milieu des années 1980, celle-ci ne semblait toucher qu'une seule communauté, celle des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Beaucoup d'efforts de cette même communauté ont été déployés et, au début des années 1990, on peut constater une augmentation importante des pratiques sexuelles sûres chez les gays.
Malheureusement, les vagues subséquentes de propagation du VIH chez les femmes et les toxicomanes ont donné lieu à un besoin qui reste sans réponse à cause de l'absence de ressources supplémentaires. Rappelons-nous que la phase II de la stratégie du gouvernement fédéral n'a apporté au total aucun argent neuf. En plus, les sommes pour l'année 1994-1995 n'ont pas toutes été dépensées. Ceci nous semble scandaleux.
Actuellement, au Québec, nous pouvons faire les constats suivants: dans la communauté gay, les pratiques sexuelles sûres ont considérablement augmenté chez les gens âgés de 25 ans ou plus, mais elles sont en baisse chez les moins de 25 ans. Montréal est la seule ville en Amérique du Nord où le taux d'incidence chez les toxicomanes se maintient ou progresse légèrement.
Après mûre réflexion et de longues discussions, les cinq grands partenaires canadiens s'entendaient pour recommander que la phase II de la Stratégie nationale soit de 54 millions de dollars. Le ministre de la Santé de l'époque annonçait le renouvellement de la même somme, c'est-à-dire 42 millions de dollars. Ce renouvellement s'est fait, par contre, avec quelques déplacements dans la division des sommes dans différents secteurs.
Pour ce qui est de l'argent consacré à l'action communautaire, une augmentation avait été prévue. Au Québec, pour les ressources dévolues au Programme d'action communautaire sida-soutien, cette augmentation représentait 82 500$ par année.
Au début de la phase I, neuf groupes communautaires étaient financés par Santé et Bien-être Canada. À la fin de cette même phase, 22 organismes communautaires étaient en lice pour obtenir un financement. N'eût été la fermeture d'un groupe important montréalais, dont le financement était de 150 000$, nous n'aurions pu soutenir plus de deux ou trois organismes supplémentaires.
Au Québec, les décisions concernant l'attribution des subventions sont toujours faites en partenariat avec les représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des groupes communautaires. Cette façon de travailler nous a permis de passer à travers les difficultés que représente le manque de ressources financières et ne peut être qu'un modèle de partenariat à développer.
Cette façon de gérer conjointement les dossiers donne des résultats positifs, bien que cela puisse représenter beaucoup de travail pour nous comme pour les représentants gouvernementaux. Nous avons parfois contesté certains dossiers. La vitesse à laquelle l'évaluation nous est demandée en est un bon exemple. Toutefois, la transparence avec laquelle nous avons pris l'habitude de discuter de nos dossiers avec le gouvernement fédéral nous a permis d'en venir à des ententes importantes sur le sujet. Nous croyons pouvoir être une des premières provinces à établir des méthodes d'évaluation de services valables et surtout applicables à l'échelle communautaire. Un dossier en ce sens sera remis au ministère de la Santé du Canada. Il permettra aux organismes financés de développer et d'appliquer des outils d'évaluation pour chacun de leurs services.
Quoi que cela puisse sembler harmonieux, il est un fait incontournable : la Stratégie, phase II, aurait dû prévoir l'attribution de sommes beaucoup plus importantes afin de contrer cette épidémie.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'ensemble de cette stratégie, mais que pouvons-nous dire à une ministre de la Santé qui, non seulement ne veut pas augmenter l'investissement pour contrer une épidémie mortelle, mais qui, en plus, devant ce sous-comité, a récemment déclaré que les budgets n'étaient pas faits pour être dépensés? Comment peut-on croire que nos gouvernements ont à coeur la santé de la population lorsqu'on se vante d'avoir économisé des millions de dollars aux dépens de la santé?
En terminant, voici quelques recommandations:
- Que l'ensemble des sommes de la Stratégie nationale sur le sida, pour l'année 1995-1996, soit entièrement dépensées dans les secteurs pour lesquels celles-ci ont été prévues;
- Que les sommes économisées au cours de l'année 1993-1994 et de l'année 1994-1995 soient réinvesties dans des projets ponctuels pour l'année 1995-1996;
- Que les sommes attribuées à des projets ponctuels soient diminuées au profit du fonds de soutien aux organismes communautaires. Nous suggérons un transfert de 25 p. 100;
- Qu'une campagne nationale de prévention contre l'infection au VIH soit organisée auprès de la communauté la plus durement touchée par cette infection, la communauté gay;
- Que les fonds nécessaires soient accordés pour la recherche fondamentale et expérimentale;
- Que le gouvernement fédéral utilise les moyens à sa disposition pour que les compagnies de produits pharmaceutiques développent toujours l'accès humanitaire pendant les phases d'essais cliniques de nouveaux produits;
- Que le gouvernement fédéral commence dès maintenant à questionner sérieusement les retombées du projet de loi C-91;
- Que le gouvernement canadien accepte, pour des raisons humanitaires, que des immigrants non reçus atteints du sida puissent résider au Canada;
- Que le Président de la Chambre des communes oblige les personnes faisant preuve de préjugés grossiers envers des personnes vivant avec le VIH/sida et envers la communauté gay à se rétracter publiquement;
- Enfin, que le gouvernement canadien fasse preuve de responsabilité: qu'il reconnaisse officiellement l'infection au VIH et le sida comme une épidémie qui sabre dans les forces vives de ses citoyens.
En conclusion, l'économie que le gouvernement fédéral pense avoir réalisée cette année multipliera les dépenses de demain par dix. Un gouvernement qui prive ses citoyens de soins de santé, un gouvernement qui refuse de voir des réalités en face, un gouvernement qui prive des citoyens et citoyennes, en négligeant de mettre sur pied des campagnes de prévention, est à notre avis un gouvernement irresponsable et irrespectueux des droits de ses citoyens. Un gouvernement qui fait tant d'efforts pour sauvegarder le flétan noir devrait en faire autant pour sauvegarder la vie humaine.
Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Gélinas, je vous remercie de votre présentation. Je suis très heureux d'avoir entendu votre présentation. Elle est très claire, nette et précise. Je n'appuie pas entièrement la conclusion à laquelle vous en êtes venus, mais nous pourrons sûrement en discuter. Je vais céder la parole à M. Ménard, le vice-président.
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Nous sommes étonnés de vos réserves, monsieur le président.
Je voudrais d'abord vous remercier parce que vous êtes certainement les personnes au Québec à avoir le plus de connaissance de ces questions. Vous en êtes à votre première comparution. Vous avez suivi d'autres travaux, mais c'est la première fois que vous vous présentez devant nous pour nous faire des recommandations. Je souhaiterais aborder trois questions, dont deux au cours de ce premier tour: la question de l'évaluation et le programme principal pour les organismes communautaires, qui est le PACS, et dont vous avez parlé abondamment dans votre mémoire.
Je voudrais que vous nous donniez plus de précisions et que vous indiquiez les recommandations que vous souhaiteriez voir adopter par ce Comité concernant la question de l'évaluation. L'évaluation concerne les exigences qu'ont, de plus en plus, les différents gestionnaires de programmes à l'endroit de la qualité des services que vous rendez directement aux personnes atteintes. Je sais que le Québec a une longueur d'avance en la matière, que vous avez élaboré une grille d'analyse et que vous avez surtout trouvé une façon assez consensuelle de répartir les ressources déjà existantes selon un modèle qui s'inspire du partenariat.
Que pouvez-vous nous en dire et que souhaitez-vous voir adopter par notre Comité à cet égard?
Mme Lyse Pinault (directrice générale, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida): Je vais répondre à cette question.
Au Québec, l'évaluation est une affaire qui vient de nos deux paliers gouvernementaux. L'évaluation est enchâssée dans la Loi sur la santé et les services sociaux du Québec et au gouvernement fédéral, on a aussi cette préoccupation d'évaluer les services.
Les organismes communautaires n'ont pas d'objection à faire l'évaluation de leurs services. Au contraire, l'évaluation pourrait permettre certains redressements de l'action et peut-être, parfois, certaines économies dans les actions posées.
Cependant, les organismes communautaires sont petits, ont des moyens minimes et n'ont pas les ressources pour faire des évaluations aussi élaborées que celles que peuvent se permettre les gouvernements ou les grandes sociétés.
Au Québec, on a un projet qui est en élaboration avec les fonctionnaires du gouvernement fédéral à Québec et à Montréal. On voudrait mettre un modèle au point et le mettre en oeuvre dans cinq organismes communautaires de différents types, comme le COCQ-SIDA, qui regroupe des organismes de grandes régions comme Montréal et Québec et de petites régions ayant des services différents, tous financés par Santé Canada. Dans le cadre de cet exercice, qui durerait un certain temps, on développerait des outils utilisables par l'ensemble des organismes communautaires du Québec. Il s'agirait d'outils mis au point en collaboration avec eux, qu'ils pourraient facilement intégrer à leurs méthodes de travail et qui leur ressembleraient.
L'évaluation est une chose qui peut être très élaborée et très difficile à gérer dans un organisme. Donc, on voudrait essayer. L'ensemble des groupes communautaires du Québec - et j'inclus là-dedans tous nos partenaires de santé - ont la préoccupation de faire de l'évaluation et de constituer des outils et des méthodes de travail applicables par de petits organismes où on retrouve deux, trois ou cinq employés, mais 150 bénévoles. On ne peut pas y appliquer directement les méthodes d'évaluation employées dans les grandes corporations.
Il faudrait aussi trouver des choses qui s'appliquent à nos façons de travailler, à notre culture qui est totalement différente d'une culture corporative ou gouvernementale. C'est ce qu'on est en train d'élaborer.
On devrait déposer, d'ici deux ou trois semaines, un projet auprès de la ministre fédérale. On veut faire un partenariat avec une université qui pourra superviser ou conseiller dans ce dossier-là. L'Université du Québec à Montréal a développé tout un secteur d'intervention communautaires et elle connaît déjà notre culture et notre fonctionnement. Elle pourra donc mieux nous soutenir dans le développement d'outils.
Ces outils-là seront transférables lorsqu'on formera l'ensemble des organismes communautaires du Québec à appliquer ces méthodes d'évaluation et, si c'est possible, on pourra en faire des outils pour nos partenaires canadiens.
M. Ménard: Permettez-moi d'aborder la question que je crois être au centre de vos préoccupations, qui est évidemment le financement des organismes communautaires que vous représentez via un canal que vous utilisez beaucoup, les programmes PACS.
Peut-être serait-il heureux pour le Comité que vous puissiez rappeler la différence qui existe entre le programme PACS-soutien et le programme PACS ponctuel et nous donner des exemples concrets. Ensuite vous pourriez peut-être élaborer sur ce que vous voulez qu'on mette dans les prochaines sommes disponibles. Vous souhaitez qu'il y ait une assistance accrue dans le cadre du PACS-soutien et que l'on puisse faire un transfert de fonds de l'un à l'autre des programmes. Pouvez-vous nous rappeler le fonctionnement des programmes et nous dire pourquoi vous formulez une recommandation comme celle-là?
M. Roger Malenfant (vice-président, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida): PACS-soutien assure, de façon récurrente, un certain financement pour permettre aux organismes de s'établir de façon permanente. PACS ponctuel agit par des projets très pointus ou très précis qui visent la prévention, l'amélioration de la qualité de vie ou des choses comme celles-là.
Il serait intéressant de permettre à plus d'organismes d'avoir des subventions récurrentes par le biais du PACS-soutien pour leur donner une certaine stabilité.
Comment peut-on, dans le fond, maintenir une intervention dans une région quand on reçoit un PACS ponctuel sur un projet précis et que les besoins débordent ce projet-là? Comment peut-on faire de la prévention quand il faut faire du soutien, alors qu'on n'est financé que pour la prévention?
M. Ménard: Donnez-nous un exemple d'un de vos organismes. Vous parlez d'un PACS-soutien ou d'un PACS ponctuel. Est-ce que ça serait ACTION SÉRO-ZÉRO qui aurait un projet?
M. Malenfant: Je peux donner l'exemple de mon organisme. Je reçois du gouvernement fédéral un PACS-soutien de 55 000$ par année pour une période de cinq ans, pour la stratégie dans laquelle on est actuellement.
Ce PACS sert à deux types de financement, la prévention et le contexte administratif, c'est-à-dire maintenir des bénévoles, maintenir un bureau, avoir un local ou des choses comme celles-là.
Pour ce qui est du reste des besoins de l'organisme, je dois chercher ailleurs. Je peux présenter un PACS ponctuel sur un projet précis, mais cet argent-là doit servir à ce projet-là de façon très précise. Je ne peux pas l'utiliser pour d'autres besoins qui pourraient survenir. La période est, la plupart du temps, de 12 mois au maximum. Il y aurait possibilité d'aller plus loin dans un PACS ponctuel, mais la limite est fixée à 12 mois. C'est entre 8 et 12 mois pour un PACS ponctuel.
M. Ménard: Alors, vous souhaitez vraiment que le Comité puisse faire une recommandation très claire afin qu'il y ait des sommes substantielles pour le fonctionnement des organimes?
M. Malenfant: C'est tout simple. Le PACS ponctuel nous permet de nous donner des outils et le PACS-soutien nous permet de travailler à l'intérieur de la communauté. Cela ne donne rien d'avoir un coffre d'outils très plein quand on n'a pas les sous nécessaires pour maintenir une certaine stabilité. En région, actuellement, il y a certains endroits où peu de moyens sont accordés à la prévention ou au soutien des personnes.
M. Ménard: Est-ce que je me trompe en pensant qu'il existe une tendance qu'on peut non seulement deviner, mais aussi constater sur le terrain, à savoir que de plus en plus des partenaires institutionnels, regroupements de CLSC, régies régionales, etc., tentent de s'approprier ces véhicules qui avaient d'abord été pensés pour des groupes communautaires?
Je vais prendre au hasard l'exemple d'Hochelaga-Maisonneuve, où notre CLSC, de concert avec d'autres partenaires institutionnels, a déposé des PACS ponctuels ou de soutien. Je ne dis pas que leur intervention n'est pas intéressante. Je constate seulement que les groupes communautaires devront être de plus en plus, pour des fins d'analyse, en concurrence avec des partenaires institutionnels qui ont de plus en plus de moyens. Est-ce que ce constat est exact et est-ce que notre Comité ne devrait pas être plus vigilant devant ce phénomène?
M. Gélinas: Est-ce qu'il faut être très vigilant? Tout le monde connaît l'ère de rationalisation qui frappe les services de santé et les services sociaux, tant au palier canadien qu'au palier provincial. S'il est possible d'aller chercher 15 000$, 20 000$ ou 30 000$ dans une autre enveloppe budgétaire, les organismes du réseau public vont essayer de le faire.
Par contre, on aimerait que les critères concernant l'accès aux PACS ponctuels soient changés. On va travailler avec nos partenaires sur ce plan pour limiter éventuellement cet accès aux organismes du réseau public.
M. Ménard: Si je ne me trompe, monsieur le président, vous savez que demain les fonctionnaires du PACS, ceux qui l'administrent, vont comparaître devant nous.
Le président: Oui.
M. Ménard: C'est drôlement intéressant que nous ayons ce type d'information. C'est complet en ce qui me regarde.
[Traduction]
Le président: Thank you.
Madame Bridgman.
Mme Bridgman (Surrey-Nord): Merci, monsieur le président.
Premièrement, je vous prie de m'excuser. Cette année, l'un de mes objectifs est d'apprendre suffisamment de français pour me débrouiller, mais mes progrès ne sont pas à la hauteur de mon désir d'apprendre. Je vais donc devoir poser mes questions en anglais.
J'aimerais quelques éclaircissements en ce qui a trait au financement. Par «PACS de soutien», veut-on parler de «PACS ponctuels»? Est-ce bien ce dont il s'agit?
Votre organisation regroupe tous les organismes communautaires du Québec qui oeuvrent dans le domaine du SIDA. J'aimerais savoir si vous avez des homologues ailleurs au Canada. Y a-t-il d'autres provinces qui font le même genre de travail de coordination?
Aussi, en ce qui concerne votre mandat, faites-vous surtout de la communication, ou êtes-vous aussi habilités à prendre des décisions, à proposer des programmes, à empêcher le dédoublement des efforts, à élaborer un plan d'action, et ainsi de suite?
Le comité a déjà senti chez plusieurs intervenants la préoccupation, parfois implicite, selon laquelle les programmes et les groupes existants doivent faire l'objet d'une coordination; il existerait un besoin criant à cet égard. J'ai l'impression que votre coalition a fait un pas dans cette direction.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et pourquoi vous estimez que cette démarche permet de mieux réagir au SIDA au Québec; peut-être aussi est-ce l'une des raisons qui expliquent pourquoi il est plus facile de vivre avec le SIDA à Montréal qu'à bien d'autres endroits. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet, s'il vous plaît?
[Français]
Mme Pinault: Pour ce qui est des PACS ponctuels ou des PACS-soutien, pour la ministre fédérale, ils ne forment qu'un tout, soit l'enveloppe PACS, le Programme d'action communautaire sida. Mais, dans chaque province, il est divisé en deux secteurs: le soutien et un fonds possiblement récurrent. Au Québec, nous avons demandé à nos groupes de fournir chaque année des preuves de leur bon fonctionnement, pour le maintien de ce PACS. Celui-ci n'est pas donné gratuitement et facilement. L'autre secteur, celui des PACS ponctuels, porte sur des projets très précis.
Le mandat de COCQ-SIDA de rassembler les groupes nous permet de concerter nos groupes, mais notre subvention fédérale sert à la défense des droits, à la promotion de la santé et à la concertation des organismes communautaires sida du Québec. On essaie, par ce mandat, de soutenir les groupes dans leurs activités quotidiennes, de soutenir aussi un certain développement, mais un développement qui tienne compte du contexte.
Cela nous permet d'avoir un seul interlocuteur avec les gouvernements quand il s'agit de faire du développement dans une région où il n'y a rien, où il n'y a personne. Il se crée un organisme. Il s'agit de le soutenir aux niveaux administratif et politique, de lui donner des méthodes, de le mettre en contact avec ses partenaires d'autres régions qui ont déjà un an ou deux de vie. On n'a qu'à transposer des modèles de fonctionnement. C'est un peu tout cela, le rôle de COCQ-SIDA, et nos membres nous demandent d'être leur porte-parole. Il y a un autre regroupement dans les provinces, l'Ontario Aids Network qui est ici, à Ottawa. Le fonctionnement de l'Ontario Aids Network est totalement différent: c'est vraiment plus un lieu de discussion entre partenaires de l'Ontario. Ils n'ont pas un mandat politique et de défense des droits des personnes qui vivent avec le VIH aussi prononcé que le nôtre.
Cela permet d'effectuer des tâches, comme celle de se concerter avec le gouvernement pour l'attribution des subventions. On a pris la décision de ne pas craindre de se mouiller, d'être partie prenante aux décisions gouvernementales par rapport à nos partenaires québécois quant à l'attribution des subventions et aux critères qu'on doit choisir, d'articuler les dossiers dans l'ensemble du Québec à tous les niveaux. Donc, on est un interlocuteur partout et on est deux employés.
M. Gélinas: Il faut croire que c'est plus facile de vivre à Montréal qu'ailleurs au Québec. Comme Montréal est une grande ville, l'ostracisation est moins présente et les services plus spécialisés reliés au VIH/sida sont plus accessibles. La Coalition fait un effort important pour que tous les gens atteints du sida qui vivent au Québec aient accès à ces choses. Étant en région, dans une petite ville des Bois-Francs, je sais que partout au Québec, il y a des gens qui vivent avec la séropositivité, avec le sida. Cela touche un ensemble d'éléments de santé et d'ordre social. On sait que c'est encore la communauté homosexuelle qui est la plus durement touchée, avec 70 à 75 p. 100 de personnes atteintes du sida. Revenir dans son milieu d'origine après 10 ou 15 ans, ce n'est pas toujours facile!
[Traduction]
Mme Bridgman: En ce qui a trait à Montréal, je me demandais plutôt si les Canadiens qui vivent avec le sida viennent d'ailleurs au Canada pour s'y installer parce qu'il est plus facile de vivre avec le sida à Montréal qu'ailleurs. Je songeais aussi à la discrimination; est-ce qu'on en tient compte?
Vous avez fait allusion auparavant à un programme de sensibilisation et je me demandais...
Mme Pinault: La réalité, c'est que les médecins sont concentrés dans l'une des trois villes les plus durement touchées. Nous avons de bons médecins qui fournissent de bons services.
Mme Bridgman: Merci beaucoup.
[Français]
M. Gélinas: On sait aussi que d'autres Canadiens viennent s'établir à Montréal. Je n'y ai pas participé moi-même, mais il y a eu une rencontre nationale dans les Prairies, où les hommes homosexuels sont vraiment victimes de discrimination. On sait que plusieurs hommes atteints du sida quitent cette région pour venir s'établir à Montréal. Même s'ils tombent dans un milieu où leurs proches sont loin, ils préfèrent encore cet isolement-là à l'homophobie, à l'ostracisme qu'ils vivent chez eux.
M. Malenfant: Dernièrement, en Estrie, on faisait un sondage auprès des médecins pour savoir s'ils acceptaient de suivre les personnes séropositives ou des enfants ayant le sida, et 60 p. 100 des médecins de la région ont dit ne pas accepter la clientèle séropositive, parce qu'ils ne voulaient être placés sur aucune liste et ne voulaient faire aucun suivi auprès de ces personnes. Pour les dentistes, c'était la même chose.
Dans les régions, il faut sensibiliser non seulement la population, mais aussi tout le personnel soignant dans les hôpitaux, dans les cliniques privées, dans les CLSC. Dans certains CLSC, tant et aussi longtemps qu'on a pas eu un cas, on a beaucoup de difficulté à s'apprivoiser. Il y a toujours un «non» catégorique au départ.
C'est la personne atteinte, la personne séropositive ou en phase sida qui est obligée de se battre, en plus de souffrir de sa maladie, pour sensibiliser les intervenants qui vont avoir à prendre soin d'elle. Donc, en région, c'est très difficile et quand il n'y a pas d'organismes, c'est encore pire.
Chez nous, nous n'avions pas d'hébergement il y a à peine un an. Nous étions obligés d'envoyer des personnes à Montréal, à Québec et même à Toronto. Il est arrivé deux fois que les personnes ne soient plus acceptées dans les hôpitaux et que les familles ne puissent plus les garder. On a été obligés de séparer des personnes de leur famille et de les envoyer dans d'autres régions afin qu'elles puissent vivre de façon digne.
[Traduction]
Le président: Madame Ur.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): J'ai quelques brèves questions. Votre coalition représente 31 organismes. Ces 31 organismes ont-ils des frais d'administration? J'aurais tendance à penser qu'avec 31 organismes, il y aurait certains dédoublements d'efforts. Je me demandais s'il y avait, donc, des frais d'administration et si ces frais minent les efforts véritables de prévention, ou de traitement des personnes séropositives ou atteintes du sida.
J'ai une autre question; à quels services ou activités votre organisation alloue-t-elle les fonds que vous recevez en vertu de la stratégie nationale sur le sida, et où alloueriez-vous les sommes additionnelles que vous avez demandées?
Dans vos recommandations, vous dites que le gouvernement devrait faire ceci ou cela. Est-ce que certaines de vos recommandations portent sur le partenariat, où sont-elles toutes le fait d'une seule personne? Y a-t-il d'autres facteurs à considérer?
[Français]
M. Gélinas: Voici une première réponse concernant les chevauchements entre la coalition provinciale et les autres organismes. Non, il n'y a aucun chevauchement.
Nous représentons 31 organismes. La coalition n'est pas un organisme de services. Donc, elle ne distribue aucun service à la population des personnes atteintes. C'est un organisme, comme Mme Pinault le mentionnait, qui s'occupe de défense des droits, qui fait des représentations au niveau du gouvernement.
En matière de financement, au total, incluant toutes les sommes d'argent, nous avons un budget de 120 000$ à 125 000$ par année. Nous avons deux personnes qui travaillent et pour le reste des heures, comme c'est mentionné dans le document, c'est du bénévolat. Les gens prennent des congés sans solde pour venir travailler.
Aujourd'hui, j'ai pris une journée de congé pour venir faire cette présentation, parce que je ne travaille pas dans l'organisme. Je suis président du conseil d'administration.
Les bénévoles qui se consacrent à cette réalité-là sont la preuve vivante de tous les éléments positifs et de l'engagement des citoyens et des citoyennes canadiens dans cette réalité du VIH/sida. Pour le petit investissement de 600 000$, si vous considérez les revenus nets qu'on fixe, soit5 millions de dollars, 10$ l'heure n'est pas un taux horaire très élevé. C'est la preuve du travail qui est fait par la communauté pour la communauté.
Mme Pinault: Votre question était très longue, et j'ai pu en oublier des morceaux.
Quand on parle d'investir de l'argent supplémentaire, ce n'est pas de l'argent supplémentaire investi à la COCQ-SIDA, mais de l'argent supplémentaire qui serait disponible pour les organismes des régions dans le PACS-soutien.
On ne veut pas voir disparaître le PACS ponctuel. On ne veut pas que Santé et Bien-être Canada fasse disparaître une enveloppe comme celle du ponctuel, mais on voudrait qu'un montant supplémentaire soit accordé au PACS-soutien.
À la dernière page se trouve la liste des organismes communautaires avec leur subvention provenant du gouvernement fédéral.
Vous allez voir qu'il y a des organismes qui n'ont rien du tout ou des organismes qui ont 10 000$ ou 20 000$ par année. Il faudrait des sommes pour soutenir ces organismes qui n'ont rien ou qui ont 10 000$ ou 20 000$ par année de façon à ce qu'ils continuent à survivre et à produire dans les régions.
Au Québec, en Abitibi-Témiscamingue, on a un organisme qui n'est pas financé par Santé et Bien-être Canada, mais qui reçoit 13 000$ du gouvernement du Québec depuis trois ans. Il lève des fonds, évidemment, puisqu'il a gardé la porte ouverte à des fonds. Il y a des bénévoles, mais ces gens ne peuvent faire un travail suffisamment important auprès de la population en matière de prévention, d'éducation, de soutien et de maintien des personnes qui vivent avec le VIH dans la région, pour que ces dernières ne soient pas obligées de venir s'établir à Montréal.
Souvent, les organismes communautaires permettent, tout doucement, des développements de réseaux qui peuvent accueillir ces gens-là. Quand on a 13 000$ de subvention par année, ça veut dire qu'on a un employé qui est là six mois par année. Six mois après, il est au chômage ou on trouve des gens qui travaillent au noir. Avec 13 000$, on paye le téléphone et une chambre qui sert de bureau. On tient ça à bout de bras, mais la qualité ne peut pas être là.
On parlait d'évaluation tantôt. Qu'est-ce que vous voulez qu'on aille évaluer?
[Traduction]
Mme Ur: Mais c'est précisément ce que je disais, puisqu'il y a 31 organismes, il doit y avoir des domaines où vos efforts ressemblent aux leurs, et j'imagine qu'il y aurait lieu d'améliorer les choses en éliminant des chevauchements afin de faire des économies pour que vos dollars puissent être alloués directement aux services offerts aux personnes séropositives ou atteintes du sida. S'il y avait moins d'organismes, vous pourriez être plus rentables.
[Français]
Mme Pinault: Aucun de ces groupes ne fait le même travail. Dans une région, on n'a jamais plus d'un groupe. Il y a un groupe à Québec, un groupe en Gaspésie, un groupe au Saguenay-Lac-Saint-Jean, un groupe en Estrie. Il n'y a jamais de double organisme. Ces organismes-là couvrent des territoires immenses.
Dans la ville de Montréal, on a plusieurs maisons d'hébergement, mais ce sont seulement des lits. Un lit de plus ou un lit de moins, que ce soit dans la même maison ou ou dans des maisons séparées, cela n'implique pas nécessairement de coûts supplémentaires. De toute façon, on ne touche pas nécessairement les mêmes clientèles. Les organismes de services ont des vocations différentes: ce sont de petits «bocaux» avec des vocations toutes différentes les unes des autres.
Notre organisation travaille beaucoup avec les groupes communautaires pour qu'il n'y ait pas de dédoublement de services dans une même ville, de façon à ce qu'on n'ait pas de coûts en double au niveau de l'administration, de la coordination des bénévoles, etc.
Ou bien on s'occupe des proches, ou bien on s'occupe des femmes, ou bien on s'occupe des enfants. Ce sont des spécialités. Il n'y a pas trois groupes qui s'occupent de femmes, ou trois groupes qui s'occupent d'enfants, ou trois groupes qui ont des centres de jour. Il y a un centre de jour, une cuisine collective, une banque alimentaire, un organismes qui s'occupe de la famille. C'est très structuré de façon à diminuer nos coûts. On est très conscients de ça.
M. Gélinas: Il faut dire également que les groupes communautaires sida travaillent en collaboration avec d'autres groupes communautaires et partagent des frais d'infrastructure. La Coalition partage le logement avec d'autres groupes communautaires qui ne sont pas nécessairement reliés au VIH/sida. Il y a une économie au niveau de l'infrastructure. On travaille en partenariat aussi avec l'aile Québec de la Société canadienne de l'hémophilie, qui est même un de nos membres associés.
Il y a un effort important de partenariat dans l'ensemble des groupes communautaires québécois et des organismes du réseau public et parapublic.
[Traduction]
Le président: Madame Terrana.
[Français]
Mme Terrana (Vancouver-Est): Bonjour. Je ne fais pas partie de ce Comité-ci. Je suis ici à titre personnel et je viens de Vancouver.
Naturellement, je m'intéresse beaucoup à ce que vous avez dit, même si je ne suis pas très active dans ce domaine-là parce que je dois participer à d'autres activités.
Ce que je ne vois pas ici, c'est un budget. Est-ce que vous pourriez nous donner votre budget pour qu'on voie d'où ces fonds arrivent, où ils sont dépensés, etc.?
Quand je regarde votre Annexe II, qui est une liste des dépenses ou des fonds que vous recevez du gouvernement pour le programme de soutien, je vois que ces chiffres sont très petits. Je pense qu'il y a d'autres entrées d'argent. Est-ce que vous faites des cueillettes de fonds? Est-ce que vous avez des partenariats avec des groupes de Vancouver? Vous dites que vous offrez vos services partout. Est-ce qu'il y a quelque chose de semblable à Vancouver, par exemple?
Mme Pinault: Il n'y a pas de services semblables à Vancouver, mais nous travaillons avec des partenaires canadiens sur certains dossiers canadiens. Quand on parle de défendre ou de représenter nos organismes, au Québec, on le fait seuls. Quand on parle du dossier des compagnies de produits pharmaceutiques, du dossier des traitements, des médicaments et de certains dossiers fédéraux, on le fait avec des partenaires particuliers, comme les groupes de Vancouver. On travaille alors plus facilement et de plus près avec eux.
Mme Terrana: C'est ma circonscription.
Mme Pinault: Oui. On travaille aussi avec des collègues des Maritimes sur certains dossiers, quand ce sont des dossiers d'intérêt commun et que ça peut servir.
Nous travaillons, par exemple, avec la Société canadienne de l'hémophilie sur certains dossiers qui sont d'intérêt commun aux groupes communautaires sida et à la Société.
Mme Terrana: J'aimerais soulever autre chose en rapport avec le domaine des médicaments. Comme vous le savez, dans les prisons, il existe actuellement un problème énorme. Est-ce que vous faites du travail dans les prisons? Est-ce que vos partenaires en font? Est-ce qu'il existe des programmes pour ces personnes?
M. Malenfant: Il y a des organismes communautaires qui interviennent dans les prisons. Dans ma région, il y a une prisons provinciale et une prison fédérale. On intervient donc dans les deux prisons.
On intervient aussi dans le milieu scolaire, autant au niveau secondaire qu'au niveau primaire, au deuxième cycle. Il y a beaucoup d'écoles qui nous demandent de venir rencontrer les enfants et les adolescents. Il y a aussi les universités et les cégeps. Les organismes communautaires sont très bien implantés à l'intérieur de la communauté. Ils y apportent des témoignages, mais y donnent aussi de la formation.
Nous avons développé, au Québec, une certaine expertise concernant, par exemple, le sida en milieu de travail. Nous allons aider des entreprises à se donner des politiques de gestion de cette réalité dans l'entreprise, mais des politiques de gestion vis-à-vis du personnel, pour savoir comment vivre à côté d'une personne atteinte en milieu de travail.
L'éducation est considérée comme très importante par les organismes.
Mme Terrana: Je voudrais avoir une précision. Il n'y a pas de chiffres, dans votre liste, concernant les maisons d'hébergement. Ne recevez-vous pas d'argent pour ces maisons? Comment payez-vous ces maisons?
Mme Pinault: Les maisons d'hébergement ne sont pas subventionnées par Santé Canada. Nous les avons mises dans la liste pour vous montrer que nous en avons. Elles ne font pas partie du PACS.
Mme Terrana: Et les subventions, alors?
Mme Pinault: Elles ne peuvent pas recevoir de subventions fédérales.
Mme Terrana: Oh!
M. Gélinas: Elles sont subventionnées partiellement par les provinces.
Mme Terrana: Combien recevez-vous de subventions pour les maisons?
Mme Pinault: Dans la plupart des cas, 45$ par lit, par jour.
Mme Terrana: Un autre chiffre qui m'a troublée, c'est le pourcentage des médecins qui, selon ce que vous avez dit, ne veulent pas s'occuper de clients.
M. Malenfant: C'est dans ma région.
Mme Terrana: Dans votre région. Est-ce que ça se pratique dans d'autres régions, dans les Prairies, par exemple?
M. Gélinas: Sûrement. Les résultats des dernières études qui ont été faites auprès des médecins sont absolument effarants. Je me souviens d'en avoir lu une où on disait qu'il y avait encore 40 p. 100 des médecins qui refusaient d'envoyer leurs enfants dans une école où il y avait un enfant atteint du sida. C'est assez renversant. On tombe de haut en lisant cela. C'est pourtant la réalité. Cela démontre que les médecins ne sont pas plus à l'abri que les autres couches de la population des préjugés véhiculés ou de la méconnaissance de certaines réalités.
Mme Terrana: Mais vous obtenez la collaboration des médecins dans votre travail.
M. Gélinas: Oui. Il y a des médecins qui s'engagent avec ardeur dans ce domaine.
Mme Terrana: Même à titre de bénévoles.
M. Gélinas: Oui.
Mme Terrana: Merci. Merci, monsieur le président.
M. Ménard: Monsieur le président, j'ai beaucoup apprécié les questions de ma collègue et je la remercie d'être avec nous aujourd'hui. C'est intéressant parce que je ne crois pas me tromper en disant que la plupart d'entre vous étiez déjà là au début de l'épidémie. Vous êtes des vétérans. Je sais que c'est certainement le cas de Lise. Je connais moins les deux autres témoins, mais vous nous avez confirmé que vous étiez là dès le début.
Il y a certainement quelque chose d'inquiétant dans le fait qu'on se retrouve ici, plus de dix ans après le début de l'épidémie. Vous semblez nous dire qu'à tout le moins chez les gays, on ne constate pas une régression de l'épidémie, bien au contraire! Il y a même, chez certaines clientèles spécifiques que vous avez identifiées, des comportements à risque. Comment expliquez-vous, vous qui êtes des militants de la première heure, que nous soyons dans une situation où, malgré les ressources investies, on a l'impression qu'aucun recul de la diffusion du sida n'a pu être constaté, au moment où on se prépare à élaborer la phase III de la Stratégie?
M. Gélinas: Je pense que des progrès très importants ont été accomplis. La première et la plus récente étude qui ait été faite au Québec sur les comportements sexuels des hommes ayant des contacts sexuels avec d'autres hommes le démontrait. On y disait que 75 p. 100 des hommes qui ont des contacts sexuels avec d'autres hommes ont développé des comportements sécuritaires. On peut se dire qu'il en reste encore 25 p. 100, mais...
M. Ménard: Chez les 25-45 ans, ce qui est notre groupe d'âge, en somme.
M. Malenfant: Ceux qui sont là depuis le début...
M. Gélinas: Chez les jeunes, face à cette réalité comme face à d'autres, on court des risques, ce qui est propre à la jeunesse. On pourrait bien se demander comment il se fait qu'en 1995, il y a encore tel pourcentage d'adolescentes qui deviennent enceintes et qui ne se protègent pas. C'est la réalité qu'il ne faut jamais oublier: on est jeune, on a le goût du risque et on oublie les conséquences. Il faut donc investir de façon importante dans cette catégorie d'âge.
Mme Pinault: J'aimerais ajouter qu'au cours des deux dernières années, on a surtout investi dans le domaine de l'éducation. On parle du condom et de méthodes sécuritaires. Mais on n'a pas, particulièrement dans la communauté gay qui est celle qui a été la plus touchée et avec laquelle on travaille depuis le plus longtemps, travaillé l'estime de soi. On n'a pas travaillé auprès des populations l'acceptation de cette vie homosexuelle. On travaille superficiellement.
À Santé Canada, on a, dit-on, des divisions de promotion de la santé. En fait, on ne fait pas de la promotion de la santé. On fait toujours de la prévention. La prévention devrait être une deuxième étape. C'est comme semer pour faire pousser le bon sens. Il faudrait préparer le terrain avant. Or, on ne le fait jamais. On accepte toujours des programmes qui visent à distribuer des condoms, à montrer par des images comment porter le condom, comment nettoyer une aiguille, à dire qu'il ne faut pas utiliser l'aiguille de son voisin, etc. On n'essaie jamais de démontrer qu'il est correct d'être homosexuel, qu'on peut vivre ainsi, que ce n'est pas la fin du monde, qu'on a le droit d'aimer, le droit d'être. Ensuite, on demande à ces populations de se tenir tranquilles, de bien vivre leur sexualité.
C'est un peu comme moi qui suis une fumeuse invétérée. Je travaille un grand nombre d'heures chaque semaine. Je vis en folle. Je cours d'une ville à l'autre. Je suis toujours stressée. Je n'ai pas le temps de faire du conditionnement physique. Soudainement, on me dit que je devrais cesser de fumer parce que je pourrais avoir un cancer du poumon. Bien sûr, mais est-ce qu'on peut demander à la population qui risque de perdre son emploi, qui court toujours après son salaire, qui se demande si elle va bouffer la semaine prochaine, de se tenir tranquille et de faire du conditionnement physique, de ne pas fumer et de mener une vie saine, alors que d'un autre côté, on ne lui en donne pas les moyens?
C'est la même chose pour la prévention et la sexualité. Si on n'intervient pas auprès de la population générale pour lui dire qu'il y a là une communauté qui représente x p. 100 de l'ensemble de la communauté à laquelle elle appartient et qu'elle doit l'accepter, que ce sont des gens comme le reste du monde... Ces gens, comme tout le monde, en arriveraient à ne pas être gênés et à ne pas passer leur vie dans les garde-robes. Il y aurait peut-être alors des comportements plus sécuritaires.
On n'a jamais fait d'étude sur l'impact du deuil dans la communauté gay. On dit que nos 25-45 ans se protègent plus, mais ils ne se protègent pas tous. Que vivent ces hommes à la suite de la perte de leurs amis, de leurs frères, de leurs soeurs, d'année en année, quand ils regardent la photo de famille et mettent des rayures sur tous ceux qui ont survécu après dix ans, c'est-à-dire un ou deux? Quel impact cela a-t-il sur leur envie de vivre? Je pense qu'il faut avoir envie de vivre pour mener une bonne vie.
M. Ménard: Et avoir le goût de se protéger.
Quelle appréciation faites-vous des compagnies pharmaceutiques?
Vous savez qu'on aura, comme Comité, à se pencher sur cette question-là. On aura même sans doute une table ronde qui sera un lieu de concertation entre les personnes atteintes, les représentants du gouvernement et les compagnies pharmaceutiques.
Dans vos recommandations 6 et 7, vous invitez le gouvernement fédéral à remettre en question les retombées du projet de loi C-91 et vous souhaitez qu'il y ait un accès accru aux essais cliniques. J'aimerais que vous élaboriez sur ces deux recommandations-là.
M. Gélinas: J'aimerais dire un seul mot, à la blague: Est-ce que les compagnies pharmaceutiques se sont appauvries depuis que la réalité VIH/sida est apparue au Québec ou au Canada?
Mme Pinault: En ce qui a trait au projet de loi C-91, les gens qui étaient au gouvernement à ce moment-là et les organismes communautaires ont tous subi le lobby des compagnies pharmaceutiques. J'avais des appels trois fois par semaine: «Aidez-nous, il faut obtenir le projet de loi C-91».
Pour la majorité des pays d'Europe, le temps de protection d'un nouveau produit est de 24, 26 ou 27 ans. On n'arrivait pas à les concurrencer avec nos 23 ans.
Tout ce lobby s'est fait aussi parce que les politiciens ont cru que cela pouvait apporter au gouvernement, c'est-à-dire à la population, de la création d'emplois dans le domaine de la recherche. C'est ce qu'on nous avait promis pendant la période de lobby.
Je me souviens que l'ancien ministre de l'Indusdrie et du Commerce du Québec envoyait des lettres dithyrambiques au ministre fédéral sur le projet de loi C-91: «Il nous le faut parce que ça va faire ci, ça va faire ça.» Je suis contente de voir qu'il est conséquent avec lui-même: il questionnait le Parlement sur le fait que BioChem allait produire le 3TC en Angleterre.
Je pense que le gouvernement a les moyens de poser des questions. J'étais ici quand ces gens ont témoigné devant le Comité. Ils nous ont dit la part qu'ils mettaient dans la recherche, mais ils n'ont pas beaucoup détaillé ce montant-là. Je soupçonne qu'il y a aussi la part du marketing dans cette enveloppe-là.
Au niveau de l'accès humanitaire, il est très important pour les personnes qui vivent avec le VIH d'avoir accès assez rapidement à des médicaments qui peuvent prolonger la vie. On n'en est pas encore rendu à traiter. On ne fait que soutenir une certaine qualité de vie prolongée.
Je pense que le gouvernement a suffisamment de poigne pour dire à ces compagnies: «Quand vous approuverez les phases II et III, il y aura aussi un accès compassionnel. Je veux voir le papier.» Je pense que le gouvernement a cette force.
M. Ménard: Pour que les membres du Comité comprennent bien, voulez-vous nous rappeler de quoi il est question quand on parle de l'accès compassionnel?
Mme Pinault: L'accès compassionnel, c'est quand un médicament entre en phase II ou III d'essai clinique. Certaines personnes qui ne sont pas choisies pour l'essai clinique, pour des questions de hasard ou parce qu'elles ne répondent pas à tous les critères de l'essai clinique, peuvent avoir accès gratuitement au médicament, sous surveillance médicale, de la même façon que ceux qui font partie de l'essai clinique.
Cela donne des essais cliniques plus sérieux, parce que quand il n'y a pas d'accès humanitaire, les gens acceptent n'importe quelles conditions pour faire partie du processus. Ils suivent mal le processus ou refilent les médicaments à quelqu'un d'autre, et ça donne des résultats moins bons dans les phases II et III des essais.
[Traduction]
Mme Bridgman: En ce qui a trait à la stratégie nationale sur le sida, selon votre expérience, auriez-vous des commentaires ou des recommandations à nous faire en vue de son amélioration? J'ai bien entendu certaines choses que vous avez dites en ce qui a trait au financement de base ou de soutien, aux 25 p. 100, et au financement de soutien par rapport au financement ponctuel, etc. Dans la même veine, je pense que nous devons nous pencher sur la question de l'accès compassionnel aux médicaments à l'essai. Selon mon interprétation du moins, il semble que les programmes de distribution de condoms ou d'échange de seringues traitent le symptôme plutôt que la maladie.
Quels autres atouts pourrait-on ajouter à ce programme? C'est un programme national et c'est l'élément clé de notre lutte contre le sida à l'échelle du pays. Auriez-vous des conseils ou des suggestions visant à améliorer ce programme?
[Français]
M. Gélinas: On recommande une campagne nationale auprès de la communauté la plus touchée. On mentionnait tantôt la difficulté qu'ont les hommes qui ont des relations avec d'autres hommes. On a axé beaucoup la prévention sur ce que j'appelle les milieux fermés reliés à l'homosexualité : les bars, les saunas dans la ville de Montréal. Je pense qu'il est temps de développer une campagne nationale, pour rejoindre l'ensemble des hommes. On parle beaucoup de bisexualité et des jeunes. Ces jeunes-là vivent partout au Québec. Ils ne fréquentent pas tous les bars. On parle du village à Montréal. Il y a peut-être de 10 à 15 p. 100 des gays qui fréquentent le village. Il en reste 80 p. 100 qui vivent à Montréal, Victoriaville, Edmonton, Halifax. On vit partout. On avait d'ailleurs suggéré à Mme Marleau d'étudier la possibilité pour le gouvernement fédéral de faire une campagne nationale auprès de cette communauté-là. C'est un élément.
[Traduction]
M. Culbert (Carleton - Charlotte): Je voudrais simplement revenir sur une ou deux choses que vous avez dites auparavant dans vos commentaires à propos de l'éducation, de la discrimination, des niveaux de revenu, et des régions d'où viennent les personnes séropositives ou atteintes du SIDA qui s'intègrent dans la société à Montréal ou ailleurs au Québec. Trouve-t-on un plus grand nombre de victimes dans une région particulière?
Je me demandais ce que nous pouvions recommander, en dernière analyse, outre les dollars et les cents. Nous avons toujours tendance à nous concentrer sur les gros sous, mais je pense qu'il nous faut plus que cela. Comme vous venez de le dire, il ne fait aucun doute que l'éducation est un élément important dans tout cela. Mais il est clair qu'il y a quelque chose qui cloche dans ce que nous faisons, ou nous serions témoins d'une régression plutôt que d'une recrudescence de la maladie. J'ai bien aimé cette analogie que vous avez faite auparavant à propos de l'exercice et de la bonne santé qui est nécessaire si on veut avoir un coeur et des poumons sains. C'était excellent.
Mais que fait-on pour le VIH et le sida? Il ne s'agit pas ici d'avoir un coeur et des poumons en santé mais de quelque chose de différent. Doit-on insister davantage sur l'éducation? Devrait-on déployer plus d'efforts dans un domaine particulier en ce qui a trait aux défavorisés?
J'aimerais entendre vos commentaires.
[Français]
M. Gélinas: Il faudrait les inventer, mais je ne pense pas que l'on puisse tout inventer, d'autant plus que la société canadienne a fait preuve de beaucoup d'imagination et d'innovation. Cette réalité du VIH/sida a fait avancer et continue de faire avancer beaucoup les Canadiens et Canadiennes.
Je pense qu'il faut continuer à inventer, mais il faut aussi accentuer l'ensemble des domaines. On soulignait tantôt l'intervention en prison. Je sais que dans les prisons, il ne se faisait absolument rien, mais que le ministère de la Justice fédéral a ouvert les prisons à la distribution de condoms. Je lisais qu'il s'apprêtait à voir ce qu'il pouvait faire en ce qui a trait à l'échange de seringues. Il faut continuer à faire des efforts importants et augmenter l'investissement. L'investissement reste très minime, comparativement à d'autres.
M. Malenfant: Dans le fond, il faut agir. Ce n'est pas juste une question d'argent à l'intérieur de la problématique du sida et ce n'est pas juste une problématique de santé. C'est aussi une problématique de société. Tant et aussi longtemps que tous les intervenants qui ont la possibilité d'intervenir dans notre société ne diront pas qu'il faut briser cette épidémie qu'on appelle le sida, on ne marchera qu'à petits pas et on ne parlera que d'argent.
Au Québec, on a pris l'initiative d'unir les organismes communautaires et les intervenants aux niveaux fédéral et provincial pour qu'ils bâtissent ensemble des projets provinciaux ou locaux. C'est un exercice de partenariat qui rapporte beaucoup, pas simplement au niveau de l'argent, mais aussi au niveau de temps et de l'intervention. C'est une épidémie. Tant et aussi longtemps que tout le monde n'aura pas dit: «Oui, il faut intervenir», ce sera comme chez nous. Il faut convaincre 60 p. 100 des médecins qu'ils peuvent recevoir des personnes atteintes dans leur clinique parce qu'ils peuvent travailler avec elles. La clinique ne sera pas infectée pour autant. Un homme d'affaires ne mettra pas quelqu'un à la porte parce qu'il est atteint du sida. Au contraire, il va le garder dans son entreprise et il va garder la qualité de vie de son entreprise et de l'individu.
Il y a une volonté qui doit venir de tout le monde, pas simplement des gouvernements. Le gouvernement peut nous aider à faire en sorte que cette volonté vienne. Actuellement, elle ne vient que du niveau communautaire et de quelques chercheurs, de quelques médecins et de quelques parlementaires. Il nous faut la volonté de tout le monde, puisque c'est une épidémie qui cause des ravages et qui en causera encore.
Mme Pinault: Je vous ferai une suggestion gratuite pour soutenir le promotion de la santé. Changez la réglementation. Qu'on reconnaisse les couples de même sexe et qu'on inclue dans la loi l'homosexualité comme motif de crime haineux. Qu'on fasse ce type de modification des règlements et on créera peut-être un terrain suffisamment favorable pour que ces gens aient envie de vivre très longtemps et fassent attention.
M. Ménard: Suivez l'actualité parlementaire, madame Pinault.
[Traduction]
M. Culbert: Faites-vous allusion au projet de loi C-41?
[Français]
Mme Pinault: Oui.
[Traduction]
M. Culbert: Selon votre expérience, l'augmentation du nombre de personnes séropositives ou atteintes du sida, disons dans la région de Montréal plus précisément, comme vous l'avez indiqué, touche-t-elle un secteur de la société en particulier? La situation économique dans la communauté a-t-elle ici une pertinence quelconque ou est-ce que cette augmentation se fait sentir dans tous les secteurs de la société, dans toutes les tranches de revenu? Je me demande simplement si nos campagnes publicitaires et nos efforts d'éducation sont suffisamment bien ciblés, qu'ils s'adressent aux écoles, aux universités ou à d'autres. Y a-t-il un secteur de la société que nous ne rejoignons pas et sur lequel nous devrions nous concentrer?
[Français]
Mme Pinault: La communauté gay, c'est une communauté assez riche, une communauté assez hautement scolarisée, d'après nos recherches. Donc, on ne peut pas dire qu'on pourrait ramener les gens à quelque chose de très spécifique.
Quand on arrive en toxicomanie, ce n'est pas la même chose. On trouve beaucoup d'itinérance en toxicomanie. Cette partie de la société est la plus en difficulté. Donc, le type d'intervention ne peut pas être le même. On ne peut pas arriver à rendre les choses aussi pointues dans toutes les communautés.
Dans les communautés ethnoculturelles, on trouve aussi des hommes, des femmes et des enfants qui viennent de toutes les catégories de la société, qu'elles soient hautement scolarisées ou sans scolarité, qu'elles soient à haut revenu ou à faible revenu. On ne pourrait pas mettre...
[Traduction]
M. Culbert: Cette épidémie ne respecte aucune démarcation entre les secteurs, alors.
[Français]
M. Gélinas: On sait que nos gouvernements et nos citoyens ont mis de nombreuses années à reconnaître minimalement que cette réalité posait un danger important pour la société.
Maintenant, on récolte l'inconscience qu'il y a eu face à cette réalité. Il faut payer maintenant, comme je le mentionnais dans la présentation. Ce qu'on pense économiser aujourd'hui, il faudra le multiplier par 10 pour les dépenses de demain. Ce n'est pas en diminuant les efforts maintenant qu'on va continuer à sensibiliser les populations à cette réalité.
Le président: Merci beaucoup. Avant de clore cette réunion, je tiens à remercier nos témoins de cet après-midi pour l'exellence de leur présentation et le sérieux de leur organisme.
J'ai une ou deux petites réflexions. Je suis très heureux de voir que votre organisme procède à une évaluation des services, à un genre d'auto-évaluation.
Je pense que cela fait vraiment avancer le problème comme tel.
Je suis quand même inquiet du fait que le comportement sexuel sécuritaire chez les jeunes diminue. Je pense qu'on devra faire face à ce problème.
Vous avez parlé du PACS-soutien et du PACS ponctuel et vous suggérez une diminution de 25 p. 100 de l'un par rapport à l'autre, soit du ponctuel au soutien. Actuellement, est-ce que 50 p. 100 des fonds sont alloués au ponctuel? Quelle est la proportion?
M. Gélinas: Je ne la connais pas. Concernant l'évaluation, il faut dire que, pour les groupes communautaires, l'évaluation de nos services n'est pas quelque chose de nouveau, parce qu'à chaque année, les groupes communautaires sont tenus d'aller en assemblée générale. Ce sont nos membres qui nous disent si on doit continuer ou s'arrêter, prendre telle ou telle orientation. Donc, les services et la qualité des services qu'on donne à nos populations sont soumis chaque année au vote de nos membres.
Le président: Je vous en félicite. Le fait que vous allez en remettre une à Santé et Bien-être Canada constitue une évolution.
Mme Pinault: À condition que Santé et Bien-être Canada veuille bien nous aider à nous financer, nous aussi.
Le président: Il y a des gens autour de la table qui veulent vous aider. Merci beaucoup.
M. Gélinas: Je voudrais remercier M. Ménard de nous considérer comme des vétérans. C'est touchant, mais il faut dire aussi que, dans cette réalité de vétérans, on porte le poids de beaucoup d'hommes qu'on a connus et qui sont disparus de nos vies, des jeunes, beaucoup plus jeunes que nous ne le sommes nous-mêmes. Pour nous, c'est une urgence de vie.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.