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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 14 décembre 1995

.0916

[Traduction]

Le président: Bonjour.

[Français]

Bonjour et bienvenue à cette quatrième séance de la table ronde sur l'accès humanitaire aux médicaments de recherche. Le thème de ce matin est la question importante de la responsabilité.

[Traduction]

Le point crucial que nous débattons aujourd'hui est de savoir à qui incombe la responsabilité de prendre l'initiative et d'élargir l'accès humanitaire aux médicaments de recherche? Autre question importante: à qui doit revenir la responsabilité de défrayer le coût de l'accès humanitaire? Nous traiterons également des rôles respectifs des gouvernements fédéral et provinciaux, de l'industrie pharmaceutique et des compagnies d'assurance.

[Français]

Nous allons procéder comme d'habitude. Tout d'abord, chaque participant disposera de dix minutes pour faire sa présentation et ensuite les membres du sous-comité auront l'occasion de poser des questions aux témoins de leur choix. Enfin, la table ronde se terminera par une discussion impliquant tous les membres du sous-comité de même que tous les participants.

Pour commencer ce matin, nous entendrons, de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, le Dr Sophia Fourie, le Dr Michael Levy et M. William Milligan.

Docteur Fourie, s'il vous plaît.

[Traduction]

Dr Sophia Fourie (Association canadienne de l'industrie du médicament): Je vous remercie à nouveau, monsieur le président, de nous donner la possibilité de nous exprimer.

On peut diviser les responsabilités des fabricants en trois catégories: morales - c'est-à-dire les responsabilités vis-à-vis la société; légales - c'est-à-dire les responsabilités du fait des produits; et fiduciaires.

Pour ce qui est des deux premières catégories - les responsabilités sociétales et légales - la conduite des fabricants, des chercheurs et des médecins traitants est subordonnée à des directives et des codes de conduite tels que le Code d'Helsinki et les directives du CRM, de la FDA et de la DGPS. En ce qui a trait à la responsabilité fiduciaire, les fabricants s'intéressent de près au bon usage de leurs produits, et accordent une attention particulière à l'état des connaissances relatives à un nouveau médicament avant de décider d'accorder un accès précoce.

En outre, assurer l'administration d'un programme d'accès expérimental peut représenter une charge substantielle. Financièrement, cela peut se situer entre 30 et 40 millions de dollars. La mise en place d'une infrastructure pour gérer le programme, la création de dossiers sur les cas, la collecte des informations - tout cela contribue à faire du processus une charge financière assez importante.

Les questions centrales que nous devons débattre sont, premièrement, celles qui ont trait à la responsabilité du fait des produits, dont on a longuement discuté hier. Même l'application d'une procédure équitable et l'existence de conditions optimales, pour assurer que les malades prennent des décisions éclairées lorsqu'il s'agit de s'exposer à des médicaments expérimentaux, ne suffisent pas à protéger contre d'éventuelles actions en justice.

Il faudrait aussi se pencher sur la question du fardeau financier et de sa répartition.

Enfin, nous avons tous la responsabilité de considérer la question plus générale de l'accès aux traitements de pointe. Disposer d'un mécanisme d'accès précoce à un médicament expérimental donné n'est peut-être pas aussi avantageux que de faire homologuer le médicament aussi rapidement que possible.

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En ce qui concerne le sida et le cancer, l'association de plusieurs produits à un stade précoce de la maladie semble être l'approche la plus prometteuse.

Vous êtes au courant de la grande réussite qu'a été l'homologation du 3TC, obtenue en cinq mois au Canada; quand on examine les dossiers de la FDA, on se rend compte que les périodes d'approbation s'étendent de trois mois, dans le cas récent du saquinavir, à six mois pour les autres médicaments contre le sida approuvés jusqu'ici.

On devrait encourager la Direction des médicaments en ce sens en mettant à sa disposition les ressources nécessaires pour continuer d'accélérer le processus d'homologation. La FDA dispose d'instruments additionnels comme les demandes partielles et les approbations conditionnelles pour accélérer le processus d'examen. La question est de savoir s'il s'agit d'initiatives que nous devrions envisager au Canada.

Les fabricants ont démontré, par la mise en oeuvre systématique au Canada de programmes d'accès précoce qu'élargir l'accès aux médicaments constitue une priorité et une responsabilité que les compagnies pharmaceutiques ont, par le passé, acceptée et qu'elles continueront d'assumer à l'avenir.

Merci de votre attention monsieur le président.

Le président: Merci, docteur Fourie.

Docteur Levy.

Dr Michael Levy (Association canadienne de l'industrie du médicament): Merci. Je fais miennes les observations du Dr Fourie. Je n'ai rien à ajouter.

M. William D. Milligan (Association canadienne de l'industrie du médicament): Même chose pour moi, monsieur le président, je n'ai rien à ajouter.

Le président: Merci.

Monsieur Arn Schilder, de B.C. People with AIDS. Monsieur Schilder, s'il vous plaît.

M. Arn Schilder (vice-président, B.C. People with AIDS): Merci, monsieur le président. J'ai préparé des réponses aux cinq questions portant sur les responsabilités formulées dans le document que vous nous avez communiqué la semaine dernière, et je vais vous les présenter.

La première question sur la responsabilité était la suivante: Qui devrait être chargé de prendre l'initiative d'élargir l'accès humanitaire? Au Canada, cette responsabilité incombe au Parlement fédéral puisqu'il a le pouvoir de formuler les orientations qui déterminent les politiques. Il incombe au Parlement de fixer les objectifs, et à la Direction générale de la protection de la santé de mettre en place les mécanismes d'application. Les essais cliniques ne devraient être autorisés au Canada que si l'accès humanitaire est prévu.

La deuxième question était: Le gouvernement devrait-il, en la matière, décider par voie législative?

Le gouvernement du Canada a la responsabilité et l'obligation de protéger les citoyens et de pourvoir à leurs besoins. Le virus de l'immunodéficience humaine constitue une menace d'importance nationale. Une grande partie de la stratégie de lutte contre le sida doit être consacrée à la mise en place d'incitatifs pour que l'industrie pharmaceutique développe et améliore ses programmes de recherche, par exemple, dans le domaine de la science fondamentale. Nous souhaitons que le sida occupe une grande place dans cette industrie. Notre vie en dépend de bien des façons. S'il est nécessaire qu'il y ait des incitatifs économiques pour que l'on découvre des traitements efficaces et non toxiques, alors, il faut lui offrir ces incitatifs économiques.

La troisième question était: Les gouvernements fédéral et provinciaux ont-ils la responsabilité de financer les essais cliniques d'agents qui ne présentent pas d'intérêt pour les compagnies pharmaceutiques?

Oui, absolument. L'intérêt de l'industrie pharmaceutique est de faire du VIH une maladie contrôlée chimiquement pendant toute la vie de ceux qui en sont atteints. Elle cherche donc des produits chers et brevetables. Si le gouvernement, notamment au niveau fédéral, ne prend pas la responsabilité d'autoriser des essais indépendants de produits potentiellement bon marché et non brevetables, qui d'autre le fera?

En outre, le gouvernement devrait parrainer, par l'intermédiaire des universités, des recherches en science fondamentale sur la pathogénie du VIH - processus immunologique, virologique et génétique - pour assurer un haut degré d'égalité entre les sexes.

Le fait qu'une recherche est motivée par la curiosité ou par la pertinence a d'importantes ramifications. Quand il prend ses décisions en matière de financement, le gouvernement se doit de faire cette distinction et d'attribuer des crédits de façon appropriée.

Il est dans l'intérêt évident de l'industrie pharmaceutique que la recherche au niveau de la science fondamentale se poursuive. Cela ouvre d'autres perspectives de collaboration entre l'industrie et le secteur public, perspectives qui pourraient s'avérer avantageuses pour tous les intéressés.

La quatrième question était: Dans quelle mesure le Réseau canadien d'essais cliniques peut-il pousser les compagnies pharmaceutiques à élargir l'accès humanitaire?

Le Réseau canadien d'essais cliniques est une entité qui promulgue les politiques et les normes établies par le gouvernement. Il veille à ce que les fins poursuivies soient bien comprises, tout en mettant lui-même en oeuvre les moyens qu'il faut pour y parvenir. Le Réseau canadien d'essais cliniques reconnaît et exerce sa responsabilité en matière d'accès humanitaire, en refusant d'entreprendre ou de parrainer tout essai qui ne comprend pas un volet d'accès humanitaire. Toute forme de collaboration entre le Réseau canadien d'essais cliniques doit inclure des discussions sur l'accès humanitaire, et cela devrait être au centre des efforts des lobbyistes et de l'élaboration de priorités en la matière.

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La cinquième question était: Les compagnies pharmaceutiques ont-elles d'autres responsabilités que d'assurer la rentabilité de leur entreprise? Ce n'est pas ce qu'elles disent. Elles représentent une grande industrie internationale qui approvisionne en produits essentiels un énorme marché mondial. Le profit est leur préoccupation première.

Par l'entremise du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés au Canada, le CEPMB, les compagnies pharmaceutiques sont toutefois tenues par la loi de consacrer 5 à 10 p. 100 de leur budget de commercialisation à des dons aux organismes communautaires, aux programmes d'encadrement de médecins, etc. Nous pensons que l'industrie pharmaceutique tire profit de la souffrance et des maladies humaines. Elle doit, par conséquent, assumer la responsabilité sociale associée à ce pouvoir et à ce privilège. Il s'agit d'une responsabilité morale. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Schilder.

Je passe maintenant la parole à Mme Carol Harkness de Access to Effective Cancer Care in Ontario.

Mme Carol Harkness (Cadre de direction, Access to Effective Cancer Care in Ontario): Bonjour. Je m'appelle Carol Harkness, et je suis un des cadres de direction de Access to Effective Cancer Care in Ontario. J'ai aussi survécu à un cancer du sein.

J'aurais dû être accompagnée ce matin de l'un de nos cadres de direction, une infirmière en essais cliniques, Jan Stewart, mais elle a été retenue à Toronto à cause du mauvais temps. Carole Spiro, la présidente de Breast Cancer Action, est toutefois à mes côtés ce matin.

Nous sommes heureuses de pouvoir participer à cette table ronde nationale, car l'accès aux médicaments a été et continue d'être une préoccupation majeure de l'AECCO.

Même si vos discussions portent principalement sur les médicaments de recherche, le sous-comité doit savoir que les cancéreux continuent de rencontrer de grandes difficultés pour avoir accès aux médicaments révolutionnaires homologués. Nous espérons que ce gouvernement fera tout en son pouvoir pour faire appliquer la Loi canadienne sur la santé, afin que les cancéreux bénéficient d'un accès égal aux médicaments importants, qu'ils soient expérimentaux ou homologués, dont on a besoin pour vaincre cette maladie, que l'on soit riche ou pauvre, ou que l'on vienne de l'Ontario ou du Manitoba.

J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'AECCO, comment nous avons débuté, ce que nous avons réalisé, et ce sur quoi nous travaillons. Je vous ferai part ensuite de quelques-unes de nos réflexions préliminaires à propos de l'accès aux médicaments de recherche, dans l'optique de ce qui sous-tend les activités de l'AECCO, c'est-à-dire le sort des cancéreux.

L'AECCO a été créée en septembre 1973 quand se sont regroupés des survivants du cancer, des oncologues, des infirmières en oncologie et d'autres personnels spécialisés dans les soins aux cancéreux, qui étaient préoccupés par l'accès au traitement du cancer en Ontario. On a beaucoup discuté, ce soir-là, de plusieurs problèmes, notamment des listes d'attente pour bénéficier d'un traitement, de la pénurie d'appareils de radiothérapie et de thérapeutes et de l'accès aux mammographies, mais nous avons conclu que la grande priorité du groupe devait être la préoccupation grandissante des cancéreux et des oncologues, c'est-à-dire l'accès aux médicaments révolutionnaires destinés aux cancéreux.

Les oncologistes qui font partie de l'AECCO sont régulièrement confrontés au dilemme suivant: annoncer aux malades qui ne sont pas couverts par une assurance-médicaments qu'ils pourraient bénéficier d'un nouveau médicament, tout en sachant qu'il est financièrement hors de leur portée, ou simplement proposer un autre traitement moins efficace, sans même mentionner le médicament révolutionnaire.

Il était clair le soir de notre assemblée fondatrice, en entendant parler les oncologistes et les malades, qu'il existe en vérité en Ontario un système de soins des cancéreux à deux vitesses. Les cancéreux qui ont les moyens et ceux qui sont couverts par une assurance-médicaments ont beaucoup plus facilement accès aux nouveaux médicaments révolutionnaires, alors que la majorité des autres malades doit se contenter de soins de moindre qualité.

L'AECCO décida cette nuit-là, il y a deux ans, de mieux sensibiliser le public à la question et de centrer l'attention du gouvernement de l'Ontario sur le besoin d'améliorer l'accès des cancéreux aux médicaments révolutionnaires. Afin de singulariser la question, l'AECCO s'est servi de l'accès au facteur de croissance de colonies granulocytaires (FCCG), un important médicament utilisé parallèlement à la chimiothérapie, pour illustrer ses préoccupations à propos de la disponibilité limitée de certains nouveaux médicaments. Le FCCG, considéré comme révolutionnaire par le gouvernement fédéral quand il le fit bénéficier d'une évaluation et d'une homologation accélérée il y a quelques années, est un médicament utilisé pour stimuler le repeuplement des globules blancs qui constituent la défense naturelle du corps contre les infections.

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On est souvent forcé de retarder la chimiothérapie ou d'en réduire l'intensité chez les malades sujets aux infections, ce qui risque d'affecter leur traitement.

Dans toutes les provinces du Canada, à l'exception de l'Ontario, les ministères de la Santé ont mis en place des politiques et des procédures prévoyant la prise en charge du FCCG par les régimes d'assurance-médicaments provinciaux, pour que les malades qui en ont réellement besoin puissent en bénéficier en temps opportun. Vous comprendrez que la condition d'un patient exige presque toujours la prise d'initiatives en temps opportun.

En Alberta, les demandes de FCCG formulées par des oncologistes sont satisfaites dans la semaine; en Saskatchewan, en trois ou quatre jours; et au Québec, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, dans les 48 heures ou moins. Ce n'est pas du tout la même chose en Ontario.

Les renseignements recueillis par l'AECCO en vertu de la Loi sur l'accès à l'information montrent qu'en moyenne, les oncologistes de l'Ontario - et ce qui est encore plus important, leurs malades - doivent attendre 61 jours avant d'obtenir une réponse à leurs demandes de FCCG. Par rapport aux un ou deux jours d'attente dans la plupart des autres provinces, ce temps de réponse moyen de 61 jours en Ontario est inacceptable, et l'AECCO l'a fait savoir lors d'une conférence de presse en juin 1994. Soixante et un jours, c'est long, très long quand on a le cancer.

En partie grâce aux efforts de l'AECCO, le temps de réponse du gouvernement a été réduit de manière significative, mais le problème de l'accès n'a pas été réglé pour autant. En février dernier, le gouvernement de l'Ontario a promulgué des directives sur le traitement au FCCG dans le but d'assurer son utilisation appropriée. Ces directives excluent explicitement les malades atteintes d'un cancer du sein, en dépit du nombre croissant de recherches qui soulignent l'importance de poursuivre les traitements de chimiothérapie prescrits aux malades et rendus possibles par le FCCG pour les femmes atteintes du cancer du sein.

L'AECCO poursuit ses efforts pour améliorer l'accès au FCCG et aux autres grands médicaments révolutionnaires pour le traitement du cancer.

Nous sommes conscients d'avoir parlé jusqu'ici de médicaments contre le cancer qui sont homologués, mais il y a une bonne raison à cela. Même si l'étude du sous-comité, porte sur l'accès aux médicaments expérimentaux, nous vous prions respectueusement de ne pas minimiser l'importance des obstacles à l'accès aux médicaments homologués. C'est un problème qui empoisonne l'existence quotidienne des cancéreux.

Le sujet des travaux du comité, c'est-à-dire l'accès aux médicaments de recherche, pose des questions difficiles. Qui devrait y avoir accès? Qui devrait payer? Quels médicaments devraient être disponibles? Quels sont ceux qui ne devraient pas l'être? Il est clair qu'il faut fixer des limites. Ce qui n'est pas aussi évident, c'est où les fixer.

Ces questions deviennent encore plus épineuses dans le contexte de la situation financière dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement. Dans un monde idéal, le coût du traitement n'influerait pas sur l'accès des patients. Toutefois, chaque budget fédéral ou provincial nous rappelle que nous ne vivons pas dans un monde parfait.

Nous ne prétendons pas avoir les réponses à ces questions difficiles. Nous venons plutôt à cette table ronde en tant qu'organisme de représentation des malades dont le point de vue est influencé par les combats émotifs et physiques quotidiens des cancéreux qui souhaitent désespérément bénéficier du traitement révolutionnaire qui les sauvera.

Nous pensons que l'accès aux médicaments de recherche devrait être accordé en fonction d'un ensemble de principes ou de critères applicables au cas par cas.

On devrait, selon nous, tenir compte de ce qui suit lors de l'élaboration de ces critères: le plus important ne devrait pas être une meilleure probabilité de survie; l'amélioration de la qualité de la vie, indépendamment de la question de survie, devrait être un facteur important; l'accès prioritaire ne devrait pas être accordé à certains groupes de maladies aux dépens des autres; et, enfin, les moyens financiers du malade ne devraient pas être le seul facteur pris en considération.

Le Canada est réputé dans le monde entier pour son système de santé publique, qui traite tous les Canadiens sur un pied d'égalité. Malheureusement, pour ce qui est des médicaments, le discours ne correspond pas à la réalité.

Le Canada réserve aux cancéreux qui n'ont pas d'assurance-médicaments offre un système de santé à deux vitesses. Il paraît injuste et contraire à la tradition canadienne que les cancéreux sans assurance-médicaments qui sont soignés à titre de malades externes avec des médicaments puissants, aient à faire face à des coûts énormes, alors que le gouvernement assume les coûts du traitement chirurgical en hôpital.

Les médicaments font partie du système de santé au même titre que les lits d'hôpitaux ou les salles d'opération. Cela dit, nous considérons que pour être authentiquement universel, le système de santé canadien devrait également couvrir le coût des traitements à base de médicaments. Nous réalisons que cela va à contre-courant des réductions dramatiques qui sont planifiées et mises en oeuvre dans le domaine de la santé dans chacune des provinces du Canada, mais nous vous demandons d'imaginer un instant que vous souffrez d'une maladie mortelle et que vous apprenez qu'il existe un médicament susceptible d'améliorer vos chances de survie ou votre qualité de vie. Imaginez ensuite tenir ce médicament dans votre main, mais ne pas pouvoir le prendre car vous n'en avez pas les moyens, vous n'avez pas d'assurance-médicaments.

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Nous ne sommes pas aux États-Unis; nous sommes au Canada. Mais c'est ce qui arrive aux cancéreux à un rythme alarmant. Jan pourrait vous parler d'oncologistes qui décident de ne même pas informer certains malades de l'existence du FCCG ou d'un autre médicament révolutionnaire contre le cancer, s'ils savent que ces malades n'ont pas d'assurance-médicaments pour en couvrir le coût. Il s'agit pourtant de médicaments qui peuvent faciliter leur traitement, améliorer leur qualité de vie, voire, dans certains cas, leur sauver la vie.

L'essentiel en ce qui nous concerne, à l'AECCO, c'est que s'il existe une chance raisonnable qu'un médicament expérimental puisse aider un malade à vivre plus longtemps ou à avoir une vie plus douce, ce médicament devrait être mis à sa disposition. Les coûts devraient être assumés par les compagnies d'assurance ou par le gouvernement ou en recourant à des formules de partage des coûts qui pourraient comprendre une contribution du malade. L'intégrité du système de soins du Canada en dépend.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que dans de nombreux cas, ces médicaments puissants évitent l'hospitalisation des patients et contribuent à réduire le coût des soins pour les gouvernements provinciaux. Malheureusement, quitter l'hôpital ne signifie pas seulement pour le patient retrouver le confort d'un foyer et le soutien familial; cela signifie aussi commencer à payer tous les médicaments.

Enfin, même si nous ne sommes pas experts en la matière, nous le reconnaissons, il nous semble surprenant qu'aux États-Unis, on autorise l'utilisation générale d'un très grand nombre de nouveaux et puissants médicaments très prometteurs pour les cancéreux, alors qu'ils continuent d'être considérés comme expérimentaux au Canada. Nous souhaiterions que les compagnies pharmaceutiques et le gouvernement fédéral fassent l'impossible pour que ces médicaments puissent franchir aussi rapidement que possible les diverses étapes du processus d'approbation. En tant que rescapée du cancer, je vous assure que rien n'est plus terrible que de lire qu'un médicament révolutionnaire est disponible aux États-Unis, mais qu'au Canada, il figure sur la liste des médicaments expérimentaux.

En conclusion, l'AECCO souhaite que l'on autorise l'utilisation de médicaments expérimentaux quand il est raisonnable d'espérer améliorer ainsi la qualité de la vie du malade. Par ailleurs, nous conseillons au sous-comité d'élargir le champ de ses travaux et d'y inclure les problèmes d'accès aux médicaments homologués rencontrés par les cancéreux.

Enfin, indépendamment de la crise financière dans laquelle sont englués les gouvernements fédéral et provinciaux, le Canada n'aura jamais de véritable système de soins publics tant que les médicaments ne seront pas financés à même les fonds publics, comme le sont pratiquement tous les autres types de prestations de soins de santé - de la chirurgie aux consultations données à domicile par les médecins.

Nous ne sommes ni analystes de la politique gouvernementale ni économistes. Nous ne possédons ni les antécédents ni l'expertise qui nous permettraient de proposer des modèles financiers complexes à l'appui de la position que nous défendons. Nous sommes des rescapées du cancer venues ici témoigner au nom des malades actuels mais aussi rendre hommage à ceux qui ont perdu leur combat contre cette terrible maladie.

À l'assemblée générale de l'AECCO au printemps 1994, une jeune femme a raconté ce qu'elle appelait sa bataille pour la vie. Il ne s'agissait pas de la bataille qu'elle avait engagée contre son cancer, mais de celle qu'elle menait contre le système de soins qui lui refusait l'accès à un important médicament révolutionnaire si elle ne le payait pas de sa poche. Elle ne remporta ni son combat contre le système ni celui contre le cancer. Nous lui rendons hommage ici ce matin.

Nous remercions le sous-comité du temps qu'il a bien voulu accorder ce matin à l'AECCO et nous lui souhaitons bonne chance dans la poursuite de ses importantes délibérations. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci, madame Harkness.

Les témoins suivants sont M. Charles Black, qui est conseiller principal de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et M. Gerry Byrne, de Liberty Health.

Messieurs, vous avez la parole.

M. Charles Black (conseiller principal, Direction des assurances, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Charlie Black et je suis heureux de pouvoir participer ce matin à cette table ronde où je représente l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, une association industrielle ou corporative qui regroupe les compagnies d'assurances de personnes établies au Canada.

Les 90 compagnies membres de l'ACCAP émettent 92 p. 100 des contrats d'assurance-vie, d'assurance-invalidité, d'assurance-maladie complémentaire et d'assurance dentaire souscrits par les Canadiens.

Je voudrais ce matin me concentrer sur une partie de l'activité de notre industrie, à savoir les régimes de garantie d'assurance-maladie complémentaire. Je voudrais, en particulier, aborder l'aspect financier de la question débattue par le comité et, subsidiairement, le rôle que pourrait jouer le secteur privé, notamment le secteur des assurances privées, dans les modalités de financement des régimes d'assurance de cette nature.

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Les régimes de garantie d'assurance-maladie complémentaire ou les RGAMC comme je les appellerai, supplémentent, ou plus exactement complémentent, les importantes assurances-maladie fournies par les régimes du secteur public mis en place dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé ou par les provinces, et ont pour but d'indemniser d'autres importants coûts relatifs aux soins de santé.

On constate d'énormes variations entre les divers régimes d'assurance provinciaux, qui vont au-delà de ce que prescrit la Loi canadienne sur la santé. Il y a, par exemple, l'assurance- médicaments de la Colombie-Britannique et le Programme d'appareils et accessoires fonctionnels de l'Ontario. En conséquence, il y a aussi des écarts considérables entre les assurances complémentaires privées.

De façon générale, toutefois, les régimes de garantie d'assurance-maladie complémentaire couvrent la plupart des coûts des produits de prescription d'environ 20 millions de Canadiens, ainsi que d'autres services de santé essentiels tels que les services d'ambulance, les appareils et accessoires fonctionnels, les services non médicaux et les soins médicaux à l'étranger, et enfin d'autres services moins essentiels mais néanmoins souhaitables comme les suppléments hospitaliers pour les chambres semi-privées.

Dans le contexte actuel, cette forme de garantie annexe est assurée pratiquement entièrement, dans plus de 90 p. 100 des cas, par des régimes d'assurance collective mis en place par un employeur, un syndicat ou le promoteur d'un régime quelconque, pour le bénéfice du personnel ou des adhérents au régime.

Il y a trois aspects des RGAMC que j'aimerais brièvement souligner, soit leur caractère volontaire, leur caractère concurrentiel et leur diversité.

Premièrement, de tels régimes de prévoyance sont strictement volontaires. Aucune loi n'oblige un employeur ni le promoteur d'un régime à mettre en place un RGAMC ou à y inclure un service spécifique. Je ferais remarquer, toutefois, que les conventions collectives comportent fréquemment des dispositions à ce sujet. Ainsi, le promoteur doit être convaincu qu'il est avantageux de mettre en place un tel régime, ou encore d'y inclure certains services, pour le bénéfice commun des adhérents.

Deuxièmement, il s'agit d'un marché très concurrentiel. Les assureurs se livrent une concurrence intensive pour trouver des clients ou retenir ceux qu'ils ont déjà. En outre, d'autres intervenants majeurs - des organismes de prévoyance tels que la Croix-Bleue et le Green Shield, et des organismes de services administratifs qui s'occupent de programmes de prévoyance non assurés - livrent une concurrence acharnée aux assureurs pour se tailler une place d'intermédiaire en offrant des garanties similaires.

Parallèlement à leur caractère volontaire et à leur caractère concurrentiel, on constate une très grande diversité parmi ces régimes. C'est le promoteur du régime qui fait la pluie et le beau temps, le plus souvent, avec l'assistance d'un conseiller en prestations; et qui informe l'assureur ou l'intermédiaire des caractéristiques essentielles que doit posséder le régime en question.

Ainsi, même si les régimes de ce type ont des caractéristiques communes, ils varient aussi énormément. Par exemple, au plan de la conception du formulaire, dont M. Byrne vous parlera en plus grand détail dans un instant, on constate d'énormes variations d'un régime à l'autre, et même entre des régimes administrés par un même assureur.

Pour réussir dans un marché reposant sur le volontariat et la concurrence, un assureur doit être à l'écoute de ses clients. Aujourd'hui, les employeurs et autres promoteurs de régime nous font clairement comprendre qu'il faut limiter, voire couper, les coûts, ou alors, n'ajouter des services à ceux qui sont déjà couverts qu'après avoir procédé à une étude attentive.

Bien que les frais d'indemnisation se soient stabilisés au cours des dernières années, le coût des RGAMC a augmenté, en moyenne, de 12 à 15 p. 100 par an. La majeure partie de cette hausse est attribuable aux produits de prescription - à cause de leur utilisation croissante, des progrès technologiques et de l'introduction de nouveaux médicaments efficaces - ainsi qu'à des augmentations générales de coûts. Le glissement des coûts du secteur public vers le secteur privé est également un facteur important de cette hausse et il fait suite aux compressions imposées aux régimes d'assurance provinciaux.

En outre, certains gouvernements ont décidé de taxer plus lourdement ces types de régimes. En conséquence, parmi les promoteurs de régime, la réticence à hausser les coûts est de plus en plus grande. On ne devrait donc pas présumer que des coûts additionnels provenant de ce secteur ou de n'importe quel autre pourraient être imposés automatiquement aux régimes d'assurance privés.

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On a mentionné plus tôt ce matin que les coûts sont absorbés par les compagnies d'assurance. Les compagnies d'assurance ne sont que des intermédiaires; elles n'absorbent pas les coûts. Si elles les distribuent parfois entre leurs différents clients, la décision finale appartient au promoteur du régime.

Les compagnies d'assurance sont certainement disposées à participer au processus et à toutes discussions sur le rôle qu'elles pourraient jouer en tant qu'intermédiaires, dans la mesure où l'on décide que des coûts supplémentaires, dans ce secteur ou tout autre secteur de notre système de santé, devraient être imposés aux bénéficiaires. Il ne faut pas oublier, toutefois, que les coûts sont assumés soit par les particuliers, soit par les promoteurs de régime, et non par l'industrie des assurances.

Monsieur le président, je vous remercie de votre attention. Je cède la parole à M. Byrne.

M. Gerry Byrne (Liberty Health, compagnie membre de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes): Merci. Bonjour.

J'aimerais commencer par donner la définition du mot «formulaire» employé par M. Black. Les formulaires sont des listes de médicaments disponibles qui servent de base au remboursement des médicaments dans le secteur privé. Les listes de médicaments admissibles varient d'un assureur à l'autre et d'un employeur à l'autre. La compagnie Liberty Health indemnise actuellement des médicaments figurant sur 20 formulaires différents.

La vente des médicaments qui figurent sur les formulaires doit être autorisée au Canada, et il ne peut donc pas s'agir de médicaments expérimentaux. Advenant que le sous-comité décide de recommander l'accès aux médicaments de recherche pour raisons humanitaires, la compagnie Liberty Health souhaite qu'en premier lieu, le programme soit spécifique et autorisé à l'échelle nationale par le gouvernement fédéral. En ce sens, le gouvernement fédéral jouerait le rôle de figure de proue.

Deuxièmement, nous souhaitons que les médicaments auxquels l'accès serait accordé soient répertoriés par le gouvernement fédéral. Nous aimerions suggérer, en troisième lieu, que l'on contacte les firmes pharmaceutiques, car il se pourrait qu'elles souhaitent accorder l'accès humanitaire à un prix très bas ou à titre gracieux. Notre quatrième suggestion ou recommandation est que, le cas échéant, les fonctions administratives relatives à l'admissibilité et aux paiements soient dévolues à un tiers indépendant qui aurait les compétences voulues et garantirait la confidentialité à l'égard des malades.

En ce qui concerne la fonction administrative, la compagnie Liberty Health est disposée à collaborer avec le gouvernement. Dans le cadre de cette collaboration, nous souhaiterions récupérer certains coûts afférents à l'administration du programme. D'autres adhérents de l'ACCAP pourraient également être intéressés à apporter leur concours en la matière.

Nos suggestions vont dans le sens du processus déjà utilisé par Santé Canada pour indemniser les Canadiens contaminés par le VIH ou souffrant du sida par suite de transfusions sanguines.

Nous souhaitons pouvoir dialoguer sur la question dans le cadre de cette table ronde. Merci.

Le président: Merci, monsieur Byrne.

Bienvenue, docteur O'Shaughnessy.

Dr Michael O'Shaughnessy (directeur, B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS): Merci et bonjour.

Les informations que je veux vous donner aujourd'hui s'inspirent de deux perspectives différentes: celles que j'ai acquises, premièrement, à titre de directeur du Réseau canadien d'essais cliniques et, deuxièmement, à titre de directeur du B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS.

Le Centre distribue gratuitement tous les médicaments antirétroviraux utilisés pour traiter les séropositifs en Colombie-Britannique à plus de 2 000 personnes inscrites au programme de traitement médical. Ces médicaments sont utilisés en conformité avec les directives du Centre, mais la distribution humanitaire de médicaments a, sans aucun doute, eu un impact sur notre programme. J'y reviendrai plus tard.

J'avais préparé un document mais, pour accélérer les choses, je me contenterai d'en suivre les grandes lignes.

En ce qui a trait à la distribution humanitaire, le Réseau canadien d'essais cliniques, le RCEC, a collaboré avec la société Roche à la mise sur pied d'un système permettant de recenser les personnes qui désirent avoir accès à une quantité limitée du médicament appelé saquinavir, dans le cadre d'un programme de distribution humanitaire. Malheureusement, le saquinavir est un médicament rare et la quantité disponible pour distribution humanitaire est très limitée. Par conséquent, on a mis en place un système de tirage au sort à l'intention des patients qui souhaitent avoir accès au médicament.

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La société Roche et son comité consultatif communautaire ont demandé au RCEC de veiller à ce que le processus de randomisation soit équitable. La situation n'est pas idéale, mais c'est une façon de procéder quand on a affaire à un médicament dont les stocks sont très limités. Nous interrogeons actuellement les participants au programme afin de connaître leur sentiment à l'égard de cette façon de procéder, c'est-à-dire par tirage au sort.

J'ai aussi fourni une ventilation de la distribution par province du saquinavir; cette information est annexée aux documents originaux.

Il ne faut pas en conclure, toutefois, que la distribution par tirage au sort répond aux attentes des patients, parce que, même si l'on peut distribuer un médicament à 200 personnes en vertu du système, il y a parfois jusqu'à 1 000 demandeurs, et il existe donc toujours un écart entre l'offre et la demande.

Le RCEC a encouragé les compagnies pharmaceutiques à inclure la distribution humanitaire dans les programmes qu'elles patronnent. Le RCEC a contacté plusieurs firmes pharmaceutiques et explore avec elles la distribution humanitaire de nouveaux médicaments, notamment la névirapine et le saquinavir. Par ailleurs, nous avons révisé la formule de notre protocole de recherche, dans le but d'assurer que les chercheurs demandent aux compagnies d'offrir un programme de distribution humanitaire.

Dans le document envoyé au RCEC avant cette audience, on demandait si les gouvernements fédéral et provinciaux avaient la responsabilité de financer les essais cliniques d'agents qui ne présentent pas d'intérêt pour les compagnies pharmaceutiques.

L'un des essais cliniques parrainés par le RCEC qui a le mieux réussi est celui que l'on a baptisé «Étude MAC» dans laquelle on compare deux régimes de traitement des maladies mycobactériennes. Le RCEC et six compagnies pharmaceutiques ont apporté leur soutien à cette étude hautement originale et fructueuse. L'un des traitements s'est non seulement révélé efficace mais a aussi permis une amélioration significative de la qualité de vie des participants. Sans l'appui essentiel, sous forme de ressources financières et humaines, du Réseau canadien d'essais cliniques, cette étude n'aurait pu voir le jour.

Quand fut annoncée la phase 2 de la Stratégie nationale, nous avons été choqués d'apprendre que même si le financement de cette phase 2 était supérieur à celui de la phase 1, le montant accordé au RCEC avait, en réalité, diminué. Avant l'annonce officielle de la phase 2 de la Stratégie nationale sur le sida, les organisations nationales partenaires du RCEC avaient, à l'unanimité, appuyé l'augmentation du financement du Réseau, car elles considéraient important qu'il dispose de la souplesse nécessaire pour entreprendre des essais similaires à l'étude MAC.

En plus du manque d'argent, le RCEC s'est trouvé confronté à un autre obstacle bureaucratique majeur. Les agents du gouvernement ont fait savoir qu'ils ne voyaient pas d'un très bon oeil le fait que le RCEC coparraine des essais cliniques, car, selon eux, cette activité risquait de mettre le ministre de la Santé en conflit d'intérêts vu que certains des médicaments utilisés pour les essais cliniques tombaient dans le champ de compétence du ministre en matière de réglementation.

Bien que le financement de base du RCEC vienne de Santé Canada, le Réseau n'est pas une division du gouvernement et ne participe à aucune des activités de réglementation d'un quelconque organisme gouvernemental. En revanche, aux États-Unis, les groupes et unités d'essais cliniques sur le sida sont directement financés par l'administration américaine, et ils acquittent tous les coûts liés à l'exécution d'essais cliniques, de l'achat des médicaments aux tests de laboratoire.

Par voie de conséquence, le Réseau canadien d'essais cliniques s'est trouvé dans la nécessité absolue de s'en tenir à des essais parrainés par l'industrie. Une telle contrainte limite la palette de médicaments testés et la possibilité d'évaluer des associations de médicaments, car lorsqu'on procède à une étude sur les associations, il faut faire en sorte que deux compagnies acceptent de collaborer, ce qui n'est pas toujours si facile, et se révèle parfois impossible; par ailleurs, cela limite le nombre de sites autorisés à enrôler des patients.

Il est beaucoup plus économique pour une firme pharmaceutique d'enrôler des participants pour mener des essais cliniques dans deux ou trois grandes agglomérations - qui seront, croyez-moi, Toronto, Montréal et Vancouver, car c'est là que se trouvent les patients - que d'en enrôler dans de petites localités d'un bout à l'autre du pays. Il y a donc des essais, mais s'ils sont totalement parrainés par l'industrie, il est probable qu'ils n'auront pas lieu dans de petites localités.

L'étude MAC que nous avons mentionnée plus tôt se déroulait dans 24 sites actifs d'un bout à l'autre du pays. Un appui d'une telle envergure pour un essai clinique n'aurait jamais été possible sans le soutien financier et humain du Réseau.

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D'autre part, au Canada, les programmes de traitement médical sont largement affectés par la distribution humanitaire des médicaments utilisés pour le traitement des séropositifs. Ainsi, en Colombie-Britannique, les médicaments sont distribués gratuitement aux séropositifs, mais ils doivent être utilisés conformément aux directives fournies par le Centre. Le comité d'orientation qui élabore ces directives est composé de médecins expérimentés, de représentants du Centre, de médecins qui effectuent des essais cliniques, de représentants des grands organismes communautaires de la province, de pharmaciens et d'économistes sanitaires. On considère que ces directives sont progressistes; de fait, la Colombie-Britannique fut la première province à financer les thérapies associées à partir de 1992.

Toutefois, le programme de distribution humanitaire peut ne pas être conforme aux normes provinciales en matière d'utilisation des médicaments. En conséquence, quand la disposition relative à la distribution humanitaire prend fin, on présume généralement que le coût sera assumé par les programmes provinciaux.

En Colombie-Britannique, environ 300 personnes ont reçu du 3TC dans le cadre du programme de distribution humanitaire. Ils recevaient déjà de l'AZT dans le cadre des directives du Centre for Excellence, mais fournir ce nouveau médicament, le 3TC, à ces personnes revient à environ 1 million de dollars par an. En conséquence, l'abrogation de la disposition relative à la fourniture gratuite du médicament forcera le comité d'orientation à accepter d'inclure les critères d'accès humanitaire dans ses directives.

En l'occurrence, l'utilisation du 3TC associé à l'AZT est permise en vertu des directives de la Colombie-Britannique, mais il y a beaucoup d'endroits où cela ne sera pas possible. Autrement dit, le 3TC sortira sur le marché, et il incombera aux gens qui ont utilisé le médicament ainsi qu'aux provinces de décider de le payer ou non. À nos yeux, il s'agit là d'une contradiction foncière.

Les choses étant conformes à nos directives en Colombie-Britannique, ma seule tâche est de trouver l'argent. C'est probablement la tâche la plus difficile - puisqu'il faut trouver 1,2 million de dollars.

J'ai également annexé à mon mémoire des données indiquant que le nombre de personnes qui font partie du programme du Centre et qui prennent uniquement de l'AZT a augmenté; 48 p. 100 de ces personnes reçoivent du 3TC. Il a fallu que je me montre très persuasif pour obtenir cette information de l'industrie. Autrement dit, on n'était pas disposé à me fournir ces données.

Environ 2 000 personnes au Canada reçoivent gratuitement du 3TC. Le fabricant leur a assuré qu'elles continueront de recevoir gratuitement ce médicament pendant 30 jours, une fois obtenue la permission de commercialiser le médicament sans restrictions au Canada.

Le 3TC est un bon médicament. Il a été mis au point au Canada et recèle, selon nous, beaucoup de potentiel. Toutefois, le programme de distribution humanitaire a eu pour conséquence de créer un créneau immédiat pour le médicament, et son introduction pourrait coûter aux provinces au moins 6,6 millions de dollars. Il est indéniable que la distribution humanitaire de nouveaux médicaments et la politique d'ouverture pratiquée dans le domaine des essais cliniques représentent un progrès par rapport au paradigme qui existait il y a 15 ans. Toutefois, le coût élevé des médicaments, la disponibilité limitée des nouveaux médicaments et l'impact possible de l'introduction de nouveaux médicaments sur les programmes de médicaments provinciaux exigent que nous trouvions tous de meilleures façons de collaborer et de communiquer, compte tenu du fait qu'un très grand nombre de nos initiatives sont interdépendantes.

Merci.

Le président: Merci, docteur O'Shaughnessy.

Dr Robert Voigt (présentation individuelle): Je suis généraliste. Je soigne principalement des patients porteurs du VIH ou atteints du sida. La question de l'accès humanitaire aux médicaments m'intéresse énormément et préoccupe ceux de mes confrères qui donnent des soins primaires aux séropositifs.

De mon point de vue, la situation en matière d'accès humanitaire aux médicaments se dégrade à une vitesse alarmante. Pour les patients, les médecins, les chercheurs, le gouvernement, l'industrie pharmaceutique et les compagnies d'assurance, c'est à la fois un avantage et un fardeau. Je m'inquiète de la quantité grandissante des données qui doivent être recueillies au nom des compagnies pharmaceutiques, afin de satisfaire aux règlements du programme de médicaments d'urgence mis en oeuvre par les médecins de premier recours. En plus du travail que représente le traitement des problèmes médicaux des patients, les protocoles d'accès humanitaire se soldent par une charge administrative toujours grandissante.

Je soigne actuellement 45 sidéens déclarés, selon la définition qu'en donne le CDC, et 177 séropositifs. Au cours des cinq dernières années, 161 de mes patients sont morts du sida. La grande majorité d'entre eux ont participé ou participent à un ou à plusieurs protocoles de recherche, ou prennent des médicaments offerts dans le cadre de l'accès humanitaire. À l'heure actuelle, 96 d'entre eux prennent du 3TC dans le cadre de la distribution humanitaire. Il n'est pas rare que certains malades participent à la fois à deux, trois, protocoles différents voire davantage.

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Auparavant, les médecins demandaient d'avoir accès aux médicaments par l'intermédiaire des programmes de distribution humanitaire une ou deux fois par an, au maximum. Pour les médecins qui soignent les séropositifs, c'est devenu une pratique quotidienne. Cela crée un fardeau significatif qui a atteint le point où le temps consacré à remplir les formulaires requis pour obtenir l'accès humanitaire est égal au temps réservé aux soins médicaux des personnes concernées.

Les médecins de premier recours font des efforts considérables pour donner des conseils aux patients sur les nouveaux essais, sur les risques qui y sont associés et sur leurs avantages potentiels lorsqu'ils abordent la question du consentement éclairé. Si l'on ajoute à cela les suivis répétés, les formulaires à remplir, les commandes, la réception, le pistage, la préparation et l'enregistrement des médicaments distribués et l'observation des effets secondaires, on arrive vite à une quantité de temps substantielle qui s'ajoute au suivi médical normal. Tout ce travail exige passablement de temps, du temps que les médecins de premier recours donne bénévolement. Il n'existe aucun mécanisme d'indemnisation pour ces services. Cette façon de faire remplace peu à peu l'ancienne pratique où des adjoints à la recherche appartenant à une cellule centrale se chargeaient du suivi des patients en ce qui concerne le médicament expérimental, et laissaient aux médecins le soin du suivi médical. Cette évolution est lente mais continue.

Cet état de chose est pertinent à plusieurs titres lorsqu'on parle de responsabilité. La souffrance psychique ressentie par les patients qui apprennent l'existence d'un nouveau médicament, mais qui ne peuvent pas l'obtenir est importante, et il y a aussi des conséquences économiques. Le gouvernement perd de l'argent en remboursant des visites inutiles aux médecins. Les médecins de premier recours perdent un temps infini à expliquer à certains patients pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier des médicaments dont ils ont entendu parler. La responsabilité du médecin de premier recours n'est pas de subventionner la recherche ni la distribution humanitaire.

De plus en plus souvent, le nombre de places disponibles pour participer à des essais de médicaments sont limitées. La plupart de ces essais ont des pôles d'accès humanitaire pour les gens qui souhaitent prendre des médicaments même s'ils ne répondent pas aux critères des essais contrôlés. Les patients et les médecins considèrent souvent cet accès humanitaire comme un accès à un traitement. Il n'en est rien; c'est un accès à une expérience non contrôlée qui ne fournira aucune information utile, à part sur les effets négatifs.

L'information apportée par l'accès humanitaire ne permet aucunement de déterminer l'efficacité d'un traitement s'il n'y a pas de mécanisme de contrôle. Tout le monde est perdant dans cette approche. Le patient perd parce qu'il commence à prendre des médicaments dont la supériorité, par rapport à la thérapie habituelle, n'est pas démontrée, mise à part l'étiquette de «thérapie prometteuse» apposée par les médias et les compagnies pharmaceutiques. Il y a eu et il continuera d'y avoir des médicaments qui font l'objet d'un essai, mais qui sont inférieurs à la thérapie traditionnelle. Le plus souvent, les patients décident de prendre des médicaments en fonction de critères émotifs, et le nouveau médicament qui vient de sortir, lequel fait toujours figure de nouveau remède infaillible, est toujours plus attirant que ceux qui font l'objet d'essais aléatoires auxquels ils pourraient participer.

Les patients y perdent aussi sous d'autres aspects. Comme l'a démontré l'essai comparatif entre les couples AZT+DDI et AZT+DDC, en donnant à un beaucoup plus grand nombre de patients la possibilité de prendre des médicaments par la voie humanitaire que dans le cadre d'un essai, on allonge substantiellement le temps nécessaire pour enrôler dans l'essai un assez grand nombre de patients pour aboutir à une conclusion significative.

Pour cet essai particulier, par exemple, il a fallu trois ans pour trouver un assez grand nombre de candidats, mais si on avait fait participer tous les patients à l'essai, plutôt que de faire bénéficier certains d'entre eux de la distribution humanitaire, on aurait obtenu une réponse à la question en18 mois. La situation est franchement peu intéressante pour les patients. Certains d'entre eux ont absorbé des médicaments pendant trois ans et l'on n'a pu mettre en évidence une quelconque supériorité du processus, alors que le résultat aurait été obtenu en moitié de moins de temps sans la distribution humanitaire. Ce n'est pas acceptable.

On peut partir du principe que les patients devraient avoir le droit d'obtenir quelque traitement qu'ils souhaitent, et je suis d'accord avec cela; toutefois, je répète que l'accès humanitaire concerne des expériences et non des traitements. Pour un patient est-ce un droit de participer à une expérience? Je le pense, mais une expérience dont on ne connaîtra jamais la conclusion n'est pas une bonne expérience. Je suis prêt à arguer en faveur d'une plus grande admissibilité aux essais, mais vu que l'on s'oriente vers un élargissement de l'accès humanitaire, l'intérêt des patients pour la participation à des essais s'estompe. Les gens veulent emprunter un raccourci vers la guérison, mais ils s'illusionnent.

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Je siège au comité d'examen de la sécurité et de l'efficacité du Réseau canadien d'essais cliniques. Nous nous trouvons fréquemment dans l'obligation d'interrompre des essais du fait que l'on attire trop peu de patients pour envisager obtenir un jour une réponse à la question posée. Nous perdons ainsi la possibilité de savoir si les thérapies que nous aimerions utiliser peuvent être positives. Ce n'est pas acceptable.

Les médecins aussi sont perdants. Quand un patient participe à un essai, l'industrie pharmaceutique est tenue de fournir le personnel et le financement nécessaires pour recueillir les données, faire les contrôles et administrer les médicaments. Quand un patient bénéficie de l'accès humanitaire, la collecte des données, les contrôles, le stockage, le pistage, la délivrance des médicaments sont assurés par le médecin. C'est une activité qui prend beaucoup de temps et qui n'est pas rémunérée.

Cela prend tellement de temps que j'en suis réduit à voir mes patients seulement quatre jours par semaine, car je dois consacrer une journée entière à des tâches administratives. Je perds ainsi pas mal d'argent. Mes patients y perdent aussi car je ne suis pas disponible pour les rencontrer et les soigner. De fait, tout le monde y perd, car d'autres médecins susceptibles d'accueillir des séropositifs se rendent compte du travail administratif que cela entraîne et s'intéressent vite à autre chose. Ce n'est pas acceptable.

Je propose que l'on prenne des mesures pour inverser cette tendance. Premièrement, il faut informer le milieu médical, le gouvernement, les patients et l'industrie pharmaceutique de la supériorité des essais organisés par rapport à l'intérêt intrinsèque et aux désavantages que présente l'accès humanitaire. Cette responsabilité incombe à l'industrie pharmaceutique, aux médecins et aux associations médicales, au Réseau canadien d'essais cliniques et au gouvernement - par le biais du programme de médicaments d'urgence - et aux groupes communautaires qui doivent donner des renseignements fondés sur les besoins des patients mais aussi sur de l'information scientifique. La formule des tirages au sort ne garantit pas un accès équitable aux essais, et c'est un processus qui requiert beaucoup de temps des médecins de premier recours.

Deuxièmement, je suggère que les compagnies pharmaceutiques placent dans chaque grand centre des représentants rémunérés par elles et chargés de recueillir les données et de s'occuper des formalités relatives à l'accès humanitaire. Selon moi, cette responsabilité incombe à l'industrie pharmaceutique car c'est elle qui, éventuellement, bénéficiera financièrement du médicament. Le gouvernement pourrait exercer des pouvoirs réglementaires à cet égard, et apporter des changements à la législation afin de définir le champ d'application de l'accès humanitaire.

Troisièmement, je recommande qu'un formulaire standard d'une seule page fournisse l'information nécessaire aux suivis et remplace les formulaires à pages multiples actuellement utilisés. Cela rendrait la collecte des données nécessaires moins laborieuse et moins chère. Grâce à l'informatisation de la plupart des cabinets médicaux, il y a peut-être même moyen de capter et de transmettre cette information électroniquement. La responsabilité en ce domaine incombe au gouvernement, aux firmes pharmaceutiques et au Réseau; l'on a également besoin de la collaboration des médecins de premier recours afin qu'ils puissent, comme ils en ont exprimé le souhait, employer leur temps au mieux et ne pas avoir à recueillir d'informations inutiles ni à imposer aux patients un fardeau superflu.

Quatrièmement, je recommande que, comme dans le cas des organismes gouvernementaux concernés, il y ait une demande unique pour l'obtention du statut de centre de recherche, afin que le laborieux processus de demande d'homologation auprès de la compagnie pharmaceutique, de la FDA aux États-Unis, pour les médicaments des centres américains, et-ou de la DGPS... ainsi qu'au niveau local, ait lieu et soit valable pour une période de temps définie. Ce processus d'approbation autorisant un médecin à délivrer des médicaments dans le cadre de la distribution humanitaire peut nécessiter des mois, ce qui rend difficile à comprendre qu'un processus aussi long puisse être considéré comme «urgent». La responsabilité en ce domaine incombe au gouvernement, à l'industrie pharmaceutique et aux médecins.

Cinquièmement, je recommande que l'on ne fasse plus payer certains médicaments, car il est pénible pour un malade de recevoir une facture pour des médicaments commandés par l'entremise du PMU, sans avoir été précédemment informé qu'il y avait un coût, et pour le médecin d'avoir à payer, si le patient n'a soit pas les moyens de le faire ou s'il décède. Je me trouve actuellement confronté à une telle situation.

Plusieurs questions ont été soulevées dans le document qui accompagnait l'invitation à comparaître devant vous. On demandait notamment à qui revenait la responsabilité de prendre l'initiative d'élargir l'accès humanitaire. Je ne suis pas convaincu que ce soit la bonne question à poser. Je pense qu'elle devrait être reformulée et que l'on devrait se demander si l'accès humanitaire devrait être élargi.

Je ne pense pas que le gouvernement devrait, comme on le suggère dans ce document, décider par voie législative. Toutefois, la coopération du gouvernement pour modifier la législation et faciliter le changement est essentielle.

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En ce qui a trait à la responsabilité des gouvernements fédéral et provinciaux vis-à-vis le financement des essais cliniques d'agents qui ne présentent pas d'intérêt pour les compagnies pharmaceutiques, je considère que les gouvernements devraient effectivement attribuer plus de crédits à la recherche, mais en confier le soin aux organismes de recherche déjà en place. Les dépenses de recherche par habitant au Canada sont lamentablement basses par comparaison avec notre voisin du Sud.

J'espère qu'il vous sera possible de tenir compte de ces suggestions. Je suis en effet honnêtement convaincu que la source des sujets requis pour les essais va se tarir, car les médecins qui soignent ces patients ne vont plus pouvoir ni vouloir faire face aux dépenses engendrées par l'administration des grands programmes de distribution humanitaire qui entravent la collecte d'informations utiles qui permettraient aux patients de bénéficier plus rapidement de la recherche que si l'accès humanitaire est étendu.

Le président: Je vous remercie, docteur Voigt. Le témoin suivant est le Dr Sharon Walmsley.

Dr Sharon Walmsley (présentation individuelle): Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à votre comité aujourd'hui.

J'ai l'intention de parler de la question de la responsabilité dans l'optique d'un spécialiste du VIH, ce que je suis. Je traite principalement des patients chez qui la maladie a atteint un stade avancé, et je dirais qu'environ la moitié d'entre eux participent actuellement à des programmes humanitaires.

Déterminer qui devrait assumer le coût de l'utilisation humanitaire des médicaments est, à n'en pas douter, très complexe. J'aimerais revenir à nouveau sur certains des points qui ont été soulevés par le Dr Voigt, à savoir que lorsque l'on discute de coût, il ne faut pas perdre de vue que cela ne se résume pas à celui de l'agent utilisé. Ces programmes d'utilisation humanitaire prennent beaucoup de temps. Les médecins doivent passer beaucoup de temps à discuter avec leurs malades de ces produits, des risques et des avantages qu'ils peuvent présenter, et s'assurer qu'ils formulent un consentement véritablement éclairé lorsqu'ils décident de participer à ces programmes.

Le coût et la quantité des tâches administratives sont énormes. Mes infirmières ne sont jamais aussi heureuses que lorsqu'un médicament est homologué; leurs tâches administratives s'en trouvent immédiatement allégées. Suivre ces patients représente un effort considérable en terme de surveillance. S'il y a des effets négatifs, cela se traduit encore par d'autres tâches.

Finalement, nous devons évaluer les résultats de ces programmes.

Tous ces facteurs contribuent à donner plus d'envergure aux soins que l'on doit prodiguer aux patients impliqués dans ces programmes.

Je voudrais aussi souligner que tous les produits ne sont pas comparables. Au cours des derniers jours, nous avons principalement parlé des pilules. Qu'allons-nous faire dans le cas des thérapies intraveineuses que les patients pourront demander dans le cadre de l'accès humanitaire? Qu'allons-nous faire quand la thérapie génétique deviendra un procédé scientifiquement plus acceptable? Que ferons-nous alors?

On peut fort bien ne pas envisager tous les programmes de distribution humanitaire dans la même perspective, et nos politiques devraient peut-être varier en fonction des types de produits.

Par ailleurs, alors que nous nous intéressons aux thérapies non validées, il faudrait également aborder la question des thérapies traditionnelles. Que dire des plus récents médicaments antirétroviraux par opposition aux thérapies non orthodoxes ozonothérapie, oxygène hyperbare et autres - que l'on nous réclame?

Nous reconnaissons que nos ressources sont limitées. Il nous faut éviter d'en arriver au point où, en consacrant des ressources à ces thérapies aux bienfaits non démontrés, on priverait d'autres patients de traitements véritablement bénéfiques.

L'autre question qui se pose sans doute est: qui va contribuer à ce processus? Dans le contexte d'essais cliniques, les compagnies pharmaceutiques ou les organismes de recherche qui les supervisent assument habituellement le coût des agents qui font l'objet de l'étude. Si l'on envisage la distribution humanitaire comme une sorte de prolongement de cet essai clinique, dans le cadre duquel on recueille des données sur l'innocuité et la toxicité de ces produits chez des patients en phase aiguë, je pense que les mêmes critères devraient s'appliquer.

Un grand nombre de patients en phase aiguë, dont la mort ou l'invalidité peuvent survenir avant que les résultats des essais cliniques ne soient connus, ne devraient pas avoir à défrayer eux-mêmes les coûts de ces thérapies dont l'efficacité n'a pas été démontrée. En revanche, si ces programmes étaient étendus au point que les patients à des stades moins avancés de la maladie puissent recevoir ces produits, et qu'un patient demande à en bénéficier au cours de ce stade plus précoce, tout en refusant de participer à l'essai clinique, on pourrait alors peut-être envisager qu'un tel patient contribue aux coûts.

Comme l'a souligné plus tôt M. Byrne, les tiers payants ont traditionnellement utilisé l'approbation réglementaire pour déterminer s'ils rembourseront ou non le coût de ces programmes.

Pour ma part, je considère que les patients ne devraient pas se voir refuser l'accès aux programmes humanitaires parce qu'ils ne sont pas en mesure de payer. Mon expérience est que la plupart des patients arrivés à un stade avancé de l'infection par le VIH ont épuisé toutes leurs ressources personnelles. Au Canada, les tendances sont claires: l'âge moyen des malades fraîchement atteints par le VIH est de 23 ans; les intéressés n'ont, pour la plupart, pas encore entrepris de carrière; ils n'ont pas d'emploi ni de régime d'assurance-médicaments. Un grand nombre d'entre eux se sont vu refuser l'accès à des régimes d'assurance-invalidité à cause de leur séropositivité.

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D'autre part, au Canada, le pourcentage de femmes séropositives est à la hausse. Dans bien des cas, les femmes disposent de revenus inférieurs à ceux des hommes, et appartiennent souvent à des familles où plus d'une personne est porteuse du VIH et a besoin d'avoir accès à ces produits.

Un grand nombre de patients, à cause de la stigmatisation attachée à la maladie, ne peuvent espérer aucune aide financière de la part de leur famille.

Selon moi, on devrait pouvoir compter sur les compagnies pharmaceutiques pour assurer l'accès aux médicaments dans le cadre de ces programmes de distribution humanitaire. Nous devons toutefois être conscients des limites d'une telle distribution. On sait que le coût de la recherche et du développement est élevé. On sait que les profits à long terme dépendent des droits des brevets. S'il n'y a pas de limites à ces programmes d'utilisation humanitaire, les grandes firmes pharmaceutiques risquent de se montrer réticentes à entreprendre des essais cliniques au Canada, et elles pourraient se tourner vers d'autres régions du monde ou vers d'autres secteurs d'intérêt. Dans un cas ou dans un autre, cela aboutira à limiter l'accès de nos patients à ces produits.

Finalement, je pense que le gouvernement devra apporter sa contribution à ces programmes. Il pourrait avoir des rôles à jouer sous forme d'une contribution à la recherche et au développement des compagnies pharmaceutiques, en contrepartie d'une distribution humanitaire des médicaments qui sont développés. Certains des coûts administratifs qui ont été décrits précédemment appellent également une forme de soutien. Le gouvernement pourrait aussi soutenir les travaux de recherche des chercheurs indépendants qui étudient des produits dans certaines populations ou encore des associations de produits qui sont de moindre intérêt pour les compagnies pharmaceutiques.

En résumé, tous les groupes qui sont partie prenante à ce processus voudraient que l'utilisation des thérapies humanitaires puisse contribuer à la santé des personnes porteuses du VIH, et nous espérons que cela puisse se traduire par une diminution globale du coût des soins médicaux, mais cela n'est pas certain.

Même si nous devons faire preuve de sens moral et d'équité envers les personnes porteuses du VIH ou atteintes du sida, nous devons aussi nous montrer justes envers la population en général, et veiller à une utilisation responsable de nos ressources.

Le président: Je vous remercie, docteur Walmsley.

Nous allons entendre maintenant M. Lance Payne, du ministère de la Santé du gouvernement de l'Ontario.

M. Lance Payne (coordonnateur des projets spéciaux, Direction des programmes de médicaments, ministère de la Santé, gouvernement de l'Ontario): Merci. Je suis heureux, monsieur le président, de pouvoir prendre part à la discussion de ce matin.

En Ontario, les médicaments autorisés par la DGPS, qui sont fournis aux malades externes pour le traitement des maladies directement ou indirectement liées au VIH, sont couverts par divers programmes et ne coûtent rien aux personnes qui en bénéficient. Quatre médicaments sont couverts par le programme de médicaments spéciaux, lequel s'applique aux médicaments utilisés pour traiter des états pathologiques spécifiques, notamment les cas d'infection par le VIH. Les bénéficiaires doivent satisfaire à des critères cliniques reconnus et être inscrits par l'entremise du centre de projet VIH.

Des médicaments spécifiques sont délivrés, une fois encore, sans frais pour l'utilisateur par le biais du Régime de médicaments gratuits de l'Ontario. Les malades admissibles sont ceux qui sont inscrits à l'assistance sociale, qui sont âgés de 65 ans ou plus, ou qui bénéficient de soins de longue durée ou de soins à domicile.

Les médicaments fournis dans le cadre de cette procédure sont ceux qui figurent sur le formulaire du programme de médicaments gratuits de l'Ontario ou sur la liste des médicaments gratuits hors pharmacopée. Par ailleurs, dix médicaments utilisés dans le traitement des maladies liées spécifiquement au VIH peuvent être prescrits par les médecins qui soignent des patients séropositifs ou sidéens, sans qu'ils soient astreints aux formalités habituelles. Il existe aussi une procédure d'examen de l'indemnisation des médicaments homologués sur demande individuelle, dans le cas de médicaments qui ne sont pas pris en charge par l'un des autres mécanismes.

En avril 1995, le ministère de la Santé a créé le Fonds de médicaments Trillium. Ce programme est destiné à apporter une aide à tout résident de l'Ontario qui doit prendre des médicaments dont le coût est élevé par rapport à son revenu. Le programme repose sur le principe d'une franchise calculée en fonction du revenu imposable net, et les participants doivent acquitter le montant des médicaments d'ordonnance inférieur à cette franchise.

Le Fonds de médicaments Trillium est tout à fait original: il permet d'aider ceux qui prennent des médicaments dont le coût est élevé et il n'est pas limité à une maladie en particulier. À ma connaissance, aucune autre province ne dispose de programmes semblables, et le ministère considère qu'il a pris des mesures appropriées pour aider tous les Ontariens à faire face au coût des médicaments qui leur sont prescrits.

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Les médicaments de recherche ou expérimentaux ne sont pas indemnisés dans le cadre de ces programmes. Une fois les médicaments approuvés par le gouvernement fédéral, les fabricants peuvent demander un remboursement par le biais du Régime de médicaments gratuits de l'Ontario ou du Fonds de médicaments Trillium. Aucun médicament supplémentaire ne sera ajouté au programme des médicaments spéciaux.

Il est possible de demander un examen formel d'évaluation de l'indemnisation. Le ministère fait appel aux conseils et aux recommandations de son comité consultatif d'experts, le Comité d'appréciation des médicaments et des thérapeutiques, pour étudier et déterminer le mécanisme d'indemnisation le plus approprié.

De même, il existe un processus accéléré pour les nouvelles entités chimiques qui constituent des thérapies révolutionnaires.

En résumé, la province se fie à la DGPS pour l'approbation des médicaments commercialisés au Canada, puis envisage l'indemnisation en fonction des divers programmes disponibles. Nous continuons évidemment de collaborer avec les diverses parties prenantes, y compris le centre de projet VIH, pour évaluer les moyens de parvenir à une meilleure indemnisation des médicaments employés dans le traitement du VIH en Ontario.

Le président: Merci, monsieur Payne.

Mme Pieterson et le Dr Jacques Bouchard, de Santé Canada se sont joints à nous. Ils ne sont pas venus pour soumettre un mémoire au sous-comité, mais pour écouter les témoins et participer à la table ronde... au cas où vous auriez des questions à leur poser.

Les membres du sous-comité vont maintenant poser des questions aux panélistes; suivra une pause-café de cinq à dix minutes. On terminera par une table ronde à laquelle participeront les panélistes et les membres du sous-comité.

Première question, s'il vous plaît, monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je suis intéressé à obtenir davantage d'information de la part du directeur du Réseau canadien d'essais cliniques. D'abord, j'aimerais connaître votre appréciation générale de la collaboration que vous avez eue de la part de Santé Canada, pas tellement en ce qui a trait à l'accès aux médicaments d'urgence, mais plutôt sur tout le processus de l'homologation.

Nous avons entrepris, comme parlementaires, une réflexion pour essayer de comprendre quelle devrait être la façon idéale pour le Canada de reconnaître des médicaments. Vous nous avez donné dans votre mémoire l'exemple du saquinavir. C'est un heureux hasard que vous y ayez fait référence car, comme Montréalais, j'ai eu récemment à m'y intéresser aussi. Que pourrait faire le Canada pour être plus «diligent»?

Je repose ma question autrement. Si vous étiez demain ministre de la Santé, quelles mesures suggéreriez-vous à ce comité pour que l'on puisse être plus performants et plus diligents dans tout le processus d'homologation des médicaments? Je le dis avec beaucoup de prudence, parce que je sais bien qu'à Santé Canada, on déploie tous les efforts possibles pour donner le maximum de satisfaction à tous les acteurs concernés.

Quant à ma deuxième question, si je vous ai bien compris, docteur Voigt, vous semblez souhaiter ardemment que les compagnies pharmaceutiques rendent disponible, dans chacun des sites où on conduit des essais cliniques, une personne qui serait responsable de la collecte des données. Il semble y avoir là une véritable difficulté d'ordre bureaucratique - et vous n'êtes pas le premier à nous en parler - causée par la nécessité de remplir des formulaires et d'actualiser les demandes quand il y a des protocoles de recherche, mais aussi quand un médecin demande aux fabricants d'avoir accès au programme de médicaments d'urgence.

J'aimerais que vous nous donniez plus d'information à ce sujet.

[Traduction]

Dr O'Shaughnessy: Vous demandez ce qui pourrait être fait spécifiquement pour améliorer le processus d'homologation des médicaments au Canada. On pourrait commencer par réinstituer... Je parle de réinstituer, car il y a eu, à un moment donné, au sein de la Direction générale de la protection de la santé, un courant très favorable à l'harmonisation du programme de distribution et à la collaboration avec la Food and Drug Administration américaine en vue d'une homologation conjointe des médicaments, de manière à ne pas se trouver dans une situation où des agents seraient distribués aux États-Unis et où l'on n'y aurait pas accès au Canada à cause de la lenteur de notre processus réglementaire.

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Il y a quelques années, il y avait un courant très fort en faveur de l'harmonisation, et les groupes d'experts qui examinaient les données comprenaient des chercheurs américains et des chercheurs canadiens. Je pensais que c'était une bonne idée. Il semble toutefois y avoir moins d'intérêt pour cette formule aujourd'hui, j'ignore pourquoi, pourquoi le processus a été démantelé et pourquoi l'on est revenu aux façons de faire d'il y a quinze ans.

Je suggérerais aussi que le processus soit accéléré, même s'il y a eu des améliorations récemment. Il ne s'agit pas de blâmer la bureaucratie. J'ai travaillé moi-même pendant dix ans dans le système fédéral, et je peux témoigner que les gens y font tout leur possible. Mais il arrive parfois qu'à force de compressions, les autorités ne soient plus en mesure de fonctionner efficacement ni de faire face, par exemple, au nombre grandissant des nouvelles demandes se rapportant au VIH.

À mon sens, il faut donc se pencher sur le processus et le besoin de main-d'oeuvre, tout en reconnaissant que les fonds deviennent de plus en plus rares.

À mon avis, il devrait être possible de faciliter les échanges d'informations entre les parties prenantes, c'est-à-dire l'industrie pharmaceutique, le gouvernement et les provinces qui, de fait, paient les médicaments.

Récemment, en Colombie-Britannique, nous avons rencontré des problèmes pour obtenir des estimations précises du coût de certains médicaments, ce qui est assez préoccupant pour ceux qui sont chargés de programmes provinciaux.

Il y a une autre question qui n'est peut-être pas facile à résoudre, mais qui a, sans aucun doute, une incidence sur le processus d'homologation; je veux parler de l'évaluation de ce qui constitue un coût raisonnable pour un médicament. On nous a demandé d'étudier un médicament dont le coût s'élèverait à 18 000 $ par patient au Canada. Nous avons demandé si l'on pouvait nous donner une justification de ce coût, car nous avons, au centre, des économistes sanitaires. Quand nous avons examiné l'information fournie au gouvernement, nous avons été quelque peu surpris que les responsables de la réglementation puissent approuver un médicament de ce prix sur la base d'une telle information. Cela nous a énormément surpris. Je ne souhaite pas en dire plus, mais lorsqu'on nous a expliqué les données sur lesquelles était fondé le raisonnement, nos économistes et moi-même avons jugé que les estimations qui avaient été fournies au Conseil d'examen du prix des médicaments étaient manifestement irréalistes.

Voilà autre chose dont on pourrait s'occuper. À mon sens, toute la procédure laisse un peu à désirer.

[Français]

M. Ménard: Je voudrais comprendre seulement une chose avant de céder la parole. Depuis que ce sous-comité a commencé ses travaux, pour moi, le Réseau canadien d'essais cliniques est une sorte de fantasme. C'est une chose dont j'entends parler, mais que je n'ai jamais vue.

Donc, je voudrais comprendre une chose une fois pour toutes. Quand un fabricant veut s'associer au Réseau canadien d'essais cliniques pour conduire un protocole, quelles sont les grandes étapes du processus? Qu'est-ce que cela implique? Adressez-vous à nous comme si on en entendait parler pour la première fois. Il me semble que l'information qui nous est transmise par les fabricants n'est pas la même que celle du Réseau canadien d'essais cliniques.

Vous représentez le Réseau. Quand vous êtes venu nous voir, vous nous avez dit que le Canada était le seul pays au monde, parmi les pays industrialisés, qui ne finançait que l'infrastructure et qu'on devrait y consacrer 5,5 millions de dollars et non pas 2,9 millions de dollars. Vous vous êtes élevé, et avec raison, contre le fait que le programme de recherche est dicté par l'industrie pharmaceutique.

Je voudrais comprendre comment cela se vit lorsque Roche, Glaxo, Biochem ou n'importe quelle grande compagnie pharmaceutique vous présente un protocole de recherche aux fins de la conduite d'un essai. Quelles sont les grandes étapes? Quel est le rôle du comité d'éthique? Comment les personnes atteintes y sont-elles associées? Comment se passent les choses concrètement?

Excusez ma comparaison avec le fantasme; elle m'a échappé.

.1030

[Traduction]

Dr O'Shaughnessy: Très bien. Pour commencer, la compagnie doit s'adresser à nous, ou plus précisément, disons qu'un chercheur aura une idée. Il s'adressera à une compagnie et lui soumettra son idée de traitement, par exemple, le 3TC associé à un autre médicament. La proposition sera esquissée, et si le chercheur obtient la permission de la compagnie, elle sera soumise au Réseau qui l'étudiera. Un formulaire de demande comprenant des questions relatives à la validité scientifique sera rempli. La conception de l'essai est-elle correcte? Quelles sont les autorisations requises au plan déontologique pour effectuer cette étude? Quelles en sont les conséquences morales? On fera ce genre de chose.

Il y a donc plusieurs processus qui se mettent en marche quasi indépendamment les uns des autres. Premièrement, le projet est jugé en fonction de son mérite scientifique par un conseil d'examen scientifique. Deuxièmement, la proposition est étudiée par le comité d'examen éthique. Troisièmement, le comité consultatif communautaire examine la proposition afin de préciser quelles sont les conséquences de cet essai pour un séropositif.

Une fois rassemblées toutes les recommandations des divers comités, si le feu vert est donné - s'il n'y a pas de dilemmes éthiques ou de problèmes au niveau du mérite scientifique - la proposition se retrouve devant un comité directeur. Ce comité approfondit la question avec le comité consultatif communautaire, par exemple, au plan de la distribution humanitaire ou des conséquences économiques.

N'oubliez pas que le Réseau ne fournit que l'infrastructure. Nous ne rémunérons pas les infirmiers qui se rendent auprès des patients et recueillent les données. Nous ne payons pas les tests de laboratoire. C'est la compagnie qui doit s'en charger. Nous devons donc rassembler toute cette information, et si l'approbation est donnée, l'essai peut commencer.

Il est fondamental de bien comprendre que tout le processus ne démarre que si l'industrie est intéressée à réaliser l'essai et à investir l'argent nécessaire. Ce n'est pas une mince affaire; certains essais coûtent à l'industrie pharmaceutique de 2 à 5 millions de dollars, particulièrement pour les médicaments les plus récents où il faut enrôler de 600 à 800 personnes. On parle de médicaments qui coûtent des millions.

On passe donc au travers du processus, on obtient l'approbation et il faut alors négocier pour fixer les divers sites de l'essai. Où l'étude va-t-elle être conduite? Je l'ai dit, on a fortement tendance à vouloir qu'elle ait lieu dans les grands centres, car cela revient moins cher lorsqu'il ne faut embaucher qu'une seule infirmière. On discute donc des sites, car cela soulève une question morale. Le comité d'éthique et le comité consultatif communautaire sont perpétuellement aux prises avec ce problème. On en discute et on parvient généralement à un compromis. L'essai a souvent lieu dans plus d'endroits que ne l'aurait souhaité l'industrie, mais dans moins de sites que nous l'aurions voulu. Ensuite, l'étude peut commencer.

On vous a dit plus tôt que certaines études ne vont jamais jusqu'au bout et qu'elles doivent être annulées car la participation n'est pas suffisante. Présumons toutefois qu'en l'occurrence, il s'agit d'une bonne étude et qu'elle puisse être poursuivie, que l'essai attire des patients et peut être mené à terme.

L'un des grands avantages du Réseau pour les fabricants est qu'il est responsable de l'analyse des données. Même si nous ne pouvons pas payer le médicament comme le font les Américains, ni d'ailleurs, les tests de laboratoire car nous n'avons pas l'argent nécessaire, nous pouvons faire l'analyse. On peut être sûr que l'analyse est menée de façon ordonnée et faite correctement. C'est l'un des très grands avantages du Réseau.

Voilà, essentiellement, comment s'effectuent les essais. J'ai condensé en trois minutes ce qui prend trois ans de travail.

[Français]

M. Ménard: Je ne veux pas abuser, monsieur le président, et je sens que j'abuse, mais c'est Noël et nous sommes très intéressés au sujet. Est-ce possible d'obtenir la liste? Quand vous êtes venus nous voir, si je me souviens bien, vous nous avez dit que 40 essais cliniques avaient été conduits par le Réseau. Est-il possible non seulement d'obtenir la liste des essais cliniques qui ont été conduits et leur nombre, mais aussi de savoir combien ils ont coûté.

Si j'ai bien interprété le Dr Levy, on semblait dire que les coûts d'un essai clinique se situaient entre 25 et 30 millions de dollars. Il était entendu que le processus de commercialisation d'une drogue de recherche, jusqu'à la fin, pouvait coûter facilement 250 millions de dollars.

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Vous nous dites que cela pourrait aller de 1 à 5 millions de dollars. Évidemment, il faut mettre des nuances. Un essai clinique qui implique 300 personnes et un essai qui en implique 1 200, ce n'est pas la même chose. J'aimerais donc savoir combien ont coûté, en moyenne, les 40 essais cliniques qui ont été conduits sur le Réseau, qui est le parent pauvre de la Stratégie canadienne, comme on le sait.

Imaginez-vous que je suis un peu privilégié car, dans quelques jours, au mois de janvier, je vais aller passer un peu de temps avec le Dr Bouchard pour voir de mes yeux les documents qui rendent possible... Je présume que l'invitation tient toujours. J'aimerais aussi que vous puissiez faire parvenir à la greffière les documents qui servent à l'approbation de la conduite des essais cliniques sur le Réseau. Je ne sais pas si les coûts sont publics.

Le président: On pourrait demander au Dr O'Shaughnessy de nous fournir la liste des essais cliniques.

M. Ménard: Et les coûts. La liste ne veut rien dire sans les coûts.

Le président: On va lui demander de les fournir.

[Traduction]

Dr O'Shaughnessy: Une des difficultés que cela pose, c'est que la plupart des coûts ne nous sont pas communiqués. On les ignore. Sauf dans le cas où nous faisons partie des principaux chercheurs, nous ne négocions pas le coût. Nous vous donnerons ce que nous avons, mais il arrive souvent que l'industrie ne nous communique pas le total exact des coûts.

Le président: Merci, docteur O'Shaughnessy.

Docteur Voigt.

Dr Voigt: Vous m'avez demandé de préciser les changements à apporter dans le domaine du soutien de la distribution humanitaire. C'est bien cela?

[Français]

M. Ménard: Si je vous ai bien compris, vous semblez dire qu'il y a un problème de bureaucratie, de collecte de données, et que vous souhaitez qu'il y ait une implication accrue de la part des sociétés pharmaceutiques à cet égard. J'aimerais savoir si j'ai bien interprété ce que vous avez dit et comment vous voyez l'opérationalisation de tout cela.

Le problème se pose-t-il lorsqu'en tant que médecin de première ligne, vous devez communiquer avec le fabricant pour avoir accès à une drogue de recherche ou lors du dépôt des protocoles de recherche dans le cadre d'essais cliniques qui sont conduits sur le Réseau?

[Traduction]

Dr Voigt: L'accès humanitaire diffère foncièrement de l'essai clinique. Si je veux faire participer quelqu'un à un essai clinique, je contacte le chercheur concerné. Le patient rencontre les responsables de l'essai et les choses s'enchaînent à partir de là.

Je suis beaucoup plus préoccupé par l'accès humanitaire. De façon générale, il n'est pas difficile d'obtenir l'approbation de l'accès humanitaire à un médicament, par exemple, le 3TC ou le saquinavir. La difficulté, une fois que l'on a obtenu l'approbation, est de satisfaire aux règlements relatifs à la collecte des données et au contrôle de la tolérance. Le problème, c'est le temps qu'il faut y consacrer.

Nous constatons que les choses évoluent à cet égard, car dans le passé, ces tâches administratives ont toujours incombé au médecin. Quand moi-même et cinq de mes collègues de Vancouver en sommes arrivés au point d'être incapables de faire face aux tâches administratives engendrées par le 3TC, nous avons appelé la compagnie pour lui dire que cela ne pouvait pas durer et qu'il fallait qu'elle envoie quelqu'un. Elle a finalement réussi à trouver l'argent pour embaucher une infirmière dont la fonction est strictement de remplir tous les formulaires. Il y a maintenant quelqu'un qui consacre un peu plus que ses heures de travail régulières à cette tâche.

Si un essai comporte une filière ouverte ou s'il y a un pôle d'accès humanitaire, je pense que l'on devrait exiger que ce soit la firme pharmaceutique qui finance, qu'elle détache le personnel nécessaire auprès des médecins pour recueillir l'information et remplir les formulaires. Il ne s'agit pas uniquement de remplir des formulaires; il faut choisir à qui administrer le médicament, le pister. Cela prend beaucoup de temps. Cette opération se ferait relativement facilement si la compagnie pharmaceutique détachait quelqu'un à ses frais.

.1040

Je considère que cette responsabilité incombe aux compagnies pharmaceutiques parce que l'accès humanitaire a évolué au point où cela ne sert plus vraiment des fins humanitaires; c'est du pré-marketing. Comme le disait le Dr O'Shaughnessy, à Vancouver, le 3TC est fourni à un très grand nombre de personnes qui seraient très fâchées si ce médicament n'était pas approuvé et utilisé. Il en va de même pour le saquinavir - les gens sont vraiment déterminés à obtenir du saquinavir. Ils veulent participer aux tirages au sort. C'est comme s'ils avaient un billet de la 6/49: est-ce que j'ai gagné du saquinavir? Encore une fois, les compagnies établissent une base de consommation.

On a entendu dire, lors de récentes conférences à San Francisco, qu'il n'était peut-être pas bon de prendre du saquinavir. On se retrouve donc poussés à prescrire un médicament en pensant que c'est quelque chose de très utile, alors qu'en réalité, on leur rend peut-être un mauvais service.

Le président: Merci, docteur Voigt.

Monsieur Jackson, s'il vous plaît.

M. Jackson (Bruce - Grey): Monsieur le président, je remercie les témoins d'être venus comparaître aujourd'hui. Ils nous donnent beaucoup d'informations et les échanges sont intéressants.

Nous avons pour mission d'examiner le rôle du gouvernement et la façon dont on peut s'occuper de la santé des Canadiens. Les témoins nous ont rappelé à de nombreuses reprises que l'importance de l'information scientifique sur de nouveaux médicaments est parfois exagérée, et ils nous ont également beaucoup parlé d'harmonisation.

Mes questions s'adressent à la fois au ministère, à M. Bouchard et à son adjointe, ou à son patron. Des efforts sont-ils faits pour harmoniser tous les médicaments qui nous arrivent des États-Unis, d'Europe et de partout dans le monde? Y a-t-il un mécanisme en place pour faire face concrètement à cette situation, et pour voir combien de temps il faudrait pour harmoniser les démarches plutôt que de reproduire ce qui se fait déjà aux États-Unis, en France, en Hollande, ou ailleurs?

Mme Beth Pieterson (chef, Division des présentations et des politiques d'information, ministère de la Santé): Il existe une harmonisation de la réglementation. De notre point de vue, il s'agit de s'entendre, sur le plan international, avec tous les organismes de réglementation sur la quantité des données nécessaires à l'homologation d'un médicament. C'est un secteur très actif. Il y a un comité international que le Canada a... Je pense que nous siégeons en tant qu'observateurs à plusieurs comités, et nous participons. Ils visent tous à accélérer le processus de réglementation. Manifestement, nous y sommes aussi attachés que n'importe qui d'autre. Voilà ce que signifie l'harmonisation dans notre perspective.

M. Jackson: Quelle forme prennent concrètement ces initiatives? Je sais qu'il se passe quelque chose de semblable dans le cas des pesticides, par exemple, dans les localités agricoles situées près d'un État limitrophe où l'on peut épandre des produits chimiques, lesquels se retrouvent chez le voisin, si bien que c'est chez nous que le problème se pose. Je sais que cela a été harmonisé. Fait-on la même chose à propos des nouveaux médicaments qui sont découverts?

Mme Pieterson: Pas à la même échelle.

M. Jackson: Deuxièmement, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un domaine très axé sur le savoir. Le savoir doit être coordonné car tout le monde est capable de sortir de nouvelles idées. Il arrive que des gens travaillent sur les mêmes idées dans le milieu universitaire, dans le milieu pharmaceutique et bien sûr, dans les secteurs de première ligne, comme le Dr Voigt. Au fait, vos cinq suggestions étaient très intéressantes. Vous avez tenté d'indiquer, en partant de votre expérience, la meilleure solution au problème des tâches administratives et à qui en revient la responsabilité. Vous avez déclaré que les entreprises pharmaceutiques se livrent à des opérations de pré-marketing, et qu'elles devraient assumer la responsabilité de ces tâches administratives.

Quelles sont vos relations avec la communauté? Même si l'on attribue plus de ressources à votre ministère, je pense que l'essentiel est de conserver la maîtrise des choses. Y a-t-il un service ou un centre quelconque où arrivent toutes ces informations de manière à ce que vous puissiez vous tenir au courant de toutes ces nouvelles idées et des questions concernant les nouveaux médicaments susceptibles de soulager les malades?

Dr Jacques Bouchard (chef intérimaire, Division du sida et des maladies virales, ministère de la santé): Nous n'avons pas de contacts formels avec la communauté sur ces questions.

M. Jackson: Devrait-il y en avoir? Faudrait-il que cela vienne des médecins? Il existe un tas d'organismes centralisés; il y a beaucoup d'informations. Je pense qu'aussi bien à votre niveau qu'au nôtre, cela pourrait très facilement s'engluer dans la bureaucratie. Tout le monde pousse dans une direction différente, et les gens se battent parfois pour les quelques dollars disponibles. À mon sens, ce sont deux domaines auxquels on devrait s'intéresser afin d'améliorer les procédés du gouvernement.

.1045

Dr Bouchard: Il y a toujours un risque de conflit d'intérêts. Ainsi, si l'on discute avec la communauté et que l'on favorise, d'une manière quelconque, l'usage d'un médicament plutôt que d'un autre, on se retrouve dans une situation très difficile quand arrive le moment de discuter avec la compagnie pharmaceutique.

M. Jackson: Parfait.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci, docteur Bouchard.

Madame Ur.

Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse au Dr O'Shaughnessy et porte sur le premier graphique de sa présentation. Je voudrais simplement une précision. Le graphique du centre indique le pourcentage du nombre total de patients inscrits - et je voudrais souligner que l'on parle de l'Ontario. La seconde portion du graphique représente le pourcentage du nombre total de patients auxquels le médicament a été attribué. Le total de ceux à qui l'on a attribué le médicament semble supérieur au nombre des inscrits.

Dr O'Shaughnessy: Vous parlez du pourcentage du total des sidéens, n'est-ce pas?

Mme Ur: Oui.

Dr O'Shaughnessy: En Ontario, il est de 40 p. 100. À côté, se trouve le pourcentage du nombre total de patients inscrits dans les volets un et deux, c'est bien cela?

Mme Ur: Oui.

Dr O'Shaughnessy: Cela signifie qu'il y a plus de gens au stade précoce de la maladie.

Le troisième graphique représente le pourcentage du nombre total de patients auxquels on a attribué du saquinavir. Soit environ 50 p. 100 du total de ceux qui en ont fait la demande.

Mme Ur: Parfait, je vous remercie.

Monsieur Byrne, dans votre présentation, vous avez déclaré que les formulaires donnent la liste des médicaments disponibles et servent de référence pour le remboursement des médicaments, mais que cette liste ne comprend pas les médicaments expérimentaux. Pourriez-vous nous éclairer sur ce que pourraient être les coûts si ces médicaments étaient incorporés aux formulaires?

M. Byrne: Les coûts par rapport à quoi?

Mme Ur: Si l'on incluait les médicaments expérimentaux, est-ce qu'il s'ensuivrait une augmentation du coût du régime?

M. Byrne: Oui, effectivement. L'augmentation serait fonction du coût des médicaments expérimentaux, un coût qu'il est naturellement très difficile de calculer.

Mme Ur: Mais elle serait substantielle.

M. Byrne: Elle serait substantielle et, comme M. Black l'a souligné, dans le cas d'une assurance collective cela varierait énormément d'un groupe à l'autre; autrement dit, le coût serait largement fonction du groupe concerné. Par exemple, pour un groupe de 200 employés, si trois d'entre eux prenaient des médicaments expérimentaux, les coûts, quels qu'ils soient, seraient assumés par les 200 autres personnes. En revanche, pour un groupe de 5 000 personnes où une seule prendrait un médicament expérimental dont le coût est raisonnable, l'incidence serait relativement insignifiante. Cela varierait donc beaucoup.

Mme Ur: Très bien.

Je ne m'adresse à personne en particulier, mais on a mentionné ce matin que, dans certains cas, on a refusé l'accès à la distribution humanitaire de certains médicaments. Est-ce relativement fréquents? Je crois me rappeler que le De Walmsley a fait allusion à cela dans son exposé.

Dr Walmsley: Les programmes d'accès humanitaire auxquels nous avons recouru au cours des dernières années reposent sur des critères qui déterminent quelles sont les personnes qui peuvent en bénéficier. Pour ce qui est de la consommation du 3TC, par exemple, les critères ont évolué mais au départ, il fallait un taux de CD4 inférieur à... J'ai oublié ce qu'il était au départ, mais il est passé à 100, puis à 300. Si une personne avait un taux inférieur à ce seuil, on n'avait aucune difficulté à la faire bénéficier de l'accès humanitaire.

Dans le cas de l'essai du saquinavir, en revanche, l'accès humanitaire a été accordé par tirage au sort, et les gens étaient répartis en divers volets en fonction de la gravité de leur cas. Le tirage au sort a eu lieu au sein du groupe de malades les plus atteints, et si une plus grande quantité de médicament devenait disponible, on suivait la filière. Ainsi, la distribution du médicament aux patients était fonction de la gravité de leur maladie.

Dr Voigt: J'ajouterais toutefois qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte: le fait que les patients sont au courant de l'existence du médicament, que les médecins le sont aussi, et qu'ils sont intéressés à participer au processus. Dans ma région, certains médecins ont simplement pris la liste de tous leurs patients séropositifs, ont rempli les formulaires et ont envoyé un coupon de participation au tirage au sort pour chacun d'entre eux, alors que d'autres n'en ont envoyé que pour ceux à qui ils avaient parlé du médicament.

.1050

On se trouve donc, en quelque sorte, face à une question d'ordre éthique. Inscrivez-vous quelqu'un au tirage d'un prix sans en avoir discuté avec lui auparavant? On se retrouve dans une situation assez difficile vis-à-vis ces loteries. Lorsqu'on a un nombre élevé de patients, comme Sharon et moi, il n'est pas possible de discuter avec chaque patient chaque fois que ce genre de tirage au sort est organisé.

Mme Ur: Merci.

Carol Harkness, je vous remercie de votre exposé et du mémoire dans lequel vous déclarez que l'accès aux médicaments expérimentaux devrait être accordé en se basant sur un ensemble de principes ou de critères qui devraient être appliqués au coup par coup. Qui, selon vous, devrait être chargé de ce processus?

Vous déclarez également que l'accès prioritaire ne devrait pas être accordé à certains groupes de maladies aux dépens des autres. Selon vous cela se produit-il déjà?

Mme Harkness: Jan était censée être parmi nous aujourd'hui, vu qu'elle représente les praticiens qui dispensent les soins, alors que je représente les patients.

Nous avons effectivement, comme je le relate dans mon mémoire, rencontré des difficultés considérables en ce qui a trait aux directives sur le cancer en Ontario, puisque nous ne représentons que cette province. Je ne suis pas véritablement en mesure de parler de la question de priorité par rapport à d'autres maladies dont l'issue est fatale.

Je pourrais toutefois en discuter avec Jan et vous fournir une réponse à ce sujet.

Mme Ur: Merci.

Le président: Je vous remercie, madame Harkness.

Madame Hayes, vous avez la parole.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Merci, monsieur le président.

Je reconnais ne pas avoir entendu tous les exposés ni toutes les questions qui ont été posées ce matin, et je vous demande de m'excuser si je reviens sur quelque chose qui a déjà été dit; toutefois, il ne serait peut-être pas mauvais d'en savoir un peu plus dans certains domaines.

Au cours de la discussion de ce matin - que j'ai trouvée des plus intéressantes - il a été question de l'accès aux médicaments à la fois dans le cadre des programmes d'accès humanitaire et en dehors de ceux-ci. Dans les deux cas, j'ai entendu dire que la question financière pouvait constituer un facteur important lorsqu'il s'agit de décider de mettre un médicament à la disposition d'une personne qui en a besoin en phase aiguë de la maladie.

Je m'adresse en particulier aux représentants des compagnies d'assurances de personnes qui ont mentionné que 20 millions de Canadiens bénéficient d'une assurance-médicaments complémentaire, surtout grâce aux régimes provinciaux et aux régimes collectifs professionnels. Je voudrais savoir si ces régimes couvrent uniquement les médicaments homologués dans tous les cas. Je pense que c'est ce que vous avez déclaré.

Vous pourriez peut-être préciser et nous donner une idée des différences qui existent entre les régimes. Ces différences sont-elles liées, disons, aux régimes provinciaux, par exemple - puisque je viens de Colombie-Britannique - pouvez-vous nous dire quels sont les médicaments utilisés pour soigner les séropositifs qui sont assurés en Colombie-Britannique?

J'en reste là. Auriez-vous l'obligeance de nous donner quelques précisions?

M. Black: Bon, je vais commencer.

D'après nos calculs, il y a 20 millions de personnes qui sont couvertes par des régimes d'assurance collective, soit à titre d'adhérents, soit comme personnes à charge, c'est-à-dire les conjoints et les enfants des adhérents.

Le remboursement des médicaments utilisés pour le traitement du VIH varie d'une province à l'autre mais, en général, il est assuré dans le cadre de régimes provinciaux spéciaux. Par exemple,M. Payne a mentionné le programme de médicaments spéciaux de l'Ontario qui couvre des médicaments comme l'AZT, ainsi que le Fonds Trillium qui a été établi il y a quelques mois pour assurer le remboursement de médicaments dont le coût est élevé, et qui comporte une franchise établie en fonction du revenu.

Le programme d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique fonctionne de façon similaire, étant donné que les gens qui sont couverts, c'est-à-dire tous les résidents de la province, bénéficient d'une franchise importante. Toutefois, au-delà de cette franchise, le régime d'assurance-médicaments couvre le coût de médicaments employés, comme on le dit souvent, dans les cas désespérés. Ainsi donc, comme je l'ai dit, la couverture varie énormément d'une province à l'autre, et les régimes privés tentent de prendre cela en compte.

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À mon avis, on peut dire que les régimes privés ou les régimes complémentaires d'assurance-maladie couvrent en général uniquement les médicaments qui ont été homologués ou une sélection de médicaments homologués. Il peut y avoir des cas exceptionnels puisque, comme je l'ai indiqué, chaque régime peut être grandement adapté. Il peut y avoir quelques exceptions, mais elles sont très rares. En règle générale, seuls les médicaments homologués sont pris en compte.

Gerry Byrne peut vous donner de plus amples informations là-dessus.

M. Byrne: Oui, madame, en général, seuls les médicaments homologués sont remboursables dans le cadre des régimes collectifs.

Certains employeurs font appel à une tierce partie, une compagnie d'assurance, pour gérer leurs régimes. Il s'agit de régimes collectifs mis sur pied par des employeurs dont les compagnies d'assurance assument uniquement la gestion. C'est l'employeur qui assume le risque.

Comme l'a fait remarquer M. Black, dans des cas très rares, un employeur peut approuver le remboursement d'un médicament dont la vente n'est pas encore légale. Tout dépend du consentement de l'employeur, et la décision est laissée à sa discrétion, mais les employeurs hésitent beaucoup à procéder ainsi pour certaines des raisons qui ont été exposées ce matin. Une fois que le cas d'un employé a créé un précédent, comment peut-on refuser la même chose à quelqu'un qui peut faire état d'un besoin comparable, qu'il s'agisse d'une personne atteinte du VIH ou de cas comme ceux dont Mme Harkness a parlé plus tôt?

La question peut d'ailleurs se poser dans des cas où le VIH n'entre pas en ligne de compte. Une fois que l'on a pris une décision arbitraire et que l'on a approuvé l'utilisation d'un médicament qui ne porte pas de numéro permettant de l'identifier, on a créé un précédent qui peut se révéler dangereux. C'est pour cette raison que la plupart des employeurs hésitent beaucoup à procéder ainsi.

Mme Hayes: Une partie du débat a porté sur l'accessibilité des médicaments. On a parlé, par exemple, je crois, du FCCG dans le cas des personnes atteintes du cancer, par opposition à...

Bref, on raconte certainement beaucoup de choses à ce propos. Je connais moi-même personnellement des patients qui ont pris une deuxième hypothèque sur leur résidence afin d'obtenir le médicament qui, pensent-ils, va les aider. Il semble que des besoins de ce genre posent un véritable problème au Canada.

Je m'adresse maintenant plus particulièrement au B.C. Centre for Excellence; d'après ce que vous avez dit, les médicaments servant à traiter les séropositifs sont distribués gratuitement par l'intermédiaire de votre établissement. Peut-être pourriez-vous me donner quelques précisions à ce sujet. S'agit-il, au besoin, aussi bien de médicaments homologués que de médicaments expérimentaux? Pourriez-vous nous donner une idée du coût que représente pour votre établissement la distribution de médicaments, et nous dire quelle est la totalité du financement que vous recevez du gouvernement?

Dr O'Shaughnessy: Tout d'abord, il n'y a pas de franchise. Une personne qui a le droit de prendre l'un ou l'autre des vingt médicaments inclus dans le programme le reçoit gratuitement sans qu'il soit question de franchise.

Il existe au centre un pôle d'épidémiologie qui cherche à cerner les caractéristiques de cette maladie épidémique. Nous savons qu'à cause de sa nature, cette maladie frappe les pauvres ou fait tomber ceux qui en sont atteints dans la pauvreté. Ainsi donc, ce sont les pauvres qui en sont atteints ou alors, vous devenez pauvre si vous en êtes atteint, parce que vous ne pouvez pas travailler et que vous n'avez aucun autre recours que l'aide sociale. C'est un aspect des choses.

Cette année, le budget réservé aux médicaments s'élève, je crois, à 4,4 millions de dollars. Je me suis lancé dans un débat - pas un débat, je ne devrais pas employer ce mot au Parlement - je discute avec les autorités provinciales de l'impact du 3TC et en conséquence, notre budget devrait passer de 4,4 millions de dollars à près de 6 millions de dollars. Vous pouvez voir, d'après le pourcentage que cela représente, que ce médicament, à lui seul, aura un impact énorme et cela, parce qu'en Colombie-Britannique, nous suivons un processus très libéral. Cela représente la plus grosse part du budget du centre. De fait, c'est trois fois plus que toute autre composante budgétaire.

Bien entendu, nous ne pouvons pas financer des médicaments dont la distribution n'a pas été approuvée au Canada. Nous pouvons uniquement approuver ou financer les médicaments qui sont distribués. Pour ce qui est des médicaments dont la vente n'a pas été autorisée, nous pouvons parfois en faciliter l'utilisation en offrant de participer à la collecte de données dans le cadre du PDMU. Nous n'avons, toutefois, pas réussi très souvent à procéder ainsi parce que, comme le Dr Voigt l'a fait remarquer plus tôt, les exigences varient énormément d'une compagnie pharmaceutique à l'autre. Notre contribution en ce domaine se résume donc à très peu de chose. Nous avons dû nous contenter d'acheter des médicaments qui sont légalement en vente au Canada.

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Mme Hayes: A-t-on l'intention d'adopter une démarche similaire pour traiter les gens qui sont victimes d'autres maladies dont les conséquences sont fatales?

Dr O'Shaughnessy: Cela serait judicieux. Ce qui fait l'originalité du centre, c'est que les médicaments y sont dispensés dans le cadre de certaines directives. L'usage de ces médicaments très puissants est donc rationalisé. Il y a des raisons d'ordre économique et d'autres qui ont trait aux circonstances.

Il s'agit de médicaments très puissants. Ce n'est pas la même chose que de prendre de l'aspirine. Il y a des effets secondaires importants. De nombreuses personnes, par exemple, le chef du CRM et les autorités de nombreux États américains sont venues examiner le modèle que nous suivons. Nous faisons participer les responsables du traitement, les patients et des économistes à l'élaboration des directives, de manière à établir un lien entre l'utilisation, l'offre et la demande ainsi que les coûts. Cela nous permet de faire des prévisions sur le coût et l'usage des médicaments et de suivre certaines tendances de cette épidémie.

Il nous semble que ce genre de modèle, qui intègre tous les facteurs dont on doit tenir compte pour fournir des soins de santé, peut être utile à l'avenir et pourrait être élargi et inclure d'autres entités.

Mme Hayes: Merci.

Le président: Merci, madame Hayes.

Avant d'interrompre la séance pour une brève pause-café, j'ai moi-même une question à poser. Elle s'adresse soit à M. Schilder, soit au Dr O'Shaughnessy, soit aux panélistes qui voudraient y répondre.

Étant donné que l'on a signalé des taux d'abandon élevés parmi les patients séropositifs ou atteints du sida qui participent aux essais cliniques, j'aimerais que quelqu'un parle de la responsabilité des patients.

M. Schilder: Il y a deux choses qui entrent en ligne de compte. La première, de mon point de vue, c'est que les stratégies thérapeutiques en ce domaine changent constamment, au fur et à mesure que l'on comprend mieux la pathogénie du VIH et que de nouveaux médicaments apparaissent sur le marché.

Quand on parle des thérapies VIH, c'est vraiment au médicament du mois que l'on fait allusion; par conséquent, les gens se disent, ce mois-ci, c'est le 3TC, mais est-ce qu'il n'y aura pas autre chose le mois prochain? On veut toujours changer et pouvoir utiliser le médicament qui est disponible et qui se révélera le meilleur, compte tenu du stade de développement de la maladie chez telle ou telle personne.

D'autre part, dans une certaine mesure, les essais de médicaments encouragent ce genre de comportement. Dans le passé, quand l'accès humanitaire n'existait pas, il y avait des gens qui partageaient leurs médicaments avec d'autres, quand on faisait des essais dans le cadre desquels on utilisait un placebo. Vous avez affaire à des gens très bien informés, qui savent comment avoir accès aux essais de médicaments et comment se jouer des obstacles, dans une certaine mesure. Je pense que Michael pourrait certainement parler de cela.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Dr O'Shaughnessy: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit Arn sur l'accès aux médicaments par le biais des essais. Mais il faut dire que le taux d'abandon élevé parmi ceux qui participent aux essais cliniques sur le VIH est également dû à la toxicité de ces médicaments.

Il faut se rappeler que la plupart de ces essais sont faits sur des patients qui en sont arrivés à un stade avancé de la maladie. Ils ont un taux de CD4 très bas, ils ne vont pas bien, et en plus, vous leur donnez des médicaments toxiques.

Par exemple, nous avons fait une étude où le taux d'abandon a été très élevé à cause de la toxicité du médicament en cause. Il fallait s'y attendre avec des gens dont le taux de CD4 se situait en dessous de 200, 100 ou 50.

Comme Arn l'a indiqué, les patients font, dans une certaine mesure, le tour de ce qui est disponible parce qu'à mon avis, ils veulent se protéger et s'assurer qu'on leur administre le bon médicament, celui qui correspond le mieux à leur cas. Mais par ailleurs, il faut reconnaître que, dans les cas de séropositivité avancée, les patients ne tolèrent pas très bien tous les médicaments et que cela entre également en ligne de compte.

.1105

Dr Walmsley: Il y a aussi l'aspect éthique de la participation à ces essais. Tous les formulaires de consentement indiquent clairement que le patient participe aux essais à titre de volontaire et que si, pour une raison ou pour une autre, il souhaite abandonner en cours de route, il a le droit de le faire.

D'après mon expérience, les patients cessent parfois de participer aux essais parce qu'ils ont l'impression que, personnellement, cela ne les soulage en rien. Ils ont peut-être leur propre idée de l'effet que le médicament devrait avoir sur eux. Ils peuvent penser que cela devrait leur assurer une qualité de vie meilleure; ou encore que cela devrait améliorer leurs marqueurs immunologiques ou virologiques. Si rien de cela ne se produit, c'est souvent la raison pour laquelle ils décident de ne plus participer à l'essai.

Il faut aussi tenir compte du fait que c'est un secteur qui évolue très rapidement. Lorsqu'on entend dire que, peut-être, une thérapeutique associant plusieurs médicaments se révèle plus efficace que celle où l'on a recours à un seul médicament, les malades qui participent à un essai où l'on utilise un seul agent thérapeutique peuvent fort bien décider de mettre fin à leur participation en se fondant sur cette information.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons faire une pause de cinq minutes.

.1106

.1123

[Français]

Le président: S'il vous plaît, nous allons recommencer. Comme je l'avais dit au début de la séance, nous allons maintenant passer à la table ronde. Les questions peuvent être adressées d'un panéliste à un autre panéliste, ou d'un membre du sous-comité à des panélistes. C'est très informel, très ouvert, et on aimerait avoir vos opinions.

Y a-t-il un panéliste qui aurait des questions à poser à un autre panéliste?

[Traduction]

Est-ce que, parmi les panélistes, quelqu'un aimerait poser une question?

Docteur Levy?

Dr Levy: Si c'est le moment opportun, j'aimerais commenter les observations qu'a faites leDr Voigt avant la pause à propos de l'accès humanitaire.

Le Dr Voigt a déclaré que l'accès humanitaire est une opération de pré-marketing. Je ne crois pas que cela soit le cas, en réalité, mais je pense qu'il s'agit d'une observation révélatrice qui nous pousse à chercher à savoir qui dicte réellement le processus et quelles leçons nous pouvons tirer de cela, de façon générale.

À mon avis, dans le cas du 3TC, les médecins et les patients ont exercé des pressions considérables sur le fabricant pour que le médicament soit disponible. Sur le plan de ses ressources, cela avait d'énormes conséquences et à certains moments, il n'y avait presque pas assez de médicaments pour mener de front un programme de recherche clinique et assurer l'accès humanitaire. De fait, à un moment donné, nous avons limité à 30 nouveaux patients par semaine le nombre de ceux qui pouvaient s'enrôler dans le programme d'accès humanitaire, car c'était le maximum que nous puissions faire. Il y a eu un véritable tollé parmi les médecins et les patients qui ont prétendu que cela était injuste et qu'il fallait trouver d'autres moyens pour que le médicament soit disponible.

.1125

De mon point de vue, ce sont les patients et les médecins qui jouent un rôle de premier plan dans l'accès humanitaire, pas les compagnies pharmaceutiques. Cela permet de dégager un point essentiel. Qu'est-ce que cela signifie pour nous lorsque, dans le cadre d'un programme, on en arrive à administrer un médicament comme le 3TC pour des raisons humanitaires à 2 900 patients? Quand on en arrive là, il est clair que bien des gens pensent qu'il s'agit d'une véritable thérapeutique, que nous avons dépassé le stade de la recherche expérimentale et que nous fournissons une thérapeutique en bonne et due forme.

Et voilà bien le fond du problème: il faut trouver un mécanisme rapide et efficient d'homologation des médicaments par la DGPS, et non chercher à réglementer l'accès humanitaire, car cela ne représente qu'une solution de fortune.

Il est intéressant que nous nous concentrions aujourd'hui sur l'accès aux médicaments contre le VIH et le sida car, sous certains aspects, c'est le secteur de la thérapeutique qui est géré le plus efficacement. Il devrait servir de modèle. On a déjà mentionné le fait que d'importants programmes d'accès humanitaire sont en place pour les malades atteints du VIH-sida, et que l'on devrait féliciter la DGPS d'avoir instauré un processus d'examen relativement rapide et efficient.

Voyons combien de temps, en moyenne, il a fallu à la DGPS en 1994 pour approuver les24 nouveaux médicaments: cette année-là, la moyenne était de 1 142 jours ce qui représente, de fait, une augmentation du délai requis par rapport à ce qu'il était en 1993, c'est-à-dire 1 044 jours. Cela prend uniquement en compte le temps consacré par la DGPS elle-même à l'examen des nouveaux médicaments. Cela ne comprend pas la période pendant laquelle la pendule est, en quelque sorte, arrêtée parce que la DGPS a envoyé une série de questions au fabricant, et que c'est donc ce fabricant qui consacre un certain temps à la préparation de ses réponses.

Par contre, dans le cas du VIH-sida, notamment pour ce qui est du 3TC, l'approbation a été donnée dans un délai de 5 mois seulement. Je pense que cela mérite que l'on adresse des félicitations à la DGPS et au Dr Bouchard qui est ici aujourd'hui. De fait, à mon avis, cela devrait servir de modèle pour d'autres secteurs thérapeutiques.

La meilleure façon d'avoir accès à de nouveaux médicaments est un processus d'approbation rapide et efficient. On peut y parvenir en harmonisant les règlements, de sorte que la DGPS ne requiert pas des données ou de l'information recueillies uniquement au Canada. On devrait envisager d'autres solutions: par exemple, doter la DGPS d'autres ressources ou, comme on l'a déjà mentionné plus tôt aujourd'hui, effectuer des examens conjoints avec la FDA.

Il y a de précieuses leçons à tirer des thérapeutiques utilisées contre le VIH-sida que l'on pourrait appliquer dans d'autres secteurs, afin d'assurer à tous les Canadiens un accès rapide à de nouvelles thérapies.

Merci.

Le président: Merci, docteur Levy.

Voulez-vous répondre, docteur Voigt?

Dr Voigt: Oui. Je pense qu'au stade où nous en sommes maintenant arrivés dans le cas du 3TC et du saquinavir, ce sont bien les patients qui sont derrière le mouvement en faveur du recours à l'accès humanitaire.

Mais il faut comprendre que ce genre de mouvement prend naissance suite à la publication dans les médias de communiqués de presse portant sur des médicaments qui sont encore à un stade précoce de développement. Il y a eu plusieurs cas où un médicament n'avait pas encore fait l'objet d'expérience sur les humains, et où un communiqué de presse a été publié pour annoncer: «Voici le nouveau traitement miracle contre le VIH-sida». Ce genre de nouvelle se répand rapidement et a d'autant plus de retentissement dans la communauté concernée. Cela repose, à mon avis, sur la communication d'informations qui, dans une certaine mesure, sont erronées.

Il faut savoir que le traitement approprié du VIH est, en réalité, un traitement expérimental et non une thérapeutique médicale dûment approuvée. Cela posé, toute la structure dans le cadre de laquelle les médicaments font l'objet d'essais et sont dispensés aux patients doit être réexaminée, afin de permettre un accès rapide aux expériences - je souligne le mot «expérience». Même si, plus tard, ce sont les patients qui ont une influence déterminante dans le déroulement du processus, je suis d'accord pour dire que le mouvement prend naissance parmi les médecins, mais je suis convaincu que l'industrie pharmaceutique...

Le président: Merci, docteur Voigt.

Y a-t-il d'autres commentaires?

Monsieur Schilder.

M. Schilder: C'est une situation qui se reproduit constamment. Nous voyons très souvent des gens arriver dans nos bureaux suite à la publication d'un article sur les «résultats prometteurs» - une expression qui doit être mise entre guillemets, car on l'utilise si souvent - que commence à communiquer une compagnie pharmaceutique. Cela crée, parmi les gens concernés, un mouvement de frénésie désespérée.

De notre point de vue, dans une certaine mesure, le chercheur et la compagnie pharmaceutique font essentiellement une opération de pré-marketing en publiant ce genre de communiqué de presse. Les médias sont extrêmement naïfs et très mal informés sur les questions qui ont trait à la recherche et aux agents thérapeutiques. En réalité, éveiller un certain intérêt grâce aux médias est un moyen de faire une levée de fonds auprès des investisseurs. Je pense que le gouvernement fédéral devrait émettre des directives délimitant les informations qui peuvent être communiquées avant qu'un avis de conformité soit émis, et que certaines pratiques courantes devraient être définies en ce domaine.

.1130

Le président: Merci, monsieur Schilder.

[Français]

M. Ménard: J'aurais, si vous me le permettez, quatre questions. Je voudrais adresser ma première question au Dr Voigt. Je sais que la question est un peu indiscrète et sentez-vous bien à l'aise d'y répondre, mais je crois qu'elle est utile pour notre compréhension en tant que parlementaires.

D'un strict point de vue curatif, quelles différences de potentialité seriez-vous tenté d'établir entre le 3TC et le saquinavir? Lequel est le plus prometteur?

Il y a des gens, particulièrement de la communauté scientifique montréalaise, qui sont extrêmement emballés à l'idée que puisse être homologué rapidement le saquinavir. Il y a d'autres membres de la communauté scientifique qui ont des réserves. Si vous avez le goût de vous exprimer là-dessus, je crois que cela pourrait être utile.

Je vais poser mes quatre questions rapidement, monsieur le président, et cela sera fait.

Le président: Est-ce que c'est au même témoin?

M. Ménard: Non.

Le président: Donc, docteur Voigt.

[Traduction]

Dr Voigt: Pour ce qui est de la différence entre le 3TC et le saquinavir, lorsqu'on utilise le 3TC en association avec l'AZT, on confronte le virus à deux médicaments en même temps, tant et si bien que s'il apprend à résister à l'un, il perd toute résistance à l'autre. Il y aura en permanence dans le système de la personne concernée un médicament auquel le virus est sensible, si bien que vous obtiendrez un résultat positif.

Si le virus résiste au saquinavir, ce qui peut se passer en quelques jours, c'est qu'il est résistant à tous les autres inhibiteurs de protéase, alors que, si vous prenez d'autres inhibiteurs de protéase auxquels le virus apprend à résister, il n'y a pas de résistance au saquinavir. Donc, des gens peuvent prendre du saquinavir et, en très peu de temps, un phénomène de résistance peut apparaître si bien qu'ensuite, il ne reste plus rien dans le groupe des inhibiteurs de protéase qu'ils peuvent utiliser.

[Français]

M. Ménard: D'accord. Merci.

[Traduction]

Dr Walmsley: J'aimerais également faire un commentaire. Il porte sur les données que nous avons pu recueillir sur les deux produits utilisés en association avec l'AZT: nous avons pu constater que nous pouvions provoquer une augmentation du taux de CD4 pendant une période limitée et une diminution de la charge virale pendant une période limitée, et que cette période était la même avec l'un ou l'autre produit. Reste à savoir si cela a pour conséquence de prolonger la vie des patients, d'améliorer leur état ou quelque chose du genre. Quant à préférer un de ces deux produits, nous n'avons pas, à l'heure actuelle, les données qui nous permettraient de le faire.

[Français]

M. Ménard: C'est intéressant parce qu'il y a certains membres de la communauté médicale qui nous pressent de travailler très fort pour que le saquinavir soit homologué. Il se trouve même des gens qui demandent que cela se fasse avant Noël. Il y a eu une certaine mobilisation, mais c'est un autre débat.

Ma deuxième question s'adresse à celui qui est un peu mon idole, le directeur du Réseau canadien d'essais cliniques. Seriez-vous favorable à ce que le législateur, dans les prochains mois, dépose un projet de loi et rende obligatoire, pour les compagnies pharmaceutiques, l'accès à des drogues de recherche pour les personnes condamnées?

C'est une question dont on ne fera pas l'économie dans les recommandations du gouvernement. Il faudra savoir si on souhaite que ce soit facultatif, comme ce l'est actuellement, ou que cela ait un caractère un peu plus contraignant. Évidemment, si cela doit avoir un caractère plus contraignant, cela devra se faire par voie législative, en modifiant la Loi sur les aliments et drogues. Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

Dr O'Shaughnessy: Vous voulez savoir si, à mon avis, il doit y avoir un programme de distribution humanitaire? Est-ce que j'ai bien compris la question?

[Français]

M. Ménard: Peut-être que je me suis mal exprimé. Je vais essayer de faire une phrase avec un sujet, un verbe et un complément.

.1135

Croyez-vous que le législateur doit obliger les fabricants à donner accès aux drogues de recherche? Est-ce que cela doit avoir un caractère facultatif dans le cas d'essais cliniques ou, au contraire, est-ce que cela doit être impératif, obligatoire, auquel cas cela voudrait dire que le législateur déposerait une loi?

[Traduction]

Dr O'Shaughnessy: C'est une excellente question et je vais y répondre au pied levé.

Le VIH-sida nous a appris beaucoup sur l'accès aux médicaments et la participation des patients au processus de prise de décisions. Si un fabricant était prêt à fournir un médicament pour que l'on puisse organiser des essais, et si ce médicament était disponible en quantité suffisante pour que les essais en question puissent être effectués et que l'on puisse juger de l'efficacité... S'il y avait une quantité suffisante de médicaments pour faire cela, et qu'il en reste encore, alors, oui, je serais favorable à un programme obligatoire de distribution humanitaire.

Il faudrait mettre au point un mécanisme permettant de s'assurer que les essais sont bel et bien effectués, mais je pense que la question clé serait de pouvoir vérifier qu'il y a une quantité suffisante du médicament en question pour faire une distribution humanitaire. Je pense que ce serait là le coeur du problème.

[Français]

M. Ménard: J'adresserai mon autre question au Dr Levy. Je crois que c'est un type d'information qu'il est extrêmement important de posséder.

La semaine dernière, le Dr Fry, une collègue de la majorité ministérielle, a demandé aux représentants de l'ACIM s'ils avaient des idées, ne serait-ce qu'indicatives, sur le nombre de fabricants regroupés au sein de votre association qui, à ce jour, ont accordé l'accès humanitaire.

Toute la question, à mon point de vue, est de savoir si actuellement, sans que le législateur ne soit encore intervenu, c'est une pratique qui est courante, si personne n'en souffre au-delà de la production de la drogue de recherche et s'il y a une très bonne volonté de la part des fabricants d'accorder l'accès humanitaire. La question se pose différemment si on constate que c'est une pratique plutôt marginale. Avez-vous pu trouver des chiffres à ce sujet-là?

[Traduction]

Dr Levy: Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous donner les informations que j'ai recueillies. J'ai parlé à la présidente de l'ACIM, Judy Erola, et elle s'est chargée de me trouver des renseignements sur ce point la semaine dernière. La question posée par le Dr Fry était la suivante: quel est le pourcentage de fabricants de produits pharmaceutiques qui ont mis en place un programme de distribution de médicaments d'urgence?

Nous ne pouvions pas répondre à cette question sans avoir fait un sondage auprès de nos membres, ce qui était impossible dans un délai d'une semaine. Nous avons donc procédé d'une façon plus informelle, et il semble que tous les fabricants s'efforcent de mettre en place des programmes d'utilisation humanitaire. C'est plutôt la règle que l'exception. Nous n'avons pu trouver d'exemples frappants de fabricants de produits pharmaceutiques qui avaient refusé de répondre à une demande de distribution humanitaire.

M. Milligan: Un peu plus tôt, le Dr Voigt a déclaré que les programmes d'accès humanitaire se révélaient avantageux pour les fabricants de produits pharmaceutiques. Cela permet aux médecins et aux patients de mieux connaître le médicament avant qu'il soit lancé sur le marché. De toute évidence, il est avantageux de distribuer un produit à des fins humanitaires dans le cadre de la phase3 des essais.

Avant d'avoir recueilli, au cours des phases 1 et 2, les informations qui permettent aux patients de donner leur consentement éclairé, vous ne savez pas quelle est l'efficacité du médicament ni comment il est toléré. Ce sont des phases très risquées sur le plan juridique mais, dans la phase 3 des essais, du moins en ce qui concerne le traitement du VIH-sida, tous les fabricants de médicaments ont assuré l'accès humanitaire, dans la mesure où leur niveau de production le permettait.

[Français]

M. Ménard: La semaine dernière, docteur Levy, votre collègue a invoqué quelque chose qui m'a porté à me poser beaucoup de questions, et je voudrais profiter de la présence du Dr Bouchard pour améliorer ma compréhension.

Parmi les choses que votre collègue a dites, comme possibilités de bonifier le processus d'homologation, elle a parlé d'une approbation conditionnelle et d'une approbation conjointe DGPS-FDA. Vous vous rappelez que j'ai demandé si ces pratiques avaient déjà cours.

.1140

Après vérification, je ne crois pas qu'il y ait dans la loi ou dans la pratique courante de Santé Canada des mécanismes qui prévoient une approbation conditionnelle. Je ne crois pas non plus qu'il y ait des approbations conjointes DGPS-FDA. Serait-ce là deux façons d'améliorer et de bonifier considérablement le processus d'homologation?

Donc, j'aimerais que le Dr Bouchard me dise si je comprends bien ou si je suis dans les patates quand j'affirme qu'il n'y a pas d'approbation conditionnelle possible à l'instant où l'on se parle. Il n'y a pas d'approbation conjointe DGPS-FDA. Les panélistes ont-ils le sentiment qu'une approbation conjointe des deux agences concernées serait souhaitable?

Dr Bouchard: Actuellement, il n'y a pas de mécanisme d'approbation conditionnelle des médicaments au Canada. Ce n'est pas dans les règlements de la Loi sur les aliments et drogues.

M. Ménard: Et aux États-Unis?

Dr Bouchard: Actuellement, aux États-Unis, la plupart des médicaments pour le VIH/sida sont approuvés selon un mécanisme d'approbation conditionnelle.

M. Ménard: Est-ce que c'est une façon de faire assez répandue dans les pays du G-7, par exemple en Grande-Bretagne?

Dr Bouchard: Actuellement, les États-Unis font cavalier seul dans ce domaine-là. Il n'y a pas d'autres pays qui ont ce mécanisme, que je sache. Je fais peut-être erreur, mais...

[Traduction]

Mme Pieterson: J'aimerais ajouter que la Direction des médicaments travaille à l'élaboration d'un nouveau cadre d'homologation des produits, et que nous considérons la possibilité de délivrer une homologation conditionnelle. La proposition sera rendue publique à la fin du mois, et vous pourrez voir que nous avons reconnu qu'il existe un besoin en ce domaine.

[Français]

M. Ménard: L'approbation conjointe, si je comprends bien, voudrait dire qu'une fois... Aux États-Unis, le FDA a des ressources humaines bien supérieures aux nôtres. Si eux se livrent déjà à ce travail de recension clinique et d'analyse des données, le Canada ne pourrait-il pas bénéficier de l'analyse qu'ils ont déjà faite? Lorsqu'on parle d'approbation conjointe, est-ce que cela voudrait dire, dans les faits, que l'on séparerait le travail en deux?

Dr Bouchard: J'aimerais corriger une impression qui n'est peut-être pas fausse, mais qui n'est pas fondée. Il y a eu très peu, jusqu'à maintenant, de revues conjointes avec les États-Unis. Cela existe depuis à peine 15 ans; la première expérience a été faite en 1991. Je crois d'ailleurs c'est la seule occasion où il y eu vraiment approbation, simultanée et non pas conjointe, d'un médicament dans les deux pays. Il s'agit de processus totalement différents. Actuellement, il s'agit toujours d'efforts individuels de notre part et de la part des Américains pour établir une revue conjointe. Il n'y a pas de mécanisme officiel. Évidemment, cela pourrait impliquer toutes sortes d'ententes internationales dans ce domaine.

M. Ménard: Vous et moi, nous avons été l'objet, au cours des derniers jours, de pressions faisant partie de la réalité des choses et pour lesquelles on ne va pas s'indigner. Il y a des gens qui croient que si un médicament est approuvé aux États-Unis, cela veut dire qu'on a déjà une certaine expertise sur les données cliniques et qu'on a déjà analysé ces données. Est-ce que cela ne pourrait pas être transférable, au-delà de l'obstacle que constitue le cadre législatif?

Je comprends que la loi ne le permet pas et que les lois sont différentes les unes des autres, mais ne croyez-vous pas que, dans un contexte de libre-échange et d'intégration de plus en plus forte, on pourrait envisager cette solution? Est-ce que cela apparaît comme une piste de solution?

Dr Bouchard: C'est à vous, les législateurs, de décider si le Canada doit être une entité distincte dans le domaine de la réglementation des médicaments. Certains pays se fient à l'approbation du Canada, des États-Unis ou d'un autre pays pour approuver leurs médicaments. Il n'y a pas de revue formelle. Est-ce que c'est ce qu'on veut au Canada? Je vous pose la question.

.1145

[Traduction]

Le président: Docteur O'Shaughnessy, avez-vous des observations à faire?

Dr O'Shaughnessy: Oui, j'aimerais participer à cette discussion.

J'ai assisté à des réunions tripartites qui regroupaient des représentants des États-Unis, du Canada et de la Grande-Bretagne et où l'on a discuté très librement cette idée d'un examen conjoint qui faisait partie des priorités des fonctionnaires de la DGPS. Comme l'a si bien fait remarquer le Dr Bouchard, la DDI a fait l'objet d'un examen à l'époque où Sabih Khan était membre du panel de la FDA et faisait les contributions nécessaires, tant et si bien que les approbations ont été données simultanément.

Ma question est donc la suivante, si je peux me permettre de vous la poser: pourquoi la Direction générale de la protection de la santé a-t-elle décidé de ne pas continuer à procéder ainsi, alors qu'aux réunions tripartites, ses représentants avaient avalisé cette politique? Pourquoi cela ne s'est-il pas concrétisé? Je pense que tout est là. Que se passe-t-il si vous dites aux gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne: «C'est une excellente façon de faire; il y a là un modèle à suivre car il fonctionne», et que vous ne procédez plus jamais ainsi?

Le président: Docteur Levy.

[Français]

M. Ménard: Personnellement, j'aurais adressé cette question au Dr Bouchard. Je deviens terriblement lâche en vieillissant.

[Traduction]

Dr Levy: Je pense que c'est bon signe que nous discutions de la possibilité d'entreprendre des examens conjoints. C'est une façon d'accélérer le processus. Je comprends que le Dr Bouchard s'inquiète du fait que cette façon de procéder puisse faire perdre au Canada une certaine autonomie dans un domaine clé, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Il y a d'autres modèles que l'on pourrait prendre en considération.

Par exemple, il y a celui qui est appliqué depuis peu de temps dans les pays de la Communauté européenne, qui sont plus comparables au Canada que les États-Unis, et qui avaient mis en place, chacun de leur côté, leurs propres organismes d'examen. Ils examinaient tous les mêmes dossiers, passaient en revue les mêmes énormes quantités d'information et parvenaient tous, éventuellement, à des réponses similaires. Ils ont reconnu que le système n'était pas efficace. Ils ont établi un comité conjoint dont l'autorité est reconnue dans tous les pays de la Communauté européenne.

Il y a de nombreuses façons d'appliquer ce principe, un certain nombre de mécanismes que l'on peut envisager, mais on peut, par exemple, partager les dossiers entre divers pays. Si l'un d'entre eux, après examen, donne son approbation et dissémine l'information afférente, les autres pays peuvent emboîter le pas sans reprendre à zéro tous les travaux qui devraient, autrement, être entrepris. Il existe donc des modèles que l'on peut appliquer et qui ne remettent pas en jeu l'autonomie du pays concerné.

Le président: Merci, docteur Levy.

Monsieur Milligan.

M. Milligan: Le programme en vigueur dans les pays de la Communauté européenne dont parle le Dr Levy est le système de rapporteur. Il a permis d'améliorer les délais nécessaires pour effectuer les examens et homologuer les médicaments en Europe.

Le président: Merci.

Quelqu'un a-t-il d'autres observations à faire?

Docteur Bouchard.

Dr Bouchard: Les pays dont vous parlez ont-ils déjà approuvé le 3TC?

Dr Levy: Non, pas encore.

Dr Bouchard: Merci.

Le président: Madame Harkness.

Mme Harkness: Juste une observation d'ordre général du point de vue du consommateur des soins de santé. Pour situer les médicaments dans le contexte du système, j'ai fait remarquer plus tôt que les séjours à l'hôpital, les visites aux médecins, etc., sont remboursables dans le cadre de nos régimes d'assurance provinciaux, alors que les médicaments ne le sont pas. Nous nous orientons vers une médecine, un système de soins de santé communautaires et nous fermons des hôpitaux dans tout le pays. On traite de plus en plus de nombreuses maladies - le cancer, les maladies du coeur, le VIH-sida et de nombreuses autres maladies graves et aiguës - par des soins externes donnés au sein de la collectivité. Les médicaments sont une des clés de voûte de ce genre de traitement. Ils ne sont pas remboursables. Cela signifie que les personnes qui sont atteintes de ces maladies doivent se débrouiller eux-mêmes pour trouver les moyens d'avoir accès à ces médicaments.

Dans bien des cas, les personnes concernées sont très malades et n'ont pas les ressources nécessaires pour chercher à avoir accès à d'autres types de programmes d'information. La seule aide sur laquelle elles peuvent compter, c'est celle des professionnels du secteur de la santé, et il y a des groupes de soutien communautaire.

C'est un point à prendre en considération si l'on envisage un système global de soins de santé. Étant donné que nous nous orientons vers un système communautaire où la pharmacothérapie prend de plus en plus d'importance, je vous implore de tenir compte du fait que de nombreux citoyens de notre pays ont peu de chance - dans certains cas, aucune chance - de bénéficier des soins qui leur permettraient de combattre leur maladie dans des conditions optimales.

Le président: Merci, madame Harkness.

Y a-t-il d'autres observations?

Dr O'Shaughnessy: Pour appuyer cette remarque, j'ai vu, la semaine dernière, certaines données émanant du Centre sur l'effet de tous ces médicaments qui coûtent cher sur la vie et le bien-être d'une personne séropositive. L'analyse de nos données nous a permis de constater que, de fait, l'utilisation précoce de ces médicaments permet de prolonger la vie active - de façon significative. Par conséquent, l'apparition du sida a été repoussée du côté droit de la courbe de vie. Une fois le sida diagnostiqué, le malade peut avoir moins de temps à vivre qu'auparavant.

.1150

Toutefois, l'important, c'est que le moment où le sida est diagnostiqué - autrement dit, le moment critique qui marque la destruction totale du système immunitaire - a été tellement repoussé que l'on a gagné deux ans d'hospitalisation, et que les personnes concernées drainent beaucoup moins ce type de ressource. Par conséquent, l'utilisation de ces médicaments peut en réalité permettre de réduire le coût des soins.

Je tenais à souligner cela pour appuyer les commentaires de la personne qui a parlé du cancer du sein. Il faut considérer les choses dans leur ensemble. Il ne s'agit donc pas de se demander uniquement: «Combien coûte le médicament?». La question qu'il faut se poser est celle-ci: «Le médicament coûte tant, mais quelles sont ses retombées?». Par exemple, est-ce que cela permet de réduire le temps d'hospitalisation qui se chiffre, dans le cas des malades atteints du sida, à 1 500 $ par jour?

Le président: Merci, docteur O'Shaughnessy.

Autre chose?

M. Black: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose sur ce point. Je pense qu'une des observations faites plus tôt par le Dr O'Shaughnessy mérite d'être soulignée. Je veux dire que le sida nous a beaucoup appris. Il est certain que dans notre cas, sous bien des angles, la gravité et les conséquences dramatiques de cette maladie nous ont poussés à nous intéresser à des aspects qui ont des retombées majeures sur d'autres éléments du système de soins de santé, d'autres points à considérer dans le cadre des procédures que nous appliquons quotidiennement.

Il est certain que, dans le cas de notre industrie, cela nous a poussés à nous intéresser aux besoins des malades en phase terminale qui possèdent une assurance-vie importante, payable après leur décès, mais qui ne leur est d'aucun recours pendant la phase aiguë de leur maladie. Par conséquent, notre industrie, une de nos compagnies membres au Canada, a créé un précédent à l'échelle mondiale en établissant un programme de prestations-décès versées du vivant de l'assuré. Ce programme s'applique à toutes les maladies, il n'est pas restreint aux malades victimes du sida, mais c'est à cause du sida que nous nous sommes intéressés à cet important aspect des choses.

Dans le domaine des soins de santé, pour faire suite aux commentaires de Mme Harkness et du Dr O'Shaughnessy, nous avons appris, à cause du sida, que la pharmacothérapie est un élément important des soins de santé. Et pourtant, dans le cadre du système global de soins de santé, les soins prodigués par les médecins et par les hôpitaux sont régis par la Loi canadienne sur la santé, alors que la pharmacothérapie et d'autres aspects importants des soins sont traités séparément.

Ce que nous a appris le sida, c'est peut-être qu'il faut considérer comme une seule et même entité tout le système de soins de santé, comme l'ont dit les intervenants qui ont pris la parole avant moi. Je serais tout à fait en faveur de cela.

Le président: Merci, monsieur Black.

Autre chose?

Dr Voigt: En ce qui a trait à l'assurance souscrite par un tiers et à ce qu'a dit plus tôt, je pense, le Dr Walmsley, la majorité de nos malades n'ont pas ce genre de couverture. Ils appartiennent à une toute autre catégorie. Je dirais qu'environ 10 p. 100 de mes patients ont une assurance complémentaire qui s'ajoute à leur couverture médicale de base.

Ce n'est pas que le programme de distribution de médicaments qui existe en Colombie-Britannique ne soit pas admirable, mais en réalité, seules des choses comme les médicaments antiviraux sont couverts par le Centre of Excellence. J'ai des patients qui dépensent facilement entre 2 000 et 3 000 $ par mois pour se procurer les autres médicaments dont ils ont besoin. Cela dépasse de beaucoup le montant de leurs prestations d'invalidité. Très souvent, mes patients doivent choisir - par exemple, soigner aujourd'hui leur candidose orale en prenant une pilule qui coûte 10 $, ou manger.

Je pense donc qu'il faut vraiment tenir compte de tout ce qui contribue à la santé des séropositifs. Il existe de bonnes études qui démontrent l'importance de choses fondamentales comme la nutrition et le logement, mais nous consacrons des sommes beaucoup plus importantes à fournir des médicaments aux personnes concernées qu'à nous assurer qu'elle ont de quoi manger.

Le président: Merci beaucoup, docteur Voigt.

[Français]

Cela met fin à la table ronde de ce matin. Nous allons faire une ébauche de sommaire des témoignages entendus à cette table ronde, très probablement dans la troisième semaine du mois de février, avec des témoins, et nous présenterons possiblement notre rapport au Comité permanent de la santé et, par la suite, à la Chambre des communes.

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Je remercie tous nos panélistes. Ce fut une discussion très intéressante et très enrichissante. Je les remercie tous et je leur souhaite un joyeux Noël et une bonne et heureuse année aussi.

M. Ménard a une proposition à faire aux membres du sous-comité.

M. Ménard: Je pense que, tout comme moi, vous êtes convaincus que la formule de la table ronde a donné des résultats très positifs. Aussi, je propose que nous organisions une table ronde de même nature, mais portant spécifiquement sur le programme de recherche pour le VIH.

Je vais vous faire grâce de la lecture de la motion. Je pense que les membres du comité l'ont devant eux et que, du côté de la majorité ministérielle, il y a un appui.

Le président: Il y a un appui, monsieur Ménard, sur le principe de donner à nos recherchistes l'autorisation d'examiner ce problème et de faire rapport, au mois de février, sur une ébauche de travail qu'on pourrait faire en février ou en mars, au début de la prochaine session.

M. Ménard: Si je vous comprends bien, on est d'accord qu'il faut se réunir avec la communauté scientifique pour fixer un programme de recherche et on comprend qu'on ne pourra pas déposer un rapport si on ne sait pas exactement quels sont les besoins de cette communauté. Je suis d'accord qu'il faudrait que les recherchistes nous fassent une proposition de travail et j'attire votre attention sur la dernière partie de ma proposition qui dit que cette table ronde devrait être tenue avant avril 1996.

Le président: J'espère que cette date n'est pas coulée dans le ciment. Vous comprenez qu'il y a une troisième phase à nos travaux, qui nous a été demandée à l'unanimité par la Chambre des communes. Cela concerne la pauvreté et la discrimination dans le cadre du VIH-sida. On doit en tenir compte.

Cependant, je suis d'accord qu'on examine le principe. On va demander à nos recherchistes de nous préparer quelque chose et si une demi-journée ou deux demi-journées pouvaient nous suffire, il serait possible de les inclure dans nos travaux. Je pense que cela devrait être fait.

M. Ménard: Monsieur le président, vous vous faites rassurant.

Le président: Merci. Je remercie encore une fois nos témoins. I wish you a Merry Christmas and all the best for the coming year. Thank you very much.

La séance est levée.

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