[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Traduction]
Le président: Je tiens à remercier M. Mayfield d'avoir bien voulu siéger avec nous. Nous lui savons gré de sa présence ici aujourd'hui. Sans lui, nous n'aurions pas le quorum. Merci, Phil.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants du ministère, MM. Grant et Brooks, qui feront le point sur la question des conseillers en immigration.
Merci, messieurs, de votre présence ici aujourd'hui.
M. Brian Grant (directeur, Politique de contrôle et d'application de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Si vous le permettez, je commencerai par énoncer le problème, puis je vous en ferai un court historique. Je tiens tout d'abord à vous dire que j'attends avec impatience le résultat des travaux du Comité sur cette question. C'est une question qui ne date pas d'aujourd'hui, loin de là. Comme vous pourrez en juger d'après les tentatives que nous avons faites pour régler le problème au fil des ans, il est difficile d'en arriver à une solution qui satisfasse tout le monde.
On m'a demandé - je crois que c'est le comité qui l'a demandé - de vous parler de l'état actuel du droit, de la nature du problème, de ses aspects constitutionnels ainsi que des diverses possibilités que nous avons envisagées en vue de réformer la loi fédérale. Nous avons également examiné certaines possibilités au niveau provincial. Je passerai en revue chacun de ces points dans l'ordre où je les ai énumérés.
Dans le droit actuel, la loi sur l'immigration ne définit le rôle des conseillers que dans certains cas bien précis. Ainsi, la Loi sur l'immigration accorde à l'immigrant éventuel le droit d'être représenté devant un arbitre, devant la Section du statut de réfugié ou encore de la Section d'appel de la CISR. La loi précise que l'intéressé peut se faire représenter par un avocat ou un autre conseiller; il pourrait donc se faire représenter par un conseiller non juriste, par un membre d'une ONG ou encore par un parent ou un ami, qui le représenteraient gratuitement ou contre rétribution.
La Loi sur l'immigration autorise le gouverneur en conseil à empêcher toute personne qui n'est pas avocat de se présenter comme procureur rétribué devant quelque tribunal de l'immigration que ce soit; en fait, d'empêcher quiconque n'est pas titulaire d'une autorisation délivrée à cet effet de se présenter comme procureur rétribué devant un tribunal de l'immigration. Comme nous le verrons dans un moment, bien que la loi autorise la prise de règlements, et ce depuis le milieu des années 1970, cette question n'a jamais fait l'objet d'un règlement pris en application de la loi.
Sur le plan constitutionnel, la réglementation des professions et des entreprises, notamment de la profession de conseiller en immigration, relève des provinces. Le gouvernement fédéral est toutefois autorisé aux termes de la loi, comme je l'ai indiqué, plus précisément aux termes du paragraphe 114(1), à exiger des conseillers en immigration qui se présentent devant un tribunal de l'immigration qu'ils soient titulaires d'une autorisation. La compétence à cet égard est donc partagée. À l'heure actuelle, il n'existe aucun organisme ni fédéral, ni provincial, qui délivre une autorisation aux conseillers en immigration qui ne sont pas avocats.
Évidemment, les médias se sont beaucoup intéressés au fil des ans aux activités malhonnêtes, voire illégales, de certains conseillers en immigration. Rien ne permet de conclure que les conseillers qui ne sont pas avocats sont plus malhonnêtes que ceux qui font partie du Barreau. La différence, bien sûr, c'est que les avocats sont membres du barreau provincial qui peut régir leurs activités et prendre des mesures disciplinaires contre eux, tandis qu'il n'existe pas d'ordres qui régissent la conduite des conseillers qui ne sont pas avocats.
Ces conseillers non juristes ont des antécédents très variés puisqu'ils ne sont pas tenus d'être titulaires d'une autorisation ni d'avoir quelque formation ou quelque titre de compétence que ce soit. N'importe qui ou presque peut devenir conseiller en immigration. Certains de ces conseillers sont d'anciens employés du ministère de l'Immigration; d'autres sont des réfugiés. Certains ont tout simplement décidé de se lancer dans ce domaine d'activité. Il suffit, je suppose, d'accrocher son enseigne, de faire imprimer des cartes d'affaires et de se lancer.
Les conseillers non juristes demandent des honoraires pour rédiger des documents et remplir des formulaires de demande. Ils accompagnent leurs clients lorsque ceux-ci se présentent à une entrevue à nos bureaux. Ils représentent leurs clients auprès des fonctionnaires de l'immigration et devant les tribunaux de l'immigration, mais pas devant la Cour fédérale.
Nous n'avons que peu de données sur les activités des conseillers non juristes. Pour l'année 1991, nous avions recensé quelque 54 000 enquêtes sur des cas d'immigration. Dans 11 p. 100 seulement des cas, le client était représenté par un conseiller non juriste. L'année suivante, en 1992, la proportion était tombée à 8 p. 100. Ainsi, quand il s'agit d'exercer le pouvoir que nous confère actuellement la loi de réglementer les conseillers, nous avons des réserves du fait que, même si nous prenions des règlements pour obliger quiconque se présente comme procureur devant un tribunal de l'immigration d'être titulaire d'une autorisation, l'effet serait minime puisqu'il ne se ferait sentir que dans 8 p. 100 des cas environ.
Pour ce qui est des plaintes dont les conseillers en immigration font l'objet, elles appartiennent généralement à l'une ou l'autre des deux catégories suivantes. Dans un cas, on se plaint de pratiques malhonnêtes, qui ne sont toutefois pas illégales, comme de demander des honoraires exorbitants, de fournir des services de mauvaise qualité ou d'omettre de présenter des documents au nom du client. Dans d'autres, on se plaint d'activités criminelles et illégales, notamment la production de faux documents, de la communication de fausses informations et d'autres activités frauduleuses.
En l'absence d'un système de délivrance d'autorisations, le gouvernement fédéral ne peut guère intervenir pour donner suite aux plaintes de la première catégorie, celles concernant les activités malhonnêtes. Il n'est pas illégal de demander des honoraires élevés; si quelqu'un veut payer ces honoraires, nous n'avons pas le pouvoir d'intervenir. Par contre, dans le cas d'activités criminelles et illégales, nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC afin d'exercer une vigilance de tous les instants et d'intenter des poursuites contre quiconque se rend coupable d'activités illégales. Les conseillers qui se livrent à des activités illégales peuvent être accusés soit aux termes de la Loi sur l'immigration, qui interdit toute complicité visant à violer ses dispositions, soit aux termes du Code criminel.
Par ailleurs, il arrive souvent que les activités illégales ou malhonnêtes aient lieu à l'étranger. Dans le cas de conseillers, soit canadiens soit étrangers, qui exercent leurs activités dans un autre pays, la question de la compétence se pose donc. Nous savons d'expérience que les autres pays ne sont guère enclins à prendre des mesures à cet égard puisqu'ils estiment que le problème est essentiellement le nôtre - ces gens-là se présentent à nos ambassades et c'est nous qui devrions nous en occuper s'il y a un problème.
Si vous le permettez, je voudrais faire l'historique de cette question, mais de manière très circonscrite. Comme je l'ai dit au début de mon exposé, c'est une question qui ne date pas d'aujourd'hui et qui remonte en fait au début des années 1970, à l'époque où le rôle des conseillers a commencé à susciter beaucoup d'intérêt. Les auteurs de plusieurs études réalisées à l'époque avaient conclu que certains conseillers non juristes qui exigeaient des honoraires pour leurs services exploitaient tant leurs clients que le programme d'immigration. Lors de l'examen entrepris au milieu des années 1970 qui devait se solder par la nouvelle Loi sur l'immigration de 1976, il avait été entendu qu'il faudrait inclure dans la loi des dispositions visant à contrôler les activités des conseillers en immigration, de préférence par la mise en place d'un système de délivrance d'autorisations axé sur les titres de compétence et les barèmes d'honoraires. C'est ainsi qu'on a inclus dans la nouvelle loi l'alinéa 114(1)v), qui nous permet de prendre des règlements relativement à la délivrance d'autorisations. Il avait toutefois été impossible à l'époque de s'entendre sur les modalités du système de délivrance d'autorisations, notamment sur l'organisme chargé de l'administrer. On avait donc prévu que des règlements pourraient être pris par la suite, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, aucun règlement à cet effet n'a encore été rédigé.
En 1981, un rapport intitulé L'exploitation de requérants immigrants par des conseillers sans scrupules a été remis au ministre de l'Immigration. J'ai un exemplaire du rapport en anglais seulement, mais nous pourrions en faire tenir copie au comité s'il le juge utile.
Dans ce rapport, on recommandait quatre plans d'action possibles. Le premier portait sur la production d'un portrait des conseillers en immigration. Celui-ci a été réalisé, mais il n'a reçu aucun suivi.
Le deuxième tablait sur la mise en place de projets communautaires. Il s'agissait d'aider les ONG à se familiariser avec la procédure d'immigration pour qu'elle puisse fournir aux immigrants éventuels des conseils justes et utiles. Le rapport proposait la mise sur pied de divers projets, mais aucun n'a vu le jour faute de financement.
Le troisième plan d'action visait la production d'un dépliant multilingue destiné à mettre les clients éventuels en garde contre les activités des conseillers auxquels ils pourraient faire appel. Le feuillet a été produit conformément à ce qui était recommandé, mais il est maintenant épuisé.
Le quatrième plan d'action consistait à encourager la GRC ou les forces policières locales ou les deux à intenter des poursuites contre les conseillers se livrant à des activités illégales et, comme je l'ai indiqué, c'est là une activité qui se poursuit.
Le rapport a eu des suites, en ce sens qu'on a cherché à réduire les activités malhonnêtes en produisant des feuillets d'information et en les distribuant au grand public. Les communautés d'immigrants, tant au Canada qu'à l'étranger, ont été mises en garde contre les risques qu'il y avait à traiter avec de prétendus conseillers. Le ministère a de nouveau souligné les risques qu'il y avait à faire appel à ces prétendus conseillers et sur la possibilité d'obtenir gratuitement des conseils des fonctionnaires du ministère.
En 1985, le ministre d'État à l'Immigration de l'époque a entrepris des démarches auprès du gouvernement ontarien relativement au dossier des demandeurs du statut de réfugié d'origine portugaise. Il avait demandé à la province si elle ne pourrait pas intervenir pour mettre fin à l'activité des conseillers qui recommandaient à de nombreux Portugais de demander le statut de réfugié en prétextant être victimes de persécution en tant que Témoins de Jéhovah. La province fit savoir qu'elle n'était disposée qu'à appuyer les mesures prises par le gouvernement fédéral à cet égard, sans plus.
L'année suivante, en 1986, l'Assemblée législative de l'Ontario a été saisie d'un projet de loi d'initiative parlementaire prévoyant la mise sur pied d'un système complet visant la formation et la conduite des agents parajuridiques indépendants, y compris les conseillers en immigration, qui ne travaillent pas sous la surveillance d'un avocat, ainsi que les mesures disciplinaires à prendre contre ces agents. Le projet de loi est mort au Feuilleton.
La même année, l'Association du Barreau du Haut-Canada a recommandé que tous les conseillers en immigration exerçant leur activité en Ontario disposent obligatoirement d'une autorisation à cet effet et qu'ils soient tenus d'exercer leurs activités sous l'égide d'un cabinet d'avocats. Pour donner suite à cette recommandation, la province a créé un groupe de travail, le groupe de travail Ianni, chargé d'étudier la question de la délivrance d'autorisations aux conseillers parajuridiques.
En 1988, le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de l'époque a écrit au ministre de l'Immigration de l'époque pour recommander que tous les conseillers en immigration qui se présentaient devant la CISR soient obligatoirement titulaires d'une autorisation à cet effet.
En 1989, le groupe de travail Ianni a recommandé au gouvernement ontarien de soumettre les conseillers et les agents parajuridiques en immigration à une réglementation rigoureuse. Le groupe de travail a également recommandé au gouvernement ontarien d'établir un système d'enregistrement pour s'assurer que les agents parajuridiques répondent à des critères minimaux.
Dans le mémoire qu'elle a soumis au groupe de travail Ianni, l'Association du Barreau du Haut-Canada a recommandé que les agents parajuridiques indépendants ne soient pas autorisés à se présenter devant la CISR.
Aucune mesure législative n'a été adoptée en Ontario pour donner suite à ces recommandations.
En 1991, un certain nombre de conseillers ont décidé de se regrouper en une association qui est maintenant connue sous le nom de Organization of Professional Immigration Consultants Inc. C'était la première fois que des conseillers essayaient de se regrouper en association. Le mouvement a commencé en Ontario et je crois que l'association compte maintenant deux ou trois membres à l'étranger. Elle a aussi étendu son activité à la Colombie-Britannique - où elle y a à tout le moins une section affiliée - et au Québec, où une section locale est en voie d'être créée. L'association est enregistrée comme association auprès du gouvernement de l'Ontario.
En 1992, à l'époque du projet de loi C-86, le gouvernement fédéral a indiqué aux provinces qu'il avait l'intention de prendre des mesures aux termes de l'alinéa 114(1)v) afin d'exiger de tous les conseillers qui comparaîtraient devant un tribunal de l'immigration soient titulaires d'une autorisation délivrée à cet effet.
Les provinces ont réagi de différentes façons. Les petites provinces, comme la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick, ont fait savoir que, si réglementation il y avait, elle serait minime puisque le nombre de conseillers était trop peu élevé pour qu'on engage des dépenses en ce sens. La Colombie-Britannique était d'avis qu'il ne lui appartenait pas de chercher à réglementer cette activité car, même si elle relevait en théorie de sa compétence, elle considérait qu'il serait inopportun de chercher à réglementer l'activité des conseillers relativement à leur comparution devant les tribunaux d'immigration fédéraux. Le Québec a manifesté un certain intérêt, mais n'a pas donné suite, à ma connaissance. L'Ontario était disposé à explorer l'idée d'une réglementation quelconque et d'un système de délivrance d'autorisations, mais exigeait que le gouvernement fédéral s'engage à assumer la totalité des frais avant qu'elle ne fasse quoi que ce soit en ce sens.
Étant donné le manque d'intérêt manifesté par les provinces pour ce qui est d'assumer la responsabilité de réglementer l'activité des conseillers et étant donné le très faible pourcentage de l'activité des conseillers qui serait visé par la réglementation qui pourrait être mise en place, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas aller plus loin.
Nous communiquons régulièrement avec l'Association du Barreau canadien et nous avons également rencontré des représentants de l'Organization of Professional Immigration Consultants à plusieurs reprises pour discuter de la question.
Nous avons examiné plusieurs possibilités au fil des ans; il y en a en fait quatre qui s'offrent à nous. Je les passe en revue avec vous pour vous donner une idée des conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
La première consiste essentiellement à exercer le pouvoir déjà conféré par la Loi sur l'immigration, l'inconvénient étant, bien sûr, que le pourcentage de cas visés serait peu élevé.
La deuxième possibilité serait de demander aux provinces de mettre sur pied un système de délivrance d'autorisations. Le principal inconvénient serait qu'un tel système aurait un effet limité, compte tenu des pouvoirs existants et du fait que les provinces n'ont guère montré d'enthousiasme à l'idée d'intervenir en ce sens.
La troisième possibilité s'inspire du système mis en place en Australie. Les Australiens ont mis sur pied un système dit d'enregistrement des agents de migration ou MARS. Dans le cadre de ce système, des hauts fonctionnaires sont nommés pour siéger à un comité chargé d'examiner les plaintes déposées contre les conseillers ou les agents de migration, comme on les appelle en Australie. Le comité peut enquêter sur toute allégation faite à l'endroit d'un agent, et il peut aussi suspendre ou révoquer le permis en vertu duquel l'agent est autorisé à exercer son activité en Australie. Tous les agents de migration doivent participer au système et verser une cotisation annuelle - je crois que le montant est d'environ 1 000$ australiens - pour y adhérer. Le système s'applique à tous les agents de migration exerçant leur activité en Australie, qu'ils soient ou non avocats.
Le système est en place depuis deux ans. Les Australiens ont constaté qu'ils en avaient sous-estimé les frais de fonctionnement et que la cotisation exigée des agents est loin d'être suffisante pour les couvrir. Le comité est secondé par un secrétariat qui fait partie du ministère de l'Immigration et dont l'effectif est passé à 11 personnes ou 11 équivalents temps plein.
On a reçu au total 500 plaintes au cours des deux premières années, et on a constaté que le nombre de plaintes s'était accru pendant la deuxième année. Dès que les gens ont appris l'existence du système et qu'ils se sont familiarisés avec la procédure à suivre, le nombre de plaintes s'est accru. On consacre énormément de ressources pour appuyer les activités du comité qui enquête sur ces plaintes, sans compter tout le reste.
Nous avons examiné les différentes possibilités en fonction de deux critères qui doivent absolument nous guider dans notre cheminement. Le premier est celui des ressources: nous voudrions trouver un mécanisme qui aurait une incidence nulle sur les ressources et qui, en tout cas, n'entraînerait pas de dépenses de l'ordre de celles que l'Australie a engagées pour son système d'enregistrement des agents de migration.
Le second est que nous voulons éviter - et c'est une préoccupation que nous avons depuis plusieurs années - que le gouvernement fédéral puisse être tenu responsable du fait qu'il semblerait donner son approbation aux activités de conseillers qui pourraient par la suite agir de façon malhonnête. Nous voulons éviter que la personne qui n'aurait pas été traitée convenablement par un conseiller puisse intenter des poursuites contre le gouvernement fédéral du fait qu'il aurait semblé donner son aval au conseiller en question.
Le système australien ne répond certainement pas au premier des deux critères, car les frais de fonctionnement sont très élevés. La Commission parlementaire australienne qui est le pendant de votre Comité devait avoir terminé, pour le mois de mars ou le début d'avril, une enquête sur les deux premières années d'application du système. J'avais demandé à recevoir le rapport de la commission, mais je ne l'ai pas encore reçu. En tout cas, j'irai aux renseignements après notre rencontre, et je serai très heureux de vous faire parvenir le rapport en question.
La quatrième possibilité que nous examinons et qui semble assez prometteuse - bien que nous ne l'ayons pas étudiée de façon très détaillée - serait de permettre aux conseillers de s'auto-réglementer. L'idée serait de créer un ordre professionnel semblable au Barreau qui régit l'activité des avocats.
Nous envisagerions de reconnaître les associations professionnelles qui pourraient être formées, quelles qu'elles soient. À l'heure actuelle, que je sache, il n'existe qu'une seule association, mais rien n'empêche d'autres conseillers de former des associations semblables. Nous nous attendrions de l'association qu'elle réglemente l'activité de ses membres et nous serions prêts à l'agréer comme association habilitée à représenter des clients devant le ministère de l'Immigration. L'association aurait la responsabilité de veiller à ce que les plaintes fassent l'objet d'une enquête et que des mesures disciplinaires soient prises contre les membres qui se livreraient à des activités malhonnêtes.
Si l'association manquait à son obligation de prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent - et il faudrait bien entendu définir ce qu'il faut entendre par là - , le gouvernement pourrait alors radier de la cote l'association et tous ses membres. Dans un système d'auto-réglementation, ce sont les «bons» membres qui disciplinent les «mauvais» pour protéger leur intérêt.
Il faudrait sans doute qu'il y ait une entente quelconque entre l'association et le gouvernement fédéral; il pourrait s'agir par exemple d'un protocole d'entente. Il faudrait que le ministère définisse les éléments qui devraient figurer dans le protocole d'entente. Je le répète, nous n'avons pas encore terminé notre réflexion sur cette question. Le Comité pourra peut-être nous guider. Il faudrait bien entendu définir ce qui constitue une association. Il ne peut s'agir d'une association de deux personnes par exemple. Il faudrait préciser quel serait le nombre minimal de personnes et les critères essentiels auxquels il faudrait répondre pour se constituer en association.
Il faudrait aussi que les membres de l'association soient soumis à un code de déontologie et que l'association ait un mécanisme pour l'audition des plaintes et la prise de mesures disciplinaires contre ses membres ayant fait l'objet d'une plainte qui aurait été jugée fondée. Il faudrait aussi qu'il y ait une caisse d'indemnisation qui puisse indemniser quiconque aurait été exploité par un conseiller malhonnête - et peut-être aussi des programmes d'éducation ou de formation à l'intention des membres ou encore des exigences quelconques relatives aux connaissances à posséder pour être membre de l'association.
Je disais au personnel de recherche tout à l'heure que d'après le plan MARS australien, tous les conseillers devaient être enregistrés. Pour pouvoir le faire, il fallait cinq ans d'expérience. Ils se sont alors aperçus que le système était fermé et que personne d'autre ne pourrait acquérir les cinq années d'expérience puisqu'il était illégal d'agir à titre d'agent de migration.
Ils ont donc organisé un certain nombre de cours, donnés par diverses écoles, sur leur loi sur l'immigration et la façon de représenter les clients, le tout assorti de divers examens.
Une association pourrait peut-être entreprendre ce genre de choses ou peut-être pourrait-on s'assurer que ceux qui se disent conseillers en immigration et qui sont membres d'une association savent de quoi ils parlent et sont en mesure de bien conseiller leurs clients.
Pour ce qui est des implications au niveau des ressources pour le gouvernement fédéral, il en faudrait probablement très peu. On pourrait exiger de l'association qu'elle fasse enquête sur toutes les plaintes et impose les mesures disciplinaires nécessaires.
Quant à la question de savoir si le gouvernement, en reconnaissant cette association, serait responsable des gestes posés par ses membres, il n'y a toujours pas de réponse sur l'aspect juridique de la chose. Il faudrait donc se pencher sur la question.
Voilà les quatre options que nous étudions depuis quelque temps et les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés.
Je m'arrête là et je répondrai à vos questions s'il y en a.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Je m'excuse pour mon retard et je tiens à vous féliciter pour votre exposé. Vous semblez bien connaître la problématique. C'est un problème assez important et parfois grave.
J'ai reçu beaucoup de plaintes, surtout de Montréal et, quant à moi, il faudrait qu'il y ait des interventions de la part du gouvernement, par voie administrative ou juridique.
Pourriez-vous nous donner des chiffres pour l'ensemble du Canada - je ne sais pas si vous les avez déjà donnés - sur le nombre de consultants par province et par grande ville au Canada? Avez-vous ces données?
M. Grant: Je n'ai pas ces chiffres avec moi. Je peux vous donner un chiffre approximatif du nombre de consultants à travers le Canada. J'imagine que la plupart travaillent dans les trois grands centres, soit Montréal, Toronto et Vancouver, mais je vais trouver ces chiffres et vous les faire parvenir.
M. Nunez: Ma deuxième question a trait à la juridiction, à savoir si elle est de niveau fédéral ou provincial. À mon avis, elle est surtout de niveau provincial parce que ce sont les provinces qui réglementent les professions, comme l'Office des professions, au Québec. Pourriez-vous m'éclairer et me dire si cela est de juridiction exclusivement provinciale ou partagée avec le fédéral?
M. Grant: Selon moi, c'est de juridiction provinciale parce que les consultants viennent des professions. Mais le gouvernement fédéral a toujours la possibilité de limiter l'accès à ses bureaux au Canada et peut-être ailleurs dans le monde. C'est une question juridique et je ne suis pas avocat.
Le gouvernement a le pouvoir, en vertu de la Loi sur l'immigration, en vigueur depuis 1976, d'exiger que les consultants soient munis d'un permis pour pratiquer.
[Traduction]
M. Nunez: Monsieur le président, puisqu'il s'agit d'une question très importante, pourrait-on obtenir un avis juridique sur cette question des compétences? Pourrions-nous inviter quelqu'un à comparaître?
Le président: Nous pourrions le faire.
Mme Margaret Young (recherchiste du Comité): C'est couvert dans la mesure où cela peut l'être, comme M. Grant l'a déjà dit.
[Français]
M. Nunez: Avez-vous une idée du nombre de plaintes qui sont soumises aux bureaux d'immigration par des clients, des avocats ou des organismes qui se plaignent des consultants?
M. Grant: Je ne connais pas le nombre de plaintes. Il en existe évidemment, mais nous demandons, dans chaque cas, à la GRC de faire enquête. Lorsque des plaintes semblent fondées, les consultants qui travaillent de façon illégale sont poursuivis en vertu de la Loi sur l'immigration ou du Code criminel.
Quant aux plaintes contre les consultants qui manquent de professionnalisme, nous n'avons pas le pouvoir de les régler. Nous ne pouvons que conseiller aux clients d'être vigilants lorsqu'ils en embauchent un.
M. Nunez: Quel est le suivi une fois qu'une plainte est déposée? Alertez-vous la GRC?
M. Grant: Oui.
M. Nunez: Porte-t-on des accusations criminelles? Avez-vous un exemple de ce genre de cas à nous donner, qu'il soit encore devant les tribunaux ou que la sentence ait déjà été prononcée?
M. Grant: C'est une question qui relève plutôt de la GRC. Cependant, je peux vous donner un exemple. Un consultant qui remettrait un document frauduleux pour l'un de ses clients commettrait un acte criminel passible de poursuites devant les tribunaux. Il y a deux ou trois semaines, un consultant de Toronto a été condamné pour cette offense.
[Traduction]
Il a été reconnu coupable de 20 accusations d'activité criminelle.
[Français]
M. Nunez: Est-il en prison?
M. Grant: Oui, il est actuellement en prison.
[Traduction]
Le président: C'était pour fraude?
M. Grant: C'était pour activités illégales, frauduleuses. Je pourrai vous faire parvenir des précisions. C'était dans les journaux de Toronto il y a environ deux semaines.
Donc, cela arrive. Il y a régulièrement des poursuites. La GRC étudie l'accusation et décide si les preuves sont suffisantes. Elles ne le sont pas toujours, mais lorsqu'elles le sont la GRC déposera des accusations, comme je l'ai dit tout à l'heure, en vertu soit de la Loi sur l'immigration ou du Code criminel.
[Français]
M. Nunez: Vous avez mentionné le cas de l'Australie, qui me semble assez intéressant. Il faudrait obtenir la documentation sur l'Australie afin de pouvoir poursuivre notre examen.
Connaissez-vous d'autres pays qui ont des lois ou des règlements régissant la profession de consultant à l'immigration? Qu'en est-il, par exemple, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande ou des pays européens?
M. Grant: Je pourrais fournir au Comité quelques exemples
[Traduction]
d'expérience d'autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Les États-Unis ne réglementent pas la profession de conseillers en immigration comme telle, mais imposent des limites à ceux qui voudraient représenter quelqu'un au niveau des procédures d'immigration et cela ressemble un peu à ce que nous faisons en vertu de notre propre loi.
On consent le privilège de représentation aux États-Unis, entre autres, aux avocats, aux étudiants en droit, aux diplômés en droit, aux personnes de bonne réputation pourvu qu'elles comparaissent à titre personnel sans rémunération et qu'elles aient entretenu des rapports préalables avec la personne en question; n'oublions pas les représentants et agents accrédités. Certains organismes peuvent aussi être officiellement autorisés à nommer des représentants accrédités.
Au Royaume-Uni, il n'existe aucune loi concernant ceux qui peuvent donner des conseils aux immigrants ou les aider moyennant rémunération et il n'existe aucun règlement à propos des personnes qui pourraient aider des clients dans leurs rapports avec le ministère de l'Immigration. Cependant, au Royaume-Uni, comme c'est le cas au Canada, l'article 22 de la Loi sur l'immigration du Royaume-Uni (U.K. Immigration Act) prévoit des règles de procédure et une réglementation limitant ces conseillers à certaines professions, y compris celles d'avocats, de notaires, d'agents consulaires et de représentants des Services conseils de l'immigration du Royaume-Uni.
Quant à l'Australie, comme je l'ai précisé, il y a un programme qui a été lancé en septembre 1992.
[Français]
J'ai les documents pour le programme australien.
M. Nunez: Peut-on en obtenir des copies?
M. Grant: Absolument. Malheureusement, elles sont en anglais seulement.
[Traduction]
Le président: Peut-être pourriez-vous les remettre à nos recherchistes qui pourraient nous les résumer dans les deux langues officielles.
M. Grant: Nous avons ici pas mal de feuillets de renseignements préparés par le gouvernement australien. J'ai déjà demandé - et j'y donnerai suite - à notre mission à Canberra d'essayer d'obtenir le rapport du comité permanent australien qui étudiait la question. Je vous ferai parvenir aussi ce document.
Le président: Ça vous va, donc? Nous donnons tout cela aux recherchistes qui pourront résumer le tout.
M. Nunez: Absolument.
Le président: Vos dix minutes sont écoulées.
Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): J'ai quelques questions brèves suivies d'une ou deux autres questions.
Vous avez fait état de 54 000 enquêtes. Cela comprend-il les questions posées par les députés à la commission?
M. Grant: Il s'agit de questions dont sont saisis les arbitres. Il s'agit en fait d'enquêtes où se présentent les gens.
M. Assadourian: Je voulais vous signaler que j'ai déjà rencontré certains de ces conseillers avec leurs clients. Ils viennent à mon bureau et ces gens sont souvent payés «en espèces sonnantes et trébuchantes». Lorsque vous portez des accusations ou que la GRC fait son enquête, fait-elle aussi enquête sur la façon dont ces gens ont été payés, et s'ils ont payé des impôts sur ces revenus en argent liquide, s'il y a des reçus ou quelque chose du genre, ou fait-elle enquête seulement sur l'aspect juridique de la chose ou sur les activités malhonnêtes comme la contrefaçon de documents ou des choses de ce genre?
M. Grant: Je ne peux vous répondre. Je crois que la GRC pourrait vous répondre mieux que moi. Je ne connais pas la réponse.
M. Assadourian: À votre avis, quelle est la principale différence entre les conseillers en immigration et ceux d'autres industries? Y a-t-il une différence, à votre avis?
M. Grant: Contrairement aux conseillers oeuvrant dans d'autres domaines, je crois bien qu'un conseiller en immigration a la possibilité de représenter quelqu'un devant un tribunal fédéral. Un conseiller qui est... J'hésite à cause de la définition du concept. On peut avoir un médecin pour conseiller. Un conseiller peut offrir une opinion en matière de communication, de politique, en matière de gestion...
Une voix: Des opinions politiques.
M. Grant: Des opinions politiques. Le conseiller a une telle gamme...
M. Assadourian: S'il y a une chose qu'ils ont en commun, c'est qu'ils sont tous payés.
M. Grant: Oui, effectivement.
M. Assadourian: D'une certaine façon, certains règlements régissent leurs activités. Mais à la toute première page de ce document, on voit que ce problème existe depuis 20 ans. Vous mentionnez quatre options.
Depuis 20 ans pourquoi n'a-t-on pas pris la moindre mesure pour rectifier la situation? Si vous avez des solutions - et je parle de vos propositions, de ces quatre options - comment se fait-il que rien n'ait été fait depuis 20 ans? Les gens se font avoir sans arrêt. Je connais des gens qui ont versé 7 000$ en argent comptant à un conseiller et qui n'ont même pas eu un bout de papier en échange.
M. Grant: Je ne pense pas qu'on puisse dire que rien n'est fait depuis 20 ans. Dans la foulée du rapport de 1981, plusieurs mesures ont été prises, entre autres, le fait qu'on conseille aux requérants d'être circonspects dans le choix d'un conseiller. C'est donc une sorte de mise en garde, on leur dit qu'ils n'ont pas besoin des services d'un expert pour remplir leur demande et que nos agents sont là pour répondre à toutes leurs questions. Toutefois, s'ils décident de faire appel à quelqu'un pour présenter leur cas, comme pour n'importe quel type de service, ils doivent faire attention à qui ils donnent leur argent.
Au milieu des années 1970, des mesures ont été prises pour limiter la marge de manoeuvre des conseillers. Nous n'avons jamais réussi à nous mettre d'accord sur la façon de procéder ni à décider si cela réglerait le problème que vous venez de soulever, le problème des gens qui versent 7 000$ et qui n'ont rien en échange. Les dispositions légales actuelles ne couvrent pas cela. Comme nous le disions tout à l'heure avec M. Nunez, il semble s'agir d'un domaine de compétence provinciale, mais les provinces elles-mêmes ne semblent pas s'inquiéter tellement de la question ni être capables de décider de la marche à suivre.
L'Ontario a étudié la question de façon approfondie et l'a même débordée, allant jusqu'à s'intéresser aux agents parajuridiques en général. Nous ne réussissons pas à déterminer la voie à suivre. Le système australien, que nous étudions actuellement, est intéressant. Nous étudions également un système d'auto-réglementation. J'imagine que le gouvernement fédéral serait justifié d'intervenir dans ce domaine où personne d'autre ne semble prêt à intervenir.
Peut-être des solutions plus faciles sont-elles possibles. L'une d'entre elles exige que tous les conseillers - et là encore, on limite les activités régies et cela ne comprend pas celles que vous avez mentionnées - travaillent sous la supervision d'un cabinet d'avocats et que seuls des avocats en titre soient autorisés à représenter des clients devant un tribunal. Cela reviendrait à éliminer tous les conseillers qui ne sont pas avocats, et parmi eux, certains ont une excellente réputation. D'autres sont sans scrupules, mais j'imagine qu'on peut dire la même chose des avocats.
Ce n'est donc pas faute d'essayer que rien n'a été fait, mais il y a tout de même un certain nombre de choses qui ont été accomplies. C'est un problème d'autant plus difficile qu'il a des implications considérables sur les ressources de l'industrie.
M. Assadourian: Est-ce que les associations de conseillers professionnels sont en faveur d'une auto-réglementation? Si elles avaient le choix, quelle option retiendraient-elles?
M. Grant: C'est un problème qui les préoccupe beaucoup. En fait, l'association a été mise sur pied au départ à cause de la réputation des conseillers en matière d'immigration. Si j'ai bien compris, un des objectifs de l'association était de fixer des normes à l'intention des conseillers en immigration membres de l'association. Au cours des discussions avec des représentants de l'association, je me suis aperçu que, pour eux, les activités malhonnêtes de certains conseillers étaient une grave source de préoccupation. Ils voudraient prendre des mesures pour redresser cette situation et ils sont prêts à coopérer pour chercher la meilleure solution possible. Cela dit, leur principale préoccupation est d'éliminer les conseillers malhonnêtes qui ternissent leur propre réputation.
M. Assadourian: Parmi les quatre options que vous avez mentionnées, quelle est celle qu'ils préfèrent? S'agirait-il de l'option australienne? Que veulent-ils faire?
M. Grant: Je ne peux pas vous dire ce qu'ils choisiraient, mais je pense qu'ils seraient satisfaits de n'importe quelle option à condition qu'elle atteigne cet objectif. Si un système provincial d'autorisations était mis sur pied, je suis certain qu'ils se feraient un plaisir de se conformer à ses exigences. S'il s'agissait d'un système fédéral d'autorisations, comme le système australien, je suis certain qu'ils s'en accommoderaient également, de même que d'un système d'auto-réglementation.
Je ne peux pas parler pour eux. Je ne sais pas quelle sera la position de leur comité. Mais ce qui est certain, c'est qu'ils veulent un système qui fonctionne bien. Ils pourraient vous dire eux-mêmes quelle option ils préfèrent.
M. Assadourian: Mais ils ne vous ont pas soumis un programme ou une proposition spécifique?
M. Grant: Il y a environ deux ans, ils sont venus discuter avec nous de la possibilité de mettre en place un système d'auto-réglementation, un système administré par l'association et que nous reconnaîtrions. À l'époque, cela nous causait deux problèmes: d'une part, nous nous demandions si le mécanisme disciplinaire prévu était suffisamment efficace, s'ils réussiraient à imposer les normes à leurs propres membres. Nous voulions savoir comment ils s'y prendraient.
Deuxièmement, il y avait le problème de la responsabilité, une notion juridique passablement délicate. Nous nous demandions si nous pourrions être tenus pour responsables après avoir reconnu l'association.
Si les conseillers se sont regroupés en association, c'est en partie pour s'assurer une certaine respectabilité. À l'époque, ils nous ont demandé si nous serions prêts à les reconnaître. Ils ne savaient pas exactement en quels termes, mais ils voulaient que leurs efforts soient reconnus.
M. Dromisky (Thunder Bay-Atikokan): À mon avis, c'est un problème très complexe. Une vingtaine d'années se sont déjà écoulées, 20 autres années risquent de s'écouler sans qu'on trouve la moindre solution à ces problèmes. À mon avis, ce genre d'activités devrait être régi par une stratégie d'entrée officielle. Ce n'est pas parce que je siège à ce comité et que je m'y connais un peu en immigration que je pourrais devenir conseiller et venir en aide à des gens qui ont des difficultés ou qui ont besoin de conseils et d'opinions. À mon avis, c'est du véritable charlatanisme.
Ce n'est pas parce qu'on a travaillé pour le ministère de l'Immigration qu'on peut jouer ce genre de rôle; en effet, c'est un jeu dangereux qui met en cause des gens dans une situation précaire, des gens qui ne s'y connaissent absolument pas et qui sont donc vulnérables et facilement trompés. Cela ne fait aucun doute. Il est très facile de profiter d'eux.
Même des gens qui se prétendent sincères pourraient causer des torts considérables parce qu'ils ignorent les changements, les règles, les nuances, les finesses, les lois, etc. Autrement dit, on n'est pas aussi comptétent qu'on voudrait bien le croire et il y a des gens qui vont en subir les conséquences.
J'aimerais qu'il y ait une procédure d'entrée officielle dans cette profession, une sorte de diplôme. Est-ce que les collèges communautaires se sont intéressés à la question? Ont-ils essayé d'offrir des diplômes à l'issue de deux, trois, quatre ou cinq cours, des diplômes qui permettraient d'exercer dans ce domaine?
Une voix: Comme les agents immobiliers.
M. Dromisky: Oui, c'est ce que nous appelons une licence, mais ils n'accordent pas de licences. Il pourrait s'agir d'un diplôme d'un collège communautaire, pas comme une licence, mais un diplôme.
M. Grant: Je ne connais pas de collèges communautaires qui aient tenté ce genre de chose. C'est probablement une question d'offre et de demande. Si certaines normes étaient imposées pour obtenir une licence, il est fort possible que certains collèges se mettraient alors à offrir des cours.
Par exemple, si le gouvernement de l'Ontario avait réussi à réglementer les agents parajuridiques d'une façon générale, le secteur de l'éducation aurait probablement suivi le mouvement en offrant des cours. Jusqu'à présent, ce n'est pas le cas. N'importe qui, littéralement, peut devenir conseiller en immigration après avoir siégé à un comité parlementaire, et parfois même, ces prétendus conseillers n'ont même pas cette expérience-là. Il suffit d'accrocher son enseigne et de se faire imprimer des cartes d'affaires. On ne voit donc pas l'utilité d'offrir des cours.
M. Dromisky: Je sais qu'il est pratiquement impossible de mettre toutes les provinces d'accord sur un plan, quel qu'il soit. Mais, monsieur le président, le gouvernement fédéral devrait peut-être envisager d'offrir un tel modèle, c'est-à-dire un diplôme à l'issue de cinq cours ou de trois cours, et de demander aux collèges communautaires, par exemple, d'administrer un tel programme pour le compte du gouvernement fédéral.
M. Grant: Les seuls cours que je connaisse sont en réalité de la formation et non pas de véritables cours. C'est un type de formation offert par l'Association du Barreau canadien à ses membres. Il y a également l'Organization of Professional Immigration Consultants qui offre des cours ou certains types de formation à ses membres. Si la Loi sur l'immigration devait être modifiée, l'Association mettrait sur pied des programmes de formation à l'intention de ses membres. Pour l'instant, ce sont les seurs cours que je connaisse.
M. Dromisky: Est-ce qu'ils donnent les cours eux-mêmes?
M. Grant: Ils les donnent eux-mêmes. Très souvent, c'est du moins le cas de l'Association du Barreau, des employés du ministère sont invités à expliquer les changements à la réglementation ou à la législation.
M. Dromisky: Évidemment, ce n'est pas le meilleur modèle possible.
M. Grant: Ce sont les seuls cours que je connaisse.
Évidemment, je ne parle pas de toutes les écoles qui forment, en permanence, des avocats.
M. Dromisky: À mon avis, ce genre de programme ne devrait pas être confié à des avocats.
M. Grant: Non. Je vous expliquais simplement que dans les écoles de droit il y a des cours de droit de l'immigration, mais ce n'est pas vraiment de cela que nous parlons.
M. Dromisky: Je parle d'un programme spécialisé, et non pas d'un cours de trois heures une fois par semaine pendant 13 ou 14 semaines, après quoi on est qualifié. De toute façon, la plupart du temps les étudiants n'assistent même pas à ces cours. Le cours magistral qu'ils ont écouté la semaine dernière est déjà oublié cette semaine. Je ne vous parle pas de ce genre de cours qui n'ont pas grande valeur. Je vous parle d'un programme spécialisé, intensif, consacré exclusivement à ce domaine.
M. Grant: Lorsqu'ils ont mis en place leur système d'enregistrement, les Australiens se sont aperçus qu'ils ne réussissaient pas à attirer de nouveaux candidats à cause de la règle des cinq ans d'expérience. C'est à ce moment-là que des cours ont été organisés. Je crois que ces cours se donnaient dans l'équivalent australien de nos collèges communautaires, des cours en droit de l'immigration. L'offre suit donc la demande.
M. Dromisky: À mon avis, le premier collège communautaire canadien qui offrira un tel programme devrait avoir pas mal de candidats.
M. Grant: Oui, mais tant que certaines normes ne seront pas obligatoires pour obtenir le titre de conseiller en immigration, ils n'auront aucun candidat.
M. Dromisky: Oui. Comme il s'agit d'une responsabilité fédérale et non pas provinciale, c'est quelque chose que nous pourrions exiger à ce niveau.
M. Grant: C'est un domaine où les choses ne sont pas très claires comme M. Nunez le faisait observer tout à l'heure. Ces gens-là ont des activités qu'on pourrait qualifier de professionnelles et à ce titre, on pourrait penser qu'ils relèvent de la compétence provinciale. Toutefois, ils travaillent devant des tribunaux fédéraux et dans des bureaux fédéraux.
Une question se pose donc: est-ce que le gouvernement fédéral a le droit de limiter l'accès à ses bureaux et à ses tribunaux, l'accès de gens qui défendent la cause de leurs clients? C'est à ce niveau-là que le gouvernement fédéral pourrait intervenir. En tout cas, si les provinces ne s'intéressent pas à la question, le gouvernement fédéral serait parfaitement justifié d'intervenir.
M. Dromisky: Je suis certain qu'on pourrait citer des milliers d'obstacles, quel que soit le niveau d'intervention, qu'il s'agisse du provincial ou du fédéral.
Tout comme d'autres membres de ce Comité, je suis convaincu de la nécessité de faire quelque chose. Nous ne pouvons pas rester bêtement à ne rien faire sous prétexte que cela dure depuis vingt ans, que des problèmes existent mais que nous ne pouvons rien faire à cause des divers règlements. Soit nous empruntons cette voie et nous exigeons la mise en place d'un programme de formation ou autre, soit nous allons plus loin et nous exigeons une formation universitaire, une formation en droit sans laquelle il serait impossible de devenir conseiller, ce qui aurait pour effet d'éliminer tous les autres consultants. Bref, personne n'est autorisé à offrir de tels services sans être compétent et qualifié. Pour l'instant, ce genre d'activité cause beaucoup trop de tort.
M. Assadourian: Une observation très courte en référence à la page 5 de ce document.
M. Grant: Je suis désolé, mais je ne sais pas de quel document vous parlez.
M. Assadourian: Immigration Consultations.
M. Grant: Je n'en ai pas d'exemplaire, mais allez-y.
M. Assadourian: Au milieu de la page, on lit que toute personne qui doit faire l'objet d'une enquête doit être informée de son droit à faire appel aux services d'un avocat ou autre conseiller. Si on supprime la mention «ou autre conseiller», cela résout pratiquement votre problème. Qu'est-ce qui empêcherait de supprimer les mots «ou autre conseiller»?
Dans le second paragraphe, c'est la même chose puisqu'il est question d'«un agent».
Est-ce que ce serait difficile? Je ne suis pas avocat.
M. Grant: Sur le plan de la rédaction, ce n'est pas difficile. Cela sous-entend qu'on peut se faire représenter par un avocat ou ne pas se faire représenter du tout. Autrement dit, on ne peut pas se faire représenter par un conseillé rémunéré. Mais de la même façon, on ne peut pas se faire représenter par un membre de sa propre famille. On ne peut pas se faire représenter non plus par un ami qui n'est pas rémunéré. On ne peut pas se faire représenter par un membre d'une ONG qui n'est pas rémunéré. Cela élimine tous ces gens-là. Voilà ce que cela suppose.
M. Assadourian: Je préfère éliminer tous ces gens-là que de voir un pauvre diable payer 7 000$.
C'est une affaire à laquelle je ne peux m'empêcher de penser. Cette personne, de Grèce, avait sollicité le statut de réfugié au Canada. Elle a versé 7 000$ à un conseiller qui n'a absolument rien fait. C'est la pire escroquerie.
M. Grant: Je ne sais pas exactement pourquoi cet homme a versé 7 000$. S'il s'agissait de 7 000$ pour que le conseiller défende sa cause lors de l'audience de réfugié...
M. Assadourian: Oui.
M. Grant: ...dans ce cas, la personne en question l'a représenté ou ne l'a pas représenté. Si elle a assisté à l'audience et l'a représenté, il faut se demander si elle a fait du bon travail ou si c'était déplorable. Il aurait pu payer 7 000$ à un avocat qui l'aurait très mal représenté. Dans le cas que vous citez, je ne sais pas très bien ce qu'il a acheté avec 7 000$.
M. Assadourian: Je suis certain que si vous alliez voir un avocat et que vous lui expliquiez que vous êtes originaire de Grèce et que vous voulez solliciter le statut de réfugié, l'avocat vous dirait: Vous êtes complètement fou. Cela dit, comme ce type est un conseiller, il ne doit de comptes à personne, il empoche l'argent et la semaine suivante, il ferme boutique. Bénéfice net: 7 000$.
Une voix: On a vu des avocats faire la même chose.
M. Assadourian: Je ne suis pas avocat. Je ne sais pas.
Pourquoi ne pourrait-on supprimer la mention «ou autre conseiller»? Est-ce que c'est parce que cela empêcherait la famille de représenter...? C'est pour cette raison?
M. Grant: Exactement.
Le président: Vous me permettez une courte intervention? Ce que vous voulez, c'est que seuls des avocats ou des gens qui interviennent sans être rémunérés soient autorisés à comparaître devant le gouvernement fédéral. D'autres témoins vont venir défendre la cause des conseillers honnêtes et nous diront: Ne nous éliminez pas de la course, ne nous empêchez pas... Après avoir entendu tous les témoins, nous allons devoir tirer des conclusions.
M. Grant: Avec une telle mesure, vous n'élimineriez pas les conseillers malhonnêtes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, 8 p. 100 seulement de ces enquêtes mettent en cause des conseillers qui ne sont pas avocats et qui sont payés. Ils n'interviendraient plus. Il faudrait passer par un avocat. Un avocat pourrait comparaître, mais les conseillers pourraient tout de même défendre les intérêts d'un client, remplir les documents, déposer les demandes, faire un certain nombre de démarches. Ce ne serait pas une solution à ce problème. Cela réglerait uniquement les comparutions devant les tribunaux.
Votre proposition est très simple. Mais la Loi sur l'immigration permet déjà de faire cela. En fait, je ne sais pas si cela réglerait le problème.
M. Assadourian: L'éducation des nouveaux immigrants? Quand vous demandez... Ne faites pas ceci, ne faites pas cela, n'allez pas voir ce genre de conseiller... C'est simplement informer les nouveaux venus. Vous en avez parlé tout à l'heure.
M. Grant: C'est ce que nous faisions jadis. Je pense que nous ne le ferions plus à l'heure actuelle, mais pendant un certain temps, c'est ce que nous avons fait.
M. Assadourian: Pourquoi avons-nous abandonné cette pratique? Ça ne marchait pas?
M. Grant: L'édition a été épuisée. Je ne pense pas qu'on ait décidé d'arrêter, et je ne sais pas non plus quels conseils nous donnons aux gens qui déposent une demande. Je peux m'informer. Je pense que nous leur donnons des conseils oralement, et je ne suis pas certain que cela se fasse dans tous les cas, que nous répondions à toutes les questions. Rien n'oblige les gens à faire appel à un conseiller. Ils sont autorisés à se faire représenter par un agent s'ils le souhaitent.
M. Assadourian: La plupart des gens qui s'adressent aux conseillers en immigration qui travaillent de façon illégale dans le pays d'origine les paient comptant. C'est du travail au noir et je pense qu'il s'agit de sommes importantes. Ces pratiques existent depuis 20 ans, et à mon avis il nous incombe d'y mettre fin.
M. Grant: Je ne suis pas en désaccord quant à l'existence du problème. Je vous indique tout simplement certaines des limites que peuvent présenter les options que nous avons examinées. Oui, on pourrait prendre des mesures, mais est-ce qu'elles vont corriger le problème? Voilà ce qui nous préoccupe, même si nous prenons des mesures audacieuses.
Nous pourrions limiter l'accès aux tribunaux afin d'essayer d'éliminer le problème des conseillers, mais nous n'aurions pas réglé le problème. Nous pourrions faire quelque chose d'audacieux et permettre aux avocats de s'occuper de ces 8 p. 100 des cas. Mais ils ne le feront peut-être pas, et ce geste ne règle pas vraiment le problème.
M. Assadourian: Que préférez-vous personnellement? Que feriez-vous? Il n'y a pas de problème insoluble. Vous soulevez des objections à chaque proposition que nous vous faisons. Qu'est-ce que vous préconisez? Comment régleriez-vous le problème?
M. Grant: En tant que fonctionnaire, je ne pense pas avoir le droit d'exprimer mes préférences personnelles.
Il est évident que nous nous heurtons à certaines contraintes, dont je vous ai déjà parlé. Le gouvernement et par conséquent la population canadienne ne disposent pas de sommes importantes à consacrer à ce problème. Nous pourrions peut-être créer un régime d'enregistrement, avec des autorisations, des examens et des commissions d'examen des plaintes, mais un tel régime coûterait très cher. À mon avis, on ne peut pas se le permettre. Il s'agit peut-être d'une solution formidable, mais elle n'est pas réaliste.
C'est la raison pour laquelle je préfère l'auto-réglementation. Si nous pouvons trouver des associations qui semblent respectables, honnêtes et capables de s'auto-réglementer, qu'elles paient pour s'assurer que leurs conseillers ont la formation nécessaire et l'autorisation voulue pour exercer leur métier. Il faut également qu'il y ait un mécanisme d'examen des plaintes.
Le gouvernement pourrait vérifier la compétence de ces associations. Je pense que l'auto-réglementation coûterait moins cher aux contribuables canadiens. C'est d'ailleurs ce que font les avocats. Il y a des associations juridiques qui s'occupent des questions de déontologie et de comportement.
Il faut également s'assurer - et je ne sais pas comment on le fait - que les conseillers malhonnêtes ne peuvent pas exercer leurs activités alors que les conseillers honnêtes peuvent le faire. Il ne faut pas non plus que le gouvernement soit tenu responsable s'il semble avoir approuvé des conseillers malhonnêtes.
Il est tout à fait possible qu'un membre d'une association dûment reconnue commette un acte illégal, pour une raison quelconque. On veut que la personne soit poursuivie en justice et expulsée de l'association, mais on ne veut pas que le plaignant poursuive en justice le gouvernement fédéral également, parce que celui-ci ou celle-là aurait perdu 7 000$. Il faut prévoir le remboursement des frais encourus, sans que le gouvernement soit tenu forcément de faire ce remboursement. Si les associations sont obligées de créer des caisses, le client qui paie 7 000$ sans recevoir de services peut obtenir un remboursement sans que le gouvernement ait à le payer.
Pour ce qui est des autres possibilités que nous avons examinées auparavant, je trouve qu'elles ne règlent pas l'ensemble du problème et, donc, qu'il ne vaut pas la peine d'aller plus loin. Les seules solutions qui s'attaquent au problème sont soit la réglementation par les provinces, si elles s'y intéressent, ou par le gouvernement fédéral, ce qui me semble coûteux, soit l'auto-réglementation.
[Français]
M. Nunez: Ce serait plus facile pour réglementer la profession au Canada, mais à l'étranger, que pourrions-nous faire? Certains conseillers pourraient-ils aider d'éventuels immigrants qui viennent ici sans même passer par l'ambassade ou le bureau d'immigration?
Deuxièmement, vous avez évoqué l'immigration illégale de certains Portugais en 1986 et les agissements de certains conseillers en immigration. Pouvez-vous nous expliquer la nature du problème à ce moment-là afin que l'on saisisse bien la question?
M. Grant: Je ne me souviens pas exactement de la nature du problème, mais certains consultants donnaient des avis à des immigrants portugais qui... Je pense que le problème était que les consultants disaient aux immigrants de faire une demande d'asile en tant que réfugiés membres des Témoins de Jéhovah alors qu'ils n'étaient pas des Témoins de Jéhovah. Donc, ils ont conseillé à ces personnes de mentir à la Commission du statut de réfugié.
M. Nunez: Cela répond à la première question. Quant à la deuxième, jusqu'où pourrait aller l'intervention pour réglementer cette profession à l'étranger?
M. Grant: C'est un grand problème. Je pense que nous pouvons, dans une ambassade canadienne, refuser l'accès à n'importe quelle personne, mais c'est la limite de notre pouvoir quant à l'activité des consultants à l'étranger. Si des consultants donnent de faux conseils à des immigrants dans un autre pays et qu'ils n'essaient jamais d'entrer dans une ambassade canadienne, il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire afin de limiter cette activité des consultants étrangers.
M. Nunez: Quels sont les honoraires demandés par ces consultants? C'est probablement difficile à mesurer. Sont-ils moins élevés que ceux demandés normalement par les avocats?
M. Grant: C'est inconnu. Cela varie d'un consultant à un autre. Il n'y a pas de fee schedule pour les consultants. Il serait peut-être possible de réglementater cela et d'établir des frais pour ces conseils. Cela n'existe pas encore. Comme on dit en anglais, c'est «whatever the market will bear».
M. Nunez: En ce qui a trait à la composition du groupe de conseillers, savez-vous combien sont d'anciens fonctionnaires des ministères de l'Immigration du fédéral et du Québec? Combien sont des avocats radiés de leur profession? Combien d'anciens immigrants exercent ce métier? Avez-vous une idée de cela?
M. Grant: Quel groupe? Le groupe OPIC ou le groupe de consultants en général?
M. Nunez: En général et OPIC en particulier.
M. Grant: L'OPIC a été fondé en 1991 ou 1992 par d'anciens employés du ministère de l'Immigration auxquels se sont joints d'autres personnes qui n'étaient pas d'anciens employés du gouvernement. Certains avocats sont également membres de ce groupe.
Quant à la question générale, je ne connais pas la proportion d'anciens employés du ministère ou de réfugiés qui en sont membres. Je n'ai pas ces données.
M. Nunez: Au niveau de l'analyse des faits, votre étude est plutôt superficielle. Je croyais que vous aviez examiné cette question en profondeur.
M. Grant: C'est très difficile de connaître le nombre précis de consultants qui pratiquent au Canada. Il est très simple de travailler dans ce domaine. Vous pouvez devenir consultant cet après-midi, si vous avez des cartes d'affaires, et commencer votre travail à 14 heures. Donc, il est impossible d'estimer le nombre exact des consultants.
M. Nunez: Par exemple, au niveau de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, peut-on savoir combien de personnes ont plaidé au cours de l'année 1994, alors qu'ils n'étaient pas avocats?
M. Grant: Nous connaissons le nombre de personnes qui ont plaidé devant la Commission accompagnées d'un consultant.
M. Nunez: Avez-vous ce chiffre ici?
M. Grant: Je ne l'ai pas ici. J'ai seulement les données ayant trait aux enquêtes pour 1992. Sur les 40 000 enquêtes, en 1992, seulement 8 p. 100 des clients étaient représentés par des consultants qui n'étaient pas des avocats. Cela représente de 3 000 à 3 500 personnes.
Mais les mêmes consultants peuvent représenter différents clients. Les chiffres que j'ai donnés ne représentent que le nombre de clients.
[Traduction]
Le président: Je n'ai qu'une petite question à vous poser.
Je crois comprendre qu'il y a des avocats et des gens qui ne le sont pas au sein de l'OPIC. Lorsqu'on parle de «conseillers», on a tendance à penser qu'il s'agit de personnes qui ne sont pas avocats. Si l'on accordait le statut de société professionnelle à cette organisation, devions-nous nous inquiéter de ce que les avocats membres du groupe pourraient dire que seuls les avocats ont le droit d'en être membres? Devions-nous nous se préoccuper de cette question?
M. Grant: Il faudrait peut-être poser la question à l'OPIC. Je sais que des avocats sont membres de l'OPIC. Je ne vois pas pourquoi ils s'opposeraient à une reconnaissance de l'OPIC. Il seraient protégés de deux façons: par le Barreau et par un nouveau régime. Je pense que le fait d'être membre de l'OPIC serait...
L'inquiétude est venue des activités des conseillers malhonnêtes, et les avocats estiment que la création de l'OPIC est une façon de s'attaquer au problème. Je ne sais pas quel avantage il pourrait y avoir pour leur pratique privée. Ils peuvent offrir tous les services parce qu'ils sont réglementés.
Le président: Je me permets de vous poser quelques autres petites questions. Vous semblez dire qu'à moins de pouvoir résoudre l'ensemble du problème, il vaut mieux ne pas prendre de demi-mesure.
Mettons que la Constitution nous impose certaines limites; si nous jugeons qu'il est souhaitable d'exiger que seuls les avocats puissent comparaître devant la CISR, ne trouvez-vous pas qu'il serait bon de mettre en place cette mesure, même si elle ne s'applique qu'à 8 p. 100 des cas? Nous pourrions faire cela et ensuite mettre les provinces au défi d'assumer leur responsabilité et de mettre de l'ordre dans le reste.
M. Grant: Oui, c'est une possibilité. Mais quand vous y réfléchissez, il faut savoir comment on procéderait. On pourrait décider qu'un avocat doit comparaître, un point c'est tout. On pourrait décider également que seul un avocat ou une personne qui n'est pas rémunérée peut comparaître, ce qui permettrait aux membres de la famille et des ONG de représenter les gens, si toutefois c'est ce que vous voulez. Tous les autres seraient éliminés. Vous ne pouvez plus offrir ce service. Ce serait une façon de procéder.
On pourrait dire également que seuls les gens qui sont titulaires d'une autorisation peuvent comparaître. Mais dans ce cas, une question se pose: Qui est chargé de délivrer les autorisations? C'est une possibilité que nous avons déjà explorée et dont nous avons parlé avec les provinces. Seraient-elles prêtes à s'en charger? La tâche nous serait-elle confiée à nous?
Ainsi, si vous ne posez pas cette seconde question, si vous tenez pour acquis que les conseillers ne peuvent plus comparaître à moins d'être avocat, effectivement, cela serait possible.
Le président: Que pensez-vous d'un système d'enregistrement? Si on mettait de côté la question de la compensation et les 7 000$ dont vous avez parlé, si quelqu'un souhaitait exercer comme conseiller sans être avocat, cette personne pourrait payer un droit de 300$ par année, quelque chose de ce genre. Le gouvernement fédéral enregistrerait ces gens-là et leur délivrerait des autorisations. Si par la suite nous recevions des plaintes, si nous déterminions que ces plaintes sont justifiées, nous pourrions leur retirer leur autorisation ou les expulser de la profession. Pensez-vous que cela serait trop compliqué?
M. Grant: Qui délivrerait les autorisations?
Le président: Le gouvernement fédéral ou son agent.
M. Grant: Je ne vois pas tellement de problèmes, mais si on se fie à l'expérience australienne, un système d'autorisations est coûteux. À partir du moment où vous délivrez des autorisations, vous devez également mettre en place un système pour enregistrer les plaintes et déterminer leur bien-fondé. Les Australiens se sont aperçus qu'ils devaient mettre en place un mécanisme pour enquêter sur les plaintes et déterminer leur validité. C'est là qu'ils se sont aperçus que c'était très coûteux, leur secrétariat étant forcé d'employer 11 employés équivalents temps plein pour faire fonctionner cette commission qui avait le pouvoir de retirer les autorisations.
Il faut donc que quelqu'un fasse enquête. Tout cela est une question de coût. C'est un aspect qui a aussi inquiété certaines provinces. Dès qu'on met en place un système d'enregistrement ou d'autorisations, il faut étabir des normes et organiser des examens, et cela coûte très cher, même lorsqu'il n'y a pas d'examen et qu'on se contente de faire enquête sur les plaintes.
Les Australiens se sont aperçus que les cotisations des membres - toutes les personnes devaient être membres, y compris les avocats, couvraient une très faible proportion des coûts d'administration du système.
Le président: Vous avez parlé tout à l'heure de la responsabilité juridique du gouvernement fédéral; je me demande d'où cela est sorti?
Par exemple, la province délivre des permis aux architectes, aux médecins et aux avocats. Je n'ai jamais entendu dire que la province avait été poursuivie à cause d'une négligence professionnelle de la part d'un architecte, d'un médecin ou d'un avocat. Personne n'a jamais prétendu qu'une école de droit n'avait pas été à la hauteur. Je n'ai jamais entendu parler d'un tel exemple.
Qui a eu cette idée-la? Sur quoi cela est-il fondé?
M. Grant: Vous avez peut-être raison. C'est peut-être seulement notre prudence naturelle qui nous pousse à étudier cette possibilité. Nous avons demandé des opinions juridiques et je me ferai un plaisir de communiquer les résultats aux membres du comité.
Vous avez probablement raison. Nous sommes probablement libres d'agir de cette façon, mais avant de recommander une certaine démarche au ministre, nous tenons à nous assurer que cette question, du moins, bien été posée.
Le président: Rien ne garantit jamais qu'on ne sera pas poursuivi, mais est-ce que je dois rester chez moi sous prétexte que je pourrais être poursuivi en justice?
M. Grant: Étant donné le secteur dont il s'agit, je pense que c'était une préoccupation naturelle, et peut-être simplement une question de point de vue. Est-ce qu'on pourrait avoir l'impression que le gouvernement cautionne les conseillers? Est-ce que cela revient à dire aux candidats immigrants que le gouvernement répondra à toutes leurs questions et qu'il approuve également l'intervention de ces conseillers? On pourrait avoir l'impression que nous encourageons les gens à retenir les services de conseillers lorsque, dans certains cas, ils n'en ont pas besoin. Voilà le type de question que nous nous posions en ce qui concerne notre responsabilité.
Je crois que vous avez raison. Le gouvernement ne serait probablement pas plus responsable dans ce domaine que dans tout autre.
Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez donné un bon départ et vous avez certainement amorcé la discussion.
Jusqu'à présent, et c'est encore très préliminaire, on a l'impression que quelque chose doit être fait, que quelque chose doit être recommandé et que le statu quo n'est pas satisfaisant. Nous allons donc continuer à y réfléchir en attendant d'autres témoignages. Merci beaucoup.
M. Grant: Nous nous sommes engagés à vous communiquer un certain nombre de documents que nous vous ferons parvenir.
Le président: Merci.
La séance est levée.