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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 1995

.1539

[Traduction]

Le président: On m'a dit que mes collègues arriveraient plus tard, alors nous allons commencer sans eux.

J'aimerais remercier le professeur Swan d'être venu, et de bien vouloir nous faire la critique du document. Nous examinons les effets économiques de la politique canadienne en matière d'immigration dans leur ensemble, vous n'avez donc pas à vous limiter à faire la critique du livre. À la fin de nos travaux, nous voulons remettre quelques recommandations au gouvernement.

Monsieur Swan, je vous donne la parole.

.1540

M. Neil Swan (témoignage à titre individuel): Je vous remercie. J'avais bien compris que le Comité examine l'immigration en général tout en axant ses travaux d'une manière particulière sur le livre Diminishing Returns, dont le rédacteur en chef était Don DeVoretz. J'aimerais vous faire part de mon opinion sur sa thèse, mais ce sera sur la trame du travail que j'ai moi-même effectué par le passé.

Le Comité sait peut-être déjà que j'ai beaucoup travaillé à la préparation du rapport de l'ancien Conseil économique du Canada sur l'immigration, et c'est de cette expérience que je tire les connaissances de fond qui me permettent de parler de ce sujet.

Pour résumer un peu à l'avance mes opinions du livre, je pense que DeVoretz a tout à fait raison quand il dit que les rendements décroissants sont très probables dans l'immédiat. D'autre part, je pense que les preuves qu'il avance à cet égard dans ce volume, sont plutôt faibles. Je pense qu'il tire la bonne conclusion, mais en tant qu'universitaire typique, ou ex-universitaire, je ne suis pas entièrement satisfait du raisonnement qui lui a permis de tirer cette conclusion.

En outre, je pense qu'il faut tenir compte du rendement décroissant quand on élabore la politique qui régit les proportions respectives d'immigrants qui appartenant aux différentes catégories - les indépendants par rapport à ceux de la catégorie de la famille et ainsi de suite - mais on ne devrait sans doute faire aucun cas du phénomène du rendement décroissant pour prendre des décisions sur le niveau d'immigration. Aux fins de la politique, je ferai la différence entre l'équilibre des catégories et le niveau d'immigration en tant que tel.

Si vous le voulez bien je n'en dirai pas plus à propos des deux premeirs points avant la période des questions et je discuterai brièvement des deux autres points, c'est-à-dire de la pertinence du phénomène du rendement décroissant en ce qui a trait à l'élaboration de la politique régissant l'équilibre des catégories d'immigrants et du niveau d'immigration en tant que tel.

Pour ce faire, je vais parler des éléments qui devraient permettre d'élaborer les deux composantes de cette politique, en termes généraux. Je vais vous faire part de quelques faits qui me semblent pertinents, et vous ayant dressé ce tableau d'ensemble, j'essaierai d'y insérer les résultats de DeVoretz. Mon exposé durera environ dix minutes, si vous le voulez bien.

Le président: Certainement.

M. Swan: Quant aux facteurs qu'on devrait utiliser pour définir la politique en matière d'immigration, à mon avis ils sont au nombre de huit, environ, et je les diviserai en trois groupes.

Les trois premiers éléments constituent les avantages économiques que tire le pays d'accueil de l'immigration; ils valent la peine qu'on en tienne compte. Ils sont donc au nombre de trois: L'augmentation du revenu réel des membres du pays d'accueil; les emplois; et la différence nette entre les impôts que versent ceux qui sont ici et les services gouvernementaux qu'ils consomment.

Outre ces trois facteurs économiques, je pense qu'il y a deux facteurs sociaux qui sont d'une grande importance. Premièrement, la possibilité, pour une société, d'intégrer des immigrants sans friction. Ensuite, l'immigration rend la collectivité plus hétérogène, moins homogène.

Il faut ensuite considérer une série de facteurs ethiques. Je pense qu'il y a trois obligations sur le plan ethique, en ce qui a trait à la politique en matière d'immigration. Premièrement, il faut considérer les avantages économiques pour les nouveaux venus, qui, s'ils n'avaient pas immigré, seraient beaucoup plus pauvres ce qui se compare au sentiment exprimé sur la plaque qui est fixée au bas de la statue de la Liberté et qui dit «Laissez venir à moi les pauvres», etc. Deuxièmement, nous sommes dans l'obligation de permettre la réunion des familles. Troisièmement, nous devons accepter des réfugiés en vertu de nos engagements internationaux.

La politique qui régit les catégories d'immigrants et le niveau de l'immigration doivent être fondés sur un équilibre judicieux de ces huit facteurs et de ces trois éléments: les éléments économiques, sociaux, et ethiques. Permettez-moi de vous signaler que le phénomène du rendement décroissant, même s'il est fondé, ne s'applique qu'à l'un des huit facteurs. Il s'applique au troisième facteur dans le premier groupe des éléments économiques. Voilà l'une des raisons pour lesquelles il est nécessaire de placer l'importance relative du phénomène du rendement décroissant dans son contexte.

Pour ajouter quelques précisions à propos des gains économiques pour les pays hôtes, le Conseil économique a trouvé - et je pense que cette analyse continue d'être pertinente parce qu'elle ne remonte pas très loin - que les gains de revenus par habitant sont assez élevés pour chaque immigrant.

Ils sont d'environ 2 000$ par immigrant, par année; c'est un chiffre très approximatif. Si vous calculez ces gains par rapport aux sommes dépensées pour faire venir les immigrants ici, ils sont aussi assez élevés; on pourrait dire qu'il s'agit, en quelque sorte, du taux de rendement des sommes investies à cette fin.

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Nous n'avons pas d'estimation de ce taux de rendement; Personne ne l'a jamais calculé. Mais, si on me permettait de hasarder une estimation fort approximative, je dirais que ce taux de rendement pourrait atteindre 15 p. 100. Sans doute n'est-il pas inférieur à 10 p. 100.

Ainsi, l'argent que l'on dépense pour faciliter la venue des immigrants peut se comparer à un investissement dont le taux de rendement se situe entre 10 et 15 p. 100 par an, ce qui, sans être énorme, n'est certes pas négligeable non plus.

De même, la valeur totale de l'immigration est assez peu élevée par rapport au PNB, surtout parce que nous avons un grand pays très peuplé et que le nombre d'immigrants qui viennent s'y installer se fait à peine sentir. Donc, on peut dire que le taux de rendement par immigrant est élevé, alors que la valeur totale de l'immigration est relativement peu élevée.

Le Conseil a aussi tenté de déterminer quelle était la source de ce gain économique. L'origine principale en est ce que les économistes appellent les économies d'échelle. L'expansion du marché intérieur provoque un certain nombre de gains de rendement. C'est ce qui explique environ les trois quarts du gain que nous avons constaté, et dont je viens de vous citer une estimation.

Pour le reste, ce gain économique au niveau du revenu était attribuable aux effets du genre de ceux décrits par M. DeVoretz, tel l'équilibre entre les impôts versés et la nécessité de dépenser certaines sommes d'argent. C'est ce qui expliquait environ 25 p. 100 de ce gain.

J'y reviendrai, ainsi qu'à la pertinence de ce facteur dans nos évaluations, mais je voulais dans un premier temps vous faire part de ces quelques faits et citations.

Du côté social, le Conseil économique a noté une tolérance accrue, ainsi qu'une acceptation croissante de l'immigration, surtout si on évite des augmentations abruptes du niveau d'immigration d'une année à l'autre, ce qui peuvent s'avérer un peu risqué mais sinon, la tolérance et l'acceptation semble s'améliorer.

Le conseil a déployé des efforts considérables pour essayer de déterminer la valeur de l'hétérogénéité, c'est-à-dire le fait d'avoir une société plus variée tant par l'origine ethnique de ses membres, que par leur couleur et ainsi de suite. Il n'a pas pu trouver de mesure quantitative qui lui aurait permis d'évaluer cette dimension du phénomène. Personnellement, l'accroissement de l'hétérogénéité me semble précieux. Je pense, certainement, que c'est un facteur important dont il faut tenir compte quand on veut évaluer le niveau d'immigration. Il faut faire preuve de bon sens et de jugement au moment d'évaluer la valeur relative qu'il faut accorder à ce facteur par rapport aux autres.

On peut dire la même chose de la troisième série de facteurs utilisés pour évaluer la politique en matière d'immigration; il s'agit des facteurs éthiques.

Il semble assez évident que les gains économiques des nouveaux venus sont importants, bien que personne ne les ait quantifiés. Il est bien évident que la réunion des familles est une très bonne chose en soi, tout comme le fait de respecter nos obligations internationales à l'égard des réfugiés. Il est difficile, d'autre part, de quantifier ce genre de choses ou de les ajouter à l'équation des gains économiques.

Où s'insèrent les résultats de M. DeVoretz dans ce tableau plus large de l'immigration? Les résultats dans la partie du livre - une grande partie du livre porte sur autre chose - d'où M. DeVoretz tire le titre du volume, c'est-à-dire la partie qui porte sur le rendement décroissant... Ces résultats s'appliquent, comme je le disais, aux avantages économiques; j'estimerais qu'ils s'appliquent au quart des avantages économiques.

Ce qu'il dit, donc, c'est qu'au cours des quelques dernières années, en ce qui a trait à ce 25 p. 100 des avantages économiques, on a noté une baisse des avantages en question, baisse qui est attribuable aux modifications apportées à la politique en matière d'immigration qui ont affecté la proportion des immigrants qui appartiennent aux différentes catégories, les indépendants, ceux qui appartiennent à la catégorie des familles et ainsi de suite. Le fait demeure que même si vous avez une baisse dans ce 25 p. 100, les autres 75 p. 100 restent intacts, et on peut conclure que cette baisse n'affecte pas beaucoup la valeur économique totale de l'immigration.

De fait, pour être juste, je dois préciser que c'est ce qu'il en dit autant lui-même dans son introduction.

.1550

Ainsi, tout gain qui pourrait découler d'une modification des politiques visant à ralentir ou à éliminer cette baisse ne s'appliquerait qu'au quart du facteur économique en question et ne restaurerait qu'une partie du quota. Il s'agit donc de modifications de politiques qui ont, à mon avis, un effet très minime sur l'ensemble des facteurs dont il faut tenir compte quand on examine la politique en matière d'immigration.

Mon opinion personnelle là-dessus est que ce modeste facteur économique est d'une importance si minime par rapport aux autres facteurs économiques que vous devriez sans doute attribuer très peu d'importance à ce phénomène du rendement décroissant dans vos décisions ou dans les recommandations que vous formulerez sur le niveau total de l'immigration. Les facteurs sociaux, les économies d'échelle du côté économique, ainsi que l'élément éthique lié à l'immigration devraient, selon moi, l'emporter sur cet élément minime du rendement décroissant.

Voilà ce que je voulais vous dire. Comme je l'ai mentionné, si vous désirez me poser des questions précises à propos du document, dont j'ai publié une critique dans le Canadian Journal of Economics j'essayerai de mon mieux d'y répondre - je ne sais pas si je saurai vraiment entrer dans les détails, mais je ferai de mon mieux - et j'essayerai aussi de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir sur le sujet en général.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Debien.

Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur Swan, et bienvenue.

Monsieur Swan, vous connaissez bien, je pense, les questions reliées à l'immigration pour les avoir longuement étudiées. Vous savez qu'actuellement, il y a un certain nombre de modifications en matière d'immigration. Pensez-vous que différentes politiques pourraient avoir des répercussions économiques importantes ou sensibles en matière d'immigration?

[Traduction]

M. Swan: À quel genre de modifications de politiques faites-vous allusion? Vous ai-je bien compris? Vous parlez de modifications de politiques...

[Français]

Mme Debien: Vous êtes économiste, n'est-ce pas?

M. Swan: C'est exact.

Mme Debien: C'est une question qui ne relève peut-être pas directement du sujet qu'on aborde aujourd'hui, mais de l'entente sur la politique de l'immigration, politique à laquelle nous nous attardons au niveau du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Nous avons reçu de nombreux témoins, sur toutes sortes de questions, qui sont venus nous faire part de leurs opinions, entre autres sur une question d'ordre économique: la nouvelle politique du ministère d'imposer un droit d'établissement aux immigrants énoncée dans le nouveau Budget deM. Martin. Un droit d'établissement sera demandé aux immigrants. Quelle influence cela peut-il avoir sur l'aspect économique d'une politique en matière d'immigration?

Étant donné que le ministère de l'Immigration s'autofinance déjà en bonne partie à partir des droits qu'il exige, notamment le droit de traitement de dossier qui est de 500$ et de 100$ par enfant ou dépendant subséquent, et étant donné que ce ministère est un de ceux qui réussissent actuellement à autofinancer en bonne partie leurs activités - ce nouveau droit date du dernier Budget Martin - , on se demande dans quelle mesure cela peut affecter la politique d'accueil du Canada face à l'immigration. Pensez-vous que ça peut avoir un impact économique important pour un ministère?

[Traduction]

M. Swan: J'éprouve une certaine difficulté à vous répondre. Vous me demandez si le nouveau droit d'établissement aura un effet économique. C'est la teneur de votre question.

.1555

J'imagine que ce nouveau droit provoquera une certaine baisse du nombre de demandes, car il y a toujours une baisse quand on impose des frais, mais l'effet net sera sans doute favorable sur le plan économique, ne le pensez-vous pas, puisque nous imposons maintenant une taxe aux immigrants qui veulent venir ici?

Je ne pense pas être en mesure de...

[Français]

Mme Debien: Mais comment cela peut-il être avantageux sur le plan économique puisqu'il y aura moins d'immigrants, et donc moins de gens qui vont payer les 975$?

[Traduction]

M. Swan: Il y aura moins d'immigrants, mais ils verseront ce droit.

[Français]

Mme Debien: De toute façon, les gens qui étaient en mesure de payer, c'est-à-dire les immigrants investisseurs, vont continuer à être capables de payer. Cela ne changera pas grand-chose. Cela va faire diminuer le nombre d'immigrants au départ et, par conséquent, cela va aussi faire diminuer les recettes gouvernementales, alors que cela ne touche pas la catégorie des immigrants investisseurs qui, eux, de toute façon, sont capables de payer les 975$.

[Traduction]

M. Swan: Si je comprends bien ce que vous dites, vous êtes d'avis que ce droit va causer une baisse du nombre total d'immigrants, mais le fait que les immigrants qui viendront verseront ce droit représentera en contrepartie une source de revenu. Je suis désolé. Je ne comprends pas vraiment où vous voulez en venir.

[Français]

Mme Debien: C'est peut-être une question hypothétique et on n'a peut-être pas de statistiques. Il aurait peut-être fallu apporter des statistiques, ce qui nous aurait aidés.

[Traduction]

M. Swan: Est-ce que quelqu'un d'autre peut nous éclairer? Un membre du personnel de recherche, peut-être?

Le président: En tant que simple citoyen canadien, auriez-vous une réaction générale dont vous pourriez nous faire part à ce droit de 975$?

M. Swan: Là, je peux répondre.

En tant que citoyen canadien, je n'aime pas beaucoup cela. En ce qui a trait à nos obligations éthiques en matière d'immigration et à la réunion des familles, ce droit n'est pas une bonne idée en ce sens qu'il faut supposer qu'il empêchera certaines familles d'être réunies. Même si on leur offre des prêts, certains réfugiés qui voudraient venir ici éprouveront de plus grandes difficultés, tout comme certains immigrants, les plus pauvres surtout. Pour toutes ces raisons, et vu sous cet angle, ce n'est pas une bonne idée. Toutefois, si vous vous en tenez strictement à la froide réalité des facteurs économiques, je pense que cette politique apportera un bénéfice net au contribuable canadien.

Bien que vous ayez tout à fait raison de dire que ce droit dissuadera certains immigrants de venir, les immigrants restants le verseront ce qui représentera une source de revenu additionnel. Certains gains éventuels ne seront pas réalisés à cause des immigrants qui ne viendront pas, car à chaque immigrant est associé une certaine valeur. À moins de faire des calculs compliqués, il est difficile de dire si le résultat net sera positif ou négatif. D'instinct, j'aurais tendance à dire qu'il y aura un gain économique mais je pense qu'il faut voir cette mesure par rapport aux coûts sociaux et humanitaires qu'elle implique. Voilà une réponse équivoque s'il en est.

[Français]

Mme Debien: Il y aurait aussi des coûts pour notre réputation?

M. Swan: Oui, c'est exactement cela.

[Traduction]

Vous l'avez dit de façon beaucoup plus éloquente.

Mme Bakopanos (Saint-Denis): Je suis désolée de n'avoir pas pu être présente pendant votre exposé, monsieur Swan, mais je vois que vous avez préparé un texte écrit à nous remettre. C'est sans doute votre opinion qui nous intéresse, d'abord et avant tout.

Vous dites que dans le chapitre qui porte sur les immigrants de la catégorie de la famille, dans le document Diminishing Returns, vous avez relevé de nombreux problèmes dans l'étude effectuée. Que pensez-vous de la caution pour parrainage des immigrants de la catégorie de la famille qu'a introduite notre gouvernement?

M. Swan: On ne peut nier que beaucoup de parrains ont manqué à leurs obligations, n'est-ce pas?

Mme Bakopanos: Je ne dirais pas qu'il y en a eu beaucoup.

M. Swan: Et bien, il y en a eu suffisamment pour provoquer de l'inquiétude à cet égard dans la population.

Le président: Est-ce 13 p. 100?

Mme Bakopanos: Oui. Ce n'est pas si élevé.

.1600

M. Swan: Non, mais comme d'habitude ce sont ceux qui ne respectent pas les règles qui font la une des journaux.

Pour ma part, je suis favorable à l'immigration, car je suis un immigrant. J'aime l'idée même du mouvement international, mais si vous voulez qu'une politique en matière d'immigration survive à long terme, elle doit être acceptée par la population. C'est pourquoi je pense que cette politique plutôt désagréable par laquelle on force les gens à payer plus cher pour réunir leurs familles, ou pour s'engager à respecter une obligation qui peut devenir onéreuse, est justifiée. C'est le prix qu'il faut payer, je pense, pour faire en sorte que la population continue d'accepter l'immigration, car les attitudes qui prévalent actuellement sont plutôt mesquines et fermées.

Je pense que M. DeVoretz serait d'accord avec moi pour dire que les avantages économiques de l'immigration sont une chose et que la perception de ces avantages par la population en est une autre. C'est l'une des raisons pour lesquelles il insiste sur le fait que vous devez vous assurer non seulement de la contribution des immigrants au Trésor public, mais aussi du fait que cette contribution est bien visible et perceptible par le grand public.

Mme Bakopanos: Plutôt que d'imposer ce droit d'établissement de 975$, seriez-vous en faveur, éventuellement, de demander au nouvel arrivant de payer lui-même pour ces cours de langue ou autres services d'aide à l'établissement?

M. Swan: Quant à faire payer les immigrants pour leur propre formation linguistique, je pense qu'il faudrait y aller au cas par cas. Je pense, par exemple, aux conjointes que les circonstances empêchent de se joindre à la population active et qui ne parlent pas la langue de leur nouveau milieu, mais qui ont quand même besoin de l'apprendre pour le bien de leurs enfants et pour s'adapter. Ainsi, pour des raisons humanitaires et pratiques à la fois, je pense qu'on devrait continuer, dans une certaine mesure du moins, à subventionner les services d'aide à l'établissement et les cours de langue.

Mme Bakopanos: Mais même maintenant, elles n'ont pas la priorité pour ce qui est des cours de langue, au Québec du moins.

M. Swan: Eh bien, vous m'avez demandé mon opinion en général.

Mme Bakopanos: Je voulais simplement faire ressortir le fait qu'elles sont exclues de toute façon à l'heure actuelle. Ce sont ceux qui se préparent à entrer sur le marché du travail qui ont la priorité pour les cours de langue.

M. Swan: Oui. Effectivement, dans le rapport du Conseil d'il y a environ deux ans, nous avons dit qu'il fallait cesser de les exclure et leur donner l'accès aux cours de langue. Je pense donc que l'État devrait subventionner les cours de langue dans les cas où on ne peut décemment exiger des frais, mais quand la formation linguistique va permettre aux personnes visées de décrocher des emplois ou d'améliorer leur situation, il me semblerait tout à fait juste de demander à ces immigrants de rembourser une partie de la somme dépensée, si ce n'est la somme au complet. Quant à savoir s'ils devraient payer à l'avance, il est plus difficile d'en juger.

Mme Bakopanos: Comment pouvons-nous faire en sorte que le programme d'immigration des gens d'affaire ait plus d'impact sur notre économie? Auriez-vous des suggestions pour améliorer les choses à cet égard?

M. Swan: Personnellement, je ne pense pas que le programme d'immigration des gens d'affaires ait beaucoup d'impact sur l'économie. Il y a un article ici, par exemple, qui traite des emplois créés, mais ce sont des emplois bruts. On a effectué beaucoup de recherches dans le passé sur les politiques de développement régional et on a trouvé qu'il était facile de créer des emplois bruts pour mettre sur pied une compagnie. Mais on ne sait pas quelles compagnies finissent par ne pas ouvrir leurs portes à cause de la concurrence, ni si la société aurait été créée de toute façon, ni si l'entreprise subventionnée crée une telle concurrence pour la main-d'oeuvre dans la région qu'elle en évince certaines autres. Il est très difficile de faire la part des choses dans tout cela.

La plupart des études qui ont réussi à y voir clair malgré toutes ces difficultés montrent que le nombre net d'emplois créés par les programmes de création d'emplois est toujours, et de loin, inférieur au nombre brut, et tend en fait vers zéro. Je pense que ce serait effectivement zéro. Ainsi, en apparence, le programme d'immigration des gens d'affaires crée des emplois, mais on ne sait pas si quelqu'un d'autre aurait créé ces emplois de toute façon, ni si la concurrence a évincé quelqu'un d'autre qui aurait aussi créé des emplois. Donc, personnellement, je pense que ce programme ne sert pas à grand-chose.

Mme Bakopanos: Mais, si vous prenez le programme qui est en vigueur au Québec à l'heure actuelle, qui exige un investissement minimum de 150 000$, il faut reconnaître que cette somme est quand même investie dans l'économie. Les immigrants de cette catégorie doivent prouver qu'ils vont mettre sur pied un commerce avant même qu'on leur permette d'entrer ici. Même s'il ne crée qu'un seul emploi, c'est un emploi qui n'aurait pas existé autrement.

.1605

M. Swan: Ce que je dis, c'est que la recherche montre en général que ce programme n'est pas responsable de la création d'un emploi de plus; ce n'est qu'une impression.

Les économistes vous diraient que si une entreprise vaut la peine d'être mise sur pied, elle obtiendra du financement de toute façon. Si elle ne vaut pas la peine d'être mise sur pied, vous ne devriez pas émettre des billets pour le Canada aux gens d'affaires pour qu'ils la montent quand même.

Mme Bakopanos: Permettez-moi de vous dire que je ne partage pas votre avis, car dans ma circonscription, les seuls commerces qui ouvrent leurs portes à l'heure actuelle sont les commerces que mettent sur pied les immigrants nouvellement arrivés, comme les petites épiceries familiales. L'activité économique dans ma circonscription est en grande partie tributaire du fait que les nouveaux immigrants ouvrent une petite épicerie, un petit restaurant vietnamien ou d'autres petites entreprises du genre. Je pourrais vous nommer toute une série de petites entreprises qui n'ont peut-être pas beaucoup d'employés, mais qui donnent du travail aux personnes qui les possèdent. Ils ont créé leurs propres emplois.

Je sais que la catégorie des investisseurs immigrants a été problématique depuis le tout début, suivant les provinces. Mais les études qui ont été effectuées au Québec montrent que ce programme a eu un effet très positif sur l'économie de cette province; c'est du moins le cas de celles que j'ai examinées pendant les années où j'ai travaillé dans le milieu de l'immigration au Québec.

Tout cela pris en compte, pensez-vous que nous devrions moduler le niveau de l'immigration d'une année à l'autre, selon les hauts et les bas de l'économie?

M. Swan: Non, je pense qu'il est de loin préférable d'avoir une politique à plus long terme pour faire en sorte que les arrivés restent à peu près toujours à un niveau constant.

Sur le plan social, si vous limitez les arrivées quand la conjoncture est mauvaise, cela suppose que vous allez accélérer le rythme des acceptations quand l'économie tourne rondement. La recherche effectuée sur la tolérance à l'endroit des minorités visibles montre que l'arrivée soudaine d'un grand nombre de gens appartenant à ces groupes encourage les préjugés raciaux. Par contre, si les arrivées sont constantes et que les gens s'y habituent au fil des ans, il semble qu'il y ait moins de racisme et une plus grande tolérance.

Ainsi, si vous cédez à la tentation de limiter l'immigration pendant les périodes de ralentissement économique et devez ensuite en augmenter le niveau rapidement pendant les périodes d'expansion, vous courez le risque, sur le plan social, de susciter des frictions raciales ou du ressentiment contre les minorités visibles. Le Conseil a donc recommandé, pour ces raisons sociales - et je suis d'accord avec cette conclusion - que le rythme des arrivées reste à peu près constant.

L'autre raison qui a motivé cette conclusion est que nous n'avons rien trouvé qui indique que l'immigration aggravait le chômage. Nous n'avons trouvé aucune preuve montrant que l'immigration crée de l'emploi, comme vous le pensez, ni qu'elle élimine des emplois, comme d'autres le croient. Nous avons trouvé au contraire qu'elle avait un effet neutre, dans les deux cas. Ainsi, le fait de faire varier le niveau de l'immigration selon les cycles économiques pourrait être populaire sur le plan politique, mais aurait très peu d'effets réels.

Le président: Je me demandais si vous aviez des commentaires à nous faire à propos du niveau actuel et de l'établissement des niveaux à venir.

M. Swan: Oui, je pense que les niveaux devraient rester assez élevés.

Le président: Quel est le niveau actuel?

M. Swan: Il est fixé à environ 200 000. J'aimerais qu'on l'augmente pour qu'il atteigne à nouveau le cap de 250 000 personnes par année, tôt ou tard.

Le président: Pourquoi?

M. Swan: En partie à cause des avantages économiques, mais aussi parce que j'aime la variété que l'on trouve dans un pays où l'arrivée de nouveaux immigrants est constante. À mon sens, cela amène une certaine vitalité et des différences; voilà le genre de facteur qui justifie ma réponse. Les gains économiques ne sont pas si énormes, mais vous créez une société plus riche, et c'est cela qui en vaut la peine.

C'est une évaluation bien personnelle des facteurs économiques, sociaux et d'hétérogénéité. Je suis aussi sensible à l'arguement éthique selon lequel beaucoup de gens ont besoin d'immigrer ici, et plus on peut en recevoir, mieux cela vaut.

Le président: Pourquoi dites-vous 250 000? Il me semble que DeVoretz a cité le chiffre de 300 000, si nous voulons que notre population augmente de 1 p. cent par année.

.1610

M. Swan: Je ne pense pas que l'on puisse être aussi précis. Je ne pourrais pas prouver queM. DeVoretz a tort de citer les chiffres de 300 000 ou moi de dire 250 000. Je pense que si vous en acceptez plus, vous devez être très prudent car vous allez modifier la nature même de notre société très rapidement.

Si vous vous penchez sur la proportion de gens qui appartiennent aux minorités visibles dans les villes de Toronto et de Vancouver, où les immigrants s'établissent de préférence...

Le président: Et Montréal. C'est aussi une ville cible.

M. Swan: ...et Montréal. Le pourcentage n'est pas du tout aussi élevé que les gens le pensent, mais les perceptions sont importantes, et si vous augmentez le débit de façon considérable, vous augmentez aussi le rythme du changement de la société dans ces grandes villes, ce qui cause, comme nous le disions, des problèmes d'assimilation et d'antagonisme. Vous devez donc faire très attention à ce genre de choses. C'est ce qui me porte à citer cette limite d'environ 250 000, mais je n'ai pas de preuves de ce que j'avance, c'est une impression intuitive.

Le président: Bien. DeVoretz recommande très fortement que 50 p. 100, ou peut-être même un peu plus, des immigrants admis par le Canada, appartiennent à la catégorie des indépendants ou soient choisis selon des critères économiques. Les autres 45 p. 100 pourraient être admis dans la catégorie de la famille ou en vertu du programme de réunion des familles. Que pensez-vous de ces chiffres?

M. Swan: Quel est le chiffre à l'heure actuelle? Est-ce 45 p. 100, plutôt que 50 p. 100? Il veut que nous passions de 45 p. 100 à 50 p. 100, ou est-ce 40 p. 100 à l'heure actuelle?

Le président: Le rapport est d'environ 55:45 pour l'instant.

M. Swan: Oui, c'est environ 45 p. 100. Et il veut que ce soit 50:50 ?

Le président: Quarante-cinq p. 100 des immigrants admis appartiendraient à la catégorie de la famille.

M. Swan: Oui. Cela ne représente pas un gros changement. Il y a ces avantages auxquels il fait allusion, les gains économiques qui seraient légèrement plus élevés...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre; certains sont d'avis que les deux tiers environ des immigrants devraient appartenir à la catégorie de la famille. Il n'y a pas si longtemps, nous n'avions qu'une seule catégorie, celle de la réunion des familles.

M. Swan: Je ne pense pas. J'aimerais bien qu'un bon nombre des immigrants admis appartiennent à la catégorie des indépendants, si ce n'est que pour être juste envers les nouveaux requérants à l'étranger. Si on ne peut être admis que parce qu'on a des liens de parenté avec une personne déjà arrivée, c'est très injuste à l'endroit de tous les autres qui aimeraient peut-être immigrer ici. Voilà l'un des facteurs qui motivent ce commentaire.

Je suis aussi d'accord avec M. DeVoretz sur l'importance de la perception. Pour que les choses se passent sans heurts, il faut que la population accepte l'immigration. Je pense qu'elle l'accepte mieux si les immigrants occupent des emplois dans des secteurs très variés, ce qui est possible si l'on choissit des indépendants. Vous n'avez aucun contrôle sur les arrivants de la catégorie de la famille. Ils sont choisis parce que ce programme leur donne le droit de venir ici mais on ne peut pas choisir leurs professions.

Je parle de la famille immédiate. Vous n'incluez pas les autres membres de la famille dont les liens de parenté sont ténus et dont la venue est sujette aux mêmes règles ou presque que la catégorie des indépendants?

Le président: C'est exact.

M. Swan: Est-ce que DeVoretz inclut ces parents éloignés dans la catégorie des indépendants?

Le président: Sans doute.

M. Swan: Oui. Dans ce cas, je serais d'accord avec lui.

Le président: Je pense qu'il dirait que tout immigrant éventuel dont la candidature est évaluée par l'attribution de points appartient à la catégorie des indépendants.

M. Swan: Oui, c'est exact. Et combien de points attribue-t-on aux parents éloignés - 10 ou 15, n'est-ce pas?

Le président: Cinq points.

M. Swan: Ah, c'est cinq maintenant. Ils n'ont donc presqu'aucun avantage.

Le président: L'un de nos attachés de recherche vient de me glisser un mot; je vais me servir d'un des éléments qu'il porte à mon attention et l'ajouter à ce que j'allais dire. Nos adjoints me disent que votre recherche pour le Conseil économique semble indiquer que la plupart des bienfaits économiques qui découlent de l'immigration sont dûs à la contribution des immigrants à la croissance démographique. Le ministère nous avait signalé que les pays qui ont une population stable - c'est-à-dire qui n'augmente pas - tels les pays européens, ont un niveau de vie qui est tout aussi élevé que les autres, si ce n'est plus, tel qu'il est mesuré par le PNB. Voici la question que je veux vous poser: quel est le fondement de l'argument selon lequel il nous faut une population croissante pour améliorer notre niveau de vie mesuré par le PNB?

M. Swan: Ce n'est pas la croissance en tant que telle, mais bien le fait d'avoir une population plus nombreuse. Si vous pouviez, à l'aide d'une baguette magique, faire passer la population de 30 à 40 millions d'habitants, vous obtiendiez des gains économiques. La façon la plus simple d'expliquer ces gains est de dire que nous pensons que l'une des raisons qui expliquent le niveau de vie plus élevé des Américains est que les États-Unis ont un plus gros marché intérieur, un système de transport plus efficace, et conséquemment des industries manufacturières plus efficaces, parce que chaque producteur peut servir un plus grand marché.

.1615

Si nous avions un marché intérieur plus important, nous en tirerions certains gains comparables. Si vous essayiez de les mesurer, comme nous l'avons fait dans notre recherche, vous obtiendriez les mêmes résultats: vous constateriez de petits gains dûs aux immigrants additionnels, à cause de cet effet d'échelle.

Je ne pense pas que cela s'applique en Europe, où il y a déjà un marché commun. Chaque pays lui-même a un marché intérieur assez important: l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont déjà des marchés intérieurs qui atteignent 50 millions de dollars.

Le président: Les gains de rendement viennent-ils de la taille du marché ou de l'utilisation de l'infrastructure?

M. Swan: Les deux.

Le président: Il faut supposer, comme nous nous réorganisons en grands ensembles commerciaux...

M. Swan: Oui, il y aura une autre baisse.

Le président: Supposons, donc, qu'au cours des 25 années à venir, les barrières commerciales soient éliminées ou presque. Il ne nous resterait plus que l'utilisation efficace de l'infrastructure.

M. Swan: C'est exact. Il y a un très bon article ici par Globerman, où il dit que le commerce se substitue à l'immigration et vice versa. Vous avez tout à fait raison de dire que plus nous tendons vers un marché commun avec les États-Unis, moins il devient nécessaire d'accroître la taille de notre marché intérieur, et, conséquemment, l'immigration devient aussi moins importante, du moins sur le plan économique. Vous avez tout à fait raison.

Le président: Aurais-je raison de résumer ainsi, donc, l'essentiel de vos observations: à l'aube du 21e siècle, les Canadiens devraient cesser de pérorer et de s'inquiéter des aspects économiques de l'immigration, et se mettre plutôt à valoriser et à apprécier la richesse de leur collectivité multiculturelle et variée; le moment est venu de se serrer la main, de s'accepter et de passer a des choses plus importantes? Est-ce que cela résume bien la teneur de vos propos?

M. Swan: Oui, ce sont vos propos, mais j'y souscris entièrement.

Le président: J'essaie de résumer le sens, de voir comment nous pouvons exprimer tout cela dans notre rapport.

M. Swan: Je pense que vous y êtes très bien arrivé. Tout comme je pense que le rendement décroissant n'est qu'un élément mineur du tableau économique global de l'immigration, je pense que l'aspect économique de l'immigration n'est qu'un élément mineur de ce qui compte quand on examine tout le phénomène de l'immigration. Vous l'avez dit en vos propres termes. Je suppose que les économistes sont toujours d'avis que l'on exagère beaucoup trop l'importance de l'économie.

Le président: Est-ce vrai?

[Français]

Madame Debien.

Mme Debien: Ce matin, M. Akbari nous a dit que le Canada devait axer sa politique d'immigration principalement sur les jeunes immigrants et sur les familles qui comptent des immigrants. Qu'est-ce que vous en pensez? D'ailleurs, c'est indiqué dans le texte de Diminishing Returns.

[Traduction]

M. Swan: Il y a pour moi une différence entre les familles et les jeunes. Il serait avantageux de pouvoir augmenter la proportion de jeunes chez nos immigrants car nous allons être confrontés au problème des pensions de retraite que nous allons devoir verser aux gens nés après la guerre et qui vont prendre leur retraite dans 20 ou 30 ans. Si vous pouviez faire venir des gens qui sont plus jeunes que les baby boomers, au moment où ceux-ci arriveraient à l'âge de la retraite, ces jeunes travailleraient toujours et pourraient aider à assumer le coût des régimes de retraite. C'est l'avantage économique que présentent les jeunes immigrants pour un pays.

Mais dites-m'en un peu plus sur ce qu'il a dit à propos des familles. Est-ce qu'il lie les familles et les immigrants plus jeunes dans sa suggestion?

[Français]

Mme Debien: Oui.

[Traduction]

M. Swan: C'est pareil? Je suppose qu'il y a donc un gain économique. Le problème pour moi, c'est que j'imagine mal comment l'on peut intégrer cela aux politiques, d'un point de vue purement pratique. Faudrait-il attribuer beaucoup de points supplémentaires du seul fait d'avoir entre 20 et 30 ans, par exemple? Est-ce ainsi que vous envisageriez la chose?

.1620

[Français]

Mme Debien: On en donne déjà beaucoup, je pense. Le critère d'âge mérite un nombre de points assez important actuellement, je crois.

[Traduction]

M. Swan: Je suis d'accord avec le président, encore une fois; il faut mettre ces gains économiques en perspective. Mais si vous êtes d'avis que les gains économiques ont une grande importance, ce serait certainement là une façon de les augmenter.

Mme Bakopanos: Je lisais certains de vos commentaires sur le document de David Green. Il insiste sur l'éducation et la langue, plutôt que sur la profession, car au Québec du moins - c'est la province où j'ai acquis mon expérience - nous attribuons beaucoup de points pour la profession du requérant. De fait, la moitié des points sont...

M. Swan: Selon la recherche effectuée par David Green, les immigrants ne font pas nécessairement le même genre de travail qu'ils faisaient dans leur pays. Il ne sert donc pas à grand-chose d'attribuer des points pour la profession.

Mme Bakopanos: C'est très vrai, et d'autres témoins ont dit la même chose, c'est-à-dire que les gens ne vont pas nécessairement... Ils peuvent avoir une formation de médecin mais ils ne vont pas nécessairement pouvoir pratiquer la médecine au Canada. Peut-être vont-ils travailler dans un hôpital, mais pas en tant que médecin.

M. Swan: Oui. Il n'explique pas les raisons de ce phénomène. Il serait fort dommage que les gens ne puissent pas utiliser leur formation dans leur travail ici. Certains de nos résultats laissent supposer que c'est effectivement le cas. Je pense que dans un des autres livres on laisse plus ou moins à penser que c'est le cas pour les femmes aussi.

Mme Bakopanos: D'autres études indiquent effectivement que c'est le cas, en tous cas au Québec.

Quant au système de points et à sa validité en tant que méthode d'évaluation des requérants, de nombreuses discussions ont tourné autour du fait que nous devrions insister sur d'autres aspects pendant les périodes économiques difficiles - peut-être ne devrions-nous pas modifier les niveaux en tant que tel, mais envisager d'admettre un plus grand nombre d'immigrants d'une certaine catégorie. Ce serait conforme à ce que vous disiez auparavant. Pourquoi modifier les niveaux? Peut-être devrions-nous plutôt modifier les catégories d'immigrants que nous admettons, à la lumière bien sûr, des besoins du jour.

M. Swan: Tant que l'on aura une catégorie d'immigrants indépendants, quelle que soit la définition qu'on lui donne, il faudra probablement un système de points. L'Australie en a un; les États-Unis n'en avaient pas. Les deux pays qui reçoivent le plus d'immigrants, le Canada et l'Australie, se sont dotés de ce genre de système. Je pense qu'il a été mis sur pied pour tenter d'éviter que ne se glissent toutes sortes de préjugés dans le processus de sélection. C'est le système le plus juste qu'on ait pu trouver.

Mme Bakopanos: Mais peut-être devrait-on procéder à la réévaluation de ce système.

M. Swan: Qu'aviez-vous en tête?

Mme Bakopanos: Simplement ce que vous et d'autres avez soulevé, dans certains documents. La profession, par exemple; c'est l'exemple parfait. Les gens n'utilisent pas ici la formation qu'ils ont reçue dans leur pays d'origine.

M. Swan: Est-ce que vous voudriez évaluer la façon dont on attribue les points, ou carrément éliminer le système de points au complet?

Mme Bakopanos: Vous lancez là un débat qui pourrait durer au moins deux heures. J'ai mon opinion personnelle là-dessus. Je pense qu'il faudrait remanier un peu le système de points que nous avons à l'heure actuelle. Ce qui était acceptable - non je ne vais même pas dire «acceptable» - ce qui était réaliste il y a 15 ans ne l'est plus.

Mais j'aimerais revenir sur ce même sujet, la profession. Toutes les études ont montré que la majorité des immigrants, surtout les femmes finissent par ne pas pratiquer la profession pour laquelle elles avaient été formées dans leur propre pays. Peut-être devrait-on utiliser dans leur cas une grille d'évaluation différente de celle que l'on utilise pour les autres catégories d'immigrants...ou peut-être devrait-on inclure d'autres éléments qui sont exclus à l'heure actuelle de nos évaluations, afin de donner une image plus complète de l'immigrant éventuel.

Mais, je n'ai pas de réponse toute faite.

M. Swan: Je pense certainement qu'il s'agit là de bonnes idées, qui méritent qu'on y donne suite.

Le président: Si le ministre était ici maintenant - je suppose que la politique existante vous est familière, le plan décennal...

M. Swan: Je le connais un peu.

Le président: Pensez-vous qu'il mise juste avec ce plan, grosso modo, ou est-ce que vous aimeriez proposer un changement que nous pourrions lui transmettre?

M. Swan: Je devrais vous répondre honnêtement et vous dire que je n'ai pas, aujourd'hui, une connaissance suffisante du plan du ministre pour pouvoir en faire la critique.

Le président: D'accord, nous comprenons.

.1625

Je tiens à vous remercier très sincèrement d'être venu. Je pense que votre témoignage nous sera précieux et nous permettra d'ajouter à notre rapport des éléments que nous aurions ignorés sans votre contribution.

La séance est levée.

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