[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Professeur Marr, je vous remercie d'être venu témoigner devant notre comité. Comme vous le savez, nous nous penchons sur la question générale de l'incidence économique de notre politique de l'immigration et, plus particulièrement, sur l'ouvrage intitulé Diminishing Returns.
Je vous donne la parole pour votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
M. William Marr (professeur, faculté d'économie, université Wilfred Laurier): Je vous adressé un exemplaire de mon mémoire. Si vous me le permettez, je vais vous en faire la lecture afin de vous présenter mes idées dans un ordre logique, ce que je ne pourrais pas faire si je devais improviser, tout au moins au début.
Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à venir lui parler notamment des recherches que Pierre Siklos et moi-même avons résumées dans Diminishing Returns. J'ai l'intention d'aborder trois questions précises.
Je vais d'abord dire quelques mots sur l'article que Pierre et moi-même avons publié dans Diminishing Returns. Pour replacer les choses dans leur contexte, je vous dirais d'abord qu'il y a au moins deux siècles que l'on étudie le lien entre l'immigration au Canada et l'économie, mais que c'est seulement à la fin des années soixante que l'on a commencé à modèliser ce lien.
Gordon Davies, qui était alors professeur à l'université Western de l'Ontario, et moi-même, semblons avoir été les premiers chercheurs canadiens à avoir bâti un modèle macroéconomique de l'économie canadienne pour analyser plus précisément l'incidence globale d'une hausse ou d'une baisse du niveau d'immigration sur cette économie. Depuis la fin des années soixante, de nombreux rapports ont été publiés à ce sujet, et la plupart des auteurs ont mis l'accent sur l'un des effets économiques de l'immigration, à savoir son incidence sur le taux de chômage. Des recherches de même nature se poursuivent depuis la même époque en Australie et aux États-Unis.
L'étude que nous avons publiée dans Diminishing Returns vient s'ajouter à ce corpus. D'autres chercheurs ont fait le même genre d'analyse au moyen de modèles sectoriels, afin de simuler les effets d'un changement des niveaux d'immigration et de la composition des groupes d'immigrants, et d'autres ont bâti ce qu'on appelle une équation structurelle représentant les causes du chômage, afin d'analyser le lien entre l'immigration et le chômage.
Notre démarche correspond quant à elle à une troisième méthode, d'origine plus récente, visant à examiner le même phénomène. Elles se fondent sur la méthode des séries temporelles. Il s'agit essentiellement pour le chercheur d'affirmer qu'un lien existe et de chercher ensuite le lien statistique entre les valeurs présentes, passées et futures du taux d'immigration et du taux de chômage, tout en essayant de garder constants, les autres facteurs macroéconomiques pour influer sur l'immigration et le chômage.
Dans notre étude, nous nous sommes penchés sur l'incidence que peut avoir le taux de chômage sur le flux ou taux d'immigration, ainsi que sur l'effet possible de l'immigration sur le taux de chômage.
Qu'avons-nous constaté? En nous fondant sur des données annuelles remontant à 1926 et des données trimestrielles remontant à 1961, nous avons vu que le taux d'immigration n'a qu'un effet minime et quantitativement faible sur le taux global de chômage. Quand nous simulons une augmentation du taux d'immigration, nous constatons que l'effet sur le chômage est très petit et même, dans certains cas, que le taux de chômage cesse lorsque monte le taux d'immigration. En outre, la période prise en considération pour faire l'étude n'influe aucunement sur nos conclusions, bien que des recherches antérieures que Pierre et moi avions entreprises aient permis de contaster une rupture structurelle vers 1978 environ, et dans les années quatre-vingt, phénomène qui s'explique cependant peut-être par la modification de la loi et des textes réglementaires en 1976 et 1978, puis des textes réglementaires seulement, en mai 1982.
Je veux aussi attirer votre attention sur d'autres recherches que Pierre et moi-même avons effectuées. J'ai apporté avec moi des exemplaires d'un rapport de recherche qui devrait vous intéresser, et je crois comprendre qu'on vous les a remis.
Citoyenneté et Immigration Canada a récemment divulgué un nouvel ensemble de données, appelé la phase de données longitudinales sur l'immigration. On y trouve des données sur l'immigration, sur la population active et sur la fiscalité, pour les immigrants arrivés au Canada entre 1980 et 1988 et ayant produit une déclaration d'impôt sur le revenu. Cela veut dire que nous avons là des données concernant environ 403 000 des 1,1 million d'immigrants environ qui sont arrivés au Canada pendant cette période.
Ces données permettent également aux chercheurs de suivre l'évolution de telle ou telle cohorte d'immigrants à partir de leurs premières années de présence au Canada. Par exemple, pour le groupe qui est arrivé en 1980, on peut étudier son incidence pendant les huit années suivantes sur l'économie et sur d'autres facteurs. Ces données nous ont permis d'examiner les demandes de prestations d'assurance-chômage des personnes nées à l'étranger.
Nous avons notamment pu calculé le pourcentage d'immigrants de ces cohortes qui ont reçu des prestations d'assurance-chômage, et nous avons constaté que, chaque année, 21 p. 100 ou 22 p. 100 des personnes nées à l'étranger ont reçu ces prestations. En outre, il n'y a pas beaucoup de différence entre les hommes et les femmes.
En comparaison, quel est le taux d'usage des prestations d'assurance-chômage par le Canadien moyen?
L'un des problèmes que posent ces données est qu'elles ne concernent aucun groupe de référence de personnes nées au Canada, par rapport auquel on pourrait comparer les immigrants. Toutefois, Revenu Canada publie certaines statistiques que l'on peut utiliser pour faire la comparaison. Pendant l'année d'imposition 1988, 16,2 p. 100 de toutes les personnes ayant produit une déclaration d'impôt ont réclamé des prestations d'assurance-chômage. Évidemment, prendre l'ensemble des personnes ayant produit une déclaration d'impôts ne permet peut-être pas la meilleure comparaison possible, ni la plus juste, puisque les immigrants au sujet desquels nous avons des données sont des personnes nouvellement arrivées au Canada et relativement jeunes.
Cela dit, les chiffres de revenu Canada montrent que 25,3 p. 100 des personnes âgées de 20 ans à 24 ans ayant produit une déclaration d'impôt ont réclamé des prestations d'assurance-chômage, 26,7 p. 100 de celles âgées de 25 ans à 29 ans, et 21,8 p. 100 de celles de 30 ans à 34 ans. Donc, les pourcentages concernant la cohorte d'origine étrangère sont comparables aux pourcentages globaux.
Le profil typique des demandes d'assurance-chômage est le suivant: le pourcentage des personnes demandant des prestations atteint une crête environ deux ans après l'arrivée au Canada, puis baisse dans les années suivantes. Dans certains cas, le pourcentage tombe à la moitié des chiffres que je viens de mentionner. Nos recherches nous permettent également d'établir une correspondance entre les demandes d'assurance-chômage et le niveau d'instruction, la connaissance de l'anglais et du français, et le pays d'origine.
Ces recherches ne sont pas terminées. Nous nous penchons actuellement sur le pourcentage d'utilisation de l'assurance-chômage dans les diverses catégories d'immigrants: famille, réfugiés, indépendants.
La troisième chose que je souhaite aborder concerne la nécessité de modifier chaque année le niveau global d'immigration au Canada.
À la fin des années quatre-vingt, et peut-être plus tôt, deux raisons étaient souvent évoquées pour modifier le niveau d'immigration. Premièrement, comme les flux d'immigration semblent avoir une incidence globale sur la conjoncture économique, le Canada se doit de les ajuster chaque année, ou au moins au bout de quelques années. Deuxièmement, comme l'immigration peut servir à influer sur la population totale du Canada et ses caractéristiques structurelles - par exemple, le phénomène de vieillissement pourrait être contré par une hausse des flux d'immigration - on devrait tenter d'ajuster fréquemment le niveau.
Les données concernant ces deux arguments me semblent aujourd'hui parfaitement claires: les flux d'immigration aux niveaux susceptibles d'êtres acceptés par la population canadienne, ont une incidence négligeable sur la conjoncture économique globale ainsi que sur la population du Canada et sur sa structure. En conséquence, le Canadiens pourraient fort bien établir un niveau donné d'immigration sans pratiquement jamais le changer. Du point de vue de l'économie et de la démographie, il importe peu que le niveau se situe à 150 000, 200 000 ou 250 000 personnes.
J'ajoute cependant que l'on pourrait toujours avoir un long débat sur la composition des flux d'immigration, ainsi que sur notre politique de l'immigration, et qu'il importe d'étudier beaucoup plus attentivement l'incidence locale de l'immigration.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir invité. C'est tout ce que j'avais à dire en guise d'introduction.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Mme Gagnon (Québec): Si vous êtes d'accord que l'immigration soit régionalisée, qu'on envoie plus des immigrants en région, - on sait très bien que lorsque les immigrants sont envoyés au Québec, ils s'intègrent beaucoup plus facilement dans la société québécoise - , seriez-vous d'accord que la concentration des immigrants ne se fasse pas dans les grandes métropoles où le chômage est assez accentué? Les difficultés d'intégration dans une grande ville sont plus grandes que dans les petites villes.
[Traduction]
M. Marr: Je vous réponds d'abord, puisque je suis économiste, que les économistes n'aimant pas l'inefficience des marchés, du travail ou de produits. en conséquence, nous n'aimerions probablement pas que l'on fasse ici ce qui a été fait en Suède, par exemple, c'est-à-dire que les immigrants soient forcés de s'établir dans certaines régions du pays à leur arrivée.
Le cas de la Suède est intéressant car son gouvernement a tenté de disperser les immigrants, notamment les réfugiés, dans tout le pays pendant les cinq premières années suivant leur arrivée. À mon avis, cela pourrait constituer un usage très inefficient des services de main d'oeuvre, surtout s'il n'y a pas d'activités productives pour les personnes arrivant dans certaines régions.
Je crois que je préférerais laisser les immigrants, au même titre que les Canadiens de souche, choisir la région où ils veulent aller s'établir en s'adaptant au marché du travail local. Si nous pensons que les immigrants sont trop concentrés à Montréal, à Toronto et à Vancouver, je ne pense pas que la solution soit de leur dire d'aller vivre ailleurs. Elle pourrait être de faire en sorte qu'ils aient quelque chose à faire dans d'autres régions du pays, jugées moins peuplées, ce qui les amèneraient sans doute à s'orienter naturellement vers ces régions.
De toute façon, les Canadiens de souche ont eux aussi tendance à graviter autour de Vancouver, de Toronto et Montréal, mais peut-être pas dans des proportions aussi fortes que les immigrants. Le phénomène a cependant été clairement constaté au cours des 35 à 40 dernières années.
Je ne crois donc pas que je serais favorable à ce qu'on oblige les immigrants à aller s'établir dans certaines régions.
[Français]
Mme Gagnon: On sait que la concentration d'immigrants à Montréal est de l'ordre de 94 à 95 p. 100. Ne pensez-vous pas que cette tendance ne respecte pas les régions naturelles d'où proviennent ces gens-là? Par exemple, si les immigrants proviennent davantage de zones agricoles, l'intégration est plus difficile lorsqu'ils se retrouvent dans une grande métropole. On devrait tenir compte des régions d'où viennent les immigrants. En plus de devoir s'intégrer à une nouvelle culture, il devront s'intégrer à une nouvelle situation géographique.
[Traduction]
M. Marr: Je suis d'accord. Il est vrai que si des immigrants travaillaient dans leur pays d'origine dans l'agriculture, dans les mines ou dans une autre industrie primaire, et qu'il n'y ait pas d'emplois dans ces secteurs à leur arrivée au Canada, il risque de leur être difficile de s'insérer dans un milieu urbain, surtout dans l'immidiat. Leur adaptation sera donc fort difficile, surtout s'il s'agit d'une première vague d'immigrants en le pays concerné, n'ayant pas encore de réseau au Canada pour les aider à s'établir pendant les quatre ou cinq premières années.
Je ne sais pas toutefois s'il conviendrait de modifier les critères d'admission au Canada en conséquence. Il est peut-être préférable de les laisser entrer au Canada et de leur fournir des services, peut-être même une formation professionnelle, pour faciliter leur adaptation. Je ne sais pas.
[Français]
Mme Gagnon: J'aurais d'autres questions, mais je ne sais pas comment vous fonctionnez. Je voudrais aussi vous poser une question sur le lien qu'on fait entre l'emploi et l'immigration. On dit qu'au sein de la population, il y a des préjugés envers l'augmentation de l'immigration ou le maintien des quotas d'immigration, cela à cause du chômage. Dans votre rapport, vous ne semblez pas faire de lien évident entre les deux. Y a-t-il des préjugés?
[Traduction]
M. Marr: Parlons un instant du lien entre l'immigration et le chômage. Le chômage est un phénomène du marché du travail, marché qui se caractérise par une courbe de la demande et une courbe de l'offre. Au fond, le chômage est la différence entre l'offre et la demande. Il y a chômage lorque l'offre de travailleurs dépasse la demande.
À mon sens, l'immigration influe à la fois sur la demande et sur l'offre de main d'oeuvre. Si vous examinez les études publiées sur l'immigration dans les années cinquante et soixante, vous verrez que la plupart des auteurs mettaient l'accent sur la courbe de l'offre. Selon eux, l'immigration provoquait une hausse de l'offre de main d'oeuvre, ce qui était sans doute une cause de chômage. Il convient cependant, à mon avis, de comprendre que les immigrants influent également sur la demande de main d'oeuvre.
L'un des facteurs influant sur la demande de main d'oeuvre est la demande de produits que cette main d'oeuvre fabrique. Si la population augmente grâce à l'immigration, et si l'on suppose que les immigrants sont productifs et qu'ils peuvent trouver un emploi et gagner un revenu, la demande de biens et services va aussi augmenter. Donc, si l'immigration provoque une hausse de l'offre de main d'oeuvre, elle en accroît aussi la demande.
La question empirique que l'on doit se poser est donc de savoir si cela influe sur le taux de chômage. Mon analyse des études macroéconomiques existantes, fondées sur trois méthodes statistiques différentes, me portent à conclure que la relation entre l'immigration et le chômage n'est que minime, voire inexistante. Autrement dit, personne ne m'a encore convaincu qu'accroître le niveau d'immigration, dans des limites raisonnables, provoquera une hausse du chômage. À mes yeux, cela ne devrait relativement rien y changer.
Il ne faut pas oublier non plus que si nous avons environ 200 000 personnes qui arrivent chaque année au Canada, nous en avons aussi environ 60 000 à 80 000 qui partent. Donc, le flux net est bien inférieur à 200 000 ou 220 000 personnes. Sur une population active de 13 millions à 14 millions de personnes, l'arrivée de 100 000 à 120 000 immigrants - qui n'entreront d'ailleurs pas tous dans la population active - risque fort d'être négligeable.
Certes, il pourrait fort bien exister un lien, mais les études empiriques que j'ai examinées montrent qu'il n'est pas très fort. On ne peut donc certainement pas prétendre qu'accroître le niveau d'immigration provoquera une hausse du chômage.
J'ajoute au demeurant que certains chercheurs sont parvenus à la conclusion qu'une hausse du niveau d'immigration entraîne une baisse du taux de chômage.
[Français]
Mme Gagnon: Vous dites que l'incidence est mineure. Pourriez-vous la quantifier? Elle est faible et mineure, mais est-on capable d'y mettre un chiffre?
[Traduction]
M. Marr: Je ne pense pas pouvoir vous donner de chiffres. Je n'ai en tout cas avec moi aucun chiffre qui me permette de vous dire que faire passer le nombre d'immigrants de 200 000 à 250 000, par exemple, provoquerait une hausse du chômage de 0,5 p. 100. Je ne voudrais certainement pas citer de chiffres de ce genre.
Cela dit, certains chercheurs ont tenté de quantifier certains de ces phénomènes, mais ils ont alors découvert que - toute chose étant égale par ailleurs, et je parle ici de la politique budgétaire, de la politique monétaire, etc. - faire passer le nombre d'immigrants de 175 000 à 200 000, par exemple, ne produirait qu'une très faible hausse du chômage, voire aucune hausse du tout.
Mme Bakopanos (Saint-Denis): Je n'ai pas de questions à poser mais je voudrais peut-être faire quelques commentaires.
Dans l'ensemble, j'estime que votre étude est fort intéressante. Il y en a cependant une autre - à laquelle vous avez fait allusion plus tôt - , celle de M. Robert Fairholm, qui dit que le taux de chômage à long terme augmenterait si on augmentait les niveaux d'immigration. Il parle quant à lui de 3,5 p. 100. Qu'en pensez-vous?
M. Marr: De quelle étude parlez-vous?
Mme Bakopanos: D'une étude de Robert Fairholm, un économiste de Data Resources, Inc, McGraw-Hill. La connaissez-vous?
M. Marr: Non.
Mme Bakopanos: Elle a été réalisée à l'automne de 1993.
M. Marr: Je ne l'ai pas vu.
Mme Bakopanos: Dans ce cas, je vais passer à autre chose.
M. Marr: Si ce que vous dites est vrai, c'est certainement une exception parmi toutes les études publiées à ce sujet.
Mme Bakopanos: Seriez-vous prêt à reconnaître qu'il y a peut-être d'autres facteurs à prendre en considération que ceux que vous avez retenus? Ainsi, l'un des autres auteurs de Diminishing Returns fait allusion au fait qu'une bonne partie des immigrants finissent par occuper un emploi ne correspondant pas à celui pour lequel ils avaient été formés dans leur pays d'origine. Je crois que c'est quelque chose dont on devrait tenir compte.
Je pense en outre que la régionalisation de l'immigration est un autre facteur important. Dans les régions où le taux de chômage est élevé, par exemple dans les grandes villes, on a l'impression - même si ce n'est pas confirmé par des données concrètes - que l'immigration influe sur le chômage. De toute façon, quelqu'un qui vient d'une ville où il y a un taux de chômage élevé va finir par se retrouver dans les statistiques, à long terme.
M. Marr: C'est possible.
Mme Bakopanos: Un autre facteur dont on devrait à mon avis tenir compte - et je ne sais pas si vous l'avez fait car je n'ai pas eu la possibilité de lire votre étude - est qu'une bonne partie des immigrants qui ont les ressources voulues finissent par créer leur propre emploi et ne sont donc pas en mesure de tirer partie de l'assurance-chômage car ils n'y ont pas droit. Voilà peut-être un autre élément sur lequel on devrait se pencher pour rééquilibrer certaines de vos conclusions.
Je sais, et j'en ai déjà parlé à d'autres occasions, qu'il y a dans ma circonscription beaucoup de nouveaux Canadiens qui créent leur propre affaire, et il s'agit généralement d'une affaire familiale, gérée par les deux conjoints. Ces gens-là n'ont pas droit à l'assurance-chômage et ne vont donc pas se retrouver dans vos statistiques.
M. Marr: Nous avons entrepris notre étude de l'utilisation des prestations d'assurance-chômage parce que bien des gens affirment - même s'ils n'ont pas d'information concrète à cet égard - que les Canadiens d'origine étrangère ont beaucoup plus recours à l'assurance-chômage que les Canadiens de souche. Nous avons donc voulu profiter de ce nouvel ensemble de données pour analyser attentivement ce facteur.
Ce que vous dites est tout à fait pertinent. Il conviendrait donc d'étudier séparément le cas des travailleurs indépendants. Il se peut que certains chercheurs aient déjà commencé à le faire.
J'ajoute que les données ont souvent causé des problèmes dans le passé. Il n'existe pas beaucoup de données précises - je parle ici de données quantitatives, et non pas de données anecdotiques - sur les travailleurs indépendants, mais on commence à en avoir un peu plus.
Mme Bakopanos: Je tiens à vous féliciter toutefois de vous être attaqué à certaines idées fausses, au sujet desquelles les statistiques...
Il y a un autre facteur que je souhaite mentionner. Comme je l'ai dit, je ne pose pas vraiment de question, je formule plutôt des remarques d'ordre général. Voici de quoi je veux parler: bon nombre des nouveaux immigrants - mais je ne devrais pas dire bon nombre car, encore une fois, nous n'avons pas de statistique là-dessus - travaillent au noir et ne peuvent donc pas toucher de prestation d'assurance-chômage.
M. Marr: C'est vrai.
Mme Bakopanos: Cela doit donc aussi fausser les statistiques...
M. Marr: Oui.
Mme Bakopanos: ...pour autant que l'on puisse tenir compte de ce phénomène. On devrait essayer de l'examiner plus attentivement.
Finalement, nous acceptons au Canada beaucoup d'immigrants pour des raisons sociales et humanitaires, dans le cadre de nos obligations internationales, et non pas pour des raisons d'ordre économique. Avez-vous un avis quelconque sur les différentes catégories d'immigrants? Si l'on acceptait un plus grand nombre dans telle ou telle catégorie, cela aurait-il un effet positif ou négatif?
M. Marr: Certains chercheurs ont tenté d'examiner le niveau de revenu, dans un contexte statique - c'est-à-dire dans une année donnée - par rapport au taux de chômage de différentes catégories d'immigrants.
En général, ils ont conclu que les immigrants indépendants ont tendance à avoir des revenus supérieurs à la moyenne des autres immigrants, et des taux de chômage inférieurs.
Ceux de la catégorie familiale se situent en général au milieu, et les réfugiés à l'autre extrême.
Tout ceci ne concerne cependant que des moyennes. Par exemple, il y a des groupes de réfugiés, notamment ceux qui sont venus d'Asie du sud-est dans les années quatre-vingt, qui ont connu beaucoup de succès au Canada et qui éclateraient de rire si on leur disait que leurs revenus sont en moyenne inférieurs à ceux des deux autres groupes. J'insiste donc bien sur le fait qu'il ne s'agit ici que de moyenne.
Pour ma part, j'ai aussi tenté d'examiner l'effet que pourrait avoir une composition différente du nombre d'immigrants - tout en maintenant le niveau constant, sur plusieurs autres facteurs. Le nombre de personnes entrant dans chaque catégorie est certainement un facteur à prendre en considération si l'on veut tirer des conclusions sur des choses telles que le chômage, l'usage des services sociaux ou les revenus.
Il ne faut cependant pas oublier, en ce qui concerne l'ensemble de la population active canadienne - et j'ajoute que j'aime bien ce que vous dites au sujet des marchés du travail locaux, dont j'ai parlé moi aussi à la fin de mon exposé en disant que nous devrions les étudier de plus près.
Laissons cette question de côté pour le moment et constatons que, même si l'on changeait la composition du groupe total d'immigrants d'une année donnée, le nombre total resterait minime par rapport à la population active totale du Canada. Je ne crois donc pas que modifier la proportion des diverses catégories puisse avoir un effet spectaculaire quelconque sur des choses telles que les revenus moyens des Candiens ou les taux de chômage moyens.
Mme Bakopanos: Merci.
Le président: Si mes collègues sont d'accord, j'aimerais moi aussi poser quelques questions.
Selon le professeur DeVoretz, nous devrions accepter environ 50 p. 100 d'immigrants dans la catégorie économique et 50 p. 100 dans la catégorie familiale. Son argument est que l'immigrant de la catégorie économique va généralement parrainer un autre immigrant à une date ultérieure. Or, dit-il, si nous voulons rester compétitifs et continuer d'attirer des immigrants de la catégorie économique, nous devons leur permettre de faire venir leur conjoint ou leur famille plus tard.
Avez-vous un avis là-dessus?
M. Marr: Je ne suis pas un partisan acharné de la répartition moitié-moitié. J'ai toujours recommandé une proportion plus équilibrée entre les trois catégories actuelles: réfugié, famille et indépendant.
Voyez ce qui s'est passé pendant la récession des années quatre-vingt. Je crois que l'on a fait une erreur, en 1982, en resserrant les critères de la catégorie des indépendants, car cela eut évidemment pour conséquence d'accroître la catégorie familiale. Or, si cette catégorie est plus susceptible d'avoir des revenus inférieurs, en moyenne, si elle est plus susceptible d'avoir recours au chômage, cela a immanquablement eu un effet sur l'opinion de la population au sujet de l'effet des immigrants sur l'économie.
Au fond, j'ai toujours été favorable à ce qu'on mette plus l'accent sur la catégorie des indépendants, c'est-à-dire sur la catégorie économique, car je crois que c'est un groupe important, mais je ne suis pas sûr qu'il faudrait lui réserver la moitié du total. Je ne vois pas pourquoi ce groupe ne devrait pas avoir la moitié, mais je ne vois pas non plus...
Certes, ce sont des gens qui vont parrainer plus tard des immigrants de la catégorie familiale et, si nous voulons être compétitifs, c'est quelque chose que nous devons préserver, selon quoi Don DeVoretz. À part cela, je ne vois pas pourquoi on devrait la moitié du total à ce groupe.
Le président: Je vous ai expliqué son raisonnement. Vous n'avez donc pas d'avis précis à cet égard? Vous n'êtes ni pour ni contre la moitié.
M. Marr: C'est juste un chiffre.
Quelqu'un d'autre pourrait fort bien dire par exemple: «Les immigrants indépendants s'en tirent clairement très bien, sur le plan économique, et ce sont en moyenne de meilleurs immigrants. Pourquoi ne pas leur accorder 80 p. 100 ou 90 p. 100 du total?» La réponse à cela est que nous acceptons différentes catégories d'immigrants pour des raisons bien différentes. Dans certains cas, ce sont des raisons d'ordre économique, dans d'autres cas, la réunification des familles, et dans d'autres cas encore, des raisons d'ordre humanitaire. Il me semble donc très difficile de dire que telle ou telle proportion, par exemple la moitié, serait préférable à une autre.
Le président: Vous avez dit que les niveaux sont relativement peu importants, à condition qu'ils restent relativement constants pendant un certain nombre d'années. Pendant la dernière campagne électorale, le Parti réformiste recommandait environ 150 000 immigrants, alors que les Libéraux étaient plus près de 250 000$. S'agissait-il là d'un débat purement politique, sans fondement économique réel?
M. Marr: Pour répondre à cela, je me tourne d'abord vers les données macroéconomiques des 30 dernières années, afin de voir si le fait de modifier le niveau d'immigration a un incidence positive ou négative sur l'économie canadienne.
Mon analyse de toutes les données disponibles - il y a eu beaucoup de rapports à ce sujet, même si je ne les ai pas tous lus, comme on l'a mentionné tout à l'heure - me porte à conclure que l'incidence est minime.
Je me souviens d'ailleurs d'avoir lu des documents de la fin des années quatre-vingt, provenant d'Emploi et Immigration Canada, mais peut-être pas du bureau du ministre, et concernant l'incidence éventuelle de l'immigration sur notre population. On disait par exemple: «Avec une population vieillissante, pourquoi ne pas faire venir plus de jeunes immigrants, adolescents ou dans la vingtaine? Peut-être devrions-nous accorder plus de points à cette catégorie d'âge, ce qui changerait la structure d'âge de notre population et renverserait le phénomène du vieillissement.»
Personne ne conteste le vieillissement de la population. Nous savons bien qu'une proportion croissante de la population canadienne vieillit.
Les travaux effectués par des gens comme David Foot, Byron Spencer, de McMaster, et par Statistique Canada montrent uqe modifier le niveau d'immigration n'a pas vraiment d'incidence notable sur la population, c'est-à-dire autant sur le nombre total d'habitants que sur la structure de la population. Si l'on veut changer la structure démographique, adoptons une politique nataliste, ce qui sera beaucoup plus efficace. Accroître le taux de naissances aura beaucoup plus d'effet.
Considérons ces deux données, j'affirme qu'il n'y a pas beaucoup de justifications économiques ou démographiques pour modifier les niveaux d'immigration. Il faudra donc peut-être invoquer d'autres raisons, comme l'ampleur des ressources que l'on veut consacrer à la sélection des immigrants, fixer le niveau.
Cela pourrait être une excellente raison de fixer le niveau à 150 000 en période de récession, et à 200 000 en période d'expansion économique. Cela dit, l'incidence sur l'économie et la population ne serait probablement pas différente dans ces deux cas.
J'ajoute cependant, comme d'autres d'entre vous l'avez mentionné, que la répartition des immigrants est importante.
Le président: Dans le pays?
M. Marr: Oui. C'est une question que l'on n'a pas beaucoup étudiée, encore une fois à cause de données difficiles à obtenir. Certes, on peut obtenir certaines données provinciales, mais il est difficile d'en obtenir au niveau national et j'ajoute qu'il faudrait évidemment tenir compte aussi des migrations. En effet, il ne faut pas oublier que les Canadiens se déplacent d'une province à l'autre. Ils ne sont pas obligés de rester en Colombie-Britannique, par exemple. Ils peuvent aller ailleurs. Il faut en tenir compte.
Le président: M. Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci. Veuillez excuser mon retard.
En ce qui concerne la catégorie familiale, seriez-vous disposé à accorder des points supplémentaires aux immigrants prêts à aller s'établir dans une région rurale ou dans une petite collectivité plutôt que dans une métropole comme Vancouver, Montréal ou Toronto? Si je prends le cas d'un immigrant qui s'est établi dans une petite ville, et qui décide de parrainer un autre immigrant, je suppose que celui-ci ira s'établir dans la même ville. Au bout d'un an ou deux, il lui sera sans doute très difficile d'aller s'établir ailleurs. Seriez-vous donc prêt à donner des points supplémentaires dans ce cas?
M. Marr: Corrigez-moi si je me trompe mais je ne pense pas que l'on attribue des points à la catégorie familiale au sens où vous l'entendez. On attribue des points aux parents proches qui sont parraînés, et on pourrait peut-être ajouter la condition que vous proposez.
Cela dit, je ne crois pas qu'il faille mettre des obstacles risquant d'empêcher les gens de changer d'emploi après leur arrivée au Canada. D'après moi, prendre des mesures rendant plus difficile le changement d'emploi, de profession, d'employeur ou de région est source d'inefficience.
En outre, l'idée que vous proposez risque d'achopper sur le fait qu'il n'y a peut-être pas d'emploi à long terme dans les régions rurales où pourraient aller s'établir ces immigrants. Qu'ils soient de la catégorie familiale, des indépendants ou des réfugiés, ils devraient avoir la possibilité d'aller s'établir là où il y a du travail. Tant que l'on entrave pas ce processus, qui est essentiel pour assurer une répartition efficiente de la main d'oeuvre au sein de l'économie canadienne, je n'aurai pas d'objection. Je n'ai cependant pas réfléchi à la question dans ce contexte.
Je dois dire que j'ai toujours des réserves quand on parle d'accorder plus de points à certaines catégories professionelles. L'étude de David Green publié dans ce volume montre que des facteurs tels que la connaissance des langues et le niveau d'étude sont bien plus importants, pour l'obtention d'un emploi, que la profession dans laquelle on avait l'intention de s'établir. Je ne voudrais donc rien faire qui risque d'empêcher les gens d'entrer dans d'autres professions ou d'autres industries après leur arrivée ici.
M. Assadourian: Très bien. Merci.
Mme Bakopanos: Vous avez peut-être plus ou moins répondu à la question que je vais vous poser mais je voudrais la répéter.
Je sais que vous avez étudié la situation jusqu'en 1988, mais croyez-vous que les bienfaits économiques de l'immigration sont maintenant moins élevés?
M. Marr: L'étude que j'ai apportée avec moi aujourd'hui va jusqu'à la période s'arrêtant en 1988. Nous avons hâte de pouvoir nous pencher sur les années suivantes.
À l'heure actuelle, les chercheurs du Canada, de l'Australie et des États-Unis ont le sentiment que la qualité de l'immigration s'est détéroriée avec les années. Aux États-Unis en particulier, des gens comme George Borjas ont fait beaucoup d'efforts pour essayer de le prouver. Selon lui, les bienfaits sont aujourd'hui inférieurs à ce qu'ils étaient dans les années soixante-dix, par exemple.
Je ne saurais dire ce qu'il en est au Canada. Certes, Borjas fait une comparaison entre le Canada et les États-Unis dans l'une de ses études, et il estime que le Canada n'a pas subi l'effet de détérioration qu'il pense avoir constaté aux États-Unis. C'est cependant là une question très controversée. À son avis, sa conclusion s'explique par le système des points qui existe au Canada.
N'oubliez pas non plus qu'environ deux tiers des immigrants arrivant aux États-Unis font partie de la catégorie familiale, ce qui est une proportion beaucoup plus élevée qu'au Canada. De ce fait, il y a beaucoup moins d'indépendants qu'aux États-Unis. Or, comme vous le savez, les indépendants sont choisis avec le systèmes des points et, s'il est vrai que nous avons une proportion plus évelée d'indépendants, il est probable que la qualité se soit moins «détériorée».
Il n'y a cependant pas eu beaucoup d'études à ce sujet au Canada.
Mme Bakopanos: D'après vous, que devrions-nous faire pour rehausser les bienfaits économiques de l'immigration? Vous avez parlé du système des points et des catégories mais, si je vous ai bien compris, vous n'êtes pas certain que nous devrions y changer quoi que ce soit.
M. Marr: Pour ce qui est du système des points, j'aurais tendance à attribuer plus de points aux facteurs qui influent à mon avis sur la capacité de trouver un emploi et de s'intégrer, tels que la connaissance de l'anglais ou du français, ou des deux, le niveau d'étude et l'expérience professionnelle. J'accorderais moins d'importance à des choses telles que la profession visée et le groupe professionnel. Je ne pense pas que cela soit terriblement important dans l'ordre global des choses, tant et aussi longtemps - je me répète - que le marché du travail reste souple et qu'on ne force pas les gens à prendre certains emplois.
Mme Bakopanos: Vous n'acceptez donc pas la prémisse du Parti réformiste, voulant que nous devrions accueillir moins d'immigrants lorsque les temps sont difficiles, et peut-être en accueillir plus lorsqu'ils sont meilleurs. Vous dites que le niveau d'immigration devrait rester stable.
M. Marr: Non, je ne dirais pas que... J'essaierais d'éliminer ce type de troc - si tel est le bon mot - de notre politique d'immigration, en essayant peut-être de mettre plus l'accent sur les choses qui me semblent plus importantes, comme la composition de notre immigration et la répartition des immigrants au Canada. Je mettrais plus l'accent sur ce que font les immigrants une fois qu'ils sont arrivés ici plutôt que sur ce qui les amène ici. Je crois que c'est comme cela que je dirais les choses.
Mme Bakopanos: Voulez-vous dire que nous devrions mettre plus l'accent sur des choses telles que les pogrammes d'établissement et d'intégration?
M. Marr: Oui.
Mme Bakopanos: Ce qui permettrait de rehausser les bienfaits économiques tout en...
M. Marr: Je l'espère.
Mme Bakopanos: Plus les immigrants s'intègrent vite, plus ils font partie de la population active et contribuent à notre croissance économique.
M. Marr: C'est juste.
Mme Bakopanos: Comme vous le savez, nous ne choisissons pas nos réfugiés. Nous en acceptons dans le cadre de nos obligations internationales. Toutefois, certains affirment que nous devrions peut-être reconcer à ces obligations - bien que j'hésite à dire les choses de cette manière - ou aller sélectionner plus de réfugiés à l'étranger, au lieu d'avoir une politique de porte ouverte comme c'est aujourd'hui le cas.
La population a bien souvent l'impression que la quasi totalité de nos immigrants sont des réfugiés et qu'il y en a pratiquement aucun dans les autres catégories. Cela explique peut-être certaines des idées fausses qui ont cours dans notre société.
Croyez-vous que nous devons aller sélectionner les réfugiés dans les camps à l'étranger au lieu de maintenir notre politique de porte ouverte?
M. Marr: Songez-vous à un système de points pour les réfugiés?
Mme Bakopanos: Non, ce n'est pas ce que je propose. Je voudrais le point de vue d'un économiste.
M. Marr: Il y a certainement des facteurs qui accroissent des chances de succès des immigrants au Canada, comme la connaissance de l'anglais ou du français.
Mme Bakopanos: Je vous interromps à ce sujet car le Gouvernement du Québec met en oeuvre des programmes pour enseigner le français à l'étranger, dans les camps.
M. Marr: C'est vrai.
Mme Bakopanos: C'est à ce genre de choses que je pensais. Nous pourrions prendre d'autres mesures de même nature s'il est vrai, comme vous l'avez dit, que les bienfaits économiques augmentent avec le taux d'intégration.
M. Marr: J'allais justement dire qu'il y a probablement deux démarches fondamentales à ce sujet. On peut choisir les gens en fonction de choses telle que la connaissance des langues, et c'est un principe que l'on pourrait appliquer aux réfugiés. Rien ne nous empêche de le faire. On peut cependant aussi rejeter cette thèse, en disant que les réfugiés sont accueillis non pas pour des raisons économiques mais pour des raisons humanitaires. Si tel est le cas, je crois qu'il faut être prêt à consacrer des ressources à la formation professionnelle, avant ou après que les réfugiés arrivent chez nous.
À titre d'économiste, et à ce titre uniquement, je dois dire que nous devrions tenter de faire la sélection en fonction des facteurs qui contribuent au succès des gens au Canada, même des réfugiés mais, à titre de personne, je pense que ce n'est probablement pas la seule chose à prendre en considération lorsqu'on choisit des immigrants. Voilà pourquoi nous avons d'ailleurs une catégorie d'immigrants indépendants avec une catégorie de réfugiés et une catégorie familiale. Sinon, nous pourrions n'avoir que des indépendants. Certains réfugiés pourraient probablement avoir accès au Canada dans la catégorie des indépendants, avec le système des points. Il y en a qui ont le niveau d'étude, les compétences et la formation nécessaire pour entrer au Canada, même s'ils n'étaient pas réfugiés. Mais beaucoup n'auraient pas ce qu'il faut.
Mme Bakopanos: Je suis d'accord avec vous. Notre système comprend aussi un volet humanitaire non négligeable.
M. Marr: C'est exact. Et c'est une bonne chose que nous ne soyons pas tous des économistes.
Mme Bakopanos: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Si vous deviez conseiller le ministre Marchi sur sa politique de l'immigration - je ne sais pas si vous connaissez les niveaux d'immigration et le plan qui ont été annoncés l'automne dernier - que lui diriez-vous?
M. Marr: Je pourrais simplement lui répéter ce que je vous ai dit, c'est-à-dire que je ne consacrerai pas beaucoup de temps à la question de l'abaissement ou du relèvement du nombre d'immigrants. Je m'en tiendrai à un chiffre. Comme je suis aussi un historien de l'économie, même si ce n'est pas directement relié à cette question, je lui dirais de prendre simplement la moyenne des 30 dernières années et de s'en tenir à cela pour le moment. Disons que cela nous donnerait 200 000 immigrants, mais c'est purement théorique.
À ce moment-là, je lui dirais d'attribuer plus d'importance à des choses que nous avons peut-être un peu négligées dans le passé, et dont vous a également parlé Don DeVoretz, c'est-à-dire la composition de ce groupe de 200 000. Nous pourrions peut-être pour la première fois engager un débat véritable à ce sujet. Certes, le débat ne serait pas facile, mais ce serait peut-être beaucoup plus fructueux à long terme, surtout si les chercheurs ont raison de dire que différentes catégories d'immigrants obtiennent des résultats différents sur le plan économique. Au bout d'un certain temps, l'effet global est probablement le même, mais il me semble néanmoins qu'il y a des différences profondes entre les trois grandes catégories d'immigrants.
Le président: Donc, que ce soit 200 000, ou 1 p. 100 de la population, ou ce qui est acceptable sur le plan politique...
M. Marr: Comme j'ai dit plus tôt, il faudrait probablement fonder notre immigration sur d'autres principes. On pourrait peut-être évoquer simplement les ressources que le gouvernement canadien est prêt à consacrer à l'administration du programme, ce qui n'est certainement pas un facteur négligeable. J'ai toujours été frappé par le fait que les gens doivent généralement se rendre dans un bureau de l'immigration du Canada d'un pays étranger, s'ils veulent venir au Canada, ce qui montre que l'on a évidemment pris une décision, au Canada, au sujet des ressources que l'on est prêt à consacrer dans tel ou tel secteur. C'est évidemment là une contrainte qu'on ne peut effacer.
Le président: Exact. Que pensez-vous des 975$?
M. Marr: Les 975$?
Le président: La taxe d'établissement.
M. Marr: Je pourrais faire quelques commentaires à ce sujet, mais ils ne sont pas reliés à mes recherches.
Le président: Cela ne fait rien. Si M. Nunez était ici, il vous poserait la question. Je le fais donc pour lui.
M. Marr: Il y a du pour et du contre, je suppose. Depuis qu'on parle de taxation - et, soyons franc, c'est de cela qu'il s'agit - on invoque deux principes fondamentaux. Le premier est celui des avantages procurés. Autrement dit, ce sont ceux qui reçoivent les avantages des recettes perçues grâce à telle ou telle taxe qui devraient acquitter cette taxe. Dans le cas qui nous concerne, le gouvernement canadien pourrait peut-être démontrer que les 975$ sont directement consacrés à fournir des services aux immigrants après leur arrivée. On pourrait donc justifier la taxe de cette manière.
Le deuxième principe est celui de la capacité de payer. Comme vous le savez, quand nous envoyons notre déclaration d'impôt sur le revenu, en avril, nous calculons notre impôt au moins en partie en fonction de notre revenu. C'est dans une grande mesure de cette manière que nous avons financé dans le passé les services d'immigration. En effet, nous les avons financés grâce aux recettes générales, provenant des impôts calculés en fonction du revenu, d'une manière ou d'une autre.
Mon analyse des études économiques est que les Canadiens d'origine étrangère sont en moyenne très productifs au Canada. Ils trouvent du travail, ils gagnent de l'argent, ils paient des impôts. D'autres études que les miennes - notamment celles de Ather Akbari - semblent montrer que les bienfaits de l'immigration sont supérieurs aux coûts que nous assumons pour les immigrants. D'un point de vue personnel, je suppose que j'aurais préféré que l'on n'impose pas cette taxe mais que l'on adopte plutôt une attitude un peu plus positive, en disant que les services nécessaires seront financés à partir des recettes fiscales générales, y compris les taxes supplémentaires que finiront par payer les immigrants.
Je peux cependant comprendre aussi le principe des avantages. Il existe au Canada d'autres taxes qui sont fondées sur ce principe, par exemple, les taxes municipales. De même, les taxes servant au financement de l'enseignement sont largement fondées sur ce principe. Toutefois, comme vous le savez, beaucoup se demandent aujourd'hui si ces taxes servent vraiment à fournir des services d'enseignement, et cela vaut pour d'autres secteurs. Je crois qu'il appartiendra au gouvernement canadien de démontrer à long terme - et j'espère qu'il le fera - que les 975$ par personne sont directement consacrés à la prestation de services aux immigrants, surtout pendant leurs trois ou quatre premières années de présence au Canada.
Le président: Très bien. Je ne sais pas ce qui se dit au cabinet mais j'ai l'impression que le ministère de l'Immigration faisait face à des coupures budgétaires, dans le cadre du programme général de réduction des dépenses, et qu'il a voulu sauver son programme d'aide à l'établissement...
M. Marr: Dans ce cas, c'est le principe des avantages qui s'applique, n'est-ce pas? L'argent sera consacré à l'enseignement de l'anglais langue seconde, à des programmes de formation professionnelle et à d'autres mesures de ce genre. Je suppose que ce sera beaucoup plus acceptable si on peut montrer, au cours des dix prochaines années, que c'est précisément à cela qu'a servi cette taxe. Ce serait beaucoup moins acceptable si l'on devait constater que l'argent a servi à d'autres choses.
Le président: D'accord.
M. Kevin Kerr (recherchiste du Comité): Je voudrais aborder une question dont nous n'avons pas encore parlé. Vos recherches antérieures semblent indiquer l'existence d'effets particuliers de l'immigration sur l'emploi, à certaines périodes précises, mais on ne retrouve plus cela dans vos derniers travaux. Avez-vous une explication?
M. Marr: Nous chechons encore, et je ne peux rien vous répondre de définitif à ce sujet. Dans nos recherches antérieures, où nous avons constaté une rupture structurelle, c'est-à-dire avant et après 1978, nous nous étions penchés sur une période plus courte, ce qui a peut-être un peu faussé les résultats. Il faut se garder de comparer des périodes différentes.
J'ai été très surpris, lors des recherches dont nous publions les conclusions dans Diminishing Returns, de ne pas trouver de rupture structurelle en 1978 ni en 1982-1986, et je vous rappelle que le changement de réglementation en 1982 a été très important. Il a eu une incidence spectaculaire sur la catégorie des indépendants et sur le nombre total d'immigrants.
Je ne peux rien avancer aujourd'hui qui puisse vous expliquer pourquoi nous n'avons pas trouvé cette rupture dans nos dernières recherches, alors que nous l'avions trouvée dans les recherches antérieures. C'est peut-être parce que les périodes sont légèrement différentes.
M. Kerr: Une autre question, sur un sujet un peu différent. Vous avez dit que la répartition des immigrants dans le pays, est une question importante, quel que soit le niveau d'immigration fixé par le gouvernement. Vous êtes-vous demandé comment on pouvait mieux répartir les immigrants sans entraver le marché du travail?
M. Marr: Une réponse un peu banale serait de dire que, si la répartition actuelle ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à faire en sorte que les gens trouvent du travail dans les régions où ils ne se rendent pas à l'heure actuelle, ce qui vaut autant pour les Canadiens de souche que pour les étrangers.
Comme je l'ai dit en réponse à votre question précédente, je sais que les Canadiens d'origine étrangère sont peut-être plus concentrés que les Canadiens de souche, mais si vous examinez l'immigration des Canadiens de souche, au cours des 50 dernières années, par exemple, vous verrez qu'elle ne diffère pas tellement de celle des Canadiens d'origine étrangère. C'est d'ailleurs exactement ce que je pourrais prédire si je faisais une analyse coût-bénéfice des raisons pour lesquelles les gens se rendent dans une région plutôt que dans une autre.
Si vous voulez que les Canadiens d'origine étrangère aillent à Sudbury, à Sault Sainte-Marie ou à Thunder Bay, plutôt qu'à Toronto, Hamilton ou Windsor. Il faut qu'ils puissent y trouver de l'emploi.
M. Kerr: Les incitatifs qu'on pourrait leur offrir pour se rendre dans ces régions pourraient cependant être également utilisés par les Canadiens de souche?
M. Marr: Absolument, et vous voyez bien que ces derniers ne vont pas non plus dans ces régions.
M. Kerr: Si tel est le cas, on risque de n'avoir aucun effet dans ce domaine.
M. Marr: Exactement, mais je ne pense pas que l'on aide les immigrants ou l'économie canadienne en essayant d'obliger les nouveaux immigrants à se rendre dans des régions où ne veulent pas aller les Canadiens de souche. Tout ce que l'on fait, c'est que l'on impose des coûts d'établissement supplémentaires, en espérant qu'à long terme...
J'ai donné le cas de la Suède où bon nombre de réfugiés ont été obligés de s'établir dans les régions septentrionales pour une période de cinq ans. Ce que l'on a toutefois constaté, au bout des cinq ans, c'est une migration considérable vers Stockholm - surprise, surprise - où se trouvent les emplois durables ainsi que les activités culturelles et bien d'autres choses contribuant à la qualité de vie. Il ne s'agit pas simplement de gagner de l'argent, il s'agit aussi de vivre.
Tout ce que je veux dire, c'est qu'il faut d'abord créer des emplois dans les régions où l'on veut que se rendent les Canadiens d'origine étrangère, mais c'est cela qui est difficile.
Il ne s'agit pas d'un problème d'immigration mais plutôt d'un problème de développement régional au Canada.
Mme Margaret Young (recherchiste du Comité): On vous a demandé quels conseils vous donneriez au ministre s'il était devant vous. Vous avez dit deux choses: donner plus de points et changer le système des points. Autrement dit, vous lui diriez de mettre plus l'accent sur les facteurs contribuant à une intégration économique plus rapide.
M. Marr: Exact.
Mme Young: Vous avez aussi parlé de la distribution régionale des immigrants mais, comme vous l'avez dit, c'est une question très difficile.
Partant du principe qu'il ne faut pas réparer ce qui n'est pas cassé, ai-je raison de penser qu'il n'y a à peu près rien de fondamentalement «cassé», dans le système actuel?
En outre, vous avez hésité à appuyer la recommandation de répartition moitié-moitié, faite par le professeur Don DeVoretz. Croyez-vous qu'il y a quelque chose d'urgent à faire sur le plan de l'immigration? Le système est-il «cassé»?
M. Marr: D'un point de vue économique global, il n'y a rien à changer. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de situations locales problématiques, et dont je ne suis tout simplement pas conscient, pour quelque raison que ce soit. Par exemple, il se peut qu'il y ait des poches de chômage chez les Canadiens d'origine étrangère, mais que je n'aie pas d'informations à ce sujet.
Des gens comme Don DeVoretz ont étudié les relations par secteur industriel, entre l'immigration et le remplacement des Canadiens de souche par des Canadiens d'origine étrangère. Si je me souviens bien, il a constaté qu'il y avait une concentration élevée de travailleurs peu qualifiés dans certaines industries où il existait une concurrence entre des Canadiens de souche et des Canadiens d'origine étrangère. Cela serait une cause de problèmes s'il y avait beaucoup de Canadiens d'origine étrangère qui se concentraient dans les régions concernées.
Je répète, au niveau global envisagé dans cette étude, je ne vois rien qu'il faille corriger en matière de niveau.
Certes, il y a des catégories d'immigrants qui s'en tirent mieux que d'autres sur le plan économique, mais est-ce un problème? C'est peut-être un problème du point de vue d'un économiste, mais il n'en reste pas moins que la politique de l'immigration est multidimentionnelle.
À long terme, je ne pense même pas que cela constitue un problème sérieux. Je pense qu'il s'agit plus peut-être d'une question d'adaptation à la société canadienne, par exemple, pour les immigrants de la catégorie familiale ou des réfugiés, étant donné que les statistiques dont nous disposons sur le long terme montrent que l'adaptation se fait. En moyenne, les immigrants gagnent des revenus plus élevés et sont moins susceptibles de tomber au chômage.
Nous parlions plus tôt, avant de commencer le débat, du court terme et du long terme, et c'est une distinction importante à faire. Il importe également de ne pas oublier que, lorsque les gens disent qu'une hausse de l'immigration entraîne une hausse du chômage, c'est généralement en considérant qu'on ne fera rien d'autre dans des secteurs comme l'enseignement de l'Anglais et du Français langue seconde, l'aide à l'étalissement, etc. Autrement dit, l'on croit que tous les autres facteurs doivent rester constants, ce qui n'est absolument pas nécessaire dans l'économie canadienne réelle. Par exemple, on peut fort bien consacrer plus d'argent à l'enseignement de l'Anglais.
Le président: Y a-t-il d'autres questions par les membres du Comité? Non.
Je crois que cela met un terme à votre comparution. Je vous remercie à nouveau sincèrement d'être venu nous parler. La question dont nous sommes saisis est d'importance et je crois que le facteur essentiel à retenir est qu'il est faux de penser que les immigrants prennent des emplois aux Canadiens et sont un fardeau pour l'économie. Votre travail nous est fort utile.
M. Marr: Merci beaucoup.
Le président: Comme je dois m'absenter, je vais demander à M. Assadourian d'assumer la présidence.
Le vice-président (M. Assadourian): Merci beaucoup. C'est la première fois que j'ai l'occasion de présider ce comité. En conséquence, si je fais des erreurs, ne me les reprochez pas, prenez-vous en au greffier.
Je souhaite la bienvenue à nos deux autres témoins, qui vont entamer la deuxième moitié de l'audience d'aujourd'hui. Je vais vous demander de vous présenter puis de faire votre exposé liminaire, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Robert Moorhouse (juriste-conseil et responsable des liaisons gouvernementales, International Entrepreneurs (IEC) Canada Inc.): Merci, monsieur le président. Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir accepté de nous entendre à un si court préavis. Ayant entendu parler de votre sous-comité la semaine dernière, j'ai pris contact avec Christine et nous avons réussi à préparer rapidement un document à votre intention.
Je me nomme Robert Moorhouse et je travaille pour un organisme qui s'appelle International Entrepreneurs Canada. Mon collègue est Adriano Arrizza, président de First Canadian Investors Data Bank Inc, société associée à International Entrepreneurs. Monsieur Arrizza est également président et administrateur du Scotia Investors Group of Funds, et il est comptable agréé à Montréal.
Pour ma part, j'ai un diplôme de droit de l'Université Dalhousie et je travaille à Halifax pour International Entrepreneurs. Je travaille également pour un organisme qui s'appelle Larex Management, qui gère des fonds d'immigrants investisseurs.
Notre objectif est d'aborder avec vous quatre questions relatives à l'immigration.
La première concerne les pouvoirs discrétionnaires des agents d'immigration. La deuxième concerne des problèmes qui se posent dans les bureaux d'octroi des visas, notamment au Moyen-Orient. La troisième touche des questions d'exécution et d'application de la loi, autant au niveau des conseillers en immigration que des candidats à l'immigration. La quatrième et dernière question concerne le rôle des consultants en immigration dans le processus général d'immigration.
Avant d'aborder ces questions, M. Arrizza va vous donner quelques informations sur International Entrepreneurs, afin d'établir le contexte général de notre témoignage.
M. Adriano Arrizza (président, First Canadian Investors Data Bank Inc.): Je fais partie de International Entrepreneurs depuis 1988. À l'époque, la société existait depuis près de huit ans et s'occupait essentiellement de donner des conseils en immigration à partir du Québec.
Avant 1988, la société s'occupait des dossiers d'environ 300 à 400 familles par an, dans la catégorie des immigrants entrepreneurs et investisseurs.
Ensuite, la société a créé une filiale en Nouvelle-Écosse. Cette filiale a traité plus de 600 dossiers dont 324 concernaient des familles qui sont déjà établies dans la province. En outre, sur ce nombre, 294 sont des familles d'entrepreneurs et une trentaine des familles d'investisseurs.
Ce qui est important de retenir, c'est que les investisseurs ont le droit d'aller s'établir n'importe où au Canada. Je crois donc pouvoir dire que seulement grâce aux efforts de marketing de International Entrepreneurs que la Nouvelle-Écosse a pu attirer et conserver un nombre tellement élevé de familles d'immigrants, correspondant à des pourcentages bien plus élevés que ceux que connaissait le Québec dans les premières années.
International Entrepreneurs a fait venir près de 809 adultes de plus de 18 ans et 651 enfants en Nouvelle-Écosse, qui se sont établis dans la province et qui y résident encore aujourd'hui.
Notre cabinet suit attentivement les activités de ces familles, pour savoir comment elles s'en tirent. Sur le nombre que je viens de mentionner, 60 familles ont acheté des maisons, et les autres continuent manifestement de louer. En outre, nos familles ont créé 104 entreprises en Nouvelle-Écosse, de taille très variable. Ainsi, l'un de nos immigrants est un entrepreneur qui a plus de 50 employés; d'autres sont des travailleurs indépendants.
Nous avons essayé de produire des chiffres estimant les bienfaits que tire la province de la présence de ces immigrants. La pièce A, dont vous avez reçu un exemplaire, si je ne me trompe, résume les chiffres que nous avons produits, certains étant fondés sur des données réelles.
Par exemple, il y a en tout sept syndicats d'investissement qui ont été mis sur pied en Nouvelle-Écosse, ce qui a rapporté 15,5 millions de dollars d'investissement à la province. Je parle ici de sommes qui ont réellement été investies dans divers projets approuvés par la province.
En outre, nous avons des informations sur les sommes précises que ces immigrants ont amenées dans le pays. Dans la deuxième partie du tableau, vous voyez que ces entrepreneurs ont près de 70 millions de dollars dans des comptes bancaires de deux banques de la Nouvelle-Écosse - et il y en a évidemment dans beaucoup d'autres aussi.
Nous avons également voulu calculer l'investissement initial que fait une famille lorsqu'elle vient s'établir en Nouvelle-Écosse. Selon nos estimations, si l'on tient compte des achats d'automobiles et d'autres véhicules, de meubles et d'équipements de maison, on arrive à environ 25 000$ par famille, soit 8,1 millions de dollars en tout.
Pour les 104 entreprises qui ont été mises sur pied, nous avons estimé un investissement moyen de 50 000$, ce qui est très prudent, et nous avons ainsi 5,2 millions de dollars de plus qui sont investis dans l'économie. Si l'on considère que des maisons ont été achetées à un prix moyen de 100 000$, cela fait 36 millions de dollars en tout. À la suite d'une enquête que nous avons menée auprès de nos investisseurs et entrepreneurs, pour connaître leur actif net moyen, nous sommes arrivés au chiffre, encore une fois très prudent, de 700 000$ d'actif net moyen par investisseur et de 300 000$ par entrepreneur. Autrement dit, les actifs nets qui ont été apportés dans la province par ces immigrants s'élèvent à près de 110 millions de dollars.
Si l'on ajoute à cela les familles dont la demande est en cours de traitement, on arrive à 90 millions de dollars de plus pour l'économie de la Nouvelle-Écosse soit en tout près de 200 millions de dollars pour toutes les familles d'immigrants que nous avons conseillées.
Je vous ai donné tous ces chiffres pour vous montrer que les immigrants font normalement confiance à leurs conseillers et que l'on peut généralement les orienter vers la province où ils sont établis. Entre 1980 et 1988, le Québec semblait être la province de prédilection des immigrants, sans doute parce qu'elle était considérée comme une province qui acceptait facilement les immigrants, ce qui était une idée complètement fausse.
Au cours des années, le Québec a de plus en plus demandé des immigrants francophones, à un point tel que les entrepreneurs internationaux ont eu le sentiment qu'ils ne pourraient pas immigrer autant qu'ils le voudraient, eu égard, aux critères souhaités.
C'est à ce moment-là que nous avons décidé de nous établir en Nouvelle-Écosse. Aujourd'hui, plus de 95 p. 100 de nos immigrants s'établissent en Nouvelle-Écosse, ce qui nous prouve qu'un effort de marketing sérieux permet d'orienter les investisseurs vers la province où il sera économiquement le plus rentable pour eux de s'établir.
Je vais maintenant donner la parole à Bob, qui va vous parler du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration.
M. Moorhouse: À notre avis, même si le processus d'immigration est essentiellement géré par des représentants du gouvernement, le rôle de ces derniers est d'appliquer les lois existantes. Notre souci en la matière est cependant que les agents d'immigration appliquent les lois de manière équitable, objective et honnête, et c'est dans cet esprit que notre organisme fait son travail, comme beaucoup d'autres. C'est aussi ce que nous attendons lorsque nous nous rendons à l'étranger.
La politique du gouvernement fédéral à l'égard des immigrants indépendants a été couronnée de succès. De fait, ce succès est tellement évident que les indépendants prennent peu à peu la place des immigrants entrepreneurs. Cela s'explique essentiellement parce que les critères sont plus clairs et mieux établis, et que les agents d'immigration oeuvrant dans les missions de l'étranger ont moins de pouvoir discrétionnaires. Voilà pourquoi on a constaté une diminution du nombre d'immigrants de la catégorie des entrepreneurs. En outre, les immigrants indépendants ont besoin de moins d'argent que les entrepreneurs pour venir s'établir au Canada.
En règle générale, un candidat indépendant peut s'établir avec un pécule se situant entre 5 000$ et 10 000$. Lorsqu'on veut immigrer comme entrepreneur, il faut avoir suffisamment d'argent pour lancer une entreprise, créer des emplois et subvenir aux besoins de sa famille. L'entrepreneur est donc beaucoup plus porté à présenter une demande dans la catégorie des immigrants indépendants, puisque le processus est plus normalisé et que les pouvoirs discrétionnaires des agents de l'immigration sont moins étendus pour ce qui est des indépendants.
Les candidats à l'immigration au titre d'entrepreneur ont souvent le sentiment de faire l'objet de discrimination, collectivement, lorsqu'ils constatent la facilité avec laquelle les indépendants peuvent venir s'établir sans aucune condition, avec un minimum de capital et sans être obligés de faire régulièrement rapport aux agents d'immigration après leur arrivée.
À notre avis, le Canada a besoin de plus de capital risque et d'entrepreneurs. Dans bien des cas, les indépendants font directement concurrence aux travailleurs canadiens. Si nous voulons donner plus d'emplois à nos résidants, il nous faut accroître notre bassin de capital. Notre organisme a attiré beaucoup de capitaux dans une région qui, généralement, reçoit peu de soutien des banques. Je parle ici surtout de la région des Maritimes.
Les banques ne prêtent plus d'argent aux petites entreprises comme autrefois, malgré les pressions exercées par le gouvernement. Il est évident à nos yeux que les gouvernements ne peuvent plus obliger les banques à prêter aux petites entreprises. De ce fait, si nous voulons que le secteur des petites entreprises continue de s'épanouir, l'une des méthodes est de faire appel à des entrepreneurs étrangers voulant immigrer.
À notre avis, le processus actuel d'admission au Canada en vertu des divers programmes offerts aux entrepreneurs devrait être normalisé pour atténuer les pouvoirs discrétionnaires excessifs que détiennent certains agents d'immigration.
J'ai pris la liberté d'apporter avec moi quelques lettres qui nous ont été adressées par différents agents d'immigration ayant refusé certains de nos candidats. Je vais vous en lire quelques paragraphes, pour votre édification. Le premier cas concerne une personne du Caire, en Égypte, à qui l'agent d'immigration a écrit ceci:
- À notre avis, vous ne répondez pas à la définition d'un entrepreneur car vous n'avez pas réussi à
me convaincre que vous avez la capacité de vous établir, d'acheter ou de faire un investissement
substantiel dans une entreprise ou un projet commercial ayant une valeur économique réelle au
Canada. De plus, on estime que vous n'aurez pas la capacité de gérer une telle entreprise ou un
tel projet...
- Le projet que vous envisagez au Canada n'offrirait que des possibilités d'emplois minimes aux
citoyens ou résidants canadiens.
Toutefois, si l'on compare ce cas aux petites entreprises que nous connaissons bien au Canada, on peut conclure que l'on fixe des critères plus élevés pour les candidats à l'immigration. En effet, quiconque veut créer une entreprise au Canada n'est absolument pas tenu de prouver qu'il a déjà une expérience pertinente. On impose donc des critères plus rigoureux à nos candidats.
L'autre lettre dont je veux vous citer uon extrait concerne également un candidat égyptien. Dans ce cas, l'agent d'immigration lui écrit qu'il ne répond pas à la définition d'un entrepreneur car, bien qu'il ait une certaine expérience du secteur des supermarchés, ces fonds ne seront probablement pas suffisants pour qu'il puisse à la fois établir une entreprise et subvenir aux besoins de sa famille au Canada.
L'agent suppose donc que le candidat va échouer et sera un fardeau pour nos services sociaux. Toutefois, ce candidat avait prouvé à l'agent d'immigration qu'il disposait de plus de 32 000 dinars kowaitiens dans ses comptes bancaires, soit environ 132 000$. Hélas, il n'avait pas eu le temps de soumettre d'autres documents bancaires, à cause des limites de temps, prouvant qu'il avait en outre 75 000$ supplémentaires dans d'autres comptes, bien qu'il l'ait mentionné, ainsi que 170 000$ US supplémentaires en biens et actions boursières. L'agent d'immigration a décidé de ne pas en tenir compte du tout, à cause des fluctuations du marché.
Vous pouvez constater qu'octroyer des pouvoirs aussi vastes aux agents d'immigration peut aboutir à une mise en oeuvre extrêmement incertaine des textes réglementaires.
À notre avis, les candidats à l'immigration de la catégorie des entrepreneurs qui répondent aux critères du programme devraient avoir la chance de faire leur preuve en venant s'établir ici. On ne devrait pas laisser aux agents d'immigration le pouvoir de porter un jugement sur leur chance de succès. S'ils ont l'argent et qu'ils sont prêts à prendre des risques, donnons-leur la chance de faire leur preuve.
Comme je l'ai dit plus tôt, le taux d'échec des nouvelles entreprises qui sont créées est peut-être élevé, mais cela vaut aussi pour les Canadiens. Il n'y a aucune raison d'imposer des critères plus rigoureux aux immigrants qu'aux Canadiens.
Selon les données de la Banque fédérale de développement, plus de 80 p. 100 de toutes les nouvelles entreprises sont vouées à l'échec. Si l'on applique la même proportion aux nouvelles entreprises créées par des immigrants, qui ont au demeurant moins de contacts locaux et qui comprennent moins la manière dont se font les choses au Canada, mais qui sont quand même prêts à tenter leur chance chez nous, je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas faire un acte de foi s'ils ont l'argent nécessaire, s'ils ont fait la preuve de leur intérêt de leur intention et qu'ils veulent venir ici avec leur famille pour produire des retombées économiques. Loin de les rejeter, nous devrions plutôt essayer de les aider.
Il conviendrait également de revoir les règlements relatifs aux professionnels voulant immigrer dans la catégorie des entrepreneurs. Nous avons un certains nombre de candidats spécialisés dans le secteur médical ou qui sont cadres ou gestionnaires d'entreprise et à qui on a refusé l'accès au Canada, en vertu de ce programme, parce qu'on estimait qu'ils n'avaient pas suffisamment d'expérience dans la gestion et l'exploitation d'entreprises.
Toutefois, j'estime que la gestion d'un cabinet de médecines doit beaucoup ressembler à celle d'une petite entreprise, avec des frais généraux, des échéances et du personnel. On devrait également expliquer clairement aux candidats, pendant les entrevues, les conditions auxquelles ils seront confrontés au Canada. On devrait également leur donner leur acceptation dans le Bureau d'octroi des visas et non pas au point d'entrée au Canada. Il conviendrait aussi de leur indiquer plus clairement, pendant les entrevues, que les conditions qui leur sont imposées lient toute leur famille, au lieu de leur annoncer lorsqu'ils arrivent au point d'entrée.
Nous ne pensons pas qu'il soit légitime de demander aux candidats de soumettre un plan d'affaire puisque celui-ci ne peut révéler que le degré d'imagination du candidat ou de son conseiller.
Voici un extrait d'une dernière lettre adressée par un candidat d'Arabie Saoudite, dont la demande a été rejetée par un agent d'immigration de Riyad. Voici ce que l'agent lui a écrit:
- Votre plan d'entreprise n'est remarquable que par son degré de flou. Ce facteur, conjugué aux
faibles ressources financières dont vous disposez, me fait très sérieusement douter de votre
aptitude à lancer et à gérer un projet commercial au Canada.
- Comme je vous l'ai indiqué, je réserve encore ma décision pour vous permettre de préparer un
plan d'entreprise plus détaillé, qui devrait comprendre au minimum une étude de marché
exhaustive, une justification sérieuse de la part de marchés que vous envisagez, une analyse de
flux de caisse pour vos deux premières années d'activité, et des prévisions de rentabilité.
Envisagez cependant le cas de quelqu'un arrivant à Halifax, Yarmouth ou ailleurs au Cape Breton et qui se rend compte, pour une raison ou une autre, qu'il ne peut ouvrir l'entreprise de fabrication ou le cabinet de consultation qu'il avait envisagé. Sachant qu'il a encore deux ans pour répondre aux conditions qui ont été fixées, il va essayé de faire autre chose. Il me semble donc un peu stupide d'encourager des candidats à dépenser plus d'argent pour préparer des propositions par lesquelles ils ne seront de toute façon pas liées.
Aucune autre catégorie d'immigrants n'est obligée de démontrer son intention de respecter ses plans, et l'on indique nulle part dans la réglementation de 1978 que l'on va suivre des activités des immigrants acceptés au Canada pour s'assurer qu'ils respectent bien leurs intentions.
Il est en outre parfaitement clair, à l'article 19(1) de la Loi sur l'immigration, que des procédures d'expulsion peuvent être lancées contre les candidats qui échouent. Ce dont le Canada a le plus besoin aujourd'hui, c'est d'immigrants qualifiés, ayant des compétences exploitables et l'esprit d'entreprise, et non pas de devins fédéraux assis dans un bureau d'immigration pour essayer de prévoir qui va réussir et qui va échouer.
Dans bien des cas, les agents d'immigration ne sont plus en contact avec la réalité canadienne, parce qu'ils sont depuis tellement longtemps établis à l'étranger, ce qui permet de douter de leurs connaissances réelles des réalités économiques contemporaines du Canada.
Ce phénomène est d'ailleurs renforcé par le manuel IS-5 de l'immigration, dont l'annexe précise que:
- Les agents d'immigrant ne sont pas des spécialistes de la finance ou des affaires et risquent
d'avoir des difficultés à comprendre des états et documents financiers complexes.
M. Arrizza va maintenant aborder certains des problèmes qui se posent dans les bureaux du Moyen-Orient.
M. Arrizza: Nous avons choisi le Moyen-Orient uniquement comme exemple. Selon nos informations, ce que je vais vous dire s'applique aussi bien dans d'autres régions du monde.
Nous vous avons remis une feuille indiquant le nombre total de demandes reçues dans les diverses ambassades canadiennes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, ainsi qu'à Londres et à Paris. Je vais commencer en invoquant certains des problèmes qui sont apparus ces dernières années, et que confirment les statistiques figurant sur cette page.
Le bureau de Damas, tout comme celui de Riyad, a été complètement réorganisé ces dernières années, et nous avons essayé de voir pourquoi.
Fin 1993, William Farrell est venu remplacé David Clark à Damas. Bien que le nombre de demandes d'immigration passant par son bureau n'ait pas retrouvé les niveaux d'autrefois, en grande partie à cause du processus de paix au Liban, le bureau est aujourd'hui plus efficient, il donne l'impression d'être équitable, et il a beaucoup moins de dossiers en retard qu'autrefois. En 1992 et 1993, il fallait au bureau de Damas environ 18 mois pour traiter un dossier, alors qu'il ne lui faut plus aujourd'hui qu'entre six et neuf mois.
En contrepartie, on a constaté une baisse spectaculaire des demandes présentées au bureau du Caire, ainsi qu'une hausse tout aussi spectaculaire du nombre de demandes retirées. Les chiffres figurant sur cette page montrent clairement que le nombre de demandes présentées au bureau du Caire entre 1991 et 1994 est tombé de 266 à 48, soit une baisse de 82 p. 100. Si l'on compare la situation avec les autres ambassades, on constate qu'il y a eu là aussi une certaine diminution, mais quasi négligeable.
Nous avons essayé de comparer la situation entre les divers bureaux. Il y a cependant un autre fait troublant concernant le bureau du Caire, c'est la hausse considérable que l'on a consatée pendant la même période du nombre de demandes d'immigration retirées. Ce phénomène n'a cependant rien d'étonnant. Lorsqu'un bureau d'immigration à l'étranger est inefficace, on constate que les candidats retirent généralement leur dossier pour le transférer à une autre ambassade canadienne, ce qui rend le bureau d'origine quasi inactif.
Le vice-président (M. Assadourian): Avant de vous laisser poursuivre, puis-je vous demander d'aborder également l'ouvrage Diminishing Returns, lorsque vous en aurez terminé avec les problèmes que connaissent les conseillers en immigration, puisque tel est l'objet de nos audiences. Nous vous en serions reconnaissants.
M. Arrizza: J'y arrive. Ce que nous essayons de vous montrer, c'est qu'il y a une différence entre la manière dont fonctionnent les différentes ambassades du Canada l'étranger, ce qui influe sur l'impression d'équité qu'en ont les candidats à l'immigration. Lorsque les candidats ne sont plus satisfaits, ils retirent leur dossier de l'ambassade concernée et les transfèrent dans une autre, qui fonctionne bien, mais celle-ci se trouve alors rapidement débordée et elle ne plus satisfaire à la demande. Cela est un grave problème pour les candidats, qui constatent que leur demande est refusée alors qu'ils ont le sentiment d'être aussi qualifiés que d'autres, et c'est un problème aussi pour les conseillers en immigration, qui ont du mal à faire face à ce type de situation.
Nous avons le sentiment que l'on donne trop de pouvoir aux agents d'immigration des ambassades canadiennes, et qu'ils ont tendance à en abuser si on ne leur impose pas un contrôle suffisant. Voilà pourquoi nous parlons uniquement de Damas, du Caire et de Riyadh.
À Riyadh, les choses ont complètement changé sur une période de quatre ans. C'est pourquoi, il fallait trois ans au bureau pour traiter un dossier, aujourd'hui, il faut huit mois. Ce changement s'explique uniquement parce qu'on a remplacé complètement les cadres qui restent au bureau.
Nous croyons que les fonctionnaires qui sont responsables de ces territoires, à Ottawa, devraient se rendre plus souvent sur place pour veiller à ce que les principes et les lignes directrices relatives à l'immigration soient appliquées de manière cohérentes à l'échelle nationale. Pour ce faire, la seule solution est de mettre en place un système d'évaluation permettant de surveiller en permanence le rendement et la compétence des agents d'immigration, en fonction du nombre de dossiers traités et de la qualité des candidats.
En règle générale, plus il y a de dossiers en retard dans un bureau, et plus on peut penser que celui-ci ne fonctionne pas bien. En outre, s'il y a dans la région un autre bureau qui traite les dossiers en huit à neuf mois, il risque d'être rapidement inondé et de prendre des retards parce que beaucoup de dossiers lui sont transférés par des candidats qui s'étaient adressés auparavant au bureau ne fonctionnant pas bien.
Le vice-président (M. Assadourian): Puis-je vous demander de conclure, pour que nous puissions vous poser des questions? Merci.
M. Moorhouse: J'aimerais faire quelques dernières remarques en guise de conclusion.
À notre avis, les candidats entrepreneurs devraient être tenus de verser une caution à la province dans laquelle ils sont candidats, caution qui leur serait remboursée lorsqu'ils auraient fait une offre d'achat d'une entreprise ou qu'ils auraient pris résidence localement. S'il ne crée pas d'entreprise dans la province annoncée, celle-ci conserverait leur caution. Cela serait indiqué clairement au candidat lors de l'entrevue et avant d'approuver sa demande. Finalement, si le candidat ne crée aucune entreprise, même dans une autre province, il serait toujours assujetti à des procédures d'expulsion.
Le programme d'immigration d'investisseurs est aujourd'hui devenu un fardeau, sous sa forme actuelle, à cause de l'entente bilatérale que le Québec a signé avec le gouvernement fédéral. En effet, cette entente constitue incontestablement un handicap pour les autres provinces, puisque, dans le cadre du programme du Québec, les fonds des investisseurs sont pleinement garantis, de manière indirecte, et en général avec une cote double A. Or, nous ne croyons pas que le but du programme d'immigration d'investisseurs était de protéger les banques et les conseillers en immigration. Il s'agissait d'aider les différentes régions à attirer des investisseurs, dans un but de croissance économique locale.
Nous estimons que l'on devrait abolir toutes les formes de garanties, pour que les fonds apportés par les immigrants soient vraiment du capital à risque, réellement investis au Canada. En outre, comme la plupart des courtiers sont contrôlés par des banques, celles-ci obtiennent deux commissions différentes au Québec - la première une commission de courtage et la deuxième, une commission de financement des projets. Encore une fois, cela revient avec plus de capital entre les mains des grands établissements financiers - c'est-à-dire des entreprises même que le gouvernement fédéral invite depuis des années à consentir des prêts aux petites entreprises.
Citoyenneté et Immigration Canada devraient tenter d'égaliser les règles du jeu entre le Québec et les autres provinces, pour que celles-ci ne soient pas défavorisées face au Québec, simplement parce qu'elles n'ont pas négocié d'ententes bilatérales avec le gouvernement fédéral. Depuis quelques années, ce dernier se montre d'ailleurs réticent à entreprendre de nouvelles négociations bilatérales avec les provinces intéressées comme la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Ecosse.
Puisque vous voulez passer à la période de questions, je ferais une dernière remarque.
Comme plus de 75 p. 100 de tous les dossiers présentés dans les différentes ambassades le font par le truchement de conseillers en immigration, nous estimons que le rôle de ces derniers est extrêmement important pour assurer le succès du programme. En outre, on peut se demander, face à ces chiffres si les missions canadiennes à l'étranger pourraient vraiment être efficaces sans l'aide de conseillers en immigration.
Nous croyons qu'il faudrait établir un système d'enregistrement obligatoire des personnes qui veulent intervenir au nom de candidats à l'immigration, contre paiement d'une commission, d'une récompense ou d'une forme quelconque de rémunération, et nous croyons aussi que les conseillers eux-mêmes devraient être connus de verser une caution au gouvernement fédéral pour garantir qu'ils respectent les règlements fédéraux et provinciaux.
Comme il s'agirait d'une caution d'assurance, il appartiendrait à la compagnie d'assurance plutôt qu'au gouvernement fédéral de vérifier les compétences du conseiller. Toutefois, si ce dernier enfreignait les règlements gouvernementaux, ou si certains de ses clients étaient mécontents, le gouvernement et le client auraient tous deux droit à la caution.
Finalement, il faudrait mettre sur pied un registre national des gestionnaires de fonds d'immigrants investisseurs, afin d'accélérer le traitement des demandes futures.
Puisque l'enregistrement serait volontaire, personne ne serait obligé de s'enregistrer mais cela accélèrerait le processus d'approbation des dossiers de gestionnaires ayant déjà fait leurs preuves, et cela offrirait en outre aux candidats à l'immigration la possibilité de choisir entre plusieurs gestionaires avant d'engager leurs fonds et leur énergie.
Cela garantirait aussi que les gestionnaires voulant se lancer dans ce secteur d'activité n'en seraient pas automatiquement exclus, à condition qu'ils passent par le processus actuellement en vigueur pour faire traiter leurs propositions.
Voilà ce que nous avions à dire, monsieur le président. Nous avions préparé un exposé un peu plus long mais nous sommes maintenant tout à fait prêts à passer aux questions.
Le vice-président (M. Assadourian): C'est ce que je préférerais car nous devrons participer à un vote dans une demi-heure.
Mme Gagnon, voulez-vous commencer?
[Français]
Mme Gagnon: Il reste très peu de députés pour vous poser des questions. J'espère donc que je n'aurai pas à vous retenir pendant une demi-heure. Vous semblez assez positif quant aux retombées économiques des investisseurs étrangers et des immigrants investisseurs. Pouvez-vous me dire combien d'entreprises rentables les investisseurs étrangers font naître au Canada chaque année?
M. Arrizza: On peut parler seulement des compagnies qui étaient établies par des entreprises internationales. À Halifax, en 1988, pour finaliser une demande, il fallait deux ans ou deux ans et demi. En 1990-1991, 104 familles se sont établies en Nouvelle-Écosse.
Mme Gagnon: Mais vous n'avez pas de chiffres plus globaux pour l'ensemble du Canada? Par exemple, combien d'entreprises sont mises sur pied par les investisseurs étrangers et sont viables à long terme?
M. Arrizza: Nous n'avons pas ces statistiques. Les chiffres que nous avons proviennent, entre autres, de nos clients, les compagnies qui font venir les immigrants. Pour ce qui est des autres consultants, nous n'avons aucune idée de ceux qui restent. Une seule chose nous a surpris. Sur 360 familles qui s'étaient établies en Nouvelle-Écosse, 304 y sont restées.
Mme Gagnon: Monsieur Moorhouse, vous avez dit que certaines demandes était refusées par les agents d'immigration et que vous pensiez que les demandes n'étaient pas traitées de façon efficace. Pourriez-vous nous dire dans quel secteur d'activité économique ces gens avaient fait leur demande? Il serait peut-être intéressant de savoir si c'est dû à un développement économique qui ne correspond peut-être pas à certaines régions du Canada et si c'est pour cela qu'on n'a pas donné de suite favorable aux demandes.
[Traduction]
M. Moorhouse: Les décisions sont prises par les agents d'immigration qui examinent les dossiers et les évaluent en fonction des critères établis pour la catégorie des immigrants entrepreneurs.
Les critères sont essentiellement que l'entrepreneur doit être capable d'établir ou d'acquérir une entreprise, de l'exploiter avec succès, et de créer un emploi pour au moins un autre Canadien ou immigrant reçu.
Je suppose que les demandes qui ont été rejetées par le bureau du Caire ou par celui de Riyadh, dans les trois exemples que je vous ai donnés, sont probablement passés par des bureaux différents, à des périodes différentes.
En fait, nous avions la certitude qu'aucune de ces demandes ne devait poser de problèmes. Le candidat dont je vous ai parlé, qui avait une somme substantielle en dinar koweitien, avait l'intention d'ouvrir un supermarché dans les maritimes. Sa demande n'a pas été rejetée parce qu'elle n'était pas valide pour la Nouvelle-Écosse mais plutôt parce que l'agent d'immigration supposait que ce genre d'entreprise était voué à l'échec et que le candidat ne pourrait subvenir aux besoins de sa famille, ce qui en ferait un fardeau pour les services sociaux de la province.
Les pouvoirs discrétionnaires des agents d'immigration sont très vastes, et c'est à cause de cela que les dossiers de certains candidats à l'immigration dans la catégorie des entrepreneurs sont rejetés.
Nous proposons et recommandons que ces pouvoirs soient restreints et que les règlements soient plus normalisés, afin que le processus de décision ne relève pas du Bureau des visas et que les immigrants entrepreneurs aient la possibilité de tenter leur chance dans la province où ils veulent s'établir, après avoir versé un caution à la province. S'ils ne respectent pas leurs obligations, la province pourrait saisir la caution. S'ils respectent leurs obligations et sont libérés des conditions de leur entrée au Canada, la caution leur serait rendue.
S'ils ont suffisamment de conviction pour venir s'établir au Canada, et s'ils ont prouvé qu'ils ont les actifs nécessaires pour ce faire, ainsi que l'expérience et la volonté requises, on ne devarit pas les priver de cette chance, surtout si l'on songe aux retombées économiques dont nous avons la preuve pour la province de la Nouvelle-Écosse. Je vous rappelle que nous parlons de 200 millions de dollars sur sept ans, ce qui est loin d'être négligeable dans une province connaissant des difficultés économiques et recevant peu d'argent frais des établissements financiers.
[Français]
Mme Gagnon: J'aurais une dernière question à poser à M. Arrizza. Vous dites que vous offriez jadis ce service au Québec et qu'à la suite de l'adoption de la loi sur la langue française, vous n'étiez plus en mesure d'offrir ce service parce que les immigrants ne voulaient pas apprendre le français, je crois.
M. Arrizza: Le ministère de l'Immigration du Québec imposait deux conditions. Le ministère voulait plus de candidats qui parlaient le français alors que ces candidats étaient surtout des Chinois et des Arabes qui ne le parlaient pas. Le système est donc devenu trop difficile pour qu'on puisse l'accepter. Par exemple, au cours de l'été 1988, nous avons fait venir 15 Chinois à Montréal pour des entrevues avec le ministère des Affaires culturelles. Le ministère n'a pu donner des rendez-vous à ces personnes. Il exigeait qu'on lui fasse parvenir le dossier, y compris tous les documents pertinents, de chacune de ces personnes un mois à l'avance et voulait les interviewer une semaine après avoir fixé un rendez-vous.
Ce système-là ne fonctionne pas dans le marché. Il n'était pas possible de faire venir les candidats dans les délais fixés par les agents. Les candidats viennent surtout l'été parce que les enfants ne sont plus à l'école. Ils sont venus visiter le Québec et Montréal. Il y a beaucoup de Chinois qui habitent aujourd'hui Brossard dans la banlieue de Montréal. Ils viennent surtout l'été parce que les enfants ne sont pas à l'école. Ils sont venus voir le Québec et Montréal. À un moment donné, il était très difficile d'obtenir un rendez-vous et les conditions quant à l'acceptation d'un candidat sont devenues trop sévères.
Par exemple, on avait accepté des candidats pour Québec. Les agents d'immigration ont fait les entrevues et les candidats ont été acceptés comme investisseurs. Alors que le dossier était encore à Hong Kong, l'agent au bureau de Hong Kong avait changé le dossier: il avait indiqué «entrepreneur» au lieu d'«investisseur». Il a fallu rembourser les frais. La compagnie qui faisait venir ces personnes a alors considéré que le gouvernement ne voulait plus ces candidats. Nous ne pouvions pas fonctionner avec les règlements imposés par le gouvernement.
Maintenant, il y a beaucoup moins de demandes pour immigrer au Québec. Notre compagnie traitait annuellement 400 dossiers de familles voulant venir au Canada, dont 35 p. 100 étaient des Chinois. Les autres provenaient du Pakistan, des Indes et du Moyen-Orient.
[Traduction]
Le vice-président (M. Assadourian): Je voudrais vous poser une question. Supposons que je sois un homme d'affaires du Moyen-Orient - du Caire, de Damas ou du Soudan - et que je possède 500 000$. Si je veux venir au Canada, qu'est-ce que je dois faire? Vous téléphonez ou vous écrire?
M. Arrizza: Ça ne se passe pas comme cela, et c'est probablement l'idée fausse la plus largement répandue au Canada. Normalement, je dois aller rencontrer les candidats dans leur pays. On fait de la publicité dans leur région, en annonçant que l'on va s'y rendre pour offrir des services d'investissement et d'immigration au Canada. On rencontre alors la personne, et il se peut qu'on doive la rencontrer à plusieurs reprises sur une période pouvant aller jusqu'à trois ans. Je connais certains clients dont j'ai entendu parler il y a cinq ans et qui viennent seulement de décider qu'ils veulent immigrer.
Le vice-président (M. Assadourian): Je vais vous poser une autre question.
Vous allez au Caire, vous annoncez dans les journaux que vous êtes un conseiller en immigration au Canada. Quelle commission demandez-vous aux candidats? Comment la calculez-vous?
M. Arrizza: Nos services coûtent 3 500$ ou 6 500$ américains.
Le vice-président (M. Assadourian): Par personne? Par demande?
M. Arrizza: Par demande, par famille.
Les 6 500$ correspondent à un contrat de service complet, ce qui veut dire que l'on aide le client jusqu'au moment où il s'établit au Canada, ce qui va même jusqu'à l'aider à trouver un appartement, à inscrire ses enfants à l'école, à obtenir les services d'électricité et à obtenir le téléphone.
Nous offrons aussi un contrat de service limité, dans le cadre duquel nous aidons le client jusqu'au moment où il présente sa demande et où il obtient un numéro de dossier du gouvernement fédéral. Je précise au demeurant, puisque vous me posez la question, que 2 000$ des 6 500$ restent dans notre bureau à l'étranger.
On ne peut pas se contenter d'aller dans une ville, de prendre une chambre d'hôtel, de faire de la publicité et de s'en aller. Ça ne marche pas comme cela. Il faut un bureau permanent, auquel les candidats pourront téléphoner s'ils ont des questions à poser. Il faut donc ouvrir un bureau dans chacune des grandes villes où l'on veut fournir les services.
Le vice-président (M. Assadourian): Êtes-vous en train de me dire que vous avez des bureaux au Caire, à Damas, à Riyadh, à Dubai, à Londres et à Paris?
M. Arrizza: Oui, nous avons des bureaux affiliés au Caire et dans tous ces pays.
Le vice-président (M. Assadourian): Supposons que je vous aie versé 3 500$ au Caire et que je change ensuite d'avis. Supposons que je veuille retirer ma demande.
M. Arrizza: Notre contrat comprend une clause de remboursement complet, sous réserve de conditions médicales ou de sécurité. Autrement dit, si le dossier est refusé pour toute raison autre qu'une raison médicale ou de sécurité, nous remboursons le montant complet, y compris la somme déposée à l'origine.
Le vice-président (M. Assadourian): Autrement dit, vous garantissez l'admission...
M. Arrizza: Non, nous ne garantissons rien. Nous évaluons le dossier du candidat pour voir s'il a de bonnes chances de réussir. Si nous estimons que tel est le cas, nous sommes prêts à le rembourser si sa demande est refusée. C'est la même chose dans n'importe quel autre secteur d'activité. Si vous n'obtenez pas le service voulu, vous ne payez pas.
Par contre, si le candidat a remis des informations erronées, il n'est pas remboursé. De même, s'il retire sa demande. S'il n'a pas donné des informations adéquates aux bonnes personnes sur un problème médical, il n'est pas remboursé. S'il n'est pas accepté parce qu'il cause un problème du point de vue de la sécurité, et qu'il ne l'a pas indiqué au départ, il n'est pas remboursé. Le droit au remboursement se limite donc à quelques cas assez rares.
Le vice-président (M. Assadourian): Aidez-vous vos clients à obtenir une cote de sécurité, par exemple, des services de police du Caire ou de Damas?
M. Arrizza: Non. Normalement, on leur demande d'aller au poste de police le plus proche de leur lieu de résidence, que ce soit au Caire ou ailleurs, car il n'est pas rare qu'ils aient des enfants faisant des études aux États-Unis ou en Angleterre et qu'ils doivent donc obtenir également une autorisation de sécurité de ces pays.
Le vice-président (M. Assadourian): En ce qui concerne les candidats que vous jugez qualifiés pour immigrer comme gens d'affaires au Canada, quel est votre taux de succès?
M. Arrizza: En affaires?
Le vice-président (M. Assadourian): Non, à l'immigration.
M. Moorhouse: Que voulez-vous dire quand vous parlez de succès?
Le vice-président (M. Assadourian): Supposons ue vous ayez organisé des entrevues pour 100 personnes au Caire et que, selon vous, 50 soient qualifiées. Ces personnes vous ont remis leur argent et vous êtes venu ici...
M. Arrizza: Je remettrais...
Le vice-président (M. Assadourian): Veuillez me laisser finir la question.
Sur les 50, combien obtiendront le droit d'immigrer au Canada?
M. Arrizza: Autrement dit, combien obtiendront un visa canadien?
Le vice-président (M. Assadourian): Oui.
M. Arrizza: Cela varie d'une ambassade à l'autre. Je précise cela parce qu'il y a eu des cas où des personnes ont été rejetées par une ambassade mais acceptées par une autre où elles avaient représenté leur dossier.
Notre taux de succès, après avoir évalué les candidats, est de l'ordre de 90 p. 100 à 95 p. 100.
Le vice-président (M. Assadourian): Si une personne vous donne 3 500$ américains pour un contrat de service limité et que son dossier traîne considérablement, pour des raisons variables, en passant d'une ambassade à une autre, faites-vous payer plus cher?
M. Arrizza: Non, notre commission reste la même. De fait, vous savez probablement que tous les dossiers qui se trouvaient à l'ambassade du Canada au Koweit ont été détruits pendant la guerre du Golfe. Le gouvernement canadien les a fait détruire avant d'abandonner l'ambassade. Il a fallu remplacer tous les dossiers et il a fallu présenter de nouvelles demandes pour tous les candidats, dans les diverses ambassades qui restaient ouvertes à l'époque, et cela n'a rien coûté de plus aux candidats.
Vous devez bien comprendre qu'un conseiller qui tient à durer sur ce marché n'a aucun intérêt à exploiter ses clients car la plupart viennent par le bouche-à-oreilles. La publicité que nous faisons localement vise simplement à faire savoir aux gens que nous serons dans leur ville à un certain moment. Par contre, les personnes qui s'adressent à nous ont connu notre existence par d'autres personnes que nous avons réussi à faire immigrer.
M. Moorhouse: Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de catégories différentes de conseillers en immigration. Notre groupe est le plus important dans les Maritimes, et je suis prêts à parier que nous sommes encore l'un des plus importants à partir du Québec.
Nous avons bâti notre entreprise grâce à notre solide réputation. Nous faisons preuve de loyauté à l'égard de nos clients et nous établissons avec eux des relations de confiance. C'est la seule manière de réussir comme conseiller à l'immigration et de rester en activité pendant plus de 15 ans, en connaissant toujours autant de succès qu'autrefois. Le fait que nous ayons plus de 200 millions de dollars d'actifs nets dans une province en témoigne clairement.
Vous entendrez peut-être parler plus tard d'autres types de conseillers à l'immigration, mais tous ne travaillent pas comme nous. C'est un peu comme les politiciens, qui ne se ressemblent pas tous. Vous entendrez parler de barêmes de commission tout à fait différents, et de services très variables.
Nous devrions également sans doute reconnaître publiquement que tous les conseillers à l'immigration ne sont pas nécessairement honnêtes. Tous n'ont pas des contacts locaux. Certains travaillent à partir d'u ne chambre d'hôtel au Moyen-Orient. Ils n'ont pas de services de soutien locaux. Ce ne sont pas des professionnels. Ils n'ont pas de contacts auprès du gouvernement et des ambassades.
Cela ne les empêche pas de prendre l'argent de leurs clients. La catégorie des indépendants, dont vous parliez plus tôt, est une manne pour certains conseillers à l'immigration car tout ce que ceux-ci ont à faire, dans leur cas, c'est de remplir un formulaire et de l'envoyer à l'ambassade. Hélas, le candidat du Yémen ou d'Amman va penser qu'il a obtenu un service exceptionnel qu'il lui a coûté 5 000$, alors qu'il aurait fort bien pu envoyer son formulaire lui-même.
Nous ne nous contentons pas de remplir des formulaires. Nous consultons les clients et nous évaluons leur dossier. S'ils demandent le contrat de service complet, ce que nous sommes l'un des rares organismes de conseil à offrir, nous les aidons jusqu'à l'arrivée au Canada. Nous les aidons même ici à chercher des possibilités d'affaires.
Ne croyez donc pas que tous les conseillers en immigration se resemblent.
Le vice-président (M. Assadourian): Je n'en doute pas, et pour cela que nous organisons ces audiences.
Vous avez combien d'employés.
M. Moorhouse: Au Canada ou à l'étranger?
Le vice-président (M. Assadourian): En tout.
M. Arrizza: Nous en avons cinq à Montréal et six à Halifax. À l'étranger, nous n'avons d'employés au sens propre mais plutôt des personnes qui travaillent exclusivement pour nous. Ce sont des personnes qui ont leur propre bureau, dont elles assument les dépenses, et qui partagent une partie de la commission que nous recevons pour chaque dossier. De fait, ces personnes reçoivent généralement leur commission avant nous, à Montréal.
Le vice-président (M. Assadourian): Faisons marche-arrière un instant. Prenons le cas d'une personne qui est venue s'établir en Nouvelle-Écosse et qui a voulu y investir des fonds. Comment est géré votre fonds d'investissement en Nouvelle-Écosse?
M. Moorhouse: Le Fonds de Nouvelle-Écosse est approuvé à la fois par la gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial. Une fois qu'il est établi, le candidat obtient tous les prospectus et vérifie son admissibilité en vertu des règlements. Ensuite, lorsqu'il arrive au Canada, il est tenu de verser 250 000$ dans un fonds enregistré d'immigrant investisseur.
M. Arrizza: Veuillez m'excuser, ce n'est pas exactement ce que je vous demandais. Parlez-vous des investisseurs ou des entrepreneurs, ou parlez-vous du moment où ils arrivent au Canada?
Le vice-président (M. Assadourian): Oui.
M. Arrizza: Parlez-vous des investisseurs ou des entrepreneurs?
Le vice-président (M. Assadourian): Des entrepreneurs.
M. Moorhouse: Ce n'est pas ce dont je vous parlais.
M. Arrizza: Comme vous le savez, on inscrit sur le visa des entrepreneurs la condition qu'ils lancent une entreprise dans les deux années suivant leur arrivée. Lorsqu'ils sont immigrants reçus, ils retournent généralement dans leur pays pendant six ou sept mois, pour régler toutes les affaires locales. Dans la plupart des cas, leur mobilier viendra plus tard. Généralement, et aujourd'hui plus que jamais, cela s'explique parce que les candidats ont six mois pour être immigrant reçu après avoir obtenu leur visa.
Il y a quelques années, on leur donnait une année pour ce faire, ce qui leur permettait de régler toutes leurs affaires. En outre, les candidats essaient d'obtenir le statut d'immigrant reçu sans perturber les études de leurs enfants. Parfois, ils viennent ici mais leurs enfants restent à l'école dans leur pays d'origine. Ils doivent donc revenir pendant l'été pour obtenir le statut d'immigrant reçu.
Pour ce qui est des entrepreneurs, ils se mettent généralement à chercher une entreprise ou à exercer une activité pendant près d'une année avant de se lancer vraiment. Comme nous l'avons dit, nous avons en Écosse 104 entreprises qui ont été lancées et qui sont en pleine activité.
L'un de nos clients est l'un des plus gros constructeur de maisons de la Nouvelle-Écosse. Il est arrivé il y a trois ans et c'était l'un de nos premiers clients. Il semble avoir troué un créneau beaucoup plus facilement en Nouvelle-Écosse que dans une province comme le Québec.
Généralement, les entrepreneurs ne commencent pas avec un investissement de 500 000$ mais plutôt de 25 000$, 50 000$ ou 100 000$.
Le vice-président (M. Assadourian): Merci.
Mme Young: Je voudrais poser quelques questions. Si je me souviens bien, vous avez que 75 p. 100 des dossiers d'entrepreneurs réglés à l'étranger bénéficient de l'intervention ou...
M. Moorhouse: Proviennent.
Mme Young: Ou proviennent de conseillers. Quelle est la proportion de ces conseillers qui opèrent exclusivement à l'étranger, ou ont-ils tous un siège social au Canada.
M. Arrizza: La plupart des conseillers qui travaillent au Moyen-Orient ont des bureaux au Canada, si j'en juge d'après ceux que je connais à Montréal et à Halifax. Par contre, j'ai constaté que ceux qui travaillent au Pakistan, à Taïwan et à Hong Kont n'ont pas nécessairement tous un siège social au Canada. Ils se contentent d'utiliser un avocat canadien ou un intermédiaire. Généralement, ils sont établis à l'étranger.
Mme Young: Vous avez dit que les conseillers devraient obligatoirement obtenir un permis. Est-ce bien cela? Qui le délivrerait?
M. Arrizza: Nous préférerions que ce soit le gouvernement...
Mme Young: Le gouvernement fédéral?
M. Arrizza: ...oui, le gouvernement fédéral, même s'il s'agit simplement de tenir un registre des gens qui travaillent dans ce secteur.
Après cela, on pourrait fixer des normes pour voir lesquelles devraient être homologuées. Pour ceux qui commettent des infractions, je crois que l'on devrait avoir un registre public.
Mme Young: Nous nous sommes laissés dire que ce genre de système exhaustif d'homologation risquerait d'être jugé anticonstitutionnel. Qu'en pensez-vous?
M. Arrizza: Voulez-vous dire qu'il pourrait être contesté au titre de la Charte?
Mme Young: Non, qu'il ne serait pas constitutionnel si c'était le gouvernement fédéral qui s'en occupait, étant donné que la réglementation des professions relève normalement des provinces, selon la répartition des pouvoirs.
M. Moorhouse: Dans ce cas, on peut envisager une autre solution. On pourrait avoir un système de permis à l'échelle provinciale, et les provinces pourraient accepter de partager leurs informations.
On pourrait cependant dire que le gouvernement fédéral détient des pouvoirs en la matière, du point de vue de l'immigration des entrepreneurs, et que cela influe également sur la possibilité pour les provinces de régir certains aspects du commerce, ainsi que des droits civils et des droits à la propriété. On pourrait également établir le registre à l'échelle provinciale et communiquer les renseignements à un centre d'information fédéral auquel les gens pourraient poser des questions.
Mme Young: À la suite à une audience que nous avons tenue avec des représentants du
ministère, nous avons eu l'impression que le gouvernement fédéral serait assez réticent à mettre
lui-même sur pied un système d'homologation, mais qui serait peut-être prêt à l'envisager s'il était
géré par des organismes privés. Celle à laquelle on peut penser, qui existe déjà, est l'OPIC
Organization of Professional Immigration Consultants.
Que penseriez d'un établissement d'un système d'homologation de cette manière?
M. Arrizza: Je vous répondrais simplement que le Québec a déjà tenté de mettre sur pied une organisation ou une association de conseillers en immigration. Bien que cette organisation ait existé pendant près de deux ans, ses membres n'ont jamais réussi à s'entendre et il y a toujours eu des dissensions. De fait, l'organisation n'a même pas réussi à organiser une rencontre avec le ministre.
Finalement, ce genre d'organisation coûte cher. Pour les petits conseillers, une cotisation de 100$ par an était excessive, alors que les plus gros n'avaient aucune difficulté à verser 5 000$ par an. L'essentiel serait de toute façon que l'association soit correctement financée, de façon à être bien gérée et à pouvoir entreprendre des démarches auprès des divers ministères.
Je crois cependant que cela ne marcherait pas parce que les gens n'arriveront pas à s'entendre, à moins que l'on établisse des règlements parfaitement clairs et que l'on soit obligé d'adhérer à l'organisation. Si ce n'est pas obligatoire, ça ne tiendra pas.
Le vice-président (M. Assadourian): Je crois que nous allons conclure car on nous appelle pour le vote. Nous allons devoir partir.
Nous vous remercions très sincèrement de votre témoignage, et j'espère que nous aurons à nouveau l'occasion de collaborer. Nous tenons à bien comprendre votre secteur d'activité et à voir ce que nous pouvons faire pour vous aider. C'est là l'objectif du sous-comité.
Encore une fois, je vous remercie beaucoup de votre comparution. Vous avez fait un excellent travail.
M. Arrizza: Merci de votre accueil.
Le vice-président (M. Assadourian): La séance est levée.