Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 juin 1995

.1815

[Traduction]

Le président: Je précise que la séance devait commencer à 17h30. Nous avons pris du retard en raison du vote. Le comité principal, lui, se réunit à 19h30 dans un autre immeuble. Voilà pourquoi, messieurs, nous vous avons demandé à tous les deux de comparaître ensemble.

Comparativement à d'autres comités, les formalités sont réduites au minimum au sein de ce comité qui étudie la question de la réglementation des activités des consultants en immigration.

Monsieur Waldman, comme votre nom figure en premier sur notre liste, je vous prie de commencer.

M. Lorne Waldman (témoignage à titre personnel): Je m'en tiendrai, dans mon entrée en matière, aux questions qui me semblent revêtir le plus d'intérêt. Je répondrai ensuite avec plaisir à vos questions.

L'expérience que j'ai acquise en matière d'immigration tient au fait que j'ai été consulté à plusieurs reprises par des organismes et groupes qui oeuvrent dans le domaine.

Compte tenu de la question du partage des pouvoirs, l'une des questions qui se pose est naturellement de savoir dans quelle mesure et jusqu'à quel point il est possible de réglementer les activités des consultants en immigration. Le Barreau du Haut-Canada s'est adressé à moi au moment de formuler sa position au sujet du rapport de l'Ianni sur les consultants en immigration. Des cadres du ministère de l'Immigration, le ministre lui-même ainsi que des représentants du Barreau se sont alors réuni pour discuter de différents aspects de la question de la réglementation. Le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement fédéral ne semblaient parvenir à s'entendre sur leur compétence respective dans ce domaine. Fort d'un avis juridique, le gouvernement fédéral soutenait alors ne pas être en mesure de réglementer ce secteur d'activités alors qu'il semble aujourd'hui soutenir le contraire.

Il faut donc être conscient de cette difficulté ainsi que de la possibilité que certains, faisant valoir qu'on porte atteinte à leur droit de gagner leur vie, invoquent la Charte. Une contestation judiciaire de la réglementation est à craindre.

Pour bien cerner le problème, j'ai pensé qu'il serait utile de répartir les activités des consultants en trois catégories. Les consultants jouent auprès de leurs clients à peu près le même rôle que les avocats spécialistes du droit de l'immigration. J'aimerais préciser que comme pour les avocats, il y a de bons consultants et des mauvais.

La grande différence, c'est que comme l'exercice de la profession d'avocat est plus ou moins réglementé par les Barreaux de chaque province, ceux qui ont à se plaindre de leur conduite ont donc un recours. L'existence même des Barreaux impose une certaine discipline aux avocats. Ceux-ci savent que tout écart de conduite de leur part, qui peut ne pas nous paraître à tous très évident, les expose au courroux de leur Barreau.

À cela s'ajoute le fait que les consultants en immigration représentent des clients qui soumettent une demande d'immigration ou de visa à l'étranger. Ils représentent aussi des gens devant différents tribunaux au Canada comme la section d'appels de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui entend les appels au sujet des ordonnances d'expulsion et des accords de parrainage. Chaque fois que je me présente devant ces tribunaux, j'y vois d'ailleurs inévitablement un consultant en immigration.

.1820

Les consultants représentent aussi les demandeurs du statut de réfugié devant la section du statut de réfugié et ils représentent aussi souvent lors des enquêtes d'immigration des gens qui font l'objet d'une ordonnance de détention ou d'expulsion. Voilà pour ce qui est des tribunaux.

En troisième lieu, les consultants exercent aussi leur activité au Canada même. Il s'agit de tout le reste comme les demandes d'immigration fondées sur des motifs humanitaires, toutes les demandes de prolongation de permis de travail ainsi que les visas de visiteurs.

La distinction que je viens de faire entre ces trois catégories est très importante, à mon avis, parce que les problèmes qui se posent à l'égard de chacune d'elles diffèrent, d'où la nécessité éventuelle d'une réglementation propre à chaque secteur d'activité. Il ne faut pas négliger cette distinction.

En troisième lieu, j'aimerais vous parler des domaines d'application possible de la réglemention. Le Barreau du Haut-Canada m'a demandé mon avis au sujet de la question des poursuites. L'un de mes clients avait été représenté par quelqu'un qui prétendait être avocat. Nous avons saisi le Barreau de la question et des poursuites ont été intentées contre ce consultant en immigration, poursuites qui ont d'ailleurs abouti à un jugement contre celui-ci. C'était d'ailleurs la première fois que cela se produisait dans le cas d'un consultant en immigration. La personne visée a fait l'objet d'une amende et a dû mettre fin à ses activités. Évidemment, cela n'empêche pas les gens de recommencer. Deux ou trois condamnations doivent être rendues avant qu'un tribunal n'envisage de condamner quelqu'un pour outrage au tribunal s'il poursuit ses activités illégales.

La police locale ainsi que la GRC pourraient aussi être chargées de l'application de la réglementation. J'ai pu constater que l'une ni l'autre n'était très efficace dans ce domaine. La GRC, en particulier, manque de ressources. Les ressources dont elle dispose sont affectées à d'autres fins et elle ne semble pas attacher une priorité très élevée à la réglementation de la conduite des consultants en immigration. Les forces policières ainsi que la GRC ont aussi eu du mal jusqu'ici à faire condamner des consultants en immigration, ce qui n'est certes pas un incitatif.

Quels sont les abus que je déplore? Voilà ce dont je veux maintenant vous entretenir. Je pourrais vous parler pendant des heures de ce sujet, mais l'abus le plus fréquent, c'est que les consultants se font rémunérer pour des services qu'ils ne rendent pas.

Le président: Il nous serait très utile de savoir si ce problème s'est aggravé récemment.

M. Waldman: Je crois que le problème est grave depuis longtemps. Il tend cependant à se manifester de façon cyclique. Ainsi, en 1989, lorsque l'arriéré atteignait 100 000 cas, les consultants en immigration pullulaient. Au bureau de Toronto, il y en avait 20. Le nombre de consultants est proportionnel au nombre de cas. Voilà donc pourquoi le problème a tendance à être cyclique.

Les consultants exercent leurs activités dans divers pays. À une certaine époque, les consultants de la Trinité étaient très nombreux. Comme le gouvernement a ensuite rendu l'obtention d'un visa obligatoire pour les requérants de la Trinité, le nombre de consultants de ce pays a diminué à mesure que diminuait le nombre de visiteurs de ce pays.

Je ne pense pas qu'on puisse dire que le problème est plus grave ou moins grave qu'il y a dix ans. Le problème a toujours existé. Ce ne sont pas les bons consultants qui causent des problèmes, mais les consultants sans scrupules. Ce sont eux qui incitent les gens à mentir. Depuis dix ans, bon nombre des cas qui ont fait les manchettes mettaient en cause des consultants qui avaient incité leur client à concocter des histoires pour obtenir leur statut d'immigrant. Il y a le cas des permis de travail frauduleux délivrés au Mexique qui a fait l'objet de manchettes en 1991, et avant cela, celui des demandes du statut de réfugié présenté par des Témoins de Jehovah du Portugal. Ces cas sont bien connus parce qu'ils ont retenu l'attention de la presse nationale.

Il y a donc des consultants qui se font rémunérer sans faire le travail pour lequel ils ont été payés ou qui le font mal ainsi que des consultants qui encouragent les gens à mentir. Je m'occupe moi-même beaucoup de causes en appel, et je vous assure que je vois beaucoup de gens qui sont très mal représentés par des consultants. Ce sont des cas qui sont inévitablement portés à l'attention du ministre. On fait valoir à celui-ci que c'est en raison de l'incompétence d'un consultant en immigration que la demande d'un requérant a été refusée.

.1825

Il y a un dernier point dont j'aimerais vous entretenir avant de laisser la parole à mon collègue. Je ne voudrais cependant pas me substituer au président.

Le président: N'ayez crainte.

M. Waldman: Quelles sont les solutions possibles? Certains auraient laissé entendre que les avocats ont tout intérêt à ce que les activités des consultants en immigration soient réglementées puisque les uns et les autres ont la même clientèle.

Je ne pense pas que la réglementation des activités des consultants aura nécessairement un impact sur la rémunération des avocats. Au contraire, il est bien possible qu'elle ait plutôt comme conséquence de légitimiser leurs activités, et du fait même d'accroître leur clientèle.

Par conséquent, je ne crois pas que le fait de réglementer les activités des consultants en immigration réduise nécessairement leur nombre et détourne leurs clients vers les avocats.

Le président: Personne ne conteste vos motifs.

M. Waldman: Je le sais, mais cela se comprendrait. Je voulais simplement insister sur le fait qu'une vaste gamme de solutions s'offrent à nous.

Ainsi, pour ce qui est des tribunaux, on pourrait peut-être proposer que les seules personnes à comparaître devant eux soient des avocats ou des personnes qui relèvent d'eux comme des stagiaires ou des adjoints juridiques.

L'avantage de cette solution, c'est qu'elle permettrait, on l'espère, d'assurer au requérant une représentation compétente.

L'inconvénient, c'est que certaines personnes qui pourraient représenter adéquatement les requérants n'auront plus accès aux tribunaux s'ils ne travaillent pas en collaboration avec des avocats.

Comme c'est devant les tribunaux que le travail est le plus technique et le plus purement juridique, du moins dans certains cas, c'est l'argument qui milite de la façon la plus convaincante en faveur de l'imposition de la réglementation dans ce domaine.

Sur 21 affaires instruites devant un tribunal, 20 peuvent être tout à fait simples, et une seule, complexe. Or, c'est dans ces cas-là qu'un requérant a besoin d'un avocat compétent. La difficulté, c'est qu'on ne sait jamais au départ quelles seront les affaires complexes. Une affaire peut se compliquer en cours de route et il faut être prêt à faire face à la situation. Sans la formation voulue, on ne peut pas le faire.

Pour ce qui est des autres activités en matière d'immigration, je ne vois pas pourquoi ce domaine d'intervention devrait être réservé aux seuls avocats.

Je continue cependant de croire que la réglementation s'impose en raison du fait que c'est la seule façon de s'assurer de la compétence des intervenants et de pouvoir imposer des sanctions aux intervenants malhonnêtes.

Quant à la façon de réglementer ce secteur d'activité, c'est une autre affaire. À mon avis, il faudrait légiférer dans ce domaine.

On ne peut pas s'en remettre à un organisme. Je connais celui qui existe, l'OPIC... un organisme risquerait d'avoir un pouvoir discrétionnaire trop étendu à moins qu'il ne soit chargé de faire respecter certaines normes de qualité.

À mon avis, il faudrait à tout le moins prévoir certains critères d'admission à un tel organisme et lui conférer le pouvoir de discipliner ses membres. Le corps disciplinaire devrait être indépendant de l'organisme lui-même.

À titre d'exemple, les comités disciplinaires du Barreau comptent maintenant parmi leurs membres des personnes qui ne sont pas avocats. C'est le cas de plus en plus de comités disciplinaires, car on veut ainsi assurer au public qu'il ne s'agit pas d'un petit club d'initiés.

Voilà qui met fin à ma déclaration d'ouverture.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Goldman, si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas à le faire.

M. Ian Goldman (témoignage à titre personnel): Je tâcherai d'être aussi bref que possible. Je ne voudrais pas répéter ce qui vient d'être dit, mais une bonne part de ce que j'aurais à dire se rapproche de ce qu'a déjà dit mon collègue.

Le président: Vous pouvez répéter certaines choses qui méritent d'être répétées.

M. Goldman: Je vous remercie.

J'aimerais d'abord vous relater quelques anecdotes qui me sont arrivées personnellement.

.1830

Il y a quelques années, lorsque j'étais stagiaire dans une étude, l'avocat dont je relevais m'a affecté à une audience du statut du réfugié. À l'époque, je n'étais pas autorisé à m'occuper d'une banale affaire criminelle, mais je pouvais représenter devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié quelqu'un dont la vie était en danger. Si cette personne avait été renvoyée dans son pays d'origine, elle risquait d'être tuée. J'ai été sidéré de voir que l'on permettait à un stagiaire en droit de s'occuper d'une affaire d'une telle importance.

Or, on n'a même pas à être un stagiaire dans une étude pour représenter quelqu'un devant ce tribunal. Je me suis rapidement rendu compte qu'un agent immobilier ou que même un parfait illettré pouvait le faire.

La deuxième histoire dont je voudrais vous parler m'a été racontée ce week-end. J'exerce le droit à Vancouver, mais je visitais le week-end dernier un ami à Toronto qui m'a raconté une histoire à faire dresser les cheveux sur la tête. L'un de ses amis représentait devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié quelqu'un qui faisait l'objet d'une ordonnance d'expulsion. C'est le problème qui se posait.

Cette personne n'avait aucun titre ou qualité pour faire ce travail. Dès qu'elle s'est présentée avec son client devant la commission, celui-ci a été arrêté. Cette personne ne savait absolument pas comment réagir et ne savait même pas pourquoi on arrêtait son client. Toute l'affaire a été désastreuse pour le requérant dont les droits n'ont pas été protégés et qui ne pouvait même pas comprendre ce qui se produisait.

Voilà deux faits qui se sont produits très récemment. J'ai pensé qu'ils vous feraient comprendre l'ampleur du problème. Il s'agit de questions très importantes.

À mon sens, la raison pour laquelle on ne s'est pas encore attaqué au problème, c'est qu'il touche des immigrants. Ces gens n'exercent pas une grand influence sur la vie politique au Canada. Si on les berne, ils sont expulsés et on n'en entend plus parler. C'est aussi simple que cela.

En 1981, Lloyd Axworthy signait un rapport intitulé «Consultants malhonnêtes». Rien n'a cependant changé depuis 1981. On se demande toujours ce qu'on devrait faire. Je vous incite à prendre le problème au sérieux et à le régler. À un moment donné, toutes ces discussions finiront par aboutir.

Je suis d'accord avec M. Waldman pour dire qu'il faut faire une distinction entre les différentes fonctions d'un avocat. Ceux qui participent aux audiences doivent avoir une connaissance extrêmement détaillée de la Charte. Les questions constitutionnelles surgissent continuellement, et c'est pourquoi il faut connaître la Charte parfaitement.

Il y a d'autres aspects du travail d'un avocat qui sont beaucoup plus simples comme ceux qui consistent à remplir des formulaires et à aider les gens à obtenir un permis de travail ou le statut de résident permanent. Voilà des tâches beaucoup moins difficiles sur le plan juridique.

Il importe donc, à mon avis, de faire une distinction entre les différents aspects du travail d'un avocat.

À cet égard, je recommanderais tout simplement qu'on modifie le paragraphe 69(1) de la Loi sur l'immigration où il est dit qu'une personne peut se faire représenter par «un avocat ou un autre conseil». C'est le texte de la loi. Si l'on supprime ces mots, on aura réglé une bonne part du problème.

La difficulté devant la Commission, c'est que le conseil, s'il n'est pas un avocat, n'a pas d'obligations déontologiques envers la Commission. Ces conseils demandent souvent des délais déraisonnables, ils ne sont pas bien préparés et ne savent pas ce qu'ils font. Cela explique l'arriéré. L'arriéré à Vancouver, où les consultants posent de grands problèmes, est énorme.

Tout comme on ne permet pas à des non-avocats d'instruire des affaires devant les tribunaux, on ne devrait pas non plus leur permettre de le faire devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il n'y a pas de différence. En fait, les questions dont est saisie la Commission sont souvent beaucoup plus graves que celles qui sont instruites devant les tribunaux provinciaux ou il ne s'agit parfois que d'un vol avec effraction ou de voies de fait mineures.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié statue sur l'expulsion permanente du Canada et parfois même sur la vie des gens. D'autres appels portent sur la réunification de familles de citoyens canadiens. Il va sans dire que cette question revêt une grande importance.

.1835

Il conviendrait donc de modifier la Loi sur l'immigration pour réglementer les différents aspects du travail d'un avocat. En supprimant les mots précités, on réglerait le cas des demandes frauduleuses. On réglerait aussi le cas des gens à qui l'on conseille de mentir lors des audiences portant sur leur expulsion. Tout comme M. Waldman, je défends des cas en appel, et cela se produit fréquemment. Les gens qu'on veut expulser prétendent être une autre personne et cachent leur véritable identité de crainte d'être renvoyé dans leur pays. C'est le début de leurs problèmes.

Je crois qu'il conviendrait de réglementer tous les aspects du travail des avocats. Évidemment, tout serait préférable au statu quo mais je crois que la réglementation devrait être suffisamment rigoureuse et exiger que ceux qui remplissent les formulaires d'immigration possèdent certaines qualifications pour le faire et se conforment à un code de déontologie. S'ils ne conseillent pas adéquatement les gens, on devrait les empêcher d'exercer leur métier.

En outre, je crois qu'on devrait recommander à une personne qui a un conseil de s'adresser à un avocat pour faire remplir ses formulaires en lui demandant que celui-ci fasse état de ses titres et qualités.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Puis-je poser une question?

Le président: C'est M. Hanger qui devrait normalement commencer.

M. Hanger (Calgary Nord-Est): Je cède ma place à Sarkis.

M. Assadourian: Supposons que je sois un réfugié d'un pays quelconque, et que je vous téléphone pour vous demander de vous occuper de mon dossier d'immigration.

M. Waldman: Il s'agit d'abord de savoir s'il s'agit d'un réfugié ou d'un immigrant.

M. Assadourian: Supposons qu'il s'agisse d'une personne qui a un statut de réfugié et qu'elle veuille devenir immigrante.

M. Waldman: Il arrive souvent que les gens qui se présentent à mon bureau veulent d'abord présenter une demande de réfugié dans le but de réclamer ensuite le statut d'immigrant. La première chose que je ferais, c'est de discuter de la question avec le requérant.

M. Assadourian: Combien coûte chaque consultation?

M. Waldman: Habituellement 200$.

M. Assadourian: Est-ce le tarif courant?

M. Waldman: Dans certaines études, la première consultation est gratuite. Dans d'autres, elle ne l'est pas. Parfois, je ne demande pas le tarif de 200$. Ma première consultation est parfois gratuite. Si la personne qui s'adresse à moi reçoit de l'aide juridique, la première consultation est gratuite. Cela dépend donc de chaque cas.

M. Assadourian: Comment décidez-vous quel sera votre tarif? Y a-t-il une formule?

M. Waldman: Tout dépend des moyens du client. Le tarif varie aussi en fonction de la complexité du cas. Un bon nombre de mes clients reçoivent de l'aide juridique. Certains services ne sont pas couverts par l'aide juridique, il faut donc que la personne paie.

Comme tenu de la nature de la clientèle desservie, tous ceux qui exercent dans le domaine du droit de l'immigration doivent être souples. Si mon client est un entrepreneur de Hong Kong, je vais évidemment lui demander le plein tarif.

Mon tarif maximal est de 250$ l'heure, ce qui est...

M. Assadourian: En moyenne quel est le coût d'une affaire: 2 000$, 3 000$ ou 5 000$?

M. Waldman: Tout dépend de la complexité du cas. Certains cas prennent cinq heures, d'autres vingt. Je viens de terminer un appel, et j'ai facturé 45 heures de travail à mon client, ce qui représente 9 000$.

M. Assadourian: Vous êtes avocat, n'est-ce pas? Le tarif moyen des consultants est-il plus élevé que le vôtre, moins élevé ou le même?

M. Waldman: J'ai pu constater que les consultants facturent en moyenne un tarif plus élevé que le mien. Selon le temps que j'y mets, mon tarif est de 750$ pour une demande fondée sur des considérations humanitaires. J'ai vu des consultants demander 2 500$ pour le même travail. Leur tarif était peut-être parfois moins élevé... et peut-être qu'il y a un consultant qui demanderait seulement 500$.

M. Assadourian: Pourquoi une personne s'adresserait-elle à un consultant plutôt qu'à un avocat? Quel avantage y a-t-il?

.1840

M. Waldman: Pour diverses raisons. Les gens ne savent pas toujours que ce sont des consultants. Bien des gens viennent me voir et je leur demande le nom de leur avocat. Ils m'indiquent le nom d'une personne et je leur demande ensuite si c'est un avocat. Ils me répondent que oui, mais vérification faite, je constate que cette personne n'est pas un avocat, mais un consultant. Il arrive que les gens croient, à tort, avoir retenu les services d'un avocat.

C'est bien souvent une question de langue. En général, les gens aiment traiter avec ceux qui parlent la même langue qu'eux. Il arrive donc souvent qu'une personne retienne les services d'un membre de sa collectivité qui parle la même langue qu'elle, car elle a l'impression qu'il pourra mieux la comprendre, compâtir à ses problèmes et essayer de les régler, et être sensible à sa situation et pouvoir en discuter. Il peut aussi arriver que ce soit une personne qu'on vous a recommandée.

M. Assadourian: Prenons le cas d'une famille composée du mari, de la femme et de leurs enfants, faites-vous payer pour chacun d'entre eux?

M. Waldman: S'ils présentent la demande ensemble, il est inutile de leur faire payer les frais séparément. Lorsqu'on fait une demande de résidence permanente, par exemple, il y a un seul demandeur et la demande englobe toute la famille. Cela ne me prend donc pas plus de temps pour étudier la demande de toute une famille, à condition qu'il s'agisse de personnes à charge. Les honoraires seront les mêmes.

Remarquez bien, ce n'est pas le même chose pour les frais d'immigration. Ces derniers sont aujourd'hui extrêmement élevés.

Le président: Nous le savons.

M. Waldman: Je plaisantais.

M. Assadourian: Convenez-vous que si l'on prévoyait un cours menant à l'obtention d'un diplôme pour les consultants, ce serait un progrès et cela contribuerait à supprimer certains problèmes actuellement liés aux consultants en immigration?

M. Waldman: En soi, cela ne suffit pas. Il faudrait également prévoir un cours de formation menant à une sorte de reconnaissance officielle. Toutefois, cette initiative devrait être combinée à l'enregistrement et à la capacité d'exercer une certaine discipline. Le cours permettra de résoudre l'un des problèmes.

Il faudrait tout d'abord déterminer les critères minimums dans le cadre du programme de cours, si nous pouvions nous entendre sur ce programme et si nous exigions des candidats qu'ils suivent le cours avec succès, on pourrait au moins supposer que la plupart des conssultants ont acquis les connaissances minimales. Cela n'empêchera pas toutefois les gens de continuer de se livrer à des activités peu scrupuleuses. La seule façon de l'empêcher, c'est grâce à la réglementation et à la discipline.

M. Assadourian: Pour étayer le...

M. Waldman: C'est exact. Il faudrait faire les deux.

M. Hanger: Combien de consultants en immigration y a-t-il au Canada? En avez-vous une idée?

M. Waldman: Il est impossible de les dénombrer car certaines personnes ne se manifestent qu'en quelques occasions pour disparaître ensuite. Si l'on englobe ce genre de personnes, il y en a des centaines, voire des milliers. Si on ne tient compte que des personnes dont c'est véritablement le gagne-pain, je dirais qu'il y en a des centaines.

M. Hanger: Des centaines.

M. Goldman: Puis-je répondre également à cette question? J'ai remarqué qu'ils étaient beaucoup plus nombreux lors de l'effondrement du marché de l'immobilier de Vancouver. Je ne plaisante pas. D'un seul coup, les journaux ethniques étaient remplis d'annonces de la part d'anciens agents immbiliers se faisant passer pour consultants en immigration et prétedant étudier des cas et présenter des appels. Je vous montrerai les coupures de presse. Cela fluctue selon le marché. S'ils ne réussissent à pas à vendre des maisons, ils s'arrangent autrement pour soutirer de l'argent aux gens.

Le président: Ces fichus agents immobiliers...

M. Hanger: Pourquoi les consultants sont-ils nécessaires? Qu'il s'agisse des services à l'étranger ou au Canada, pourquoi les responsables du gouvernement ne peuvent-ils pas faire le travail eux-mêmes?

M. Waldman: C'est une question intéressante. Si vous parlez aux agents d'immigration et aux agents des visas, ils sont également sceptiques quant au rôle des conseillers juridiques. Je vais vous citer des exemples de cas où ces derniers sont nécessaires. En toute franchise, dans une affaire très simple et claire, le conseiller juridique est peut-être inutile, lorsqu'il s'agit de demandes présentées à l'étranger.

Je vais vous citer un exemple. Un homme est venu dans mon bureau. C'était un étudiant en doctorat à l'Université Queen's. Il avait fait une demande d'immigration à Buffalo. Il avait rempli le formulaire de demande et décrit toute son expérience professionnelle en Inde, mais dans la case où on lui demandait quelle profession il comptait occuper, il a écrit étudiant. Les demandes sont étudiées en fonction d'un système de points. Il faut obtenir un point dans la catégorie professionnelle si l'on veut obtenir le visa. Les étudiants obtiennent zéro à ce chapitre.

.1845

On lui a écrit en lui disant que sa demande était rejetée. Il est venu dans mon bureau pour me demander de l'aider. J'ai examiné ses antécédents professionnels. Or, avant de venir faire son doctorat au Canada dans un domaine des plus ésotériques - et je peux vous dire qu'il a déjà reçu quatre offres d'emploi - il avait occupé un poste de cadre supérieur dans une entreprise, en Inde, après avoir obtenu sa maîtrise.

M. Hanger: Est-il venu vous voir...

M. Waldman: Après avoir essuyé un refus.

M. Hanger: ...en votre qualité de consultant?

M. Waldman: Non, en ma qualité d'avocat.

M. Hanger: En votre qualité d'avocat.

M. Waldman: Vous me demandez pourquoi il est nécessaire...

M. Hanger: À quoi cela sert-il?

M. Waldman: Oui, pourquoi avait-il besoin de moi? Il a dit la vérité en se déclarant étudiant et sa demande a été rejetée. J'ai écrit à l'agent des visas et lui ai demandé d'évaluer la demande de cette personne en tenant compte de ses antécédents professionnels avant son arrivée au Canada, car il compte bien faire le même genre de travail lorsqu'il terminera son doctorat dans trois mois. Sa profession était en demande et il a donc obtenu le visa.

Vous me demanderez pourquoi l'agent des visas n'aurait pas pu le faire lui-même. Il aurait pu le faire, mais il ne l'a pas fait. Il s'agit-là d'un cas où la Cour fédérale stipule que l'agent n'est pas tenu de le faire. Autrement dit, si je demande à être évalué dans 20 catégories différentes, les responsables examineront toutes les possibilités pour voir si je suis admissible aux termes de l'une d'elles. Toutefois, si j'écris étudiant sur ma demande, l'agent des visas n'est même pas tenu de prendre connaissance de ma demande et de déclarer que le demandeur s'est dit étudiant mais qu'en réalité il est électricien de métier et que, si on le classe dans cette catégorie, il sera admis. Les agents des visas ne sont pas obligés de le faire.

Or, ce qui est en jeu ici, c'est l'esprit même du service offert au ministère et la question de savoir si ce dernier considère qu'il est là pour aider les gens ou simplement pour traiter leur demande. Dans la mesure où bon nombre des agents des visas estiment qu'ils sont tenus d'appliquer strictement la loi, ce qui est légalement leur attribution, ils n'ont aucune obligation de faciliter les choses. Le consultant ou l'avocat sont donc là pour aider la personne à être admissible de sorte que lorsqu'elle présente sa demande, elle remplisse les critères. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

M. Hanger: On peut dire la même chose au sujet du bureau d'un député. Ce genre de situation existe vraiment. Je ne pense pas qu'un seul de mes collègues n'ait été appelé à intervenir de cette façon ou d'une autre.

M. Waldman: Cela va sans dire.

M. Hanger: Toutefois, je le répète, je me demande s'il ne serait pas possible de répondre à ce besoin d'une autre façon en apportant quelques simples changements au niveau administratif de façon à faire face à certaines de ces demandes?

M. Waldman: Cela résoudrait une partie du problème à l'étranger. Nous pourrions résoudre ce problème si l'on donnait des instructions aux agents des visas en leur disant que lorsqu'ils reçoivent une demande de résidence permanente, ils doivent l'examiner en tenant compte de toutes les professions possibles que peut occuper le candidat, etc.

N'oubliez pas que le processus des demandes d'immigration se fonde en partie sur le principe de la confrontation, dans la mesure où le ministre fait opposition au candidat et cherche à l'expulser ou l'empêcher d'être admis. Dans toutes ces circonstances, les fonctionnaires des ministères ne peuvent pas légalement être en mesure de faciliter les choses. Dans certains cas, lorsque la confrontation n'est pas nécessaire, si les responsables adoptaient une attitude différente, il est possible que...

Ce n'est même pas une question d'attitude. C'est souvent une question de temps. Peut-on en toute justice demander à un agent d'immigration qui doit examiner 150 demandes le même jour de passer chacune d'elles au peigne fin et de réfléchir à toutes les possibilités qui s'offrent?

M. Hanger: Je comprends ce que vous dites, étant donné la situation actuelle quant au nombre d'agents en première ligne. Je conviens qu'il leur serait impossible de faire un bon travail. Je comprends ce que vous voulez dire.

L'autre question que je voulais...

Le président: Monsieur Goldman, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Goldman: M. Waldman a dit ce que je voulais dire. C'est une question de temps.

Le président: N'hésitez pas à intervenir si vous le désirez.

M. Hanger: M. Goldman a dit que l'on pourrait supprimer les revendications frauduleuses de statut de réfugié en assujettissant les consultants à une certaine réglementation. Comment comptez-vous le faire?

M. Waldman: Il faut connaître la situation sur le terrain.

M. Hanger: Je la connais. Du moins je le pense.

M. Waldman: Les gens arrivent à la frontière en ayant concocté toute une histoire avant de se présenter. Ces personnes, ainsi que les membres de leur parenté, essaient d'élaborer l'histoire la plus fascinante pour augmenter leurs chances d'être admises, et en général leur récit se fonde sur les conseils d'une personne qui leur dit qu'elles ont de bonnes chances de réussir.

.1850

Je sais que la plupart des gens ont bien peu d'estime pour les avocats, mais c'est tout à fait impossible. Les avocats ne mettront jamais leur carrière en jeu pour dire à des gens comment répondre à certaines questions. Ça ne vaut pas la peine. Et plus important encore, notre éthique... mon éthique personnelle m'interdirait de le faire. Cela créerait la pagaille dans tout le système.

Les consultants gagnent leur vie à concocter des récits et élaborer des histoires juteuses pour que les gens soient acceptés. Ils sont donc plus responsables que les revendicateurs eux-mêmes de l'élaboration de revendications frauduleuses du statut de réfugié.

J'ai vu des cas innombrables où les revendicateurs avaient vraiment des raisons de demander le statut de réfugié. Toutefois, ils s'adressaient à des consultants qui leur suggéraient de mentir, pour une raison ou une autre - je ne sais pas exactement laquelle - ce qui leur faisait plus de tort que de bien. C'est pourquoi je pense que l'on réduirait de beaucoup le nombre de revendications frauduleuses du statut de réfugié si l'on ne conseillait pas aux gens de mentir.

M. Hanger: Étant donné la situation actuelle à la Commission d'immigration et du statut de réfugié, pourquoi cela pose-t-il un problème? Pour ma part, je n'en vois pas. Le taux d'acceptation d'un bout à l'autre du pays est de 80 p. 100 à 90 p. 100, parfois plus dans certaines régions. Il y a donc 10 p. 100 à 20 p. 100 au maximum de demandes rejetées, et leurs auteurs ne sont de toute façon jamais expulsés du pays car lorsqu'arrive la date de leur appel, on leur permet de rester dans le pays pour des motifs humanitaires et de compassion. C'est pourquoi je m'interroge sur l'utilité de la réglementation si, en dernier ressort, le résultat est le même quoi qu'on fasse.

M. Goldman: Je regrette, je ne vous suis pas. Si l'on constate qu'une revendication est frauduleuse, il est évident que ce genre de demande sera rejetée.

M. Hanger: Pourquoi s'inquiéter de savoir si elle est frauduleuse ou non puisque le taux d'acceptation parmi les membres de la Commission est de 80 p. 100 à 90 p. 100 et que les 10 p. 100 à 20 p. 100 de revendicateurs qui essuient un refus ont généralement le droit de rester dans notre pays pour des raisons humanitaires et de compassion.

M. Goldman: Eh bien, si vous estimez que ce taux est trop élevé...

M. Hanger: Il est très élevé.

M. Goldman: ...et en arrivez à la conclusion qu'il faudrait le limiter à un niveau quelconque, c'est un autre problème. C'est ce que j'essaie de vous dire.

Le président: Pourquoi ne pas vous donner votre avis?

M. Goldman: Au sujet des revendications du statut de réfugié?

Le président: Au sujet de tout ce que vous nous avez dit.

M. Goldman: Je ne comprends pas comment on peut en arriver à la conclusion qu'il faut fixer un taux d'acceptation précis pour les demandes de statut de réfugié. Je ne vois pas sur quoi on se fonderait pour déterminer le taux idéal. Je ne vois pas sur quel critère on se fonderait pour dire que le taux doit être de 20, 30 ou 50 p. 100, car pour autant que je sache, rien de concret ne nous permet de l'établir. Toutefois, si vous dites que le taux d'acceptation est de 80 p. 100 à 90 p. 100 - je ne sais pas exactement ce qu'il en est - et qu'il convient de le réduire, cela n'a rien à voir avec les consultants.

M. Hanger: Non, je comprends bien. La question des niveaux est une toute autre affaire, d'une certaine façon.

Ce que je veux dire, c'est que quelle que soit la façon dont on considère la question des revendications du statut de réfugié ou même des appels, peu importe qu'il y ait ou non refus au départ puisque nous ne procédons pratiquement jamais, dans notre pays, à l'expulsion des intéressés, et que ceux qui repartent dans leur pays d'origine le font de leur propre gré. Quelle différence cela fait-il s'il y a une réglementation ou non?

M. Waldman: Tout d'abord, d'après mon expérience, je conviens avec vous que les expulsions ont posé de graves problèmes. Nous pouvons en parler brièvement, mais la question de savoir comment améliorer la situation et sur quel critère fonder les expulsions doit faire l'objet d'un débat distinct.

Le problème avec les expulsions, c'est que personne ne comprend pourquoi nous expulsons telle ou telle personne. Tant que nous n'aurons pas déterminé à quoi il sert d'expulser une personne, nous n'aurons pas de politique acceptable en matière d'expulsion. On peut demander à cinq agents d'immigration pourquoi ils souhaitent expulser une personne et on obtiendra cinq réponses différentes. Tant que nous n'aurons pas pris cette décision, nous n'aurons pas de politique cohérente. Il faut établir des critères précis sur lesquels fonder les motifs d'expulsion et établir des priorités à cet égard. Lorsque nous l'aurons fait, nous pourrons avoir une politique. Dans la réalité, nous avons des moyens très restreints pour expulser les gens car cela coûte très cher. Les pays visés ne se montrent guère coopératifs en cas d'expulsion et il se pose toute une série de problèmes logistiques. En cette époque d'austérité, le gouvernement n'a pas l'intention de dépenser 500 millions de dollars de plus pour expulser des gens.

.1855

Si vous vous demandez à quoi sert la réglementation puisque, de toute façon, les gens seront autorisés à rester dans notre pays, il y a plusieurs réponses à cela. D'une part, cela permettra de supprimer certains abus. La Commission pourrait être plus efficace à certains égards, car bon nombre d'abus à l'égard du système, par exemple les reports continuels, sont le fruit des consultants en immigration. Cela empêchera les pires cas où des personnes ne sont pas représentées bien qu'elles aient payé pour l'être.

Que le système fonctionne ou non, c'est-à-dire que l'expulsion soit ou non notre objectif primordial, cela assurera la protection des personnes qui respectent les principes du système malgré tout. En toute honnêteté, je pense que la Commission a commencé à s'attaquer au problème des expulsions depuis quelques années, et je suppose qu'il y aura des changements avant longtemps.

Il y a déjà eu certains changements. Au cours de mes sept premières années d'exercice du droit dans le domaine de l'immigration, aucun de mes clients n'a été expulsé. Je vous dirai franchement que, à l'heure actuelle, on expulse les gens assez régulièrement. Le système n'est manifestement pas aussi efficace qu'il pourrait l'être, et je ne sais pas si c'est ou non une bonne chose, mais il y a plus d'expulsions que par le passé. Depuis six ans, le nombre d'expulsions a quadruplé.

Le président: Connaissez-vous l'OPIC?

M. Waldman: Oui.

Le président: Selon lui, il faut mettre en place des règlements qui nous permettent de donner cette approbation. C'est déjà possible pour les avocats, et si l'on est membre de l'OPIC, on pourrait obtenir cette approbation du gouvernement qui servirait de reconnaissance. Grâce au bouche à oreille, les milieux d'immigrants et de réfugiés connaîtraient les membres de l'OPIC et s'adresseraient à eux, même s'il s'agit en fait d'un domaine que les provinces ont le droit de réglementer. Même si les immigrants voulaient simplement de l'aide pour remplir des formulaires, si le gouvernement fédéral mettait ce genre de régime en place, cela donnerait des résultats.

M. Waldman: J'ai quelques remarques à faire. Tout d'abord, je me demande si cela ferait une différence par rapport au système actuel. Il y a des avocats et certaines personnes ne les consultent pas. Une importante proportion des gens s'adressent aux consultants. Si nous permettons à certains d'entre eux de s'inscrire comme consultants en immigration, cela fera-t-il disparaître les autres? Je n'en sais rien. Je ne vois pas vraiment de logique dans cette proposition à moins d'interdire aux autres toute activité professionnelle.

Le président: Ai-je le droit, en tant que législateur fédéral, d'empêcher une personne de se faire payer pour aider un candidat à l'immigration à remplir un formulaire?

M. Waldman: Cela dépend du contexte. Vous avez le droit, je pense, d'empêcher ces gens-là de comparaître devant les tribunaux.

Le président: Oui, mais on m'a dit que cela ne s'applique qu'à 10 p. 100 environ des cas.

M. Waldman: De l'ensemble des immigrants.

Le président: Oui.

M. Waldman: De toute évidence, il y aura un sérieux problème pour les gens qui présentent une demande à l'étranger car il vous est très difficile de réglementer les activités qui se déroulent en dehors du pays, un point c'est tout, même si cela concerne les bureaux des visas à l'étranger.

Le président: C'est le problème auquel nous nous heurtons. Les membres de l'OPIC ont dit que si nous leur confions cette responsabilité, pour des raisons justifiées, ils élaboreront un code de discipline et feront tout ce qu'on leur demande. Si nous sommes convaincus de leur légitimité et qu'ils veulent vraiment faire du bon travail, c'est le marché lui-même qui fera la distinction entre les consultants en bonne et due forme et les autres, et les forces du marché contribueront énormément à résoudre le problème.

M. Waldman: Si l'on reconnaît officiellement l'OPIC ou un autre organisme, il faudra en échange que celui-ci réponde à certains critères, qui devront être clairement établis.

Le président: Bien entendu.

M. Waldman: Je n'y ai pas vraiment réfléchi, mais les critères devront englober au moins des normes minimales d'admission, laquelle sera fonction de la réussite à un test qui devra être appliqué par un organisme indépendant.

Le problème qui se pose avec l'OPIC et tout organisme semblable, c'est que lorsqu'ils ne sont pas créés en vertu d'une loi, ils sont établis et régis de façon autonome et ont le contrôle absolu sur leurs activités. Comment contourner le problème que pose la création d'un organisme de discipline de l'OPIC qui soit indépendant de ce dernier? C'est, à mon avis, l'aspect le plus délicat de la légitimation d'un organisme comme l'OPIC s'il n'est pas créé par une loi.

.1900

M. Goldman: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je ne sais pas d'où vient l'idée - peut-être vient-elle des membres de l'OPIC eux-mêmes - que l'on ne peut pas réglementer l'envoi de documents au gouvernement fédéral relativement à des demandes de visas. Je ne pense pas que ce soit vrai.

La cour fédérale a été créée par la loi. On ne peut pas comparaître devant elle si l'on n'est pas avocat. En effet, c'est un tribunal et on ne peut pas faire parvenir de documents à la cour fédérale si l'on n'est pas avocat et que l'on est rémunéré de son activité. Un conseiller ne pourrait pas le faire.

Pourquoi souhaitez-vous encourager ce genre de choses? À quoi cela sert-il de laisser le champ libre à des personnes qui ne sont pas nécessairement qualifiées. C'est ma première remarque.

Le président: Permettez-moi de répondre à votre question. Tout d'abord, d'après mes renseignements, la réglementation des catégories professionnelles, qu'il s'agisse des conseillers en immigration ou d'autres groupes, est du ressort des provinces. La Commission d'immigration et du statut de réfugié ne pourrait donc pas décider de ne permettre que l'intervention d'avocats. Très bien, pas de problèmes. Cela ne résoud toutefois pas le problème du type qui demande des honoraires de10 000$ pour faire venir votre femme dans le pays, ou 2 000$ pour faire autre chose en votre nom.

M. Goldman: [Difficulté technique - Éditeur] les formulaires dont vous parlez.

Le président: Oui. Cela ne résoud pas ce problème. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette question traîne depuis une quinzaine d'années environ.

M. Waldman: Monsieur le président, je dois vous quitter sous peu. Permettez-moi de faire une dernière remarque.

Je peux vous dire pourquoi ce problème traîne. Chaque fois que nous parlons d'adopter des règlements, les provinces et le gouvernement fédéral ne cessent de se renvoyer la balle. Il y a quelque temps, il était question que le gouvernement provincial de l'Ontario prenne les mesures qui s'impose, mais il a changé d'avis. Il s'est rendu compte à quel point le problème est complexe.

Il n'y a rien à perdre, à mon avis, à légitimiser certains organismes. Ce qui me préoccupe, c'est qu'il faudra le faire de façon à ce que la population soit convaincue que cet organisme n'est pas un atelier fermé qui s'autoréglemente dans le but de défendre ses propres intérêts.

Le président: Notre recherchiste a demandé à vous poser une question avant votre départ. C'est possible si vous avez le temps d'y répondre.

M. Waldman: Je réponds toujours à la question de la recherchiste.

Mme Margaret Young (recherchiste du comité): Vous avez dit, en deux occasions différentes, qu'il importe que les mesures disciplinaires soient indépendantes de l'organisme. Je ne comprends pas bien ce que vous entendez par là. Pourriez-vous apporter quelques précisions?

M. Waldman: Je serais très inquiet si l'organisme de régie de l'OPIC ou d'un autre organisme de consultation se composait simplement de membres de l'organisme lui-même et qu'il avait la haute main sur tout ce qui se passe. Il y a deux raisons à cela, mais c'est surtout parce que dans ces conditions on aurait l'impression qu'il s'agit d'un atelier fermé et les gens seraient sceptiques quant à l'efficacité de ce genre d'organisme de régie. La Law Society, les organismes de régie, les conseils médicaux comptent tous parmi leurs membres des profanes, des gens de l'extérieur. C'est ce que je voulais dire.

Mme Margaret Young: C'est bien. C'est pour assurer que l'on rendra des comptes.

Vous avez utilisé le terme «indépendance» et je me demande si vous envisagiez des structures différentes. Je constate toutefois que vous parlez en fait de la participation et de la responsabilité du public, de l'obligation de rendre compte, plutôt que de la création d'un organisme distinct.

M. Waldman: La structure de l'organisme est également source de préoccupation, cela va sans dire. Les audiences disciplinaires qui ont lieu au... J'ai horreur de citer l'exemple des organismes professionnels, mais il existe un système établi, une façon de procéder, et c'est du domaine public. À mon avis, il faudrait prévoir certaines exigences minimales quant aux moyens à prendre en matière de régie. Si l'on veut que l'organisme ait une certaine crédibilité, en cas d'écart en matière disciplinaire, il faudrait que l'affaire soit publique, par exemple, et que la procédure en place respecte les principes de base en matière d'équité.

Le président: Les avocats sont-ils rappelés à l'ordre lors d'audiences publiques?

M. Waldman: Oui. C'est un système nouveau, en vigueur depuis quelques années.

Le président: Ils ne répondaient pas aux critères auparavant.

M. Waldman: Ils le sont. En fait, les audiences disciplinaires dans le domaine médical se déroulent également en public. Cette observation est pertinente parce que c'est un phénomène nouveau. Toutes les audiences disciplinaires sont maintenant tenues en public.

.1905

De toute façon, je dois me sauver. Je m'excuse, je garderai le contact.

Le président: Connaissez-vous Frank Marrocco?

M. Waldman: Oui, je le connais.

Le président: Si vous en avez l'occasion, ayez une conversation avec lui. Il m'a semblé que leur proposition était assez bonne.

M. Waldman: J'aimerais y jeter un coup d'oeil.

Le président: Nous ne sommes pas pressés d'en terminer. Le ministre nous a demandé de faire une étude vraiment fouillée et de lui présenter un rapport étoffé et détaillé. Nous allons donc peut-être vous inviter de nouveau.

M. Waldman: Je pourrais peut-être parler à M. Marrocco. J'aurai peut-être ensuite des observations à faire et je pourrais communiquer avec l'attaché de recherche.

Le président: Oui, ou encore avec la greffière.

M. Goldman: J'ai quelques observations à faire au sujet de OPIC. Premièrement, cela s'applique uniquement à l'Ontario, évidemment. Pour nous, en Colombie-Britannique, cela ne ferait aucune différence.

Si l'on fait en sorte que cela continue de relever de la compétence provinciale, on se retrouvera avec un réseau disparate d'un bout à l'autre du pays, ce qui va vraiment désorganiser Immigration Canada, qui est bien sûr une organisation unitaire. On n'y applique pas des critères différents, selon l'endroit, pour ce qui est de savoir qui peut témoigner ou présenter des observations. Il faut que ce soit les mêmes critères qui s'appliquent. On ne pourrait donc pas dire, par exemple, qu'il faut être membre d'une commission réglementée. S'il n'y avait pas de commission réglementée en Colombie-Britannique, je suppose qu'il n'y aurait pas de conseillers. S'il n'y avait pas d'organismes de réglementation, il n'y aurait donc pas de conseillers.

Je peux vous dire ce qui se passerait dans la situation actuelle, car les gens font preuve de beaucoup d'imagination. Ils feraient tous transiter leurs demandes par l'Ontario. Ils seraient en Colombie-Britannique, mais ils enverraient leurs demandes en Ontario afin d'être assujettis aux règles de l'Ontario, même s'ils habitaient Vancouver. Il n'est pas nécessaire de présenter les documents au bureau de Vancouver. On peut les présenter n'importe où au Canada.

Le président: Ou bien OPIC pourrait créer une section en Colombie-Britannique.

M. Goldman: Ce serait possible, pourvu que le bon système de réglementation soit établi. Évidemment, il leur faudrait respecter la législation de Colombie-Britannique.

Le président: Si l'on n'a pas d'objection, je voudrais revenir en arrière. Je tiens à ce que ce soit bien clair. Vous avez demandé qui a conseillé que ce soit de compétence provinciale.

M. Goldman: Oui.

Le président: Cette opinion semble répandue. C'est ce que nous a dit l'attaché de recherche, et aussi les autres avocats.

M. Goldman: Ce n'est pas tout le monde. Je me rends compte que c'est l'opinion prédominante, mais cela n'a pas été mis à l'essai; or les avocats aiment bien que tout soit éprouvé. Je ne crois pas que ce soit sûr à 100 p. 100; peut-être à 80 p. 100.

Si ce n'était pas le cas, tout serait beaucoup plus facile. On pourrait établir une seule série de règles qui seraient applicables à tous les bureaux d'immigration. On ne se retrouverait pas avec un système disparate de conditions et de procédures disciplinaires différentes d'un bout à l'autre du pays.

M. Loney (Edmonton-Nord): Il faut partir de deux faits établis. Premièrement, il y a bien sûr l'arriéré qui s'accumule à la CISR. Ensuite, il y a le nombre croissant de cas frauduleux dont la Commission est saisie.

Je suppose qu'il y a plusieurs raisons pour cela. J'en reviens à une déclaration que vous avez faite et qui me semble trop générale, à savoir que les conseillers en immigration ont tendance, à cause de leur manque de compétence et de leur absence de professionnalisme.... On a dit que quand l'immobilier s'est effondré, il y a eu une foule d'avocats, d'experts-conseils et même d'agents d'immeuble qui se sont lancés dans ce domaine. Mais l'arriéré est causé en partie par l'accumulation de ces cas frauduleux.

Est-ce parce que les immigrants s'adressent aux conseillers professionnels en immigration qui les conseillent mal, comme vous l'avez dit? Pour ma part, d'après mon expérience personnelle, je sais que dans les communautés ethniques, les gens ont tendance à se tourner vers des conseillers qui ne sont pas avocats, à cause de la langue, à cause du bagage culturel, parce que ces gens leur ont été recommandés par des amis ou des parents.

.1910

À votre avis, s'il y avait davantage d'avocats, et je parle d'avocats compétents, qui pratiquaient le droit de l'immigration, croyez-vous que cela contribuerait à résoudre le problème? Ainsi, quand la CISR serait saisie de leur affaire, leur dossier serait bien préparé.

Je répète qu'en tant que député au Parlement, j'ai entendu parler de cas, et je suis sûr queM. Hanger sera d'accord avec moi... Nous entendons constamment parler de cas que l'on cite à l'appui des allégations selon lesquelles beaucoup des personnes nommées à la CISR sont des profanes, des non-professionnels qui ne savent pas vraiment ce qu'ils devraient faire, qu'ils abordent les dossiers sans les avoir bien préparés. Ils ne cessent d'ordonner des enquêtes plus poussées pour obtenir la réponse aux questions qu'ils posent couramment aux gens qui en appellent de leur décision. À votre avis, s'il y avait plus d'avocats qui se spécialisaient en droit de l'immigration, est-ce que ce serait utile?

M. Goldman: Oui.

M. Loney: Cela semble être l'opinion du Barreau, et je parle à titre d'Albertain, car on vient de créer un autre cours spécialisé à l'Université de l'Alberta. Il y a à peu près deux semaines, on a établi une bourse pour le nombre croissant d'étudiants qui demandent à se spécialiser dans ce domaine précis.

Je demande donc si vous êtes d'accord avec cela, à savoir s'il y avait un plus grand nombre d'avocats qui se spécialisaient dans le droit de l'immigration et qui en faisaient leur pratique... Je reprends l'exemple que vos avez donné vous-même. Disons qu'une personne dans le milieu des affaires fait régulièrement affaire avec un avocat. Il peut s'agir du conseilller juridique de l'entreprise, ou encore d'un avocat dont les services sont retenus par contrat depuis un certain nombre d'années. Supposons donc qu'un problème d'immigration surgit dans la famille de cette homme d'affaires et que la question est portée en appel. Il s'adresse à l'avocat qu'il consulte d'habitude, que ce soit un employé de l'entreprise ou quelqu'un d'autre, et dans la plupart des cas, je l'ai constaté personnellement, l'avocat en question confie le dossier à un étudiant stagiaire, parfois avec très peu de préparation. C'est au détriment du client qui porte sa cause en appel.

C'est pourquoi je suis personnellement d'avis que nous avons absolument besoin de personnes compétentes spécialisées dans le droit de l'immigration, surtout si l'on tient compte des accusations selon lequelles les membres de la commission elle-même ne sont pas compétents et son responsables d'une partie de l'arriéré. Il y a ceux qu'on appelle les conseillers verreux, qui réussissent à filouter quelques personnes à coup de 5 000$; ceux-là ne se soucient pas de leur réputation.

Mais il y a par ailleurs, et je répète que votre déclaration m'a semblé trop générale, il y a des conseillers en immigration professionnels dont beaucoup sont d'anciens employés du ministère. Dans la plupart des cas, ou tout au moins dans certains cas, on a signalé à notre attention qu'il y a des gens de ce calibre qui se sont lancés dans ce domaine et qui sont en fait mieux renseignés et plus compétents que beaucoup d'avocats, surtout, sans vouloir vous offusquer, que certains jeunes avocats débutants.

Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Goldman: Je suis d'accord avec vous. Je ne suis pas offusqué. Ce que vous dites est vrai. Il y a des conseillers qui sont meilleurs que des avocats, et quiconque s'occupe de ce domaine pourra vous le dire. Mais ce ne sont pas ces gens-là qui causent les problèmes.

M. Loney: C'est justement ce que nous essayons de préciser. Quel est le problème et quel est le remède?

M. Goldman: C'est tout le débat. Premièrement, si c'est de compétence provinciale, le remède n'a rien à voir avec votre Comité. Si c'est fédéral, je propose... je n'en suis pas sûr à 100 p. 100. Les avis sont partagés au Barreau, je peux vous l'affirmer. Jeudi, vous entendrez une représentante du Barreau de Colombie-Britannique, Elizabeth Bryson, dont la position est que vous avez compétence pour réglementer ce domaine. Le Barreau est donc partagé là-dessus.

La plupart des avocats qui se spécialisent en immigration habitent dans la région centrale du Canada, parce qu'à l'exception de Vancouver, c'est là que vont la plupart des immigrants. Mais il y a une situation exceptionnelle et quelque peu bizarre à Vancouver où il y a un afflux d'immigrants mais très peu d'avocats spécialisés dans le domaine, beaucoup moins qu'en Ontario ou au Québec, et notre point de vue est différent.

.1915

J'espère que vous n'avez pas l'impression que c'est une décision unanime du Barreau, que tandis que le Québec et l'Ontario.... M. Waldman représente une faction du Barreau de l'Ontario. C'est vraiment une bataille de juridiction.

Nous préférerions que quelqu'un vérifie que tel est le cas. Dans le cas contraire, vous auriez vraiment le pouvoir d'intervenir, par exemple en adoptant une simple règle exigeant que les intervenants dans ce secteur soient des conseillers en immigration dotés de compétences et de qualités quelconques, ou bien qu'il soit avocat, pour avoir le droit de remettre des documents à Immigration Canada.

M. Loney: Nous sommes en présence d'un organisme qui doit obtenir un permis provincial pour traiter avec une juridiction fédérale.

M. Goldman: C'est précisément ce que je dis. Tel semble être le dilemme. Je ne comprends pas comment cela peut être une solution. Quelle que soit la province qui est la moins exigeante sur le plan des qualités requises, c'est là que tous vont se précipiter pour s'inscrire. C'est ce que j'essaie d'expliquer. C'est un organisme ou une entité fédérale. Il y aura un endroit quelconque où on exigera aucune qualité et tous diront qu'ils sont de l'Île-du-Prince-Edouard ou d'ailleurs, peu importe l'endroit.

Prenez par exemple les Territoires du Nord-Ouest. Les gens peuvent faire preuve d'imagination et dire que c'est de là qu'ils viennent, que c'est là-bas qu'ils ont appris leur métier. Il suffit d'ouvrir un bureau à Yellowknife et d'expédier les documents à partir de leur adresse de Yellowknife. Vous ne règlerez pas le problème.

M. Loney: Et que dire du problème d'appliquer cette règle aux conseillers qui sont à l'étranger? Il y a une liste croissante de conseillers à Hong Kong. Beaucoup d'entre eux sont d'ex-employés du ministère qui ont pris une retraite anticipée pour tirer profit de ce créneau précis à l'heure actuelle. Comment les réglementer?

M. Goldman: Je répète que si le gouvernement fédéral avait le pouvoir d'intervenir, il pourrait exiger une forme quelconque d'accréditation. Ce serait nécessaire pour remettre des documents au bureau des visas à l'étranger, par exemple à Hong Kong, en Thaïlande ou ailleurs.

Donc, quelqu'un qui ferait appel à un conseiller en immigration devrait remplir un formulaire ressemblant à la déclaration d'impôt de Revenu Canada où il y aurait une question disant: Avez-vous fait appel à quelqu'un pour remplir ce document? Pour que le nom de la personne en question soit acceptable à Immigration Canada, et non pas à Revenu Canada, il faudrait un numéro d'accréditation quelconque. C'est la solution que je préconise.

Il me semble que les gens ont l'impresssion que tous ces experts, car ce sont bien des experts, puisque ce sont d'anciens agents des visas qui connaissent très bien les règles et qui pratiquent depuis 20 ans, qu'ils perdraient une source de revenus tirée de leur pratique de conseillers en immigration.

Ce n'est pas nécessairement vrai. On pourrait avoir des règles semblables à celles qui s'appliquent aux étudiants en droit qui font leur stage dans un cabinet d'avocats, c'est-à-dire que les conseillers devraient être placés sous la supervision d'une personne compétente. Ainsi, les documents passeraient entre les mains d'une personne ayant les qualités requises, que ce soit un conseiller ou un avocat.

Il y aurait donc une foule de gens qui remettraient des documents à l'avocat, lequel les examinerait avant de les transmettre. Cela se fait déjà beaucoup.

M. Loney: Et comme un comptable qui fait du travail juridique dans un cabinet qui se spécialise dans les successions.

M. Goldman: Oui, c'est tout à fait cela.

M. Loney: C'est une situation semblable.

M. Hanger: Je connais beaucoup d'avocats qui profitent également du système, comme il y a de véritables conseillers dans le plein sens du mot. Il s'agit de savoir si les avocats sont considérés comme conseillers ou non. Ils pratiquent vraiment le droit de l'immigration et se sont arrangés pour tirer profit du système, si l'on peut dire.

Je crois que la dernière fois, on nous avait donné des chiffres quant au nombre de conseillers qui comparaissent vraiment devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ils sont relativement peu nombreux, en comparaison du nombre d'avocats. Est-ce bien vrai?

M. Goldman: Ça dépend de l'endroit. J'ai justement passé 10 heures aujourd'hui à une audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, comme je vous le disais en venant.

Les membres de la Commission qui participaient à cette audience, dont l'un a beaucoup d'expérience, m'ont dit que très peu de conseillers comparaissent devant eux. À Vancouver, c'est un problème important; à Toronto, c'est moins vrai.

J'en ai parlé à M. Waldman. Il a dit que le problème n'est pas aussi important qu'il semble à première vue. Je ne veux pas dire que c'est un problème dans le sens qu'il donne de mauvais conseils, mais c'est un problème quant au nombre de ces personnes qui comparaissent devant la Commission.

Il y a beaucoup d'ajournements. Il vient d'y avoir un précédent à Vancouver, où la section de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui s'occupe des appels et de la réunification des familles vient d'adopter une politique spéciale. C'est une politique qui ne s'applique qu'à leur bureau. Elle a été annoncée il y a tout juste deux semaines au bureau de Vancouver.

.1920

On y traite de la présentation des documents. Les conseillers se présentaient devant la Commission sans être préparés, dans des cas où il fallait donner des document à la Commission à l'avance, ce qui provoquait l'ajournement.

Aujourd'hui, si je voulais obtenir une audience, il me faudrait attendre à janvier 1996 à cause des délais que causent à Vancouver les conseillers qui se présentent aux audiences absolument pas préparés.

Pour répondre à votre question, ça dépend donc des endroits.

M. Hanger: Oui, c'est à cause du grand nombre d'intervenants, qu'ils soient avocats ou consultants, qui se présentent aux audiences. Il peut y avoir autant de mauvais avocats que de mauvais conseillers et dans ce domaine, et je le dis sans vouloir nullement dénigrer les avocats.

Nous en avons rencontré. Il y a des gens qui sont venus me voir à mon bureau pour se plaindre de gens qui leur faisaient payer trop cher et qui n'obtenaient pas de résultats. Ils n'avaient aucune chance d'obtenir une décision favorable dans leur dossier. Que faire avec ces gens-là? Combien d'entre eux se contentent de se plaindre à leur député ou à quelqu'un d'autre.

Il me semble que l'on ne fera pas disparaître ce problème simplement en réglementant les conseillers.

M. Goldman: Si un avocat s'arrange pour profiter du système, comme vous l'avez dit, au point de ne pas respecter les normes d'éthique qu'il doit suivre, il devrait être discipliner et sa licence devrait être révoquée. Cette personne ne devrait plus être avocat.

J'ai entendu parler de cas d'avocats qui agissent de la même manière que certains conseillers. Je suis d'accord avec vous. Les gens qui font cela ne devraient pas pouvoir pratiquer le droit.

M. Hanger: Vous avez peut-être des opinions catégoriques là-dessus, mais je sais que le système ne permet pas qu'il en soit autrement, surtout quand il s'agit d'aide juridique. L'aide juridique est fournie gratuitement aussi longtemps qu'on remplit les formulaires.

Les conseillers obtiennent-ils de l'aide juridique pour les dossiers d'immigration?

M. Goldman: Non. L'aide juridique, dans la forme actuelle, vise uniquement les avocats.

M. Hanger: D'une façon, c'est probablement ce qui réduit leurs nombres aux audiences de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est pour cette raison.

M. Goldman: En effet. Les gens qui ne peuvent se payer les services d'un avocat ne peuvent pas non plus payer un conseiller. Ils doivent s'adresser à un avocat pour obtenir l'aide juridique.

M. Hanger: Y a-t-il un moyen quelconque de réglementer tout cela simplement en réglementant les échanges d'argent? Si l'on enlève l'argent, tout à coup les affaires vont s'étioler.

M. Goldman: Je n'y ai jamais réfléchi. Voulez-vous dire que l'on ne pourrait pas se faire payer pour présenter des formulaires à l'immigration?

M. Hanger: Prenons l'exemple d'une demande de statut de réfugié. L'audience a lieu et le requérant se fait dire qu'il n'est pas réfugié. Devrait-il pouvoir obtenir de l'aide juridique pour aller plus loin?

M. Goldman: C'est sévèrement limité à partir de là. Après le rejet d'une demande, il faut s'adresser à l'aide juridique.

En Colombie-Britannique, il n'y a que deux personnes qui peuvent approuver l'intervention des services d'aide juridique au niveau de l'appel. Il faut montrer qu'il y a probabilité de réussite. Le financement des appels est donc limité par le refus des subventions, et la personne en cause n'a pas les moyens de payer.

M. Hanger: Je me demande si cela va au-delà....

M.Goldman: Si la personne peut payer, elle peut s'adresser à un conseiller tout aussi bien qu'à un avocat.

M. Hanger: Oui.

Le président: Le temps nous presse. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Goldman: J'obtiendrai probablement copie du mémoire de M. Marrocco. Je suis certain que je présenterai un document écrit, au minimum.

Je me demande si la position de l'OPIC est que le marché serait mieux servi si les conseillers étaient réglementés. Je trouve que c'est un pseudo-problème. Le marché ne sera pas différent. Le client aura un plus grand choix. Il pourra s'adresser à un conseiller ou à un avocat. Mais je ne pense pas que les honoraires seraient différents.

Le président: Ce que l'OPIC dit, c'est que quand vous entrez dans un magasin, vous pouvez choisir entre deux articles dont l'un a été inspecté et porte l'estampille qui en atteste, tandis que l'autre n'a subi aucune inspection. Le client achète donc l'article inspecté et estampillé. Leur argument est que les immigrants s'adresseraient uniquement à des personnes qualifiées, sachant qu'elles sont qualifiées parce qu'elles portent cette estampille, pour ainsi dire.

.1925

M. Goldman: Je pense que cet argument est fallacieux parce que ces gens-là ne s'adressent pas aux avocats à l'heure actuelle. Ils ne s'adressent pas aux avocats, même en sachant que ces derniers sont compétents et qu'ils ont étudié à l'université pendant trois ans.

Le président: Il y a beaucoup de bons conseillers.

M. Goldman: Oui.

Le président: Ils s'adressent donc aux conseillers. Ils savent qu'il n'est pas nécessaire de s'adresser à un avocat pour obtenir un bon service.

M. Goldman: C'est exact, mais ce que je dis, est qu'il y a une foule de gens actuellement qui se disent avocats et que la loi n'est pas rigoureuse. Enfin, il y a bien l'Association du Barreau qui interdit ce genre de fausse représentation, mais c'est une procédure longue et pas vraiment efficace. Beaucoup de conseillers se qualifient d'avocats. Beaucoup de gens se disent conseillers accrédités alors qu'ils ne le sont pas. Il faut bien avoir le pouvoir d'empêcher ces gens-là de le faire.

Le président: Je vais donc vous demander de récapituler en deux minutes. Compte tenu de tous ces obstacles, que feriez-vous si vous étiez le ministre? Quelle loi feriez-vous adopter?

M. Goldman: Premièrement, en ce qui concerne le travail de procureur, nul ne devrait pouvoir comparaître devant la Commission à moins d'être avocat. Si j'avais compétence fédérale, j'édicterais une règle uniforme pour tous ceux qui présentent des documents à l'immigration, les autres 90 p. 100. Les gens qui présentent des documents à Immigration Canada doivent avoir une forme quelconque d'accréditation, avec sanctions disciplinaires à la clé.

Si vous n'avez pas compétence, alors ce ne sont que des paroles en l'air car cela ne fera aucune différence. Il faudra alors s'en remettre à chaque province et à mon avis ce serait catastrophique. Il y aurait toujours un maillon faible dans la chaîne, une brèche par laquelle s'engouffrerait une avalanche de documents.

Le président: Nous réussirons peut-être à obtenir le consentement des provinces pour nous confier la compétence en la matière, une sorte d'arrangement administratif.

M. Goldman: Oui, cela pourrait se faire. Mais je pense qu'il faut une compétence quelconque pour réglementer les autres 90 p. 100.

Le président: Je suis désolé, nous devons partir. Le comité principal se réunit pour étudier un rapport sur les demandes de réfugiés fondées sur le sexe. Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;