[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 octobre 1995
.1638
[Français]
Le coprésident (M. Milliken): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous sommes prêts à commencer.
Nous recevons aujourd'hui comme témoin l'honorable Gregory T. Evans, commissaire à l'intégrité de l'Ontario.
[Traduction]
Monsieur Evans, je crois que vous avez préparé une déclaration. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir à Ottawa aujourd'hui pour donner conseil au comité. Vous avez la parole.
L'honorable Gregory T. Evans (commissaire à l'intégrité, Gouvernement de l'Ontario): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur le président, je regrette de ne pas avoir la capacité de m'adresser à vous dans les deux langues officielles. Pour remédier à ce problème, je ferai mes remarques en anglais.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, du Sénat et de la Chambre des communes, je suis commissaire à l'intégrité de l'Ontario, poste auquel j'ai été nommé par une résolution de l'Assemblée législative de l'Ontario. La Loi de 1994 sur l'intégrité des députés a été promulguée il y a à peine deux semianes, soit le 6 octobre 1995. Cette loi remplace la Loi sur les conflits d'intérêts des membres de l'Assemblée, qui avait été promulguée le 1er septembre 1988. Les deux lois, qui s'appliquent à tous les députés de l'Assemblée législative, contiennent également certaines dispositions particulières qui visent les membres du Conseil exécutif et les anciens députés. J'occupe le poste de commissaire depuis l'entrée en vigueur de la première loi.
Le changement de nom, de la Loi sur les conflits d'intérêts à la Loi sur l'intégrité des députés, avait pour but de mettre l'accent sur les aspects positifs de la mesure législative en éliminant la connotation péjorative associée à l'expression «conflit d'intérêts». Il reflète également un élargissement du champ d'application de la loi.
La loi va au-delà des questions purement économiques. Elle s'intéresse en effet à la conduite personnelle et aux usages et procédures qui ont été adoptés au fil des ans par l'Assemblée législative de l'Ontario et que nous avons appelé les «conventions parlementaires ontariennes».
Ces conventions interdisent, par exemple, aux membres du Conseil exécutif de venir défendre ou appuyer des causes devant une commission, un conseil ou tout autre organisme provincial relevant de leur compétence. Elles interdisent également à tous les députés et à leur personnel de communiquer avec des membres du corps judiciaire au sujet d'une affaire portée devant les tribunaux ou de prendre contact avec des fonctionnaires de la cour ou de la police pour discuter de questions touchant l'exercice de leurs fonctions officielles.
Une loi de ce genre comporte généralement un péambule. Il s'agit d'une déclaration inattaquable des principes généraux auxquels doivent se conformer les députés et d'un énoncé des motifs qui ont amené l'Assemblée législative à édicter cette loi et auxquels il pourrait être utile de se reporter pour interpréter les ambiguïtés éventuelles.
Dans un gouvernement parlementaire, la franchise et l'équité devraient revêtir une importance suprême. La défense de ses intérêts propres d'une manière socialement acceptable constitue un droit naturel. Elle pose problème lorsque ce droit empiète sur les droits d'autrui. Survient alors une confrontation qui, dans la vie de tous les jours, sera résolue par consentement mutuel, par arbitrage ou par décision judiciaire. Ce n'est pas un conflit d'intérêts à proprement parler, puisque ni l'éthique ni la moralité ne sont en cause.
Par contre, lorsqu'une personne est élue à une charge publique, elle devient fiduciaire des intérêts d'autrui, lesquels peuvent entrer en conflit avec ses intérêts personnels. Dans un tel cas, le titulaire de charge publique intègre réglera ce conflit dans l'intérêt public, non pas à cause de la loi, mais parce que sa conscience, formée par les études, l'éducation et l'expérience, lui dictera la conduite à tenir.
Il n'est pas besoin des règles administratives ni de codes d'éthique légiférés pour régir la conduite d'un député honorable, pas plus que ces règles ne pourront empêcher les errements de celui qui ne possède pas l'intégrité voulue.
La Loi sur l'intégrité n'a pas pour but d'imposer des normes éthiques élevées aux parlementaires, car nous nous attendons de tous, ceux qui ont aspiré à une charge publique qu'ils possèdent les qualités morales leur donnant droit au titre d'honorable. Il s'agit plutôt d'une norme au regard de laquelle des médias et un public toujours plus cyniques et méfiants pourront évaluer la conduite des députés. Elle n'apaisera pas les critiques les plus féroces, mais le député dont la conduite est mise en cause pourra se rassurer en sachant qu'il respecte la norme qui servira également à juger ses pairs.
Les parlementaires, qu'ils soient nommés au Sénat ou élus à la Chambre des communes, occupent une position de confiance. Ils représentent la population et devraient être tenus responsables de leurs actes. Cette responsabilité exige de la franchise et s'accompagne du droit d'enquêter et de recommander des sanctions en cas d'abus de confiance.
On n'a pas de données précises permettant d'affirmer que la corruption parmi les élus a augmenté ou diminué au cours des dernières années. Toutefois, nier son existence reviendrait non seulement à fermer les yeux sur le passé, mais à ne tenir aucun compte des nombreuses allégations d'inconduite à tous les paliers de gouvernement et des condamnations criminelles, pas si rares que cela, dans des affaires de corruption.
Le gouvernement brasse beaucoup d'affaires et doit, à ce titre, adopter des valeurs et un code de conduite dont un agent indépendant devra s'assurer qu'ils sont effectivement respectés. La population ne se satisfait plus de vaines paroles. Selon une enquête menée aux États-Unis et dont les résultats ont été publiés dans l'édition du 24 août 1993 du Globe and Mail, 20 p. 100 des 1 000 plus importantes entreprises des secteurs tertiaire et industriel de ce pays se sont dotées d'un agent de l'intégrité.
Ce souci de l'éthique est apparu dans les années 1980, à une époque où l'industrie américaine de la défense a dû faire face à de nombreuses allégations de fraude et de surfacturation à l'endroit du gouvernement. Des scandales boursiers entourant des délits d'initié, commis au Canada et aux États-Unis, sont venus confirmer la nécessité d'établir des codes d'éthique et une législation à cet égard. C'est donc une question qui prend de l'ampleur, et l'on peut honnêtement présumer qu'il n'y a pas de fumée sans feu.
Je ne pense pas que, dans le climat social actuel, les gouvernements pourront retarder bien longtemps l'imposition de règles de conduite sévères à leurs membres. Quelle forme doivent prendre ces règles? Un code écrit, un ensemble de lignes directrices ou une loi qui établira clairement la distinction entre le bien et le mal?
Dans le cas des gouvernements, j'estime que la promulgation d'un texte législatif constitue le meilleur moyen d'obtenir le résultat désiré, à savoir gagner la confiance de la population envers les députés censés la servir. L'approche législative a l'avantage de permettre aux aspirants à une charge publique d'étudier les dispositons de la loi avant de se porter candidats. Ainsi, ils savent dans quoi ils s'embarquent.
Qui devrait être visé par la loi? Je ne crois pas que les sénateurs et les députés devraient être considérés comme étant assujettis à la même loi. Car bien que de nombreuses dispositions pourraient s'appliquer autant aux premiers qu'aux seconds, les sénateurs et les députés appartiennent à deux instances distinctes de gouvernement, les uns étant nommés, les autres, élus. Les conditions de leur mandat obéissent à des normes différentes. Les mêmes sanctions pourraient ne pas convenir à ces deux groupes indépendants assumant des responsabilités différentes.
Cela ne veut pas dire qu'une bonne partie de la loi ne pourrait pas s'appliquer aux membres de deux chambres, de la même façon que notre loi fait la distinction entre les membres de l'exécutif, les simples députés et les anciens députés de l'Assemble législative.
On me pose souvent la question suivante: Pourquoi les députés de l'arrière-banc et de l'opposition devraient-ils se voir imposer la plupart des interdictions que doivent respecter les membres du Conseil exécutif? C'est une question que l'on soulève constamment étant donné que les gens qui étaient en place lorsque la loi a été adoptée ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui viennent se confier à moi le lendemain d'un scrutin. Je dois leur dire que même s'ils n'étaient pas là, ils auraient pu s'informer et savoir de quoi il retournait.
Les députés d'arrière-banc et les députés de l'opposition ne devraient pas être assujettis aux mêmes restrictions que les membres de l'exécutif, mais j'estime qu'ils devraient quand même être assujettis à des restrictions. En bref, c'est simplement parce qu'ils sont membres du Parlement et que leur inconduite pourrait rejaillir non seulement sur eux et sur leur parti politique, mais sur l'institution même du Parlement.
Et c'est contre le Parlement, quelle que soit la couleur politique du gouvernement au pouvoir, que s'exercent les critiques et la méfiance populaires. Il est vrai que vos commettants savent qui vous êtes et connaissent votre affiliation poltique, mais si vous déménagez deux comtés plus loin, ils ne savent pas vraiment au juste qui vous êtes. Lorsque l'on critique un député de l'Assemblée législative, un député du Parlement ou un sénateur, ce n'est pas l'individu qui est en cause, c'est simplement le Parlement, le Sénat ou le gouvernement.
Les simples députés siègent à des comités et ils président des comités chargés d'étudier des projets de loi sur lesquels ils ont une importante voix au chapitre. Dans l'accomplissement de leur devoir envers leurs commettants et la population en général, ils ont affaire à de nombreux organismes, conseils et commissions du secteur public qui veulent obtenir des fonds pour diverses organisations. Ce serait faire preuve d'une grande naïveté que de penser qu'ils ne sont pas fréquemment la cible de lobbyistes cherchant à défendre les intérêts de leurs clients.
On s'est beaucoup interrogé sur la question de savoir si l'obligation de divulgation devait s'appliquer aux conjoints. Les conjoints, particulièrement les femmes, disent: «C'est mon mari qui a été élu. Je ne suis pas député et je ne vois pas pourquoi on devrait envahir ma vie privée.» En Ontario, nous n'exigeons pas du conjoint qu'il se présente en personne pour faire cette divulgation. Cela dit, nous exigeons des députés qu'ils soient au courant des éléments d'actif et de passif de leur conjoint. Il serait en effet important de connaître les éléments d'actif de la famille d'un député qui se dit au bord de la faillite quand son train de vie prouve le contraire.
Lorsque le conjoint d'un député ne souhaite pas lui révéler ses éléments d'actifs j'indique sur la déclaration que ces renseignements ne sont pas disponibles. Quand cela paraît dans la presse locale - qui est friande de ce genre de chose - , les voisins curieux présument que le conjoint en question possède un compte de banque en Suisse, un yacht à Fort Lauderdale et un condo à Whistler. En général, l'année suivante, le conjoint communique tous les renseignements voulus.
Qui devrait être commissaire? Je pense que le commissaire devrait être nommé par résolution de la Chambre des communes. Pour ma part, je suis nommé par le biais d'une résolution de l'Assemblée législative et une demi-douzaine de députés font partie du jury de sélection, notamment le vérificateur provincial, l'ombudsman, le responsable du financement des élections, le commissaire à la vie privée et le commissaire à l'environnement.
Cela confère au titulaire l'indépendance dont il a besoin pour remplir ses fonctions. Son mandat devrait être d'au moins cinq ans, de façon à chevaucher les appels aux urnes. C'est une façon de procéder assez répandue et je crois que c'est vraiment le but visé. Son mandat devrait aussi être renouvelable.
Je ne vois pas pourquoi cette fonction ne pourrait pas être occupée par un fonctionnaire nommé à la suite d'une résolution de la Chambre des communes. Je pense qu'on pourrait aller le chercher là où il est et lui confier cette charge en élargissant un peu ses pouvoirs et sensiblement son autonomie.
C'est tout pour ma déclaration liminaire. On m'a dit d'être bref, et j'ai essayé de l'être.
Le coprésident (M. Milliken): Merci beaucoup, monsieur, c'était des plus intéressant.
Je me demande si je ne pourrais pas vous poser une question avant de céder la parole à mes collègues qui sont sur la liste. D'autres voudront peut-être d'ailleurs ajouter leur nom à la liste de personnes intéressées à poser des questions.
Si vous constatez qu'il y a contravention aux dispositions du code - par exemple, un cas de non-divulgation - quel recours avez-vous? Faites-vous rapport de l'incident à un comité de l'Assemblée législative qui s'occupera de l'affaire?
M. Evans: Je m'occupe uniquement des plaintes émanant des membres de l'Assemblée législative. D'autres commissaires accueillent les plaintes du public, mais ce n'est pas mon cas. Cela s'explique du fait que notre bureau est petit et que nous entendons qu'il le demeure. Si une personne s'adresse à moi pour présenter une plainte, je lui dis qu'il y a deux partis d'opposition qui seront ravis de s'en occuper si elle est fondée.
Lorsque je suis saisi d'une plainte, la procédure veut que j'avertisse la personne contre qui cette plainte a été déposée. Un exemplaire de la plainte est remis au président de l'Assemblée législative, pour qu'il soit au courant de l'affaire. Ensuite, nous examinons les tenants et les aboutissants de cette dernière et nous convoquons les intéressés.
Parfois les gens omettent involontairement des choses. Tout le monde connaît ses dettes, son passif, parce que les créanciers nous taraudent tous les mois, mais un grand nombre de personnes oublient quels sont leurs actifs. C'est dans de tels cas que nous faisons des vérifications.
Lorsque nous constatons qu'il y a eu omission, nous nous demandons si elle était délibérée ou s'il s'agissait simplement d'une négligeance. Dans ce dernier cas, nous ne faisons pas grand-chose; nous en prenons note et nous ajoutons cette information à la prochaine déclaration publique de l'intéressé. Dans le cas contraire, nous devons intervenir. Si nous estimons qu'il s'agit d'un effort délibéré de falsification, nous prenons certaines mesures.
Le coprésident (M. Milliken): Quelles mesures?
M. Evans: Nous sommes autorisés à recommander certaines sanctions à l'Assemblée législative. Nous n'imposons pas de sanctions; nous nous bornons à les recommander. Cela peut aller jusqu'à déclarer un siège vacant.
Je pense que les poules auront des dents avant qu'un commissaire pose un tel geste, à moins d'avoir une armée derrière lui car en fait, tout ce que peut faire le commissaire c'est présenter une résolution. En l'occurence, la Chambre l'adopte ou la rejette mais ne peut la modifier.
Le coprésident (M. Milliken): Vous êtes donc habilité à présenter une motion à la Chambre.
M. Evans: Non. Je rédige tout simplement un rapport qui est remis au président.
Le coprésident (M. Milliken): Alors quelqu'un doit proposer une motion pour adopter le rapport ou en disposer d'une façon ou d'une autre.
M. Evans: Oui, en effet.
Le coprésident (M. Milliken): Merci.
Sénateur Gauthier, vous êtes le premier sur la liste.
Le sénateur Gauthier (Ontario): Merci, monsieur le président.
Vous avez une déclaration que la personne doit remplir. Je n'ai jamais vu ce document. En avez-vous un exmplaire, ou bien pourriez-vous m'en faire parvenir un? À quoi cela ressemble-t-il?
M. Evans: Oui, nous pouvons vous en envoyer un. Nous sommes justement en train d'en créer un nouveau à cause de la nouvelle loi.
Le sénateur Gauthier: Quelle est l'étendue des renseignements consignés sur cette déclaration publique?
M. Evans: C'est très limité. C'est la lecture la plus ennuyeuse que je connaisse. Tout d'abord, il n'y a aucun chiffre. On dirait par exemple qu'on possède une maison et une résidence secondaire. On ne nomme même pas les enfants. Je croyais qu'il n'y avait aucun problème à les nommer, mais il y a une dame qui s'y est vivement opposée enfants parce que quelqu'un pourrait les kidnapper - donc on les numérote tout simplement. J'en ai eu neuf et, que je sache, personne n'a jamais essayé de me les enlever.
Le sénateur Di Nino (Ontario): Dans quelle colonne inscrivez-vous les enfants, l'actif ou le passif?
M. Evans: Personnellement, je ne sais pas si on peut jamais les sortir de la colonne du passif.
Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, je ne veux pas qu'on comptabilise cet échange dans mon temps de parole.
Le coprésident (M. Milliken): Ne vous inquiétez pas, sénateur, nous allons vous accorder amplement de temps.
Le sénateur Gauthier: En lisant votre document, Votre Honneur... Je suppose que vous avez qualité de juge à vie, n'est-ce pas?
M. Evans: C'est un peu comme un colonel du Kentucky, à ce qu'on me dit, chez les Américains. Mais sérieusement, non, je ne suis pas juge.
Le sénateur Gauthier: Vous n'insisterez pas pour que je vous appelle Votre Honneur.
M. Evans: Le professeur McWhinney vous donnera l'heure juste là-dessus.
Le sénateur Gauthier: Vous semblez faire une différence dans votre document entre un député à la Chambre des communes et un sénateur. Je peux comprendre votre position, étant donné que vous travaillez au niveau provincial, mais pourriez-vous m'expliquer quelle est la différence dans votre esprit entre un législateur élu et un législateur nommé, eu égard au code de déontologie, ou quel que soit le nom qu'on lui donne?
M. Evans: Nous appelons maintenant cela la Loi sur l'intégrité des députés.
Le sénateur Gauthier: Bon, d'accord pour l'intégrité.
M. Evans: Je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup de différence, mais pour commencer, il y en a un qui est élu.
Le sénateur Gauthier: Je le sais.
M. Evans: Je suis sûr que vous le savez, en effet.
Des voix: Ho, ho.
M. Evans: Il est passé par là; c'est pourquoi il en est tellement conscient.
Assurément, il y a une différence dans la durée du mandat. Vous occupez votre poste jusqu'à l'âge de 75 ans, comme c'était mon cas à titre de juge, tandis qu'un député au Parlement ou à une assemblée législative prend sa retraite ou bien se fait retirer du jeu, d'une manière ou de l'autre. De ce point de vue, il y a donc une petite différence.
Je ne suis pas un politicologue. Je n'ai pas suivi ce cours à l'école. Je ne pense pas que nous en avions un, d'ailleurs. Mais je pense qu'il y a une différence. Je ne sais trop si vous siégez à de nombreux comités des communes. Peut-être que vous le faites, je n'en suis pas certain; je ne le croyais pas. Je ne pense donc pas que vous avez la même participation à ces comités qu'un député à la Chambre.
Le sénateur Gauthier: Je cite un passage de votre document, à la page 3:
- Je ne crois pas que les sénateurs et les députés devraient être considérés comme étant assujettis à
la même loi.
- En lisant cela, je me suis demandé ce que diable vous vouliez dire.
M. Evans: Je pense que vous pouvez avoir une mesure analogue. Un grand nombre des exigences qui s'appliquent aux députés sont les mêmes que pour les sénateurs ou pour les membres...
Le sénateur Gauthier: Vous voulez parler des principes.
M. Evans: Oui.
Le sénateur Gauthier: Mais vous avez dit que la plupart de ces principes étaient de toute façon des déclarations inattaquables, des truismes.
M. Evans: C'est le cas de toute déclaration qui préface une mesure législative. Je pense que ce sont toujours des truismes.
Mais votre situation est quelque peu différente. J'hésite toujours à répéter l'opinion de quelqu'un d'autre, et j'ai lu des bouquins à ce sujet, mais il semble y avoir énormément de confusion entourant les lobbyistes au Sénat par rapport aux lobbyistes à la Chambre des communes.
J'ignore dans quelle mesure le livre de cette auteure était exact. Tout ce que je sais, c'est que je ne crois qu'elle ait fait l'objet de poursuites en diffammation. J'aurais cru que certains d'entre nous auraient été diffammés par ses propos. C'est la même chose dans...
J'ai donc pensé qu'il y avait du vrai là-dedans et je ne sais pas si l'on a le droit de dire que le sénateur en question aurait dû perdre son siège.
Le sénateur Gauthier: Pourquoi? Je pense qu'il y a une énorme différence. La Chambre des communes est une institution fondée sur la confiance. Le gouvernement doit avoir la confiance de la Chambre des communes pour demeurer au pouvoir. Ce n'est pas la même chose au Sénat. Il n'a pas besoin d'avoir la confiance du Sénat pour gouverner.
M. Evans: Les sénateurs sont là pour toujours.
Le sénateur Gauthier: Est-ce un argument...
M. Evans: Ça pourrait en être un. Je n'y ai pas vraiment réfléchi, même si le fait que la durée de leur mandat soit bien différente m'ait traversé l'esprit.
Le sénateur Gauthier: Il y a le fait que les sénateurs peuvent être ou non membres d'un conseil d'administration, par exemple. Dans votre mémoire, vous dites que les ministres ou les titulaires de poste de confiance ne devraient pas être membres d'un conseil d'administration ou de sociétés...qu'ils devraient être indépendants du gouvernement et ainsi de suite.
M. Evans: Mais si je ne m'abuse, des sénateurs en font partie.
Le sénateur Gauthier: Pas moi.
M. Evans: Il y a bien des années, au début de ma carrière de juge, je me souviens d'avoir entendu parler de quelqu'un qui siégeait au comité des banques du Sénat, tout en faisant partie du conseil de direction de la Banque de Montréal. Cela m'est apparu inconvenant. Mais c'était un cas qui, je crois...
Le sénateur Gauthier: Dans votre esprit - et dans le mien aussi - la personne qui assumerait ces deux postes serait en conflit d'intérêts, n'est-ce-pas?
M. Evans: Oui.
Le sénateur Gauthier: Dans notre code de déontologie, il faudrait préciser que les sénateurs et les députés ne peuvent être membre du conseil d'administration ou président d'une entreprise tout en étant législateur car le législateur risque d'être appelé à adopter des mesures touchant cette entreprise. Est-ce là votre opinion?
M. Evans: Oui, c'est exact.
Le sénateur Gauthier: Puis-je poser une dernière question? À titre de commissaire, vous avez des responsabilités multiples. Vous êtes administrateur, conseiller et même parfois enquêteur.
M. Evans: Et juge.
Le sénateur Gauthier: Laquelle de ces fonctions est la plus importante à vos yeux?
M. Evans: À mon avis, la plus importante est celle d'éducateur, et c'est un rôle qui a été négligé. Je pense qu'il faut éduquer les gens face aux problèmes qu'ils risquent de rencontrer. À l'heure actuelle, nous faisons des efforts en ce sens. Tout récemment, le caucus du Parti conservateur a réuni tous ses employés de circonscription pour les informer des derniers développemments à cet égard.
Nous envoyons les rapports tous les ans dans les bureaux de circonscription. Nous demandons aux employés de nous appeler pour nous poser toute question qu'ils pourraient avoir. Nous recevons quantité d'appels de la part de nouveaux députés.
Je pense que cela est utile. Un employé de circonscription un peu trop enthousiaste peut mettre son député dans l'eau chaude.
Le sénateur Gauthier: Merci, monsieur le président. Je reviendrai au second tour.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Boudria.
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Tout d'abord, je me joins à mes collègues pour souhaiter la bienvenue à Son Honneur.
Je constate - et c'est un sujet que le sénateur Gauthier a abordé brièvement - qu'à votre avis, il est peut-être justifié d'avoir des règles différentes, ou peut-être pas des règles différentes, mais des normes différentes, pour les sénateurs et pour les députés de la Chambre. Ce n'est pas vraiment le sujet que je veux aborder, sinon par la bande.
Ne devrait-il pas y avoir des normes différentes pour les titulaires de charge publique et les simples députés. Les députés d'arrière-banc, comme on les appelle? Les ministres et les secrétaires parlementaires, qui dans nos règlements sont réunis sous le vocable titulaire de charge publique, ne devraient-ils pas respecter des critères plus rigoureux que mon voisin ici, ou moi-même? En vertu de notre système, je ne suis pas ministre.
M. Evans: Oui, il existe des dispositions différentes. Notre loi prévoit des dispositions qui s'appliquent à tous les députés de l'Assemblée législative, et d'autres encore, qui s'appliquent aux membres et ex-membres du conseil exécutif. Il y a donc une différence.
Il existe certaines restrictions quant aux organismes dont ils peuvent être membres. Par exemple, il est interdit aux membres du conseil exécutif d'avoir un emploi ou de pratiquer une profession. Il ne peut non plus participer à la gestion d'une entreprise ayant des liens avec une société d'État. Il ne peut assumer un poste de direction ou des fonctions dans une organisation, à moins que ce soit dans un club social, une organisation religieuse ou politique.
Ce ne sont là que quelques-unes des restrictions imposées à ces personnes. Chose certaine, elles sont visées par de nombreuses autres restrictions.
M. Boudria: On peut supposer que la même chose pourrait se faire dans notre système.
M. Evans: Oui, je pense que cela pourrait se faire.
M. Boudria: Il y a une autre question que je veux vous poser. Pouvez-vous prendre des décisions préalables? Vous avez parlé tout à l'heure de source de satisfaction, d'éducation, etc. Votre homologue au Québec s'appelle le jurisconsulte. On peut consulter ce jurisconsulte. Il - et je dis il parce que le titulaire était un homme - était habilité à rendre une décision préalable lorsque un député, ne sachant pas s'il était en conflit d'intérêts ou non lui disait: «Votre Honneur, est-ce que cela est acceptable et, dans l'affirmative, auriez-vous l'obligeance de mettre cela sur papier?». Cette opinion pourrait réconforter le député.
M. Evans: Nous le faisons constamment. Voici comment les choses fonctionnent. S'il s'agit d'une question urgente, les députés peuvent nous appeler et nous leur donnerons une opinion au téléphone. Mais d'habitude, nous exigeons d'être saisis d'une demande avant le lendemain matin, que ce soit par courrier ou par télécopieur. Ensuite, nous confirmerons notre réponse par courrier ou par télécopieur nous-mêmes.
À l'heure actuelle, nous sommes inondés par ce genre de demandes de renseignements. Certains députés ont tellement peur qu'ils... Nous sommes vraiment débordés. Mais c'est pour cela que nous sommes là. Ces demandes ont été suscitées par le colloque que nous avons organisé pour le groupe.
M. Boudria: Je vais maintenant parler d'un cas particulier. Je ne m'attends pas à ce que vous me donniez une réponse au sujet du cas ou que vous m'expliquiez les raisons qui vous ont amené à trancher comme vous l'avez fait - si vous l'avez fait. Aux fins du compte rendu, il s'agit du cas Gigantes. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec vos règles?
M. Evans: Non. Permettez-moi de m'expliquer. Après l'arrivée au pouvoir du gouvernement néo-démocrate, le premier ministre a décidé d'imposer des lignes directrices. Ces lignes directrices venaient s'ajouter à la législation en la matière, mais elles pouvaient s'appliquer uniquement aux députés de ce parti. Le premier ministre ne peut établir de lignes directrices pour l'opposition. Et c'est d'ailleurs pour cela que les néo-démocrates se sont attiré autant d'ennuis.
À l'époque, on m'a demandé ce que je pensais de ces lignes directrices et j'ai dit qu'elles étaient draconiennes. Si elles étaient appliquées, les seuls candidats à la vie publique seraient issus des asiles et des prisons. J'ignorais à ce moment-là que mes propos seraient rapportés dans le hansard, sinon j'aurais été beaucoup plus prudent. Je suppose que je devrais l'être aujourd'hui également. Ces lignes directrices ont été un véritable carcan pour les députés néo-démocrates.
L'affaire Gigantes... Tout d'abord, Mme Gigantes ne nous a jamais consultés à ce sujet avant de s'être vraiment enfoncée dans le pétrin. Quand ils en sont là, tout ce qu'on peut faire, c'est leur donner une pelle pour qu'ils s'enfoncent davantage, je suppose. Il n'y a rien que nous puissions faire.
Je pense que ce qui est arrivé... Si la plainte avait été déposée en vertu de la loi... D'après ce que j'en sais, je ne crois pas que c'était si important que cela. Remarquez, je ne connais pas tous les détails, je n'en sais que ce que j'ai lu dans les journaux, et j'imagine qu'il faut retrancher un quart de cela.
M. Boudria: Je n'entrerai pas trop avant dans les détails. En tant que député du lieu, l'opinion que j'ai donnée à des journalistes le lendemain... J'ai songé à à peu près 25 raisons pour lesquelles ce député devait démissionner, mais ce n'était pas l'une d'entre elles. Essentiellement, il s'agissait d'une députée qui faisait son devoir, et j'ai pensé que c'était une raison plutôt inhabituelle pour la contraindre à démissionner.
Vous dites alors que les normes selon lesquelles elle était jugée n'étaient pas les vôtres...
M. Evans: Non.
M. Boudria: ...que cet ensemble supplémentaire de règles était les lignes directrices du premier ministre provincial.
M. Evans: Il a admis quelques mois plus tard qu'il voulait s'en débarrasser. C'est le genre de chose qu'il est difficile d'abolir une fois qu'on l'a.
Je vais vous dire comment nous avons abouti à cet ensemble de règles. Cela pourra peut-être vous aider.
J'ai témoigné devant le comité sur l'administration de la justice de notre Parlement à Toronto. Nous avions trois rapports, un de chaque parti, qui nous étaient inutiles. Après cela, et après la controverse soulevée par les lignes directrices, je suis allé trouver le premier ministre et je lui ai dit qu'à mon avis, l'intégrité n'était pas l'apanage d'un seul parti politique et qu'il faudrait probablement organiser une rencontre entre les trois chefs, ce qui a été fait. Je leur ai demandé s'ils voulaient nommer une personne, pas nécessairement un député provincial. Nous nous sommes retrouvés avec un député provincial et deux avocats, l'un qui représentait les conservateurs et l'autre les libéraux. Nous nous sommes rencontrés pendant à peu près deux ans pour démêler tout cela.
Les trois rendaient des comptes à leur caucus ou à un comité de leur caucus. Ils travaillaient en petits groupes au début puis avec l'ensemble du caucus. C'est comme cela que nous sommes parvenus à une conclusion. Ces mesures ont alors été adoptées par l'Assemblée sans la moindre difficulté.
Nous étions fort heureux d'avoir un député provincial au comité. Nous avons cru au début qu'il vaudrait mieux s'en tenir à des gens de l'extérieur, mais la plupart d'entre nous n'auraient pas compris ce qui se fait à l'Assemblée.
M. Boudria: Y a-t-il une leçon à tirer de cet incident en particulier pour nous qui voulons des règles pratiques - je n'essaie pas de vous mettre des mots dans la bouche - et au lieu de rechercher la sainteté en toutes choses, si je puis dire, nous pourrions nous assurer que nos règles sont pratiques, qu'une fois que nous les avons, nous ne corsetons pas les députés de telle sorte qu'ils ne pourront même pas faire le travail pour lequel ils sont élus, à savoir défendre leurs électeurs?
M. Evans: Je suis d'accord. Je crois aussi qu'il faut donner une certaine souplesse ou discrétion au commissaire ou à quiconque est nommé. Lorsque la première mouture de notre projet de loi est parue, des bureaucrates du cabinet du procureur général ont dit qu'il fallait révéler tous les actifs. Je n'étais pas d'accord - il y avait un peu d'ambivalence dans le texte de loi, alors j'ai dit que je n'allais pas révéler les actifs des députés. On se demandait si j'avais la discrétion voulue pour agir, mais je me suis dit que j'allais exercer une certaine discrétion de toute façon.
Ces 130 députés sont venus à moi, et je leur ai demandé à chacun d'entre eux s'ils croyaient que la loi qu'ils adoptaient les obligerait à dévoiler leur situation financière: ce qu'ils possèdent et ce qu'ils doivent. À l'exception de deux députés, tous m'ont répondu que non. L'un des deux m'a dit qu'il n'avait rien et qu'il s'en fichait, et l'autre m'a dit qu'il ne comptait pas se représenter.
Il faut que le système soit équitable mais il faut aussi qu'il soit souple. Nous espérons avoir construit un système qui marchera.
M. Boudria: Merci.
M. Evans: Autre chose. Lorsque les néo-démocrates ont pris le pouvoir, le ministre du Travail possédait 700 dossiers relatifs à la Commission des accidents du travail, et je lui ai dit qu'il ne pouvait être ministre du Travail et conserver ces dossiers. Je lui ai dit qu'il avait le choix, que c'était son choix et non le mien, mais qu'il devait se défaire de ces dossiers s'il voulait rester à ce poste.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Il était avocat, vous dites.
M. Evans: Non, il n'était pas avocat.
M. Boudria: Non, il était député provincial.
M. Evans: Il témoignait seulement devant la commission.
M. Boudria: J'ai été député au Parlement ontarien. Ce n'est pas évident, mais une bonne part du travail du député provincial consiste à témoigner devant la Comission des accidents du travail pour défendre des particuliers. Ce n'est pas évident pour tout le monde, mais ce l'est pour moi parce que je l'ai fait souvent.
M. McWhinney (Vancouver Quadra): Comme bénévole.
M. Boudria: Bien sûr.
M. Evans: Il n'était pas payé pour ça. Mais certains d'entre eux étaient là si souvent qu'un étranger aurait pensé qu'ils étaient commissaires.
M. McWhinney: Ils en faisaient peut-être autant.
M. Evans: D'une manière ou d'une autre, je crois que tous les députés ontariens seraient heureux d'avoir un règlement quelconque les interdisant de témoigner devant la Commission des accidents du travail. Ça prend la moitié de leur temps. Les dossiers sont morts et enterrés, mais chaque fois qu'arrive un nouveau groupe ou un nouveau député, ces dossiers ressuscitent. Certains traînent pendant trois ans.
Nous avons décrété qu'un ministre et son adjoint parlementaire ne peuvent témoigner devant aucun organisme ou aucune commission qui relève de l'autorité de ce ministre. C'est comme ça qu'on a réglé cette question.
M. Epp (Elk Island): Monsieur, je vous sais gré d'être des nôtres aujourd'hui. Je viens de remarquer votre curriculum vitae. Vous avez été reçu au barreau l'année où je suis né. J'admire votre énergie. J'ai parfois le sentiment d'en manquer à mon jeune âge.
M. Evans: Avoir neuf enfants, ça occupe un homme.
M. Epp: Oui, j'ai remarqué que vous avez neuf enfants. Il y avait un député provincial en Alberta, le chef du Parti libéral, qui avait lui aussi neuf enfants. Il disait qu'à l'époque où il était agriculteur, il allait à des encans de taureaux, et il y avait des gars dans l'arène qui le regardaient plus que les taureaux.
Revenons aux choses sérieuses, ce code d'intégrité que vous avez aujourd'hui dans la province...
M. Evans: C'est une loi.
M. Epp: C'est une loi. Comment y êtes-vous arrivés? Évidemment, la loi a été adoptée par l'Assemblée législative, mais comment en êtes-vous venus à ce texte de loi?
M. Evans: C'est ce que je voulais vous expliquer il y a un moment. Lorsque nous y avons travaillé en groupe, ça ne marchait pas, alors on a nommé trois personnes, chacune étant nommée par le chef de son parti. Nous nous sommes réunis - c'est-à-dire les trois, moi-même et mon adjoint exécutif - et nous sommes parvenus à un compromis. Ça nous a pris un bon bout de temps.
M. Epp: C'est donc une sorte de triumvirat qui a produit la première ébauche.
M. Evans: Oui.
M. Epp: L'avez-vous soumis à d'autres avant de la soumettre à l'Assemblée législative?
M. Evans: Oui, les trois l'avaient. D'après ce que je sais, et nous l'avions suggéré, chacun d'entre eux travaillait avec un comité de trois ou quatre personnes du caucus libéral, du caucus conservateur et du caucus néo-démocrate, et on a travaillé à ce niveau. Puis ils sont revenus et nous sommes parvenus à un compromis. Ensuite ces trois ou quatre personnes à qui ils avaient parlé, plus celle qui était nommée, se sont adressées à un plus gros groupe du caucus. Je crois même qu'ils ont parlé à tout le caucus. C'est comme ça que nous y sommes parvenus.
M. Epp: Maintenant que la loi est en place, êtes-vous le seul à la gérer et à l'appliquer?
M. Evans: Oui.
M. Epp: Vous ne travaillez pas avec un autre sous-comité.
M. Evans: Non.
M. Epp: J'ai aussi une question au sujet de votre autonomie. Vous en parlez à quelques reprises dans votre rapport, et votre autonomie est mentionnée dans le texte de loi. Cela pique ma curiosité, parce que comme vous avez été juge, vous avez été sûrement nommé par le gouvernement. S'agissait-il du gouvernement provincial ou fédéral?
M. Evans: J'ai été nommé par le gouvernement fédéral. J'ai été juge 25 ans.
M. Epp: Donc vous êtes indépendant dans la mesure où personne, hier ou aujourd'hui, du gouvernement provincial ne vous a nommé à la magistrature.
M. Evans: Jamais.
M. Epp: Comment pourrions-nous, à la Chambre des communes, demander par exemple à quelqu'un de votre stature de devenir notre commissaire à la déontologie s'il ou elle a déjà été nommé à un poste par l'un des partis qui a été au pouvoir ici?
M. Evans: J'imagine que si vous allez jusqu'au bout de votre logique, vous ne pourriez avoir personne non plus qui a déjà plaidé devant un tribunal. Il faut faire confiance à cette personne, c'est tout.
M. Epp: Mais quelle méthode nous recommandez-vous pour désigner un commissaire à la déontologie, un conseiller ou un arbitre?
M. Evans: À moins que tout le monde - c'est-à-dire, je dirais, ces trois ou quatre personnes - ne s'entendent sur le choix d'une personne, j'imagine que vous constitueriez un comité, de plus de trois ou quatre personnes j'imagine, mais trois ou quatre de chaque parti, qui s'entendrait sur une liste de noms, et vous choisiriez alors la personne et la recommanderiez au Parlement.
M. Epp: Je vous sais gré de votre réponse. À mon avis, le plus important pour notre comité, c'est de donner les indications voulues pour que la loi permette de nommer une personne indépendante qui agira à titre de juge dans ces affaires.
Le coprésident (le sénateur Oliver): [Inaudible - Rédaction] ...un juge libéral.
M. Epp: Je n'ai aucune partialité envers les gens de cette profession, mais je ne les écarterais sûrement pas d'emblée. S'ils ont d'autres qualités qui les réchappent, nous pourrions oublier cet élément.
Je vais vous poser une question précise. La loi interdit d'accepter des cadeaux. On dit après que si une personne reçoit un cadeau, elle doit le déclarer. Pouvez-vous m'expliquer cela? C'est une contradiction. Vous dites d'un côté qu'une personne ne peut recevoir de cadeau, mais que si c'est le cas... Je pense avoir une idée de la réponse, mais j'aimerais entendre votre explication.
M. Evans: Vous ne recevez pas de cadeaux nécessairement parce que vous êtes député provincial. Vous n'avez pas droit à des cadeaux uniquement parce que vous êtes élu. Dans les conseils municipaux - et bon nombre de ces personnes proviennent des conseils municipaux - et dans nombre de municipalités, il y a eu des difficultés. Des gens vous téléphonaient avant Noël et vous disaient de laisser la porte de votre garage ouverte. Vous rentriez chez vous et trouviez deux dindes et de l'alcool. C'est arrivé, et il y eu des poursuites. Certaines ont échoué, des personnes ont été reconnues coupables et certaines ont fait de la prison.
Il fallait trouver un juste milieu. Qu'allions-nous faire? Si vous donnez un discours quelque part et qu'on veut vous faire un cadeau, dans l'accomplissement de vos fonctions... C'est pour ça qu'on vous donne un cadeau, ce n'est pas seulement parce que vous vous trouviez à être là. On vous fait un cadeau parce que vous faites quelque chose dans l'accomplissement de vos fonctions de législateur. Alors, si on vous donne un cadeau... et nous évitons...
Je les vois tous, les 130. Nous disons à tous de ne pas accepter d'argent comptant dans une enveloppe, parce qu'on leur donnera peut-être 100$ mais tout le monde pensera que c'est 1 000$. N'acceptez pas d'argent comptant, n'acceptez pas de chèque, n'acceptez pas de note de crédit. Nous leur disons de déclarer le cadeau si c'est 200$, ou si la même personne vous fait des cadeaux de 25$ ou de 50$ sur une période de 12 mois et que le total est de 200$, alors vous le déclarez.
Il fut un temps où les cadeaux prenaient diverses formes. Il y en avait qui offraient des vacances en Floride. Donc nous leur avons demandé à tous s'ils auraient reçu un tel cadeau s'ils n'étaient pas législateurs. La plupart d'entre eux ont dit que non.
S'ils disent que non, ils ne devraient pas l'accepter. Si on leur fait une offre semblable, ils n'ont qu'à nous téléphoner et nous leur dirons s'ils doivent l'accepter ou non. S'ils l'acceptent, après ça, c'est leur problème, parce que nous les aurons prévenus et nous aurons noté, qu'à notre avis, ils ne devaient pas accepter ce cadeau. S'ils nous demandent notre avis, ils vont avoir une opinion.
M. Epp: Si je donne un discours et qu'on m'offre 100$ après, et je signale en passant que ça m'est arrivé et que j'ai refusé parce que, pour une raison quelconque, je croyais que c'était mal - et il n'existe même pas de code, mais j'ai refusé - en vertu de votre code à vous, j'aurais pu l'accepter.
M. Evans: Pas d'argent comptant.
M. Epp: Pas de comptant.
M. Evans: Non. Personne ne saurait combien on vous a donné ou très peu de personnes le sauraient.
M. Epp: Disons qu'on me donne un chèque et que je remercie mes donateurs publiquement pour ces 100$. Est-ce que ça va alors?
M. Evans: Notre préférence, c'est que vous n'acceptiez pas d'argent comptant ou de chèque. Mais si on vous donne un appareil photo pour un service quelconque et que cet appareil vaut 200$ ou 300$, vous avez le choix et vous ferez ce que vous en voudrez. Vous pouvez en faire cadeau à une oeuvre de bienfaisance et ne pas accepter de reçu en échange, ou vous pouvez le conserver. Vous savez, quand on entend cette petite cloche retentir dans sa tête, c'est votre conscience qui vous dit si ça va ou si ça ne va pas, mais il y en a qui n'entendrait même pas Big Ben.
Des voix: Ah, ah!
Le coprésident (le sénateur Oliver): J'ai une question supplémentaire sur les cadeaux.
Si une personne reçoit des cadeaux qui totalisent 400$ pour l'année, est-ce qu'elle garde tous ces cadeaux et ne fait que les déclarer? Qu'arrive-t-il lorsque vous dépassez la limite de 200$?
M. Evans: On déclare alors les cadeaux.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Qui les garde?
M. Evans: Ça regarde les intéressés. Nous croyons que cela regarde leur conscience. Cependant, on va savoir que vous avez reçu un cadeau de Machin, les circonstances entourant le remise du cadeau et les raisons. Nous allons dire tout cela dans un rapport qui deviendra public. Aujourd'hui, on dirait que tout ce qu'ils reçoivent, ce sont des casquettes et des T-shirts. Les temps sont durs.
Il y a eu une situation où un gars a reçu deux semaines dans un condo. Il ne me l'a dit qu'après avoir joui de deux semaines, bien sûr...
Des voix: Ah, ah!
M. Evans: ...mais lorsqu'il me l'a dit, je lui ai dit que l'affaire était close et je lui ai demandé pourquoi il croyait qu'il avait reçu ça. Je lui ai demandé s'il connaissait ce monsieur avant. Il a dit que non, il ne le connaissait pas, mais qu'il l'avait aidé dans ces activités quelles qu'elles soient. C'est comme ça que nous réglons le choses.
Plusieurs personnes ont accepté des cadeaux. Elles les laissent au bureau. Il y a toutes sortes de cadeaux. Nous avons vu une situation où un artiste a décidé de donner un tableau à un monsieur. Bien sûr, j'ai demandé combien vallait le cadre. Il a dit qu'à son avis, il vallait quelques centaines de dollars. Mais pourquoi vous donnerais-je un tableau? Vous n'allez pas l'accrocher dans votre maison. Je lui ai demandé si sa femme l'accrocherait dans sa maison. Il a dit que non, qu'elle ne le laisserait même pas l'accrocher dans le garage. Donc, même si l'artiste pensait que son tableau vallait 15 000$...
Il y a d'autres genres de cadeaux. Lorsque les ministres voyagent en Orient, lorsqu'ils vont au Japon ou en Chine, ils reçoivent des cadeaux qui valent pas mal cher. Bob Ray n'acceptait rien. Il acceptait les cadeaux, les rapportaient en Ontario et les laissaient aux Archives. Ces cadeaux ont la fâcheuse habitude de disparaître des Archives; je ne crois pas qu'on tienne un registre de ces cadeaux.
Nous croyons que nous avons fait notre devoir si le cadeau est déclaré et si nous disons dans le rapport public d'où il venait et pourquoi il a été fait.
M. Epp: J'aimerais poser une autre question sur les cadeaux et j'en aurai une autre après. Est-ce que tous les députés acceptent cette façon de faire? Avez-vous entendu des objections ou des plaintes?
M. Evans: Non, je n'ai pas eu de plaintes. J'en ai eu quelques-unes la première année, mais je n'en ai plus.
M. Epp: J'aimerais maintenant parler de la divulgation des revenus. Si j'en crois le texte de loi ontarien, le député doit dévoiler toutes ses sources de revenu, ainsi que celles de son conjoint et de tous les membres de la famille. Le montant est déclaré; c'est une déclaration que vous recevez et conservez dans vos dossiers.
M. Evans: Oui.
M. Epp: Est-ce rendu public?
M. Evans: Jamais.
M. Epp: Vous l'avez, mais personne d'autre que vous.
M. Evans: C'est exact. C'est pourquoi nous sommes une petite boîte. Nous ne sommes que trois. Nous étions deux jusqu'au jour où nous recevions tellement d'appels qu'on ne pouvait plus travailler. Nous ne sommes que trois. Nous avons une pièce spéciale, avec un cadnas spécial, et c'est là qu'on garde les dossiers. Personne d'autre ne les voit.
Nous n'avons pas de formulaires de déclaration publique dans notre bureau. Nous établissons notre rapport et le remettons au greffier de l'Assemblée législative. S'il y a des journalistes qui veulent les lire, ils peuvent le faire, ou ils peuvent téléphoner, et le greffier leur enverra une copie du dossier moyennant un droit quelconque.
M. Epp: Dans quelle mesure ces informations vous sont-elles utiles?
M. Evans: À moi?
M. Epp: Oui.
M. Evans: C'est comme aller à la confesse, je leur dis que si la loi les oblige à déclarer ceci ou cela, c'est ce qu'ils doivent faire. Ça vous donne une idée... Si vous avez quelqu'un dont le formulaire indique qu'il est pratiquement ruiné et qu'il conduit une Lexus, vous commencez à vous poser des questions.
Si vous êtes là, disons pendant quatre ans, nous avons un formulaire pour les deux ou trois premières années. Chaque année, nous comparons les formulaires. Nous allons vous demander pourquoi vous avez plus, pourquoi vous avez moins, et si vous avez des dettes, pourquoi. Nous tâchons de nous servir de notre... eh bien, «bon sens». Je sais que c'est un mot galvaudé en Ontario, mais c'est le mot juste. Nous tâchons de faire usage de discernement dans la divulgation.
Si un parent prête de l'argent à son enfant pour une hypothèque ou quelque chose du genre, nous croyons que cela ne regarde pas le public. Donc nous n'allons pas dévoiler cela. Si quelqu'un fait vivre un enfant dont personne ne connaît l'existence, nous n'allons pas dévoiler cela non plus. Il y a plusieurs choses que nous n'allons pas dévoiler si nous jugeons que ces choses ne regardent pas le public.
M. Epp: Y a-t-il un risque qu'un gouvernement futur révèle ce genre de choses en adoptant une loi sur la divulgation d'informations? Ou détruisez-vous ces dossiers?
M. Evans: Oui. Il existe une disposition dans la loi qui nous oblige de détruire ces dossiers après un certain temps.
M. Epp: Monsieur le président, je me suis beaucoup amusé, c'est le tour aux autres. J'y reviendrai.
Le coprésident (M. Milliken): Une petite question supplémentaire, sénateur Gauthier.
Le sénateur Gauthier: Qui protège la confidentialité de vos dossiers?
M. Evans: C'est moi.
Le sénateur Gauthier: D'accord. Disons que la police fait enquête sur les activités d'un député provincial.
M. Evans: Oui.
Le sénateur Gauthier: Vous sauriez.
M. Evans: Oui, monsieur. C'est arrivé.
Le sénateur Gauthier: Le policier se présente chez le président de l'Assemblée législative et dit qu'il fait enquête sur le député X, et qu'il aimerait savoir quels actifs il a dévoilé parce qu'il croit que ce député est impliqué dans une fraude ou quelque chose du genre. Qu'est-ce qui arriverait?
M. Evans: Rien.
Le sénateur Gauthier: Pourquoi?
M. Evans: Si le policier se présente et m'adresse une demande, je ne fais rien, je dis... Ce n'est pas arrivé qu'il se présente au président; c'est arrivé qu'un policier vienne me voir pour me dire qu'il faisait enquête sur un certain député.
Le sénateur Gauthier: Ce n'est pas mon exemple. J'ai dit que le policier était allé voir le président, qui protège les députés, et qu'il a dit au président qu'il faisait enquête sur le député X et qu'il aimerait avoir accès à des informations qu'il y a dans son bureau, ou dans vos bureaux à vous, dans votre secteur. J'imagine que vous relevez de l'Assemblée législative.
M. Evans: Oui.
Le sénateur Gauthier: Pourquoi le policier n'aurait-il pas accès à ces documents - parce que vous avez dit non?
M. Evans: Je lui ai dit que s'il veut quelque chose, il doit obtenir une assignation et la présenter au tribunal.
Le sénateur Gauthier: D'accord. J'ai une assignation d'un juge et de la police.
M. Evans: Eh bien, alors je fais comme tout le monde; je devrai aller au tribunal.
Le sénateur Gauthier: Allez-vous lui donner les informations?
M. Evans: Oui, mais je ne relève pas du commissaire à la protection de la vie privée et de tout cela. La police ne peut rien obtenir parce que c'est écrit ici.
Dans le cours normal des choses, je ne suis pas soumis à cela. Je n'ai pas vue de situation... J'ai seulement demandé au policier, lorsqu'il est venu me voir, s'il avait une assignation, et je lui ai dit: «On se retrouvera au tribunal.» Il a décidé qu'il ne voulait pas d'autres informations de moi. Il n'y avait rien.
M. McWhinney: Que voulait dire cette réponse, que vous vous retrouveriez au tribunal?
M. Evans: J'ai pensé qu'il y aurait une poursuite. S'il y avait une poursuite et que j'étais cité à comparaître, j'imagine que je devrais donner les informations.
M. McWhinney: Vous n'avez pas pensé que l'immunité ou le privilège parlementaire s'appliquerait dans une situation comme celle-là?
M. Evans: Je poserais sûrement cette question et je laisserais le juge se débrouiller avec ça.
M. McWhinney: Mais vous êtes d'accord pour dire que le privilège constitutionnel est pertinent ici.
M. Evans: Ah, oui. Ce serait la première chose à dire. Mais il faudrait que j'aille au tribunal; c'est ce que je dis. Si l'on décide que je dois... mais ça ne s'est jamais présenté.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Malhi, vous avez la parole.
M. Malhi (Bramalea - Gore - Malton): Merci, monsieur le président.
Monsieur Evans, notre comité a pour mandat d'établir un code de déontologie. J'imagine que ce code dépasserait les simples conflits d'intérêts où il est question d'argent. À votre avis, quels sont les autres problèmes qu'il faut prévoir ici?
M. Evans: L'un des exemples que j'ai cités avait trait à l'ingérence d'un ministre dans des procédures judiciaires - ou une autre personne intervenant dans des procédures judiciaires - ou un ministre intervenant auprès d'un organisme ou d'une commission relevant de son autorité et se servant de son influence pour modifier une décision ou pour tenter de modifier une décision. C'est le genre de choses qui nous occupe.
M. Malhi: Deuxièmement, dans quelle mesure la perception du public intervient-elle dans la discrétion que vous exercez à l'égard des législateurs ontariens, quelle que soit la lettre de la loi ou du règlement?
M. Evans: Je peux seulement vous répondre que les députés ne semblent avoir rien à me reprocher. Ils ont confirmé ma nomination à trois reprises: ils m'ont nommé une fois puis ont reconduit ma nomination deux fois, encore récemment. S'ils étaient mécontents - d'ailleurs, l'autre jour, dans le hansard, on pouvait lire le témoignage assez élogieux des trois chefs de parti. Dommage que ma mère n'y soit plus pour le lire.
Sans pêcher par immodestie, je crois que les législateurs sont contents. Je n'ai pas reçu de plaintes du public parce que je n'accepte pas de plaintes du public, mais si on m'adresse des plaintes, je les oriente. Je ne dis pas non, il n'y a rien à faire ici. Je ne m'en mêle pas, c'est tout. J'écoute ce qu'on a à me dire et je dis aux gens que s'ils pensent avoir une plainte, qu'ils s'adressent à un député de l'opposition. Je réfléchis ces temps-ci à une mesure qui nous permetrait de bâillonner les francs-tireurs que l'on retrouve dans tous les partis. Il y en a toujours un, je pense. Mais avez les conservateurs qui n'ont que deux députés, peut-être qu'il n'y en a pas.
Je pense qu'il devrait y avoir quelqu'un au caucus, qu'il s'agisse du président du caucus ou de quelqu'un d'autre, qui aurait l'autorité de filter les plaintes, parce que c'est comme au tribunal. Je prends la position que je prendrais au tribunal. Si la plainte est infondée, je dis qu'on n'aurait jamais dû porter plainte. Autrement, le député, son parti et le Parlement lui-même en souffrent. Nous n'avons pas encore ce mécanisme de filtrage, mais nous y travaillons.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur McWhinney.
M. McWhinney: Je tiens à remercier le témoin. Je connais ses états de service impressionnants, et c'est un privilège que de vous recevoir, monsieur.
J'aimerais revenir à votre réponse à la question de mon collègue, la sénateur Gauthier. En réponse à une assignation, vous avez dit: «On se retrouvera au tribunal». Êtes-vous d'accord pour dire que c'est une question que doit trancher l'Assemblée législative ou le Parlement, parce qu'il s'agit des privilèges de deux instances de statut égal? Autrement dit, la décision judiciaire en tant que telle ne serait pas suffisante pour contraindre la divulgation à moins que l'Assemblée législative ne soit d'accord.
M. Evans: Outre les plaintes déposées par les députés, il y a aussi celles qui peuvent être déposées par voie de résolution de l'Assemblée législative. Je serais donc obligé - ou l'exécutif peut le faire - de porter plainte.
M. McWhinney: Si je comprends bien la question du sénateur, c'est que, disons, des poursuites privées ou autres sont engagées et l'on veut avoir accès à ces documents, et vous répondez à cela qu'il vous faudrait une assignation. Mais vous êtes d'accord pour dire que cela en soit ne serait pas nécessairement suffisant. Vous auriez peut-être besoin d'un jugement sur les limites du pouvoir qu'a le tribunal vis-à-vis de l'Assemblée législative ou du Parlement.
M. Evans: C'est exact.
M. McWhinney: En fait, je pense même que l'Assemblée législative serait peut-être dans l'obligation de prendre une résolution, du moins pour ce genre de document.
M. Evans: Oui, c'est exact.
M. McWhinney: Nous sommes à établir un code.
Vous étiez le juge en chef d'un tribunal qui s'inscrivait dans une tradition de common law très ancienne et reconnue. À votre avis, quels seraient les mérites d'une loi, particulièrement d'une loi in extenso - et ce serait un très bon exemple - par opposition à l'application de la common law, ou de la coutume parlementaire, à une situation comme celle-là? Ne voyez-vous pas de risque dans trop de précision? Chose certaine, nous voilà plongés dans le débat entre la codification par opposition à la common law, à la jurisprudence.
M. Evan: Ce n'est pas moi qui vais me plaindre de la common law; j'ai vécu avec pendant trop longtemps. Mais je ne suis pas sûr que le public se satisferait de cela. Il veut savoir ce qui se passe aujourd'hui. Le public veut que tout titulaire de charge publique soit comptable de ses actes, et il veut de la transparence. Je ne crois pas qu'il comprendrait cela. Si le public voit un bout de papier et qu'il sait de quoi le parlementaire est accusé, et si vous avez dans le système une souplesse et une discrétion qui sont exercées par le responsable du système, je pense que vous obtenez le même résultat.
M. McWhinney: J'ai pris note particulièrement de vos remarques au sujet de ce qu'on appelle, à tort, à mon avis, le rôle du jurisconsulte. À mon avis, il s'agit du rôle avunculaire de donner des conseils informels. Pensez-vous qu'il serait bon de codifier les principes clé, plutôt que d'avoir une liste complète, comme le fait la loi de l'Ontario, par exemple.
M. Evans: Je pense qu'il est de loin préférable d'avoir une loi. Est-ce qu'il y en a une à l'heure actuelle?
Le sénateur Angus (Alma): Oui, nous avons une loi.
M. Evans: Est-ce qu'il s'agit d'une loi semblable à la Loi sur l'Assemblée législative?
M. McWhinney: Nous n'avons pas de loi en matière de déontologie, cependant, qui est plutôt ambiguë, comme quelqu'un l'a dit.
M. Evans: Oui.
M. McWhinney: Les termes qu'on utilise en anglais et en français sont plutôt différents. Donc adopter une loi en matière de déontologie est quelque chose de nouveau.
J'ai une autre question à vous poser. Savez-vous combien de députés en Ontario exercent une profession libérale? Il est évident que l'Assemblée législative provinciale ne siège pas aussi souvent que le Parlement fédéral. Pouvez-vous me dire combien de simples députés sont des professionnels, des médecins, des avocats, etc.?
M. Evans: Ils exercent presque tous une profession libérale. Ils ont des activités. Je dirais que 90 p. 100 des députés sont dans ce cas.
M. McWhinney: Est-ce que ceux qui n'exercent pas une profession libérale comme la médecine ou le droit mais plutôt détiennent des actions vous ont fait des remarques concernant l'incidence de la divulgation de leurs actifs en actions et en obligations?
M. Evans: Non.
M. McWhinney: Est-ce qu'il s'agit d'un facteur inhibiteur? Ceux qui achètent et vendent des actions doivent être obligés de mettre à jour leur dossier assez souvent.
M. Evans: Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de joueurs de ce genre. Moi aussi j'avais des préoccupations à cet égard, mais nous leur disons qu'il faut nous signaler tout changement important - et ne me demandez pas de définir ce que c'est qu'un changement «important». Les gens respectent pas mal le règlement.
D'une année à l'autre... comme je l'ai dit, nous examinons cela pendant une période de quatre ans. Un député a peut-être 100 actions de Bell Canada ou 100 actions de Bombardier, par exemple. Il y a des cas de ce genre, et il n'y a pas de changement. Ceux qui sont plus aventureux vont peut-être acheter et vendre des actions, mais ce n'est pas le cas de la plupart des députés. Si un député devient ministre, il faut qu'il mette toutes ses valeurs mobilières dans une fiducie.
M. McWhinney: Entre autres, nous avons examiné la question de savoir s'il faut distinguer entre les ministres, les ministres subalternes, comme les secrétaires d'État et les secrétaires parlementaires, et les simples députés?
M. Evans: Je pense qu'il faut faire une telle distinction.
M. McWhinney: Pensez-vous qu'il faut faire une distinction entre les choses à déclarer?
M. Evans: Non.
M. McWhinney: Ou simplement dans le fonds de fiducie...?
M. Evans: Dans le fonds de fiducie. Les choses à déclarer sont les mêmes, que l'on soit ministre, simple député ou premier ministre.
M. McWhinney: Est-ce que le projet de loi a été adopté à l'unanimité en Ontario?
M. Evans: Oui.
M. McWhinney: Ah bon.
M. Evans: Je suis resté là pour m'en assurer. Ce n'est pas tout à fait exact, mais le projet de loi a été adopté pendant la dernière journée de la législature. Il existait depuis longtemps. Après un mois ou deux tout le monde connaissait bien le projet de loi, mais on n'était pas pressé de l'adopter.
Nous avons travaillé pendant trois ans sur cette question, et je me disais qu'il fallait aller de l'avant. C'est ce qu'on a fait, mais on a oublié de me nommer pour un autre mandat. La loi n'a été promulguée qu'après les élections. Ce n'est que la semaine dernière qu'elle a été promulguée.
M. McWhinney: Avez-vous eu des contacts avec vos homologues?
M. Evans: Certainement, nous nous réunissons une fois par an.
M. McWhinney: Y a-t-il un club?
M. Evans: Il y a un club si on est deux. D'autres provinces font la même chose. Il y a une association américaine, mais là-bas on est toujours en train d'arrêter les gens, donc je n'ai pas trouvé cela trop... On dit qu'ils ont porté des accusations contre 22 membres de l'assemblée législative, dont 18 ont été condamnés. Tout le monde en est très satisfait. C'était en Caroline du Nord.
M. McWhinney: Je pensais à une des provinces où il y a un ancien juge de la Cour suprême. Cette personne occupe à peu près le même poste que vous. Il n'y a pas grand-chose de codifié pour orienter ce juge, mais contrairement à vous, il a dû faire affaire - et c'est peut-être malheureux - avec des gens qui occupent des postes plus élevés dans le monde politique.
M. Evans: Mes homologues seront ici la semaine prochaine. Nous allons nous réunir ici la semaine prochaine.
M. McWhinney: Lundi prochain?
M. Evans: Oui. Si je ne m'abuse, je pense que nous serons cinq.
M. McWhinney: Est-ce que votre réunion est ouverte au public? Est-ce qu'elle est confidentielle ou ouverte?
M. Evans: Nous allons dîner ensemble et ensuite tenir notre réunion le lendemain.
M. McWhinney: Mais je me demande s'il serait possible pour ce...
M. Evans: Non, la réunion n'est pas ouverte.
Le coprésident (M. Milliken): Nous recevons quatre ou cinq des autres commissaires à notre réunion lundi à 15h30, monsieur McWhinney. C'est la raison pour laquelle nous nous réunissons tôt, pour qu'ils puissent aller à leur déjeuner après.
Des voix: Ah, ah!
M. McWhinney: Ce doit être tout un dîner.
Le coprésident (M. Milliken): On va peut-être vous envoyer une invitation spéciale.
M. McWhinney: Merci beaucoup, monsieur le juge en chef.
Le coprésident (M. Milliken): Je donne maintenant la parole au sénateur Angus.
Le sénateur Angus: Je tiens également à vous souhaiter la bienvenue, monsieur, et à vous remercier de votre exposé. Je partageais l'admiration de M. Epp lorsqu'il a parlé de votre énergie incroyable. À votre âge, je pense que c'est tout à fait remarquable. J'estime que l'Assemblée législative de l'Ontario a beaucoup de chance de vous avoir.
M. Evans: Ma mère est morte il y a deux ans à l'âge de 107 ans, donc les gènes sont assez bons... Et ma mère n'est pas morte sans lutter.
M. McWhinney: Je vous vois très bien revenir dans 25 ans lors de notre réexamen de la loi que nous aurons adoptée.
Le sénateur Angus: Vous et votre mère auriez été d'excellents sénateurs dans le régime d'autrefois.
Quand j'ai lu votre texte, je trouvais que vous aviez raison lorsque vous avez dit que l'intégrité ne dépend pas des lois. Je pense que c'est votre opinion.
M. Evans: C'est exact.
Le sénateur Angus: Vous disiez qu'il y a des députés et des honorables sénateurs et qu'on suppose, quitte à s'exposer à une réputation, qu'ils sont honnêtes et n'ont pas de conflits d'intérêts.
M. Evans: C'est mon opinion.
Le sénateur Angus: Cependant, vous en arrivez à la conclusion soudaine que nonobstant tout cela, il faut avoir une loi. Je vous ai écouté parler de cela cet après-midi, mais je tiens à bien préciser les choses pour les fins du compte rendu. Vous estimez qu'il faut avoir une loi dans ce domaine délicat pour satisfaire une curiosité insatiable - qu'elle soit raisonnable ou non - de la part des médias et de la population. Mais vous pensez aussi que cela ne va pas changer le comportement des gens.
M. Evans: Je pense qu'une loi changerait le comportement de certaines personnes. Je pense que 98 p. 100 des gens qui briguent les suffrages ou qui occupent de telles charges sont très conscients de leurs obligations et veulent éviter des problèmes. Mais il y en a toujours un ou deux qui évoluent dans les zones grises, qui aiment courir des risques. Ce sont eux qui vont causer tous les problèmes pour les législateurs. Donc je veux qu'ils lisent les règlements avant que de se présenter comme candidats.
La dernière fois, j'ai demandé à tous ceux qui avaient l'intention de présenter leur candidature ou qui avaient obtenu l'investiture de venir me voir pour que je leur explique les règles du jeu. Bien entendu, tous ceux qui venaient me voir pensaient qu'ils allaient être au Cabinet. Ils voulaient savoir quelle serait l'incidence de la loi une fois qu'ils seraient nommés ministres.
Il est probable que les médias ne sont pas toujours justes à l'égard des parlementaires. Je suppose que c'est leur affaire. À force de répéter les détails d'un petit scandale, on fait d'une mouche un éléphant et tout le monde est éclaboussé. J'avais la même attitude lorsque j'étais juge. Un incident se produisait. Parfois c'était aux États-Unis, et certains ne connaissaient pas la différence entre la Cour suprême des États-Unis et la Cour suprême du Canada. Le manque de connaissances des gens est parfois étonnant. C'est la raison pour laquelle je voulais, quand j'étais juge, que les gens viennent voir comment fonctionne un tribunal. Je pense que de cette façon, et les juges et les avocats travaillent mieux. Mais personne ne vient observer le fonctionnement du tribunal à moins qu'il ne s'agisse d'un procès qui fait sensation.
Mais les critiques contre nos institutions sont devenues plus fréquentes de nos jours. À une certaine époque, on pouvait faire presque n'importe quoi. Il y avait une sorte d'entente tacite, de solidarité qui évitait que ce genre de nouvelles ne soient diffusées et si elles filtraient quand même, les journaux ne l'imprimaient pas. Il n'en va plus de même.
Le sénateur Angus: C'est vrai. Certes, je suis sur la même longueur d'ondes que vous, mais vous ne pensez quand même pas que le fait de légiférer là-dessus va y apporter le moindre changement.
M. Evans: Certainement pas.
Le sénateur Angus: Ce que vous voulez donc dire - mais j'aimerais vous l'entendre dire sous une autre forme - c'est que l'important est de continuer à sensibiliser les députés ou les sénateurs, au sens fédéral, au fait que ces obligations leur incombent.
Nous n'avons pas ici, au même degré que vous tout au moins, cette obligation de se confier à une sorte de «père confesseur». Je trouve charmant cette pratique que vous avez d'entretenir chacun de vos 130 députés de leurs obligations.
Nous avons bien, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, un conseiller d'éthique, une personne qui est à notre service pour discuter, confidentiellement, de ces questions, et il y a également une loi qui en traite, la Loi sur le Parlement du Canada, appelée autrefois Loi sur la Chambre des communes et le Sénat, qui traite de conflits d'intérêts. On y trouve tout, mais vous reconnaîtrez probablement avec moi que les médias ne la lisent jamais, pas plus, d'ailleurs, que la plupart des députés à moins qu'ils n'aient quelque chose sur la conscience.
Nous avons également un code de conflits d'intérêts d'après lequel certains ministres et titulaires d'une charge publique doivent déclarer tous leurs avoirs et doivent constituer ces fonds de fiducie.
Je me demandais si vous étiez au courant de ces dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada ou...
M. Evans: Je suis au courant.
Le sénateur Angus: Mais vous n'avez pas vérifié, ou ne sauriez me dire, si à votre avis c'est suffisant.
M. Evans: Non, je m'en rendais bien compte. Nous avons, nous, la Loi sur l'Assemblée législative. Nous en avons discuté lors d'une des premières réunions de cette conférence canadienne des commissaires sur les conflits d'intérêts, ou il en a été question.
Mais à moins que vous n'ayez rien pour le député ordinaire...
Le sénateur Angus: Ce n'est pas notre cas.
M. Evans: Vous avez un conflit de...
Le sénateur Angus: La Loi sur le Parlement du Canada traite de ce sujet et contient également certaines règles, mais ce que nous faisons est en réaction, je crois, à ce que vous avez décrit comme un changement de mentalité, une exigence croissante de transparence et de justification de la part des gens qui, comme nous, ont un poste de confiance. Nous essayons donc de suivre et rattraper l'évolution des esprits.
Comme le faisaient remarquer mes collègues, le professeur McWhinney et le sénateur Gauthier, il existe bien des façons de s'y prendre, et nous essayons de dégager un consensus acceptable. L'approche non codifiée propre à la common law nous permettrait peut-être de créer un poste pour une personne comme vous-même, voire pour un triumvirat, qui pourrait servir de commissaire du Parlement ou commissaire d'éthique, afin que nous parlementaires puissions nous adresser à eux et faire confession.
Mais ce qui ne lasse pas d'inquiéter les sénateurs... Vous savez que nous sommes nommés. On nous encourage à venir ici non pas tant pour avoir été élus que pour notre expérience pratique des affaires, ou d'une entreprise agricole dans des régions éloignées, ou de nos antécédents et de notre expérience professionnelle extérieure au monde politique, afin que nous puissions faire appel à cette expérience pour porter un jugement sur les textes de loi produits par la Chambre des communes. C'est ainsi tout au moins que je comprends mon rôle.
Il se peut donc fort bien que certains de ces gens, toujours encore actifs, détiennent par exemple, plus de 100 actions de Bombardier. On présume, comme vous le disiez, que ces gens sont honnêtes et ne veulent pas avoir de conflits d'intérêts et à cette fin ils feront l'impossible - avec l'aide de quelqu'un comme vous - pour se comporter selon les règles.
Que penseriez-vous si nous pouvions, au sein de ce comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, proposer certains principes modernes et évolutifs se prêtant de temps en temps à une mise à jour vu qu'ils reposent sur la jurisprudence, tout en ayant un organisme établi par une loi et que dirigerait quelqu'un comme vous?
M. Evans: C'est une possibilité, mais l'inconvénient que j'y vois, c'est que votre Loi sur le Parlement du Canada est un peu comme notre Loi sur l'Assemblée législative: ces textes datent de plus d'un siècle, ils ont été arrangés et rafistolés de partout mais on ne les a jamais remis sur le métier et nous y avons trouvé des choses qui ne nous plaisaient guère.
C'est donc une possibilité, sans être pour autant une panacée, mais il faut bien qu'il y ait quelque chose. C'est là une atteinte à la vie privée, cela ne fait aucun doute, car les gens doivent venir faire une confession complète. C'est donc une intrusion dans la vie des gens, et il faut trouver de bons arguments pour la faire accepter. La première fois que des gens se sont présentés ce n'était pas sans hésitation, mais ils viennent maintenant régulièrement, et beaucoup d'entre eux reviennent.
Le sénateur Angus: Ce qui m'a beaucoup intéressé, de même que le sénateur Gauthier, c'est que vous faites une distinction entre la Chambre - à savoir les représentants élus - et les sénateurs, en soulignant la différence de l'accès à ces fonctions.
Si l'on remonte dans le temps jusqu'à l'époque où a été adoptée la Loi sur la Chambre des communes et le Sénat, la distinction se faisait aussi autrefois, mais cela ne s'applique probablement plus à notre époque. La distinction était toutefois faite, et je me demandais si vous aviez approfondi cette question. C'est ainsi que des témoins sont venus nous dire qu'ils encourageraient les sénateurs à conserver leurs activités hors Sénat et à continuer à rester actifs, et que de telles nominations devraient être acceptées. Vous accommoderiez-vous de ces situations, ou bien les jugez-vous dangereuses?
M. Evans: Je n'en vois pas trop le danger. Quand vous êtes nommé à un comité qui traite d'une question où votre intérêt est en jeu - bien entendu, il ne s'agit pas d'une dizaine d'actions - vous êtes tenu de déclarer cet intérêt et vous vous retirez, vous ne participez pas à la discussion et ne votez pas sur ces questions.
Si cela s'applique à un corps professionnel comme les enseignants - c'est surtout d'eux qu'émanaient les appels téléphoniques, parce que la moitié des députés étaient des enseignants ou leur conjoint l'était - car quand une question se présente qui les touche, sommes-nous tous dans l'obligation de quitter la législature? J'ai répondu que non, parce que cela s'applique à un grand nombre de gens, mais il en va de même des pompiers ou des prêts agricoles. Vous n'avez pas besoin de vous retirer.
Quand vous siégez à un comité, nous vous demandons de déclarer si vous avez des intérêts en jeu et le président décide alors s'il faut que vous vous retireriez, il vous le fait savoir ou vous le faites savoir vous-même. Mais il vous faut cette expérience.
Le sénateur Angus: Certainement. Vous évoquiez tout à l'heure le cas d'un comité sur les banques - je siège moi-même au Comité sénatorial des banques - dont un membre avait été directeur à la Banque de Montréal.
Nous avons parmi nous aujourd'hui le sénateur Leo Kolber, qui siège à ce comité depuis de nombreuses années et qui, pendant 23 ans, a été directeur de la Banque Toronto-Dominion. C'est un fait bien connu, également des médias, et le sénateur Kolber ne cache pas le fait qu'il a fait profiter le comité du Sénat de sa remarquable expérience des questions bancaires. Il a déclaré ses intérêts et nous lui demanderions de se retirer si nous examinions un projet de loi ou autre question qui aurait des effets directs sur sa banque.
M. Evans: C'est exact.
Le sénateur Angus: Mais nous avons besoin de gens qui ont une expérience pareille.
M. Evans: Je n'y vois aucun inconvénient.
Le sénateur Angus: Je vous en remercie de tout coeur.
Le sénateur Gauthier: Sans vouloir chercher la petite bête, il me reste une question: s'agit-il d'un poste à plein temps?
M. Evans: Non. On m'avait dit que ça le serait, mais j'ai constaté que ça ne l'était pas. Je n'ai pas le sentiment de devoir m'y rendre chaque jour, mais je me tiens certainement à la disposition de ceux qui, le cas échant, auraient besoin de moi.
Le sénateur Gauthier: Avez-vous un bureau?
M. Evans: J'ai des entretiens personnels avec tous. Quand je suis en Floride, j'ai un télécopieur et un téléphone, et de même si je vais quelques jours en villégiature, mais je ne vais pas loin.
Le sénateur Gauthier: J'ai constaté que la Loi sur l'intégrité est une loi modifiant la Loi sur l'Assemblé législative.
M. Evans: Oui, on a dû apporter quelques modificiations à cette dernière.
Le sénateur Gauthier: Nous pourrions faire la même chose. Nous pourrions modifier la Loi sur le Parlement du Canada, et y insérer des dipositions touchant l'intégrité.
M. Evans: Quand nous avons examiné les amendements qui seraient nécessaires, il y a beaucoup de choses qui devraient être faites à l'Assemblée législative et qui ne s'appliquent pas nécessairement ici.
Le sénateur Gauthier: Quels sont vos effectifs, monsieur?
M. Evans: J'ai deux employés. J'en avais une seule, ma secrétaire du temps où j'étais juge en chef. J'ai alors dû embaucher une réceptionniste pour le téléphone, parce que nous étions trop occupés, entre autres, par la correspondance qui s'accumulait, et nous nous en sommes tenus là.
Le sénateur Gauthier: Je vous ai posé la question parce que vous faites une distinction, quant aux principes ou au fonctionnement, entre le Sénat et la Chambre des communes...
M. Evans: Oui, mais c'est une question que je ne connais guère.
Le sénateur Gauthier: Mais vous avez touché en moi une corde sensible, parce que nous discutons entre nous sur la question de savoir si nous devrions avoir une loi là-dessus, ou une simple résolution des deux chambres. Personnellement, je préférerais une loi, mais c'est là mon opinion; je pense que nous devrions le faire par le biais de la Loi sur le Parlement du Canada.
Je vous remercie, monsieur.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Je voudrais poser deux petites questions, monsieur le président.
Les déclarations de confidentialité que vous avez sont-elles sur disque, ou manuscrites et classées?
M. Evans: Elles sont manuscrites et classées.
Le coprésident (le sénateur Oliver): M. Angus posait des questions sur les gens qui auraient plus d'une centaine d'actions de Bombardier. La question ne serait-elle pas que s'il s'agit d'une grande entreprise publique, cotée en bourse, et que vous en déteniez par exemple 5 000 parts, les 5 000 parts d'une société comme Bell Company ne sont rien comparées aux 100 actions d'une toute petite société? Ne serait-ce pas là le critère?
M. Evans: Cela dépend: Cette personne est-elle membre du Conseil exécutif? Si elle l'est, ses actions doivent être déposées en fiducie; si elle ne l'est pas, elle peut garder ses 5 000 actions.
M. Epp: Je voudrais vous demander quels sont vos liens avec les Territoires du Nord-Ouest; j'ai constaté que votre travail s'étendait également jusque là-bas.
M. Evans: Oui, cinq fonds de fiducie ont été constitués. Leur législature comptait, au départ, 28 membres. Nous avions un peu plus d'expérience qu'eux. Le président est de Nouvelle-Écosse, Ted Hughes est de Colombie-Britannique, deux membres sont des Territoires du Nord-Ouest, et enfin il y a moi-même.
M. Epp: Leurs lois sont-elles les mêmes, ou semblables?
M. Evans: Oui, la plupart d'entre eux se sont basés sur la Loi sur les conflits d'intérêts des membres de l'Assemblée, en Ontario, et y ont apporté certaines modifications adaptées à leurs circonstances. Nous les avons mis en garde contre un trop grand nombre d'amendements, en leur disant que nous essayions de faire adopter cette loi et qu'ils pourraient s'en inspirer; ils sont donc tous au courant de son existence.
M. Epp: Tous les codes provinciaux du pays s'inspirent-ils donc de celui de l'Ontario?
M. Evans: C'est exact.
M. Epp: Est-ce qu'il est venu en premier?
M. Evans: Oui, effectivement
Le sénateur Gauthier: Non, c'était celui du Québec.
M. Evans: Excusez-moi, je ne savais pas que le Québec en avait un.
Le sénateur Gauthier: Oui, il est beaucoup plus strict que celui de l'Ontario.
M. Epp: J'ai une autre question qui n'a rien à voir avec celle-ci. Comment évitez-vous les plaintes dépourvues de tout bien-fondé? Il semblerait, à la lecture du document de l'Ontario, qu'une enquête peut être réclamée soit par l'assemblée tout entière, soit par un député.
M. Evans: Effectivement, ou par l'exécutif.
M. Epp: Comment donc évitez-vous des plaintes dépourvues de bien-fondé?
M. Evans: C'est l'une des difficultés auxquelles nous avons à faire face et c'est pourquoi j'aurais voulu que les partis s'entendent pour que dans chaque caucus il y ait une personne chargée de vérifier ce bien-fondé. Toutefois, nous n'en recevons pas beaucoup. Quand une chose me paraît insignifiante, je le fais remarquer au plaignant, je lui conseille de s'en tenir là, mais s'il vient à poursuivre, il doit suivre la filière.
M. Epp: Je ne sais s'il vous est loisible de me répondre, mais j'aimerais vraiment savoir combien de plaintes et d'enquêtes vous avez effectivement eues au cours de - mettons - les trois dernières années.
M. Evans: Je crois qu'il y en a eu six. Vous en trouverez la liste dans notre petit rapport; si vous ne l'avez pas, je peux vous faire parvenir un exemplaire de notre rapport annuel. Je l'apporterai lundi, si vous voulez.
M. Epp: J'aimerais en recevoir un exemplaire...
M. Evans: Certaines des demandes sont très... Dans le rapport figure toute une série de demandes, mais nous les avons laissées anonymes; les nouveaux venus peuvent en prendre connaissance et se faire une idée de ce que nous essayons de faire. Il est impossible de laisser anonymes les questions difficiles et complexes, parce qu'on saura qui en est l'auteur ou qui a posé plainte, et nous devons donc biaiser un peu avec celles-ci.
Je vous en apporterai mardi.
M. Epp: La loi stipule que l'assemblée ne peut approuver ou rejeter vos recommandations et que vous ne pouvez recommander que cinq mesures.
M. Evans: C'est exact.
M. Epp: Est-ce satisfaisant? Est-ce ce que vous nous recommanderiez?
M. Evans: Oui. il incombe à l'assemblée de décider quelle sanction elle entend imposer. Je pense que c'est pour protéger l'assemblée et, bien entendu, le commissaire.
M. Epp: Mais elle ne peut modifier ce que vous recommandez. N'est-ce donc pas une contrainte pour elle?
M. Evans: Elle peut accepter ou rejeter, c'est vrai.
M. Epp: Pourquoi cette contrainte existe-t-elle? Je crois le savoir et l'approuve, mais j'aimerais vous l'entendre dire, pour que ce soit officiellement au compte rendu.
M. Evans: Pour rendre une décision effective, il faut l'assortir d'une sanction. Il faut que cela figure dans la loi, afin que les gens sachent ce qui les attend s'ils se mettent en difficulté. Peut-être est-ce là un argument destiné à inspirer la peur, mais c'est bien là l'intention. Il faut s'assurer que celui qui occupe ce poste ne déviera pas du droit chemin et n'essaiera pas d'expulser quelqu'un de la Chambre pour déclarer le siège vacant. Il faut une certaine protection, et qu'y a-t-il de mieux que de saisir la Chambre d'une pareille question?
M. Epp: Est-ce que vous vous assurez que lorsque la Chambre est saisie de cette question, le vote soit libre?
M. Evans: Je présente le rapport à la Chambre et elle...
M. Epp: Mais la loi ne stipule nulle part que le vote doit être libre?
M. Evans: Non.
M. Epp: En ce cas, monsieur le président, je voudrais mettre en garde le comité...
Le coprésident (M. Milliken): Comment pourriez-vous, monsieur Epp? [Difficulté technique] avoir un vote secret.
Le sénateur Gauthier: Ma foi, c'est le seul vote libre qui existe, n'est-ce pas?
M. Epp: Oui, il devrait l'être. Que le compte rendu indique bien que si nous faisons quelque chose de ce genre, cela devrait être au scrutin secret, dans la Chambre, si telle est la façon dont nous voulons procéder.
Le sénateur Gauthier: C'est la seule façon de procéder.
M. Evans: À la Chambre de décider.
M. Epp: Bien, j'en ai suffisamment dit. Je ne vais pas m'aventurer davantage sur les plate-bandes des juristes.
Le coprésident (M. Milliken): Vous les envahissez chaque jour davantage, monsieur Epp.
Monsieur McWhinney.
M. McWhinney: Pour revenir sur la question du sénateur Gauthier, reconnaissez-vous que la distinction pratique entre l'adoption de recommandations que nous pourrions faire sous forme de résolutions conjointes, en opposition à un texte de loi, porterait sur les sanctions ou pénalités, qu'une résolution limiterait les Chambres à des sanctions qui relèvent de la Chambre, alors qu'une loi pourrait également comprendre des mesures externes? Êtes-vous d'accord là-dessus?
M. Evans: Absolument.
M. McWhinney: Je voudrais revenir sur une des choses que M. Epp a abordées. La législature ou le Parlement auraient certainement le pouvoir d'appliquer des sanctions au-delà ce celles que prévoit la loi.
M. Evans: C'est exact.
M. McWhinney: J'espère que les lacunes d'un rapport sur les privilèges ou l'éthique ne nous amèneront pas à réviser radicalement les procédures parlementaires.
Je vous remercie, monsieur le juge en chef.
Le coprésident (M. Milliken): Voici qui met fin aux questions et commentaires. Je voudrais vous remercier, monsieur Evans, d'avoir bien voulu venir aujourd'hui nous consacrer votre temps. Votre témoignage était très intéressant et nous l'avons trouvé fort utile. Ce sera un plaisir pour nous de vous revoir lundi prochain.
Je déclare la séance levée.