[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er novembre 1995
[Traduction]
Le coprésident (le sénateur Oliver): La séance est ouverte. Je souhaite une cordiale bienvenue à nos trois témoins de cet après-midi, de l'Université de Guelph, de l'Université McMaster et de l'Université York.
Si j'ai bien compris, chacun des témoins a un mémoire. Ces mémoires ont été remis au greffier du comité et seront distribués à tous les membres du comité une fois traduits.
Si j'ai bien compris, vous avez déjà décidé qui va parler en premier, qui en deuxième et qui en troisième. Allez-y, après quoi nous passerons aux questions.
M. Epp (Elk Island): Monsieur le président, avant que nous commencions, je voudrais demander quelque chose. Puisque tous les membres du comité ont une assez bonne connaissance de l'anglais, quand les exposés seront disponibles, pourraient-ils être distribués avant d'être traduits, et la version française pourrait être remise plus tard à ceux qui la veulent?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Les documents d'aujourd'hui viennent d'arriver, sinon ils auraient été déjà distribués.
M. Epp: Merci.
Le sénateur Gauthier (Ontario): On a décidé il y a déjà quelque temps qu'aucun document ne serait distribué avant d'avoir été traduit.
Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est la coutume au Parlement.
Le sénateur Gauthier: Oui.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Mais si les témoins veulent distribuer un document, c'est à eux d'en décider. Le greffier ne peut pas le faire.
M. Epp: Puis-je proposer que nous oubliions cette règle dans le cas de ce comité-ci pour des raisons d'ordre pratique?
Je proposerais que nous fassions une exception à la règle demandant que les documents soient traduits avant d'être distribués. Les textes pourraient être distribués dans la langue d'origine, et la traduction pourrait être distribuée plus tard.
Le coprésident (le sénateur Oliver): J'ai entendu la motion, mais nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour voter sur une telle motion. Quand plus de membres du comité seront là, vous pourriez présenter votre motion de nouveau, mais il sera probablement difficile de la faire accepter.
M. McWhinney (Vancouver Quadra): J'ai aussi l'impression que cette motion ne serait pas acceptable en vertu de la Loi constitutionnelle. Je ne pense pas que le comité puisse décider lui-même de faire exception aux règles générales.
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): De toute façon, nous n'avons pas le quorum.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Sans plus tarder, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Nous vous prions maintenant de faire vos exposés.
M. Michael Atkinson (professeur, Département des études politiques; vice-président associé (universitaire), Université McMaster): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Michael Atkinson, et je vous présente mes collègues, Ian Greene et le professeur Mancuso.
Ian parlera d'abord un peu des codes de déontologie, de leur conception et des liens entre ces codes et la politique démocratique. Maureen parlera aussi des codes de déontologie et des recherches qu'elle a effectuées sur la situation au Royaume-Uni. Je terminerai par un bref exposé sur certains des sondages que nous avons menés récemment.
M. Ian Greene (professeur, Département de sciences politiques, Université York): Merci beaucoup, Michael.
Je voudrais d'abord dire quelque chose au sujet de l'étude de l'éthique politique. L'éthique comme sujet d'enquête nous fournit certains outils pour nous aider à faire la distinction entre un comportement acceptable et un comportement inacceptable. Elle ne nous fournit pas un ensemble de règles strictes, mais plutôt une structure qui nous permet de réfléchir aux comportements s'appuyant sur certains principes.
Les normes de déontologie peuvent se présenter de deux façons. Il peut s'agir d'une courte liste de principes généraux qu'on peut appliquer à des situations particulières, que nous pourrions appeler un code de déontologie, ou bien d'un ensemble détaillé de principes directeurs qui expliquent le comportement approprié dans diverses situations, que l'on pourrait appeler un code de conduite. La plupart des règles d'éthique sont une combinaison des deux.
Je préfère pour ma part qu'on s'attache d'abord à l'élaboration de bons principes généraux et qu'on y ajoute suffisamment de règles détaillées pour permettre au régime d'éthique de bien fonctionner. J'aime bien la présentation du nouveau Code de conduite de 1994, vu que l'on trouve tous les principes généraux au début sur une seule page. Il est tout à fait logique de commencer par un tel énoncé général de principes.
Dans une démocratie comme la nôtre, les principes de la justice, des droits de la personne et de la morale politique, de même que la démocratie elle-même, rayonnent tous d'un point central, soit le respect inébranlable de l'égalité sociale et de la dignité humaine. Autrement dit, un pays ne peut pas être vraiment démocratique s'il ne respecte pas la justice, les droits de la personne et l'éthique politique.
Lorsqu'une démocratie libérale évolue, la poursuite de la justice vient d'abord en premier, ensuite il y a l'expansion de la démocratie et enfin l'examen des droits de la personne. Les pères de la Confédération se préoccupaient davantage de la justice que de la démocratie au Canada. La démocratie voulait dire le vote universel, et cela n'est venu qu'au début du XXe siècle. Les droits de la personne ne sont devenus un facteur important qu'après la Seconde Guerre mondiale et ont trouvé leur point culminant dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Nous sommes maintenant à une période de notre histoire où l'éthique politique revêt plus d'importance. Vos délibérations pourraient constituer une démarche historique dans ce processus si vous pouvez vraiment vous entendre sur ce que cela signifie que de montrer du respect envers les autres, mais je dois dire, après avoir assisté à la période des questions à la Chambre des communes cet après-midi, que je me pose vraiment des questions là-dessus.
Les principes fondamentaux de tout code d'éthique dans une démocratie libérale sont l'égalité sociale et le respect de la dignité humaine. La règle du droit, qui signifie que toutes les règles du gouvernement doivent être approuvées par des assemblées législatives démocratiquement élues et que la loi doit s'appliquer également à tous, vient de ces principes.
Pour que la règle de droit fonctionne bien, la loi doit être appliquée impartialement, ce qui veut dire que les juges doivent être indépendants et impartiaux lorsqu'ils appliquent la loi, de même que doivent l'être tous les fonctionnaires de l'État, y compris les ministres du Cabinet. C'est pour cela qu'un conflit d'intérêts est inacceptable, et c'est pour cela que nous avons un code de conduite pour les ministres du Cabinet, les secrétaires parlementaires et les fonctionnaires.
Depuis les débuts de l'histoire du Canada, les codes de conduite ont vu le jour ou sont devenus plus stricts presque toujours à cause d'un scandale. C'est vrai tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Parce que les ministres du Cabinet ont plus de risques d'avoir des ennuis que les députés ordinaires, on a d'abord mis au point des codes de conduite pour les ministres du Cabinet. Cependant, dans tous les pays où l'on suit le modèle de Westminster, sauf pour le Canada, il existe des codes de conduite aussi bien pour les députés que pour les ministres du Cabinet, et ils prévoient à tout le moins la divulgation des biens .
C'est vraiment une chance extraordinaire que les députés et les sénateurs puissent maintenant mettre au point un code de conduite sans y être obligés par un scandale quelconque, parce que vous pouvez y réfléchir de façon beaucoup plus sérieuse et approfondie que vous ne pourriez le faire autrement.
Nous avons tous trois collaboré avec la Commission royale d'enquête sur la réforme électorale et le financement des partis pour encourager les partis politiques à élaborer leurs propres codes de déontologie. Par la suite, Janet Hiebert, qui enseigne les sciences politiques à l'Université Queen's, a rédigé un très bon article de recherche au nom de la commission royale pour inciter les partis politiques du Canada à établir leurs propres codes de conduite.
Comme les partis politiques, les députés et les sénateurs ont aussi avantage à élaborer leurs propres codes de déontologie. Tout d'abord, le code de déontologie ou de conduite confirme les principes de base du régime politique, qui sont à mon avis l'égalité et le respect d'autrui.
Deuxièmement, un code peut aider à promouvoir davantage de collégialité parmi les députés et sénateurs, qui partagent ainsi certaines valeurs.
Troisièmement, un code aiderait les députés et les sénateurs à résoudre certains problèmes d'ordre moral. J'ai moi-même été actif sur la scène politique pendant quelque temps et je sais donc que ces problèmes se présentent presque quotidiennement. Un tel code revêt une importance particulière pendant les jours chargés d'émotions que représente une campagne électorale ou référendaire.
Quatrièmement, un code de déontologie favoriserait une atmosphère plus accueillante pour les groupes qui ne sont pas traditionnellement représentés chez les législateurs, comme les femmes, les minorités visibles et les groupes linguistiques minoritaires.
Cinquièmement, l'élaboration même du code permettrait de faire un examen des pratiques courantes et de voir si ces pratiques continuent d'être acceptables à la fin du XXe siècle.
Enfin, l'existence du code réduirait la possibilité de scandales d'ordre moral et créerait une image plus positive pour les politiques. Comme Maureen vous le dira dans quelques minutes, nous avons vraiment besoin d'une image plus positive pour les hommes et les femmes politiques du Canada. Cela inciterait aussi davantage de gens qui ont eux-mêmes des normes éthiques élevées à devenir députés et sénateurs.
Qu'est-ce qu'un code de conduite à l'intention des députés et sénateurs devrait contenir? D'abord, il devrait y avoir un énoncé de principes fondamentaux. À mon avis, ces principes devraient s'appuyer sur l'égalité et le respect de la dignité humaine et du droit.
Ensuite, il devrait y avoir des méthodes visant à empêcher les conflits d'intérêts. Le conflit d'intérêts devrait être clairement défini, de façon très générale, comme étant une situation où la capacité décisionnelle d'un député ou d'un sénateur risque d'être entachée par la possibilité de gains financiers personnels ou par la tentation de prodiguer des faveurs spéciales à des membres de sa famille, ou même à des partisans politiques, par exemple. Il devrait y avoir une procédure bien simple pour minimiser les risques de conflits d'intérêts grâce à la divulgation des biens personnels et à une incitation à se retirer de situations qui pourraient entraîner un conflit d'intérêts.
Le code de conduite devrait aussi énoncer les principes fondamentaux pour les rapports avec les lobbyistes et traiter de la nécessité d'être honnête et de traiter tout le monde équitablement.
Le code pourrait être enchâssé dans une loi ou non. Il y a des avantages des deux côtés, mais comment pourrait-on appliquer des règles après la fin d'un emploi sans une loi?
Un code de déontologie, qu'il soit légiféré ou non, a le plus de chances de succès s'il est appliqué parallèlement à la création d'un poste de conseiller en éthique indépendant, ce que je trouve tout à fait essentiel, à qui les députés et les sénateurs peuvent demander des conseils confidentiels.
Comme on vous l'a déjà dit, il existe déjà des conseillers en éthique indépendants pour les députés provinciaux et les ministres du Cabinet en Ontario, qui a été la première province à créer un tel poste, de même qu'en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, à Terre-Neuve, dans les Territoires du Nord-Ouest et maintenant au Yukon. J'ai entendu dire que le Royaume-Uni a approuvé hier la création d'un poste indépendant de conseiller en éthique. Le gouvernement fédéral accuse donc un peu de retard au Canada. D'après mes recherches, la création d'un tel poste indépendant de conseiller en éthique a permis de réduire le nombre de scandales éthiques là où il existe.
Le rapport annuel du commissaire aux conflits d'intérêts de l'Ontario donne de très bons exemples de la façon dont on peut résoudre selon certains principes le genre de problèmes éthiques qui se posent pour les élus. Dans le dernier rapport de Greg Evans, le commissaire aux conflits d'intérêts de l'Ontario, on trouve une trentaine d'exemples de questions qui posent des problèmes aux députés provinciaux et de la façon de résoudre les problèmes de ce genre selon certains principes. Cela m'a convaincu que ce ne sont pas seulement les ministres du Cabinet qui ont de tels problèmes; les députés provinciaux et fédéraux, de même que les sénateurs, ont les mêmes problèmes tous les jours. C'est une bonne chose que de pouvoir demander conseil à un commissaire indépendant et de pouvoir ensuite lire quels étaient ses conseils. Si vous n'avez pas lu ces rapports, vous les trouverez sans doute très intéressants.
Pour ce qui est de la rédaction du code de déontologie lui-même, ce processus posera sans doute bon nombre de questions difficiles, mais importantes. Par exemple, peut-on juger le favoritisme acceptable dans certains cas? Les questions de financement des partis peuvent-elles être considérées comme des questions de conflits d'intérêts? La publicité négative peut-elle être acceptable? Dans quelle mesure les députés et sénateurs devraient-ils être visés par un code de déontologie général et dans quelle mesure les partis politiques devraient-ils être incités à en élaborer un pour eux-mêmes? Les règles du débat favorisent-elles le respect mutuel?
Si les membres de votre comité ont du mal à trouver une réponse à ces questions, si cela vous fait contester certaines pratiques traditionnelles sur la scène politique, c'est parce que vous faites votre travail.
Je terminerai en disant que j'ai connu des centaines de députés fédéraux et provinciaux et de sénateurs pendant ma carrière. Je suis convaincu que la plupart d'entre eux ont des valeurs morales très élevées, beaucoup plus élevées que bien des membres du public ne le pensent. Je passe mon temps à défendre l'intégrité des élus pendant mes cours.
Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles les députés fédéraux et provinciaux et les sénateurs risquent de se trouver dans des situations contestables sur le plan éthique. D'abord, bon nombre d'éléments de la culture politique de leur assemblée législative leur sont inculqués, quel que soit leur parti. Selon moi, c'est ce qui explique le spectacle déplorable auquel on assiste pendant la période des questions à la Chambre des communes de nos jours. Les Canadiens trouvent un tel comportement tout à fait inacceptable, et vous devez faire en sorte que cela change. Sinon, quelqu'un le fera à votre place.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Pour ceux qui liront le compte rendu de nos délibérations, voudriez-vous nous expliquer ce que vous avez vu?
M. Greene: Oui, je tiens à le faire.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Expliquez-nous ce que vous avez vu de déplorable, pour que ceux qui liront le compte rendu sachent de quoi vous voulez parler.
M. Greene: J'ai vu des gens s'insulter d'un côté à l'autre de la Chambre, se traiter de tous les noms et fausser la vérité. Cela n'est bon pour personne.
Le sénateur Angus (Alma): C'était aujourd'hui?
M. Greene: C'était aujourd'hui, pendant la période de questions.
Le sénateur Angus: Le 1er novembre 1995.
M. Greene: C'est exact.
Une voix: Oh, oh.
M. Greene: Je suis sérieux.
Le sénateur Angus: Au moins, ce ne pouvait pas être les Conservateurs.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Non, il y en a seulement un des deux à la Chambre à la fois.
Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Connaissez-vous bien Elsie Wayne?
Des voix: Oh, oh.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Veuillez continuer.
M. Greene: Si c'est votre attitude à l'égard des questions d'ordre éthique, cela sert-il à quelque chose de continuer?
La deuxième raison pour laquelle certains ont des problèmes à mon avis, c'est que lorsque quelqu'un peut se servir de son influence, cela lui monte parfois à la tête, surtout s'il vient d'être élu à son poste.
J'ai eu mon premier contact avec le monde de la politique quand j'avais dix ans. Mon père était dentiste dans une petite ville de l'Alberta. Il revenait d'une petite réunion que le député provincial de la circonscription venait d'organiser avec quelques hommes d'affaires du coin. Il m'avait expliqué comment le député avait offert de donner des conseils d'investissement dans de petites actions pétrolières d'après les renseignements qu'il avait obtenus de ses contacts au gouvernement, en retour d'un don à sa caisse électorale.
Cela m'avait scandalisé. Mon père était aussi en colère, mais il était plus philosophe que moi. Il m'avait expliqué que ce genre de chose se produisait constamment, peu importe le parti au pouvoir. C'est pourquoi il espérait que je ne serais jamais en politique.
Il y a quelque temps j'ai eu affaire à un député qui a essayé de se servir de son influence pour aider un ami accusé de plagiat à l'université. Le député représentait son ami lors d'une réunion organisée pour discuter du plagiat. Quand les autorités universitaires ont refusé de retirer leurs accusations, le député a brandi sa carte de la Chambre des communes en disant qu'il y avait peut-être d'autres solutions au problème.
L'étudiant a plus tard reconnu être coupable de plagiat et a même admis qu'il s'était servi de l'accès du député à la Bibliothèque du Parlement. Néanmoins, le député soutenait qu'il n'avait rien fait de mal. À mon avis, il était allé au-delà des limites et avait utilisé à tort son influence de député.
On aura plus de chances de régler les conflits de ce genre, et il y en aura probablement moins au départ, si l'on crée un poste indépendant de conseiller en éthique pour fournir des conseils impartiaux aux députés et aux sénateurs.
L'histoire de la démocratie relate les diverses façons dont on s'est efforcé de favoriser un respect de plus en plus grand pour la dignité individuelle et l'égalité sociale. Le professeur Mancuso vous parlera de ce qui s'est fait à cet égard au Royaume-Uni. Si vous vous en tenez aux objectifs fondamentaux qui consistent à promouvoir le respect interpersonnel et l'égalité sociale, vos recommandations ne pourront être qu'utiles. À mon avis, il existe un besoin urgent de faire quelque chose pour rehausser l'intégrité du processus politique.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup.
Mme Maureen Mancuso (professeure, Département des études politiques, Université de Guelph): Le professeur Greene a parlé surtout des règles, des lois et des codes à titre de mécanismes abstraits. Je vais pour ma part vous donner des exemples concrets de l'application de ces mécanismes.
Personne ne s'étonnera d'apprendre que les règles, même si elles se fondent sur de bonnes intentions, n'ont pas nécessairement toujours le résultat voulu. Mes recherches sur les usages de la Chambre des communes britannique se sont concentrées surtout sur l'interaction entre les règles officielles et non officielles et les attitudes des députés eux-mêmes. Comme le Parlement de Westminster est le principal modèle du Parlement canadien, il constitue un point de comparaison tout à fait approprié. Contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, où l'on fonctionne selon un régime de représentation tout à fait différent, il existe beaucoup de points de ressemblance en théorie et en pratique entre les Chambres britannique et canadienne.
Une différence bien claire, cependant, c'est que le régime britannique a adopté officiellement comme principe la déclaration des intérêts des députés. D'ailleurs, le gouvernement fédéral canadien est l'un des rares à ne pas exiger que ses législateurs identifient les sources possibles de conflits d'intérêts.
En Grande-Bretagne, la déclaration des intérêts est la pierre angulaire du code de conduite et est pour ainsi dire la seule chose officielle qu'on exige des députés. On suppose implicitement et explicitement que tous les députés ont la capacité et le désir de reconnaître instinctivement quel est le bon choix à faire du point de vue éthique dans n'importe quelle situation. Selon cette théorie, la déclaration des intérêts permet de faire la lumière sur tous les faits dans un milieu de consensus éthique universel où tous s'entendent sur ce qui est acceptable ou inacceptable.
D'après mes recherches, cependant, une telle déclaration ne suffit pas. Ce n'est qu'un mythe qu'il existe un tel consensus éthique dans le régime britannique. Il y a nettement des sous-groupes de députés qui envisagent le même problème éthique de façon tout à fait différente, et parfois contradictoire.
Qui plus est, bon nombre de députés voudraient bien obtenir davantage de conseils et d'aide sur la façon de régler certains dilemmes d'ordre éthique. Pour l'instant, ils n'ont personne vers qui se tourner, et il n'y a pas non plus de source constante de renseignements pour ceux qui doivent faire un choix qui risque de compromettre leurs obligations envers l'intérêt public. Comme n'importe où ailleurs, les plus nouveaux demandent souvent l'avis des plus anciens, mais les conseils de ceux-ci varient et sont hautement subjectifs.
Dans le cadre de mon étude, nous avons demandé à des députés de dire dans quelle mesure ils approuvaient ou désapprouvaient fortement divers scénarios hypothétiques montrant un conflit d'intérêts et des activités reliées au service dans la circonscription. D'après leurs réponses, on a jugé que les députés toléraient bien ce genre d'activités, ce qui veut dire qu'ils les approuvaient généralement par rapport au député moyen, ou les toléraient mal, ce qui veut dire qu'ils les condamnaient généralement parce qu'ils les trouvaient corrompues. Cette dichotomie nous a permis de répartir les députés en quatre catégories différentes.
J'ai baptisé les 28 députés qui toléraient mal les conflits d'intérêts et le service à la circonscription du nom de «puritains». Les 16 qui toléraient mal les conflits d'intérêts, mais bien le service à la circonscription, étaient les «serviteurs». J'ai appelé «esprits brouillons» les 21 députés qui toléraient bien les conflits d'intérêts, mais mal le service à la circonscription. Enfin, j'ai appelé, «entrepreneurs» les 35 députés qui semblaient bien tolérer tant les conflits d'intérêts que le service à la circonscription. Un examen plus poussé montre que certaines caractéristiques distinguent ces quatre types les uns des autres.
Les puritains étaient ceux qui étaient solidement rattachés à l'idéologie de leur parti. C'était surtout les députés travaillistes; il y avait relativement peu de puritains conservateurs. De façon générale, les puritains avaient tendance à se situer eux-mêmes à la gauche du Parti libéral sur le plan idéologique. Ce sont des députés qui n'ont pas pour la plupart d'emploi à l'extérieur de la Chambre, ou bien, s'ils en ont un, ils n'acceptent pas les provisions offertes aux conseillers parlementaires professionnels.
Les puritains ont tous une philosophie morale pessimiste. Bon nombre doutent de la moralité de certains de leurs collègues députés et ont l'impression que l'idée négative que se font les membres du public des hommes et des femmes politiques est souvent justifiée. La plupart doutent de l'efficacité des règlements existants pour freiner les comportements peu appropriés. Ils ont l'impression que les scandales dont ils entendent parler ne sont que la pointe de l'iceberg.
Les serviteurs sont ceux qui ressemblent le plus à l'idée qu'on se fait d'habitude des députés, c'est-à-dire à des amateurs animés de l'esprit de conscience politique sur lequel repose la structure actuelle du code de conduite. C'est aussi la catégorie la moins nombreuse; moins d'un député sur six est un serviteur.
Les serviteurs prennent à coeur cette image traditionnelle. Contrairement aux puritains, ils sont relativement conservateurs et ont tendance à être optimistes et généreux dans l'idée qu'ils se font de leurs collègues. Ce sont les moins portés à croire que la corruption pose un problème. Ils sont convaincus que tous les députés prennent leurs responsabilités et leurs pouvoirs publics au sérieux et que, dans le pire des scénarios, les scandales sont l'oeuvre de quelques mauvais sujets au Parlement.
La plupart ont un emploi à l'extérieur de la Chambre, mais surtout dans des professions qui posent peu de risques, comme la médecine, le journalisme, l'agriculture, et surtout le droit. Comme les puritains, ils évitent de devenir conseillers parlementaires. En tant que groupe, ils s'opposent à une réglementation plus stricte parce qu'ils considèrent que ce serait une insulte pour la réputation du Parlement et des parlementaires.
Les esprits brouillons se font une idée sens dessus dessous des valeurs morales. Ils jugent corrompues certaines activités qui seraient à l'avantage de leurs électeurs, mais acceptent les mêmes activités si elles sont à leur propre avantage. Ils semblent avoir une idée assez vague des principes de la moralité et ont donc tendance à justifier leurs décisions et leurs jugements en disant des choses comme: «Si bien d'autres le font, ce doit être acceptable.» Presque tous ont un emploi à l'extérieur, bon nombre dans des domaines où les risques sont élevés, par exemple comme experts-conseils parlementaires. Les esprits brouillons ont tendance à ne pas réfléchir aux questions de moralité et ne savent pas trop bien pourquoi la moralité préoccupe tant de gens.
Les entrepreneurs sont ceux qu'on retrouve le plus souvent à Westminster. Ils représentent plus du tiers des députés. Ce sont surtout des députés du Parti conservateur qui appartiennent à l'aile très stricte des Conservateurs à la Thatcher. Sur le plan éthique, ce sont des minimalistes qui affirment que tout ce qui n'est pas expressément interdit doit être autorisé. Ils acceptent volontiers de fournir des services d'experts-conseils parlementaires, et bon nombre détiennent de nombreux postes de ce genre. Ils s'opposent à une réglementation plus stricte parce qu'ils sont convaincus qu'il y a déjà trop de règlements au Parlement et que la corruption ne pose pas de problème. Ils ont le plus tendance à dire que le public a une idée négative des hommes et des femmes politiques simplement parce qu'il ne comprend pas bien ce qu'est la politique.
L'existence de ces quatre types distincts pose un sérieux défi au système actuel. Le Parlement suppose que tous les députés vont appliquer uniformément certains principes d'honneur et de bon jugement à toute situation et donne donc une grande marge de manoeuvre à ceux qui doivent régler un problème d'ordre éthique. Cela veut dire que, pour maintenir son intégrité, la Chambre doit compter sur la convergence d'attitudes individuelles multiples vers un seul idéal distinct.
Les quatre types et l'absence de consensus éthique que leur existence dénote montrent bien que l'on ne peut pas vraiment présumer que les parlementaires élus peuvent tous faire la même distinction entre un comportement inacceptable et un comportement acceptable. Au contraire, cela va d'un extrême à l'autre.
Même si bon nombre de députés, surtout les serviteurs et les entrepreneurs, admirent la souplesse du régime actuel et affirment que l'on ne ferait que compliquer les choses en ajoutant d'autres critères officiels, d'autres admettent, plus ou moins ouvertement, qu'il faudrait un code de déontologie plus complet et plus cohérent. Les esprits brouillons surtout déplorent le fait qu'il n'y ait pas de lignes directrices pour les aider à prendre leurs décisions.
Certaines choses indiquent que la Chambre a finalement compris qu'il était de plus en plus difficile de défendre sa structure éthique. À la suite des révélations du scandale des questions payées en 1994, le premier ministre a créé le Comité des normes pour la vie publique, c'est-à-dire le Comité Nolan, qui a été chargé d'examiner les préoccupations relatives aux normes de comportement de tous les détenteurs d'une charge publique. Il s'agit d'un comité permanent dont les membres ont été nommés pour trois ans.
Le comité a publié son premier rapport en mai 1995 et formulé diverses recommandations au sujet des députés et ministres. De façon générale, si ces recommandations étaient adoptées, les dispositions relatives à l'enregistrement des intérêts financiers deviendraient beaucoup plus claires et moins susceptibles d'interprétation. Cette mesure refléterait une préoccupation commune à tous les députés interrogés, soit la nécessité de donner plus de poids au mécanisme d'enregistrement et de déclaration.
Le comité a défendu le droit des parlementaires d'exercer un emploi à l'extérieur en précisant toutefois que les députés ne devaient pas pouvoir travailler pour une grande société de lobbyisme ou de relations publiques desservant une importante clientèle. Pour ce qui est des fonctions de consultant parlementaire, le comité a recommandé une étude plus approfondie. Il a constaté avec une certaine inquiétude que 70 p. 100 de tous les députés exerçaient actuellement un emploi qui était directement relié à leurs fonctions parlementaires.
Le comité a également préparé un projet de code de conduite pour les députés se fondant sur sept critères qui devraient régir la conduite des titulaires d'une charge publique: le dévouement, l'intégrité, l'objectivité, l'imputabilité, la transparence, l'honnêteté et le leadership. Cependant, tout comme la réglementation existante, ce code met également l'accent sur la divulgation des intérêts financiers.
La principale recommandation - c'est selon moi la plus importante pour le comité - consiste à établir un poste de commissaire parlementaire aux normes, dont le mandat serait d'une durée précise et qui serait l'équivalent du contrôleur général ou du vérificateur général.
Cette personne ne serait pas membre du personnel de la Chambre des communes. Son rôle consisterait à tenir un registre des intérêts financiers des députés. Il donnerait des conseils au sujet de l'application du code de conduite et des règles à respecter. Il serait chargé de préparer des directives et de donner des cours d'orientation aux nouveaux députés sur les questions de déontologie. Le commissaire recevrait également les plaintes concernant la conduite des députés dans ce domaine et il y donnerait suite en menant enquête.
Ce commissaire aurait la possibilité de rendre ses conclusions publiques au même titre que le contrôleur général et le vérificateur général. Sur réception d'une plainte, il lui reviendrait de décider de mener ou non une enquête.
À la suite d'une enquête, qui doit être réalisée en privé, le commissaire rejettera la plainte, ou la jugera justifiée et réglera la question avec le député en cause, ou renverra la plainte à un sous-comité spécial du comité des privilèges pour qu'elle fasse l'objet d'un examen plus approfondi. Une fois l'affaire réglée, le commissaire serait tenu de publier les raisons de ses conclusions.
Le rapport du Comité Nolan aborde plusieurs des problèmes soulevés dans mon étude initiale, notamment en ce qui concerne l'établissement d'un bureau indépendant et permanent ayant le pouvoir non seulement d'aider et de guider les députés, mais également de faire appliquer les règlements et de sanctionner les transgressions. Le code de conduite des parlementaires aurait ainsi beaucoup plus de chances d'être respecté.
Si un commissaire aux normes de conduite était nommé, aucun député ne pourrait se plaindre, comme l'un d'eux l'a fait, qu'on ne peut pas espérer grand-chose à l'heure actuelle pour ce qui est des normes éthiques. Personne ne vous dit ce que l'on attend de vous. Il n'y a rien pour vous guider; vous êtes livré à vous-même.
Malheureusement, ce député disait cela il y a près de 10 ans. Il a fallu une série de scandales qui ont placé le gouvernement dans l'embarras et sérieusement sapé la confiance du public dans le Parlement pour que l'on se décide à agir. Il serait honteux que le Canada passe par là, même si le processus est déjà largement entamé aux dires de certains.
Le professeur Atkinson va présenter les résultats de certaines recherches effectuées au Canada à ce sujet.
M. Atkinson: Merci beaucoup, Maureen.
Nous faisons partie, tous les trois, d'un groupe d'universitaires plus important. Deux autres personnes sont en train de mener une enquête nationale sur la déontologie politique. Nous avons l'intention de mener cette enquête non seulement à l'échelle nationale, mais de nous en servir pour obtenir l'opinion des députés, des journalistes et des autres personnes dont l'attitude peut être comparée à celle du grand public.
En prévision de ce travail, nous avons passé plusieurs années à préparer un questionnaire. Au cours du printemps 1993, nous avons testé ce questionnaire dans la petite ville de Guelph, en Ontario. Guelph est peut-être connue de certains d'entre vous comme un lieu d'expérimentation pour les détergents à lessive et les produits de ce genre. La ville présente des caractéristiques particulières qui la rendent très intéressante pour ceux qui y lancent de nouveaux produits sur le marché.
Nous avons testé notre nouveau produit. Ces essais nous permettent de perfectionner notre instrument de recherche. Ainsi, quand nous menons une enquête nationale, nous ne sommes pas obligés d'apprendre sur le tas.
J'ai pensé, tout comme Ian et Maureen, que les résultats de ce travail pourraient vous intéresser. Nous ne pouvons pas vous montrer les résultats d'une enquête nationale, mais cela peut vous donner une petite idée de l'attitude du public lorsqu'on lui pose certaines questions sur l'éthique politique.
Si vous avez tous un exemplaire du document intitulé: «Attitudes face à l'éthique politique», je vais examiner avec vous certains résultats. Ce ne sera pas très long.
Les six premiers chiffres représentent le résultat des questions directement posées à 400 personnes. Au graphique 1, nous avons demandé si la corruption est un problème répandu dans notre pays. Chacun peut avoir sa définition du mot «corruption», mais c'est quand même une expression absolue. Cependant, près de 60 p. 100 des répondants étaient d'accord avec cette affirmation.
Parmi ceux qui n'étaient pas d'accord, certains estimaient que la corruption n'était pas répandue et d'autres qu'il y avait certaines activités louches, mais qu'on ne pouvait qualifier cela de corruption. Par conséquent, 49 p. 100 des répondants sont en désaccord avec cette affirmation, mais on aurait tort de conclure que ces gens-là sont satisfaits de la situation.
Le graphique 2 montre les réponses à une question comparative: la corruption est-elle davantage répandue dans le monde des affaires que dans le milieu politique? Là encore, les réponses ne sont pas particulièrement encourageantes. Plus de 60 p. 100 des participants estiment que non. Certains d'entre eux considèrent que la corruption est à peu près la même dans les deux milieux tandis que d'autres considèrent qu'elle est pire dans le milieu politique.
Le graphique 3 présente des résultats un peu plus rassurants. Environ 60 p. 100 des gens estiment que de bonnes personnes entrent en politique, mais que l'emploi fait en sorte qu'elles ne peuvent demeurer honnêtes tout le temps. La bonne nouvelle c'est que les élus sont honnêtes au départ; la mauvaise, c'est que leur emploi les corrompt.
Il est difficile d'interpréter l'opinion de ceux qui ne sont pas d'accord. Certains doutent peut-être que de bonnes personnes entrent en politique tandis que d'autres estiment que leur emploi ne devrait pas les empêcher de demeurer honnêtes tout le temps.
Le graphique 4 est également alarmant. Une légère majorité de répondants ne sont pas d'accord pour dire que les gens qui tentent de se faire élire le font généralement pour eux-mêmes, mais une bonne partie de notre échantillon estime que la politique n'oblige pas à faire des sacrifices, mais que les élus cherchent seulement à satisfaire leurs ambitions personnelles. La moitié de ces répondants ne croient pas que les élus sont au service des citoyens.
Le graphique 5 montre que les répondants étaient prêts à reconnaître que si les gens ne font pas confiance aux élus, c'est parce qu'ils ne comprennent pas la politique. Il est difficile d'établir s'il s'agit d'une opinion négative à l'égard des connaissances des citoyens ou d'une opinion positive à l'égard des élus. Néanmoins, bien des gens estiment qu'on doit éduquer le public et que si les gens étaient mieux informés sur la politique, ils pourraient être plus compréhensifs.
Le graphique 6 révèle que plus de la moitié de l'échantillon s'opposait à ce que l'on exige plus des députés que des autres citoyens. Cependant, une forte proportion des répondants estimaient que les élus devraient observer des normes plus élevées. Certaines personnes ne trouvent pas normal que les gens exigent plus de leurs députés qu'ils n'exigent d'eux-mêmes, mais une forte proportion de citoyens s'attend à ce que les élus observent des normes plus élevées que celles de l'ensemble de la société.
Nous n'avons pas seulement demandé aux participants de répondre à ces questions. En nous servant de la technique utilisée par le professeur Mancuso au Royaume-Uni, nous leur avons proposé une série de scénarios en leur demandant de les évaluer sur une échelle de moins 5 à plus 5, moins 5 correspondant à entièrement inacceptable et plus 5 à entièrement acceptable.
Nous avons repris tous ces scénarios au tableau 2 afin que vous puissiez les lire et vous demander quelles réponses vous auriez vous-mêmes données.
En attendant, je peux vous dire comment les gens de Guelph ont répondu. Pour tous ces scénarios, les réponses étaient généralement du côté négatif de l'échelle ce qui veut dire que très peu de répondants ont trouvé ces activités entièrement acceptables.
En examinant les réponses, nous avons constaté que certains scénarios formaient des dimensions particulières. Le tableau présente ces dimensions et les étiquettes que nous leur avons données. Ils sont classés dans l'ordre, de la dimension la moins acceptable à la plus acceptable. Les pots-de-vin sont jugés les moins acceptables et les mensonges privés, les plus acceptables.
Vous remarquerez que les deux premières dimensions, le donnant-donnant et les mensonges publics, sont beaucoup plus problématiques que les quatre autres et j'attire donc votre attention sur la côte attribuée à ces deux dimensions. À notre avis, elles forment une catégorie à elles deux.
Pour ce qui est de la première - et vous devez lire les scénarios pour voir comment nous l'avons établie - elle implique un échange évident: si vous faites quelque chose pour moi, je ferai quelque chose pour vous. Cette idée n'a pas plu du tout à nos répondants de Guelph.
Les mensonges publics consistent à manipuler délibérément l'opinion publique pour une bonne cause. Nous avons proposé que les élus induisaient effectivement le public en erreur, mais que c'était dans un but louable. Là encore, cela n'a pas plu à nos répondants de Guelph. Rares sont ceux qui ont donné une côte de plus de moins un sur cette échelle de moins cinq à plus cinq.
Pour ce qui est des trois dimensions suivantes, le favoritisme, les cadeaux et les conflits d'intérêt, toutes ont déjà fait l'objet de mesures de réforme et figurent sans doute sur votre liste. Ces trois dimensions ont été jugées négativement, mais les différences d'opinion sont importantes. Nous avons légèrement modifié nos scénarios notamment pour ce qui est de l'importance des cadeaux. Je crois que nous parlions d'une bouteille de vin à Noël. Si vous transformez la bouteille en caisse, la réponse sera différente. Une légère modification du scénario quant à l'importance de la nomination peut facilement influer sur les opinions dans un sens ou dans l'autre.
Les détails sont importants aux yeux des gens, mais dans l'ensemble, très peu de répondants estiment que ce sont là des choses entièrement acceptables, même si elles sont parfaitement légales.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur la façon d'améliorer la situation. Nous avons demandé à nos répondants s'ils croyaient possible de faire quelque chose pour améliorer l'éthique politique au Canada. Nous leur avons évidemment demandé s'il fallait adopter une loi ou un code de conduite, mais nous voulions également savoir ce qu'ils pensaient de plusieurs autres propositions plus controversées comme la mise en place d'une unité permanente d'enquête et l'obligation pour les élus de suivre un cours sur l'éthique publique.
La création d'une unité permanente d'enquête est une idée qui plaisait aux gens. Si vous prenez le graphique 7, vous verrez quelles étaient leurs réponses. L'existence de procureurs spéciaux aux États-Unis les a peut-être influencés; c'est difficile à dire. De plus, l'option que nous avons proposée prévoyait la participation du public. C'est une chose qui a pu plaire à un grand nombre de répondants. Moins de 20 p. 100 d'entre eux estimaient que la mise en place d'une unité permanente d'enquête ne changerait rien.
Les autres options ont suscité autant d'intérêt, sauf la sixième. Plus de la moitié de nos répondants ne croyaient pas utile d'examiner la moralité des élus.
Je voudrais ajouter une dernière chose. Les gens sont certainement pour la réglementation et la divulgation, mais dans chaque cas, seule une minorité d'entre eux pensent que cela améliorera sensiblement la situation. De plus, nos répondants voyaient d'autres techniques d'un aussi bon oeil. Par conséquent, si la réglementation et la divulgation constituent les principaux instruments que vous choisissez - comme je l'espère - vous devrez les utiliser en sachant qu'une partie de la population ne les jugera probablement pas suffisants.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Je vous remercie beaucoup tous les trois. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion.
J'ai trois personnes sur ma liste: le sénateur Gauthier, le sénateur Angus et Mme Catterall. Avant de céder la parole au sénateur Gauthier, professeur Greene, vous avez parlé de la divulgation d'actifs non personnels. Pourriez-vous nous dire ce que sont les actifs personnels et non personnels? C'est ma première question.
Deuxièmement, vous dites qu'il faudrait établir des principes pour nos rapports avec les lobbyistes. Quels devraient être ces principes, selon vous?
M. Greene: Tout d'abord, dans la plupart des régimes où les titulaires de charges publiques doivent divulguer leurs possessions afin de prévenir les conflits d'intérêts, leurs biens personnels sont exclus. Autrement dit, il s'agit de leur maison, très souvent de leur chalet, de leur automobile, de leurs comptes en banque et de leurs régimes de retraite. C'est ce qu'on considère comme des biens personnels.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Les actions et obligations?
M. Greene: Ce sont des biens non personnels, à moins qu'ils fassent partie d'un régime de retraite.
Tout le reste doit être divulgué. Cette divulgation est publique ou non selon le régime dont il s'agit. En Ontario, par exemple - et je crois que c'est vrai également pour les fonctionnaires fédéraux - le conseiller en éthique décide s'il y a lieu de faire une divulgation publique des biens non personnels s'ils sont suffisamment importants.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Et pour ce qui est de ma deuxième question?
M. Greene: Votre deuxième question concernait les lobbyistes. Je crois qu'il y a deux façons d'éviter des problèmes à cet égard. La première consiste à réglementer les activités des lobbyistes et l'autre à mettre en place un code de conduite pour les députés et les sénateurs. Ou on peut se servir d'une combinaison des deux.
En ce qui concerne le code de conduite, s'il précise bien que lorsqu'il a affaire à des lobbyistes, le titulaire d'une charge publique doit prendre une décision dans l'intérêt public et que cette décision ne doit pas avantager personnellement les députés ou les sénateurs ou encore son parti, cela devrait régler le problème. L'important est de pouvoir prendre une décision impartiale qui ne tiendra pas compte de ses intérêts personnels ou des intérêts financiers du parti.
Le sénateur Angus: Pourquoi ne pas interdire totalement le lobbying?
M. Greene: Certains estiment que cela remplit une fonction utile.
Le sénateur Gauthier: J'ai trouvé la conversation intéressante jusqu'ici.
Madame Mancuso, j'ai lu votre livre. Je l'ai trouvé passionnant. Je m'intéresse à ce que vous avez constaté en Angleterre, mais je doute fort que cela s'applique au Canada. Dans ce livre certaines choses...
Personnellement, cela fait 23 ans que je travaille ici, et à ma connaissance, jamais une entreprise n'a appelé un whip pour lui demander le nom d'un député susceptible de lui servir de lobbyiste. C'est peut-être arrivé, mais pas au Canada. En Grande-Bretagne, peut-être, mais pas chez nous. Vive la différence, vous savez.
Si vous utilisez au Canada les questionnaires ou les méthodes dont vous vous êtes servis au Royaume-Uni - je vais vous poser la question directement - pensez-vous que vous obtiendriez les mêmes résultats?
Mme Mancuso: Les critères à partir desquels vous établiriez vos dimensions ne seraient peut-être pas les mêmes, mais il y aurait sans doute des divergences de vue. Je ne pense pas qu'au Parlement canadien tout le monde soit du même avis quant à la distinction entre un comportement acceptable et un comportement inacceptable.
Vous avez raison de dire que, dans une large mesure, l'une des caractéristiques de la Chambre britannique est l'existence des consultants parlementaires que nous n'avons pas au Canada. Toutefois, pour ce qui est du Sénat, cela pourrait se comparer aux sénateurs qui acceptent d'être nommés à des conseils d'administration. C'est le même genre de modalités. Là encore, je ne sais pas si les gens sont payés pour remplir ces fonctions, mais on peut certainement établir des comparaisons, en tout cas du côté du Sénat.
Vous constateriez sans doute certaines divergences de vues. En fait, Michael et moi avons déjà fait des recherches dans ce domaine en 1985. Nous avons parlé à 89 députés et là encore, on ne s'entendait pas quant à ce qui constitue un comportement acceptable ou inacceptable. Nous savons déjà, à partir de ce modeste échantillon, qu'on est loin de s'entendre sur la question.
Le sénateur Gauthier: Je voudrais vous poser, à tous les trois, une question que j'ai posée à de nombreux témoins. Voyez-vous une différence entre la moralité politique et l'éthique politique? Dans l'affirmative, pourriez-vous me définir brièvement cette différence?
M. Atkinson: Je répondrai en dernier.
Des voix: Oh, oh!
Mme Mancuso: Afin que vous puissiez simplement vous dire d'accord.
M. Atkinson: Peut-être.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: On croirait entendre un politicien.
Le sénateur Gauthier: Je parle des valeurs, de l'éthique, de la moralité et de la loi. Donnez-moi une définition, car vous semblez savoir ce dont vous parlez. Je voudrais voir ce que vous pouvez me proposer.
M. Greene: C'est une excellente question. Je vais essayer d'y répondre.
Selon moi, l'éthique politique se rapporte aux normes de comportement attendues à partir des principes fondamentaux dont j'ai parlé, soit le respect interpersonnel et l'égalité sociale, ce qui conduit à la primauté du droit et à la plupart des principes fondamentaux de notre système politique. Il s'agit de faire preuve d'équité, de traiter autrui comme il faut, de prendre des décisions impartiales, etc.
La moralité politique est davantage, selon moi, une question de normes personnelles. Que pense-t-on de l'avortement? Que pense-t-on des relations sexuelles avant le mariage et de ce genre de choses? Le public juge les élus en fonction de ces valeurs, mais elles n'ont pas nécessairement une incidence sur l'équité du processus.
Le sénateur Gauthier: Ce n'est pas cela. La moralité politique dépend de ce qui est bien ou mal et non pas de si vous croyez que l'homosexualité est un péché ou qu'elle est acceptable du point de vue politique ou social.
Croyez-vous qu'il y ait une grande différence entre l'éthique politique et la moralité politique? Selon moi, elle est profonde. Vous avez abordé la question de l'éthique et je comprends votre point de vue, mais pour ce qui est de la moralité, vous n'avez peut-être pas compris ce que je vous demande. Peu m'importe si je suis catholique et si vous êtes protestant ou si vous croyez à la naissance de Jésus-Christ ou à tout autre concept qui fait partie de votre moralité et de votre sens du bien et du mal. Je vous demande si la moralité politique existe, si les mêmes valeurs morales unissent tous les élus. Pensez-vous que ce concept existe?
C'est en effet ce que je retiens de vos commentaires d'aujourd'hui. Vous n'avez pas aimé le comportement à la Chambre. Vous vous y opposez vivement. C'est peut-être pour avoir regardé les débats de la Chambre à la télévision ou la façon dont les députés s'y comportent, mais cela soulève-t-il une question de moralité ou d'éthique?
M. Greene: Je crois mieux comprendre votre question. De ce point de vue, il n'y a peut-être pas une grosse différence entre l'éthique politique et la moralité politique. Selon moi, certains principes fondamentaux devraient unir tous les élus...
Le sénateur Gauthier: Il y a des normes.
M. Greene: Oui, encore une fois, elles concernent le respect et l'égalité. Si on réfléchit soigneusement à ces principes, tous les élus devraient être assujettis au même code de conduite. Mais les gens raisonnables ne seront pas tous d'accord.
D'un autre côté le simple fait de réfléchir à la façon dont ces principes s'appliquent contribue largement à vous ouvrir les yeux sur le problème.
Le sénateur Gauthier: Les autres peuvent-ils me dire ce qu'ils en pensent?
Vous avez certainement quelque chose à dire.
Mme Mancuso: Encore une fois, comme Ian l'a dit, quand on parle de «moralité», c'est une question personnelle. Cela vient de l'intérieur, c'est une voix que chacun entend de l'intérieur et qui nous dit comment nous comporter dans une situation donnée. C'est étroitement lié à la question de la personnalité, de la vertu et de l'intégrité et à la façon dont on se considère en tant que personne.
Dans un contexte politique, cela aide les gens à prendre des décisions, car si vous n'avez pas une moralité politique commune, vous pouvez seulement vous fier à votre moralité personnelle. Par conséquent, si vous ne savez pas exactement ce qui constitue la moralité politique, vous tenez compte de vos valeurs personnelles pour chaque décision.
Selon moi, la «moralité» est une dimension personnelle. En même temps, vous avez raison de dire que les institutions comme le Parlement peuvent adopter une certaine moralité en fonction des méthodes, des normes et des conventions qui les régissent. Par conséquent, une institution peut avoir une certaine moralité politique. La Chambre peut avoir cette moralité politique.
Le sénateur Gauthier: La Chambre peut en avoir une.
Mme Mancuso: Mais je ne sais pas exactement ce qu'elle est.
La plupart des gens seront d'accord pour dire que les élus ne devraient pas exploiter leur charge publique dans leur intérêt personnel.
Le sénateur Gauthier: Je suis d'accord.
Mme Mancuso: La plupart des gens autour de cette table seraient d'accord sur ce point.
Le sénateur Gauthier: Et la plupart d'entre nous ne le font pas.
Mme Mancuso: C'est exact.
Le sénateur Gauthier: Il peut toujours y avoir quelques exceptions, mais n'allez pas dire que tout le monde est malhonnête.
Mme Mancuso: Non et je ne le ferai jamais. Même pas à Guelph.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Professeur Atkinson, voulez-vous nous donner votre définition?
M. Atkinson: Pas particulièrement, monsieur le président, mais je dirais que les expressions «moralité» et «éthique» sont souvent interchangeables.
S'il faut faire la distinction entre les deux, la plupart des gens diront que la moralité a quelque chose de personnel et l'éthique, quelque chose de professionnel. L'éthique se rattache peut-être mieux à une institution ou un organisme... Sans vouloir contredire ma collègue, le professeur Mancuso, j'ai l'impression que ce terme s'applique davantage à une institution comme celle-ci.
Lorsqu'on cherche à établir un code d'éthique, il est rare que l'on parle de «code moral», par exemple. Je suis d'accord avec vous pour dire que la moralité se rapporte au bien et au mal et que la notion de bien et de mal est en grande partie une question de réflexion personnelle.
C'est sans doute une perception libérale avec un petit «l». D'autres estimeront sans doute qu'il existe une seule moralité à laquelle nous devons tous souscrire et qui doit éclairer tout ce que nous faisons.
Je préfère parler d'éthique politique plutôt que de «moralité politique», car cela me paraît un peu plus neutre et invite à la discussion. Il est un peu plus difficile de parler de sa moralité politique personnelle et de s'attendre à ce que les autres la partagent ou en tiennent compte, mais si vous pouvez orienter la discussion sur le plan de l'éthique, cela permet d'exprimer des divergences d'opinions.
Cela vous éclaire-t-il?
Le sénateur Gauthier: Un peu.
M. Atkinson: Me donnez-vous un «C»?
Le sénateur Gauthier: Cela ne confirme pas ma première hypothèse, à savoir que le sectarisme à la Chambre des communes est inévitable, que cela vous plaise ou non.
Les gens sectaires examinent les questions en fonction de leur propre moralité ou de leur moralité politique, selon la définition que vous voulez utiliser tandis que leurs opposants vont considérer le même problème sous un angle différent.
Néanmoins, notre comité a pour tâche d'élaborer un code de conduite ou de bonne conduite. C'est ce qu'en français nous appelons un code d'éthique. Comme vous le voyez, à deux langues correspondent deux concepts différents. Selon le premier, il s'agit d'un code de conduite et selon le deuxième, d'un code d'éthique.
[Français]
en français que c'est un code d'éthique. On a là une distinction à faire. Il y a une différence.
[Traduction]
Quelle serait la première chose que vous mettriez dans un code de déontologie? En somme, quels seraient les principaux éléments qu'à votre avis, le comité devrait intégrer à un code de déontologie?
M. Atkinson: Premièrement, je vous rappelle que les professeurs Greene et Mancuso vous ont tous les deux instamment encouragé à tenir compte de la distinction entre un code d'éthique et un code de déontologie. Ils ont souligné la nécessité d'établir des principes d'étique, de faire des déclarations initiales...
Le sénateur Gauthier: Nous avons les deux.
M. Atkinson: Je ne pense pas que nous puissions vraiment vous dire quelle devrait être la teneur de ce code d'éthique et quels principes devraient y figurer. Nous pouvons simplement vous conseiller d'énoncer d'entrée de jeu une série de principes suivis d'instructions plus précises sur ce qu'il faut faire et ne pas faire, ce qu'il faut divulguer et ne pas divulguer, etc. Autrement dit, faire suivre le préambule d'une partie plus détaillée....
Pour moi, un «code de déontologie» est de nature réglementaire, détaillée et technique. Lorsque j'utilise l'expression «code d'éthique», il s'agit davantage d'aspirations. Je vous invite à intégrer ces deux volets dans votre code.
Mme Mancuso: Je pense qu'il convient de faire une distinction entre l'éthique et la déontologie.
Comme Michael vient de le dire, l'éthique évoque davantage des aspirations. À cet égard, il importe de présenter les choses de façon positive. Bien souvent, lorsque les gens discutent de question d'éthique et de déontologie, ces dernières prennent automatiquement un ton ou une tournure négative. Je pense qu'il y a une façon beaucoup plus positive, encourageante et enthousiaste de rédiger un code d'éthique politique. Il ne faut pas que cela se résume à des interdits. Les proscriptions devraient se retrouver dans le code de déontologie.
Vous avez raison de dire qu'il est possible de les incorporer dans un seul code. Le préambule du code pourrait renfermer le volet aspirations qui serait suivi dans le code de déontologie de prescriptions ou de proscriptions précises. Je suis d'avis qu'il y a des façons d'incorporer ces deux volets dans un document unique.
Le sénateur Gauthier: À l'occasion du deuxième tour, je voudrais revenir à la charge en raison de certains mots clés qui ont été utilisés, notamment pots-de-vin, mensonges publics, favoritisme, cadeaux, conflit, mensonges privés. Je voudrais y revenir. Je pense que vous nous avez pas mal esquintés.
Le coprésident (le sénateur Oliver): J'ai sur ma liste d'intervenants le sénateur Angus, Mme Catterall, M. Malhi, Mme Beaumier et M. Epp.
Sénateur Angus.
Le sénateur Angus: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais remercier nos trois invités qui nous ont présenté un exposé des plus éclairants. Vous avez exprimé des opinions légèrement différentes sans perdre pour autant de vue l'essentiel.
Avant que le sénateur Gauthier ne parle du livre de Mme Mancuso, je voulais tout simplement vous dire que vous peignez un portrait très déprimant de la situation qui a cours au Parlement britannique. J'ai aussi lu votre livre.
Mais c'est comme comparer des pommes et des oranges. Comme vous-même et M. Greene l'ont dit, nous ne voulons plus attendre; nous avons eu assez de scandales. Là-bas, il y a eu des scandales énormes qui ont donné lieu à l'enquête Nolan et à son rapport, et ainsi de suite, et maintenant, nos collègues britanniques discutent de mise en oeuvre sous une forme ou une autre.
Mais il y a une chose que je voulais faire consigner au compte rendu. Madame Mancuso, vous n'affirmez tout de même pas qu'au Canada, la situation est aussi sérieuse qu'en Grande-Bretagne, n'est-ce pas?
Mme Mancuso: Non, vous avez raison. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il y a des différences en ce qui a trait aux emplois à l'extérieur.
Le sénateur Angus: Le pire, c'est de se faire payer pour des consultations ou pour poser certaines questions.
J'ai peut-être tort, mais ce qui m'a frappé dans ce portrait de Westminster, c'est qu'il émane des députés qui y siègent. Vous les avez condamnés grâce à leurs propres témoignages, et avec beaucoup d'esprit, vous les avez divisés en catégories.
J'essayais de voir où logerait le sénateur Gauthier. Je ne vous dis pas dans quelle catégorie... Après 23 ans, vous savez, on devient...
Honnêtement, c'est très révélateur. Cela dit, en réponse à sa question, vous avez mentionné avoir pris un échantillonnage ici pour déterminer le niveau de sensibilité des députés. Je ne suis pas du tout surpris de vos constatations, et je pense que cela est navrant... Particulièrement dans une nouvelle législature. La législature actuelle est relativement jeune. Il n'y a pas suffisamment de cours ou de séances d'information à l'intention des nouveaux députés. Ce ne sont pas tous les députés qui sont issus de professions régies par des codes d'éthique et des normes de conduite. Ai-je raison de dire...? Je pense que c'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici au sein de ce comité mixte de la Chambre.
Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas de preuves que la situation soit aussi désastreuse au Canada qu'au Royaume-Uni, d'après votre enquête.
Mme Mancuso: C'est différent. Je veux dire que dans une grande...
Le sénateur Angus: Mais vous n'avez pas encore étudié la situation ici.
Mme Mancuso: Non, c'est juste.
Tout tient à la différence de perception quant à la nature de la carrière parlementaire. En Grande-Bretagne, un grand nombre d'élus considèrent encore qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel. Cette perception est répandue parmi les députés, au Parlement et même dans le rapport Nolan. Ces derniers, après discussion, ont décidé qu'ils souhaitent encourager la pratique consistant à conserver un emploi à l'extérieur. Selon eux, cela améliore la qualité du débat parlementaire étant donné que les députés apportent un point de vue plus informé au débat sur le parquet. Mais le problème, c'est qu'ils ne combinent plus leur carrière de parlementaire à une carrière de type traditionnel. Ils ne sont plus notaires, avocats, mineurs ou agriculteurs. Ils ont constaté qu'il est beaucoup plus facile de combiner leurs responsabilités parlementaires à une carrière d'experts-conseils.
Vous avez raison, j'ignore s'il y a des cas de ce genre à la Chambre canadienne. Mais j'y ai fait allusion, je pense qu'il existe des problèmes, ou qu'il pourrait en exister, du côté du Sénat.
Le sénateur Angus: Permettez-moi de poser une question de nature générale, suivie de deux questions précises. Ma question générale fait suite à votre dialogue avec le sénateur Gauthier. Pensez-vous qu'il y a lieu de faire une analogie avec, supposons, la profession juridique? Il existe des codes d'éthique où il est question de fonds en fiducie, de l'argent des clients, de pratiques qui pourraient entrer dans la catégorie «corruption» et qui, en fait, relèvent du Code criminel.
Ce sont des principes d'éthique que doivent respecter les avocats. D'ailleurs, ils sont régis par un organe disciplinaire. Ensuite, il y a un autre niveau de comportement appelé «conduite professionnelle». En tant qu'agent du tribunal, on est censé respecter ces principes et ne pas faire, devant un tribunal un éclat comme celui dont le professeur Greene a été témoin aujourd'hui. Personnellement, je n'en n'ai pas été témoin puisque je n'étais pas dans cette Chambre.
Une telle analogie serait-elle valable? Autrement dit, proposez-vous qu'à l'issue de nos délibérations, nous ayons autre chose que des règles d'éthique qui nous permettraient d'avoir un commissaire ou une personne indépendante à laquelle nous pourrions communiquer notre actif et expliquer les situations susceptibles de constituer un conflit d'intérêts...? Nous pourrions régler ces questions, et ainsi ne pas violer les principes du code. Il s'agit là des questions de comportement régies par la loi.
Si j'ai bien compris, vous proposez également d'essayer d'instituer des normes de conduite... il arrive que nous ne contrevenions à aucune loi, mais étant donné que nous sommes investis de la confiance du public, que nous siégeons ici et que nous sommes rémunérés à même les deniers publics, nous devons nous comporter différemment de monsieur Tout-le-Monde. C'est ce que j'ai retenu de votre intervention.
M. Greene: L'un des principes qui a guidé notre recherche, c'est qu'en fait, les normes d'éthique des députés et des sénateurs dépendent en partie de leurs antécédents. Les avocats étant régis par leur propre code d'éthique depuis de nombreuses années, ils ont une approche particulière. Je pense qu'on retrouve en plus grand nombre parmi les députés et les sénateurs des avocats et des hommes d'affaires. De nombreuses entreprises ont maintenant leur propre code de déontologie; ainsi, Imperial Oil en a un qui est très bon.
Le sénateur Angus: C'est une tendance très répandue maintenant. Les banques en ont...
M. Greene: C'est exact. Il est indéniable que cela va influencer la façon dont ces personnes se conduisent lorsqu'elles accèdent au Parlement.
Le problème du code de déontologie des avocats... voyez comme il est volumineux. J'ai interviewé des avocats au sujet de questions d'éthique et un grand nombre d'entre eux estiment que tant qu'ils s'en tiennent à la lettre du code, ils sont saufs. En règle générale, je ne pense pas qu'ils réfléchissent suffisamment aux principes fondamentaux qui ont donné naissance au code à l'origine. Voilà pourquoi je pense qu'il serait très utile que le comité mette davantage l'accent sur les principes de base. Si cette partie est une réussite, le reste suivra.
Le sénateur Angus: Permettez-moi de vous poser une question précise sur les différences de conduite liées à la charge d'une personne. Certains témoins font la différence entre divers titulaires de charges publiques. Par exemple, les ministres du Cabinet, qui sont en fait membres du volet exécutif, qui forment le gouvernement, qui connaissent tous les secrets et qui ont prêté les serments spéciaux que doivent prêter les membres du Conseil privé et d'autres... Il y a aussi le cas des députés élus au Parlement et des sénateurs, qui sont nommés à leur poste.
À tort ou à raison - je pense que M. Atkinson a soulevé la question de savoir... non, je pense que c'était Mme Mancuso - quand on m'a appris comment notre Parlement était censé fonctionner, on m'a expliqué qu'il se trouvait enrichi du fait d'être composé de personnes qui continuaient de vaquer à leurs affaires quotidiennement. Ce ne sont pas uniquement des parlementaires professionnels. Je parle du Sénat. Les sénateurs connaissent concrètement le monde extérieur de sorte que lorsqu'ils sont saisis d'une mesure, ils peuvent en dire qu'elle a beaucoup de bon sens en théorie, dans un monde idéal, mais que dans la réalité, elle est impraticable et inapplicable. En conséquence, après mûre réflexion, si on y apportait tel ou tel changement, la mesure serait plus efficace. Un grand nombre de témoins nous ont dit qu'il était bon que les parlementaires aient un emploi à l'extérieur et qu'il convenait de continuer ainsi, pourvu que le bons sens prévale.
Le coprésident (le sénateur Oliver): M. Mitchell Sharp et M. Wilson ont tous les deux affirmé cela.
Le sénateur Angus: Êtes-vous d'accord avec cela?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Voulez-vous faire une observation et ensuite, je donnerai la parole à d'autres témoins?
Le sénateur Angus: Vous pourriez peut-être tous répondre, mais si vous pouviez ajouter... Le sénateur Gauthier et moi-même nous intéressons particulièrement à un témoin qui a dit qu'à son avis, les règles devraient être différentes pour les sénateurs, les députés et les ministres du Cabinet, ces derniers devant être régis par des règles plus rigoureuses. Non, non, très différentes.
M. Greene: Je pense qu'à certains égards, l'expérience pratique peut aider les députés et les sénateurs dans leurs réflexions et, peut en un sens, les aider à être plus impartial dans leurs décisions que s'ils l'étaient complètement en ne sachant rien du sujet. Ce peut donc être un avantage.
Il y a environ six mois, des journalistes de la Saskatchewan m'ont téléphoné pour me dire qu'ils étaient très inquiets parce qu'un grand nombre de députés de l'Assemblée législative de la Saskatchewan allaient voter des changements à la loi sur le Wheat Pool, alors qu'ils en étaient pratiquement tous membres. En l'occurrence, je n'ai pas cru qu'il y avait conflit d'intérêts étant donné qu'ils savaient tous de quoi il retournait. Il n'était pas clair qu'il y aurait des avantages liés au changement, mais à tout le moins, ils connaissaient tous le dossier. Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites.
Le sénateur Angus: Et c'était transparent. Tout le monde savait qu'ils étaient membres du Wheat Pool, de sorte que même si, à strictement parler, il y avait conflit, en réalité, il n'y en avait pas.
M. Greene: Exactement. En outre, s'ils s'étaient abstenus de voter, il n'y aurait plus eu qu'une poignée de députés pour le faire.
Mais il y a toujours un risque de conflit d'intérêts lorsque les intérêts commerciaux coïncident avec les responsabilités publiques. Voilà pourquoi les conseils que donne Greg Evans aux députés en Ontario sont très intéressants. Ce genre de situation survient tout le temps et comme il est difficile de trouver réponse à ces questions, il est agréable de pouvoir compter sur l'aide d'une personne aussi expérimentée que M. Evans.
Je pense que ce genre de conflit d'intérêts peut survenir, particulièrement au Sénat. Vous êtes dans une situation de conflits d'intérêts potentiels quand vous êtes avantagés personnellement à la suite d'une décision. À ce moment-là, il vous faut décider des moyens pour empêcher que ce conflit devienne réel. Devriez-vous vous départir de vos intérêts ou est-ce préférable de vous abstenir de participer au débat sur ce dossier? C'est habituellement la meilleure façon de procéder.
Au sujet du Sénat, Colin Campbell a écrit un livre merveilleux il y a de cela 15 ans. Il affirme que le Sénat comporte son propre lobby représentant les intérêts commerciaux spécifiques, particulièrement au sein du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Son livre comporte de nombreux exemples de conflits d'intérêts. J'avoue que dans les cours d'introduction aux sciences politiques, nous avons l'habitude de dire à nos étudiants que le Sénat est un lobby de l'intérieur, qu'il n'y a aucune règle régissant les sénateurs et que cela pose un énorme problème. Je pense donc qu'il convient de porter une attention particulière au Sénat.
Cela ne veut pas dire qu'il est répréhensible que les sénateurs aient une expérience pratique, mais comme ils sont susceptibles de se trouver en situation de conflits d'intérêts potentiels, ils doivent savoir comment s'en sortir. Voilà pourquoi, particulièrement au Sénat, il serait utile d'avoir un conseiller en éthique indépendant.
Si vous n'avez pas entendu Colin Campbell, je pense que ce serait un excellent témoin. Il enseigne maintenant à Georgetown University.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Madame Mancuso, voulez-vous répondre?
Mme Mancuso: Grosso modo, je suis d'accord avec ce que Ian a dit. Le problème du Sénat sous sa forme actuelle, c'est qu'il n'existe aucune disposition permettant aux sénateurs de déclarer leurs intérêts, de les divulguer. S'ils travaillent à l'extérieur ou s'ils siègent à un conseil d'administration, ou encore s'ils sont rémunérés pour autre chose, il est très difficile pour les observateurs de déterminer si, lorsqu'ils prennent la parole au Sénat même ou dans les comités, leur intervention traduit vraiment leurs convictions personnelles ou s'ils sont à la solde d'intérêts particuliers.
L'une des façons de contourner le problème, c'est de faire en sorte qu'à tout le moins, ces intérêts soient rendus publiques, que cela soit officiel. En outre, comme Ian l'a dit, il y des façons d'éviter les conflits d'intérêts, par exemple en invoquant la récusation, comme cela se fait au Congrès américain. En l'occurrence, on peut soit participer au débat sans nécessairement voter, soit en être excusé.
Je pense qu'on pourrait adopter certaines règles pour aider les sénateurs, mais je ne préconise pas nécessairement l'adoption de règles différentes pour les personnes assumant différentes fonctions. Je pense qu'elles ont en commun le fait qu'elles sont toutes des parlementaires. On pourrait assurément adopter des règles communes qui s'appliqueraient à tous les titulaires de charges publiques que vous avez mentionnés au début, tous niveaux ou catégories confondus.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci.
Mme Catterall, s'il vous plaît.
Mme Catterall: Permettez-moi d'aborder l'enquête pilote que vous venez d'effectuer et que vous vous apprêtez à élargir à l'échelle nationale très bientôt.
J'entends souvent dans la bouche de mes électeurs - ce qui me surprend toujours - des commentaires au sujet des députés en général. On me dit qu'ils sont là pour se remplir les poches et veiller à leurs propres intérêts. Et la question: «Pourquoi ne travaillent-ils pas pour la population?» est inévitablement suivie du commentaire suivant: «Ne vous méprenez pas, je ne parlais pas de vous, Marlene; je sais que vous travaillez très fort. Je sais que vous avez à coeur nos intérêts. Je sais que vous êtes parfaitement honnête.»
On retrouve cette attitude chez bien des gens. Ils savent que le député, l'homme ou la femme politique qu'ils connaissent, travaille d'arrache-pied, qu'il est franc et honnête et qu'il a l'intérêt public à coeur. Ce sont tous ceux qu'ils ne connaissent pas dont ils pensent le plus grand mal.
Il me semble que si votre sondage ne cherche pas à établir une distinction entre leur opinion des politiciens qu'ils connaissent et ce qu'ils pensent des politiciens en général, c'est une lacune importante.
Y avez-vous réfléchi? Cette question a-t-elle figure dans vos enquêtes? Avez-vous fait des essais avec certaines questions de ce genre? Votre enquête comporte-t-elle des critères qui permettent de déterminer sur quoi les gens fondent leurs réponses?
M. Atkinson: D'abord, c'est une observation fort perspicace. Les deux le sont.
Mme Catterall: Je ne fais que refléter la perspicacité de mes électeurs.
Des voix: Oh, oh.
M. Atkinson: Je ne parlais pas de l'observation de vos électeurs, mais de votre commentaire.
On constate le même phénomène aux États-Unis. Richard Fenno, politicologue bien connu, a écrit il y a 30 ans un article intitulé «Pourquoi les Américains détestent-ils leur Congrès tout en aimant leurs députés?». C'est le même genre de phénomène.
Vous avez raison de dire que nous aurions dû, contrairement à ce que nous avons fait, tenir compte dans notre étude pilote des réactions de nos répondants à l'égard des personnes qu'ils connaissent ou de leurs propres députés. Nous avons l'intention d'inclure des questions concernant les niveaux de connaissances politiques et nous prévoyons que plus la personne est informée, plus elle fera preuve de tolérance. C'est généralement ce qu'on constate.
Mais franchement, je pense que vous nous avez donné une bonne idée. Au lieu de nous limiter à poser des questions pour déterminer l'étendue des connaissances des répondants, nous pouvons aussi leur demander quelle est leur opinion de leurs propres députés par rapport à d'autres.
Alors même si nous n'avons pas posé cette question dans notre étude pilote, j'aimerais voir comment nous pourrions l'incorporer à l'étude nationale. En somme, c'est une très bonne idée.
Mme Catterall: Si vous voulez déterminer leur niveau de connaissances, il ne devrait pas s'agir de leur connaissance des politiciens mais de leur contact personnel avec les politiciens.
M. Atkinson: Oui, vous avez raison. Je comprends ce que vous proposez.
Mme Catterall: Très bien.
Voici quelque chose qui m'épate:
- l'équipe a rassemblé un groupe d'experts en matière d'éthique politique, des universitaires,
avocats, journalistes, fonctionnaires et politiciens
- ...tout ce qu'on veut, sauf le Canadien moyen.
M. Atkinson: Exactement.
Mme Catterall: Je suis frappée par l'absence de personnalités religieuses, spirituelles ou communautaires dans l'élaboration de ce sondage. Votre choix obéissait-il à une raison particulière?
M. Atkinson: Je devrais peut-être demander à l'enquêteur principal de justifier sa sélection.
Des voix: Oh, oh.
M. Atkinson: Je pense que cette possibilité n'a jamais été soulevée, peut-être parce que nous partions du principe erroné qu'il s'agissait du domaine de l'éthique politique, pour faire écho au commentaire du sénateur Gauthier, et pas tellement de la morale personnelle.
Cela vous intéresse peut-être de savoir que nous avons posé une question concernant la confiance à l'égard des religions et des juges, par rapport aux fonctionnaires et politiciens. Je pense que nous n'avons jamais eu l'idée de faire appel aux connaissances des chefs spirituels. Nous avions des philosophes, qu'on peut considérer comme des chefs spirituels laïques, mais aucun représentant de groupes religieux comme tels.
Mme Catterall: L'un de vous a soulevé une question intéressante et j'aimerais y revenir.
On peut parler de deux sortes de codes de prescriptions morales: il y a l'interdiction de commettre certains actes et il y a l'exhortation d'aimer son prochain. Je suis sûre qu'il y a beaucoup de variantes, mais essentiellement il s'agit ou bien d'interdire ou bien d'encourager certains comportements au plan individuel ou collectif. Avez-vous une idée de quelle est l'approche la plus utile?
Je ne pense pas que nous cherchions une méthode pour découvrir et punir ceux qui commettent des fautes mais nous cherchons plutôt des façons d'encourager un comportement moral. Quelles sont vos idées concernant l'interdiction par rapport à la prescription?
Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est une bonne question.
Mme Mancuso: Je ne veux pas m'esquiver, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que les deux aspects interviennent. L'absence d'un de ces éléments crée un malentendu.
Je pense qu'il est possible d'entretenir un dialogue en matière d'éthique et de rédiger un code qui exprime le message voulu de façon positive. Il n'est pas nécessaire de souligner les fautes que l'on veut éviter. Je pense qu'on peut faire un préambule qui transmet un message encourageant.
À l'heure actuelle, je donne un cours sur l'éthique et la corruption. La plupart de mes étudiants croient que les parlementaires sont généralement de bonnes personnes qui cherchent à faire du bien et qui, en règle générale, font ce qu'ils doivent faire, mais il arrive des situations où ils ont besoin d'aide, comme dans n'importe quel travail. Certains problèmes peuvent se poser et il est bon de pouvoir obtenir des conseils auprès de quelqu'un.
Dans le système actuel, il n'y a pas de mécanismes d'aide, autres que la consultation avec des collègues ou des amis ou des membres du parti. Il n'y a pas de mécanisme formel.
Mme Catterall: J'aimerais quelques précisions à ce sujet.
Les députés veulent-ils des conseils concernant ce qu'ils devraient faire ou bien veulent-ils des consignes sur ce qu'ils ne doivent pas faire? Voilà en somme la question que je vous pose.
Je reviens à l'éducation des enfants. On leur dit très tôt qu'ils ne peuvent pas faire certaines choses, on ne leur donne pas d'explications, mais on dit simplement que ça ne se fait pas. Mais pendant l'enfance, on leur inculque certains principes sur lesquels ils doivent fonder leur jugement et si on ne le fait pas, on ne les aide pas à développer un sens des responsabilités et la capacité de prendre de bonnes décisions. Faut-il donc dire aux députés ce qu'ils ne doivent pas faire ou leur donner des conseils sur ce qu'ils doivent faire?
Mme Mancuso: Au sujet de ce qu'il faut faire, cela fait partie de l'énoncé de principes d'un code et les choses à éviter relèvent de la prescription. Mais j'estime toujours qu'il est possible de formuler toute interdiction d'une façon constructive ou affirmative. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à un style catégorique.
On pourrait énoncer certains principes généraux comme c'est le cas au Royaume-Uni. Si vous n'avez pas vu leur formulaire de déclaration, je vous encourage à le faire. Il vient d'être refait l'année dernière en réponse aux observations faites par les députés qui ont fait valoir que toutes ces catégories n'étaient pas très utiles. Il y avait simplement diverses catégories: actions, biens immobiliers... et les députés n'aimaient pas du tout cette façon de faire.
Le formulaire a donc été refait et maintenant on pose la question: avez-vous reçu au cours de l'année dernière un cadeau pendant une visite à l'étranger d'une valeur de plus de 125 livres? Si oui, il faut l'indiquer dans telle catégorie. C'est donc une question assez claire qui amène une réponse. Cette façon de procéder semble avoir été bien reçue de la part des députés qui voulaient quelque chose de plus précis et pas simplement quelques rubriques générales.
Mme Catterall: Je sais que vous en parlez dans votre livre et vous dites que vous n'êtes pas en mesure de développer cet aspect, mais vous avez constaté des différences assez importantes selon les partis et vous vous intéressez aussi aux différences en fonction du sexe, même si vous ne vous êtes pas penchés sur la question. Cela me surprend parce que 7 p. 100 des personnes qui ont participé à l'entrevue étaient des femmes, même si elles ne représentent que 4 p. 100 des députés à la Chambre des communes. Était-ce à cause du petit échantillonnage que vous avez pensé que vous n'aviez pas une représentation suffisante?
Mme Mancuso: Oui. Il ressortait des études antérieures qu'il m'aurait fallu un plus grand... Si toutes les femmes avaient accepté de participer, j'aurais pu tirer une conclusion valable en égard à la différence entre les sexes, comme je voulais le faire. Toutefois, il leur a été impossible d'y participer en raison d'engagements antérieurs.
En outre, il m'a été plus difficile d'obtenir ces entrevues, étant de l'extérieur. Un certain nombre de députés m'ont déclaré carrément que je n'étais ni citoyenne ni étudiante britannique; j'étais ici uniquement pour faire subir ces entrevues. Un certain nombre de personnes ont invoqué diverses raisons pour ne pas me rencontrer.
Toutefois, vous avez raison. J'ai estimé ne pas avoir suffisamment d'éléments en main pour en arriver à des conclusions compte tenu de ce nombre restreint.
Mme Catterall: J'ai une dernière observation à faire au sujet de la période des questions à l'heure actuelle. Lorsque je rencontre des étudiants, je continue de leur dire que la première expérience que j'ai eue de la période des questions de la Chambre des communes, c'était il y a 35 ans lorsque j'avais amené des étudiants de 9e année et leur avait dit après coup que s'ils se comportaient un jour de cette façon dans ma classe, ils seraient renvoyés sans appel. C'était pire à l'époque et il y a donc eu quelques progrès.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Madame Beaumier.
Mme Beaumier (Brampton): Je voulais également discuter du sondage, mais Marlene a abordé une bonne partie des points qui m'intéressaient. J'ai toutefois une question à vous poser au sujet du népotisme.
Le népotisme est devenu un gros mot. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Voyons un peu ce qui se passe au niveau provincial. Si j'étais député à l'Assemblée législative provinciale et que je nommais les membres de la Commission des libérations conditionnelles, pourquoi choisirais-je une personne dont la théorie politique est axée sur les camps de travail, la peine capitale et les châtiments corporels si moi, qui ai été élue pour mes principes politiques, j'étais chargée de ces nominations? Pourquoi ne nommerais-je pas un membre de la collectivité qui partage davantage mes principes dans ce secteur qui relève du gouvernement?
M. Greene: À mon avis, il existe deux sortes de nomination par décret. Il y a celles dont les bénéficiaires sont chargés d'adopter une politique qui se doit d'être conforme à celle du gouvernement, et il y a celles des personnes qui sont nommées pour prendre des décisions plus ou moins objectives.
Par exemple, les procureurs de la Couronne fédérale sont nommés pour intenter des poursuites aux termes de la loi. Rien ne justifie que ces personnes soient nommées par népotisme, mais c'est pourtant ce qui se passe. Cela discrédite le régime politique.
Dans d'autres secteurs, le parti voit l'occasion d'essayer de mettre sa politique en vigueur. À mon avis, la meilleure façon de procéder, c'est de rechercher la candidature de personnes qualifiées et parmi celles-ci, de gens qui ont les mêmes idées politiques que vous.
Il s'agit bien souvent de membres ou de partisans du parti. Il ne faut pas exclure certains candidats parce qu'ils travaillent pour un parti. Le fait de travailler pour un parti politique est extrêmement avantageux car cela permet de mieux comprendre le public.
Toutefois, je ne pense pas que ces nominations doivent servir de récompense pour ceux qui travaillent pour le parti. Les gens devraient travailler pour le parti de leur choix parce qu'ils s'intéressent aux affaires publiques.
Mme Beaumier: C'est faire preuve d'un grand cynisme que de croire qu'une nomination politique est nécessairement une récompense pour ceux qui travaillent pour un parti politique. Si j'étais en mesure de nommer quelqu'un à une commission qui se veut représentative de la collectivité, je ne vois pas pourquoi je choisirais un candidat non qualifié ou une personne qui risque de me faire passer pour une imbécile si j'ai fait le mauvais choix.
L'expression «le népotisme est mauvais» est utilisée à tort et à travers. Il va sans dire que si quelqu'un nomme un larbin ou un candidat non qualifié uniquement en fonction de ses affinités politiques, cela va ternir la réputation de l'élu politique qui fait ces nominations. Toutefois, on ne gagnerait rien non plus à supprimer complètement le principe et à ne pas chercher à choisir des candidats qui partagent nos principes politiques.
Si un député est élu en fonction de ses principes, les personnes désignées par lui doivent défendre les mêmes principes.
M. Greene: Vous avez tout à fait raison.
Permettez-moi de vous citer un exemple pour étayer ce que j'avance. Sous le gouvernement précédent, on a créé une section de détermination du statut de réfugié en vue de traiter l'arriéré des dossiers de revendication du statut de réfugié. Certaines personnes qualifiées ont été nommées. Bon nombre de candidats n'avaient pas les qualifications requises, mais ont été choisis uniquement par pure récompense politique. Cela s'est révélé embarrassant pour le gouvernement précédent et bon nombre de mauvaises décisions ont été prises, qui ont provoqué bien des souffrances humaines.
Le gouvernement actuel a amélioré ce processus. Tout a commencé à l'époque où Kim Campbell était premier ministre pendant une brève période. Elle a invité publiquement des candidats à se présenter à ces postes.
La qualité des personnes nommées à cette commission s'est nettement améliorée, mais bon nombre d'entre elles continuent de défendre la politique du gouvernement de l'heure. Il y a eu des progrès; les gens ne sont plus simplement nommés pour être récompensés de leur loyauté envers le parti. C'était le cas il y a trois ans, avec les conséquences catastrophiques que nous connaissons.
M. Atkinson: Puis-je ajouter quelque chose au sujet du terme «népotisme», puisque vous en avez parlé? Le sénateur Gauthier a même parlé de «pots-de-vin»
Vous devriez savoir que ce sont les termes que nous utilisons. C'est un code que nous - et lorsque je dis «nous», je parle de notre équipe de recherche - utilisons pour faire la distinction entre les diverses activités. Nous pourrions choisir d'autres termes.
Lorsque nous avons posé nos questions, nous n'avons jamais utilisé ces termes. Nous avons dit simplement: «Le ministre de la Justice nomme un fidèle partisan du parti à un poste de juge d'une cour fédérale. Cela est-il acceptable ou non?» C'est tout. Nous n'avons jamais utilisé le terme «népotisme» ni «pot-de-vin». Rien de la sorte. C'est simplement le langage incendiaire que nous utilisons.
Le sénateur Gauthier: Avec des résultats.
M. Atkinson: Je crois savoir que cela a suscité des réactions. Mais nous n'utiliserons jamais ces expressions dans le travail que nous faisons.
Comprenez bien que nous n'avons nullement l'intention de discréditer les élus politiques. Bien au contraire. Ian s'est fait le porte-parole de nous tous lorsqu'il a dit que nous admirons vivement les élus politiques. Nous sommes ici pour vous aider et non pour vous discréditer. Notre recherche vise, du moins indirectement, à vous être utile.
Nous espérons être en mesure de vous proposer, une fois que nos recherches iront bon train, une information plus complète sur ce que pense le public et sur ce que certaines personnes devraient faire, de l'avis des autres, lorsqu'elles sont confrontées à ces dilemmes d'ordre moral.
Toutefois, les termes «népotisme» et «pots-de-vin» - je sais qu'ils sont incendiaires. Nous n'envisagerons jamais de les utiliser dans le cadre de nos recherches. Cela influerait sur les réponses. Lorsque nous utilisons ces termes entre nous, vous comprenez ce que nous voulons dire, je pense.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp et ensuite le sénateur Gauthier.
Le sénateur Gauthier: Non, j'ai obtenu la réponse que j'attendais.
Je voulais simplement vous mettre à l'épreuve au sujet des «pots-de-vin» et autres choses du même genre.
M. Epp: J'aimerais faire une remarque au sujet des pots-de-vin, en tant que nouveau député d'un parti qui n'existait même pas il y a quelques années. J'ai appris certaines choses sur ce qui se passe sur la scène politique dont je ne savais rien, et je dois dire, en toute franchise, que je suis surpris. Permettez-moi de vous citer rapidement un exemple.
Nous avons reçu un appel téléphonique de Statistique Canada. Quelqu'un a appelé le bureau du député en nous demandant de désigner notre candidat - et j'oublie le titre exact du poste - au poste de responsable du recensement, dans la circonscription.
J'ai demandé en toute innocence qui s'en était chargé l'année précédente. J'ai supposé que ce serait une bonne chose d'avoir une personne qualifiée et chevronnée. On a refusé de me le dire. On m'a dit que c'était à moi, député, de trouver quelqu'un à recommander.
J'ai alors redemandé à mon interlocuteur de me dire qui s'en était chargé l'année précédente, car cela me servirait de point de départ. On a refusé de me le dire. J'ai trouvé ensuite de qui il s'agissait. Lorsque l'un des membres de notre personnel a téléphoné à cette dame, elle a été très surprise de recevoir cet appel. Elle a dit qu'elle ne s'y attendait pas parce que le parti précédent n'avait pas gagné les élections. C'est alors que j'ai constaté qu'un député a, dans sa localité, la possibilité de - comment dit-on déjà? - faire du favoritisme. Je ne le savais pas.
J'ai refusé. Je lui ai demandé si elle savait comment faire ce travail puisqu'elle l'avait déjà fait par le passé. Comme elle m'a répondu par l'affirmative, je lui ai demandé si elle était prête à le refaire cette fois-ci. En fait, ce n'est pas moi qui lui ai parlé, mais des membres de mon personnel.
Je pense qu'il existe un consensus. Je ne sais pas où en sont les choses, mais voilà une personne dont on n'aurait pas retenu les services, en dépit de son expérience et de ses qualifications, à cause d'un système de favoritisme, comme je l'appelle, profondément ancré dans nos habitudes. Il faut absolument bouleverser tout cela. Voilà ce que je voulais répondre à votre observation.
J'aimerais vous poser deux ou trois questions. Tout d'abord, deux d'entre vous étiez ici en 1992, d'après la liste des témoins, et peut-être avez-vous comparu en d'autres occasions. Vous savez que nous avons déjà essayé par le passé d'adopter des codes d'éthique qui sont restés lettre morte. Aucune suite n'y a été donnée. Y a-t-il, selon vous, le moindre espoir que nos efforts débouchent sur quelque chose cette fois-ci?
M. Atkinson: J'ai dit au professeur Mancuso que c'était la dernière fois que je témoignais, et vous ne verrez donc plus mon nom dans vos dossiers, monsieur Epp.
Y a-t-il de l'espoir, selon moi? Oui. Je m'explique. Si rien d'autre ne vous emballe, pensez un peu que, de toutes les assemblées législatives fondées sur le modèle de Westminster, notre Parlement est le seul à n'appliquer aucune disposition en matière d'éthique - il n'y a aucune disposition relative à la divulgation, aucun code, aucune ligne directrice.
Le Parlement britannique a souvent été tourné en ridicule pour son apathie dans ce genre de choses. Au cours des dix dernières années, il s'est ressaisi. À mon avis, c'est dû en grande partie au travail du professeur Mancuso - ou peut-être que non; peu importe. En tout cas, le Parlement britannique a connu des périodes difficiles et maintenant tout est rentré dans l'ordre.
Je pense que vous avez vraiment l'occasion de faire maintenant quelque chose. Ce sera peut-être votre dernière chance. Si vous ne la saisissez pas et ne trouvez pas au moins le plus petit dénominateur commun, essayez au moins de trouver un mécanisme de divulgation qui, je le répète, semblera sans doute insuffisant aux yeux de bien des gens, mais qui sera en tout cas mieux que rien... Les gens s'attendent à ce que vous fassiez quelque chose. Il vous reste encore un peu de temps au cours de la présente législature pour proposer quelque chose.
Il y longtemps, au début des années 1970, lors de la publication du livre vert, je me souviens qu'il s'appliquait aux sénateurs et aux députés. Sauf erreur, c'était les sénateurs de l'époque - et de toute évidence, ceux d'aujourd'hui sont beaucoup plus compétents - qui se sont butés et ont empêché que les choses ne progressent.
J'ai l'impression que vous êtes aujourd'hui confrontés au même genre de problème. Si vous optez pour... et je conviens avec le professeur Mancuso qu'il vaudrait beaucoup mieux adopter un code qui s'applique à la fois aux sénateurs et aux députés, mais je vous exhorte à ne pas baisser les bras pour la simple raison qu'il vous est impossible de trouver un terrain d'entente pour adopter un code d'éthique s'appliquant aux deux Chambres. À partir de maintenant, ce sera de plus en plus visible... il ne faut pas que notre Parlement se distingue des autres assemblées législatives fondées sur le modèle de Westminster.
Chaque fois qu'un scandale éclate, le téléphone sonne dans nos bureaux et les journalistes, qui ne sont pas très au courant de ces choses-là, nous demandent notre avis. Il est de plus en plus difficile de leur expliquer ce qui se passe et de justifier le fait que la Chambre des communes, en dépit des nombreuses propositions mises de l'avant depuis des décennies par diverses personnes...
Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est pour cela que nous sommes ici, justement.
M. Atkinson: C'est exact. Je comprends très bien. Je réponds simplement à M. Epp qui m'a demandé si cette fois-ci quelque chose allait se produire.
Pour ma part, je suis convaincu qu'on va finir par trouver une solution au problème, mais sachez-le bien, il est de plus en plus difficile de défendre la Chambre des communes et le Sénat lorsque ce genre de scandale éclate et que les journalistes nous appellent en nous demandant ce que nous pensons de telle ou telle situation.
Si, par malheur, vous ne réussissez pas à vous entendre, votre inertie ne passera pas inaperçue. Chose certaine, cela fera les manchettes dans les journaux la prochaine fois que nous aurons un problème.
M. Epp: Le professeur Mancuso a dit qu'il n'existe pas de consensus en matière d'éthique et qu'en fait, ce consensus n'est que pure fiction. Je suppose qu'en disant cela, vous vous fondez sur l'étude que vous avez effectuée au Royaume-Uni, sur le résultat du questionnaire distribué dans la région de Guelph et sans doute sur les études et les travaux que vous menez dans ce domaine depuis de nombreuses années.
Quelles recommandations pouvez-vous faire au comité pour qu'il formule un code qui fasse l'objet d'un consensus assez vaste pour être adopté par les deux Chambres?
Mme Mancuso: C'est une bonne question. Le fait d'avoir créé un comité mixte est un pas dans la bonne direction.
Un bon nombre d'études ont été effectuées par ce qu'on appelle le centre d'éthique de Hastings, lequel a recommandé que tout groupe de personnes qui discutent dans le but d'élaborer un code d'éthique ou de déontologie devraient consulter un maximum de gens.
Je ne sais pas de quoi a l'air votre liste de témoins, mais je vous demande instamment de consulter un groupe de Canadiens ordinaires pour savoir ce qu'ils pensent de la teneur d'un tel code. Je ne sais pas comment il faudrait procéder pour constituer un tel groupe.
Nous pouvons vous offrir un échantillon de ce que pensent les Canadiens de Guelph au sujet des questions d'éthique. Comme vous l'a dit aujourd'hui le professeur Atkinson, le message n'est guère encourageant. Bien des choses chiffonnent les gens. Il y a des questions distinctes que nous n'avons pas abordées ou au sujet desquelles nous ne vous avons pas fourni de données aujourd'hui, mais il est un fait que les Canadiens ont très peu confiance dans leur Parlement et leurs députés. Sur le plan de la confiance du public, le Parlement et les députés surtout distancent bon nombre de professions.
Le coprésident (le sénateur Oliver): L'adoption d'un code y changerait-il quelque chose, selon vous?
Mme Mancuso: Cela contribuerait au moins de façon symbolique à dire aux gens que vous êtes conscients du problème et que vous voulez essayer d'y remédier. Ne rien faire, c'est leur dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, que vous allez continuer de mener vos petites affaires comme si de rien n'était sans tenir compte des plaintes formulées par le public.
Il s'agit plus ou moins d'une initiative de relations publiques visant à redonner aux Canadiens la confiance qu'ils ont perdue dans leur Parlement.
M. Epp: Faire illusion ne me suffit pas, il vaut beaucoup mieux obtenir des résultats concrets.
J'aimerais vous demander conseil pour préparer des questionnaires que nous pourrions inclure dans nos envois collectifs, comme un modèle, qui nous servirait à l'élaboration du code.
D'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, je pense que vous faites une étude de comportement, laquelle est très subjective et permet de cerner le problème.
Que pouvons-nous faire pour trouver la solution et répondre aux attentes du public en matière de code, ou d'application de celui-ci?
Bien entendu, je suis tout à fait favorable à l'idée d'un conseiller en éthique indépendant. Si vous me connaissez un peu, vous devriez savoir que j'ai fortement insisté là-dessus lorsque nous examinions le projet de loi C-43, et je ne reviendrai pas sur la question aujourd'hui.
J'aimerais savoir comment faire pour que les Canadiens ordinaires aident de façon concrète le comité à élaborer un code d'éthique.
M. Atkinson: Vous avez tout à fait raison, monsieur Epp. Il s'agit d'une étude de comportement dont les principaux objectifs sont purement académiques. Autrement dit, nous portons un vif intérêt à la mesure dans laquelle le comportement des membres du public et des députés convergent, dans quelles situations et dans quels cas ils divergent. Nous avons de nombreuses raisons de poser ces questions.
Ces questions en soi pourront attirer votre attention sur les problèmes éventuels, mais elles ne vous aideront pas à rédiger votre code. Si vous me permettez de vous faire une proposition au pied levé, je vous dirais de ne pas utiliser une étude de comportement à cette fin. Envisagez plutôt de consulter des groupes d'intérêt, des groupes restreints, et de leur confier la tâche de rédiger un code ou encore de leur soumettre une ébauche en leur demandant quelles sont leurs réactions au sein d'un groupe de gens restreints. Ne le faites pas une ou deux fois. Refaites-le à plusieurs reprises. Cette façon de procéder est beaucoup plus constructive, plus facile à gérer et elle vous permettra je pense d'obtenir en fin de compte un meilleur produit, plus justifiable.
À mon avis, il est utile de tester auprès du grand public les mesures que vous envisagez de prendre. C'est la meilleure façon de procéder, et afin de le faire de façon ordonnée, je pense qu'il vaut mieux consulter des groupes restreints plutôt que de faire une enquête.
M. Epp: Je voudrais approfondir un peu cette question. Vous avez fait une enquête auprès des députés du Royaume-Uni. Ces derniers ont-ils vraiment rempli le questionnaire?
Mme Mancuso: Je les ai interrogés directement.
M. Epp: Vous les avez interrogés directement? Très bien.
Comment procéder sans dépenser d'argent? Avez-vous fait la même chose au Parlement canadien? Le feriez-vous? Dans l'affirmative, combien cela coûtera-t-il? Dans quels délais cela pourraît-t-il se faire?
Enfin, serait-il utile de nous demander de remplir nous-mêmes un questionnaire sur les mesures qui nous paraissent utiles? Cela servirait-il à quelque chose?
M. Atkinson: Monsieur Epp, votre question est on ne peut plus pertinente, à notre point de vue. Nous avons obtenu une subvention de recherche du Conseil de recherches en sciences humaines pour faire une enquête à l'échelle nationale. Notre échéancier n'est pas compatible avec le vôtre, mais nous procéderons à cette enquête nationale en janvier ou février prochain sans doute. Tout dépend. Parallèlement, nous aimerions constituer un échantillon de députés et leur poser les mêmes questions que celles que nous poserons à d'autres. Nous aimerions pouvoir comparer ces réponses.
Voilà sur quoi portent nos recherches et nous comptons sur la collaboration de tous. Nous sommes disposés à vous transmettre à l'avance notre mandat et notre méthode de recherche si vous pouvez nous aider, par l'entremise de vos présidents, etc, à obtenir la collaboration des autres députés. Vous constaterez que cet exercice, loin d'être dangereux, est des plus utiles.
Quant à nous, nous sommes sur le point de faire le genre de recherche qui ne se limite pas à simplement poser des questions à un groupe et à les poser ensuite à un autre groupe. Nous aimerions poser des questions à un certain nombre de groupes simultanément et comparer les réponses.
Nous sommes prêts à accepter tous les fonds que vous pourrez nous remettre, mais plus important encore, nous sommes prêts à accepter votre collaboration, si nous pouvons l'obtenir, pour nous aider à communiquer avec les autres députés en vue d'obtenir leur participation. Je sais que les députés sont des gens occupés; personne n'aime parler, personne n'aime répondre à des questions ou participer à des entrevues tant qu'on ne sait pas ce que sera le produit final.
À mon avis, le fruit de notre recherche sera extrêmement utile, mais nous avons autant besoin de votre collaboration que de fonds. À l'heure actuelle, nous avons les fonds nécessaires. Nous en avons assez pour faire cette étude. Nous accepterons toute subvention supplémentaire, mais ce qu'il nous faut avant tout, c'est pouvoir compter sur votre collaboration.
M. Epp: Vous pouvez compter, et je parle ici au nom de tout mon parti, sur notre entière collaboration. Il serait souhaitable que votre échantillon compte l'ensemble des députés. Nous ne sommes que 295. Sur le plan statistique, cela constitue un bon échantillon, et je vous suggère de faire la même chose pour tous les sénateurs et anciens sénateurs.
Vous n'avez pas relevé cette remarque.
M. Atkinson: Non.
M. Epp: C'est très bien.
M. Atkinson: Il existe bien d'anciens sénateurs, n'est-ce pas, monsieur Epp?
M. Epp: Oui, il en reste quelques-uns encore en vie.
Professeur Greene, vous avez piqué ma curiosité en disant à plusieurs reprises que vous avez été sidéré par le comportement des députés aujourd'hui. À mon arrivée au Parlement, ou plutôt lorsque j'ai envisagé pour la première fois de me porter candidat, je me suis dit que c'était une occasion unique. J'ai toujours aimé la discussion et j'ai toujours estimé que, pour tenir un bon débat, il faut jouir de la liberté d'expression et avoir accès à une tribune propice au débat.
Ce qui me frustre le plus à la Chambre des communes, c'est qu'il y a dans notre Règlement huit pages de termes qu'il nous est impossible d'utiliser. Aujourd'hui, l'un des membres de notre parti s'est fait couper la parole, non pas parce qu'il a fait une remarque péjorative, mais simplement parce qu'il a désigné l'un des députés par son nom. En fait, c'est carrément gênant. Nous aurions pu le savoir. Nous sommes ici depuis assez longtemps pour savoir que ce genre de choses est inacceptable à la Chambre. Toutefois, notre député s'est fait couper la parole et cela constitue à mon avis une violation de notre liberté d'expression à la Chambre.
Voici ma question: qu'est-ce qui vous a paru aussi choquant aujourd'hui? Étaient-ce les questions et le ton sur lequel elles ont été posées, les réponses et le ton sur lequel elles ont été fournies, ou les interjections de part et d'autre de la Chambre? Qu'est-ce qui vous a le plus choqué?
M. Greene: Tout cela m'a paru choquant.
Si vous faisiez une étude sur ce qui justifie le peu d'estime que la population a pour ses élus politiques, cela vous serait extrêmement utile. Interrogez les gens au sujet du...
Le coprésident (le sénateur Oliver): Cette étude a déjà été faite.
M. Greene: Eh bien, bon nombre d'entre eux vous diront que c'est surtout le comportement des députés pendant la période des questions.
J'ai fait de la politique à une époque de ma vie. Le problème, c'est qu'on s'habitue après un certain temps. Cela devient alors une sorte de jeu auquel on prend plaisir, et on oublie que ce genre d'attitude choque la population. C'est pourquoi les études dont vous parlez seraient vraiment utiles, en consultant des groupes d'intérêts, comme l'a suggéré Michael, et en demandant aux gens pourquoi ils ont si peu de respect pour les titulaires de charges publiques.
J'ai trouvé choquant les injures, par exemple, et les tentatives en vue de déformer les faits, les interjections, et le fait qu'elles nous empêchent d'entendre les propos des députés qui ont la parole.
Tout comme nous souhaitons en arriver à un code d'éthique positif, je souhaite voir une attitude beaucoup plus positive à la Chambre des communes. Si cela se produisait, l'opinion publique à l'égard des politiciens ferait un bond de géant.
M. Epp: Je suis d'accord avec vous. Il y a à peine plus de deux ans que nous sommes au Parlement et, en toute franchise, même certains membres de notre parti sont déjà sur la mauvaise pente, à mon avis. Je ne devrais peut-être pas le dire lors d'une séance publique, mais certains de nos membres en sont arrivés au point où ils hurlent. Effectivement, c'est très difficile de faire face aux ruses politiques auxquelles ont recours les membres des autres partis pour déformer nos convictions et nos principes.
Par exemple, aujourd'hui... je vais vous révéler un petit secret. Je suis actuellement responsable de la période des questions pour notre parti. Lors de notre réunion préparatoire, nous avons dit que nous voulions vraiment essayer de cerner les problèmes de l'heure. Bien sûr, si l'on se contente de poser une question claire et simple, les journalistes n'en tiennent aucun compte. Il faut donc formuler la question qui suscitera l'intérêt des journalistes pour éviter d'être marginalisés et considérés comme... comme si vous n'étiez même pas là. C'est un facteur à prendre en compte, malheureusement.
C'est un fait que nous préparons tout cela et que nous posons des questions, mais nous n'obtenons pas de réponses. Voilà ce qui nous ennuie. Quand on pose une question au premier ministre et qu'au lieu de répondre, il parle d'un fait historique d'il y a 30 ans, de l'époque à laquelle le père de notre chef était premier ministre de l'Alberta, et que c'est tellement éloigné de la question, à savoir, qui était responsable, c'est très, très difficile.
Quand je pense que nous faisions si bien les choses à nos débuts ici. Nous écoutions en silence, comme des moutons, sans rien dire. Puis, plusieurs d'entre nous ont commencé à protester et d'autres se sont joints à eux et voici que c'est presque hors de contrôle. Que répondez-vous à cela?
Monsieur Greene: C'est très difficile de gérer une situation comme celle-là. Quand j'y réfléchi, il m'est arrivé exactement la même chose. C'est seulement en voyant ce qui se passe à la Chambre des communes 15 ans plus tard que je suis choqué de la façon dont j'acceptais à l'époque ce que je n'accepte plus aujourd'hui.
Je crois que la seule façon - je ne devrais pas dire la seule, mais plutôt la meilleure - de s'en sortir, c'est de faire en sorte qu'un groupe «multipartite» comme celui-ci intervienne et dise, écoutez, nous avons un problème, alors voyons ce qu'on peut faire. Ensuite, faites preuve de créativité.
Bien sûr, c'est frustrant de ne pas avoir de réponse. Peut-être bien que les ministres ont la responsabilité morale, quand on les interroge, d'essayer de leur mieux de répondre au lieu de marquer des points.
M. Epp: Dans ces parages, si l'on ne marque pas de point, on se fait bouter dehors aux élections suivantes. Or, vous ne pouvez pas résoudre les problèmes du pays si vous n'y êtes pas.
M. Greene: Il faut des solutions novatrices, il faut innover et je pense qu'il faut créer des groupes de discussions comme ceux dont il a été question dans votre conversation avec Michael Atkinson. Je suis certain que vos électeurs auraient de très bonnes idées quant à la façon de s'attaquer à ce problème.
Il faut que ça change. Les règles de débat que vous avez mentionnées sont désuètes. Elles ne reflètent pas les besoins de 1995. Les huit pages de mots qu'on ne peut pas utiliser devraient probablement être révisées. Voilà l'occasion pour vous d'apporter votre contribution. C'est difficile.
M. Epp: Merci.
Le coprésident (M. Milliken): Je me demande si on a envisagé de refaire le sondage qui a été fait à Guelph afin de voir si les mentalités ont changé depuis.
M. Atkinson: Eh bien, comme on dit, si vous avez l'argent, nous, nous avons le temps. Nous pourrions assurément nous en charger, monsieur Milliken. Ça fait quelques années et les résultats du sondage que vous voyez ici sont le produit d'un échantillon aléatoire et rien ne nous empêche de choisir un autre échantillon aléatoire à Guelph. Je suppose que c'est une question d'énergie. Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire; les temps changent.
Nous nous intéressons tout autant à la question de savoir si ces résultats sont valables sur le plan national pour ce qui est de l'attitude de certains groupes. Prenez les journalistes, par exemple. Comment les journalistes répondraient-ils à certaines questions, en comparaison des simples citoyens ou des députés au Parlement? Je suppose que nous mettons plutôt l'accent là-dessus que sur l'aspect temporel, afin de savoir si l'attitude change avec le temps, mais rien ne nous empêche de le faire.
Quels seraient les résultats? Nos collègues spécialistes des recherches en la matière nous disent que tout événement qui suscite l'intérêt du public pendant un certain temps, par exemple, la situation dans laquelle se trouve monsieur Dupuy, rend l'interprétation des réponses vraiment très difficile. C'est pourquoi il faut aller sur le terrain et interroger le public à peu près en même temps que nous interrogeons les journalistes et les députés au Parlement, de crainte qu'une distorsion n'émerge entre-temps et rende les résultats beaucoup plus difficile à interpréter.
Vous avez mis le doigt dessus en posant cette question. Reportons-nous au printemps de 1993. Que se passait-il à cette époque? Y avait-il une situation émergente qui aurait pu influer sur ces attitudes? Nous nous croisons les doigts et espérons qu'entre aujourd'hui et le moment où nous ferons cette recherche, il n'y aura pas de situation de ce genre, afin que tous les intervenants puissent être sur le même pied, pour qu'on puisse poser nos questions sans craindre que les gens répondent en ayant en tête un autre événement sans rapport avec nos questions.
Le coprésident (M. Milliken): Merci. C'était ma seule question.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup, madame et messieurs les professeurs. Comme vous avez pu le constater par les questions diverses qui vous ont été posées, vous avez vraiment stimulé la discussion. Je suis certain que vous avez donné ample matière à réflexion à tous les membres du comité aujourd'hui. Je vous remercie d'être venus. Nous réfléchirons attentivement à ce que vous nous avez dit.
M. Atkinson: Merci.
M. Greene: Merci.
Mme Mancuso: Merci.
Le coprésident (le sénateur Oliver): La séance est levée.