[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Traduction]
Le président (Interprétation): Bonjour et bienvenue à cette réunion.
[Difficulté technique]
Le président: Malachi Arreak est le chef de l'Association Inuit de la région de Baffin. Jose A. Kusugak est président de Nunavut Tunngavik Inc.
Nous avons tous devant nous un carton portant notre nom. Nous sommes tous députés de diverses régions du Canada.
Nous allons vous écouter et nous vous poserons ensuite des questions. Encore une fois, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous écouter sur la question de la protection de l'environnement et sur la loi que nous examinons pour le Parlement, la LCPE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Nous ferons rapport de nos conclusions au Parlement le mois prochain. Ce rapport comportera un chapitre sur l'Arctique qui sera fondé sur ce que nous entendrons aujourd'hui, demain, jeudi et vendredi entre ici et Cambridge Bay. Il s'inspirera de vos témoignages et de nos constatations.
M. Kovic voudrait peut-être commencer son exposé.
M. Ben Kovic (président, Nunavut Wildlife Management Board): Mon exposé sera bref et précis, je l'espère.
Je voudrais vous remercier, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et nos hôtes.
Je m'appelle Benny Kovic. Je suis président du Nunavut Wildlife Management Board, créé dans le cadre de la revendication territoriale. La plupart d'entre vous ont sans doute entendu... [Difficulté technique]... et nous sommes chargés de la gestion... [Difficulté technique]... et nous fonctionnons depuis un peu plus d'un an.
La LCPE est une loi importante. La question est de savoir dans quelle mesure elle nous touche et nous protège dans le Nord. Il n'y a qu'un seul bureau de la Protection de l'environnement dans le Nord, à Yellowknife. Il n'y en a pas pour Nunavut. À une époque il y en a eu un mais on l'a fermé. Nous ne savons pas pourquoi. C'était peut-être par manque de crédits.
Le Nunavut Wildlife Management Board approuve vos efforts d'harmonisation aux niveaux fédéral et provincial. Il y a actuellement beaucoup trop de paliers législatifs en matière de protection de l'environnement.
[Difficulté technique]... autant d'autorités, le public, des gens comme moi, et surtout ceux qui sont directement visés par les diverses lois ne s'y retrouvent plus.
Par exemple, à ma connaissance, cinq organismes sont responsables de l'application des lois sur la protection de l'environnement. Le Service de la protection de l'environnement, les Affaires du Nord, Pêches et Océans, la Garde côtière du Canada et le ministère des Ressources renouvelables du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Cinq organismes s'occupent de cette législation.
Parfois, il y a des chevauchements. C'est flagrant quand il y a un déversement de pétrole dans le Nord. C'est comme si on ouvrait la cage d'une colonie de lemmings: ils se mettent à courir dans tous les sens à la recherche d'une réponse. Vous avez plusieurs organisations qui font toutes la même chose.
Je pense que ceux qui ont lu cette loi d'un bout à l'autre sont rares. Le gouvernement devrait peut-être songer à publier une petite brochure qui résumerait très simplement cette loi pour que le public puisse la comprendre. On pourrait alors traduire cette brochure dans d'autres langues. Pour pouvoir être efficace, il faut que la loi puisse être comprise par l'ensemble du public.
Telle quelle, nous ne la comprenons pas. C'est un très gros document. Les simples citoyens, les gens comme moi ne peuvent pas la lire d'un bout à l'autre. J'imagine que vous comprenez ce que je veux dire.
Ces deux dernières années, il y a eu un gros effort de fait pour remédier au problème des sites abandonnés et de la pollution amenée par voie aérienne d'autres régions du monde. C'est un effort tout à fait méritoire.
Le gouvernement ne devrait toutefois pas oublier les sources locales de contamination.
Dans pratiquement toutes les collectivités du Nunavut, on se débarrasse normalement des déchets municipaux et solides en les brûlant dans une décharge à ciel ouvert. Ce n'est certainement pas très bon pour notre environnement. Pour autant que je sache, on interdit l'incinération des ordures à ciel ouvert à peu près partout ailleurs au Canada.
Il y a aussi un problème d'évacuation des eaux usées dans toutes les localités. En bref, il faut aussi intensifier les efforts pour régler ces problèmes de pollution constants dans nos terres.
Comme vous le savez, l'environnement et la faune du Nord sont très fragiles. Les habitants du Nunavut se nourrissent essentiellement d'aliments locaux. La contamination de ces sources d'aliments précieuses par des polluants aéroportés inquiète énormément les habitants du Nunavut. Nous devons tous nous unir pour protéger nos ressources précieuses.
La Loi canadienne sur la protection de l'environnement est un puissant instrument de protection de l'environnement et de prévention de la pollution. Il faut que le gouvernement et les citoyens du Canada élaborent ensemble de solides principes et méthodes de prévention de la cruauté à l'égard de notre mère la Terre, de son environnement, de sa faune et de ses habitants.
Nous autres, résidents du Nord, propriétaires et exploitants de cette terre belle et fragile, nous avons aussi nos propres devoirs à accomplir. Par exemple, quand nous partons camper ou pêcher au printemps sur ces terres belles et fragiles, nous devons prendre soin de ramener ce que nous avons emporté avec nous. C'est ce que j'appelle faire le ménage dans notre propre cours.
Comme mon voisin, je suis préoccupé par le problème de l'ozone dans le Nord et les répercussions qu'il aura sur notre mode de vie traditionnel et sur la faune qui constitue la base de notre alimentation. Je déplore aussi devoir dire à mes enfants d'aller acheter du steak ou des hamburgers au café ou au magasin parce que nos aliments locaux traditionnels sont devenus dangereux pour la santé.
En conclusion, je voudrais tous vous remercier et vous rappeler que tout ce que nous rejetons sur la terre et tout ce qui tombe du ciel polluent. Tous ces éléments se retrouvent dans les aliments qui sont notre nourriture locale.
Enfin, je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé la parole quelques instants. J'aurais sans doute abordé d'autres sujets si j'avais pu comprendre la loi, mais ce n'est pas le cas.
Le président: Merci, monsieur Kovic, de votre franchise. Je compatis à vos problèmes. Nous aussi, nous avons du mal à comprendre cette loi. Vos remarques sont parfaitement judicieuses.
Nous écoutons maintenant M. Arreak.
[Difficultés techniques]
M. Malachi Arreak (Baffin Region Inuit Association):
[Le témoin s'exprime dans sa langue]
Je précise qu'il n'y a pas de «chef» au Nunavut. Seuls les membres du personnel ont la distinction d'être chef d'un département. Contrairement à la génération qui précède la mienne, je ne suis pas très tolérant à l'égard des politiques et procédures gouvernementales.
Bon après-midi, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Malachi Arreak. Je suis l'agent principal des terres et des ressources de la Baffin Region Inuit Association. Je représente notre président, Pauloosie Keyootak, qui regrette de n'avoir pas pu venir ici à ma place.
La Baffin Region Inuit Association a déjà formulé ses inquiétudes en ce qui concerne l'environnement par le biais de son organe national le Inuit Tapirisat of Canada, l'ITC, à propos de la région de Baffin. Je vais donc peut-être répéter certaines choses dans cet exposé.
Pour ce qui est de la contamination des animaux, il est maintenant prouvé que l'on retrouve des contaminants industriels dans les organismes marins et terrestres ainsi que les oiseaux de la région de Nunavut, particulièrement dans la région de Baffin. Étant donnée la quantité d'animaux que chassent les Inuits pour les consommer dans la région de Baffin, c'est une préoccupation de premier plan depuis quelques années, et à laquelle ont été consacrés de nombreux ateliers et colloques sur les produits toxiques.
La Baffin Region Inuit Association est préoccupée par la pénurie d'études sur la question. Elle a accusé dans le passé le gouvernement de dissimuler les résultats des quelques études réalisées jusqu'à présent.
L'étude sur les biphényles polychlorés, ou BPC, dans la Terre de Baffin en est un parfait exemple. On y trouve aussi des composés organochlorés, des métaux lourds, des radionucléides et des produits chimiques industriels qui polluent gravement notre écosystème et menacent probablement la santé des Inuits qui se nourrissent d'aliments locaux.
Le problème, c'est qu'on a surtout réalisé des études intérimaires sur les effets de ces produits toxiques sur le système humain. Ce que nous réclamons, et nous allons continuer pendant les deux prochaines années, c'est qu'on examine la question du point de vue de la faune.
Nous sommes particulièrement préoccupés par les sites du réseau d'alerte avancée DEW non seulement à Baffin, mais dans toute la région de Baffin. Les sites du réseau DEW dans cette région vont de... (Inaudible). Ceux qui doivent être dépollués ont été désignés dans le cadre des négociations de l'accord sur les revendications territoriales de Nunavut. Il s'agit de sites tels que... (Difficultés techniques)... un exemple de site que vous avez déjà pu visiter.
Je vous précise que l'île Resolution, au sud d'ici, a des niveaux de pollution qui dépassent les normes tolérables en vertu de la LCPE. D'après la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, il faut évacuer ces polluants, BPC et autres.
Une bonne partie de la contamination de Baffin vient de ces sites. Les produits les plus toxiques sont les BPC, les organochlorés et autres polluants négligemment abansonnés par le gouvernement ou les travailleurs de l'époque.
Nous avons dit au cours des négociations que c'était une des principales inquiétudes des Inuits. Les animaux qui évoluaient dans ces zones ont fournir la preuve des dangers présentés par ces contaminants.
Dans le choix des terres, les Inuits ont pris bien soin de préciser que le gouvernement devrait respecter son devoir de dépollution. Les réserves formlées pour certains de ces sites précisent que le gouvernement doit les dépolluer avant de les remettre aux Inuits. Les Inuits ont choisi la zone générale de ces sites.
Nous sommes aussi énormément préoccupés par les déversements dans l'océan. C'est une question qui inquiète tout particulièrement les Inuits de la région de Baffin, puisque c'est essentiellement l'écosystème marin qui assure notre subsistance.
Les rejets dans l'océan Arctique remontent à la Seconde Guerre mondiale et à la création du réseau DEW durant la guerre froide. Ces déversements se poursuivent encore de nos jours.
En déversant des métaux, des déchets dangereux et autres ordures, ces gens qui n'étaient pas du Nord ont pollué sans vergogne notre environnement qui était, est et demeurera pour les générations à venir la principale source d'alimentation des Inuits.
Les Inuits ont été très inquiets d'apprendre ces dernières années la présence possible de contaminants toxiques dans l'écosystème terrestre et marin de l'Arctique. Ce qui les inquiète encore plus, c'est que le gouvernement est resté très discret sur les événements constatés par les Inuits dans le Nord. On voudrait savoir si les Américains ont fait certaines expériences durant la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, l'exemple le plus sinistre ces dernières années, c'est le déversement de tonnes de radionucléides par les Russes, les Japonais et les Américains dans la région de l'océan Arctique. Quand on examine le taux de cancer chez les Inuits dans le Nord, on est tenté d'établir un lien avec ces polluants déversés négligemment dans l'océan depuis le début de l'ère atomique. À propos, c'est vers les années soixante que les Inuits ont commencé à avoir des cancers.
Les Inuits affirment qu'ils ne cessent d'être empoisonnés par les déchets que d'autres pays déversent sans vergogne dans l'océan uniquement pour s'enrichir aux dépens de l'environnement, en sachant très bien que ces contaminants sont dangereux pour la santé humaine. C'est le syndrome du PDCCM, «pas de ça chez moi».
Le problème, c'est qu'il n'y a pas dans la LCPE de dispositions permettant de sanctionner les vrais pollueurs en dehors de la zone de compétence du Canada et qu'on néglige les intérêts des Inuits puisque la majorité de ces pollueurs sont à l'étranger.
Les polluants continuent à se déverser dans l'Arctique dont on vante généralement la pureté crystalline. En réalité, si vous jetez un coup d'oeil sur tous les polluants qui se déversent dans cet égout qu'est l'Arctique, vous constaterez qu'on est bien loin de cette pureté crystalline, et encore la plupart de ces polluants sont invisibles à l'oeil nu.
Aucun de ces contaminants n'a été produit dans le Nord canadien, mais ils continuent d'arriver du Sud du Canada, des États-Unis, de l'Europe, de la Scandinavie et de la Russie. Ces dernièrs années, on a constaté principalement une hausse des radionucléides liée à la détérioration des stocks nucléaires russes dans l'île de Novaya Zemlya, et aux matériaux radioactifs immergés dans l'océan Arctique dont on soupçonne les contenants de fuir.
Voici ce que je voudrais vous dire: l'Arctique est empoisonné, littéralement et figurativement. Ce sont les Inuits qui en ont été et qui vont continuer à en être les victimes. Nous ne sommes en aucun façon les auteurs de cet empoisonnement, mais c'est nous qui allons en subir les conséquences plus encore que les autres Canadiens.
Parmi les derniers points que je voudrais aborder, il y a les revendications territoriales et les liens avec la loi. Les choses ont changé dans l'Arctique avec la signature des accords de revendications territoriales négociés par les Inuits; ces derniers ne sont plus de simples pions dans la mise en valeur, l'administration et la gestion des terres de l'Arctique.
L'Accord de 1975 sur la Baie James et le Nord du Québec, l'Accord de 1984 sur Inuvialuit et l'Accord de 1993 sur Nunavut ont complètement changé le mode de gestion des ressources et de l'environnement du Nord. Dans l'espace inuite, on continue à négocier sur la question du Labrador et des côtes du Québec.
Ces accords territoriaux sont des traités modernes en vertu de l'article 35 de la Charte des droits, et l'on y retrouve dans les trois cas une clause sur les désaccords, qui figure dans l'entente sur la revendication territoriale de Nunavut à l'article 2.12.2:
- Les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles des règles de droit
fédérales, territoriales ou locales.
L'entente sur la revendication territoriale de Nunavut était formulée dans le but notamment d'assurer une pleine participation des Inuits à toutes les questions concernant les Inuits de la zone d'établissement de Nunavut. J'en conclus que l'entente sur la revendication territoriale de Nunavut a préséance sur tout le reste et par conséquent que les pouvoirs d'examen confiés à la Commission seraient idéaux pour protéger l'environnement, en tout cas à Nunavut.
Monsieur le président, nous considérons que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement est un instrument législatif important pour la protection de notre environnement. Toutefois, ce n'est qu'un début, et c'est pourquoi nous estimons qu'il faut la renforcer pour tenir compte de la dégradation de l'environnement de l'Arctique canadien. La LCPE doit prévoir des interventions en cas de présence de substances toxiques, même s'il n'existe pas de preuve scientifique absolue de leur nocivité pour l'environnement ou surtout pour la santé humaine. Elle devrait interdire l'utilisation, la fabrication et le rejet de polluants, et être accompagnée de mesures exécutoires rigoureuses, et nous songeons ici à une formule internationale quelconque d'application des lois sur les polluants.
Il faut que les Inuits puissent participer pleinement au processus de décision en temps opportun et dans de bonnes conditions avant que toute activité ne soit approuvée si elle risque d'avoir des retombées sur leur vie et leur mode de vie, conformément aux dispositions de la revendication territoriale concernant la protection et la gestion de l'environnement.
En conclusion, monsieur le président, la Baffin Region Inuit Association continuera de représenter les Inuits de Baffin en faisant valoir leurs préoccupations au sujet de l'environnement et des retombées sur cet environnement des polluants fabriqués ailleurs dans la communauté mondiale. Nous allons continuer à faire pression sur le gouvernement pour qu'il respecte notre entente, et à faire pression sur le Canada pour qu'il représente nos intérêts auprès des autres pays circumpolaires afin de préserver l'océan Arctique.
Je vous remercie infiniment de m'avoir permis de vous faire part de nos inquiétudes et de nos commentaires dans le cadre de votre examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le président: Merci, monsieur Arreak. Vous avez raison de dire qu'il faut réviser et améliorer cette loi, et votre contribution en ce sens nous a été précieuse.
M. Jose A. Kusugak (président, Nunavut Tunngavik Inc.): Merci, monsieur le président. Disons tout d'abord que nous ne nous connaissons pas très bien tous les deux, mais que ce n'est qu'un début. J'espère qu'à l'avenir vous prendrez un peu plus...
Je pense que je n'ai pas grand-chose de différent à dire ici. Nous ne nous sommes pas concertés pour décider de ce que nous allions vous dire à cette réunion. Nous appartenons tous à des organisations différentes, mais nous oeuvrons tous pour la même cause, la protection de l'environnement de Nunavut. D'un autre côté, je pense que cela ne fait jamais de mal de remettre régulièrement sur le tapis des questions aussi importantes. Je vais vous lire mon exposé, et j'espère que vous ne vous endormirez pas parce que vous avez déjà entendu ces choses bien des fois.
Avant de commencer, je voudrais me présenter, comme le président l'a demandé: je suis Jose Kusugak, président de Nunavut Tunngavik. Nous sommes une organisation chargée de la mise en oeuvre de l'entente finale sur le Nunavut, qui représente environ 19 000 Inuits dans tout le territoire de Nunavut, qui s'étend sur trois fuseaux horaires, le cinquième du Canada.
Notre organisation a été créée sous les auspices du Inuit Tapirisat of Canada. Vers 1970, nous nous sommes séparés de la Fédération des autochtones du Canada en constatant qu'il y avait de profondes différences entre les cultures, les langues et la vision politique des Indiens et des Inuits. C'est à ce moment que nous avons commencé à songer à une revendication territoriale, à peu près à la même époque que l'Alaska de son côté.
J'avais alors 20 ans. Nous étions des jeunes qui faisions notre travail plutôt bien, à cette époque, du moins je peux le dire maintenant que j'ai 45 ans. Nous disions que nous en terminerions avec les négociations et que les revendications territoriales seraient réglées en quatre ans, tout au plus. En fait, c'est seulement en 1993 que l'entente a été signée. Il a fallu un peu plus de temps que nous le pensions lorsque nous étions jeunes.
Un grand nombre des problèmes environnementaux avaient surgi et au moins l'un d'entre eux a forcé l'un des groupes inuits à accepter un règlement. Il s'agissait de la question du pipeline du Delta du Mackenzie. On proposait de construire un autre gazoduc à partir de l'extrême Arctique en passant par le Keewatin, le Polar Gas Pipeline. Étant donné le nombre de pages consacrées à la protection de l'environnement dans les ententes de règlement des revendications territoriales, vous pouvez comprendre à quel point les Inuits sont préoccupés par la protection de l'environnement.
Après cette interruption, je vais lire mon exposé.
Je tiens d'abord à signaler que notre premier vice-président, James Etoolook, le membre de l'exécutif de Nunavut Tunngavik chargé des questions environnementales, sera présenté à certains d'entre vous à Cambridge Bay vendredi. Lorsque vous irez là-bas, il pourra vous faire visiter certains sites.
En ce qui concerne la proposition du ministère de la Défense nationale pour nettoyer les stations du réseau DEW au Nunavut, je serai absolument ravi de vous parler de l'environnement du Nunavut et de l'importance des terres et des océans pour les Inuits - de vous dire, en somme, à quel point les Inuits sont fiers d'avoir toujours été dans cette partie du Canada. Malheureusement, je vais plutôt vous parler de la politique qui entre dans les questions environnementales.
Je tiens à parler principalement de la mise en oeuvre de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut et de ce que nous apprenons, chez NTI, au sujet des règlements environnementaux dans le contexte de l'accord et du Nunavut.
Quand on pense que les Inuits du Nunavut avaient la possibilité de soulever à la table de négociation des revendications territoriales une foule de questions importantes dans le but de les faire inclure dans l'accord, qu'ont-ils soulevé? Nous estimons qu'environ 70 p. 100 de l'accord porte sur la protection de l'environnement, la conservation et la gestion prudente des terres et des ressources.
Les Inuits du Nunavut ont fait primer la protection et la gestion de leurs terres et de leurs eaux côtières sur les gains de territoires et les gains pécuniaires. Nous avons fait primer avant tout le droit des Inuits à participer de façon significative au processus de prise de décision concernant la gestion de notre environnement terrestre et aquatique. Pourquoi? Parce que l'environnement terrestre et l'environnement aquatique font partie intégrante de la culture des Inuits et de tout ce qui les touche. Nous participerons à toutes décisions concernant cet environnement. Voilà résumé en une phrase ce que l'accord garantit.
Je tiens d'abord à souligner une chose au sujet de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut et les autres accords globaux de revendications territoriales conclus au Canada. Je cite un extrait de l'Accord du Nunavut:
- Les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles des règles de droit
fédérales, territoriales ou locales.
Pourquoi attirer votre attention sur cette disposition? Eh bien, tandis que l'accord a prépondérance sur toute loi qui est incompatible, les lois d'application générale s'appliquent aux Inuits, aux terres appartenant aux Inuits et également au Nunavut.
Permettez-moi de tirer un exemple de l'accord pour faire valoir mon argument. L'article 12 garantit la création de la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions, la CNER, lui donnant pour mandat de réaliser l'examen préalable de tous les projets proposés au Nunavut afin de déterminer si un examen complet est nécessaire. Cet article stipule notamment que la CNER doit déterminer, dans son examen du projet ou de la proposition, s'il reflète les priorités et les valeurs des résidents de la région du Nunavut. Je peux vous assurer qu'en vertu de notre interprétation d'un tel article de l'accord, nous nous attendons à ce que la CNER donne tout le poids voulu aux valeurs des résidents et par conséquent, aux valeurs des Inuits du Nunavut, évidemment.
Je peux aussi vous assurer que nous allons au-devant d'un affrontement si une loi comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE, et les règlements relatifs à l'immersion de déchets en mer ne sont pas assez stricts, dans leur application, à l'environnement marin du Nunavut.
Nous sommes préoccupés du fait que la LCPE applique actuellement les mêmes normes au Nord du Canada qu'au Sud. Des études récentes montrent clairement que le Nord est relativement plus susceptible de contamination. Les préoccupations des Inuits concernent principalement les concentrations élevées de contaminants qui apparaissent dans la graisse des animaux dont ils dépendent tellement. Cela signifie qu'il faut des normes élevées pour la prévention de la pollution au Nunavut.
Je pense que M. Arreak et M. Kovic ont également insisté sur ce point.
Vous savez, je crois, que parmi les trois demandes d'immersion de substances dans l'océan rejetées par Environnement Canada l'an dernier, l'une a été rejetée parce que les résidents de quatre collectivités de l'extrême Arctique du Nunavut ont refusé de permettre le déversement de 400 tonnes de ferrailles dans l'environnement dont leur vie dépend. Si la CNER accomplit sa tâche comme il faut et décide que le projet envisagé ne peut pas être approuvé à cause de la probabilité qu'après sa réalisation, des substances soient laissées sur place ou immergées, nous ne nous attendons pas à ce que des lois en vigueur aient prépondérance si elles sont incompatibles avec cette décision.
Je vais vous donner un autre exemple pour appuyer mon argument. NTI a récemment examiné le projet de Panarctic d'enfouir quelque 7 000 tonnes de matériel à Rea Point, dans l'île de Melville, près de Resolute Bay. Nous avons fait part de notre position sur cette proposition au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Je ne vous donnerai pas trop de détails, mais le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien nous a fait savoir que Panarctic pourra réaliser son projet d'enfouissement parce qu'elle est protégée en vertu d'un bail existant depuis les années soixante. Nous comprenons qu'on doive appliquer les normes environnementales applicables dans ce contexte, mais nous croyons savoir que vers la fin des années quatre-vingt, ce bail a été révisé et renouvelé. Étant donné que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a refusé de donner à quiconque une copie de ce bail, nous pouvons seulement spéculer qu'au cours du processus de renouvellement du bail, on n'a pas révisé les conditions relatives à l'environnement afin de les améliorer. L'affaire se complique encore du fait qu'il n'y a pas eu d'examen environnemental de la proposition de Panarctic visant à enfouir et incinérer ce matériel. Nous en concluons que c'est dû à l'application de règlements tout à fait inappropriés et inacceptables par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et c'est absolutment inacceptable pour nous.
James Etoolook, qui est membre de notre organisation, a écrit une lettre à Warren Johnson le 4 mai et je tiens à vous la présenter aux fins du compte rendu.
Nous nous attendons à ce que les nouvelles normes prévues dans la LCPE ne soient pas incompatibles avec la décision de la CNER permettant, par exemple, un projet sans imposer la condition que son promoteur remportera ce qu'il aura apporté. Nous appuyons l'approche préventive et nous nous opposons à la solution consistant à contenir les déchets une fois qu'ils ont été produits et rejetés dans l'environnement. Selon nous, l'accord signifie que les décisions sensées et raisonnables de la CNER auront prépondérance sur toute loi jugée incompatible avec ces décisions.
La LCPE devrait prévoir pour les contaminants dans l'Arctique des normes compatibles avec le fait que les écosystèmes arctiques ont relativement peu de tolérance à la pollution. Les décisions de la CNER le refléteront en adoptant l'approche préventive, et il est donc crucial que le gouvernement veille à intégrer dans les lois pertinentes l'accord global sur les revendications territoriales afin de refléter ces traités modernes protégés par la Constitution, au lieu d'être en contradiction avec eux.
Dans le cadre du processus d'examen de la LCPE, vous avez publié un document de discussion intitulé Les ententes négociées: Option d'exécution. Il faisait partie, je pense, d'une vingtaine de documents que vous avez publiés. Nous en avons conclu que ce processus d'examen envisageait les ententes négociées comme une option d'exécution et que vous pourriez recommander un amendement à la LCPE afin de les permettre.
Avant de discuter de la question plus générale de l'harmonisation, je tiens à vous faire une mise en garde au sujet des options en vue d'améliorer l'efficacité de la réglementation. Pour l'instant, NTI suppose qu'un examen de cette option ne sera pas entrepris dans le but d'accorder à quelqu'un qui enfreint les règlements relatifs à l'environnement, le droit de négocier une solution privée avec le gouvernement au lieu de se voir imposer la peine prévue par la loi. Nous craignons que des solutions négociées ne soient pas satisfaisantes pour la CNER ou pour les résidents du Nunavut. Je pense avoir déjà souligné à plusieurs reprises que si quelqu'un enfreint les lois relatives à la protection de l'environnement, ces lois doivent s'appliquer et il ne faut pas permettre la négociation à huis clos, c'est-à-dire exclure le public du processus. Nous le disons à plusieurs reprises dans notre exposé.
Même en supposant que cette option s'appliquerait seulement dans le cas d'une infraction à une loi sur la protection de l'environnement, nous n'en craignons pas moins qu'une telle mesure adoptée en vertu de la LCPE entrerait en conflit avec l'article 6 de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut concernant l'indemnisation pour les ressources fauniques. Cet article stipule, et je cite:
- La responsabilité de l'entrepreneur est absolue - sans qu'il soit nécessaire d'apporter la preuve
de quelque faute ou négligence de sa part - à l'égard des pertes ou dommages énumérés
ci-après que subit un demandeur par suite des activités de développement de l'entrepreneur
dans la région du Nunavut...
Si la LCPE doit inclure un mécanisme d'entente négociée permettant le paiement d'une compensation financière pour des dommages subis, il faudrait tenir compte du fait que les Inuits auront le droit d'être indemnisés en vertu de l'accord lorsqu'un entrepreneur cause des pertes ou des dommages, en ce qui concerne les ressources fauniques. Un tel mécanisme qui serait prévu dans la LCPE ne peut pas amoindrir la capacité des Inuits de percevoir une indemnité comme l'accord leur en donne le droit.
Je poursuis encore mon thème des ententes sur les revendications territoriales et de la politique en matière d'environnement, en vous disant que nous entendons continuellement parler des initiatives du gouvernement en vue d'harmoniser, d'amalgamer et de rendre efficaces les processus d'examen des répercussions environnementales au Canada. Je veux parler précisément du récent projet de loi sur l'efficacité de la réglementation et du processus d'harmonisation envisagé par le gouvernement fédéral et les provinces.
L'accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit l'établissement de ce que nous considérons être un régime complet de cogestion pour le Nunavut, un régime de gestion visant à assurer l'efficacité de la planification et de l'utilisation des terres, de la réglementation de l'accès aux ressources fauniques, de la réglementation de l'utilisation de l'eau, de l'examen des répercussions éventuelles du développement, et à offrir des conseils utiles au gouvernement sur la gestion du milieu marin du Nunavut.
Le concept clé en l'occurence est la cogestion par le gouvernement et les Inuits de toutes les terres et de toutes les ressources du Nunavut. Ces institutions gouvernementales ont pris environ 12 ans pour négocier et obtenir les mandats nécessaires pour prendre les décisions et assumer la principale responsabilité dans la réglementation de l'accès aux terres et aux ressources du Nunavut et de leur utilisation.
Leur compétence s'applique également au-delà des côtes, c'est-à-dire au milieu marin du Nunavut. En somme, ces institutions ont été soigneusement conçues et négociées, de sorte que leurs activités sont dans une grande mesure déjà harmonisées.
Permettez-moi de répondre à la question qui vous vient probablement à l'esprit présentement: En quoi cela concernent-il la LCPE? Je voudrais vous expliquer la gestion du milieu marin et les institutions de gestion du Nunavut dans le contexte de la LCPE. Pas moins de 13 articles sur 42, soit environ 45 p. 100 de l'accord, s'appliquent directement aux ressources marines - c'est le cas par exemple de l'article 5 sur la gestion des ressources fauniques. Autrement dit, la région du Nunavut comprend le secteur au large de ses côtes, et il en va de même pour l'accord.
Un fait qui n'est pas tellement reconnu au sud du 60e parallèle est que les Inuits sont principalement un peuple marin. Lorsqu'on reconnaît ce fait, on comprend pourquoi la gestion des poissons, des oiseaux et des mammifères, ainsi que de leur habitat marin par le gouvernement intéresse particulièrement les Inuits. NTI désire exprimer sa préoccupation dans le cadre du processus en cours, afin de faire en sorte qu'on tienne compte des intérêts et des droits des Inuits dans la politique et dans la loi.
Mon principal argument est qu'en dépit des nombreux domaines importants de responsabilité des deux principaux ministères concernés - Pêches et Océans pour les poissons et les mammifères aquatiques, et Environnement Canada pour la conservation de l'environnement naturel - il existe une lacune. Il n'existe pas d'organisme de coordination pour la conservation et la mise en valeur du milieu marin naturel. J'estime donc qu'une loi sur les océans du Canada est vraiment nécessaire pour l'élaboration du ministère des Océans.
Le ministre Brian Tobin a donné du poids à cet argument en reconnaissant la nécessité d'établir un organisme fédéral principal clairement identifiable pour assurmer la responsabilité en matière de gestion des océans. NTI est tout à fait d'accord avec le gouvernement au sujet de la nécessité de créer un organisme directeur, et par conséquent d'instituer un régime coordonné de gestion des zones marines.
L'article 15 de l'Accord, qui porte sur les zones marines, prévoit la création du Conseil du milieu marin du Nunavut, constitué des quatre institutions de gestion du Nunavut. Ces institutions pourront conjointement ou individuellement conseiller d'autres organismes gouvernementaux et leur faire des recommandations au sujet des zones marines du Nunavut, et le gouvermement tiendra compte de ces conseils et de ces recommandations lorsqu'il prendra des décisions touchant ces zones marines. L'existence d'un organisme directeur ayant clairement reçu un mandat du gouvernement en matière de gestion des océans faciliterait énormément le respect des obligations prises en la matière. Nous nous attendons à ce que le Conseil du milieu marin du Nunavut devienne un organisme puissant qui pourra influencer la politique et les lois pertinentes adoptées par le gouvernement afin d'assurer la protection du milieu marin du Nunavut, tellement essentiel aux Inuits.
NTI croit que votre comité permanent chargé d'examiner la LCPE a l'occasion de faire progresser de façon significative l'élaboration d'une nouvelle loi sous l'égide d'un organisme fédéral directeur afin de réaliser l'objectif d'établir un régime unifié de gestion des ressources marines pour le Canada. Vous devez regarder au-delà de la LCPE et tenter de simplifier et d'améliorer les règlements relatifs à l'immersion de déchets en mer. Ces règlements conviendraient mieux dans la nouvelle Loi sur les océans du Canada.
NTI suppose que dans la nouvelle Loi sur les océans du Canada, on tiendra compte des droits et des intérêts reconnus aux Inuits dans l'accord en ce qui concerne les zones marines. NTI vous recommande, à titre de membres du comité fédéral permanent, d'utiliser votre influence pour favoriser la préparation de la Loi sur les océans du Canada tant attendue et pour favoriser aussi l'intégration et l'harmonisation des lois fédérales existantes et des organismes responsables, afin d'assurer l'adoption d'une approche unifiée à la gestion du milieu marin au Canada.
En terminant, nous avons harmonisé au Nunavut nos organismes de gestion de l'environnement et nous attendons que le gouvernement coordonne son approche afin que la cogestion soit aussi efficace au Nunavut qu'elle l'a été dans d'autres parties du Canada.
Je termine ici mes remarques. Je tiens encore une fois à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de représenter devant vous Nunavut Tunngavik et les Inuits du Nunavut.
Je vous remercie d'être venus au Nunavut, notre future patrie inuite.
Le président: Monsieur Kusugak, nous vous remercions de votre mémoire exhaustif et de votre description d'un tissu bureaucratique plutôt complexe, si l'on peut dire.
Nous entendrons maintenant Jack Hicks, directeur de la recherche pour la Commission d'établissement du Nunavut.
M. Jack Hicks (directeur de la recherche pour la Commission d'établissement du Nunavut): Je vous remercie de me donner cette possibilité de parler au comité permanent de la Chambre des communes de la question du Nunavut et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE.
Je m'appelle Jack Hicks et je suis directeur de la recherche de la Commission d'établissement du Nunavut, la CEN. Je vous souhaite la bienvenue au Nunavut et je vous signale que le commissaire est ravi que votre comité ait pu inclure deux collectivités du Nunavut dans ses audiences publiques.
La CEN est un organisme statutaire créé par le Parlement au moyen de la Loi sur le Nunavut. Elle était composée au début de neuf commissaires et d'un commissaire en chef, John Amagoalik, nommé par les trois signataires de l'accord politique sur le Nunavut, soit le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Fédération Tunngavik de Nunavut, appelée maintenant Nunavut Tunngavik Incorporated, NTI. L'un des premiers commissaires, Mary Simon, a dû démissionner après avoir été nommée ambassadrice du Canada pour les Affaires circumpolaires.
La tâche de la CEN consiste à donner des conseils aux gouvernements fédéral et territorial ainsi qu'à NTI au sujet de l'établissement du nouveau gouvernement du Nunavut sur une période de cinq ans se terminant le 1er avril 1999. Je vais commencer aujourd'hui par revoir avec vous l'histoire du Nunavut et le travail accompli par la CEN, avant d'offrir des commentaires au sujet de la LCPE.
L'histoire du Nunavut est vraiment remarquable. Elle révèle la volonté d'un peuple de se donner un territoire et un gouvernement, ainsi que cette détermination à y parvenir. Cette histoire sort également de l'ordinaire. Le Nunavut sera le résultat de 20 ans de négociation de revendications territoriales, mais le gouvernement qui sera établi sera un gouvernement public. Bien que la création du Nunavut ait finalement été acceptée dans le cadre d'un règlement de revendications territoriales des Inuits, son établissement proprement dit se fera en dehors du processus des revendications territoriales.
En inuktitut, la langue des Inuits de l'est et du centre de l'Arctique, le mot «Nunavut» signifie «notre terre». Cette terre assure la subsistance des Inuits depuis plus de 4 000 ans. Elle est une partie inextricable de la culture, de la langue et de la spiritualité des Inuits. C'est pourquoi il était naturel de choisir le nom de Nunavut pour le nouveau territoire et le nouveau gouvernement.
Nunavut signifie cependant plus qu'un simple territoire et un gouvernement. Cela représente une occasion pour notre peuple de reprendre leur vie en main. Même dans les années soixante, les Inuits vivaient encore de la terre et avaient un mode de vie relativement indépendant et autonome. Tout cela a changé lorsque le gouvernement les a réinstallés ailleurs. Ainsi, lorsqu'une occasion s'est présentée pour reprendre leur vie en main grâce aux négociations relatives à une revendication territoriale des Inuits, ils n'ont pas manqué d'en profiter.
Au début des années soixante-dix, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il était prêt à négocier des ententes sur les revendications territoriales. Peu après, les Inuits ont entrepris une étude pour documenter leur utilisation et leur occupation du Nunavut. La région utilisée par les Inuits couvrait environ 2,4 millions de kilomètres carrés de terre, d'eau, de glace et de mer, s'étendant de l'archipel arctique au nord jusqu'aux Îles Belcher dans la partie sud de la Baie d'Hudson, et de la Terre de Baffin à l'est jusqu'au Territoire du Yukon à l'ouest.
Le gouvernement fédéral a accepté les résultats de l'étude comme preuve justifiant les Inuits de réclamer un titre aborigène. L'étude définissait la région concernée par la revendication et donnait également la base géographique du territoire du Nunavut.
En 1976, l'Inuit Tapirisat du Canada, ITC, a déposé une proposition pour le règlement de la revendication territoriale des Inuits au nom de tous les Inuits vivant dans les Territoires du Nord-Ouest. La proposition, intitulée «Nunavut», demandait notamment la division des Territoires du Nord-Ouest et la création d'un territoire du Nunavut qui concorderait approximativement avec la superficie des terres et des eaux utilisées par les Inuits.
En raison de leur culture distinctive, de leur homogénéité linguistique et de leur éloignement géographique du siège du gouvernement à Yellowknife, les Inuits estimaient que leurs intérêts seraient mieux servis par la création du Nunavut. Le gouvernement devait être un gouvernement public et le nouveau territoire qu'il gouvernerait serait taillé à même les Territoires du Yukon et du Nord-Ouest.
L'idée de tailler de nouvelles entités à l'intérieur des Territoires du Nord-Ouest n'est pas nouvelle. En réalité, le Nunavut suit simplement une tradition canadienne établie depuis longtemps. Cette pratique a commencé presque immédiatement après que le Parlement britannique ait effectué le premier de deux transferts de terres nordiques au Dominion du Canada. La Terre de Rupert, gouvernée au début par la Compagnie de la Baie d'Hudson, a été transférée au Canada en 1870, suivi par le transfert de l'archipel arctique en 1880.
On a par la suite amputé ces deux régions pour créer ou aggrandir les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de l'Ontario et du Québec, ainsi que le Territoire du Yukon. Les autres parties de la Terre de Rupert et le l'archipel arctique - les restants, si l'on veut - constituent ce que nous connaissons aujourd'hui comme les Territoires du Nord-Ouest.
Les Territoires du Nord-Ouest ont subi des changements internes considérables depuis qu'ils ont commencé à faire partie du Canada, en particulier depuis les années soixante. La prise de conscience politique graduelle des résidents du Nord a été la cause d'une grande partie de ces changements. Les résidents de l'est de l'Arctique étaient privés du droit électoral jusqu'en 1962. Contrairement à la situation des Premières nations au sud, il n'existait pas de lois disant que les Inuits ne pouvaient pas voter. Jusqu'en 1962, il n'existait tout simplement pas de mécanisme permettant aux Inuits ou à tout autre résident du Nord, de voter.
En 1966, la Réserve faunique de l'archipel arctique a été assujettie à la compétence législative du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. En 1967, la capital des Territoires du Nord-Ouest a été établie à Yellowknife. En 1975, pour la première fois, 15 membres du conseil territorial dûment élus sont entrés en fonction, la majorité d'entre eux étant des autochtones. Au cours d'élections subséquentes, on a continué d'élire en majorité des autochtones à l'Assemblée législative, de sorte que ces assemblées appuyaient dans une large mesure les revendications territoriales et la division des territoires.
L'idée de diviser les Territoires du Nord-Ouest flottait dans l'air depuis un certain temps lorsque les Inuits en ont fait la proposition en 1976. En fait, la division a d'abord été proposée par des gens de l'Ouest. Peu de gens le savent dans le Nord ou dans le Sud du Canada.
Au début des années cinquante certains résidents non autochtones de la vallée du Mackenzie ont proposé la division des Territoires du Nord-Ouest parce qu'ils croyaient que les progrès vers un gouvernement responsable dans l'Ouest était entravé par l'Est qui était moins avancé. En 1963, le gouvernement libéral, après avoir reçu l'appui des deux conseils territoriaux existants, a présenté une mesure législative visant à diviser les Territoires du Nord-Ouest en deux. Cette mesure est morte au Feuilleton du Parlement.
Le concept de la division a alors été soumis à un examen par deux commissions fédérales, la Commission Carrothers en 1966 et la Commission Drury de 1978 à 1979. La Commission Carrothers a reconnu le caractère inévitable de la division, mais elle a recommandé qu'on la reporte d'une dizaine d'années. La Commission Drury s'est prononcée en faveur d'un territoire uni, mais elle a également recommandé que le conseil du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest participe aux discussions officielles sur la division.
Pour répondre a un besoin politique découlant de l'accroissement de la population dans les Territoires et peut-être aussi pour faire taire les voix de ceux qui demandaient leur division, le gouvernement fédéral a décidé, en 1979, de diviser les Territoires du Nord-Ouest en deux circonscriptions électorales fédérales, Nunatsiaq et l'Ouest. Cette décision divisait les Territoires du Nord-Ouest en secteurs Est et Ouest, Nunatsiaq comprenant toutes les collectivités inuites qui devaient, à cette époque, être incluses dans le Nunavut. C'est pourquoi Jack Anawak, député de Nunatsiaq, est responsable des collectivités Inuvialuit de l'Ouest de l'Arctique.
Du milieu à la fin des années soixante-dix, en même temps que le gouvernement fédéral discutait de la division des territoires, les peuples autochtones de l'Est et de l'Ouest commençaient à promouvoir leurs propres idées. Un an après le dépôt de la proposition inuite sur le Nunavut, l'Association des Métis a proposé la division des Territoires du Nord-Ouest en étendant simplement la frontière nord du Manitoba et de la Saskatchewan).
La Commission inuite de revendications territoriales a assumé la responsabilité des négociations des revendications et du Nunavut à la place de Inuit Tapirisat du Canada en 1977 et a proposé la création d'un gouvernement dans la région du Nunavut semblable aux institutions politique inuites. En 1978, Inuvialuit, qui s'était séparé de Inuit Tapirisat en 1976, a signé une entente de principe de règlement de leurs revendications territoriales dans laquelle ils exprimaient leur intérêt dans la création de WARM, Western Artic Regional Municipality (la Municipalité régionale de l'Ouest de l'Arctique.
En 1979, Inuit Tapirisat du Canada a assumé la responsabilité des négociations sur les revendications territoriales et le Nunavut et a publié un document politique intitulé «Political Development in Nunavut» (Développement politique dans le Nunavut). On y préconisait la division avant dix ans et le statut de province cinq ans plus tard. Le gouvernement serait un gouvernement public semblable à celui des Territoires du Nord-Ouest. Par gouvernement public, nous entendons simplement un gouvernement qui représente tous les habitants d'un territoire au même titre, par exemple, que le gouvernement de la Colombie-britannique. Il ne s'agissait donc pas d'une forme d'autonomie ethnique.
La même année, l'exécutif de la Nation Déné a publié un document de discussion dans lequel il était proposé que l'on envisage la création de un, deux territoires ou même plus. En 1981, les Dénés et l'Association des Métis ont proposé conjointement la création d'un nouveau territoire dans l'Ouest qui s'appellerait Denendeh dont les pouvoirs seraient semblables à ceux d'une province et qui serait doté d'un sénat élu.
En 1980, l'Assemblée législative a créé un comité spécial sur l'unité afin d'examiner les questions constitutionnelles et pertinentes dans le Nord. Ce comité n'a pas réussi à s'entendre pour le maintien des Territoires du Nord-Ouest comme territoire unique. Par conséquent, le comité a exprimé son appui presque unanime pour la division.
En 1982, il y a eu un plébiscite à l'échelle du territoire au cours duquel on demandait à la population si elle était favorable à la division. Cinquante-six pour cent des votants des Territoires du Nord-Ouest et 80 p. 100 de ceux du Nunavut se sont prononcés en faveur de la proposition. Ce résultat a poussé le ministre des Affaires indiennes et du Nord à annoncer qu'en principe, le gouvernement fédéral appuyait la division, sous réserve de quatre conditions: le règlement des revendications territoriales, un appui constant pour la division, la mise en place de structures gouvernementales et, enfin, un régime d'administration ainsi qu'une entente sur les frontières du nouveau territoire. De ces quatre conditions, c'est l'entente sur les frontières qui s'est avérée la plus problématique.
En 1982, on constituait l'Alliance constitutionnelle afin de poursuivre la division et l'élaboration d'une constitution.
Je vais vous faire grâce d'une partie de l'histoire. Les habitants du Nord en raffolent. Nous sommes les derniers Canadiens à vraiment se régaler de ce genre de chose.
En 1987, le Forum constitutionnel du Nunavut et le Forum constitutionnel de l'Ouest réunis sous le nom d'Alliance constitutionnelle ont signé ce que l'on a appelé l'entente d'Igaluit. Entre autres modalités, cette entente prévoyait un processus de cinq ans de préparation d'une constitution et un autre plébiscite sur les frontières.
Après la signature de l'entente d'Igaluit, la direction des Dénés et des Métis a changé. Les nouveaux dirigeants ont jugé les frontières inacceptables et ont exigé des changements. Ces changements se sont avérés à leur tour inacceptables pour les dirigeants des Inuits ce qui a entraîné l'annulation du plébiscite, l'effondrement de l'entente et la fin de l'Alliance constitutionnelle.
La recherche du territoire Nunavut est revenue encore une fois à la table des négociations des revendications territoriales inuites. En 1990, les Inuits ont signé une entente de principe avec les gouvernements fédéral et territorial pour la création du Nunavut. Le gouvernement territorial a accepté d'entreprendre, dans les six mois après la signature, un processus de mise en oeuvre de l'entente d'Igaluit.
Bien que les Dénés, lors de leur assemblée de 1990, n'aient pas ratifié cette dernière entente, on continuait d'avancer à un rythme soutenu vers l'entente finale des Inuits. Toutefois, afin de régler les revendications des Inuits, il fallait toujours s'entendre sur les frontières. Afin d'en arriver à un règlement, le ministre des Affaires indiennes et du Nord a nommé, en 1991, un ancien commissaire des Territoires du Nord-Ouest pour examiner la situation et recommander une frontière. Il s'agissait de John Parker et il a recommandé ce que l'on appelle la Ligne Parker.
Les négociateurs des Inuits et des gouvernements ont accepté la frontière qu'il recommandait, mais les Dénés et les Métis ne l'ont pas fait. En 1991, le gouvernement fédéral acceptait de s'engager à créer le Nunavut dans le cadre des négociations sur les revendications territoriales des Inuits. Cet engagement devait être consigné dans un accord politique distinct. Le mécanisme de création du Nunavut devait prendre la forme d'une loi fédérale adoptée parallèlement à la loi fédérale ratifiant les revendications territoriales des Inuits. Il s'agit donc de documents distincts, liés organiquement.
La création du Nunavut n'était toujours pas garantie. Il fallait toujours obtenir un appui à la grandeur du territoire pour les frontières ainsi que la ratification par les Inuits de l'accord sur leurs revendications territoriales.
Dans le plébiscite sur les frontières tenu au mois de mai 1992, 54 p. 100 des votants appuyaient, et ce majoritairement dans l'Est, les frontières. En novembre 1982, 80 p. 100 de l'électorat inuit ratifiait l'entente sur les revendications territoriales.
C'est pourquoi, en 1993, le Parlement du Canada adoptait deux lois, l'une ratifiant les revendications territoriales et l'autre divisant les Territoires du Nord-Ouest et créant le Territoire du Nunavut et son gouvernement à compter du 1er avril 1999. La loi créant le Nunavut se conformait aux dispositions de l'accord politique du Nunavut.
Cet accord qui avait été signé en 1992, prévoyait la création de la Commission d'établissement du Nunavut que nous appelons sentimentalement la CEN. La CEN a pour rôle de conseiller le gouvernement du Canada, celui des Territoires du Nord-Ouest et la Nunavut Tunngavik Incorporated sur des questions précises dans le cadre de la transition au Territoire du Nunavut.
Il s'agit d'élaborer les principes et les critères pour la répartition de l'actif et du passif du territoire; un échéancier pour la prise en charge des services par le gouvernement du Nunavut; la formation et les crédits nécessaires; les conseils sur le régime administratif du nouveau gouvernement, y compris les besoins en ressources humaines; un processus d'identification du capital - ce qui est particulièrement intéressant; l'identification des besoins en infrastructure; et, enfin, un processus pour la première élection de l'assemblée législative du Nunavut en 1999 ainsi que la création de districts électoraux pour ces premières élections.
À quoi ressembleront le nouveau gouvernement et le nouveau territoire? Les recommandations de la CEN se trouvent dans ce rapport de 400 pages déposé le 31 mars de cette année par le ministre des Affaires indiennes et du Nord, le leader du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et M. Kusugak de NTI. Bien que la teneur de ce premier rapport n'ait pas encore été publiée - on s'attend à la publication à la toute fin du mois de mai - je peux vous en donner un bref résumé.
Le rapport de la CEN repose sur une solide fondation, c'est-à-dire des consultations publiques exhaustives dans chacune des localités du Nunavut, y compris des émissions radiophoniques et des choses du genre, et sur la conviction de connaître les préférences du public du Nunavut. Il découle du plein respect de la lettre et de l'esprit de l'entente du Nunavut, de l'accord sur les revendications territoriales au sens où l'entend la Constitution canadienne dans le but d'institutionnaliser les qualités du gouvernement public du Nunavut.
Le Nunavut aura un gouvernement public d'une assemblée législative élue démocratiquement. Nous respecterons les droits individuels et collectifs tels que définis dans la Charte des droits et libertés. Le gouvernement du Nunavut respectera et reflétera les traditions et les institutions politiques du Canada. Le Nunavut sera un territoire qui restera résolument dans le giron de la Confédération.
Il s'agira d'un gouvernement décentralisé dont les fonctions exécutives se trouveront sous un seul toit, relié à trois centres régionaux et offrant des bureaux dans chaque localité grâce à la technologie moderne des communications. Dans toute la mesure du possible, nous embaucherons des résidents et nous offrirons un gouvernement plus mince, plus efficace et plus abordable que le gouvernement actuel.
Le tableau suivant qui est également disponible en français donne le modèle organisationnel du nouveau gouvernement. Vous constaterez que la CEN propose de créer un ministère du développement durable où seront réunis les responsabilités et les ressources des ministères du Développement économique et du Tourisme, de celui de l'Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières et de celui des Ressources renouvelables du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons actuellement trois ministères que nous tentons de réunir en un seul ministère pour des raisons d'efficacité et également d'intérêt commun.
Le président: Puis-je vous demander peut-être de passer à la LCPE?
M. Hicks: Très bien.
Nous vous avons également donné deux documents. Dans un cas il s'agit d'un document de discussion sur la composition de l'assemblée législative dans lequel il est question de l'égalité des sexes à l'assemblée législative et d'un autre document qui examine la situation démographique et la situation socio-économique.
Les habitants du Nunavut se préoccupent énormément de l'environnement, auquel ils sont très attachés. L'alimentation à partir de produits du pays demeure un élément essentiel du régime alimentaire des Inuits et la cueillette et la consommation d'aliments aborigènes revêtent une importance aussi grande sur le plan culturel que nutritif. Les moyens de subsistance et le mode de vie des habitants du Nunavut dépendent, dans une très grande mesure, de la santé et de la productivité des terres et des eaux du Nunavut.
Au nom de la Commission d'établissement du Nunavut, j'aimerais vous offrir les idées suivantes sur la LCPE. Toutefois, je vous prierais de ne pas oublier la nature limitée du mandat de la CEN. La CEN est un organisme public et non pas inuit. L'organisme conseille les gouvernements et NTI sur le modèle du gouvernement du Nunavut, mais la CEN n'est pas en soi un gouvernement et sa recherche est nécessairement limitée par la pertinence immédiate de ses travaux.
Votre comité a déjà reçu d'Inuit Tapirisat du Canada un mémoire exaustif sur la LCPE. Ce mémoire démontre la grande qualité du travail effectué par ITC sur les questions environnementales et, en principe, la CEN appuie les commentaires qui s'y trouvent.
L'Arctique est un bassin global de dépôt des polluants industriels de toutes les régions du monde, mais surtout d'Europe, d'Asie et des États-Unis et, dans une moindre mesure, en provenance du Canada. Ces polluants atmosphériques ne proviennent pas de l'Arctique, mais l'on retrouve dans la chaîne alimentaire un niveau considérablement plus élevé que dans le Sud du Canada de traces de métaux lourds, de polluants organiques rémanents et de radionucléides. Ces polluants sont une source de grande préoccupation et anxiété pour tous les habitants du Nunavut.
Les autres questions qui préoccupent les habitants de cette région incluent l'incidence éventuelle des projets pétroliers, gazifères et miniers, l'immersion de déchets en mer, le transport des matières dangereuses, le nettoyage des sites militaires abandonnés et contaminés et l'héritage toxique de la guerre froide.
Le gouvernement du Nunavut verra donc le jour sous le poids de plusieurs préoccupations environnementales graves et la LCPE constituera une loi fédérale essentielle pour s'attaquer à ces problèmes. La CEN se réjouit de voir le comité demander des commentaires sur la façon d'améliorer et de renforcer la LCPE.
Pour que la loi améliore la situation dans l'Arctique, il faut que l'interprétation de celle-ci et des règlements qui en découlent reconnaisse expressément l'environnement unique de l'Arctique et ses problèmes environnementaux et respecte l'esprit et la lettre des ententes sur les revendications territoriales et inclue le plus d'éléments possible.
À titre d'exemple précis de la façon d'y parvenir, la CEN recommande que les articles 26.3, 34.3 et 54.1 qui prévoient d'importantes dérogations à l'application de la loi soient modifiés de façon à rendre la LCPE prépondérante en matière de produits toxiques qui sont parmi les principales sources de polluants organiques rémanents dans l'Arctique. On doit appliquer les mêmes normes d'exécution, de consultation et de pratique de cogestion à la LCPE qu'aux évaluations environnementales et il faut réglementer les radionucléides en les inscrivant sur la liste des substances locales et la liste des substances d'intérêt prioritaire.
Votre comité pourrait recommander au gouvernement fédéral d'accorder un financement suffisant pour décontaminer de façon accélérée les sites du Réseau d'alerte avancé et du Système d'alerte du Nord et pour s'assurer que les mandats et les capacités de base des ministères fédéraux qui sont responsables de questions environnementales dans le Nunavut soient maintenus à leurs niveaux actuels.
En terminant, je tiens à souligner que les gens au Nunavut sont d'avis que le Canada s'attaque à la pollution à reculons, d'une façon réactive plutôt que proactive. Les résidents du Nunavut souhaitent voir des progrès importants dans le contrôle et l'élimination des polluants toxiques dans l'Arctique, ce qui n'est possible que si l'on commence par renverser le fardeau de la preuve.
Et plutôt que de permettre que l'on rejette dans l'environnement des produits chimiques dont la nocivité n'a pas été démontrée par des analyses scientifiques en milieu contrôlé, il ne faudrait tout simplement pas permettre que ces produits chimiques puissent être relâchés si nous ne savons pas avec une certaine certitude qu'ils sont inoffensifs. Il faudrait éliminer progressivement l'utilisation, la production et le rejet de substances bio-accumulatives et toxiques. Nous n'en connaissons pas suffisamment encore sur les effets cumulatifs et synergiques des produits chimiques - surtout au niveau de leur accumulation et amplification dans la chaîne alimentaire de l'Arctique - pour permettre une approche différente.
Nulle part au monde l'effet du transport atmosphérique transfrontalier sur de longues distances des contaminants est-il aussi dramatique que dans l'Arctique. À plusieurs reprises, les responsables de la santé publique ont lancé un avertissement à cause des niveaux élevés de contamination toxique, prévenant qu'il ne fallait pas consommer les organes de caribous et de phoques, des animaux dont nous dépendons depuis des milliers d'années. On ne peut trop souligner que la base écologique de tout un mode de vie est sérieusement menacée.
Nulle part au Canada est-il plus nécessaire qu'au Nunavut de prévenir la pollution plutôt que de lutter contre elle. Merci.
Le président: Merci, monsieur Hicks. Nous allons maintenant passer aux questions, cinq minutes chacun, et un deuxième tour, si nécessaire.
J'ai sur ma liste Mme Guay qui est absente pour l'instant. Nous allons donc commencer par M. Adams, suivi de M. DeVilliers, de Mme Kraft Sloan, de M. Lincoln et de M. O'Brien.
Monsieur Adams, vous avez cinq minutes.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie beaucoup et je remercie James Etoolook de sa lettre. J'ai également reçu la lettre de Tabitha Kallut, le maire de Resolute, sur l'affaire de Rea Point. Nous lui en sommes reconnaissants.
J'aimerais vous poser quelques questions. D'abord en ce qui concerne la dimension internationale et le transport sur de longues distances de contaminants, etc. Le gouvernement fédéral a manifestement une responsabilité spéciale dans le domaine international, mais ses pouvoirs sont également clairement limités dans le cas par exemple des radionucléides du secteur russe dont vous avez parlé.
En ce qui concerne Inuit Tapirisat du Canada, vos organismes, la Conférence circumpolaire Inuit, et le fait que Mary Simon, l'une de vos commissaires, est maintenant ambassadrice des Affaires circumpolaires, avez-vous songé à des mécanismes ou moyens internationaux qui permettraient au gouvernement fédéral et à vous ici à Nunavut de vous attaquer à ce problème international très particulier de pollution dans le Nord.
M. Kusugak: Je pense que vous êtes au courant de l'évolution du conseil de l'Arctique sous Mary Simon. Nous avons discuté ensemble encore l'autre jour, lorsque nous tentions de concerter les efforts des divers organismes autochtones au Canada. Nous avons beaucoup parlé des questions de pollution environnementale la semaine dernière à cette réunion.
Je me suis laissé dire qu'il y aurait une réunion de la Conférence circumpolaire Inuit à la fin du mois de juillet à Nome, en Alaska. Au cours de ces rencontres, nous avons souligné à plusieurs reprises que nous nous préoccupons de l'environnement de toute la région circumpolaire. Il y a beaucoup de discussions qui portent sur l'environnement au cours de ces conférences Inuite sur la région.
Nous commençons tout juste à apprendre quels sont certains des problèmes de nos amis russes face à leur gouvernement. Nous tentons de les faire participer depuis 1973 lorsque nous avons élaboré l'idée d'une conférence circumpolaire inuite, mais ce n'est qu'avec la fin de la guerre froide qu'ils ont pu se joindre à notre cercle.
Bref, oui, il en est beaucoup question.
M. Adams: Joe, je pense que vous avez mentionné que 70 p. 100 de vos intérêts dans les ententes découlent de questions environnementales. Je pense que pour Inuit Tapirisat du Canada, c'est la même chose à l'échelle internationale.
J'ai encore deux choses que j'aimerais aborder dans mes cinq minutes. D'abord, j'aimerais vous demander de faire des commentaires sur la stratégie environnementale de l'Arctique. Inuit Tapirisat du Canada l'a mentionné et d'après ce que j'en sais, cette stratégie prendra fin l'an prochain. Ce mécanisme a été un outil utile de lutte contre la pollution en mer et sur terre et d'amélioration de l'environnement. Voilà d'une.
Avant que le président ne me coupe la parole, j'aimerais également vous demander s'il y a vraiment dans l'entente du Nunavut des dispositions sur l'inspection et des pénalités. Y a-t-on vraiment prévu des pouvoirs d'inspection et d'application des normes environnementales?
Donc il y a les deux choses: Dites-moi, en ce qui concerne l'avenir de la stratégie environnementale de l'Arctique, si cela est utile et devrait être maintenu et parlez-moi de l'application de normes à l'intérieur de l'entente du Nunavut.
M. Kusugak: Je vais demander à M. Arreak de répondre puisqu'il était l'un des négociateurs.
M. Arreak: Essentiellement, en ce qui concerne la stratégie environnementale de l'Arctique, cela a servi à décontaminer de petites surfaces. Et si l'on songe par exemple aux sites du réseau DEW, cela a été assez difficile.
L'entente prévoit deux organismes principaux chargés d'examiner les répercussions et d'effectuer des études ainsi que de la surveillance et de l'inspection des projets. La commission d'examen des répercussions propose de mettre en place un mécanisme d'examen et d'étude. Elle propose la création de la Commission de la planification du Nunavut qui serait chargée de surveiller et d'inspecter ainsi que de s'assurer que toutes les activités sont conformes au plan d'utilisation des terres ou sont tout au moins viables.
La commission préparerait des plans d'utilisation des terres en collaboration avec les organismes inuits comme nous, le ministère des Affaires indiennes et du Nord et les autres ministères gouvernementaux où il y a lieu de surveiller et d'évaluer l'incidence cumulative réelle du développement. Certaines dispositions prévoient des sanctions à l'égard de tout promoteur ou de tout projet qui ne répond pas aux normes environnementales ou qui a modifié le projet de façon considérable, une autre évaluation devenant nécessaire.
En outre, si l'on ne respecte pas certaines conditions socio-économiques ainsi que certaines conditions environmentales, en guise de sanctions, le projet peut être arrêté, dans la mesure du possible, et on peut même empêcher le promoteur de faire quoi que ce soit d'autre à l'avenir dans le Nunavut. Ce sont les dispositions. Si j'avais le texte devant moi, je pourrais vous les citer.
M. Kusugak: Je dois avouer, monsieur Adams, que parfois il est très difficile de distinguer un article d'un autre. Lorsque nous avons préparé notre exposé, je me demandais s'il y avait lieu de mentionner le tribunal des droits de surface ou pas. J'ai décidé de ne pas en parler.
Nous discutons actuellement avec votre gouvernement de leur suggestion de limiter éventuellement les peines à un million de dollars. À notre avis, dans le cas de certains polluants ou de certains accidents incroyables, les dégâts sont beaucoup plus élevés que cela. Il nous faut pouvoir nous adresser à au moins un ministère, genre de guichet unique pour faire imposer des peines dans le cas de dégâts environnementaux sur notre territoire.
Si nous avions disposé d'un peu plus de temps, nous aurions probablement parlé également du tribunal des droits de surface.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Adams.
[Français]
Madame Guay, s'il vous plait.
Mme Guay (Laurentides): Bonjour messieurs. Vous avez parlé de plusieurs dossiers très intéressants. Nous avons vu, cet après-midi, entre autres, un site où vous auriez besoin d'un incinérateur pour pouvoir bien fonctionner, ici, à Iqaluit. Y a-t-il des ententes entre le ministère de l'Environnement des Territoires du Nord-Ouest et les Inuit? Comment fonctionnez-vous en ce qui a trait à l'environnement avec les paliers provincial et fédéral?
[Traduction]
M. Hicks: (Difficultés techniques)... Certains ministères prennent les mesures pour s'installer à Nunavut avant 1999 - pour ouvrir des bureaux à Nunavut dignes d'un nouveau gouvernement - afin de faciliter la mise en place de relations de travail particulièrement adaptées à l'est de l'Arctique.
Entre le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral, il y a des relations de travail, mais elles se limitent à Ottawa et Yellowknife. À l'avenir, nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada établisse une présence ici.
[Français]
Mme Guay: Si je comprends bien, vous ne négociez pas directement avec le ministère de l'Environnement des Territoires du Nord-Ouest; vous passez plutôt par le fédéral.
[Traduction]
M. Hicks: J'essayais d'expliquer que jusqu'en 1999, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est responsable de certains secteurs de l'environnement et le gouvernement fédéral du reste. Il y a des ententes entre ces deux gouvernements.
Nous travaillons actuellement, de concert avec d'autres, y compris le Conseil de gestion de la faune, à établir une nouvelle relation entre le gouvernement fédéral et ce nouveau gouvernement qui sera constitué. Nous essayons de voir comment nous pouvons en arriver à une relation plus efficace et plus rentable que la relation actuelle.
M. Arreak: Jack vous a parlé de l'aspect gouvernement à gouvernement des négociations, mais en ce qui concerne l'entente finale, les Inuits, particulièrement NTI et les autres organismes, devront participer par leurs recommandations et leurs conseils à l'élaboration des nouveaux projets de loi qui porteraient sur le règlement du Nunavut ou sur les dispositions de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, surtout si cela a une incidence sur les dispositions de l'entente.
À tout le moins, sur le plan culturel, nous pouvons compter sur une participation aux termes des revendications territoriales, et la participation de notre population est assujettie au contrôle canadien.
Je voulais simplement entrer un peu dans les détails de ce que l'entente sur les revendications territoriales nous garantit au niveau culturel.
[Français]
Mme Guay: Si je comprends bien, jusqu'en 1999, vous allez travailler avec les deux paliers de gouvernement étant donné qu'il existe des règlements fédéraux et provinciaux. Par la suite, vous allez faire affaire avec un seul palier.
J'aimerais savoir ce qu'on pourrait changer dans la LCPE. Je sais qu'on a en a peu parlé, mais j'aimerais savoir ce qui peut être fait. Plus tôt, vous avez dit que cette loi était très compliquée à comprendre. On le sait puisque nous sommes en train de la réviser, et ce n'est pas évident. Les termes sont complexes et il est difficile de comprendre toutes les implications et tout ce que le législateur a voulu dire.
Je suis d'accord avec vous qu'il faille un document qui facilite la compréhension de cette loi, mais selon vous, qu'est-ce qu'il serait urgent de changer dans la LCPE?
[Traduction]
M. Kusugak: Dans mon organisme, je suis responsable du développement économique et de l'éducation. Notre premier vice-président, James Etoolook, qui comparaîtra devant vous à Cambridge Bay, est peut-être mieux placé pour répondre à cette question. Toutefois j'aimerais que vous sachiez - vous le savez sans doute - que lorsqu'on est président d'un organisme, on surveille plus ou moins ce qui se passe, mais c'est le personnel qui fait le travail de base.
Je tiens simplement à vous assurer que notre personnel qui travaille dans le domaine de l'environnement s'intéresse à vos préoccupations et à vos questions. Encore une fois, lorsque vous vous penchez sur l'aspect de l'harmonisation et de l'efficacité d'une loi, prenez garde, car les lois sont visibles pour tous. S'il y a infraction à la loi, des sanctions sont prévues. C'est très visible pour tous.
Mais c'est toujours en privé que les sociétés négocient avec le gouvernement fédéral au sujet du genre de peine qui leur sera infligée ou de l'amende qu'elles auront à verser. Je crois plutôt que ce genre de négociations devrait avoir lieu en public.
M. Gilmour (Comox - Alberni): Je vous remercie en paticulier pour vos observatios au sujet de la pollution de l'océan Arctique. Comme il s'agit d'une pollution qui prend son origine dans d'autres pays, ce problème dépasse le cadre de la LCPE. Je suis sûr que vous savez qu'une conférence aura lieu sous peu et qui portera sur l'océan Arctique. Je crois qu'elle se tiendra cette année. J'espère que vous pourrez y participer.
Saviez-vous que cette conférence aurait lieu et y serez-vous représenté?
M. Kusugak: Je ne le savais pas personnellement, mais je suis sûr que notre personnel environnemental le savait. Je m'en assurerai d'ailleurs. Je suis sûr que c'est le cas.
M. Gilmour: Vous devriez être au courant de la tenue prochaine de cette conférence, et j'espère que vous y participerez activement.
Plusieurs d'entre vous avez dit que la loi créant le Nunavut aurait préséance sur toutes les autres. Qu'en est-il de la Charte canadienne des droits et libertés. S'applique-t-elle, à votre avis, aux Inuit?
Le président: J'aimerais signaler que la loi adoptée par le Parlement en 1993 précisait clairement que la Charte s'appliquait aux Inuit.
M. Guilmour: Très bien, mais je posais la question à nos témoins.
M. Kusugak: Il est intéressant que vous posiez la question. Jack est peut-être mieux renseigné que moi sur cette question, mais je ne pense pas que la loi créant le Nunavut le précise comme tel.
Pourriez-vous répondre à cette question au nom du NIC?
M. Hicks: La réponse à votre question est oui. La Charte s'appliquera dans le Nunavut comme partout ailleurs au pays. Les Inuit l'ont d'ailleurs toujours demandé.
M. Arreak: J'ajouterai que la revendication territoriale du Nunavut ne porte que sur les droits ancestraux s'appliquant aux terres et à l'environnement. Elle ne porte nullement atteinte aux autres droits dont nous jouissons comme citoyens canadiens. Je voulais simplement le réaffirmer.
La revendication territoriale n'a pour objet que de confirmer certains droits qui s'ajoutent à ceux dont nous jouissons comme citoyens canadiens. Elle porte essentiellement sur des aspects culturels importants des pouvoirs de décision pour ce qui est de la région du Nunavut.
M. Gilmour: Oui, et j'ai pris bonne note de ce que vous disiez au sujet des assemblées législatives élues.
Comme nous manquons de temps, monsieur le président, je crois que cela suffira pour l'instant.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Ma question s'adresse à Jose et porte sur ses observations touchant les règlements négociés.
Beaucoup de témoins se sont prononcés en faveur des règlements négociés devant le Comité. Selon eux, ces règlements sont préférables à des poursuites et à des amendes parce que le contrevenant a ainsi l'occasion de pouvoir réparer une partie des torts causée à l'environnement.
Vous avez dit craindre que les négociations entourant ces règlements aient lieu à huis clos plutôt qu'en public. Si le Comité proposait qu'on consulte le public au sujet de ces règlements négociés, cela calmerait-il vos inquiétudes?
M. Kusugak: Je songeais au cas de désastres environnementaux. Le gouvernement négocierait alors directement avec le contrevenant.
M. DeVillers: S'il était possible de consulter le public au sujet de ces négociations, cela vous satisferait-il?
M. Kusugak: Oui. Il serait certainement préférable que le public sache exactement à quoi s'en tenir à ce sujet.
Cela règlerait l'une de nos préoccupations. Il y a aussi la question du Conseil de gestion des droits de superficie. Nous avions espéré que toutes les resonsabilités à cet égard incomberaient à un seul ministère.
M. Arreak: Cela contrevient à l'article 6 qui porte sur l'indemnisation touchant la faune. Tout Inuk a le droit d'accuser un promoteur de négligence ou de prétendre, sans avoir à fournir de preuve, qu'il a perdu son équipement ou même ses animaux.
L'exemple qui nous vient à l'esprit c'est celui du M.V. Arctic qui est allé à Nanisivik et a perturbé les activités des chasseurs, leur faisant perdre la viande et les défenses des narvals qu'ils chassent de même que leurs bateaux et leurs motoneiges.
Par conséquent, l'entente sur l'indemnisation visait à assurer que les Inuit disposent toujours de cette option. Lorsque vous négocierez des accords avec les promoteurs, l'article prévoyant que tous les Inuit ont le droit de présenter une demande d'indemnisation posera peut-être des difficultés.
Je ne pense pas que ce sera nécessairement le cas, mais c'est possible.
M. DeVillers: Je constate qu'au moins deux d'entre vous ont recommandé au Comité de tenir compte du principe de la prudence.
On nous a présenté beaucoup d'arguments en faveur de ce principe ou contre celui-ci. Je dirais que ceux qui s'opposent à ce principe sont habituellement des représentants de l'industrie. Leurs critiques sont très virulentes et ne tiennent compte que de leur point de vue.
M. Arreak: Depuis toujours, nous soutenons que ce qui vaut dans le Sud ne vaut pas nécessairement au nord du 60e parallèle. Ce qui fonctionne dans le Sud ne fonctionne pas nécessairemnt dans le Nord.
La raison qui motive toujours nos interventions, c'est que toute mesure qu'on met à l'essai dans le Sud échoue normalement au nord du 60e parallèle si on ne l'adapte pas à nos besoins. Chaque fois qu'une loi est adoptée, il faut qu'on sache bien qu'elle ne peut pas s'appliquer de la même façon au nord du 60e parallèle...
Ainsi, le nouveau régime qui est proposé pour ce qui est du contrôle des armes à feu ne fonctionera pas chez nous. On a aussi dû mettre au point toutes sortes de nouvelles techniques dans le domaine de l'ingénierie en ce qui touche l'Arctique.
M. Kusugak: Je ne sais pas si le ministre Tobin est très sérieux au sujet de la Loi canadienne sur les océans, mais nous voudrions qu'on ne mette pas fin au processus. C'est une mesure que nous réclamons depuis longtemps.
Parfois, le gouvernement ne persévère pas longtemps dans la même voie. Quand un problème semble réglé, on passe à autre chose. Nous attachons beaucoup d'importance à cette mesure, et nous voudrions la voir aboutir.
M. Hicks: Je dois peut-être intervenir à ce sujet. Je crois que la plupart du temps on n'a pas besoin de tellement plus de travaux scientifiques pour franchir ce pas supplémentaire. Évidemment, cela coûte un peu plus cher, mais quelquefois le principe est vraiment important.
Je me souviens du cas de l'évaluation environnementale pour une mine d'uranium qu'on se proposait d'exploiter à l'ouest de Baker Lake. La compagnie voulait enterrer tous les déchets dans le pergélisol, et prétendait que ces déchets seraient congelés pour toujours et que tout irait bien.
Pour ce qui est de l'évaluation environnementale, ce sont essentiellement de petits groupes communautaires qui en ont été réduits à trouver des gens capables de trouver le défaut de la cuirasse de ces énormes documents techniques et de montrer que c'était dangereux. Les gens de cette collectivité estimaient que c'était à la compagnie qu'il aurait dû appartenir de démontrer de façon absolument catérorique qu'il n'y avait aucun danger.
Quelquefois, il peut y avoir des conflits. Mais en définitive, qu'est-ce qui compte? C'est le genre de questions que soulève ce débat. Je ne suis donc pas surpris par les prises de position auxquelles nous assistons.
Le président: Ajoutons à ce que vous venez de dire, monsieur Hicks, qu'on ne fait ainsi que confier le fardeau à celui qui en est légitimement responsable. Il ne s'agit nullement d'inversion de la preuve. On pourrait le dire de cette façon et éviter cette terminologie délicate.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je dois dire que les gens de Mount Albert sont tout à fait passionnés par ce nouveau territoire que vous proposez. On s'intéresse beaucoup à cela dans le sud, et je suis donc heureuse d'être ici aujourd'hui. Mount Albert est un tout petit village. Les gens aiment bien plaisanter à son sujet. Nous avons peut-être une possibilité d'échange ici.
Vous avez dit que vous aviez constaté une augmentation du taux de cancer dans les années soixante. Vous pourriez peut-être m'expliquer cela. Quel était le taux de cancer dans votre communauté avant cela? De combien a-t-il augmenté, ou est-ce que c'est simplement à ce moment-là qu'on a commencé à détecter des cas de cancer?
M. Arreak: C'est moi qui ai dit cela. Auparavant, il n'y avait pas de cas de cancer. Les premiers ont été constatés à la fin des années soixante. Des gens qui se nourrissaient depuis toujours d'aliments locaux ont commencé tout d'un coup à avoir le cancer. Certains étaient dans la trentaine, d'autres dans la quarantaine. Avant cela, les seuls vrais cancers étaient des cancers que les gens s'infligeaient eux-mêmes en fumant des cigarettes. Mais cette fois-là, il ne s'agissait plus de cancer du poumon mais de cancer du foie ou d'autres organes qui, jusque-là, n'avaient présenté aucune anomalie chez les Inuit.
Les cas dont je vous ai parlé se sont produits dans notre ville. À partir de 1968, il y a eu quatre ou cinq cas de cancer alors que dans les 20 années précédentes il n'y en avait eu qu'un ou deux, qui étaient d'ailleurs essentiellement liés au tabac.
C'est donc ma théorie, mais je n'ai pas de preuve. Auparavant, les seuls cas de cancer que nous avions étaient liés à la cigarette.
Un témoin: Le Dr Otto Schaefer et le Dr Jack Hildes de l'Université du Manitoba ont fait une étude. Ironie du sort, peu après avoir réalisé cette étude, Jack Hildes mourait d'une tumeur au cerveau. Cette étude s'intitulait The Changing Picture of Neoplastic Disease in the Western and Central Canadian Arctic.
Mme Kraft Sloan: Il serait peut-être utile de l'avoir dans les dossiers du Comité.
Vous avez constaté une augmentation du taux de cancer dans vos communautés aussi depuis la fin des années soixante?
M. Kusugak: Je me fie uniquement à leur rapport, et ils disent que oui. À part le cas des gens qui vivaient dans ...[Inaudible] ...qui respiraient la fumée dans un espace confiné. Ils disaient aussi dans cette étude que depuis l'installation des bases militaires, ils avaient constaté une évolution considérable des divers types de cancer.
Vous pourrez lire tout cela dans l'étude. C'est un vieux rapport maintenant, mais je pense qu'il vous apportera beaucoup de renseignements.
Mme Kraft Sloan: Merci.
M. Hicks: Historiquement, les Inuit ont un profil épidémiologique très différent de celui des non-Inuit, et ce profil évolue très vite. On a l'impression qu'on devrait pouvoir en tirer des conclusions, mais ces conclusions sont essentiellement théoriques. On peut prendre par exemple le niveau de radioactivité chez les Inuit de Keewatin lié aux retombées des essais d'armement. C'est dans la région de Keewatin qu'on a enregistré les degrés les plus élevés de radioactivité de la planète.
En théorie, nous savons ce que cela signifie, mais le nombre de personnes est tellement faible qu'on n'a pas vraiment de base d'étude si l'on veut étayer un litige avec une mine ou quelque chose comme cela. Les dossiers de santé dont on dispose sont évidemment ténus et ne remontent pas suffisamment loin en arrière pour permettre de disposer d'une base de données de qualité.
Mme Kraft Sloan: A-t-on constaté d'autres détériorations de la santé dans vos communautés?
M. Arreak: Peut-être pas tant chez les humains que chez les animaux. On voit de plus en plus d'animaux malades, qui ont des tumeurs du foie ou des choses de ce genre-là; on constate ces effets de produits toxiques chez les animaux qu'on chasse ou qu'on pêche. Souvent, on voit un phoque qui a l'air couvert de tumeurs cancéreuses ou malignes, et on n'a aucune envie de le toucher ou de le manger. On commence à voir des poissons, des caribous, des phoques et d'autres avec des maladies qui ont l'air tout à fait anormales.
En gros donc, je pense que ce sont surtout les chasseurs et les pêcheurs qui constatent ce genre de choses au niveau de la faune.
Mme Kraft Sloan: Est-ce que c'est plutôt chez les animaux marins que chez les animaux terrestres?
M. Arreak: C'est possible dans certaines régions où l'eau passe dans des zones bien particulières, mais on a aussi constaté des taux élevés de césium-137 dans le foie et les reins des caribous dans la région de Keewatin. On a montré que dans certains cas c'est un phénomène naturel, mais pas toujours.
Donc, il ne s'agit pas simplement des mammifères marins. Les produits chimiques qui affectent les animaux marins ne sont pas les mêmes que les produits chimiques qui se déversent sur les terres et qui affectent les caribous.
Mme Kraft Sloan: En regardant ici votre esquisse d'assemblée législative et d'organisation des divers ministères, je constate que le ministère du Développement durable est classé dans les fonctions de programme plutôt que dans les fonctions centrales.
D'après tout ce que vous dites, l'environnement a été extrêmement important pour vous. Vous avez un environnement fragile, menacé par toutes sortes de choses qui échappent à votre contrôle, un environnement que vous voulez protéger pour préserver votre santé et votre mode de vie traditionnel.
Pourriez-vous me parler un peu plus du ministère du Développement durable et m'expliquer pourquoi il est classé dans les fonctions de programme plutôt que dans les fonctions centrales?
M. Hicks: Les fonctions centrales sont dévolues aux ministères qui ne fournissent pas vraiment des services à la population, mais plutôt des services à d'autres secteurs du gouvernement et de l'administration des finances.
Nous sommes enthousiasmés par ce ministère du Développement durable. Nous essayons de grouper tout ce qui est productif, l'exploitation des ressources renouvelables et l'exploitation minière, parce que les gens ne sont pas contre l'exploitation minière, ils veulent simplement qu'elle se fasse correctement, ainsi que les activités de soutien du revenu et le contrôle environnemental. Certains contestent cette approche, mais dans l'ensemble les gens sont tout à fait favorables à une démarche holistique englobant tout le processus de production et en même temps ses répercussions sur l'environnement. C'est là qu'intervient la protection de l'environnement.
M. Lincoln: Tout d'abord, je vous félicite vraiment de vos mémoires, et aussi pour le mémoire de l'ITC qui était vraiment superbe. C'est l'un des meilleurs que nous ayons eus. J'espère que quand le Nunavut sera fonctionnel, votre nouveau ministère placera les normes environnementales très haut pour nous faire honte et nous obliger à vous imiter. Ce serait vraiment une excellente chose.
Je voulais vous poser quelques questions sur la LCPE à propos des divers mémoires et recommandations que vous nous avez soumis. Je vous donne tout cela en vrac et vous me donnerez votre réaction.
Pouvez-vous me dire officiellement - car nous sommes en train de rédiger notre rapport sur la LCPE - si je vous ai bien compris sur certaines questions importantes dans le contexte de cette loi? D'après vos mémoires, j'ai l'impression que pour vous, la LCPE devrait être l'instrument juridique primordial pour toutes les questions de toxicité. Si c'est bien le cas, est-ce que ça veut dire que dans votre esprit la LCPE devrait l'emporter même sur la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, qui régit actuellement l'Arctique comme vous le savez? C'est le domaine du MAINC. J'aimerais donc avoir cette précision.
Deuxièmement, vous recommandez qu'on cesse les déversements de déchets dans l'Arctique. Souhaitez-vous que nous présentions cela comme l'une de vos recommandations les plus fondamentales?
Troisièmement, la Stratégie pour l'environnement arctique doit expirer l'année prochaine. Vous dites qu'il faudrait la prolonger sous une forme ou une autre indépendamment du financement du Plan vert, etc. Je voulais m'assurer que vous souhaitez bien son maintien.
À propos de la LCPE, vous recommandez - ou l'ITC en tout cas - qu'au lieu d'une procédure d'évaluation des risques dans le cadre de laquelle on doit prouver l'exposition, on fasse une évaluation des dangers inhérents aux produits toxiques eux-mêmes. Je voulais m'assurer aussi de cela.
Enfin, vous faites une recommandation qui me semble vraiment nouvelle et intéressante, et je voulais savoir si vous souhaitiez qu'elle figure officiellement à notre compte rendu. Vous souhaitez que l'Arctique devienne une zone d'élimination de la contamination. Vous pourriez peut-être préciser cette idée. Vous voulez dire qu'à l'avenir on ne devrait plus introduire de produits toxiques dans l'Arctique sans votre autorisation explicite?
Il est question d'inclure un nouveau volet à la Partie IV de la LCPE. La Partie IV concerne la pollution aérienne internationale, et n'a jamais été utilisée, mais on pourrait y intégrer le transport des polluants organiques. On pourrait aussi peut-être intégrer dans cette Partie IV de la LCPE un volet consacré à la pollution des eaux internationales et à tous les travaux du Canada en matière de traité et autres. J'aimerais aussi avoir votre réaction sur ce point.
C'est une longue liste, mais c'est la seule chance que j'ai de vous poser mes questions.
M. Kusugak: Il n'est pas question d'essayer de répondre à toutes ces questions. Je me contenterai de vous dire: oui, oui, oui, non, oui.
Des voix: Oh, oh!
M. Lincoln: Dites-moi pour laquelle c'est non, comme ça je saurai pour lesquelles vous répondez oui.
M. Kusugak: Pour l'avant-dernier point, l'idée de faire du Nord une zone d'élimination de toute contanimation, la réponse était oui. Je pense que c'est un objectif parfaitement honorable.
Quand je regarde la télévision, je vois des pays européens comme le Danemark ou la Norvège - et ce ne sont pas de grands pays - qui fabriquent des réfrigérateurs sans fréon et sans ce genre de choses. Ils consacrent beaucoup d'argent à cela. Ce sont des pays qui font un gros effort d'efficacité en matière d'utilisation de l'énergie et de l'espace.
En ce moment, nous sommes justement en train... En fait, je devrais en ce moment même participer à une autre réunion avec notre conseil d'administration pour examiner le rapport de la commission de mise en oeuvre de Nunavut. Nous parlons d'infrastructure du nouveau gouvernement de Nunavut, nous parlons de contanimation, d'élimination et de traitement des rebuts. Est-ce qu'on brûle les ordures ou non? Est-ce qu'on utilise judicieusement l'énergie, est-ce qu'on gaspille de l'eau, etc.? Je pense donc que c'est un excellent objectif.
Souvent, à des réunions, je constate qu'on utilise des tasses en plastique qui ont une durée de vie de deux minutes si l'on boit assez vite et qu'on les jette ensuite. Je crois que nous montrons ici un excellent exemple avec ces verres et tous ces ustensiles réutilisables que nous utilisons.
Je suis heureux de mentionner ce genre de chose.
D'après votre question...
M. Lincoln: Pouvez-vous me dire avec lequel de ces points vous n'étiez pas d'accord pour que je le sache? Vous avez répondu non dans un cas.
M. Kusugak: C'était juste pour placer un non...
Des voix: Oh, oh!
M. Kusugak: ...parce que mon voisin a dit qu'il était un radical. Alors c'était à lui qu'était destiné ce non.
M. Hicks: Je me demandais aussi, parce que je voyais un oui pour tous ces points.
En gros, tout ce que nous avons dit tous les quatre se ramène à deux choses. D'une part, il faut que la loi et les gens qui s'en occupent prennent la réalité de l'environnement arctique telle qu'elle est. De loin, c'est peut-être très beau - enfin, aujourd'hui le temps n'est pas idéal, mais par beau temps c'est vraiment très beau - mais nous savons ce qui se dissimule derrière cette apparence, et c'est inquiétant.
Par conséquent, quand nous disons que nous avons certaines objections aux articles de la LCPE qui prévoient l'exclusion de certaines choses importantes, c'est parce que dans le passé nous avons eu déjà des exclusions de ce genre qui ont eu des retombées très négatives sur le Nord. Ces exclusions pourraient notamment servir - je ne dis pas que c'est prévu délibérément - à exempter d'examen les choses qui nous préoccupent justement le plus. Il ne s'agit donc pas de dire: LCPE uber alles; disons que c'est simplement une loi très utile mais avec quelques lacunes. Si nous pouvions combler ces lacunes, nos problèmes particuliers nous angoisseraient nettement moins.
M. O'Brien (London - Middlesex): Je voudrais moi aussi remercier nos interlocuteurs. J'ai trouvé leurs exposés très intéressants. Mes collègues ont déjà abordé plusieurs des points qui m'intéressent, mais j'aimerais en développer un ou deux.
À propos de contamination chez les animaux, de signes de cancer ou de malformations chez les animaux que vous chassez ou pêchez, les autorités canadiennes ou des Territoires du Nord-Ouest vous ont-elles officiellement dit de ne pas manger tel ou tel type d'animal pendant un certain temps? Vous a-t-on donné ce genre d'avertissements et dans l'affirmative, en quoi consistaient-ils?
M. Arreak: Je vais répondre à cela. On dit que certaines parties grasses des animaux, le blanc de baleine, le foie et certains autres organes sont dangereux pour la santé, que si l'on en mange une certaine quantité, ces aliments risquent de provoquer un cancer par exemple. Il s'agit principalement du blanc de baleine, du foie, du tissu adipeux des poissons, ainsi que de certaines autres parties des organismes où s'accumulent les contaminants.
Si vous regardez l'écosystème du Nord, vous constatez qu'il est en fait plus simple que ceux du Sud. L'écosystème est moins complexe. Cependant, bien qu'il n'y ait pas une aussi grande diversité d'organismes, leur population est beaucoup plus grande. Les patelles, par exemple, absorbent les contaminants et sont ensuite mangées par la morue, de sorte que les contaminants s'accumulent tout au long de la chaîne alimentaire. On sait depuis toujours que les ours polaires ne mangent pas le foie des animaux. Cependant, il faut faire attention à la quantité de lard qu'on mange, quel que soit l'animal consommé, parce qu'il est prouvé que la majorité des contaminants s'accumulent dans le tissu adipeux.
M. Kusugak: Je pense que Ben Kovic pourrait vous parler un peu de cette question, si vous le permettez.
Je tiens également à faire remarquer que l'une des questions qui nous causent le plus de difficultés est celle de savoir si les femmes devraient allaiter ou non leurs bébés, car on change constamment les recommandations à cet égard. Un jour une étude montre qu'il est mauvais d'allaiter, tandis que le lendemain on dit que c'est bon et le surlendemain on dit encore que c'est mauvais. Les Inuit ne tiennent pas compte de tous ces rapports parce qu'ils savent que les jours suivants on dira qu'après tout l'allaitement est une bonne chose.
M. O'Brien: Les femmes allaitent-elles leurs bébés?
M. Kusugak: Oui, elles le font.
Les résultats dépendent des auteurs de l'étude, ils diffèrent selon qu'il s'agit d'un groupe de pression pour l'industrie du tabac ou d'un autre groupe. Il faut savoir ce genre de choses.
Je voulais que Ben Kovic, président du Conseil de gestion de la faune de Nunavut, réponde à votre question.
M. Kovic: Lorsque vous avez posé cette question, j'ai ri intérieurement. Cela me fait penser aux fabricants de pneus qui prétendent que leurs pneus sont meilleurs que les autres, affirmant par exemple qu'ils fonctionnent sur l'eau.
On a souvent prévenu les Inuit et les autres dont l'alimentation principale est composée d'aliments locaux de faire cuire leur viande avant de la manger, parce qu'un médecin ou un scientifique a décelé une maladie ou un contaminant quelconque dans le morceau de viande qu'il examinait. Ensuite, un autre scientifique examine la même espèce deux ans plus tard et dit qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, que le danger n'est pas si grand.
C'est tellement déroutant pour des gens comme nous. Comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est notre alimentation quotidienne. J'ajouterai, comme Jose l'a fait, que nous oublions tous ces avertissements parce qu'ils diffèrent d'une année à l'autre. Personne ne veut vraiment prendre la peine de nous dire toute la vérité.
Certains d'entre vous êtes probablement des scientifiques et des médécins de profession. Vous avez vos propres opinions et vous voyez les choses comme bon vous semble, et vos opinions pourraient être meilleures que celles des autres.
M. O'Brien: Les avertissements qu'on vous a faits concernaient-ils principalement le poisson, le phoque, le caribou, ou tous ces types d'animaux?
M. Kovic: Ils concernent probablement toutes les espèces qui migrent vers le Nord et celles qui y demeurent en permanence. Nous avons reçu des avertissements au sujet de toutes les espèces.
M. O'Brien: Je pense que nous avons entendu un message clair au sujet des préoccupations des résidents du Grand Nord. Préconiseriez-vous l'adoption de normes plus sévères dans la LCPE pour cette partie du Canada? Je ne sais pas si ce serait pratique. Quelle est votre opinion à ce sujet? Pensez-vous que nous avons besoin de normes plus sévères pour le Nord?
M. Kovic: À quel propos?
M. O'Brien: Des normes concernant l'immersion de déchets en mer. À certains points de vue, l'Arctique est probablement plus fragile à cet égard. L'un de mes collègues a parlé de précaution. Devrait-on prendre de plus grandes précautions si loin au Nord qu'on ne le fait dans le Sud? Je ne sais pas. Je réagis simplement à ce que je vous ai entendu dire.
M. Kovic: Je crois qu'il est bien clair que lorsque quelque chose arrive, comme l'a dit M. Kusugak, il n'y a que deux personnes en cause: la personne qui est à l'origine du problème et la personne qui essaie d'enquêter. Lorsqu'il y a une catastrophe, il faudrait aussi demander au public ce qu'il pense de la catastrophe et des résultats ou des conclusions.
M. Kusugak: Je crois qu'on devrait exiger un ensemble de règles plus sévères pour la région. Même si on considère en général le Nord comme une terre gelée, résistante, ce n'est pas le cas. Il s'agit de l'un des environnements les plus fragiles. Même le lièvre arctique mange à deux reprises ses excréments pour essayer d'ingérer davantage de substances nutritives. Le lichen que le caribou mange pousse si lentement qu'il absorbe pratiquement tout ce qu'il y a dans l'air pour essayer de trouver des éléments nutritifs. Il y a de nombreuses plantes à la croissance lente et des choses que les animaux mangent à cause du froid, j'imagine. Le Nord est très fragile.
Je crois que si nous arrivions à intégrer les Inuit dans cette affaire, le monde entier s'intéresserait au Canada à cause de notre peuple. Lorsqu'on va à l'étranger, on nous pose des questions sur les Esquimaux. Les sculptures inuit sont très appréciées. Pendant les Jeux olympiques, on offre des sculptures aux champions. Je crois qu'il nous faut préserver le Nord ainsi que le droit du peuple qui l'habite de vivre sans craindre de voir disparaître sa nourriture habituelle, mais aussi parce que nous faisons partie de cet incroyable pays qui est le nôtre.
Mme Kraft Sloan a posé une question sur l'écosystème. Les Inuit estiment en faire partie. Lorsqu'on ne nous permet pas de chasser des animaux à fourrure, cela a un véritable effet sur l'écosystème en créant un déséquilibre. Les Inuit font partie de cet écosystème depuis des milliers d'années. Lorsque ceux qui défendent les animaux interrompent ce processus, un déséquilibre s'ensuit.
Il est donc vrai que c'est un environnement très fragile. Je vous remercie d'avoir posé cette question car c'est la réalité.
M. O'Brien: Monsieur le président, je terminerai par la remarque suivante. Je crois que mes collègues seront d'accord pour dire que les divers groupes d'autochtones que nous avons rencontrés nous ont parlé à plusieurs reprises de ce déséquilibre et du fait que la population est intimement liée à l'environnement. C'est une chose qu'on ne nous a pas suffisamment apprise dans ma région.
M. Finlay (Oxford): Ma question sera très brève. Je dois dire que je suis heureux d'entendre ce que l'on dit sur le Canada et la fragilité de l'Arctique... mais les autres pays de l'Arctique, tels que l'Alaska, la Finlande, la Scandinavie, la Russie, le Spitzberg, l'Islande et le Groenland, connaissent-ils les mêmes problèmes que vous en ce qui concerne l'accumulation durable des substances toxiques non seulement dans l'environnement, mais également dans les organismes animaux et humains? L'étude sur le lait maternel avait été menée pour trouver une population très pure et on a constaté au contraire une contamination dépassant tout ce que l'on pouvait imaginer de plus fou. D'autres études permettent-elles de savoir si les autres pays connaissent la même dégradation de l'environnement et la même accumulation de substances toxiques?
M. Kusugak: Personnellement, je n'ai pas d'autres études à vous montrer, mais je peux vous assurer, d'après les discussions que nous avons eues avec nos amis russes - certains viennent nous rendre visite pour discuter de nos problèmes communs - sachant que leur législation en matière environnementale est à peu près inexistante, et d'après ce qu'ils disent, je peux vous garantir qu'ils ont énormément de problèmes. Cela n'enlève rien au travail que nous faisons ici. Même si nous avons déjà beaucoup travaillé ensemble dans le domaine environnemental, il nous faut continuer; mais je crois que certains pays connaissent une situation bien pire que la nôtre.
J'ai accompagné le ministre la semaine dernière en Norvège. On a entendu parler de la contamination des rennes à la suite de Tchernobyl et des indemnités qu'il faut verser aux éleveurs de rennes. On a ainsi pu constater que d'autres régions du monde sont aussi durement touchées que nous.
M. Arreak: Je n'ai pas fait personnellement d'études, mais je me suis intéressé à la question et je sais que d'autres pays ont les mêmes problèmes que nous. Mais l'ennui, c'est que dans notre cas, les courants atmosphériques et maritimes conspirent contre le Canada. Les courants atmosphériques et maritimes ont tendance à rester plus longtemps dans l'Arctique canadien que dans les autres régions arctiques. C'est l'une des principales raisons qui font que le Nord canadien est beaucoup plus touché que les autres secteurs.
En étudiant les déplacements des courants atmosphériques, on a trouvé dans le Keewatin du pollen et des poussières qui ont été emportés par le vent de la côte désertique de Chine. Cette région se trouve à 2 000 milles. Pour les courants maritimes, le problème vient de ce que toute la pollution remonte le long du Groenland, ou par le Détroit de Béring, pour se déplacer lentement autour de l'océan Arctique.
Quelles que soient les normes que nous avons fixées, ce que l'on a fait il y a dix ans ou les produits chimiques toxiques que l'on a immergés il y a dix ans, vont finir par aboutir chez nous.
Je jugeais important de le souligner.
M. Hicks: Il existe une abondante documentation constituée d'études de cas et d'études comparatives du monde circumpolaire. Il existe une Union pour la santé des populations circumpolaires. Elle publie un magazine intitulé Arctic Medical Research, et quelques-uns des meilleurs chercheurs du monde y collaborent au nom du gouvernement fédéral. Je suis sûr que l'ITC pourrait vous donner une très bonne bibliographie si vous le souhaitez.
Le président: Nous devrions mettre un terme à notre réunion maintenant car nous devons reprendre à 19 heures. Mais nous pouvons tout de même permettre une brève question à tous ceux qui souhaitent avoir un deuxième tour.
Madame Kraft Sloan, vous avez une question.
Mme Kraft Sloan: On a parlé à quelques reprises de l'exploitation minière. Pouvez-vous me dire en quoi les opérations minières changent dans l'Arctique? Que pourrions-nous prévoir dans la LCPE pour corriger certains problèmes environnementaux que pourrait présenter pour vous l'exploitation minière?
M. Kusugak: Depuis mon enfance, les choses ont certainement changé. Lorsque j'avais 10 ans, nous sommes allés de Repulse Bay à Rankin Inlet et on ne nous a absolument rien dit de ce que l'exploitation minière faisait à Rankin. Ce n'est que bien des années après la fermeture de la mine qu'on a commencé à voir qu'il y avait des contaminants à Rankin Inlet, que les plantes ne pousseraient plus, etc. On nous permettait de faire de la bicyclette sur ce terrain parce que rien n'y poussait; on aurait dit du béton. Lorsque nous étions enfants, nous jouions dans cette poussière et tout le reste. On est enfin en train de nettoyer le terrain et d'enterrer tout ce secteur.
À l'heure actuelle, grâce à la Commission d'examen des répercussions du Nunavut et à d'autres initiatives du même genre et à nos accords relatifs à l'aménagement du territoire, notamment, nous commençons à avoir de bonnes relations avec les compagnies minières. Nous savons qu'elles viennent pour faire de l'argent. Nous tenons à ce qu'elles viennent à cause des emplois qu'elles représentent, etc. En ce qui concerne l'environnement, si ce qu'elles font nous satisfait et qu'elles sont satisfaites de ce qu'elles font et nettoient, tout devient plus facile.
Bien sûr, les gens craignent encore qu'elles ne disent pas la vérité à cause des précédents historiques, mais je crois qu'au sein de nos organisations, nous faisons le travail qui nous revient pour faire en sorte que des ententes existent entre les deux parties. Les choses commencent donc à se mettre en place.
M. Hicks: J'aimerais ajouter une phrase concernant précisément l'exploitation minière. Maintenant que la guerre froide est terminée, peut-être pouvons-nous tous commencer à mesurer les répercussions réelles sur la santé de la décharge de combustibles nucléaires pour les autochtones de l'Arctique et partout ailleurs. Brisons le sceau du secret et occupons-nous sérieusement de la question de façon scientifique, comme nous le faisons pour les autres polluants.
M. Lincoln: Je voulais signaler à M. Kusugak pour commencer qu'il devrait peut-être envoyer au ministre, M. Irwin, la lettre qu'il a écrite à M. Johnson. Si vous commencez par le sommet, peut-être que cela aura un effet.
Je crois que cela est indiqué dans le mémoire de l'ITC, à savoir que les radionucléides - et je crois que vous y avez fait allusion - devraient, selon vous, être réglementés par la LCPE. À l'heure actuelle, les radionucléides sont réglementés par la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, et les niveaux sont en fait inférieurs aux normes exigées dans le cadre de la LCPE pour les matières non nucléaires.
Pourriez-vous nous dire brièvement quel genre de recommandations vous souhaiteriez voir dans la LCPE en ce qui concerne les radionucléides et les matières nucléaires? L'un de vous en a parlé, mais je ne sais plus qui.
M. Arreak: En participant à des ateliers sur les contaminants, nous avons obtenu des vidéocassettes et autres matériaux. L'île dont je parlais en particulier était celle de Novaïa Zemlia en Russie. Il y a à peu près 13 substances radioactives qui s'y trouvent. Il a été prouvé qu'on a largué des tonnes de matières radioactives coulées dans du béton là où l'océan est profond. Les Américains ont fait un rapport selon lequel ils estiment qu'il y a des fuites depuis longtemps. Mais quoi qu'on fasse, ces matières vont se retrouver dans le sud de l'Arctique, car malheureusement, elles suivent les courants.
Jack Hicks et moi-même préférerions tous deux que les radionucléides fassent partie de la liste, mais c'est assez nouveau et il va malheureusement nous falloir envisager le long terme.
M. Hicks: Je risque de laisser entendre que le NCI a une position sur les radionucléides, ce qui n'est pas le cas, mais je crois que le mémoire de l'ITC a très bien traité de la question. Cette question a une longue histoire dans l'Arctique et ce n'est sans doute pas terminé. Plutôt que de laisser entendre que le NIC a pris position sur la question, je devrais simplement vous renvoyer à la façon dont l'ITC a abordé la question. Elle représente assez bien l'attitude des organisation inuit qui est le résultat d'une consultation communautaire, régionale et nationale. La position de la CCI est conforme à cette attitude.
M. O'Brien: Monsieur Kovic, vous avez parlé de la complexité de la LCPE. Il est vrai que c'est un gros document. Pensez-vous que l'on puisse envisager une LCPE de poche, un petit document qui puisse être largement distribué à la population et dans lequel on soulignerait les éléments importants de la LCPE et on expliquerait de quoi il retourne dans cette loi? Je n'ai pas l'impression que 99 p. 100 de la population canadienne connaît la LCPE. Pensez-vous qu'une version simplifiée, largement distribuée, soit envisageable si on en manifeste l'intérêt?
M. Kovic: La simplifier en reprenant tout ce qui concerne les territoires.
M. O'Brien: Une LCPE ciblée.
M. Kovic: Oui.
En fait, cette loi me rappelle un peu celle qui concerne le contrôle des armes à feu et qui est vraiment difficile à comprendre.
Pour qu'elle ait une certaine efficacité, on doit nous former et nous expliquer en quoi consiste cette loi. Pour ce qui est des procédures, si quelque chose se produisait ici à Iqaluit en ce moment précis, comme je l'ai déjà dit dans les remarques, si on échappait une caisse de lemmings sur le sol, ce serait le sauve-qui-peut général. Qui prendrait les choses en main en cas de catastrophe? C'est la première question.
Si vous alliez la poser dans les bureaux du MAINC aujourd'hui même, on ne vous donnerait sans doute pas de réponse. Si vous alliez la poser dans les bureaux du MPO aujourd'hui même, on ne vous donnerait sans doute pas de réponse. Comme je l'ai déjà dit, tout le monde se renvoie la balle.
M. O'Brien: Vous parlez d'un plan d'intervention d'urgence, ce qui m'est chose familière.
M. Kovic: Oui. Il faudrait simplifier la loi pour que le Canadien moyen puisse aller chercher une brochure un peu partout, sans doute dans les bureaux de poste, dans laquelle on lui expliquerait que cela fait partie de la loi et que si on se demande ce qu'il faut faire, on peut appeler tel numéro pour le savoir.
M. O'Brien: Je vois. Merci.
Le président: À votre avis, les règlements existant en matière de législation minière sont-ils suffisants pour protéger l'environnement arctique?
M. Kusugak: Je ne connais pas suffisamment la législation minière. Nous avons un service qui s'en occupe actuellement. Vous verrez vendredi à Cambridge Bay un représentant de ce service. Je ne suis qu'un politicien qui connaît un petit peu de tout, mais qui ne pourrait pas vous dire si c'est suffisamment efficace.
M. Arreak: J'étais au nombre des négociateurs et j'ai oeuvré avec l'industrie minière et le groupe de travail de l'industrie minière inuit. Nous avons étudié certains aspects de la législation. Certains éléments étaient mal adaptés puisqu'ils concernaient les mines du Sud, mais une bonne partie des exigences sont respectées grâce à l'arrivée de nouvelles techniques d'ingénierie qui font en sorte que l'industrie minière fait encore le nécessaire pour veiller à ce que l'environnement ne soit pas dégradé au point de l'exposer à des pénalités.
Certains articles de la législation minière pourraient être rectifiés, mais là encore, cela doit se faire en bonne et due forme. Pour ce qui est des mines qui sont effectivement exploitées dans le Nord, elles sont parmi les plus sûres et les plus inoffensives sur le plan de l'environnement.
Au cours de la première année... Malheureusement on a utilisé la roche stérile pour paver la route, et il s'avère que cette roche contient du plomb, ce qui pourrait être dangereux pour les enfants. L'industrie minière a rencontré des problèmes. Je pense donc qu'il s'agit davantage de coexister et de cogérer les ressources dans cette région du Nunavut de façon à compenser les lacunes de la législation minière.
M. Kovic: J'aimerais faire un dernier commentaire qui ne se rapporte pas autant à la législation minière.
Lorsqu'on reçoit une demande de prospection minière, en tant que Conseil consultatif de gestion de la faune de Nunavut, ai-je mon mot à dire... sur les répercussions de cette demande sur l'habitat, l'environnement, les sanctuaires? Ai-je mon mot à dire?
Pour l'instant, je ne connais pas le processus. Si le MAINC donne son autorisation, si l'exploitation ou la prospection minière commence, pour l'instant je n'ai rien à dire tant que je n'ai pas vu les organigrammes. À quel moment puis-je dire cela?
C'est ce qui m'inquiète. Même la Commission d'examen des répercussions du Nunavut a sans doute son mot à dire à ce stade du processus. Mon Conseil peut-il dire son mot? Je dois le savoir.
Le président: Messieurs Kovic, Arreak, Kusugak et Hicks, nous vous remercions infiniment de nous avoir fait part de vos idées, de vos conseils et de vos expériences. Nous serons très heureux de discuter avec chacun d'entre vous au cours de cette semaine de voyage dans l'Arctique. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie sincèrement.
M. Kusugak: Monsieur le président, je tiens aussi à vous remercier au nom de notre groupe. Je veux aussi m'assurer que lorsque vous commanderez vos repas, vous n'aurez pas peur de demander du caribou et du poisson. Je puis vous garantir qu'ils ne sont pas phosphorescents.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci.