[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 mai 1995
[Traduction]
Le président: Bonjour à tous.
[Difficulté technique - Éditeur]... la fierté de tout architecte du domaine législatif, il me semblerait. Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas encore vu la Chambre, n'hésitez pas à prendre quelques instants pour la contempler. Le cadre est très impressionnant.
Nous avons un programme assez chargé ce matin, et pour pouvoir entendre tout le monde, nous avons pensé que la meilleure méthode consisterait à accorder 45 minutes à chaque groupe pour présenter son exposé, après quoi il y aura une brève période de questions.
Pour commencer, nous allons entendre le grand chef Gerry Antoine de la Première nation Deh Cho qui représente la Nation dénée. Il est accompagné de Fred Sangris du Yellowknife Land Environment Committee, et de Michel Paper et Isadore Tsetta, qui sont des anciens.
Grand chef Gerry Antoine, soyez le bienvenu. Nous sommes très heureux d'avoir cette occasion de vous entendre. Vous avez la parole; encore une fois, soyez le bienvenu.
Le grand chef Gerry Antoine (Première nation de Deh Cho): Je remercie le comité permanent d'être venu dans notre région. C'est la bonne saison pour cela car nous sommes au printemps et les choses commencent à changer. Je crois que votre présence ici marque un nouveau départ.
Je crois que la Loi sur la protection de l'environnement a été adoptée il y a une huitaine d'année. Je n'ai pas participé aux travaux au début, mais je suis heureux que vous m'ayez invité.
Je m'appelle Gerald Antoine et je suis le grand chef de Deh Cho. Je représente ici M. Bill Erasmus, qui est le chef national de la Nation dénée.
Ce que j'ai l'intention d'expliquer ici, c'est la perspective dénée. Je dirai pour commencer que chacun a sa vision personnelle du monde. Dans cette partie du monde, dans le monde déné, ce sont les terres et l'environnement qui constituent ce monde.
Notre vision de la terre joue un rôle très important dans notre mode de vie. Si vous considérez le monde entier, les gens ont des modes de vie divers. Pour les Dénés, il est très important que l'environnement soit sain et non pollué, pas seulement pour eux-mêmes mais aussi pour les générations futures.
Le bassin du Mackenzie fait partie de cette région. Je n'ai pas ici de carte pour vous aider à vous représenter la taille de ce bassin, mais il englobe les zones des traités 8 et 11.
Lorsque les négociateurs des traités sont venus dans la région, c'était dans l'intention de conclure une entente avec les Premières nations. Lorsque les représentants de celles-ci décrivaient leur région à propos des zones 8 et 11, elles n'avaient pas de carte pour montrer aux négociateurs combien elle était vaste, ni quelles zones ils occupaient. Mais dans leur exposé oral et parce qu'ils vivaient sur ces terres, ils ont décrit la partie supérieure du bassin du Mackenzie dans le traité 8. Lorsque les négociateurs sont venus dans la région en 1921, les habitants ont également décrit la partie inférieure du bassin du Mackenzie. Donc, si vous regroupez ces deux zones de traité, elles englobent l'ensemble du bassin de ce fleuve. La vie des habitants est fondée sur l'utilisation des terres et des ressources de cette région. Je tenais à vous expliquer cela, car c'est ainsi que nous voyons ces terres et c'est pourquoi elles sont si importantes pour nous.
Je tenais également à expliquer au Comité que les Dénés ont été guidés par les principes permettant de préserver l'environnement pour nos générations futures.
La Nation dénée comprend deux membres, la Première nation de Deh Cho et les Dénés couverts par le traité 8. Tous deux ont des déclarations similaires à faire et je les présenterai moi-même. Selon la déclaration des droits de la Première nation Deh Cho, ses membres vivent sur leur terre ancestrale conformément à leurs propres lois et régime de gouvernement, et cela de temps immémorial. Ces terres sont constituées par les eaux et les territoires ancestraux des Dénés Deh Cho. Nous avons été placés par le créateur comme gardiens de nos eaux et de nos terres. Voilà un des points de la déclaration.
Dans leur déclaration, les Dénés couverts par le traité 8 déclarent que, de temps immémorial, ils ont vécu selon leurs coutumes sur leurs terres. Au cours de cette occupation de notre territoire, nous, les Dénés avons élaboré et conservé des libertés, des langues et des conditions culturelles et spirituelles qui nous permettent de vivre en harmonie avec la nature. Voilà les points que les deux organisations utilisent dans l'énoncé de leur mandat pour récupérer leur territoire.
Vous entendrez probablement aussi aujourd'hui des représentants d'autres Dénés qui vivent en aval de la Première nation de Deh Cho et de la zone de Traité 8. Je crois qu'ils vont vous parler de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Je ne saurais trop insister sur le fait que les principes auxquels adhèrent les Dénés existent depuis toujours et ont la primauté sur les lois d'autres ordres du gouvernement, telles que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Au cours des 20 dernières années, il est clairement apparu que notre environnement était menacé; l'existence des Dénés est donc elle-même menacée. Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, la vision de la terre qu'ont les Dénés et leur rapport avec celle-ci sont essentiels à leur mode de vie. Tout ce qui menace cet environnement est aussi une menace pour ce mode de vie.
La raison principale de cette menace est l'introduction de substances toxiques dans notre écosystème. La plupart de ces toxines viennent d'autres parties du monde et ont été transportées par l'air et par l'eau jusque dans le Nord. Beaucoup d'entre elles sont liposolubles, ce qui est particulièrement dangereux pour nous à cause du contenu en graisse élevé de notre chaîne alimentaire. Je crois qu'un groupe de Montréal effectue actuellement une étude sur les Dénés et sur leur alimentation.
Les habitants du Nord, en particulier ceux qui conservent leur mode de vie traditionnel, sont les ultimes victimes de l'activité industrielle et de l'utilisation incontrôlée de produits chimiques synthétiques. Selon une des prophéties Dénés, tout ce qui se produit n'est pas l'oeuvre du Créateur mais de l'homme. Il faut que celui-ci soit tenu responsable de ses actes.
Nous sommes favorables à tous les textes de loi qui peuvent nous aider à surveiller et à protéger notre environmement, ce qui est le cas de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous avons quelques suggestions précises à faire au comité au sujet de la LPCE et de sa mise en oeuvre.
La définition des substances toxiques donnée à l'article 11 doit être revue. Actuellement les trois critères sont les suivants: Une substance doit être émise par le Canada, ses effets sur la santé doivent être prouvés et l'exposition à la toxine doit l'être aussi. À notre avis, les propriétés inhérentes à un produit chimique, en particulier sa toxicité, sont suffisantes pour qu'il puisse être considéré comme une toxine. Il sera peut-être trop tard pour renverser la tendance s'il est absolument obligatoire de prouver qu'il y a eu exposition à la substance.
Selon les prophéties des Dénés, des gens arriveront un jour, porteurs de maladies. Je ne veux offenser personne, mais la langue Dénés est très descriptive. Croyez-moi si vous voulez, elle ne contient aucun juron. Selon ces prophéties, des gens devaient venir un jour, porteurs de diverses maladies. J'ai appris hier, par les nouvelles télévisées, qu'un nouveau virus a été découvert. Cela montre qu'il y a des choses que l'homme ne peut pas contrôler. Mais il y a aussi des choses que l'homme peut contrôler, en particulier lors de l'élaboration de divers produits chimiques. Il y a plusieurs tentatives de contrôle de ce type de choses. C'est un des objectifs de la LCPE.
La définition contenue dans la LCPE devrait également englober les émissions d'autres pays. Bien que le Canada ne puisse pas les réglementer, elles devraient être surveillées. C'est important pour les habitants du Nord. Cela nous permettrait de disposer d'informations exactes que nous pourrions utiliser lors des négociations internationales, ce qui renforcerait notre position.
En vertu de la LCPE, le Canada peut continuer à produire des substances qui figurent sur la liste des substances interdites ou restreintes et les exporter dans d'autres pays. C'est ainsi qu'il produit et exporte une substance qui s'appelle Lindane. Le Canada doit mettre fin à cela. Il nous est difficile d'exiger qu'on prenne des mesures à l'échelon international alors que nous sommes nous-mêmes coupables de telles pratiques.
Dans notre région, nous craignons tout particulièrement deux substances: l'arsenic et l'anhydride sulphureux. À une certaine époque, le Canada était sur le point de fixer une norme pour l'arsenic en vertu de la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique. Au milieu des années 1970, la société Giant Mine a réussi à convaincre le gouvernement que ce n'était pas nécessaire. Dans l'état actuel des choses, il nous est impossible de nous assurer que les niveaux d'arsenic se maintiendront et que l'on ne reverra pas le niveau des années 1980 ou 1970.
Point plus important, on a estimé que la quantité d'arsenic atmosphérique à Yellowknife était 15 fois supérieure à celle des villes industrialisées du sud. Cela inquiète beaucoup les Dénés de Yellowknife, car l'arsenic est un agent cancérigène confirmé. Il fait actuellement l'objet d'un examen dans le cadre de la LCPE, et nous encourageons vivement le gouvernement à l'inscrire rapidement sur sa liste des produits d'intérêt prioritaire.
En ce qui concerne l'anhydride sulphureux, les contrôles effectués à Yellowknife ont montré qu'à plusieurs reprises les niveaux atteints étaients supérieurs au maximum horaire acceptable selon par la loi. À de tels niveaux, si les effets sur le système respiratoire sont peu marqués et réversibles, ils sont ressentis par les personnes à l'organisme sensible tels que les asthmatiques. Je précise que la station de surveillance se trouve dans le centre-ville de Yellowknife. Il est donc permis de penser que ceux qui vivent plus près de la source, c'est-à-dire la société Giant Mine, sont beaucoup plus touchés. Les personnes qui m'accompagnent viennent de N'dilo, qui se trouve à mi-chemin entre la mine et la ville. Les habitants Dénés courent donc des risques plus élevés que les autres. À notre avis, les lignes directrices concernant la qualité de l'air ne sont pas suffisamment rigoureuses dans le cas de l'hanhydride sulphureux. Je recommande donc que la LCPE prévoie la réglementation des niveaux d'émissions effectifs.
Nous voudrions également parler de l'effet que la LCPE a sur la mise en oeuvre des autres programmes dans le Nord. On a dépensé des millions de dollars pour éliminer dans les Territoires du Nord-Ouest, la pollution, due à des infractions aux dispositions de la LCPE. Cet argent a été fourni par le programme d'actions pour dégâts de la stratégie fédérale sur l'environnement arctique.
Cette année, plus de la moitié du budget de ce programme sera dépensée à cause d'infractions à la LCPE. Nous allons consacrer deux millions de dollars cette année au nettoyage de la base militaire des États-Unis à Iqaluit. Les Canadiens, en particulier les habitants du Nord, ne devraient pas être obligés de payer l'élimination des déchets militaires américains. En vertu de la LCPE, des poursuites devraient être intentées contre les États-Unis pour recouvrer ces coûts. De toute façon, si les Etats-Unis remboursent le Canada, le trésor que récupèrera l'argent et non pas les habitants du Nord et le Programme d'actions pour dégâts de la Stratégie sur l'environnement arctique.
Je voudrais également parler de la protection de l'environnement et de son financement. De nombreux facteurs extérieurs empêchent les Premières Nations de protéger et de préserver leur environnement. Dans le cas des Dénés, il s'agit notamment de l'industrie pétrolière et gazière, et de l'exploration et de l'exploitation des minéraux.
Nous avons besoin d'argent pour faire face à ces problèmes et aux grandes sociétés qui convoitent notre terre. Le gouvernement du Canada est fiduciairement responsable de nous garantir un environnement sain.
Les organisations autochtones sont très fortement mises à contribution par les initiatives d'Environnement Canada. Par exemple, ces derniers mois, on a demandé à la nation Dénée d'examiner la liste des substances toxiques de la LCPE, les espèces menacées d'extinction, les problèmes atmosphériques, le changement climatique, la prévention de la pollution, les oiseaux migrateurs, et le rapport sur l'état de l'environnement, ou de participer à des conférences portant sur ces questions. Les personnes qui s'occupent de l'environnement chez nous consacrent environ un tiers de leur temps à ces initiatives. Pourtant, leur seule source d'aide financière est la Stratégie sur l'environnement arctique du MAINC.
Certes, Environnement Canada fournit des billets d'avion et un logement aux Dénés afin qu'ils puissent participer aux réunions, mais ce n'est pas suffisant. Il faudra également qu'Environnement Canada nous apporte une aide financière afin de nous permettre de développer notre capacité de faire face aux problèmes qui vous intéressent.
En résumé, voici nos recommandations: redéfinir le terme «toxine»; arrêter la production et l'exportation de substances interdites par le Canada; élaborer une norme pour l'arsenic; élaborer des règlements concernant les émissions d'anhydride sulfureux; trouver des fonds autres que ceux que fournit Action pour dégâts pour la dépollution, en particulier celle des emplacements militaires américains; obliger Environnement Canada à apporter un soutien approprié aux organisations autochtones.
Nous sommes confortés par le fait que la définition de l'environnement contenue dans la LCPE est très semblable à la version holistique que connaissent les Dénés. Quand j'explique ce qu'est la terre et ce que sont nos liens avec elle, il est facile de voir qu'elle a une grande importance spirituelle pour les Dénés. Pour nous, elle ne représente pas seulement la terre elle-même mais les liens qui existent entre elle et les diverses facettes de notre mode de vie. Je constate que votre définition de l'environnement est très proche de notre version holistique.
Nous tenons à ajouter que la LCPE doit reconnaître l'existence du mode de vie autochtone et l'encourager. Pour cela, il faudrait associer les autochtones au processus de prise de décision et d'établissement des priorités.
Nous souhaiterions que la LCPE réponde mieux aux préoccupations des Canadiens. En ce moment, on a l'impression qu'elle favorise l'industrie aux dépens de la population. Dans le Nord, nous avons l'avantage de voir ce qui s'est produit dans les zones industrielles du Sud et nous voudrions pouvoir éviter de refaire les mêmes erreurs.
Je voudrais conclure par cette réflexion. Notre objectif commun est de léguer un environnement sain à nos enfants et à nos petits-enfants. Commençons donc à travailler de concert.
Une dernière remarque à propos de l'environnement. Elle est particulièrement destinée aux gens de Pêches et Océans.
J'ai parlé à des pêcheurs de l'autre côté du lac à Hay River et je leur ai dit que j'allais faire un exposé au sujet de l'environnement. Ce qui les préoccupe c'est que 2,5 p. 100 de l'eau est constitué par l'eau des icebergs et les rivières souterraines, 97,5 p. 100 par de l'eau de mer, et 0,05 p. 100 par l'eau douce des lacs et des rivières.
Dans la pêche actuelle, environ 8 millions de livres de poisson sont rejetés chaque année dans le Grand lac des Esclaves. J'ai ici une note écrite par un de ces pêcheurs et j'évoque donc ce point car il a trait à l'environnement.
Selon ce pêcheur, un déséquilibre des espèces de poissons pourrait contribuer à la détérioration de la qualité de l'eau dans certaines parties du lac. La destruction massive des ressources halieutiques contribue indiscutablement au taux élevé de chômage dans l'industrie de la pêche, ce à quoi il faut ajouter le déficit, les salaires insuffisants des pêcheurs et de leurs aides, sans même parler des conditions de vie inadéquates des pêcheurs eux-mêmes à cause de la faiblesse des prix et de la quantité énorme des rejets.
Il précise que le Mackenzie et la rivière de la Paix constituent l'un des principaux bassins hydrographiques d'Amérique du Nord et il fait remarquer que ces deux cours d'eau se déversent dans le Grand lac des Esclaves.
Il y a donc au moins 8 millions de livres de déchets de poisson rejetés dans ce lac: 2,2 millions de livres de corégone, de 1 à 1,5 million de livres de lotte de rivière, l à 2 millions de livres de carpe noire et environ 3 millions de livres de poisson, de viscères et d'un tas d'autres choses qu'ils rejettent à l'eau.
Ce qu'il veut ainsi montrer, c'est qu'il y a beaucoup de déchets et qu'on devrait pouvoir mieux utiliser ces quelque 8 millions de livres rejetées par les pêcheurs dans le Grand lac des Esclaves.
Dans mon dernier exposé j'ai parlé de l'industrie et de son effet sur l'environnement. Il s'agit ici d'un autre secteur industriel, celui de la pêche, et de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce. Je tenais, pour conclure, à vous signaler les graves préoccupations des pêcheurs du Grand lac des Esclaves.
Le président: Merci beaucoup, chef Antoine. Je vous félicite d'avoir présenté un exposé très intéressant et d'avoir développé vos cinq points avec autant de clarté et de concision. Je vous remercie également de nous avoir fait part des observations faites par vos voisins au sujet de ces8 millions de déchêts de poisson. C'est un point très intéressant qui mérite indiscutablement un examen.
Certains de mes collègues voudraient vous poser des questions. Malheureusement, je suis obligé de leur demander de n'en poser qu'une chacun.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): Bonjour, grand chef Antoine. J'aimerais simplement avoir un peu plus de détails sur l'immersion des déchets de poisson dans les lacs. Vous en avez parlé, mais j'aimerais avoir un peu plus de détails parce que c'est une des premières fois qu'on en entend parler par les autochtones dans nos comités. On aimerait avoir un peu plus d'information à ce sujet afin de savoir ce qu'on peut faire.
[Traduction]
Le grand chef Antoine: J'ai parlé à certains des pêcheurs de Hay River que cela préoccupait. Ils ont assisté à la réunion des premières nations de Campbell River qui a eu lieu cette année. C'est mon interlocuteur de Hay River qui m'a fourni ces informations. Malheureusement, je ne les ai pas toutes avec moi aujourd'hui, mais le Bureau de la Nation denée pourra certainement vous fournir celles dont vous avez besoin.
Je soulève cette question parce qu'un des principes observés par les Dénés est que l'on ne doit prendre que ce dont on a besoin. Dans le cas de l'industrie halieutique, elle capture plus de poissons qu'elle n'en a besoin. Lorsque 8 million de livres de poisson sont rejetés dans la rivière, ce n'est certainement pas un exemple de développement durable; c'est gaspiller une ressource précieuse.
Les personnes qui m'accompagnent prendront contact avec les pêcheurs de Hay River pour obtenir réponse à votre question.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, grand chef Antoine. Je voulais simplement revenir à ce que vous avez dit à propos de cette impression que la loi favorise l'industrie au dépend de la population. Une des questions que ce comité étudie, et sur laquelle nous avons obtenu beaucoup de témoignages, est celle du principe de prudence.
Nous envisageons de recommander qu'on modifie la LCPE de manière à ce qu'à l'avenir, pour qu'on soit autorisé à utiliser une substance, il faille prouver qu'elle est sans danger, alors qu'avec le système actuel, c'est exactement l'inverse qui se passe. Pour qu'une substance soit interdite, il faut prouver qu'elle est dangereuse. Pensez-vous que cela permettrait d'apaiser votre crainte que la loi ne favorise l'industrie aux dépens de la population?
Le grand chef Antoine: Nous avons vu les bienfaits des mesures prises dans le sud du Canada, en particulier autour des Grands Lacs et du Lac Winnipeg.
Ici, certaines industries déversent une partie de leurs produits chimiques dans le lac. Prenez le réseau hydrographique de la rivière des Esclaves; prenez le cas de la rivière de la Paix et de Hinton. Je crois qu'il y a là une mine à ciel ouvert qui déverse également ses déchets dans l'eau.
Le barrage de Bennett a également perturbé le réseau hydrographique. Les usines de pâte à papier qui le jalonnent y déversent déjà certaines substances. Il est prouvé que celles-ci sont dangereuses pour la santé, mais cela ne les empêche pas de continuer à le faire.
Il y a aussi les exploitations aurifères telles que celles de la société Giant Yellowknife Mines Limited. Si vous vous promenez dans la région, vous pourrez constater que leur bassin de décantation, qui est énorme, s'écoule également dans l'eau. À cause des niveaux d'arsenic, on a été sur le point de cesser de l'utiliser en 1970, mais des pressions ont été exercées par l'industrie et on n'a rien changé. Nous avons dû accepter la situation. Le passé est plein de leçons pour nous.
J'ai dit qu'on avait l'impression que la loi favorise l'industrie aux dépens de la population, et je crois que c'est vrai. Il faut maintenant nous assurer que la loi protège les gens, car peu importe ce que nous utilisons, ce sont eux qui sont touchés, et ce, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. Je crois qu'il faut nous assurer qu'il existe une garantie qui les protège.
M. Gilmour (Comox - Alberni): Je vous remercie pour votre excellent exposé. Votre remarque au sujet des polluants venant d'autres pays qui affectent l'atmosphère et l'eau est tout à fait pertinente. C'est là un problème qu'il faut manifestement régler, que ce soit par le biais de la LCPE ou celui d'accords internationaux.
Ce voyage dans l'Arctique nous a dessillé les yeux car nous avons pu constater combien cette région était fragile et vulnérable à ces polluants originaires d'autres pays. Votre remarque est donc tout à fait valable. Des traités internationaux seront probablement nécessaires. À mon avis, nous nous sommes montrés particulièrement négligents dans ce domaine jusqu'à présent. Merci d'avoir attiré notre attention là-dessus.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Va-t-il y avoir une seconde série de questions? Les mines de diamant m'inspirent aussi des inquiétudes et je vous serais reconnaissante d'en parler en réponse aux autres questions que je vais vous poser.
Revenons à l'arsenic. Pouvez-vous me dire s'il y a eu des études épidémiologiques sur son effet sur la santé. Quelles preuves avez-vous pu réunir à ce sujet? Avez-vous attiré l'attention des autorités fédérales? Quelle est la source de l'arsenic?
Le grand chef Antoine: J'ai ici, avec moi, une dame qui travaille au Service de l'environnement de la Nation dénée. Elle pourrait probablement répondre à cette question. Elle s'appelle Carole Mills.
Mme Carole Mills (gestionnaire des questions environnementales, Nation dénée): À notre connaissance, deux ou trois études ont déjà été faites. Je n'ai aucun document avec moi, mais nous pourrions vous en fournir. L'arsenic est cancérigène. Une des dernières choses que l'on a apprises au sujet de l'arsenic c'est que, jusqu'à présent, lorsqu'on essayait d'établir des normes, on ne tenait pas compte de l'effet cancérigène de l'arsenic; on se préoccupait uniquement de sa toxicité.
En ce qui concerne Yellowknife, des études assez poussées ont été faites sur les membres de la première nation de Deh Cho dans les années soixante-dix. Il y a aussi des rapports de Santé Canada portant spécifiquement sur notre région.
Je pense que nos anciens apporteront un peu plus de précisions sur les effets qu'ils ont pu observer. Il ne s'agit pas d'études épidémiologiques, mais de travaux que nous avons effectués nous-mêmes.
La question a été soulevée bien souvent à diverses occasions au cours des 20 dernières années.
Mme Kraft Sloan: À quelles autorités fédérales avez-vous signalé cela?
Mme Mills: Je ne pourrai vous donner ce renseignement que plus tard. Les Territoires du Nord-Ouest ont une loi sur la protection de l'environnement et nous parlons régulièrement aux gens qui s'occupent des ressources renouvelables.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Chef Antoine, pourriez-vous me dire de quelle façon la Nation dénée envisage sa participation aux travaux sur la LCPE et à d'autres lois fédérales? C'est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises lorsque des groupes autochtones ont comparu devant nous. Certains ont dit qu'ils ne voulaient pas être simplement consultés sur la refonte de la loi; ils veulent être des participants à part entière, comme les autres gouvernements. Par contre, certains ont dit qu'ils jugeraient acceptable de contribuer à l'élaboration de la LCPE et en comparaissant devant nous, comme vous le faites aujourd'hui.
Quel est le point de vue des Dénés? Voulez-vous être des participants à part entière dans les décisions concernant les changements apportés à la LCPE ou l'harmonisation des lois édictées par les gouvernements territoriaux, provinciaux et fédéral? En d'autres mots, comment envisagez-vous votre participation à l'élaboration de la partie IV de la LCPE qui concerne les territoires indiens et les réserves?
Le grand chef Antoine: J'aimerais tout d'abord dire qu'il existe une relation entre notre première nation et l'État. Le Traité 8 a été signé avec l'État en 1899, et il y en a eu un autre en 1921. Les Dénés qui résident sur les territoires visés par le Traité 8 et dans la région du Deh Cho ont toujours fait valoir qu'en ce qui concerne cette région, l'État doit revenir à ses obligations initiales envers les premières nations.
On a tenté de résoudre cette question relative au territoire par le biais d'une politique générale sur les revendications territoriales qui comportait une clause d'extinction. Les résidents des régions visées par le Traité 8 et du Deh Cho n'acceptent pas ce genre d'arrangement qui inclut l'extinction des droits issus de traités accordés aux Autochtones. Ils maintiennent qu'ils aimeraient reprendre et améliorer la relation qui existait à l'origine entre l'État et les premières nations.
Dans les autres régions où résident des Dénés, par exemple, le Sahtu et le Gwich'in, je crois que certaines parties de leurs accords relatifs aux revendications territoriales font état d'un certain nombre d'objectifs qu'ils souhaiteraient inclure parmi les initiatives qui seront prises dans leur région.
Je peux dire que les Dénés qui résident aussi bien dans le Deh Cho que dans la région du Traité 8 envisagent également cette question par rapport au traité, et estiment que certains points devraient être retenus et reconnus. C'est le genre de relations de travail que les Dénés résidant dans la région visée par le traité 8 et le Deh Cho aimeraient établir à l'avenir avec l'État.
Notre culture et notre style de vie sont fondés sur la relation culturelle et économique que nous avons avec notre territoire. Nous aimerions participer aux décisions qui seront prises concernant l'utilisation, la gestion et la conservation du territoire, de l'eau et des ressources.
À mon avis, l'un des principaux objectifs de tous les groupes intéressés est de protéger et de conserver la faune et l'environnement des régions où ils résident pour les générations présentes et futures. Voilà ce que j'avais à dire.
M. Adams (Peterborough): Chef, j'ai relevé ce que vous avez dit à propos de la Stratégie pour l'environnement arctique. Je suis préoccupé par le fait qu'aujourd'hui, semble-t-il, il n'y ait sur notre liste de témoins aucun représentant du ministère des Affaires indiennes et du Nord pour parler de la Stratégie pour l'environnement arctique. Il est très important que nous ayons ici des représentants de ce ministère.
Deuxièmement, pour ce qui est de rejeter du poisson et des déchets de poisson, il me semble que c'est tout à fait contraire aux dispositions des alinéas 36(1)b) et 36(1)c) de la Loi sur la pêche où l'on dit de façon très explicite que cela n'est pas possible. Je rappelle cela simplement pour mémoire.
Juste pour avoir un contact à Hay River, vous avez mentionné, je pense, l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce. Est-ce que cet organisme est situé à Hay River et est-ce avec lui que nous devons communiquer pour obtenir des renseignements sur les rejets de poisson que vous avez décrits?
Le grand chef Antoine: Je suppose que c'est l'entité avec laquelle vous devez prendre contact, mais il y a quelqu'un d'autre dont j'aimerais vous donner le nom. Robert Ross est l'un des pêcheurs qui s'occupe de cela. Un certain nombre d'entre eux se sont regroupés afin de faire valoir leurs préoccupations à propos de la pêche. C'est lui l'un des premiers qui a commencé à pêcher dans la région. Un certain nombre d'entre eux s'y sont établis dans les années trente et quarante. C'est un activiste qui est le porte-parole des pêcheurs et qui fait valoir leur opinion sur la façon dont l'industrie de la pêche sur le Grand lac des Esclaves devrait être organisée.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Lorsque vous avez parlé de déséquilibre, vous avez dit que c'est vraiment de l'industrie dont on s'est le plus préoccupé et non de la population. C'est une déclaration des plus lapidaires. Je suppose que cela résume un certain nombre de choses qui se traduisent par du cynisme, de ressentiment et peut-être même un sentiment d'impuissance.
Afin d'appuyer cette déclaration et de la rendre plus crédible, pouvez-vous me donner un exemple - tiré de votre expérience, peut-être - de ce qui se passe actuellement dans le Nord? Pouvez-vous décrire des situations qui existent actuellement, au niveau local, démontrant clairement que l'industrie prime par rapport aux gens? Plus précisément, comment pensez-vous que les choses pourraient changer?
Le grand chef Antoine: Je peux citer, par exemple, les activités de prospection minière. Cela a un impact sur l'environnement et aussi sur les gens qui résident dans la région. Le jalonnement des claims échappe en grande partie au contrôle de la population. C'est une question qui relève du gouvernement fédéral. Ces permis de prospection sont émis sans que les premières nations soient consultées.
De vastes portions du territoire traditionnel des résidents de Yellowknife ont été jalonnées et réservées. De fortes pressions s'exercent pour lancer cette industrie minière dans la région. Le problème de la compétence des agences fédérales et d'État vis-à-vis ce territoire, etc., n'est toujours pas résolu. Au fur et à mesure que les jours passent, on jalonne et on réserve certaines parties du territoire. Cet exemple illustre la façon dont on fait passer l'industrie avant les gens dans cette région.
L'autre exemple qui me vient à l'esprit est celui du pipeline de la vallée du Mackenzie: dans les années soixante-dix, tout le monde pensait qu'il allait être construit mais cela ne s'est pas fait. Cela fait maitenant 20 à 25 ans que cela s'est passé et les gens se demandent toujours ce qui serait arrivé si le pipeline avait été construit.
Dans sa décision, le juge Berger a donné gain de cause aux gens et cela leur a permis de considérer sérieusement leur situation et de commencer à prendre certaines initiatives afin de participer plus pleinement et de mieux contrôler les choses. Pensez à ce qui se passe actuellement dans le Nord: il semble qu'il y ait une certaine stabilité parce que la population a les coudées un peu plus franches et a pu ainsi amorcer son développement au niveau communautaire. Les gens commencent à vraiment se faire entendre sur ce point et ils prennent des initiatives très positives. Voilà donc deux exemples.
M. Finlay (Oxford): La réponse du chef Antoine à la dernière question me plaît, car je pense que ces décisions doivent s'appuyer sur certaines initiatives positives et sur une véritable participation des collectivités. Je suis heureux qu'à titre de représentant des peuples autochtones, vous acceptiez la définition de l'environnement de la LCPE qui sert de cadre à nos travaux.
Je tiens également à dire que je partage votre opinion et que, moi aussi, je pense que c'est non seulement quelque peu hypocrite, mais également de mauvais augure, que nous interdisions l'usage de produits chimiques sur notre territoire et que nous permettions aux gens de les fabriquer ici et de les vendre ailleurs, d'autant plus que nous avons l'intention de nous plaindre du fait que la plupart des dioxines, etc., qui polluent le Nord viennent d'ailleurs, de régions fort éloignées.
Vous avez dit, je crois , que les gens qui font partie de votre organisation et qui s'occupent de l'environnement consacrent le tiers de leur temps à faire des rapport ou à répondre aux exigences et autres d'Environnement Canada. Estimez-vous que les activités qu'Environnement Canada s'attend à ce que vous entrepreniez, ou celles auxquelles ils vous demandent de coopérer, sont inutiles ou vaines, et que, d'une certaine façon, cela est contre-productif? Pourriez-vous me dire clairement en quoi consistent vos préoccupations?
Le grand chef Antoine: C'est de l'environnement dont nous parlons, et nous, nous considérons les choses de façon très holistique. Il faut également prendre en considération l'environnement dans lequel les Dénés doivent travailler et continuer à vivre.
Au sein de nos collectivités, on constate qu'un processus de guérison et de recontruction, qui contribue à la société en général, a été lancé. Si l'on pense à ce qui s'est passé lorsque les premiers Européens sont arrivés dans cette région, il y a un grand nombre de choses qu'il serait utile, d'après moi, de prendre en considération.
Par exemple, il y a eu l'oppression culturelle des premières nations. Au cours des dernières années, j'en suis venu à penser que ce qui s'est passé, c'est que des conditions ont été imposées et lorsque des conditions sont imposées, cela a tendance à entraîner une réaction. C'est, je crois, la théorie de Darwin, chaque fois qu'il y a action, il y a réaction.
Lorsque certaines choses se passent, il va naturellement y avoir une réaction, et c'est ce qui s'est produit au sein des premières nations. Devant l'oppression culturelle, nous avons eu tendance à réagir. On nous demande d'observer diverses lois et nous réagissons à ce genre de choses.
Il faut donner du temps aux Dénés pour qu'ils délimitent leur position par rapport à ce qui a été imposé. C'est pourquoi on a passé beaucoup de temps à essayer de recueillir des informations et de faire les recherches adéquates, afin de présenter un point de vue raisonnable aux gens qui nous demandent de participer à diverses initiatives.
Je tiens également à dire que, selon moi, étant donné l'état de l'environnement et ce qui se passe dans la société, à cause de ce processus de reconstruction, les premières nations commencent à voir les choses beaucoup plus sainement et à se demander pourquoi elles réagissent à tout cela, alors qu'elles devraient penser à l'avenir et se montrer proactives. Je pense que c'est le message que veulent donner les premières nations.
Elles peuvent contribuer beaucoup à la société en général. Jusqu'ici, ce qui s'est passé, c'est que l'on ne nous a pas écoutés. Je pense qu'il serait possible d'établir à l'avenir de très bonnes relations de travail avec les premières nations. Il faut revenir à l'intention initiale du traité. Cette relation doit être améliorée dès maintenant et cela doit se poursuivre à l'avenir.
Il y a certaines choses que les résidents du Deh Cho et de la région visée par le Traité 8 recherchent. Nous voulons continuer à vivre comme nous l'entendons et aussi contribuer à la société. Nous voulions simplement dire que la société doit ouvrir la porte derrière laquelle elle nous a tenus enfermés jusqu'ici et que nous sommes, nous aussi, des êtres humains.
Bien des gens disent que le mot «Dénés» veut dire «les gens», mais si l'on s'en tient à ce que décrit vraiment ce mot, cela signifie «terriens», des êtres qui appartiennent à la terre et à l'eau. Si l'on se base sur la définition que les scientifiques donnent des gens qui peuplent la terre, cela signifie «terriens». Nous sommes des terriens qui habitent une région précise de la terre, le bassin du Mackenzie. C'est là-dessus que je voulais terminer.
Le président: Grand chef, ce que vous venez de dire et le message que vous nous avez transmis ce matin sont très utiles. Pour conclure, vous voulez peut-être faire enregistrer au compte rendu vos opinions concernant votre style de vie, que vous avez décrit très brièvement au cours d'une ou deux de vos interventions.
Si ce qui affecte l'air, l'eau et la terre continue à évoluer dans le même sens qu'auparavant, pensez-vous que votre style de vie sera protégé au cours des siècles à venir, à long terme? En d'autres mots, estimez-vous que se dessine une tendance permettant d'assurer que vous pourrez continuer de jouir des valeurs et du style de vie qui ont été les vôtres jusqu'ici et que les peuples autochtones chérissent tant? Sinon, pourriez-vous brièvement nous faire part de vos commentaires?
Le grand chef Antoine: J'aimerais répondre à cette question en me fondant sur une illustration qui a trait à l'environnement. Prenons un arbre, il y a ce que vous voyez de l'extérieur et il y a les racines. Ce que les Dénés ont vécu au cours des dernières années... Il y a les valeurs et les principes traditionnels qui existent depuis des siècles. Il y a également l'oppression culturelle que nous avons subie. Parmi les racines, on trouve aussi cette toxicomanie dont tout le monde parle et enfin, la guérison.
La façon dont l'arbre est nourri à la racine se reflétera dans l'arbre lui-même. Fondamentalement, ce qui se passe actuellement au sein des collectivités des premières nations, c'est que les gens commencent à considérer leurs valeurs et leurs principes, à régler les problèmes de l'oppression culturelle et de la toxicomanie et à se préoccuper sérieusement de leur guérison.
En surface, il y a deux branches, la branche traditionnelle et aussi, la branche moderne; le message que nous donnent nos anciens, c'est que ces deux éléments sont nécessaires pour assurer notre survie. C'est de cette façon que j'aimerais répondre à votre question: nous pensons que l'avenir nous sera propice et il faut que nous nous attachions à oeuvrer en ce sens.
Nous avons fait l'expérience d'un certain nombre de choses en tant que premières nations, à cause de certaines circonstances, mais ce sont des choses du passé et nous aimons tirer de cela des leçons. Par conséquent, avec ce que nous avons appris, nous aimerions nous remettre en selle afin de faire face à l'avenir. C'est là-dessus que je voudrais terminer.
M. Fred Sangris (comité de l'environnement de Yellowknife): Le chef Antoine a fait un exposé au nom de la Nation dénée. Mais pour parler au nom des Yellowknife, je suis accompagné de deux anciens qui vont s'adresser au comité.
Le président: Allez-y, je vous en prie.
M. Sangris: Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue au comité sur le territoire des Yellowknife.
Les deux anciens qui m'accompagnent vont faire un exposé concernant la mine Giant. Ils sont nés et ont vécu ici. Ils ont connu la baie de Yellowknife et l'endroit où la ville a été établie avant qu'aucun bâtiment n'ait été construit. Donc, ces anciens ont vu la cité de Yellowknife, la ville, se développer en 1934 et en 1937. Ils ont connu la baie avant qui que ce soit ne s'établisse dans cette région.
Ils vont commencer en vous donnant quelques renseignements historiques et ensuite, ils vous parleront de leurs préoccupations concernant l'arsenic et des solutions qu'ils proposent concernant l'activité minière.
Je vous présente mon aîné Michel Paper.
M. Michel Paper (Conseil consultatif des Anciens, Nation Déné, (Interprétation)): Je suis né en 1913. J'ai maintenant 82 ans.
Avant que les Blancs n'arrivent ici dans le Nord, des milliers de Dénés vivaient dans la région des Grands Lacs. Je piégeais avec mon père à l'époque. Il m'a raconté de nombreuses histoires. Mon père, son père, et son grand-père - trois générations - ont toujours vécu dans la région de Yellowknife. L'eau était pure, la pêche était bonne, la forêt ne brûlait pas. Nous prenions bien soin de la terre.
À cette époque, c'est en piégeant que les gens assuraient leur subsistance. Ils survivaient également en chassant le caribou. Les gens connaissaient tous les poissons à pêcher. Ils vivaient une vie très saine en chassant le gibier. Toute l'année, nous suivions le caribou et à cette époque nous n'étions pas obligés de payer le bois. Nous n'étions pas obligés de payer pour les aliments dont nous faisions la cueillette. Nous nous déplacions uniquement en traineau tiré par des attelages de chiens. Lorsque le bois à brûler se faisait rare près de notre campement, nous partions nous installer ailleurs, là où il y en avait en abondance. Nous n'étions pas obligés de payer notre bois. C'est ainsi que notre peuple vivait autrefois.
En 1934-1935, nous avons entendu dire que des Blancs étaient arrivés dans la région de Yellowknife. Ils étaient à Burwash Point. Nous sommes partis de nuit en traîneau à chiens pour retourner à Yellowknife et de loin nous avons vu Burwash Point illuminé. Nous avons appris que les Blancs étaient arrivés et comme nous avions peur d'eux, nous avons fait un détour par Dettah. À cette époque, les Blancs avaient aussi peur de nous.
À partir de ce moment-là, Yellowknife est devenu un peuplement. On m'a offert du travail. On a offert un emploi à 12 jeunes hommes. Nous n'avions jamais travaillé dans une mine auparavant. S'il allait y avoir de l'actitivité minière... Nous ne savions pas que la terre allait être contaminée. Nous ne connaissions pas l'argent et on nous a dit qu'on nous donnerait un salaire de 2$ par jour. Il n'y avait pas de magasins à ce moment-là et comme nous n'avions rien à manger... Nous ne mangions pas dans les cafés. Nous - les 12 hommes - installions des filets dans le lac pour prendre du poisson et c'est ainsi que nous nous alimentions. À cette époque, le poisson était très bon. Ensuite, nous travaillions huit heures par jour pour un salaire de 2$.
Nous trainions du bois d'oeuvre un demi mille, de la rive du lac jusqu'aux chantiers de construction de la mine. Après avoir fait ce travail pendant sept mois, l'année suivante, en 1936... la mine Giant payait ses travailleurs 5$ par jour, alors nous avons changé d'emploi pour aller travailler pour cette mine. Ses propriétaires logeaient les travailleurs dans des baraques. C'est ainsi que nous travaillions.
À cette époque, l'eau était pure. Nous vivions près de la mine et nous allions à la rive puiser de l'eau pour boire et pour faire du thé. Aujourd'hui, il nous est interdit d'utiliser l'eau dans un rayon de 15 milles ou plus parce qu'elle est contaminée. De nombreuses personnes, y compris les enfants, sont morts parce qu'ils ont bu de cet eau.
Les émissions de fumée de la mine Giant ont causé la mort de nombreuses personnes.
Aujourd'hui, les gens sont obligés d'acheter de l'eau potable. En toute justice, la mine Giant devrait payer nos factures d'eau. Maintenant, si vous alliez faire un tour à la mine Giant, vous ne pourriez pas dire que c'est beau à voir. C'est même tout à fait dégoutant. Près de la mine, il est difficile de respirer. Aujourd'hui, Yellowknife est comme une zone contaminée. Ce n'est peut-être pas encore le cas, mais dans 50 ans, l'eau du lac ne sera plus du tout potable. Je ne suis pas tellement inquiet pour mon propre compte, mais je parle au nom des générations futures. Je vous raconte ce que je sais.
J'ai travaillé fort toute ma vie. J'ai travaillé pour la mine Giant pendant trois ans; au début j'ai gagné 1,50$ par jour et plus tard mon salaire est passé à 3$ par jour. Ensuite, j'ai travaillé pour Con Mines. J'étais jeune alors. Après avoir travaillé pour Con Mines pendant trois ans, j'ai quitté mon emploi. Je suis allé travailler pour la mine Negus. Après un an et demi, la mine a fermé. Je n'avais plus de travail.
J'avais encore un bon attelage de chiens et je suis donc allé travailler avec la GRC et l'agent de protection de la faune qui utilisaient eux aussi des attelages de chiens. En un an, nous avons visité deux fois tous les camps de trappeurs. Au bout de deux ans, j'ai commencé à me chercher un nouvel emploi. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à travailler à la construction de la route pour le gouvernement fédéral. Je travaillais toute l'année. J'ai fais cela pendant 26 ans. J'ai travaillé fort toute ma vie.
Pendant que je travaillais à la construction des routes, nous nous sommes rendus par avion à Inuvik, Aklavik, Tuktoyaktuk, Coppermine, Cambridge Bay, Spence Bay, Gjoa Haven - et nous passions près de deux semaines dans chaque collectivité.
Lorsque j'ai atteint 65 ans, on m'a dit que j'allais recevoir une pension. Mon employeur m'a conseillé de travailler encore un an, ce que j'ai fait. Ensuite, j'ai pris ma retraite.
J'ai travaillé dans toutes les régions où il y a des routes dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons travaillé fort pour construire la route et je puis vous dire que les gens l'apprécient.
Je vais vous raconter une histoire. Lorsque les premiers Blancs sont arrivés à Yellowknife, ils ont dit que la région était inhabitée. C'était faux. Des milliers de personnes vivaient dans cette région depuis de nombreuses années avant leur arrivée.
En 1920, un traité a été signé. À cette époque, je n'étais encore qu'un enfant, mais mon père et mon grand-père m'en ont parlé et je sais donc comment le traité a été négocié - le traité que Joe Sangris a signé en 1920. À ce moment-là, il a dit au ministère des Affaires Indiennes: «Tant que le soleil se lèvera, tant que la rivière coulera et que l'herbe poussera, tant que les choses resteront ce qu'elles sont, je ne veux pas que mes conseillers soient privés de leurs droits». Cette déclaration n'a pas plu au ministère des Affaires indiennes et leur relation s'est détériorée. Chaque jour, pendant trois jours, il a refusé l'argent. L'évêque lui a dit qu'il obtiendrait ce qu'il voulait et qu'il devait accepter l'argent. Ce n'est qu'alors, avec tous les témoins présents, qu'il a accepté de recevoir l'argent au Fort Résolution. Tous les propriétaires de magasins, comme la Compagnie de la Baie d'Hudson, Biscy, Jimmy Daray et le chef ont signé le document. Ce n'est qu'alors qu'il a accepté d'accepter l'argent du traité. C'est l'entente que le chef a conclu au nom de son peuple.
Nous avons tenu cette promesse jusqu'à aujourd'hui. Nous n'avons pas renoncé à cette loi faite par nos ancêtres. Jusqu'à ce jour, le Conseil du traité 8 continue à défendre sa position. Nous croyons que les autres groupes qui renoncent à leurs droits regretteront leur décision un jour. Nous croyons que si nous conservons nos droits, nous ne serons pas touchés par ce qui pourrait se produire à l'avenir.
Je pourrais vous raconter de nombreuses histoires, mais il me faudrait plus d'une journée. Je vous raconte ce que je sais.
Les Blancs sont également très importants. Avant l'arrivée des Blancs, les Dénés étaient pauvres mais travaillaient fort. Ils ne possédaient pas beaucoup de choses, comme des souliers, des haches et des carabines. C'est ainsi que nos ancêtres vivaient sur cette terre avant moi. Mon père m'a raconté l'arrivée de la Compagnie de la baie d'Hudson. Ils ont apporté avec eux des carabines à canon long. Pour obtenir un fusil, il fallait donner en échange une pile de fourrures de la hauteur d'une carabine à canon long. C'est ainsi que la Compagnie de la baie d'Hudson traitait avec les Dénés. Maintenant qu'elle est millionaire, la Compagnie de la Baie d'Hudson est en train d'abandonner le Nord. Aujourd'hui, les Dénés n'ont plus d'importance pour elle.
Je suis très conscient de ce qui se passe. Aujourd'hui encore, les Blancs viennent ici lorsqu'ils sont pauvres et lorsqu'ils ont gagné de l'argent ils quittent le Nord. C'est ce qu'ils font.
Weaver & Devore ont maintnant de nombreux magasins. Lorsque Harry Weaver est arrivé à Yellowknife la première fois, il est venu à bord d'un vieux bateau en bois. Il avait apporté avec lui12 lits simples en métal. Après avoir vendu tous ses lits pour 12$ chacun, il est reparti en bateau. À son prochain voyage, il a apporté d'autres marchandises qu'il a vendues. À son prochain voyage, il a apporté d'autres marchandises et a ouvert un magasin. Aujourd'hui, ils sont riches.
Lorsque les Blancs et les Dénés ont signé les traités, leurs ententes étaient fondées sur le principe de la paix entre le peuples. Lorsque les Blancs traversent une période difficile, nous, les Dénés, les aidons. Lorsque nous vivons des moments diffiles, les Blancs devraient à leur tour nous aider. Le traité qui a été signé était fondé sur ces principes. Le peuple Déné maintient toujours cette position.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre un instant. Fred Sangris, auriez-vous l'obligeance de dire à Michel Paper que ce qu'il nous raconte est extrêmement important et très intéressant, mais qu'il y a d'autres personnes qui attendent de nous parler. Pourriez-vous lui demander de conclure afin que d'autres personnes présentes puissent prendre la parole?
M. Sangris (Interprétation): Il y a de nombreuses personnes dans la salle qui attendent de faire des présentations, alors auriez-vous l'obligeance de conclure votre présentation sur la question des mines.
M. Paper (Interprétation): J'ai fini. Merci.
M. Isadore Tsetta (Conseil consultatif des Anciens, Nation Déné, (Interprétation)): J'ai64 ans. Je suis un homme âgé et j'habite dans le village de Dettah. Lorsque le vent souffle de la direction de la mine Giant, j'attrape facilement le rhume et un mal de gorge à cause de la pollution. Cela m'inquiète beaucoup.
Lorsque nous avons commencé à travailler pour la mine Giant, nous étions 15. Nous ne sommes plus que deux. À ce moment-là, il n'y avait pas de bâtiments. Nous faisions tout le travail à la pelle pour 5$ par jour. Nous avions installé une tente près de la rive, où nous dormions, et nous buvions l'eau du lac. Nous utilisions l'eau pour faire la cuisine et le nettoyage. Des travaux de forage ont été effectués en amont, où se trouve aujourd'hui la mine. À cette époque, la terre autour de la mine n'était pas contaminée comme elle l'est aujourd'hui. C'est ce qui m'inquiète.
Il y a sept ans, lorsque j'étais chef de la bande de Yellowknife, nous avons exprimé nos préoccupations au sujet de la terre et de l'eau, mais il était difficile de discuter de ces questions à cause des différences linguistiques. Nous étions incapables de nous faire comprendre et nous n'avons pas réussi à obtenir une indemnisation pour la terre contaminée. Cela se produit partout dans le monde où il y a des activités minières.
Nous ne savons plus que faire de cette eau contaminée. Nous ne pouvons plus l'utiliser. Lorsque la terre est polluée, les plantes ne peuvent plus pousser dans les sols contaminés. Voilà notre situation à l'heure actuelle. Si justice était faite... Nous devrions être indemnisés d'une façon ou d'une autre pour la contamination de l'eau. Les mines Giant et Con ont pollué l'eau et nous ne pouvons plus l'utiliser.
Nous étions ici les premiers, avant que les Blancs arrivent et que la mine ouvre. Nous savons tous dans quel état était la terre.
Trois vielles femmes Déné cueillaient des baies lorsqu'elles ont trouvé une pierre qu'elles ont apporté à un homme blanc. L'homme blanc leur a dit qu'elle était sans valeur et a donné à chacune d'elles un tuyau de poêle en échange. La mine Giant est aujourd'hui située à cet endroit. Il a menti à ces vieilles femmes. Il est mal d'être malhonnête. Nous savons tous ce que certaines personnes sont malhonnêtes; certaines personnes promettent de faire des choses qu'elles ne font jamais.
Nous vivons dans cette région du pays depuis de très nombreuses années. Parfois des gens viennent travailler dans notre région, mais ils ne se donnent jamais la peine de venir nous dire ce qu'ils font. Notre terre est foutue. Avec toute l'activité minière dans les Territoires du Nord-Ouest... Malgré le fait qu'ils utilisent des contaminants mortels, ils nous disent que la terre ne sera pas empoisonnée. Lorque l'exploitation minière a commencé, il ne semblait pas y avoir beaucoup d'activité, mais graduellement, elles ont accaparé de plus en plus de terre et le site de la mine n'a pas cessé de s'étendre. C'est ce qui s'est produit ici à Yellowknife. Avant le début de l'activité minière, il n'y avait pas de bâtiments. Maintenant, la population de Yellowknife a augmenté. Le centre-ville de Yellowknife était auparavant une région boisée où nous allions chasser.
Notre terre est de plus en plus contaminée et nous croyons qu'ils devraient nous indemniser d'une façon ou d'une autre - peut-être en nous donnant de l'argent pour l'eau que nous sommes maintenant obligés d'acheter. Nous ne pouvons pas manger le poisson pêché dans cette région. Nous ne pouvons pas boire l'eau. Nous vivons dans le village de Dettah et même là-bas, l'eau est inutilisable.
Nous, les membres du Conseil du Traité 8, en avons parlé à de nombreuses reprises, mais personne ne semble nous écouter. Autrefois, il y a eu de nombreuses rencontres avec la nation Déné. Nous sommes allés dans les collectivités parler de notre terre et le fait qu'elle était en train d'être contaminée, mais rien n'a été fait pour nous aider.
Nous vous serions très reconnaissants si vous pouviez nous aider à trouver une solution à nos problèmes dans la région de Yellowknife. Nous sommes surtout inquiets pour les générations futures. Je vous serais très reconnaissant si vous acceptiez de m'écouter lorsque je parle de mes préoccupations au sujet de la région de Yellowknife.
J'ai mal à la gorge, je n'en dirai donc pas plus.
Sentez-vous libre de me poser des questions. Merci.
Le président: Aimeriez-vous ajouter quelque chose, Fred Sangris?
M. Sangris: En plus de ce que les anciens vous ont dit dans leur présentation...
Le président: Un instant, s'il vous plaît. Fred Sangris, pourriez-vous dire à Michel Paper que ce qu'il nous dit est extrêmement important et très intéressant. Toutefois, il y a dans cette salle d'autres personnes qui attendent de s'adresser à nous. Par conséquent, pourriez-vous lui demander de conclure afin de donner à tous ceux qui sont dans cette salle l'occasion de s'exprimer aussi?
M. Sangris: [Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]
M. Paper: [Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]
Le président: Voudriez-vous ajouter quelque chose, Fred Sangris?
M. Sangris: Suite à l'exposé des anciens, j'aimerais faire certains commentaires. Je commencerai par l'histoire du peuple qui habite cette région.
On sait, d'après l'histoire, que les Yellowknife ont habité cette région depuis plus de10 000 ans. Les autres peuples autochtones connaissent la tribu de cette région sous le nom de We Le Dai. Aujourd'hui, nous sommes encore connus sous le nom de We Le Dai, ou Yellowknife, et nous habitons toujours cette région qui, pour nous, est la patrie.
Comme les anciens ont tenté de l'expliquer, il n'y avait aucun Européen ici avant 1930. Peut-être pensez-vous que ces gens-là se sont installés ici il y a quelques centaines d'années, mais ce n'est pas le cas. C'est quelque chose de nouveau. Les Européens ont commencé à arriver dans la région en 1930. Ils ont trouvé de l'or en 1934 et la mine a été ouverte en 1937.
Comme les autres l'ont expliqué, il n'y avait personne dans cette région. Ce n'était qu'un terrain de chasse où l'on trouvait de la nourriture et des plantes à cueillir ainsi que de l'eau potable. Les premières nations s'y sont installées à cause du poisson qui migre par les cours d'eau. Pendant des siècles, il y a eu un campement dans la région. Tous les automnes, les gens récoltaient les fruits de la terre et cette tradition se poursuit aujourd'hui.
Mais les toxines, les produits chimiques et l'arsenic que l'on trouve dans l'eau sont vraiment dangereux. Vous pouvez manger le poisson; cela ne vous fera pas grand tort. Mais avec le temps, si vous mangez assez de poisson pendant des dizaines d'années, cela va finir par empoisonner votre sang ou détruire votre système immunitaire. Éventuellement, vous mourrez.
Depuis que la mine s'est installée sur notre territoire traditionnel, nous avons essayé de continuer à vivre et à co-exister avec l'industrie minière et celles qui se sont installées dans notre patrie. Les gens qui résident dans cette région doivent vivre et utiliser l'eau et la terre qui s'y trouvent. Pendant les cinq dernières années, aucune récolte n'a été faite car cela est devenu encore plus dangereux et les gens, ainsi que leurs chefs, ont averti tout le monde. Nous continuons à dire à notre peuple de ne rien utiliser qui provienne de cette région car, avec les années, nous avons pu constater que l'arsenic et l'anhydride sulfureux attaquaient la santé de notre peuple.
Les premiers décès au sein de notre communauté se sont produits en 1959 lorsque trois enfants de la même famille qui résidait dans la baie de Yellowknife sont morts. À cette époque, ni le gouvernement ni le ministère des Affaires indiennes et du Nord ne fournissaient d'eau potable. Ce sont les pouvoirs publics qui avaient la responsabilité de s'occuper des premières nations, car c'était une obligation fiduciaire.
On a donné à la famille qui avait perdu ses trois enfants la somme de 1 000$. C'est tout ce qu'on leur a donné. On leur a dit «Voilà - prenez l'argent et oubliez tout cela». Éventuellement, le père et sa femme se sont mis à boire parce qu'ils n'étaient pas capables de faire face. Parmi les premières nations de la région, il y en a beaucoup qui ont fait la même chose. Quelqu'un a dit que les gens avaient un sentiment d'impuissance; oui, c'est vrai.
Vous pouvez bien interroger les représentants du gouvernement, de l'industrie, et tous ceux à qui vous pourrez parler.
Certains des témoins ont dit que c'est l'industrie qui était passée avant la population, et c'est vrai. On peut le constater dans notre région. D'une façon ou d'une autre, les gouvernements font passer l'industrie avant la vie des gens. Je ne sais si l'on accorde plus de valeur au dollar qu'à la vie des gens, mais les peuples autochtones qui sont ici habitaient la région à l'origine et continuent d'y vivre. Leur santé est très mauvaise. Ils ont le cancer et ils tombent malades.
Depuis 1959, il y a eu de nombreux décès. Au cours des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, les gens ont continué d'utiliser l'eau et ce, jusqu'à tout récemment. Nous avons essayé de signaler à la plupart d'entre eux le niveau de toxines qui se trouvent dans l'eau. Les mines continuent de rejeter leurs déchets dans nos baies. La pêche a stoppé complètement.
Les traités stipulent que rien ni personne ne doit modifier notre mode de vie. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Les industries et les gouvernements ont été la cause de nombreuses modifications. Les gens de notre peuple sont tombés malades de plus en plus; et pourtant, personne n'a voulu nous écouter.
Le gouvernement a effectué un grand nombre d'études et fait de nombreux rapports sur l'arrière-baie, mais la plupart de ces études ont été contrôlées par le gouvernement et l'industrie. Ils peuvent écrire ce qu'ils veulent car ce sont eux qui contrôlent ce qui est publié, et non les premières nations.
Peu à peu, nous avons finalement décidé de ne plus faire confiance au gouvernement. Le gouvernement avait la charge de nous protéger, de voir à ce que nous restions en bonne santé. Nous n'avons plus confiance. Cette confiance a été trahie à de nombreuses entreprises. C'est la même chose en ce qui concerne l'industrie.
Les gens qui habitent cette région savent qu'ils n'ont aucune influence sur les études qui sont publiées. Elles sont toujours contrôlées par quelqu'un d'autre. Nous essayons d'effectuer nos propres études indépendantes, où l'on trouve des mesures exactes des produits qui se trouvent dans nos eaux, dans ce que mange notre peuple, dans le poisson que nous pêchons, les animaux que nous chassons et ce que nous récoltons. Lorsque j'utilise le mot «récolter», cela recouvre tout: le bois que nous ramassons, les arbres que nous coupons, ce qui se trouve dans l'eau, l'eau potable elle-même, ainsi que les baies et les plantes aromatiques et médicinales que nous cueillons.
Depuis un certain temps, nos anciens ont cessé de récolter des plantes aromatiques et médicinales parce que l'anhydride sulfureux se répand dans un rayon de 15 milles. Petit à petit, voilà ce qui nous arrive. Et pourtant, le gouvernement choisit d'ignorer cela. Il publie des rapports où l'on dit que cela n'a aucun effet sur qui que ce soit. Pourtant, un grand nombre de nos morts ont été victimes d'empoisonnement à l'arsenic.
Dans les années soixante-dix, une femme qui s'appelait Elizabeth Drygeese est morte du cancer. Les médecins ont fait des tests et ont découvert un très haut niveau d'arsenic. Ces rapports ont été publiés, mais le gouvernement les a ignorés.
De nombreux tests et rapports ont été faits à plusieurs reprises mais, étant donné que le gouvernement fait passer l'industrie avant tout, il ignore les rapports.
Les gens sont envahis par un sentiment d'impuissance.
La Nation dénée s'est établie dans la région au cours des années sixante-dix et les gens ont maintenant les moyens, l'indépendance et l'énergie nécessaires pour entreprendre ce genre de tâches et faire leurs propres études. Ce qui nous manque, c'est l'argent qu'il faut pour financer ces études.
Tout ce qui affecte notre littoral et nos terres nous affecte directement. Nous continuons à utiliser notre territoire et les mines continuent de rejeter leurs déchets dans l'eau sans se soucier de l'effet que cela peut avoir sur la faune ou sur la santé des humains.
Les anciens ont parlé de l'eau dans les arrière-baies. Elle est trop polluée pour qu'on puisse l'utiliser. Les gens l'ont fait dans le passé et cela a entraîné de nombreux décès. On ne peut même plus utiliser cette eau pour les chiens de traîneau. Il faut que nous fassions venir de l'eau potable. Et maintenant, c'est notre peuple qui est obligé de payer pour s'en procurer.
À bien y regarder, c'est l'industrie qui devrait payer pour les dommages dont elle est la cause et pour ce qu'elle a pollué. Le gouvernement devrait édicter des lois et des règlements plus sévères pour assurer qu'à l'avenir, la mine et les industries se rendent compte des conséquences de leurs actes.
Les Autochtones de la région ne sont pas les seuls à être touchés; la ville de Yellowknife et ses habitants le sont également. Ils utilisent aussi l'eau et les terres avoisinantes pour installer leurs campements et chasser. Tout le monde est donc touché.
Comme je l'ai dit, le MAINC a fait de nombreuses études. Il continue à dire aux Autohtones qu'il veut faire les études pour les premières nations, qu'il veut que celles-ci soient sous le contrôle du gouvernement. Par conséquent, dans les rapports, on ne révèle pas exactement les concentrations d'arsenic qui se trouvent dans nos eaux ni dans notre nourriture traditionnelle; on ne parle pas des fortes concentrations de toxines que l'on trouve dans le poisson.
Les anciens nous ont dit, à nous les jeunes chefs, que le poisson de la région n'a plus le même goût qu'avant. Il y a du pétrole et du gaz et le poisson commence à changer de goût.
J'en ai fait personnellement l'expérience l'été dernier. J'ai placé un filet à un demi kilomètre de la mine Giant. Je suis allé voir un jour de quoi les poissons avaient l'air. C'est terrible. C'est insupportable. Ils ont les yeux enflés et rouges. Une quinzaine d'heures après leur capture, la chair devient tellement molle que l'on pourrait quasi faire passer son doigt au travers.
L'année dernière, on a entendu dire que l'on allait déverser davantage d'ammoniac, c'est-à-dire une autre toxine, dans l'eau. Cet ammoniac, ainsi que l'arsenic et les autres produits chimiques et toxines, sont mélangés lorsqu'ils arrivent dans la baie où ils détruisent tout. Les anciens racontent qu'ils pêchaient là autrefois, juste devant nous. À l'heure actuelle, aucun d'entre nous ne pêche dans la baie. Les pêcheurs finissent par être repoussés par l'industrie qui dit qu'elle regrette d'avoir détruit nos eaux, mais qu'elle n'y peut rien.
Cela force les membres des premières nations à aller pêcher ailleurs, alors que d'après le traité, ils ont le droit d'utiliser leurs terres comme ils l'entendent, notamment pour s'alimenter...
L'industrie continue toutefois à polluer.
L'état de santé des gens est tellement pitoyable que cela risque d'avoir des conséquences sur d'autres collectivités avoisinantes. D'après les anciens, dans une cinquantaine d'années, le Grand lac des Esclaves risque d'être pollué. Il se peut très bien que l'on retrouve partout des panneaux interdisant de nager ou de consommer le poisson.
Cela a peut-être l'air d'un grand lac, mais je sais qu'il y a en amont des usines de pâtes à papier qui rejettent leurs effluents dans le Grand lac des Esclaves. Toutes les eaux des autres usines situées en bordure du Grand lac des Esclaves s'y déversent. Tout ce qui nous touche touche également ceux qui sont en aval de nous, car c'est dans ce sens-là que va le courant.
Certaines collectivités et certaines personnes ont conservé leur mode de vie traditionnel et continuent à pêcher et à chasser. Elles continuent à utiliser l'eau et à pêcher dans le fleuve. Leur santé risque d'en pâtir un jour. Tous ces gens-là finiront par avoir les mêmes problèmes que nous.
Nous conseillons au comité de songer au risque que cette situation comporte pour la santé des Autochtones qui habitent cette région, qui en consomment l'eau et qui continuent à vivre de pêche, de chasse et de récoltes.
Il faut une législation plus stricte parce que la loi territoriale sur l'environnement n'est pas très efficace. Elle est impuissante. Elle n'arrive pas à mettre les mines ou les pollueurs au pas. Nous avons besoin d'une réglementation plus stricte que les mines seront tenues d'observer, une réglementation qui permette de tenir compte de l'état de santé général de la population, au lieu de laisser les industries continuer à extraire des minéraux, à produire des résidus miniers et à accroître la pollution, à libérer encore d'avantage d'arsenic et d'anhydride sulfureux dans l'atmosphère.
Cela suffit. Il y a des gens qui sont morts et enterrés.
Au cours des dernières années, de nombreux anciens ont attrapé la leucémie, le cancer. Nous ne comprenions pas vraiment ce qui se passait avant que le nombre de malades n'augmente. En examinant la situation de plus près, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait une relation avec les mines. Aucune somme d'argent ne nous indemnisera ou ne pourra remplacer ceux et celles que nous avons perdus.
Les entreprises qui sont responsables et qui déversent des déchets devraient également payer la livraison d'eau potable. Elles ont complètement détruit nos rivages et utilisé notre eau. Nous devons maintenant payer l'eau de notre propre poche alors que ce sont les entreprises responsables qui devraient payer. Ceux qui les appuient, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, devraient également faire leur part. Le gouvernement savait pertinemment qu'il y avait de l'arsenic ici et qu'il a causé beaucoup de dégats, mais il a préféré feindre de l'ignorer et ne pas intervenir. Cela suffit.
Vous devriez songer à la santé des gens, surtout à celle des Autochtones de cette région. Comme je l'ai dit, il y a eu plusieurs décès. On a enterré des gens dont l'organisme était bourré d'arsenic. Je crois que l'industrie est responsable de cette situation et le gouvernement aussi.
Nous allons continuer à vivre avec d'autres industries à cause de la présence d'argile diamantifère dans la région. On verra arriver également d'autres industries.
Comme l'a déclaré le grand chef Antoine, nous sommes dans le bassin du Mackenzie où tout se déverse. Les déchets d'une usine située à 50 milles à l'intérieur des terres finissent par se retrouver dans nos lacs et dans nos eaux à cause du ruissellement. C'est cette eau-là que nous utiliserons.
L'état de santé de la population est pitoyable, sans parler des gens qui travaillent à la mine. Ils y ont travaillé pendant des années et ont accumulé des économies qu'ils n'ont jamais eu l'occasion de dépenser parce qu'ils en sont morts, eux aussi.
Je vais ajouter quelques détails aux faits que les anciens vous ont exposés pour que vous soyez un peu plus au courant du mode de vie des Dénés, des gens de la région, bref de la collectivité. Comme ils l'ont signalé, nous étions là avant les premiers arrivants européens et nous devons vivre dans cette région. À l'heure actuelle, on est en train de tout détruire. J'estime que nos vies sont aussi précieuses que celles des gens qui extraient l'or des mines. En fait, on fait passer l'argent avant la vie des gens. Si l'on s'était donné la peine d'écouter les gens et d'essayer de les aider, ces problèmes ne se poseraient peut-être pas à l'heure actuelle. Les problèmes persistent toutefois et personne ne fait quoi que ce soit.
Nos députés sont au courant de nos problèmes et de nos soucis mais quand ils en parlent, ils reçoivent un appel de la mine. Nos emplois sont en jeu. On ne peut même pas en parler et nous sommes par conséquent réduits à l'impuissance.
Voilà ce que je voulais vous dire. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Comme vous avez pu le constater, mes collègues ont pris des notes pendant que vous parliez. Nous avons donc noté ce que vous, ainsi que MM. Tsetta et Paper ont dit. Nous faisons cela parce que nous tenons à examiner vos déclarations de très près.
Vous avez peut-être l'impression que personne ne fait quoi que ce soit, comme vous l'avez si bien dit, mais si nous nous sommes déplacés, c'est parce que nous voulons faire quelque chose. Nous essayons d'évaluer la qualité et les effets de la loi actuelle.
C'est une loi qui émane de bonnes intentions et que l'on est en train d'examiner pour essayer de trouver les moyens de l'améliorer, précisément pour répondre à vos exigences, c'est-à-dire pour tenter de mieux faire face à la situation.
Vous nous avez parlé des risques que cela posait pour la santé des gens en précisant que tout le monde est concerné. Vous nous avez parlé de l'attitude du gouvernement et de l'abus de confiance de la part des pouvoirs publics. On pourrait toutefois dire que les autorités veulent se racheter et regagner votre confiance. Si non, nous ne nous serions pas déplacés, nous n'examinerions pas cette loi et il n'y aurait pas de règlements des revendications territoriales. L'État compte rétablir une relation de confiance et redonner le pouvoir à la population pour instaurer un système qui permettra aux gens de décider de leur avenir.
On a certes commis des erreurs et on continue à le faire, mais aucun d'entre nous ici présents n'accepterait l'idée de ne rien faire pour regagner votre confiance. Nous voulons nous racheter et nous vous serions tous très reconnaissants de bien vouloir transmettre ce message à vos anciens, et de les remercier de nous avoir décrit la situation avant 1930 et ce qui s'est passé après. Nous n'oublierons pas vos observations sur l'arsenic, sur la détérioration de la santé des vôtres, sur la leucémie et sur les pertes de vie et nous en tiendrons compte.
En ce qui concerne les relations entre les industries, les pouvoirs publics et la population, elles pourraient faire l'objet d'une discussion philosophique qui pourrait durer des heures, voire des jours. Nous nous plaisons toutefois à croire qu'il y a quand même des gens dans tous les secteurs, c'est-à-dire dans le secteur public, dans le secteur privé ou ailleurs, qui se préoccupent de leur santé. Mais vos observations découlent de votre expérience personnelle et nous y accordons une grande importance.
La tâche des représentants élus consiste à trouver un terrain d'entente face à des opinions contradictoires, et s'il y a bien un point sur lequel nous nous entendons, c'est le désir de protéger et d'améliorer la santé publique. Tous ceux qui sont ici présents ont ce désir.
Nous vous avons écoutés et nous nous souviendrons de vos déclarations. Merci pour votre participation.
Nous invitons maintenant le groupe suivant à se présenter.
Il s'agit de MM. Gary Bohnet, Mike Paulette et William Carpenter, qui représentent la Nation métis des Territoires du Nord-Ouest.
M. Gary Bohnet (président, Nation métis des Territoires du Nord-Ouest): Je vais d'abord vous présenter mes collègues. Mike Paulette est vice-président de la Nation métis des Territoires du Nord-Ouest et Bill Carpenter est directeur de notre programme environnemental. Moi, c'est Gary Bohnet, président de la Nation métis.
La Nation métis des Territoires du Nord-Ouest est le porte-parole politique des Métis de la vallée du Mackenzie. Il y a environ 5 000 Métis dans la région ouest des Territoires du Nord-Ouest, et notre territoire s'étend du 60e parallèle à l'Océan Arctique.
Le mémoire que je vous présente aujourd'hui a été établi en fonction des enseignements que nous avons tirés de la Stratégie pour l'environnement arctique.
Cette stratégie a été lancée en 1991 et elle est axée sur plusieurs aspects clés de l'objectif poursuivi pour en arriver à un développement durable, à savoir sur les contaminants, la gestion des déchets, la gestion de l'eau et la gestion de l'environnement. Avant de vous parler des enseignements que nous avons tirés de la Stratégie pour l'environnement arctique à cet égard, je vais vous dire quelques mots sur ce que la collaboration établie dans le but d'atteindre certains objectifs environnementaux nous a appris.
Il n'arrive pas souvent qu'une organisation autochtone fasse publiquement des compliments au ministère des Affaires Indiennes et du Nord, mais dans le cas de la Stratégie pour l'environnement arctique, le mérite des succès remportés jusqu'à présent revient en grande partie aux partenariats entre les organisations autochtones du Nord et le MAINC. C'est surtout vrai en ce qui concerne le programme des contaminants.
Dans ce contexte, nous avons appris que toute une série de polluants organiques ont contaminé nos terres, nos eaux et notre chaîne alimentaire. Nous avons entendu les doléances des nôtres qui se posent des questions sur la qualité de leurs denrées alimentaires traditionnelles. Nous avons appris que les principales sources de ces polluants sont des usines européennes et nord-américaines. Nous avons appris que le fait d'interdire l'usage d'une substance toxique au Canada ne nous immunise pas contre toute contamination. Nous avons appris qu'il importe de former des partenariats avec d'autres habitants du Nord et avec d'autres gouvernements pour réduire l'utilisation de substances dangereuses pour l'environnement.
Dans le cadre du programme sur les déchets, il a été prouvé que le gouvernement du Canada a fait preuve de négligence en ce qui concerne les territoires autochtones. On retrouve des déchets, dont certaines substances dangereuses, à de nombreux endroits. Ils ont été jetés, puis laissés là lorsque l'armée n'a plus eu besoin de ces terrains. D'anciennes mines ont été abandonnées avant l'entrée en vigueur du Règlement sur l'utilisation des terres territoriales, et les résidus n'ont pas été traités.
D'une manière générale, ces territoires ont été exclus du processus de sélection s'inscrivant dans le cadre des négociations sur les droits des Autochtones aux terres et aux ressources du Nord.
Dans la partie ouest du Territoire du Nord-Ouest, il y a deux régions, y compris celle où vivent des Métis, qui ont fait l'objet d'un règlement. En ce qui concerne les autres régions, des discussions sont toujours en cours.
S'il est signalé que des substances dangereuses se trouvent sur les terres autochtones à la date de la signature de l'accord, le gouvernement peut les enlever s'il procède à un nettoyage général dans le coin.
Ce que je me demande, c'est si la totalité du territoire traditionnel des Autochtones qui font des revendications ne devrait pas entrer en ligne de compte dans le processus de sélection, et si le gouvernement ne devrait pas être obligé de remettre le territoire dans son état initial avant de le confier aux Autochtones auxquels il appartient?
La Nation métis s'attend à ce que toutes les revendications des Métis concernant les terres et les ressources de la partie ouest des Territoires du Nord-Ouest soient réglées. Le choix des terres ne devrait pas être restreint en raison de la négligence dont les gouvernements ont fait preuve auparavant, ni de certaines craintes pour l'avenir.
L'application du programme de gestion des ressources en eau a fait ressortir le rôle vital que l'eau joue dans l'écosystème et a montré qu'il est facile de contaminer des bassins hydrographiques à jamais et qu'il est important d'établir des critères de base de qualité de l'eau, pour avoir des points de comparaison et pour pouvoir contrôler l'évolution de la situation pour ce qui est du transport à distance des polluants atmosphériques et locaux.
J'aborde ces aspects de la Stratégie pour l'environnement arctique parce que nous avons participé activement à la planification et à l'exécution du programme. Nous avons dû établir nos priorités en matière de recherche et de nettoyage, en fonction des exigences de la LCPE en matière de dépôts de déchets dangereux.
La Stratégie pour l'environnement arctique devait être une initiative préventive et c'est le cas, dans une large mesure. Par contre, la LCPE est devenue un programme réactif. Elle a déterminé les priorités ministérielles en matière de nettoyage.
N'interprétez pas mes propos de travers. J'estime que le nettoyage est important. Il est essentiel, mais on a parfois l'impression qu'il est plus important d'observer la LCPE que de procéder à un nettoyage pour préserver vraiment la qualité de l'environnement.
La Stratégie pour l'environnement arctique nous a-t-elle apporté des enseignements utiles pour la révision de la LCPE? Des études indiquent que la plupart des polluants organiques persistants qui contaminent nos sources d'alimentation traditionnelle proviennent d'ailleurs. Il ne suffit pas d'interdire l'usage de produits chimiques au Canada ni de protéger l'environnement dans les conditions requises pour les écosystèmes arctiques.
Est-il possible que certains des produits chimiques que l'on détecte dans les polluants atmosphériques transportés à distance soient d'origine canadienne, qu'il s'agisse de substances toxiques fabriquées au Canada pour l'exportation? Si l'usage d'une substance est interdit au Canada, ne faudrait-il pas aussi en interdire l'exportation?
Nous avons également appris que la coopération est importante pour en arriver à une certaine synergie. Dans le cadre du programme, la collaboration des Autochtones avec le MAINC a fait davantage pour l'environnement circumpolaire que ce que nous aurions pu faire à titre individuel. C'est la même chose pour la LCPE.
Dans la documentation qui décrit vos travaux, on insiste beaucoup sur l'harmonisation. Il est essentiel de créer des normes nationales pour faire appliquer cette loi et l'administrer.
Les provinces et territoires doivent accepter la loi et les règlements et faciliter leur application et leur administration. Des partenaires dynamiques sont des agents beaucoup plus efficaces pour la protection de l'environnement que tous les particuliers bien intentionnés qui partent en croisade. Sans la collaboration active des organismes provinciaux et territoriaux, le ministère de l'Environnement n'arriverait pas, à lui seul, à s'acquitter pleinement des obligations décrites à l'article 2 de la loi.
La LCPE peut-elle être un outil puissant de prévention de la pollution? Nous avons appris que la faire appliquer et imposer des pénalités ne sont pas des mécanismes et des motivations suffisants pour prévenir la pollution. Comment peut-on y arriver? C'est en grande partie une question de planification.
Dans le cadre de l'application du programme concernant les déchets, nous avons appris que les militaires et la plupart des sociétés minières ne songent jamais à démonter ni à déménager leurs bâtiments et leurs installations dans le Nord. La remise en état doit être prévue dans la planification de tous les projets concernant des régions isolées du Nord. Par ailleurs, il serait inadmissible d'agrandir la zone perturbée en autorisant l'enfouissement ou l'immersion des matières et matériaux pour des raisons d'économie.
Les nouveaux produits devraient faire l'objet d'une évaluation rigoureuse pour voir s'ils sont accceptables sur le plan écologique. Il faudrait exiger, avant tout, qu'ils produisent les effets indiqués par le fabricant et les tester pour voir s'ils ne causent pas de dommages à l'environnement. Il faudrait exiger que les résultats soient concluants à ces deux égards pour en approuver l'usage au Canada.
Quel est le rôle de la LCPE sur la scène internationale?
La stratégie pour l'environnement arctique nous a été d'une aide précieuse dans ce domaine. Son équivalent international est la Stratégie de protection de l'environnement arctique à laquelle ont adhéré nos voisins de la région circumpolaire.
Il ne fait aucun doute que la coopération internationale, principalement au niveau de la recherche et de la complémentarité de la législation est absolument nécessaire pour arriver à réduire les concentrations de polluants dans le Nord circumpolaire.
Je tiens à féliciter M. Adams pour les observations qu'il a faites à cet égard et qui sont rapportées dans le bulletin du 31 mars sur la LCPE.
Le partenariat qui existe entre les organisations autochtones du Nord et le MAINC ont permis à toutes organisations de créer un département ou une section de l'environnement qui collabore avec le gouvernement et, le cas échéant, avec l'industrie dans le domaine environnemental. Cela a permis d'avoir la capacité et de créer les réseaux nécessaires pour assurer une participation locale efficace aux programmes de recherche et de surveillance. Cela a permis également d'établir un réseau international qui diffuse les résultats des diverses études sur lesquelles se basent nos voisins des régions circumpolaires lorsqu'il s'agit d'établir des protocoles d'entente diplomatiques sur la protection de l'environnement.
Les fonds accordés dans le cadre de la Stratégie pour l'environnement arctique ont également permis à notre organisation de se préparer pour des audiences comme celles-ci. Même si nos ressources sont à peine suffisantes à tous points de vue, au lieu de réclamer de l'argent au comité pour couvrir les frais engagés pour préparer ce mémoire ou faire les recherches nécessaires, nous allons demander à chacun d'entre vous, à titre de député, de soutenir activement le partenariat que nous avons établi avec le MAINC en matière de recherche et de protection environnementales, en s'exprimant en faveur du maintien de cette stratégie lorsqu'il s'agira de la renouveler, c'est-à-dire en 1997.
Rappelez au ministre des Affaires indiennes et du Nord, au ministre des Finances et au président du Conseil du Trésor qu'il existe un partenariat efficace et rentable pour la protection de l'environnement de l'Arctique canadien et du Nord circumpolaire. Cela contribuera à faire en sorte que les Autochtones canadiens continuent à jouer un rôle actif dans la planification, l'évaluation et la gestion de la recherche et de la protection environnementales de leurs terres ancestrales.
C'était un très court exposé, monsieur le président, mais nous sommes tout à fait disposés à répondre aux questions.
Le président: C'était très bref mais très bien fait et je vous félicite. Il s'agit d'un excellent mémoire et les trois ministres auxquels vous avez fait allusion sont des amis intimes. Nous leur transmettrons bientôt votre message, lorsque l'occasion se présentera. Nous tiendrons compte de vos observations.
Je vais commencer la période des questions en cédant la parole à Mme Guay.
[Français]
Mme Guay: Merci pour votre présentation. J'ai trouvé cela très intéressant. Je pense que vous allez pouvoir compter sur l'appui de tous les députés ici présents.
Ma question a trait aux emplacements de l'armée américaine. À Iqaluit, on a vécu la même chose. Ils ont une problématique: l'armée est partie et a laissé ses déchets toxiques sur place. Ici, dans la région de Yellowknife, le gouvernement a-t-il commencé à dépolluer ces emplacements ou est-ce encore en négociation? Que ce passe-t-il exactement dans ce dossier?
[Traduction]
M. Bohnet: Je laisserai à Bill Carpenter, le directeur environnemental, le soin de parler des sites miniers.
M. William Carpenter (directeur environnemental, Nation métis des Territoires du Nord-Ouest): Il n'y a pas de site militaire à proximité de Yellowknife, mais il y en a 21 qui méritent notre attention dans le Nord canadien. Compte tenu du montant total de l'argent disponible dans le cadre de la Stratégie pour l'environnement arctique et en particulier des fonds qui peuvent être alloués dans le cadre du Programme d'action pour dégâts, il n'y avait pas du tout assez d'argent pour faire le nettoyage nécessaire. On pourrait consacrer tous les fonds destinés à l'application de la Stratégie pour l'environnement arctique à dépolluer les sites militaires.
J'espère que le gouvernement canadien arrivera à s'arranger avec les autorités militaires américaines pour faire faire ces travaux un jour, sinon le problème se perpétuera car on sera toujours à court d'argent.
Le problème qui se pose dans notre région est celui des mines abandonnées, celles qui existaient avant l'entrée en vigueur du règlement de 1972 sur la réutilisation des terres. Leur abandon a fait que des matières dangereuses et non dangereuses ont été laissées à divers endroits. Nos équipes en ont nettoyé une partie et d'autres organisations, qui ont reçu des fonds l'année dernière dans le cadre du Programme d'action pour dégâts en ont nettoyé d'autres.
M. Mike Paulette (vice-président, Nation métis des Territoires du Nord-Ouest): À cet égard, je signale que l'on sait que des déchets militaires ont été enfouis à Fort Smith, par exemple, où l'on retrouve la plus forte densité de population métis des Territoires du Nord-Ouest. Nous ne savons pas encore quel est le volume exact des déchets enfouis ni quelle répercussion cela peut avoir sur les habitants de cette localité. Ce dont on est sûr, c'est que les cas de diabète et d'autres maladies sont fréquents chez les habitants de Fort Smith. On se pose actuellement des questions. Il y a donc ce problème, et je suis certain qu'il se pose dans d'autres localités situées en bordure du Mackenzie.
M. Carpenter: Je tiens à ajouter qu'un site militaire auquel nous consacrerons un certain temps cet été, est celui dans l'ancien pipeline Canol, également appelé route ou piste Canol. Comme vous le savez, il a été installé pendant la Seconde Guerre mondiale et abandonné au bout d'un an.
Il y reste certaines matières dangereuses. Un des projets de notre section locale de Norman Wells, dans le cadre du Programme d'action pour dégâts, consiste à enlever les 345 barils de carburant qui se trouvent toujours sur les lieux et qui ont été accumulés à divers endroits. Certains ont besoin d'un gainage pour éviter les fuites. Ces barils seront enlevés cet été.
Dans le cadre du même projet, nous commençons également à activer les travaux d'enlèvement des fils télégraphiques qui ont été abandonnés. Je suppose qu'on ne peut pas considérer cela comme un déchet dangereux aux termes de votre loi, mais il est incontestable que ces fils sont dangereux pour le gibier. Des dizaines de caribous et d'orignaux se font prendre dans les fils chaque année. Nous comptons les enlever, pour autant que nous ayons l'appui du ministère des Affaires indiennes.
C'est autre chose que les militaires américains ont abandonné.
M. Lincoln: Nous venons d'entendre les représentants de la Nation dénée parler des répercussions de l'exploitation minière sur les eaux, le poisson et le gibier. Il existe un projet d'exploration de sites diamantifères d'une envergure énorme dans cette région. Par ailleurs, les ressources forestières seront de plus en plus exploitées.
Je me demande ce que votre organisation pense de cette tendance, maintenant que les ressources minières et forestières s'épuisent de plus en plus dans le Sud; je me demande ce qu'elle pense de l'exploitation des ressources par rapport à la recherche d'autres modes de développement économique plus durables comme l'éco-tourisme et l'exploitation des ressources à long terme, sans avoir recours à l'utilisation de produits chimiques et à une exploitation massive du territoire qui a des répercussions sur les ressources fauniques, aquatiques et terrestres.
Quelle est l'attitude de votre organisation et que faites-vous, par exemple, dans le cas de l'exploration de sites diamantifères par les sociétés BHF et De Beers?
M. Bohnet: C'est une question à laquelle nous n'aurons pas beaucoup de mal à répondre. Nous partageons les inquiétudes des Dénés et des autres groupes autochtones en ce qui concerne le développement. Nous l'avons toujours soutenu dans une certaine mesure, mais pas aux dépens de l'environnement ni des terres et des eaux avoisinantes. De nombreuses pressions ont été faites pour assurer le développement du territoire de l'Ouest, pour un certain nombre de raisons, surtout économiques, mais nous n'appuyons que quelques initiatives, et pas à n'importe quel prix.
Nous avons vu les résultats du développement du territoire: les peuples autochtones, et plus particulièrement les Métis, n'ont que très peu bénéficié des avantages économiques tirés des grands projets de développement. Nous avons joué un rôle actif auprès des promoteurs de différents projets, mais nous avons toujours clairemement indiqué à BHP, par exemple, que nous ne les soutenions pas uniquement pour des motifs économiques et qu'il fallait nous donner, à nous-mêmes et à l'ensemble de la population du territoire de l'Ouest, des garanties en ce qui concerne l'environnement.
M. Lincoln: Pensez-vous que c'est possible?
M. Bohnet: De nombreuses pressions s'exercent de l'extérieur pour imposer d'importants projets de développement dans le territoire de l'Ouest. La situation financière de notre pays, et d'ailleurs celle des Territoires du Nord-Ouest, fait que l'argent est difficile à trouver. Les gens se tournent vers d'autres sources. Par le passé, on a pris l'habitude de faire passer l'argent en premier, et l'environnement ensuite, après tout le reste.
Laissez-moi dire au comité, et à vous tous en tant que parlementaires, que nous avons maintenant la possibilité de faire les choses un peu différemment dans le territoire de l'Ouest. Prenons notre temps et faisons les choses comme il faut. Ne refaisons pas les erreurs qui ont été commises dans le Sud du Canada et dans d'autres régions du monde. Nous avons ici la possibilité d'agir différemment. Tout ce dont nous avons besoin, c'est que nos parlementaires et nos gouvernements fassent preuve de courage.
M. DeVillers: J'aimerais vous renvoyer au bas de la page 2 et en haut de la page 3 de votre mémoire. Vous vous inquiétez du fait que sur les sites d'entreposage de déchets dangereux, les efforts de nettoyage sont dictés par les exigences de la LCPE et que le respect des critères imposés par la LCPE est devenu plus important que le nettoyage lui-même.
Avez-vous des précisions à nous donner à ce sujet? Avez-vous des recommandations précises à faire pour remédier à ce problème?
M. Carpenter: Monsieur le président, l'un de nos sujets de préoccupation est la quantité d'argent disponible dans le cadre du Programme d'action pour dégâts qui permet d'assurer le nettoyage de ces sites. Si l'on accepte que toutes les exigences en matière de nettoyage soient dictées par les dispositions de la LCPE, tous les crédits disponibles dans le cadre du Programme d'action pour dégâts y passeront. Ce qui se passe, c'est qu'il nous faut lutter pour que d'autres choses, toutes aussi importantes pour les gens, soient faites.
Certaines infractions à la LCPE, réelles ou apparentes - parce qu'il y en a quelques-unes qui n'ont pas encore été bien évaluées - sont de toute évidence prioritaires aux yeux de l'État, peut-être en raison du fait que l'on s'inquiète des responsabilités légales et que l'on a peur, par exemple, que des sous-ministres soient jetés en prison. Des sites tout à fait isolés bénéficient d'une priorité par rapport à d'autres que les organisations autochtones aimeraient voir nettoyer.
Toutefois, je considère que c'est avant tout une question d'argent. Il faut que l'on puisse disposer de crédits et de ressources plus importants pour que tout soit nettoyé, qu'il y ait eu une infraction aux dispositions de la LCPE ou qu'il s'agisse d'autres déchets qui déparent le paysage.
M. Bohnet: Il serait sans doute de bonne guerre de renvoyer la question au comité: Qu'entend faire le gouvernement fédéral pour récupérer une partie des frais découlant du gâchis causé par les différents organismes et gouvernements sur le territoire, l'armée des États-Unis et les grandes compagnies minières, qui existent toujours aujourd'hui, afin que les crédits disponibles au titre de la Stratégie pour l'environnement arctique, par exemple, plutôt que d'être affectés au réglement des infractions à la LCPE, puissent effectivement servir à assurer d'autres nettoyages prioritaires dans l'Arctique?
Le président: Notre comité s'efforce de poser toutes ces questions. Nous serions restés à Ottawa si nous avions les réponses.
M. Bohnet: C'est la mise en application qui, à mon avis, nous donnera la réponse. Jusqu'à quel point la LCPE a-t-elle suffisamment de mordant, qu'il s'agisse de faire appliquer les dispositions antérieures ou même les nouvelles? A-t-elle suffisamment de mordant pour que l'on oblige les gens à en respecter les dispositions, ou est-ce que c'est le jeu de la politique qui va prévaloir?
Le président: L'une des faiblesses de la LCPE se situe au niveau de l'application. Nous sommes en voie d'y remédier.
M. DeVillers: C'était le but de ma question. De nombreuses organisations écologiques nous ont dit qu'il n'y avait pas suffisamment de règlements susceptibles d'être bien appliqués pour protéger l'environnement. Vous semblez nous dire le contraire dans votre mémoire. Selon vous, il y a trop de réglementation en matière de dépollution en vertu de la LCPE et vous préféreriez que les fonds soient dépensés ailleurs. C'est pourquoi je voulais avoir davantage de détails à ce sujet.
M. Bohnet: Pour être plus précis, nous disons qu'il convient de faire le ménage pour ce qui est des infractions à LCPE, mais il ne s'agit pas simplement de remédier aux dégâts actuels, qui résultent directement de la non-application de la loi et des règlements adoptés antérieurement. Lorsqu'on adopte une loi, il faut donc veiller à ce qu'elle puisse être appliquée dans la pratique.
Le président: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur ce point. C'est pourquoi nous faisons cette tournée.
Monsieur Adams, bravo pour votre annonce publicitaire.
M. Adams: J'aimerais revenir sur le fait que le MAINC ne comparaît pas publiquement devant nous. Je sais que nous les avons contactés, mais si j'en juge aussi par ce mémoire, je crois qu'il nous faudra faire un suivi plus tard auprès de MAINC.
Monsieur Bohnet, je vous remercie, vous et vos collègues, de cette documentation ainsi que de l'annonce publicitaire.
Vous avez fait un plaidoyer éloquent en faveur des partenariats et vous avez bien exposé votre cause. Vous avez pris l'exemple précis de la Stratégie pour l'environnement arctique et vous avez évoqué, par ailleurs, un certain nombre d'opérations de nettoyage réussies. C'est une chose que j'apprécie. Toutefois, nous avons pu constater que les partenariats ne suffisaient pas. Il faut avoir des sanctions, il faut pouvoir faire appliquer les règlements. Vous l'avez laissé entendre vous-même. Dans la mesure où au sein de la Nation métis vous avez le pouvoir de faire appliquer les lois, par les gens de votre peuple, par opposition à ce qui se passe dans vos relations avec les promoteurs, est-ce que votre organisation a le pouvoir ou envisage de se doter du pouvoir de faire respecter les règlements qui vous paraissent nécessaires sur votre territoire?
M. Bohnet: J'aimerais vous répondre par l'affirmative, mais en tant que responsable politique, je dois vous répondre carrément que non. Nous sommes une organisation politique. Sur les questions d'environnement, nous avons toujours cherché à sensibiliser notre peuple et à lui faire comprendre que nous sommes aussi responsables de bien des problèmes environnementaux. Nous sommes en partie responsables du problème et nous voulons contribuer à le résoudre.
C'est là qu'interviennent les partenariats. Nous sommes toujours partis du principe qu'au départ, les problèmes d'environnement ne concernaient pas un seul peuple. En tant que Canadiens, nous sommes tous responsables de l'environnement. Je pense que la valeur que nous accordons à notre terre et à nos ressources est quelque peu différente de celle que l'on reconnaît à cela dans les grands centres urbains situés au sud du 60e parallèle.
Nous n'avons pas de pouvoirs d'application au sein de notre organisation politique. Nous avons choisi une approche très différente - au niveau de l'école, etc.
M. Adams: Je vous remercie.
M. O'Brien (London - Middlesex): Ma question recoupe celle de M. DeVillers tout à l'heure. Je n'ai toujours pas bien compris. Discutez-vous ce qui a été fait, du choix des sites qui doivent être nettoyés, ou du fait que la LCPE confère la grande priorité au nettoyage de ces sites? Je me pose la question. S'il y a une autre grande priorité, qui va la déterminer? Le gouvernement des Territoires-du-Nord-Ouest? Qui, précisément?
M. Bohnet: Je crois que lorsqu'on établit des priorités, il faut qu'il y ait une participation des collectivités. Pendant bien trop longtemps, les lois ou les plans ont été élaborés arbitrairement par les politiciens ou par les fonctionnaires. On détermine ce qui constitue une infraction réelle ou potentielle à la LCPE, sans véritablement consulter les gens au niveau des collectivités.
Nous ne disons pas que les priorités établies sont mauvaises. C'est la santé des gens qui est la grande priorité et nous le comprenons. Toutefois, nous sommes de plus en plus désenchantés lorsque nous voyons que des millions de dollars sont consacrés au nettoyage de ces sites dangereux, alors qu'ils ne sont pas arrivés là par la faute des habitants locaux et des Autochtones, et alors qu'il y a d'autres priorités tout aussi importantes qui ont été établies par les collectivités mais qui ne sont pas financées.
M. O'Brien: Il ne peut pas y avoir deux priorités d'égale importance. Il faut bien qu'il y en ait une qui vienne en premier, de sorte que j'essaie....
M. Bohnet: La santé des gens est la grande priorité. Nous n'en disconvenons pas. Qui en paierait alors le prix si nous n'étions pas d'accord?
Mme Kraft Sloan: Je me demande si votre organisation s'inquiète plus particulièrement des projets de mines de diamant et des effets pernicieux qu'elles peuvent avoir éventuellement sur l'environnement.
M. Bohnet: Nous avons déjà fait une intervention devant le groupe d'étude mis sur pied pour examiner le projet de BHP. Nous avons fait état de nos préoccupations et demandé des éclaircissements concernant le déroulement de ce projet. Nous ferons par ailleurs des recommandations sur un certain nombre de choses que nous jugeons importantes.
Je pense qu'il serait prématuré de faire état de préoccupations environnementales précises devant ce groupe d'étude tant que nous n'aurons pas fait, nous-mêmes, nos propres recherches. Nous avons un certain nombre de préoccupations sur le plan socio-économique en raison des leçons que nous avons tirées du passé et des grands projets de développement dans le Nord. Nous voulons nous assurer que les Autochtones bénéficient sur tous les plans des projets de développement éventuels, mais non au détriment de l'environnement.
Ainsi, lorsque l'oléoduc de Norman Wells a été construit il y a un certain nombre d'années, on a engagé les Autochtones dans des emplois de manoeuvres ou de gardiens de camps. Les projets étaient aux mains d'entreprises qui employaient des syndiqués du Sud. Nous nous sommes opposés à ce genre de choses. Toute la dimension socio-économique déborde largement la compétence de votre comité. Nous nous adresserons sur ce point aux instances responsables.
M. Finlay: J'aimerais enchaîner sur une autre déclaration de M. Adams, parce que je crois que l'on est là au coeur du sujet. Vous voulez qu'il y ait un certain contrôle au niveau local et que l'on établisse des priorités locales, et pourtant vous reconnaissez par ailleurs qu'un certain développement est nécessaire.
En haut de la page 2, vous nous dites que des sites miniers ont été abandonnés et que l'on n'a pas fait respecter les modalités des actes d'achat à l'époque qui a précédé l'adoption du Règlement sur l'utilisation des terres du territoire. Est-ce que ce règlement exige désormais que l'on enlève les bâtiments, que l'on reconstitue le site minier, etc., et est-ce qu'il est possible d'en faire respecter les dispositions? Ce sont là des choses qui relèvent des lois locales. Est-ce que le Règlement sur l'utilisation des terres du territoire vous donne le pouvoir ou l'autorité nécessaire?
M. Carpenter: Je peux vous répondre dans un premier temps. Ce pouvoir n'est pas confié à la Nation métis, mais bien évidemment au ministère des Affaires indiennes et du Nord dans le cadre de son mandat au titre du Règlement sur l'utilisation des terres, et je crois que ce dernier peut exercer à ce titre un grand contrôle. Il est probable que la question du respect de la réglementation reste entière, mais le règlement de 1972 sur l'utilisation des terres exige effectivement des mesures de remise en état. Il faut qu'il y ait une restauration du site; un certain nombre de choses doivent être faites et le matériel ne doit pas être abandonné, contrairement à ce qui se faisait antérieurement. Donc, en partie, oui, c'est une question qui est traitée dans le Règlement sur l'utilisation des terres.
Pour ce qui est de savoir s'il est bien appliqué, il faut éventuellement se demander si le ministère dispose de tous les crédits nécessaires. Il y a toujours moyen de faire mieux et c'est un domaine où ce principe s'applique probablement.
M. Bohnet: Je pense que vous entendrez plus tard ce matin un des groupes autochtones qui est directement impliqué dans les revendications territoriales. Il y a certains systèmes ou certains régimes de réglementation qui font partie intégrante de ces conventions de règlement des revendications territoriales. Je crois qu'ils seront mieux à même de juger, étant directement impliqués dans l'élaboration des politiques et de la loi. Je laisse ce soin au groupe qui nous suit.
Le président: Il n'y a peut-être pas de meilleure façon de conclure cet exposé. J'aurais bien aimé pouvoir passer davantage de temps avec vous trois. Malheureusement, le temps nous est compté et il y a des gens qui attendent. Toutefois, au nom du comité, nous vous remercions chaleureusement, messieurs Bohnet, Paulette et Carpenter, de nous avoir présenté un document particulièrement utile et d'avoir si bien su répondre à nos questions. Nous vous en sommes reconnaissants.
M. Bohnet: Merci, monsieur le président. Avant de vous quitter, je tiens à faire aux membres du comité un petit cadeau qui a quelque chose à voir avec toute cette question d'environnement.
Il s'agit de sacs poubelles. Ils sont fabriqués à Fort McPherson, dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils possèdent une doublure et vous pouvez donc y mettre vos détritus et réutiliser ensuite le sac. Je pense que notre slogan: «Notre terre, c'est l'avenir: gardez-la propre» reflète essentiellement les convictions de la Nation métis et probablement celles de la plupart des Autochtones du territoire. Nous en avons un pour chacun des membres du comité. Donc, pour conclure, voilà ce que nous avons à dire: Ne jetez pas vos détritus n'importe où.
M. Paulette: Monsieur le président, nous avions l'intention de vous demander de les utiliser, de vous en servir ici à Yellowknife, mais je crois qu'en raison de votre emploi du temps, nous allons nous contenter....
M. Bohnet: Quoi qu'il en soit, au nom de la Nation métis, nous vous remercions chaleureusement.
Le président: Merci. Est-ce que le prochain groupe peut s'avancer à la table?
Représentant le Conseil des Indiens du Yukon, nous accueillons Patrick James, le chef de la première nation Carcross/Tagish. L'accompagnent Norma Kassi, ancienne députée à l'Assemblée du territoire et coordonnatrice de la Stratégie pour l'environnement arctique de Vuntut, ainsi que Lucy van Oldenbarneveld, attachée de recherche pour le compte du Conseil des Indiens du Yukon. Vous êtes tous trois les bienvenus devant le comité. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire et vous avez la parole.
Le chef Patrick James (Première nation Carcross/Tagish): Tout d'abord, je saisis cette occasion pour remercier les premières nations de Yellowknife d'avoir bien voulu nous accueillir sur leur territoire traditionnel pour nous permettre de faire cet exposé. Je les en remercie.
Au nom des deux groupes que je représente, la première nation Carcross/Tagish et le Conseil des Indiens du Yukon, je tiens à souhaiter une excellente journée à tous ceux qui sont ici.
En passant, nous n'avons pas de cadeaux pour vous aujourd'hui. Ce n'est que lorsque nous vous accueillons sur notre territoire traditionnel du Yukon que nous offrons des cadeaux.
Je saisis l'occasion de remercier le Comité permanent de nous donner la possibilité de faire connaître notre opinion sur la LCPE.
J'ai à mes côtés aujourd'hui, ainsi que vous l'avez indiqué, Norma Kassi, qui appartient à la première nation Gwitch'in du Vuntut et qui est coordonnatrice de la Stratégie pour l'environnement arctique, ainsi que Lucy van Oldenbarneveld, attachée de recherche du CIY.
Tout d'abord, j'ai quelques sujets d'inquiétude à exprimer.
Il est assez paradoxal qu'un chef des Premières nations du Yukon soit obligé de traverser près du tiers du continent Nord américain, pour présenter un exposé ayant trait à l'environnement devant un Comité permanent très important.
Alors que je vous expose certaines questions, vous comprendrez que l'environnement revêt une très grande importance. La pollution, les agents contaminants et tout ce qui entoure ces questions ont une très grande incidence dans le Nord. Je tiens à le dire aujourd'hui.
En guise d'introduction, j'aimerais vous rappeler que les commentaires et les préoccupations exprimés aujourd'hui ne sont que provisoires. L'analyse complète de la situation sera présentée sous forme de rapport avant le 26 mai au comité permanent. Il sera fait dans ce rapport une analyse en profondeur ainsi que des recommandations précises au sujet du lien entre la LCPE et les Premières nations du Yukon.
Le conseil des Indiens du Yukon apporte au comité un point de vue bien particulier qui est celui des Premières nations habitant dans le Nord du Canada. Le CIY représente quelque 8 000 membres des Premières nations au Yukon qui viennent de signer une entente concernant le règlement de revendications territoriales portant sur 16 000 milles carrés de terres au Yukon et conférant aux Premières nations des pouvoirs de décision sur les terres faisant l'objet du règlement.
Nos quatre premières ententes définitives sur l'autonomie gouvernementale sont entrées en vigueur le 14 février 1995. Comme je vous l'exposerai tout à l'heure, l'une de nos grandes priorités est de donner effet aux dispostions des mesures provisoires dans le cadre du mécanisme d'évaluation du développement, qui correspondent à l'article 12.3.6 du chapitre 12.
Nous avons pu prendre connaissance des nombreux commentaires faits par d'autres représentants des Premières nations devant le comité et nous sommes d'accord avec la majeure partie de ce qui a été dit, notamment en ce qui a trait à la nécessité pour le gouvernement, les provinces et les territoires, de reconnaître les Premières nations en tant que décideurs en matière d'environnement et non pas simplement en tant que partie prenante.
Votre comité, dans son bulletin Parlons de la LCPE a fait savoir qu'en révisant la LCPE, le Parlement avait finalement pour objectif de nous doter d'un instrument législatif qui permettra de prendre des décisions à tous les niveaux de la société canadienne et contribuera à doter notre pays d'un environnement qui soit sain et durable. Nous serons heureux de collaborer avec vous sur cette question, de gouvernement à gouvernement.
Notre exposé aujourd'hui a pour objet de décrire quel doit être le développement du Yukon en se référant à toute la question de la protection de l'environnement et, par ailleurs, d'exposer les travaux entrepris par le CIY pour nous permettre de faire des recommandations précises au comité au sujet des changements à apporter à la LCPE pour qu'ils soient compatibles avec les accords définitifs d'autonomie gouvernementale, comme les interprètent les communautés des Premières nations au Yukon.
Notre exposé a finalement pour objectif d'exposer au comité toute l'importance que revêtent la protection de l'environnement et la prévention de la pollution pour les Premières nations du Yukon.
Le CIY estime que la protection de l'environnement est une responsabilité et un droit inhérents des Premières nations sur leurs terres et, en particulier, que les Premières nations du Yukon, en compagnie d'autres gouvernements, ont un rôle important à jouer pour ce qui est des prises de décisions en matière environnementale.
Le CIY considère que le mécanisme d'évaluation du développement, tel qu'il est décrit au chapitre 12 de la convention-cadre définitive, ainsi que d'autres définitions de la convention-cadre définitive, ainsi que des ententes d'autonomie gouvernementale définitives et distinctes qui permettront aux collectivités des Premières nations du Yukon d'atteindre ces objectifs.
Le chapitre 12 sera le principal instrument qui permettra au CIY de procéder aux évaluations environnementales, mais il deviendra surtout le guichet unique, la solution indispensable devant permettre aux Premières nations de s'assurer que la mise en valeur de leurs terres est écologique et qu'elle peut subvenir à leurs besoins sans nuire ou endommager le lien sacré qu'entretiennent les Premières nations avec la nature.
Ces dernières années, les autochtones du Yukon s'aperçoivent de plus en plus que leurs aliments traditionnels, produits de la terre, sont contaminés. En fait, la présence de produits toxiques nous inquiète de plus en plus. Il est difficile de savoir exactement de quelle manière ces toxines en viennent à contaminer nos aliments, mais nous savons que le cadmium, le toxaphène, le DDT, les PCB ainsi qu'un certain nombre d'autres substances polluantes au nom compliqué font des ravages dans notre population. Nos collectivités sont la proie de maladies telles que le diabète et différentes formes de cancer. Ces maladies étaient pratiquement inconnues lorsque notre terre et nos aliments étaient sains.
Nous découvrons chaque jour davantage de produits toxiques laissés derrière elle par l'armée des États-Unis, dans des barils de pétrole qui fuient, des fûts remplis de PCB ou réservoirs de stockage souterrains de l'essence. Nous nous rendons tous compte qu'un nombre grandissant de recherches nous enseignent que l'Arctique est devenu un dépotoire pour le monde entier, une mecque de la pollution dans laquelle s'accumulent des produits industriels toxiques, provenant de tous les pays, y compris du Canada, que ce soit en raison des courants aériens ou simplement parce que les toxines ont une affinité pour le froid, et s'accumulent dans la chaîne biologique au lieu de se disperser. On se rend compte que les retombées se font sentir sur les autochtones.
Ces produits chimiques apparaissent dans nos organismes en quantité supérieure à la moyenne nationale. On en retrouve des traces dans nos plantes et nos animaux parce que ces toxines nous viennent du monde entier. Les Premières nations du Yukon incitent fortement le gouvernement canadien à continuer à montrer la voie lorsqu'il s'agit de concevoir des protocoles internationaux visant à réduire et à supprimer la pollution atmosphérique.
Il existe des signes évidents du fait que l'agent orange, un puissant herbicide, a été répandu à fortes doses le long du pipeline de la route de l'Alaska pendant ses années d'exploitation. J'ai aussi appris, en écoutant d'autres interventions des Premières nations, que l'on est à inverer le cours du pipeline des TNO et du Yukon, qui traverse lui aussi notre territoire traditionnel. Il convient de faire des recherches dans tous ces domaines. Le pipeline passe près d'un certain nombre de nos localités ainsi qu'à travers nos terrains de chasse. Vous n'ignorez pas que l'agent orange a été aussi utilisé par l'armée américaine au Vietnam. Il est évident que des forces d'intervention extérieures ont infligé de gros dégâts à l'environnement sur nos terres.
Les membres de notre peuple craignent de plus en plus de se nourrir traditionnellement parce qu'ils ont entendu parler de polluants et de toxines, et ils ne sont pas sûrs que cette alimentation soit encore saine. Imaginez l'inquiétude de nos anciens face à cette situation. Ce qu'il faut dire ici, c'est que les Premières nations ont toujours traité la terre avec respect et qu'elles n'exercent aucun moyen de contrôle sur ceux qui l'exploitent de façon inconsidérée.
La situation est différente désormais, et c'est pourquoi nous devons être impliqués à tous les niveaux lorsque des modification législatives sont apportées en matière d'environnement. Nous considérons que les modifications apportées à la LCPE ne doivent pas se faire de manière isolée. Toutes les lois que l'on envisage actuellement de modifier, que ce soit au niveau des territoires ou au niveau fédéral, qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur le Nord ont besoin de l'accord des Premières nations, qui doivent exprimer leur avis à la table des discussions en tant que partenaires à part entière, sinon elles n'auront aucun sens en ce qui nous concerne. Le programme fédéral de délégation de pouvoirs, d'harmonisation et de déréglementation ne doit pas se poursuivre tant que les Premières nations n'auront pas été consultées et n'auront pas pris part à l'opération.
Le CIY est vivement préoccupé par les récentes discussions entre le Canada et le Yukon et l'entente intervenue sur la délégation de pouvoirs entre les provinces et les territoires en matière d'harmonisation et de droit environnemental. Nous n'avons pas participé à ces discussions, même si elles intéressent les négociations en cours entre le Conseil des indiens du Yukon et le Yukon d'une part et le Canada d'autre part.
Il serait par exemple prématuré de transférer du Canada au Yukon des terres ou des ressources ou des pouvoirs de légiférer dans ces domaines tant qu'un accord final et des ententes sur l'autonomie gouvernementale n'on pas été conclues avec l'ensemble des Premières nations du Yukon.
Comme je l'ai indiqué, les mesures provisoires à prendre dans le cadre du processus d'évaluation du développement constitue la principale priorité pour les Premières nations du Yukon. Selon nous, Environnement Canada, qui a compétence en matière d'environnement, doit jouer un rôle clé dans l'élaboration de ces mesures. En tant que signataire de l'accord cadre définitif, y compris le chapitre 12, le Canada et le Yukon ont conlu un accord de principe sur le processus d'évaluation du développement. Ils ont en outre convenu que, en tant que décideurs indépendants, ils respecteraient des résultats de ce processus ce qui aura presque certainement pour conséquence d'entraîner des modifications des lois fédérales et territoriales, y compris la LCPE.
Il faudrait par exemple à tout le moins amender toutes les dispositions de la LCPE relatives à la consultation avec les gouvernements des provinces et territoires pour y ajouter la consultation avec les Premières nations du Yukon. La consultation est un thème qui revient constamment dans nos revendications territoriales et nous avons défini en quoi ce processus devrait consister. Il s'agit principalement de consulter toute les communautés au sujet des problèmes qui les concernent. Le CIY est en train de faire effectuer une analyse jurdique incluant notamment les points suivants: examiner les fondement de la juridiction des Premières nations en matière d'environnement étant donné les termes de l'accord cadre définitif et de diverses autres accords; examiner l'application des lois de protection de l'environnement existante fédérales et territoriales, y compris la LCPE, en ce qui concerne les terres conférées par l'entente ayant mis fin à leurs revendications; évaluer les lacunes existantes dans la législation de protection de l'environnement et présenter des recommandations quant à la façon d'y remédier; évaluer dans quelle mesure la LCPE sous sa forme actuelle peut répondre aux besoins et aux attentes des membres du CIY et présenter des recommandations au sujet des modifications susceptibles d'être apportées à la LCPE.
Ce rapport est actuellement en cours de préparation et sa version définitive sera présentée au comité permanent le 26 mai au plus tard. Une fois que le rapport définitif sera en la possession du CIY, celui-ci sera mieux à même de présenter des recommandations spécifiques concernant les dispositions de la LCPE et les modifications à y apporter.
Pour terminer, je voudrais vous remercier du temps que vous nous avez consacré et offrir au comité aide et conseils dans la mesure de nos moyens. Merci beaucoup.
Le président: Monsieur James, c'est très utile, surtout l'analyse juridique dont vous avez parlé dans les dernières minutes de votre intervention. Nous serons certainement heureux de recevoir vos textes aussitôt que vous pourrez nous les fournir car, comme vous les savez sans doute déjà, nous en sommes aux dernières étapes de la rédaction et vos commentaires, surtout ceux portant sur les lacunes et l'évaluation de la pertinence de la LCPE, nous seraient extrêmement utiles.
Je présente mes excuses pour ce bref contretemps.
Nous disposons d'une demi-heure pour un tour de questions, et peut-être un deuxième.
M. Gilmour: Merci de votre exposé. Vous avez parlé des stations du réseau d'alerte avancé de l'armée américaine. Combien y en a-t-il au Yukon et dans quelles mesures ont-elles été nettoyées ou doivent-elles l'être?
Mme Norma Kassi (coordonnatrice, Stratégie pour l'environnement arctique): Grâce à la stratégie pour l'environnement arctique, une initiative prise par le gouvernement dans un esprit de coopération et qui a permis d'établir d'excellents partenariats entre les Premières Nations du Yukon et le NAINC en matière d'environnement, nous avons pris conscience de ce qui se passe sur notre territoire pour ce qui est des toxines, des polluants agissant localement ou sur de longues distances, comme notre chef et d'autres groupes représentant les Premières Nations vous l'ont signalé ce matin.
Il y a actuellement 42 stations du réseau d'alerte avancé dans le Nord, dont plusieurs dans le Yukon. Je ne connais pas les chiffres exacts. On nous a toutefois dit qu'il y a des niveaux très élevés de PCB dans un rayon de 21 kilomètres autour de ces stations.
Le nettoyage a porté sur les déchets et non pas spécialement sur les contaminents agressifs. On nous a dit que les ressources et les fonds sont insuffisants pour nettoyer ce genre de déchets. Nous aimerions nous aussi recommander vivement, en tant que Premières Nations du Yukon, que l'on continue d'appliquer la Stratégie pour l'environnement arctique. Le partenariat est en place et la coopération aussi.
Nous avons besoin de plus d'argent et de plus de ressources pour pouvoir effectuer ce nettoyage en mettant particulièrement l'accent sur les déchets nocifs pour la santé abandonnés sur place. À notre connaissance, le Canada est en train de négocier avec les États-Unis au sujet de ces problèmes de nettoyage pour que ce pays se comporte de façon responsable et y participe. Toutefois, au niveau local nous n'avons eu aucune nouvelle positive à cet égard. Il faut veiller à ce que les États-Unis assument une part de la responsabilité correspondante.
Comme l'a dit mon chef, nous sommes très préoccupés par la santé des membres de notre peuple au Yukon. Nous avons un nombre très élevé de cas de cancer et de diabète. Des études réalisées à l'initiative de la Stratégie pour l'environnement arctique ont montré que les PCB contribuent largement au diabète.
M. Lincoln: Chef James, vous avez parlé d'établir un lien entre la LCPE et les terres visées par l'entente sur les revendications territoriales et tout le processus relatif aux ententes déjà signées ou devant l'être. Je sais que d'ici le 26 mai, vous présenterez un mémoire contenant d'autres recommandations. Je voulais aborder une partie de la LCPE qui concerne actuellement les terres indiennes. Il s'agit de la Partie IV qui porte sur les réserves, les terres cédées ou les autres terres dévolues à la Couronne et assujetties à la Loi sur les Indiens, ainsi que les eaux et l'air les recouvrant.
Je me demande si vous pouvez nous dire si votre organisation a des idées quant à un élargissement éventuel. Voulez-vous qu'on élargisse le champ d'application de la LCPE? D'autres groupes d'autochtones que nous avons rencontrés considèrent que la LCPE ne s'applique pas. Ils disent qu'ils veulent être autonomes et définir eux-mêmes le régime applicable à leurs terres. La LCPE pourrait alors servir à combler les lacunes ou à appuyer les mesures qu'ils prendraient. Ils ne veulent pas que la LCPE s'applique obligatoirement à eux. Pensez-vous que les terres conférées par l'entente devraient continuer à relever de la LCPE? Qu'en pense votre organisation?
Le chef James: Je ne veux pas dire que les gens des Premières nations ne veulent pas que la LCPE s'applique à ses terres. Je veux qu'il soit clair que les compétences et les pouvoirs du gouvernement des Premières nations du Yukon ne s'appliquent pas seulement aux terres conférées par l'entente mais qu'il existe des régimes de gestion qui s'appliquent à l'ensemble des terres du Yukon, et que les Premières nations devraient posséder des pouvoirs décisionnels au sein des commissions et des comités mis en place, dans le cadre de la LCPE ou pour s'occuper de problèmes écologiques.
En général, je ne pense pas que les Premières nations s'opposent à un mode quelconque de développement. Nous voulons participer à ce qui se passe et nous voulons pouvoir réglementer la façon dont les choses se font, non seulement sur notre territoire traditionnel mais à l'extérieur de celui-ci. C'est une chose qu'il me paraît important de souligner.
M. Lincoln: Pensez-vous qu'il faudrait élargir la définition des terres indiennes telle qu'elle existe aujourd'hui dans la LCPE?
Le chef James: Je vais peut-être confier cette question à Norma ou Lucy.
Mme Kassi: À notre connaissance, la quatrième partie de la LCPE mentionne les terres indiennes, les réserves, etc. Au Yukon, nous occupons actuellement des terres conférées par l'entente.
M. Lincoln: J'en suis conscient.
Mme Kassi: Dans le cadre du processus d'évaluation du développement, d'un niveau très local au niveau territorial, nous aimerions conclure une entente au titre de l'article 12 de notre accord-cadre définitif avec tous les gouvernements du territoire. Les deux gouvernements et les Premières nations du Yukon s'entendraient pour élaborer la réglementation concernant les questions reliées à l'environnement et les problèmes qui nous préoccupent à cet égard. On pourrait définir ces préoccupations et élaborer ces règlements à l'échelon local, puis à celui du territoire et enfin au niveau national. Nous devrions, dans ce contexte, travailler très étroitement avec la LCPE.
Nous sommes encore en pleines négociations. Celles-ci doivent porter sur plusieurs questions. Beaucoup de dispositions de la LCPE et de l'ACEE seront remplacées par le processus d'évaluation du développement; nous espérons que ce pourrait être le cas d'ici deux ans, quand celui-ci doit entrer en vigueur.
M. Finlay: Monsieur le président, je voudrais revenier à ce qui figure à la page 10 ou 11. Le Chef a expliqué que les Premières nations continuent à respecter la terre mais qu'elles n'ont aucun moyen de contrôle sur ceux qui l'exploitent de façon inconsidérée. Les choses ont changé. Je pense que vous parlez de l'accord-cadre. On ne craint guère... en matière d'environnement, des changements administratifs doivent se faire à tous les paliers. Nous avons déjà entendu le commentaire, notamment à la page 12 où vous dites: «Nous n'avons pas participé à ces discussions».
Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n'y avez pas participé? Est-ce parce que vous n'envisagiez pas l'accord-cadre de la même façon que le gouvernement territorial du Yukon ou le gouvernement fédéral? En quoi consiste le problème, si l'on s'emploie à trouver une solution?
Le chef James: Je peux vous donner quelques renseignements généraux et Norma pourra alors intervenir.
L'une des choses que je constate à l'étranger et dans l'ensemble du Canada - au Yukon, si on le considère à part - c'est mon point de vue que partagent d'ailleurs de nombreuses Premières nations du Yukon. Il existe deux types d'économie au Yukon: l'économie traditionnelle, commune à tous les membres des Premières nations, et l'économie industrialisée, qui fonctionne parallèlement à l'économie traditionnelle. Nous avons laissé l'économie industrialisées manipuler et modifier nombre de programmes et des lois concernant l'environnement. Nous avons pourtant une économie traditionnelle mais le gouvernement ne reconnaît pas aux personnes qui participent à celle-ci le droit d'intervenir dans le processus décisionnel législatif relatif à l'environnement.
Norma pourrait peut-être intervenir maintenant.
Mme Kassi: L'un des principaux problèmes que nous connaissons au Yukon et qui sans doute n'est pas très différent de ceux que connaissent les Premières nations dans l'ensemble du pays, est que, bien que nos revendications territoriales aient été réglées, d'autres gouvernements ont fondamentalement du mal à accepter les Premières nations du Yukon comme un gouvernement.
Nous traitons avec le MAINC. Il existe de nombreux textes législtatifs et réglementaires concernant les ressources en eaux, les pêches et les mines. Ils sont tous en trains d'être examinés. On peut espérer qu'ils seront étudiés et remaniés par le Parlement afin d'être prêts quand le processus d'évaluation du développement sera en vigueur. L'un des principaux problèmes que nous ayons au Yukon, est précisément de ne pas être considérés comme des partenaires dans le cadre de l'accord. C'est pour nous une question prioritaire.
Nous devons tenir compte de toutes sortes de lois et de règlements. Nous aimerions que, avec le processus d'évaluation du développement, on utilise le système du guichet unique en regroupant tout cela pour traiter de l'environnement du Yukon de façon holistique sans devoir tenir compte de cette multitude de textes réglementaires et législatifs. Comme je l'ai déjà dit, nous voulons que ces textes soient élaborés d'abord au niveau local, puis territorial et national et nous voulons pouvoir coopérer avec les gouvernements territorial et fédéral.
Comme l'a fermement énoncé mon chef au cours de son exposé, nous devrions traité avec Environnement Canada. En fait, Environnement Canada est pratiquement absent du Nord. On entend rarement parler de ce ministère. Nous traitons avec le MAINC. Nous devons traiter avec Environnement Canada dans nos négociations portant sur le développement futur, notamment en ce qui concerne la LCPE, l'ACEE, etc., ainsi que pour mettre au point un deuxième processus en vertu de l'accord-cadre définitif.
Mme Kraft Sloan: Vous avez répondu à mes premières question, mais j'ai pensé à une autre quand vous avez parlé de l'absence quasi totale d'Environnement Canada dans le Nord. Je me demandais si vous pouviez peut-être nous donner plus de détails à ce sujet.
Mme Kassi: Au Yukon, nous traitons avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour les questions comme le PEEE, l'AEIE, les commissions des eaux, qui relèvent toutes de ce ministère. En fait, on ne s'intéressait guère à l'environnement dans son ensemble avant l'élaboration de la Stratégie pour l'environnement arctique et c'est dans le cadre de ce programme que nous avons commencé à travailler avec ce ministère. Nous traitons très rarement avec Environnement Canada. Les Premières nations du Yukon devraient négocier avec ce ministère pour élaborer ces règlements.
Mme Kraft Sloan: Pensez-vous que des personnes extérieures à la populations autochtone considèrent également que Environnement Canada ne s'occupe pas vraiment d'elles ou avez-vous seulement cette impression du fait que vous avez surtout des rapports avec le MAINC?
Mme Kassi: Je ne peux pas parler au nom des autres. Toutefois, je pense que leur réponse serait sans doute la même, c'est-à-dire qu'Environnement Canada se manifeste très rarement ici.
Mme Kraft Sloan: Il y a une chose sur laquelle j'ai toujours insisté au sein de ce comité et je suis heureuse de la voir figurée dans votre rapport, c'est qu'une loi n'existe pas indépendamment de ce qui l'entoure et qu'il faut examiner les autres choses qui se passent pour savoir quelle est la meilleure façon d'élaborer et de mettre en oeuvre ce que nous voulons réaliser.
Merci beaucoup pour votre mémoire.
M. Adams: Presque tous les membres du comité sont nouveaux, mais il y en a au moins deux d'entre nous qui étions là lorsque le comité a passé une année à étudier votre entente. Cela a été l'une des périodes les plus traumatisantes - vous serez sans doute d'accord, John, que nous ayions connue depuis notre élection. C'était un plaisir de partager cela avec vous, vraiment.
Vous avez déjà répondu à ma question sur l'application de la loi en ce qui concerne la Nation métis. J'aimerais savoir si le chapitre 12 ou une autre partie de l'accord-cadre vous donne, en tant que l'une des Premières Nations du Yukon, le droit d'imposer le respect des règlements aux membres de votre peuple, indépendemment des activités de développement entreprises par des gens venus de l'extérieur. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le chef James: Je pense que nous avons travaillé en étroite collaboration aussi bien avec les membres de nos Premières Nations qu'avec les non-autochtones et nous avons créé le comité de la justice. Comme vous le savez, la justice autochtone joue un grand rôle au Yukon et c'est un élément spécifique de l'accord relatif à l'autonomie du gouvernement.
Autochtones et autres sont d'accord avec nous en ce qui concerne le comité de justice communautaire. Beaucoup d'affaires soumises aux tribunaux sont renvoyées devant le Comité de la justice pour y être traitées au niveau communautaire. Ce sont des questions comme celles-ci qui, à mon avis, pourraient jouer un rôle très important en ce qui concerne la façon dont les Premières Nations et la population dans son ensemble pourraient s'occuper localement des questions touchant l'environnement.
L'une des choses qui se passe...si quelqu'un, qui est contrevenu à la loi, a été incarcéré et une peine lui a été infligée par le comité, toutes les ressources impliquées et tout ce qui peut se faire au sein de la communauté locale reste à l'intérieur de celle-ci. En conséquence, les affaires soumises ainsi aux tribunaux peuvent avoir de multiples retombées bénéfiques au niveau local.
À mon avis, les membres des Premières Nations et le reste de la population peuvent concevoir des lois réglant de façon efficace le problème des infractions concernant l'environnement et d'autres choses de ce genre.
M. Adams: Je ne suis pas particulièrement braqué sur l'application de la loi mais il me semble que, la nature humaine étant ce qu'elle est, il ne suffit pas d'effectuer un nettoyage, ce dont vous vous occupez à l'heure actuelle, il faut aussi faire de la prévention. Il peut s'avérer nécessaire de pouvoir imposer le respect des dispositions existantes pour empêcher que la pollution continue. Je vous remiercie donc pour cela.
Mme Kassi: Au Yukon, les membres des Premières Nations se sont toujours occupé les uns des autres et ont toujours respecté les territoires que nous occupons. En fait, depuis que nous y vivons, nous nous sommes mutuellement imposés le respect de nos lois traditionnelles et des principes de conservation depuis des milliers d'années. Ceux que nous n'avons que très peu réussi à contrôler jusqu'ici sont les pollueurs qui sont venus faire ce que bon leur semblait.
Maintenant, au Yukon, nous avons les ententes sur les revendications territoriales. Les choses vont changer. Ces gens devront traité d'abord avec les Premières Nations. À coup sûr, dans le cadre de tout ce qui pourra se faire à l'avenir, il faudra mieux faire respecter les lois et les ententes que par le passé, surtout du fait que, actuellement, au Yukon, nous faisons face à.... Les petits territoires vendent aujourd'hui 70 000 baux miniers actifs. Le chiffre a sans doute augmenté ces derniers jours.
Nous sommes également très inquiets du lancement du Yukon de la nouvelle initiative «Keep Leaking». Nous sommes préoccupés par le cyanure et les produits chimiques qui devront être transportés dans la région où cela se fera. Nous avons besoin de lois permettant de protéger nos territoires. Ces contaminants toxiques traverseront plusieurs villages des Premières Nations avant d'arriver à destination, partout où cela se fera au Yukon. À l'heure actuelle, les dispositions existantes ne sont guère appliquées. Nous n'avons pratiquement pas notre mot à dire en ce qui concerne les responsabilités du MAINC. Nous voulons nous assurer que les textes pourront être appliqués plus fermement dans le cadre du processus d'évaluation du développement.
M. O'Brien: Votre exposé m'a intéressé. M. Lincoln a déjà signalé que d'autres ont déjà parlé des négociations et des consultations intergouvernementales et il est donc intéressant de constater que vous êtes du même avis.
Pouvez-vous nous dire quels efforts vous avez faits pour établir des liens de gouvernement à gouvernement? Vous avez indiqué que vous traitiez de ces questions par l'intermédiaire du MAINC, mais pourriez-vous nous donner des exemples des tentatives que vous avez faites pour établir de tels liens et nous dire quel en a été le résultat?
Le chef James: Les tentatives couronnées de succès ou...?
M. O'Brien: C'est officiel donc, vous pouvez nous indiquer le résultat, quel qu'il soit.
Le chef James: Je pense que, au Yukon, nous essayons de diverses façons d'aborder les différentes sortes de développement qui se produisent.
À l'heure actuelle, nous nous occupons de la délégation de pouvoirs ainsi que de l'harmonisation et de la déréglementation. Nous essayons de régler ce genre de choses. La tendance qu'on discerne au Yukon c'est que toutes ces questions semblent se régler à toute vapeur sans qu'on fasse grand cas du nouveau régime gouvernemental existant au Yukon, le gouvernement par les Premières nations.
Je pense que le gouvernement fédéral abuse de la situation s'il continue à modifier aussi profondément la juridiction et les responsabilités tant que les Premières nations n'ont pas réglé leurs problèmes et ne sont pas prêtes à participer. Je pense que beaucoup d'entre elles sont désireuses d'y participer à l'heure actuelle, mais il reste certaines choses à clarifier et régler avant qu'une telle participation ne soit possible.
M. O'Brien: Par exemple, les autochtones du Yukon ont-ils expressément demandé à participer aux activités du Conseil canadien des ministres de l'environnement, le CCME? L'ont-ils fait?
D'autres dirigeants autochtones nous ont dit qu'ils avaient présenté une telle demande et qu'elle avait été rejetée; j'aimerais donc que vous nous disiez officiellement si les autochtones du Yukon ont présenté une telle demande.
Mme Kassi: Nous avons actuellement un représentant du Conseil des Indiens du Yukon. Récemment, ces dernières semaines, nous avons participé aux discussions du CCME.
Le président: À l'initiative de qui?
Mme Kassi: C'est une recommandation qui est venue je crois, de la réunion de la Stratégie pour l'environnement arctique, on demandait une participation aux différents paliers des pourparlers relatifs à l'harmonisation.
Le président: Vous n'avez pas répondu à ma question, excusez-moi. Qui a pris l'initiative de cela?
Mme Kassi: Le Conseil des Indiens du Yukon a présenté une demande au ministre de l'Environnement, je pense que nous avons un représentant au...
Le président: Une telle demande avait-elle déjà été présentée et rejetée par le passé?
Mme Kassi: Je ne sais pas.
M. O'Brien: Le président a étendu le champ de ma question, et c'est très bien.
Le président: Je m'en excuse.
M. O'Brien: Non, nous voulons tous obtenir les mêmes informations, cela me convient.
Je crois qu'il serait utile que vous puissiez nous fournir la réponse à la question qui vient d'être posée. Aviez-vous antérieurement fait une demande et qu'elle avait alors été la réaction du CCME?
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais savoir si vous voulez dire que nous devrions, en fait, cesser dès maintenant toutes activités relatives à la LCPE tant que les négociations relatives à l'autonomie gouvernementale ne sont pas terminées? Bien sûr, comme l'a signalé le président, nous accélerons très résolument pour essayer de respecter les délais prévus pour les révisions apportées à la loi, sa reformulation.
Voulez-vous dire que nous devrions cesser brutalement les travaux jusqu'à ce que...ou bien que nous devrions faire parallèlement les deux? J'espère que c'est ce que vous voulez dire, car c'est la façon dont je vois les choses.
Le chef James: Je pense qu'en fait, toutes les Premières nations du Yukon sont favorables à la LCPE et se félicitent de leur participation et du travail qui se fait. C'est simplement que leur participation est nécessaire. Comme vous le savez, selon notre exposé et ailleurs, nous allons présenter de nombreuses recommandations. Ce genre de chose me paraît important. Les rapports qui peuvent s'établir entre la LCPE et les Premières nations me paraissent très importants et je pense qu'il faut continuer sur cette voie.
M. O'Brien: Merci.
Le président: Pour conclure, permettez-moi de vous poser une question, chef James. Vous avez parlé tout à l'heure de l'économie industrialisée et de l'économie traditionnelle. Je serais curieux de savoir quelles sont les conditions préalables correspondant à chacune d'entre elles et si on les compare? Vous avez dû y réfléchir.
Le chef James: J'y ai beaucoup réfléchi. La question la plus importante est sans doute... Ce qui se passe, c'est que l'économie industrialisée est la seule dont le gouvernement tient compte en ce qui concerne les changements relatifs à l'environnement, à la terre et aux questions touchant le développement.
L'élaboration des programmes et des lois ne tient compte en fait que de l'économie industrialisée, laissant pour compte l'économie traditionnelle. Les utilisateurs, les peuples concernés - comme dans le cas des dénés - n'ont guère leur mot à dire. Je suis allé un plus loin en tenant compte des autochtones et de leur économie, de leurs efforts pour trouver toutes ces plantes médicinales, la nourriture et la cueillette. Ce sont des droits inhérents des gens des Premières nations. Je pense que ceux-ci devraient avoir leur mot à dire en ce qui concerne l'élaboration des lois. Ils veulent intervenir pour déterminer sous quelle forme certaines régions seront développées. C'est très important.
Le président: Est-ce la seule condition préalable?
Le chef James: Il y a de nombreuses conditions préalables.
Le président: Pourriez-vous nous en dire plus?
Le chef James: Le 26 mai, notre rapport abordera bien des choses de ce genre.
Le président: Nous sommes très impatients de le lire. Si vous avez écrit des textes à ce sujet, je suis sûr que de nombreux membres du comité aimeraient lire le fruit de vos réflexions.
Cela nous amène à la fin de la réunion de ce matin. Nous vous remercions, chef James, d'avoir comparu et de nous avoir fait part de votre sagesse. Nous vous remercions vous aussi, Norm, Cathy et Lucy Van Oldenbarneveld.
Nous allons maintenant lever la séance pour déjeuner rapidement et vous rendre ensuite à l'École secondaire St. Patrick, un exemple d'école conçue en fonction des impératifs environnementaux. Nous reviendrons ici à 14 heures précises pour entendre quatre témoins cet après-midi.