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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 mai 1995

.1520

[Traduction]

Le coprésident (M. Caccia): Nous sommes très heureux de vous recevoir tous les deux en même temps. C'est un grand honneur. Sans plus tarder et avec le consentement de mon collègueM. Arseneault, nous vous cédons la parole, madame la ministre.

L'honorable Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Merci beaucoup. Premièrement, je tiens à remercier les membres du Comité de l'environnement et du développement durable et du Comité des ressources naturelles d'avoir organisé cette séance spéciale conjointe.

[Français]

Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'entendre une personne qui porte un intérêt très particulier aux interventions effectuées par le Canada et d'autres pays industrialisés dans le domaine des changements climatiques et du réchauffement de la planète. Son excellence l'ambasseur Neroni Slade est le représentant permanent du Samoa occidental aux Nations unies.

En avril dernier, l'ambassadeur était à la tête de la délégation des Samoa occidentales à la Conférence de Berlin sur les changements climatiques. Il a aussi été un membre important de l'Association des petits États insulaires.

[Traduction]

Les pays membres de l'APEI sont menacés au premier chef par les changements climatiques. Ce sont les pays du Pacifique, des Antilles et de l'Océan Indien qui subiront le plus fortement le contrecoup des changements climatiques et ces pays réclament avec force une action énergique et décisive. Messieurs les coprésidents, je tenais à ce qu'il m'accompagne ici parce que j'ai été particulièrement frappée par l'argument très convaincant en faveur de la citoyenneté mondiale que les pays membres de l'APEI ont invoqué à Berlin. Il m'a semblé également particulièrement intéressant d'essayer de vous faire voir les choses sous un angle différent.

Il y a quelques semaines, on m'a interrogée à la Chambre sur les conséquences du réchauffement planétaire et j'ai fait allusion au fait que si le niveau de la mer monte conformément aux prédictions assez prudentes que l'on trouve dans le rapport provisoire du Groupe international d'experts sur l'évolution du climat, nous verrons des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard devenir une série de petites îles et nous verrons certains pays disparaître littéralement puisqu'ils seront engloutis dans la mer.

Quand j'ai dit cela à la Chambre, cela a provoqué une certaine réaction et il y en a même qui ont ri. J'ai rétorqué que les gens riaient de la même manière il y a dix ans, quand nous évoquions la disparition des stocks de morue, et l'on voit à quel point c'est drôle aujourd'hui.

Mais la réalité dont peut vous faire part M. l'ambassadeur Slade, c'est que dans certains pays du Pacifique-Sud, il y a déjà des plans d'évacuation. Les pays sont menacés de disparition, d'extinction graduelle de leur peuple, des pays tout entiers disparaîtront. J'ai trouvé qu'il était important que les Canadiens entendent ce message, car trop souvent nous entendons un message exclusivement intérieur et même parfois encore plus limité, par opposition au tableau d'ensemble.

L'ambassadeur revient tout juste du Yukon, où sur mon invitation, il a rencontré les ministres de l'Environnement des provinces et territoires du Canada. L'ambassadeur et moi-même avons vu le panorama extraordinaire du parc national Kluane. Nous avons vu des pics enneigés, des lacs d'une pureté virginale et des glaciers spectaculaires, bref des paysages typiquement canadiens auxquels nous nous identifions et que nous allons perdre si l'on ne fait rien pour freiner le changement climatique.

Quand on parle des conséquences des changements climatiques et du réchauffement planétaire, on parle de la toute première préoccupation pour un État insulaire comme les Samoa occidentales. M. l'ambassadeur Slade pourra, je l'espère, nous montrer le visage humain du changement climatique. Ce n'est pas seulement un exercice scientifique abstrait. C'est une tendance qui pourrait provoquer le déplacement de 1,5 p. 100 de la population mondiale au cours du prochain siècle. Un siècle, c'est deux ou trois générations. Quand vos petits-enfants seront grands, ils verront peut-être les bouleversements provoqués par les déplacements de 1,5 p. 100 de la population mondiale.

Il est ici pour nous dire que ce que nous faisons et aussi ce que nous ne faisons pas ont des incidences directes et concrètes sur son pays, à des milliers de kilomètres d'ici. Il est ici pour nous dire que le changement climatique menace le gagne-pain de ses compatriotes. Et je crois qu'il vous le dira lui-même, le Samoa occidental et les petits États insulaires du monde entier ont besoin des qualités de leader du Canada, dont nous avons fait preuve à l'occasion du protocole de Montréal, le leadership que nous avons manifesté dans le dossier des émissions de dioxyde de soufre. Quand nous faisons nôtre une cause et que nous prenons l'initiative, nous pouvons obtenir des résultats.

Nous devons investir la même énergie et faire preuve de la même détermination dans le dossier du changement climatique dont nous avons fait preuve pour sauver le monde qui était au seuil de l'auto-destruction nucléaire. La menace nucléaire a été écartée, mais il reste une menace encore plus grande. Nous ne pouvons pas ne pas investir autant de nous-mêmes pour combattre et faire disparaître la menace que pose le changement climatique pour notre santé, notre économie et notre sécurité.

.1525

Pour combattre la menace du changement climatique, nous devons faire tout en notre pouvoir, comme nous l'avons fait pour combattre la menace nucléaire. Il ne doit y avoir aucun doute dans notre esprit: nous sommes aux prises avec un véritable problème de la plus extrême urgence. Pour beaucoup de problèmes environnementaux, on a toujours l'option de réparer les dégâts après coup, même si c'est coûteux. Dans le cas du réchauffement planétaire, il n'y aura pas d'après coup. Et si nous attendons pour voir si les scientifiques ont raison à 100 p. 100, il sera trop tard. Il est stupide de jouer à la roulette russe avec le changement climatique, car ce serait mettre en péril l'avenir de nos petits-enfants.

[Français]

Aujourd'hui, les niveaux de bioxyde de carbone atteignent des concentrations atmosphériques de 25 p. 100 supérieures à tout niveau enregistré au cours de 220 000 années d'histoire atmosphérique.

[Traduction]

Je vais répéter cela en anglais car je ne suis pas trop bonne en chiffres en français. Aujourd'hui, les niveaux de bioxyde de carbone atteignent des concentrations atmosphériques de 25 p. 100 supérieures à tous les niveaux enregistrés au cours des 220 000 années que nous avons pu documenter dans l'histoire de l'atmosphère.

En examinant le noyau de glace du Mont Siple, en Antarctique, nous avons appris que la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère est demeurée constante et stable depuis le XVIIe siècle jusqu'à la première moitié du XIXe siècle. À partir de l'an 1850, la courbe fait un bond spectaculaire et la hausse se poursuit de façon vertigineuse jusqu'à aujourd'hui. C'était le début de l'ère industrielle et nous, pays industrialisés, devons en assumer la responsabilité.

Quiconque habite dans le sud de l'Ontario sait bien que quand nous étions petits, nous pouvions patiner en hiver derrière chez nous. Aujourd'hui, la température moyenne de la planète est de seulement 4 à 6 degrés supérieurs à ce qu'elle était pendant la dernière glaciation. Quand nous étions à Haines Junction, on nous a dit que cet endroit était sous l'eau à l'ère glaciaire. Déjà, nous savons que si nous n'agissons pas, la température moyenne du globe augmentera encore de 1,5 à 4,5 degré d'ici 50 ans. Une pareille augmentation n'a pas été enregistrée depuis l'époque glaciaire.

[Français]

En d'autres mots, nos enfants pourront faire face à une hausse de température semblable à celle qui a fait fondre la glace il y a 10 000 ans. L'effet qu'une telle hausse pourrait avoir sur des États insulaires comme le Samoa occidental est tragique. Le Canada devrait être bien touché par cette situation.

[Traduction]

Dans le cadre de ce scénario, les localités côtières comme Richmond, en Colombie-Britannique, se retrouveraient sous l'eau. Dans le Canada de l'Atlantique, l'Île-du-Prince-Édouard pourrait tout à fait se transformer en douze ou quinze petites îles ou atolls d'ici 100 ans.

[Français]

Au Canada, lorsque le réchauffement planétaire s'accentue, ce ne sont pas seulement nos poissons, mais toute notre faune qui sont menacés; il y a aussi une industrie de 11 milliards de dollars employant quelque 200 000 Canadiennes et Canadiens.

[Traduction]

Ce n'est pas seulement l'espèce humaine qui est menacée. La dévastation possible de nos forêts et de notre biodiversité pourrait nous coûter 11 milliards de dollars en coûts absolus. Environ 200 000 emplois disparaîtront au Canada si nous ne faisons rien pour freiner le réchauffement planétaire.

Au Canada, près des deux tiers des stocks de morue ont disparu. L'une des raisons est évidemment la surpêche, mais il y a également un lien avec le réchauffement planétaire. Le léger réchauffement que nous avons connu depuis 50 ans a fait refroidi les eaux des frayères de morue, parce que les icebergs de l'Arctique se déplacent vers le sud. La froideur des frayères rend les poissons stériles.

En plus des conséquences économiques, cela a des conséquences sur le plan scientifique. À la Chambre, nous entendons tous les jours parler du coût de programmes comme LSPA et de ce qu'il faut faire pour que les gens changent leur mode de vie. Cette industrie est menacée non pas seulement à cause de la mauvaise gestion et de la surpêche, mais aussi à cause d'un effet spécifique du réchauffement planétaire.

À quiconque se demande s'il vaut la peine de se pencher sur les questions environnementales, je dis que les pêcheurs de l'Atlantique ne peuvent pas attendre. Au Samoa occidental, dont l'économie dépend étroitement des activités côtières... Il ne s'agit pas seulement de déplacer les gens, car il y a d'autres pays qui ne seront probablement pas submergés. Il y a d'autres petits États insulaires, par exemple Trinidad et Tobago - le président du groupe de l'APEI à Berlin était de Trinidad et de Tobago - qui ne seront pas submergées, mais qui verront disparaître leur récif coralien, qui est un élément très fragile et très important de leur écosystème et qui a contribué puissamment à leur économie par l'afflux de touristes. Les perte serait épouvantable en termes d'infrastructures côtières et de plages. Dans ce pays, cela représente plus de 50 p. 100 du PIB.

.1530

[Français]

Son excellence l'ambasseur Slade est venu nous dire qu'il faut agir, et dès maintenant. La réunion qui a eu lieu à Berlin en avril dernier représentait une importante intervention, non seulement parce que les ministères de l'Environnement de 127 pays ont réitéré leur volonté de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 d'ici l'an 2000, mais aussi parce que nous nous sommes engagés à faire augmenter l'utilisation des écotechnologies à travers le monde, en particulier dans les pays en voie de développement.

[Traduction]

Des pays comme le Canada ont fait des pas de géant dans l'utilisation de nouvelles techniques et nous voulons contribuer à poursuivre sur cet élan. Nous voulons mettre cette technologie verte entre les mains des pays du monde et surtout des pays en développement.

La réunion de Berlin a donné au Canada une occasion de contriuber utilement à la solution du problème du réchauffement planétaire, mais nous n'en avons pas fait suffisamment. Au gouvernement fédéral, nous devons assurément continuer de chercher à réaliser nos engagements pris dans le Livre rouge, à savoir travailler de concert avec les provinces, les municipalités et les intervenants en vue de réaliser une réduction de 20 p. 100, qui était d'ailleurs l'objectif fixé par les pays de l'APEI.

[Français]

Nous avons la responsabilité de dévoiler aux Canadiennes et aux Canadiens que ce qui est important dans ce dossier ne touche pas seulement la science, mais aussi nos responsabilités comme êtres humains et notre économie. Je suis persuadée que Son Excellence va mieux vous exposer la situation que je ne pourrais jamais le faire.

[Traduction]

J'espère que nous saurons entendre ses préoccupations et ces vues quant à ce que nous pouvons faire pour aider et j'espère que nous pouvons apprendre quelque chose sur nos obligations à titre de citoyens de la communauté mondiale.

Je cède maintenant la parole à Son Excellence l'ambassadeur Slade.

Le coprésident (M. Caccia): Merci. Vous n'auriez pu nous faire une introduction plus passionnée.

Monsieur l'ambassadeur, nous tous, autour de cette table, serions ravis que l'on nous décrive le visage humain du changement climatique, car votre message en est un que beaucoup d'entre nous avaient hâte d'entendre.

Avant de vous céder la parole, auriez-vous des objections à ce que l'on fasse un tour de table pour que chaque membre du comité se présente. Ainsi, vous sauriez d'où nous venons et vous auriez une meilleure idée de la représentation parlementaire autour de la table. J'invite donc chaque député à se présenter.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Len Taylor, je représente le nord-ouest de la Saskatchewan et je suis le porte-parole du Nouveau parti démoratique dans le dossier de l'environnement.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Bienvenue, monsieur l'ambassadeur. Je m'appelle Paul Forseth. Je suis député du Parti réformiste de la circonscription de New Westminster-Burnaby, en Colombie-Britannique.

M. Gilmour (Comox - Alberni): Je m'appelle Bill Gilmour, je suis de l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique, et je suis l'un des deux porte-parole du Parti réformiste dans le dossier de l'environnement.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): Bonjour, monsieur Slade. Je m'appelle Bernard Deshaies. Je suis le critique officiel de l'opposition pour les mines. Je fais partie du Bloc québécois et je représente le nord-Ouest du Québec.

Mme Guay (Laurentides): Bonjour. Je m'appelle Monique Guay. Je suis critique en matière d'environnement pour l'Opposition officielle et députée du Bloc québécois. Je représente la circonscription de Laurentides, au Québec.

Le coprésident (M. Arseneault): Bonjour. Je m'appelle Guy Arseneault et je suis député de Restigouche - Chaleur, au Nouveau-Brunswick. Je suis le vice-président du Comité des ressources naturelles.

[Traduction]

Le coprésident (M. Caccia): Je m'appelle Charles Caccia et je représente Davenport, à Toronto.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je m'appelle Karen Kraft Sloan. Je suis vice-présidente du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Je suis député libéral de York - Simcoe, circonscription située en Ontario. Merci.

M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Bonjour, je m'appelle Peter Thalheimer et je suis député de Timmins - Chapleau, dans le nord de l'Ontario.

M. O'Brien (London - Middlesex): Je m'appelle Pat O'Brien, et je suis député libéral de London-Middlesex. Bienvenue à Ottawa.

M. Finlay (Oxford): Je m'appelle John Finlay, je suis député libéral d'Oxford et membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.

M. Adams (Peterborough): Je m'appelle Peter Adams, je suis député libéral de Peterborough. Je suis membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable et, dans notre caucus, je préside un comité qui s'occupe des ressources, des océans et de l'environnement.

M. Rideout (Moncton): Je m'appelle George Rideout et je suis député libéral de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

.1535

M. Reed (Halton - Peel): Je suis Julian Reed, député libéral de la circonscription de Halton - Peel, près de Toronto. Je suis membre du Comité permanent du développement des ressources humaines et du Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire.

[Français]

Le président: À vous la parole, monsieur Slade.

[Traduction]

M. Tulloma Neroni Slade (ambassadeur représentant des Samoa occidentales aux Nations unies): Distingués coprésidents, mesdames et messieurs les membres du Comité et madame la ministre, c'est un très grand honneur pour moi personnellement et pour mon gouvernement de pouvoir témoigner ainsi devant cette séance conjointe de vos comités.

C'est un honneur qui nous est rarement conféré et ce sont donc des moments précieux. Je vous en suis profondément reconnaissant et d'autant plus que je comparais devant vous à titre de représentant des États membres des Nations unis qui font partie de l'Association des petits États insulaires. Nous sommes assurément très reconnaissants, en particulier à madame la ministre Copps, dont la très aimable invitation est à l'origine de notre présence ici.

Je me permets de dire à madame la ministre Copps que l'introduction qu'elle vient de vous faire représente l'un des plaidoyers les plus vibrants que j'ai jamais entendu en faveur des principes que nous défendons et de tout ce qui nous tient à coeur. À Berlin, nous commencions à avoir le sentiment que nous prêchions dans le désert.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens également à dire dès le départ que nous, dans les États insulaires, sommes depuis longtemps admirateurs et reconnaissants du rôle de leader et de la position moralement irréprochable du gouvernement canadien et des citoyens de votre beau pays pour ce qui est de la protection de l'environnement et de la promotion du développement durable dans le monde entier.

Des Canadiens comme Maurice Strong ont pavé la voix qui a mené au Sommet de la Terre à Rio en 1992. Depuis Rio, c'est Elizabeth Dowdeswell qui dirige le Programme des Nations unies pour l'environnement. Ces Canadiens et d'autres continuent de nous aiguillonner dans la tâche que nous devons accomplir et d'inspirer la communauté internationale à redoubler d'effort pour défendre l'environnement dans le monde entier.

Les villes canadiennes, par leur hospitalité et leur appui, ont prêté leur nom aux grandes initiatives internationales visant à protéger l'atmosphère de la planète. Qu'on songe seulement au protocole de Montréal de 1987 sur les substances qui amincissent la couche d'ozone, ou encore à la Conférence mondiale tenue à Toronto en 1988 sur les changements atmosphériques.

Pour nous, citoyens de petits États insulaires, il n'est étonnant de voir que le Canada est un allié fréquent dans les négociations internationales sur l'environnement. Tout comme le Canada, les petites îles se sont vu confier solennellement l'intendance de vastes superficies de la surface terrestre. L'immense étendue du Pacifique-Sud et les horizons illimités de la toundra et des champs de glace au-dessus du cercle polaire, qui sont encore relativement peu peuplés et où l'influence humaine se fait peu sentir, ces régions jouent un rôle crucial et souvent négligé dans la vie et la santé de notre planète.

Nous partageons des objectifs communs pour ce qui est d'exhorter la communauté internationale à coopérer en vue de prévenir tout dommage à ces fragiles écosystèmes qui font partie de nos territoires, écosystèmes qui sont souvent menecés par des activités menées au-delà de nos frontières et qui échappent à notre contrôle.

L'un de ces écosystèmes qui est cher au coeur des habitants d'États insulaires est l'environnement marin. J'ajoute en passant, au sujet de la récente confrontation avec les Européens dans l'Atlantique, que nous, de même que beaucoup d'autres, comprenons tout à fait les raisons de vos réactions et nous applaudissons aux efforts du ministre Tobin et à la position que votre gouvernement a adoptée dans ce dossier. Les causes sous-jacentes sont liées à la durabilité et à la protection d'une ressource naturelle qui s'épuise rapidement. Toutes ces questions sont évidemment à l'ordre du jour de la Conférence des Nations Unies sur les stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives et les stocks de poissons grands migrateurs.

.1540

Le Canada et les petits états insulaires travaillent en collaboration étroite et avec beaucoup d'assiduité dans le cadre de la conférence sur le poisson. Vous êtes très préoccupés par les stocks de poissons qui chevauchent la zone des 200 milles et nous, surtout dans la Pacifique-Sud, ne sommes pas seulement entièrement tributaires des ressources marines, mais nous sommes également considérés commes les gardiens de près de 45 p. 100, sinon plus, des stocks de poissons grands migrateurs du monde.

Honorables présidents, avant de traiter de l'enjeu particulier auquel nous sommes confrontés dans le domaine du changement climatique, j'aimerais vous expliquer de façon un peu plus détaillée pourquoi je témoigne aujourd'hui devant votre comité, en tant que représentant des Samoa occidentales, et vous en dire plus sur le groupe que je représente, l'Association des petits états insulaires ou AOSIS.

Depuis sept ans, les principaux météorologues et spécialistes en ressources énergétiques du monde qui font partie du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, transmettent à la communauté internationale un message uniforme et de plus en plus inquiétant. L'apparition de nouvelles activités économiques dans les secteurs industriel, énergétique et agricole, ainsi que dans le domaine des transports, épaissit peu à peu la couche d'atmosphère qui chauffe notre planète. Si cette tendance en matière d'émissions se maintient, les températures mondiales moyennes vont augmenter à des niveaux et à des taux sans précédents depuis les débuts de l'humanité.

L'élévation des températures entraînera l'augmentation du niveau des eaux dans les océans à mesure que les masses d'eau augmentent et que les calottes glaciaires fondent. Nous, les petits états insulaires, nous nous trouvons donc littéralement aux premières lignes, comme l'a dit la ministre, du changement climatique - nous sommes en quelque sorte les girouettes du système climatique mondial. Qu'il s'agisse d'atolls ou de sommets volcaniques, chacun de nos états insulaires est entouré d'une bande côtière fragile où sont concentrés notre activité et notre vie culturelle, économique et politique.

Bon nombre d'états insulaires subissent actuellement les effets prévus du changement climatique: l'intensification et la fréquence accrue des orages, la disparition des formations récifales et coralliennes qui offrent une protection naturelle à nos îles et, surtout, la crainte que la montée du niveau de l'océan ne devienne réalité.

Si cela se produit, il n'y a pas de retraite possible pour nous. Selon les prédictions du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat relatives à l'élévation des températures, si on ne fait rien pour freiner le réchauffement climatique, certains des petits états insulaires risquent de disparaître d'ici la prochaine génération. N'oublions pas, honorables députés, qu'il ne s'agit pas simplement d'entités géographiques mais également de populations, de cultures, et d'États souverains. Les Maldives, une grande partie des Seychelles, les Îles Marshall et d'autres dans notre région du monde seront les premières à être submergées.

Étant donné l'urgence de cette menace pour l'existence même de nos îles et la reconnaissance du fait que nous avons besoin de l'aide de toute la communauté internationale pour limiter ce danger, 36 petits états insulaires et les terres basses de l'Atlantique, de la Mer des Caraïbes, de l'océan Indien, de la Méditerranée et du Pacifique se sont rassemblés pour former l'AOSIS. Ce sont tous des pays en développement et membres des Nations Unies.

À l'association AOSIS, nous avons collaboré avec des alliés du Nord et du Sud en vue de négocier, rédiger et mettre en vigueur la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Comme vous vous en doutez, cette convention vise à créer un cadre institutionnel et juridique en vue de réagir aux causes et aux conséquences du changement climatique.

.1545

L'entrée en vigueur rapide de cette convention qui est aujourd'hui ratifiée par 120 pays témoigne de façon remarquable de l'esprit de collaboration qui règne à ce sujet dans la communauté internationale, mais hélas, cela ne suffit pas. Nous, les membres de l'AOSIS, estimons que cette convention a deux lacunes importantes. D'abord, les engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne vont que jusqu'à l'an 2000. Tous les pays signataires de la convention s'entendent à dire que cela ne suffit pas.

Notamment, la convention ne précise pas en termes simples et clairs quels engagements concrets et mesurables les pays développés prendront pour prouver qu'ils respectent l'un des principes essentiels de la convention, à savoir celui de responsabilité commune mais distincte. Ce principe, honorables députés, se concrétise évidemment dans bien d'autres initiatives environnementales importantes: la convention sur le changement climatique, la biodiversité, la Déclaration de Rio, les principes relatifs aux forêts: en fait, Action 21. La reconnaissance générale de ce principe a été l'un des facteurs déterminants du Sommet de la Terre, à notre avis. Il jette les bases d'une collaboration mondiale à la solution d'un problème mondial.

À notre avis, il importe de bien comprendre que la plus forte proportion des émissions, tant par le passé qu'à l'heure actuelle, émane des pays développés et industrialisés. La convention sur le changement climatique le mentionne. En fait, elle reconnaît les responsabilités respectives des pays, notamment sur le plan financier. Ces deux éléments prouvent que les pays développés doivent assumer la plus grande partie de la responsabilité de lutter contre le changement climatique et ses répercutions néfastes.

En conséquence, la convention prévoit que les pays développés doivent prouver qu'ils prennent l'initiative de ces mesures, et les invite à le faire. C'est pourquoi AOSIS, dès la première occasion, a présenté aux parties à la convention l'ébauche d'un protocole qui, à notre avis, affirmerait les engagements précis des pays développés signataires en exigeant qu'ils réduisent leurs émissions de dioxyde de carbone de 20 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 1990 et ce, d'ici l'an 2005.

Notre ébauche de protocole prévoyait également d'autres conditions; par exemple, les pays développés devaient adopter des objectifs et des échéanciers précis en matière de contrôle des émissions d'autres gaz à effet de serre, en prévoyant un mécanisme de coordination des initiatives précises visant à réduire ces émissions. Cet objectif et cet échéancier n'ont pas été choisis de façon arbitraire, mais parce qu'ils correspondent aux engagements pris unilatéralement par bon nombre de pays industrialisés et acceptés par eux au niveau national depuis la Conférence mondiale sur l'atmosphère en évolution qui a eu lieu au Canada en 1988, et où l'on a proposé l'objectif de Toronto devant servir de point de départ à l'action mondiale ultérieure.

D'après le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, il faut réduire de 60 à 80 p. 100 les émissions mondiales pour stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. En conséquence, les 20 p. 100 de réduction que nous proposons ne sont qu'une première étape qui nous paraît bien modeste en fait. Nous sommes convaincus que cette première étape n'en est pas moins extrêmement importante, car elle marquera le début d'une tendance à la baisse des émissions pour la première fois depuis la révolution industrielle.

Il convient également de signaler que la réduction de 20 p. 100 continue d'être justifiée des points de vue scientifique et politique comme un pas satisfaisant vers la réalisation de l'objectif de la convention. C'est en tout cas ainsi que nous l'avons compris à Berlin. L'Allemagne a annoncé alors qu'elle avait en grande partie atteint cet objectif et qu'elle s'efforçait de faire encore davantage. À Berlin, nous avons également entendu les interventions du directeur du Programme des Nations Unies pour l'environnement et du secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale, qui appuyaient cet objectif.

Étant donné qu'il se fonde sur le principe de la responsabilité commune mais distincte prévue dans la convention, le protocole de l'AOSIS n'imposera pas d'obligations précises en matière de réduction des émissions aux pays signataires en développement, outre ce que prévoit déjà la convention. Ne serait-ce que pour des raisons d'équité, les pays qui ont le plus contribué par le passé à l'accumulation de forts taux de concentration de gaz à effet de serre doivent prendre l'initiative en réduisant leurs émissions. Toutefois, de notre point de vue en tant qu'états insulaires, les émissions incontrôlées de gaz à effet de serre, quelle que soit leur source, qu'il s'agisse de pays développés ou en développement, nuisent au système climatique mondial.

.1550

Nous estimons que tous les pays doivent à un moment donné jouer le rôle qui leur revient vers la réalisation d'objectifs communs. Notre protocole incite les pays en développement à participer à l'élaboration graduelle d'une politique sur le changement climatique grâce au mécanisme de coordination des mesures et en mettant l'accent sur les besoins de transferts accélérés des technologies pertinentes aux pays en développement.

Il me faudrait trop longtemps pour vous expliquer les problèmes auxquels les petites îles comme les nôtres se sont heurtées pour faire la promotion de notre ébauche de protocole lors de la tribune du G-77 des pays en développement. Je pourrais peut-être vous en parler une autre fois.

De toute façon, comme je l'ai déjà dit, honorables députés, AOSIS a présenté son ébauche de protocole à Berlin lors de la première conférence des parties. Ce fut la seule proposition officielle soumise à la conférence.

Nous avons alors parlé, comme je le fais aujourd'hui devant vous, de l'urgence que revêt la situation à nos yeux. Nous avons entendu encore une fois le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat présenter ses conclusions et prévisions essentielles quant à la gravité des menaces pour le système climatique mondial et l'intervention de la communauté internationale revêt toujours la même urgence.

La grande majorité de nos collègues des pays en développement ont eux aussi demandé au monde industrialisé de faire preuve de plus de leadership et se sont dit prêts à collaborer en toute bonne foi aux initiatives mondiales.

Les représentants de l'Union européenne, pour leur part, se sont engagés à entreprendre des négociations en vue de fixer des objectifs précis en matière de réduction. Je dois dire, par souci d'honnêteté envers vous, que nous aurions vraiment souhaité entendre la même promesse de la part du Canada.

Nous avons entendu une armée d'organisations non gouvernementales compétentes et convaincues parler au nom des environnementalistes, des peuples autochtones et des collectivités locales, en demandant instamment qu'on prenne des mesures pour protéger le système climatique mondial. Des principaux pays de l'OCDE, y compris nos propres voisins du Pacifique, nous avons noté une réticence nette et décevante.

Bien entendu, nous ne sommes pas insensibles aux problèmes auxquels se heurtent les pays industrialisés. Ce serait mal et absurde de notre part d'adopter une telle attitude, mais nous sommes confrontés à un problème mondial grave qui, selon nous, exige une intervention internationale immédiate.

Notre situation en tant qu'états insulaires est extrêmement vulnérable. Nous sommes confrontés à une menace, dont nous ne sommes pas responsables, et nous serons les premiers à subir le contrecoup du changement climatique.

Pour ne pas que vous pensiez que nous sommes là à défendre nos propres intérêts, j'ajoute que nous parlons au nom de la grande majorité des pays qui ont une population côtière et, selon les renseignements disponibles, près de 65 p. 100 de la population mondiale vit le long des côtes. Nous parlons également au nom de pays comme le Bangladesh, l'Egypte et d'autres qui eux aussi sont extrêmement vulnérables au changement climatique et à la montée du niveau des océans.

Permettez-moi de signaler également que le réchauffement de la planète est un phénomène qui se déroule sur plusieurs décennies et siècles. En vertu du principe de précaution inscrit dans la convention, nous devons agir sur-le-champ car l'incertitude n'est pas une excuse à l'inaction.

Si nous ne faisons rien, c'est la prochaine génération qui devra en payer le prix, et il sera plus élevé. Le réchauffement de la planète représente une dette écologique qui est imposée de force à la génération suivante par une très faible proportion de la population actuelle.

Honorables députés et éminent président, c'est le partage de la même crainte qui a donné naissance à l'Association des petits états insulaires. Je tiens à vous dire que, pour préserver notre terre patrie, tous les pays de la communauté internationale sont tenus de joindre leurs efforts en prenant d'urgence les initiatives qui préserveront notre avenir commun.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

.1555

Le coprésident (M. Arseneault): Nous vous remercions, monsieur l'ambassadeur, de votre présence et de votre exposé.

Nous n'avons pas souvent l'occasion de tenir des séances de comités mixtes, et vous vous doutez donc de l'importance de la question à l'étude puisque nous avons décidé de tenir une séance conjointe.

Nous allons maintenant passer aux observations et questions. Certains membres des comités ont déjà indiqué leur intention de poser des questions. Nous avons décidé de nous limiter à une seule question par personne, et une très brève observation. Nous avons d'autres engagements plus tard.

Le premier sur la liste est Peter Adams.

M. Adams: Merci, monsieur le président. Monsieur l'ambassadeur, c'est pour nous un grand honneur de vous voir parmi nous. Nous entendons votre appel et y sommes très sensibles.

Comme vous l'avez dit, le lien qui existe entre nous, en fait, est la calotte glaciaire et le niveau des océans, car nous avons le premier et vous, le second. C'est la fonte de nos calottes glaciaires et surtout, je pense, celles du Groënland et de l'Antarctique, qui constitue pour vous une menace.

J'ai jugé utile de vous signaler que, cette semaine, une étude a été faite sur les calottes glaciaires au Canada. Il en ressort certaines mauvaises nouvelles et quelques nouvelles plus optimistes. L'étude a révélé que, au cours des 30 dernières années, en général, nos calottes glaciaires ont diminué, ce qui signifie que le niveau des océans chez vous a dû augmenter. L'autre nouvelle qui est un peu moins mauvaise, c'est que, du moins d'après les méthodes que nous avons utilisées, il a été impossible de dégager une tendance. Autrement dit, les calottes ont diminué mais il a été impossible de dégager une tendance précise à ce sujet.

C'est à mon avis un facteur important, car, comme vous le savez, le réchauffement dû à l'effet de serre est censé être quatre à cinq fois plus important dans les régions à latitude élevée, et peut-être inexistant à la latitude où se trouve votre pays.

Tout d'abord, je tenais à vous fournir ce renseignement, pour ce qu'il vaut, mais j'aimerais savoir si vous pouvez nous donner une idée des changements que vous avez pu constater dans le niveau des océans. Je sais que vous avez parlé du récif et des formations coralliennes, etc., mais constate-t-on dans les états insulaires des changements notables du niveau de l'océan? En effet au Canada, au moins, nous n'avons pas encore constaté de diminution évidente des calottes glaciaires.

M. Slade: Merci beaucoup. Des études ont évidemment été entreprises et certaines personnes se penchent sur la question. D'après mes renseignements, aucune donnée concluante ne nous permet d'en arriver à une conclusion définitive.

Je peux vous dire que chez nous, les aînés observent le phénomène de l'érosion des plages par les vagues. Les gens ont peur. Bien sûr, la variation normale du climat peut produire ces phénomènes inhabituels, mais depuis qu'ils sont au monde, nos aînés ne se rappellent pas d'avoir été témoins d'une situation semblable.

Si je voulais répondre à votre question en tant qu'habitant d'une petite île âgé de 70 ans, je vous dirais qu'il y a des indications. Les formations coralliennes sont vraiment en train de disparaître et avec elles disparaît la protection naturelle des récifs. C'est une certitude.

Mme Copps: C'est une question sur laquelle vous pourrez revenir lors d'une audience future. Le comité d'experts international sur l'évolution du climat, dont un des membres, un scientifique d'Environnement Canada qui est présent ici aujourd'hui, a présenté un rapport préliminaire. Il en ressort que le niveau des océans augmentera d'entre 25 et 82 centimètres au cours des 100 prochaines années. En fait, la NASA a fait des évaluations par satellite qui indiquent qu'en 1993 et 1994, le niveau des océans a augmenté en moyenne de 3,9 millimètres par an.

On a constitué un comité intergouvernemental d'experts, représentant toutes les parties intéressées, et on l'a chargé d'analyser la question car les gens voulaient essayer de comprendre tout ce charabia scientifique.

Ce groupe a en fait produit un rapport intérimaire qui renferme des prévisions très précises sur la montée prévue du niveau des océans au cours du siècle prochain.

On prévoit une montée de niveau de 25 à 82 centimètres d'ici à l'an 2000, ce qui, dans notre pays, aurait des répercussions sur la partie continentale inférieure de la Colombie-Britannique, et la ville de Delta serait inondée. L'Île-du-Prince-Édouard deviendrait en fait une série de petites îles qui constitueraient une sorte d'atoll sous-marin.

.1600

[Français]

Mme Guay: Monsieur l'ambassadeur, j'ai un petit commentaire à faire avant de poser ma question. Dans le Livre rouge, on promettait de réduire les émanations de gaz et, par la suite, madame la ministre nous a annoncé que ce serait impossible. Aujourd'hui, vous nous dites que oui, nous allons atteindre nos objectifs. J'espère que cette fois-ci est la bonne et que vous saurez convaincre les provinces plus industrialisées, qui ont été récalcitrantes dans ce domaine, de réduire leurs émanations polluantes qui produisent un effet de serre.

Monsieur l'ambassadeur, le Canada, lors de la Conférence de Berlin, a parlé d'un système de crédits qui a été proposé par la ministre de l'Environnement ici présente et qui lie les pays en voie de développement et les pays industrialisés. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

M. Slade: Nous, à l'AOSIS, avons exprimé notre intérêt pour la mise en oeuvre d'activités conjointes, mais nous sommes convaincus - parce que personne ne sait vraiment de quoi il retourne - qu'il faut en premier lieu mettre sur pied des projets-pilotes, si vous voulez. Tant que cette première phase n'aura pas été terminée et que nous ne connaîtrons pas les résultats, nous avons décidé de ne pas accepter ce système de crédits. C'est la position que nous avons déjà soutenue à Berlin. À mon avis, il s'agit d'une appréhension bien naturelle à l'égard d'un processus dont nous ne savons pas grand-chose.

Du point de vue politique, nous craignons également que les pays industrialisés ne profitent de ce processus pour ne pas respecter les obligations qui leur incombent en vertu de la convention.

Je peux vous dire que les petits États comme le nôtre, surtout les petits pays en développement, ont été pris entre deux feux. D'une part, nous avons insisté sur la nécessité du progrès technologique et les pays industrialisés ont été très clairs sur ce point; ils nous ont offert la technologie. Nous sommes un peu coincés, nous avons décidé de ne pas refuser cette offre, mais nous voulons d'abord savoir de quoi il retourne.

Pour les raisons que je viens de vous citer, laissons pour un instant de côté la question des crédits. Je vous remercie.

Le coprésident (M. Caccia): J'ai une brève déclaration à faire, madame la ministre et monsieur l'ambassadeur. Pendant vos exposés, le greffier du Parlement du Malawi et quatre hauts fonctionnaires du secrétariat du Sénat des Philippines, en visite dans notre pays, se sont joints à nous.

Ils sont ici dans le cadre d'un programme d'échange parlementaire. Nous leur souhaitons non seulement la bienvenue, mais nous les invitons à profiter des quelques sièges qui restent et à prendre place, pour ne pas se fatiguer inutilement.

Le co-président (M. Arseneault): M. Gilmour, vous avez la parole.

M. Gilmour: Monsieur l'ambassadeur, vous avez dit que vous aviez l'impression de parler à des murs, à Berlin, et la ministre a dit que, en fait, nous n'avions pas fait suffisamment lors de cette conférence. Il semble y avoir un véritable manque de détermination de la part des principaux intervenants. En fait, certains pays semblent même renoncer à leurs engagements réels.

Je vais prendre l'exemple de la Chine. Au cours des 10 prochaines années, ce pays aura besoin d'autant d'énergie électrique que les États-Unis à l'heure actuelle. Cette énergie proviendra essentiellement de la combustion du charbon. Je ne vois pas comment ce pays pourrait éviter d'en arriver-là.

.1605

Alors, selon vous, comment faudrait-il s'y prendre? Comment faire en sorte que les grands pays, les grands joueurs de ce monde, se rangent de notre côté? Comment les amener à nous écouter? Pour l'instant, d'après ce que je crois voir, ils font à peine attention à nous. Ils nous disent oui, il y a 120 pays qui sont d'accord, mais nous n'allons nulle part.

M. Slade: Il y a des arguments de poids des deux côtés. La Chine sera un problème sur le plan du changement climatique, pas uniquement pour elle-même, mais pour nous tous, sauf si nous faisons quelque chose, parce que ce pays est en même temps confronté à un problème de développement.

Et dès qu'un pays contribue à un problème, qu'il s'agisse d'un pays développé ou d'un pays en développement, rien ne va plus. Il est à présent assez clair que nous disposons de la technologie nécessaire pour parvenir à des résultats efficaces, sans polluer. La question de savoir comment mettre cette technologie en oeuvre se pose non seulement à moi-même, qui ai une cause à plaider, mais aussi à vous, parlementaires, législateurs.

Nous devons nous en convaincre, à tous les paliers et d'entrée de jeu. Il est absolument essentiel d'informer le public pour l'amener à comprendre que nous avons affaire à un phénomène planétaire et à nous faciliter la tâche dans l'application d'une approche globale. Nous faisons face à la tâche énorme qui consiste à convaincre les industries de votre pays et de bien d'autres encore. Je fais face au délicat problème, à l'échelon politique, de convaincre et de persuader les pays producteurs et exportateurs de pétrole. Je crois que nous devons en fait faire feu de tout bois.

Le plus simple, à mes yeux, serait de viser, sans attendre, une réduction des é,missions, et pas simplement d'envisager des objectifs de réduction - si cela peut signifier quelque chose - mais d'énoncer les choses clairement et simplement. C'est ce que nous préférons, mais nous ne devons pas manquer de réalisme à cet égard, parce que ce n'est pas à nous d'effectuer des réductions d'émissions, c'est aux autres pays à le faire.

M. Reed: Je vous suis gré, monsieur l'ambassadeur, de venir remuer les Canadiens pour qu'ils se réveillent pour faire face à cette situation pressante. Il est encore des Canadiens qui doutent de la gravité des émissions de gaz à effet de serre et des conséquences de ce phénomène pour la calotte glaciaire et tout le reste.

Je crois également qu'en tant que Canadiens, nous sommes investis d'une responsabilité toute spéciale. La dernière fois que j'ai jeté un oeil sur un rapport de Statistique Canada, j'ai constaté que nous étions les plus gros consommateurs d'énergie par habitant, du monde, bien que toute cette énergie ne produisait pas des gaz à effet de serre. Mais cela nous confère néanmoins une responsabilité particulière, celle de prendre cette question très au sérieux.

J'aimerais vous poser une question concernant la météorologie et le changement climatique. Avez-vous pu consigner certaines données sur ces changements? Cette année, nous avons entendu parler des inondations catastrophiques qui ont eu lieu dans le sud des États-Unis, et de tout le reste, qui semblent être attribuables à des changements climatiques. Même si nous n'avons pas encore connu ce genre d'extrêmes, ici, nous nous demandons si nous disposons de suffisamment d'information pour confirmer qu'il s'agit là d'un symptôme de choses plus graves à venir.

Mme Copps: Je me permets d'intervenir, parce qu'il se trouve que nous avons parmi nous Henry Hengeveld, qui est chercheur spécialisé dans les questions atmosphériques à Environnement Canada et, si vous désirez obtenir certaines réponses à caractère technique, il sera peut-être heureux de rajouter quelques mots à ce que l'ambassadeur Slade pourra dire et qui concerne le milieu de la diplomatie.

M. Slade: Merci beaucoup. Monsieur le président, je ne peux répondre qu'en me fondant sur ce je connais le mieux.

.1610

Comme on a pu le constater au cours des sept ou huit dernières années, mon propre pays a subi les conséquences d'orages anomarlement importants, au point que nous sommes en train de réviser notre code du bâtiment. En effet, les bâtiments qui résistaient aux alizés et aux ouragans, que l'on prévoyait d'une année sur l'autre, ne sont plus assez solides pour affronter le genre de phénomènes météorologiques des huit dernières années.

Donc, nous en revenons à l'essentiel. Nous devons nous faire à l'idée qu'il faut construire de nouveaux bâtiments. Je peux vous dire que dans les régions des pays membres de l'AOSIS, comme dans les Antilles, il est à présent presque impossible de se protéger contre les sinistres que les nombreux ouragans très forts peuvent provoquer dans nos îles, à cause des coûts d'assurance qui sont prohibitifs.

M. Henry G. Hengeveld (Centre climatologique canadien, Environnement Canada): Je pourrais peut-être ajouter quelques mots à cela. Les phénomènes météorologiques que l'on a pu constater au cours des cinq dernières années à peu près, n'ont pas prouvé...

Mme Copps: Veuillez m'excuser. Je ne l'ai pas présenté tout à l'heure, je n'ai fait que vous indiquer sa présence.

[Français]

C'est un scientifique qui travaille à Environnement Canada. Il peut nous renseigner un peu sur la science. C'est pour cette raison qu'il est ici.

Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Hengeveld, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Hengeveld: Comme je le disais, nous avons assisté à toute une série de phénomènes météorologiques au cours des cinq dernières années, notamment des sécheresses, des inondations et des tempêtes, qui ont fait se demander à la communauté internationale ce qui se passe exactement. Pris individuellement, on ne peut établir de liens entre ces phénomènes et le changement climatique. Dans l'ensemble, ils se sont tous déjà produits dans le passé. On en parle comme étant des orages «du siècle», mais soudainement on se rend compte qu'on a affaire à toute une série d'orages «du siècle» sur une période de cinq ans. Et voilà que l'industrie internationale de la réassurance s'inquiète de la chose, parce que les conséquences sont effroyables.

Nous avons peut-être là une idée du genre de surprises que le changement climatique nous réserve. Nous n'aurons pas affaire à un réchauffement graduel qui sera tel que nos hivers canadiens seront plus doux. Nous aurons à subir une série d'événements météorologiques extrêmes qui nous prendront par surprise. La plupart de ces événements ne seront d'ailleurs pas prévisibles.

En fin de compte, rien ne prouve que tous ces phénomènes météorologiques sont directements liés au changement climatique, mais ils sont indicatifs de ce à quoi on doit de plus en plus s'attendre si la tendance se maintient.

M. Thalheimer: Moi, c'est la question du niveau des mers qui m'intéresse. A-t-on scientifiquement établi où se situait le niveau des mers au début de la révolution industrielle? Si je vous pose la question, c'est parce que madame la ministre nous a dit tout à l'heure que d'ici l'an 2000, au rythme où vont les choses, le niveau des mers devrait être...

Mme Copps: D'ici l'an 2100.

M. Thalheimer: D'après mes calculs, si c'était en l'an 2000, ça voudrait dire que j'aurais de l'eau jusqu'au cou à l'âge de 85 ans.

Nous devons bien sûr accepter la théorie de l'évolution, le fait que la terre elle-même évolue. Mais sait-on exactement où se situait le niveau des mers au début de la révolution industrielle et sait-on à quel rythme il a augmenté, surtout au cours des 50 à 100 dernières années? Ce phénomène s'est accéléré, n'est-ce pas? Je suppose que c'est le cas.

M. Hengeveld: Les seules références dont nous disposions pour les 100 dernières années, sont les marémètres qui constituent un réseau mondial. Toutefois, en plus du phénomène de montée du niveau des mers, il y a celui de l'enfoncement et aussi de la résurgence du compartiment continental. Les choses diffèrent d'un point à l'autre du globe, si bien que l'on s'interroge beaucoup pour savoir ce qu'indiquent effectivement les marémètres.

Le mieux qu'on puisse dire, c'est que le niveau des mers a augmenté de 10 à 20 millimètres au cours des 100 dernières années. Rien n'indique que le phénomène se soit gravement accéléré pendant cette période. Par contre, comme on l'a dit plus tôt, au cours des deux ou trois dernières semaines, nous avons reçu les premières mesures précises par satellite de l'augmentation du niveau des mers, mesures qui sont relativement indépendantes des autres phénomènes. Les premiers résultats indiquent qu'au cours des deux dernières années, le niveau des mers a augmenté d'environ 2 millimètres par an. On se situe là dans le haut de la fourchette dans la tendance à long terme. Reste à savoir si celle-ci persistera. Deux ans, ce n'est pas suffisant pour parler de tendance.

.1615

M. Thalheimer: Ces mesures sont celles du niveau des mers et elles ne sont pas influencées par la dépression de la marque de terre, ni par d'autres facteurs.

M. Hengeveld: Il s'agit du niveau moyen des mers dans le monde.

[Français]

M. Deshaies: Monsieur Slade, vous avez mentionné dans votre allocution que, dans le cadre du développement durable, il était nécessaire de transférer de la technologie vers les pays en voie de développement. Est-ce que vous aviez en tête des technologies particulières ou est-ce que vous parliez, à ce moment-là, de technologie en général?

[Traduction]

M. Slade: Je parlais de technologie en général. La plupart des pays en développement ont déjà copié ce qui se fait dans les pays développés. Chez moi, par exemple, nous avons hérité de la technologie des génératrices au diesel pour produire de l'électricité. Maintenant, nous essayons de passer le plus rapidement possible à l'hydro-électricité. Je parlais en termes généraux, mais c'est là le genre de technologie dont nous avons de toute évidence besoin.

Comme nous sommes un pays insulaire, nous regorgeons d'énergie marémotrice et, grâce aux alizés, l'énergie éolienne ne manque pas non plus. Nous savons ce qui se passe dans les autres pays et nous devrions peut-être plus insister sur un développement axé sur les énergies renouvelables. Nous devons disposer d'une technologie adaptée pouvant être mise en oeuvre, entretenue et exploitée par nos gens. C'est à cela que je pensais tout à l'heure.

Mme Kraft Sloan: Nous sommes tout à fait honorés de vous accueillir parmi nous aujourd'hui et je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant ce comité mixte.

J'ai été heureuse de vous entendre parler d'équité. Il est bien question d'équité entre les générations tout autant que d'équité entre Nord et Sud. J'estime que si nous voulons vraiment comprendre le problème, nous devons commencer par en comprendre les causes réelles et les racines profondes de ce problème dans toutes ses dimensions.

Vous nous avez également dit que les petits pays insulaires sont des baromètres à l'échelle planétaire. Récemment, le Comité de l'environnement est allé dans l'Arctique. Eh bien, s'il est un barometre quelque part, pour nous montrer à quel point l'écosystème est fragile, c'est bien dans l'Arctique, dans cette partie du monde qui est nullement responsable de la dégradation de l'environnement. C'est certainement là quelque chose que vous partagez avec ce coin de pays.

Je me réjouis que nous soyons aujourd'hui en comité mixte, parce qu'il est souvent difficile de rassembler différents points de vue. Vous avez parlé de l'importance d'informer le public. Ma première question touche à notre rôle de parlementaires, ici au Canada, et à ce que nous devons faire pour encourager la prise de mesures, parce que je crois que le temps des débats, des discussions et des analyses est révolu. Nous devons passer aux actes. Je voulais vous poser une question à ce sujet, mais vous y avez en partie répondu.

Ma deuxième question concerne notre examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, c'est-à-dire ce que fait le comité actuellement, à l'occasion duquel nous avons entendu des témoins nous parler de méthodes volontaires de lutte contre la pollution et de la prévention de la pollution. Que pensez-vous des méthodes volontaires par rapport à l'instauration d'un régime de réglementation pour parvenir à réduire certains des effets du changement climatique.

M. Slade: Merci beaucoup. Une importante information du public s'impose, même dans les petits pays. Il faut prendre acte du rôle que jouent les organisations non gouvernementales, rôle essentiel au niveau de la population, et il faut aussi complimenter les ONG pour leur travail.

Nous devons bien sûr nous intéresser au volet social. Les mères jouent un rôle très important dans la plupart de nos communautés, si bien que la femme joue un rôle déterminant dans le développement.

Et puis il y a bien d'autres choses qui sont fort simples, mais si fondamentalement importantes. Dans les pays insulaires, les gens pêchent régulièrement dans les lagunes pour mettre quotidiennement quelque chose sur la table. Mais à cause de la croissance démographique, les gens se sont mis à couper les arbes de la mangrove, pour faire du feu, et ils ont surexploité les stocks de poisson dans les lagunes. Maintenant, il sont obligés de pratiquer la pêche commerciale, d'acheter du poisson et pire encore d'importer du poisson en boîte.

.1620

La situation est catastrophique. Les pêcheurs de pays lointains - que je ne nommerai pas ici - viennent prendre nos poissons pour les mettre en boîtes et nous les revendre. Nous devons donc apprendre à nos gens à protéger la mangrove pour qu'ils parviennent à reconstituer les stocks de poisson et, ainsi, à recommencer à s'alimenter par le produit de leur pêche.

Des choses aussi simples que la protection des forêts du littoral sont tout aussi essentielles, parce qu'à cause des pressions démographiques, les gens ont oublié les us et les coutumes des anciens.

Merci.

M. Forseth: J'aimerais poser une question au ministre de l'Environnement.

S'agissant du changement climatique en général, je voudrais que vous nous disiez, d'abord, qui effectue les essais. Est-ce simplement les scientifiques d'Environnement Canada ou les confiez-vous à contrat à des organismes privés?

Il y en a qui croient que les changements climatiques et tous les autres phénomènes que nous étudions ici, procèdent simplement d'un cycle naturel, et puis il y a les autres, ceux qui croient que c'est un véritable problème contre lequel nous pouvons lutter. Si les représentants de ces deux camps peuvent appuyer leurs dires sur de prétendues études, le gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l'Environnement, seraient-ils prête à ordonner à ce qu'une tierce partie évalue les essais effectués et les études portant sur le sujet. On ne peut douter qu'une approche plus raisonnée et mieux étayée ne pourrait qu'accroître la crédibilité du gouvernement. Peut-être la ministre pourrait-elle à présent nous dire comment son gouvernement s'y prend pour trancher à propos de ces vues contradictoires en matière de réchauffement climatique.

Mme Copps: Il n'y a pas, d'un côté, les scientifiques spécialisés en environnement et de l'autre, les scientifiques spécialisés dans le domaine de l'industrie. Il y a des atmosphéristes qui ne prennent ni pour un camp ni pour l'autre. Un peu plus tôt, je crois avoir fait allusion à une organisation scientifique internationale, dont nous faisons partie, qui a rassemblé tous les pays signataires de la Déclaration de Rio. On y trouve le Canada, les États-Unis, le Japon, d'autres pays industrialisés et également les pays de l'AOSIS et bien d'autres encore. Ce comité de scientifiques du monde entier a produit un rapport intérimaire qui jette les bases scientifiques de l'approche au réchauffement climatique.

Si l'on se fie à notre propre expérience, je ne crois pas que nous puissions avoir des doutes. Je ne suis pas scientifique, et je ne vais pas vous donner une litanie de données scientifiques, mais je me rends bien compte que depuis que j'en suis le témoin, les industries de ma propre collectivité contribuent à un phénomène de réchauffement planétaire. Tout à l'heure, je vous disais qu'enfant je pouvais faire du patin dans ma cours arrière. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Nous ne pouvons pas nier ce phénomène de réchauffement planétaire. La question est de savoir quand il aura des répercussions sur le niveau des mers et sur d'autres aspects.

Tout à l'heure, monsieur l'ambassadeur nous a indiqué que le principe de précaution auquel nous avons adhéré en signant à Rio souligne à quel point nous devons prendre des mesures pour éviter un éventuel désastre. Celui-ci peut être relativement circonscrit ou avoir une ampleur catastrophique, selon l'importance du changement dans le niveau des mers, dont il est question dans le rapport intérimaire préparé par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat.

Dans ce rapport, on dit que le niveau des mers augmentera de 25 à 82 centimètres au cours des 100 prochaines années. C'est certain qu'il va monter. Si tout le monde ne s'entend pas sur l'ampleur du phénomène, par contre il n'y a aucun débat quant à savoir s'il y a ou non réchauffement climatique. Ce phénomène n'est pas lié à l'effet de forces naturelles. On peut directement l'attribuer à la consommation accrue d'énergie d'origine artificielle, au cours des 100 dernières années.

Mais je vais laisser la parole à Henry, parce que c'est lui, le scientifique.

.1625

M. Hengeveld: Je pourrais peut-être répondre aux deux questions. Votre première question concernait le travail d'évaluation et le travail scientifique.

Le gros du travail relativement au changement climatique et des changements planétaires, en général, a été effectué par les universitaires. Celui-ci porte sur plus de 70 disciplines scientifiques.

Il en fait question d'essayer de comprendre le fonctionnement de la planète, ce qui n'est pas chose simple. Le travail est en grande partie coordonné par le Conseil international des unions scientifiques, qui chapeaute les établissements universitaires, dans le cadre du Programme international de la biosphère géosphèrique.

Au Canada, la recherche est coordonnée par la Société royale du Canada, dans le cadre du Programme canadien des changements à l'échelle du globe. Le gouvernement ne participe pas au premier chef. Ce travail est essentiellement effectué par les universitaires.

Pour ce qui est du changement climatique, la recherche est essentiellement coordonnée par le truchement du Programme mondial de recherches sur le climat, administré conjointement par l'Organisation mondiale de météorologie et par le Conseil international des unions scientifiques. Encore une fois, nous avons là affaire à une coopération entre organismes gouvernementaux et établissements d'enseignement. Au Canada, il s'agit du Conseil du Programme climatologique canadien composé de représentants du milieu universitaire, de l'industrie, ainsi que des gouvernements provinciaux et fédéral.

Mme Copps: Comme j'ai entendu tout à l'heure quelqu'un parler de combustibles fossiles, je voulais vous rappeler que ceux-ci font partie du problème et qu'ils contribuent au réchauffement climatique au Canada.

Mais il n'y a pas que cela. Dans le travail qui nous échoit, à l'échelon fédéral-provincial, et même à l'échelon municipal, nous devons faire porter l'accent sur... Une partie du problème est attribuable aux émissions de combustibles fossiles par les automobiles; une autre partie du problème tient aux pratiques agricoles qui ont donné lieu à une utilisation accrue d'engrais qui relâchent de l'oxyde d'azote dans l'atmosphère. Tout cela représente environ 20 p. 100 du problème au Canada.

Nous avions un projet au ministère de l'Environnement et si je veux vous en parler ici, c'est parce que je crois que nous sommes parvenus à une solution à caractère multipartite. Nous avons financé un programme en Ontario, dans des fermes écologiques; en fait, nous en avons même visité une à Lambton, dans le Middlesex.

Et voilà ce que ce programme nous a permis de constater... Comme je ne suis pas une agricultrice, quiconque ici s'y connaît dans ce domaine pourra sans doute me corriger. En agriculture traditionnelle, on emploie des engrais et on laboure la terre plusieurs fois par an, mais chaque fois qu'on le fait, on relâche des gaz dans l'atmosphère. Nous avons adopté des programmes modèles de ce que l'on appelle la culture sans labour ou en semis directs. Tout d'abord, cette technique a permis de réduire le coût des intrants agricoles, qui dans cette ferme que nous avons visitée s'élevaient à 170 000$ par an. La quantité d'engrais est réduite et l'agriculteur ne laboure qu'une fois par an avec une machinerie spéciale. Les coûts d'intrants pour cette machinerie ont été d'environ 25 000$ et l'agriculteur n'a pas effectué d'autres labours.

Il a avoué qu'avant d'adhérer à ce programme, il avait dû attendre le décès de son père parce que c'était quelqu'un qui avait travaillé la terre d'une certaine façon pendant des années et qu'il ne voulait pas la changer. Mais une fois son père décédé, notre agriculteur s'est mis en quête d'autres techniques d'exploitation agricole. Son rendement a été le même que celui de son voisin qui s'en est tenu à des méthodes de labour traditionnelles mais la technique des semis direct a permis à notre agriculteur de réduire ses coûts d'intrants.

Alors, pour réagir au phénomène du réchauffement planétaire... et j'apprécie les remarques du député du bloc, parce que le gouvernement fédéral n'a pas encore atteint le niveau de stabilisation. Si j'ai dit ce que j'ai dit au printemps dernier, c'est parce que si aucun pays n'agit, nous serons encore à 13 p. 100 de plus que les niveaux de 1990.

J'espère qu'à l'automne le gouvernement fédéral pourra proposer un plan d'action pour faire la même chose que ce que la province de Québec a déjà fait, c'est-à-dire parvenir à la stabilisation. Le fédéral optera pour les véhicules alimentés par les combustibles de remplacement. Nous sommes en train de moderniser les immeubles fédéraux. D'ailleurs, nous obtiendrons certainement des résultats si les provinces modifient leur code du bâtiment pour exiger des vitrages triples et imposer des méthodes allant dans le sens de l'environnement durable.

.1630

Nous espérons pouvoir déposer notre plan en octobre. Une des raisons pour laquelle j'ai invité M. l'ambassadeur à se joindre à nous, c'est que lorsque je me suis rendue à la réunion des ministres fédéral-provinciaux, je voulais que nous fassions porter davantage notre action sur les solutions constructives à apporter au problème des combustibles fossiles plutôt que sur le différend fédéral-provincial en la matière. La solution passe en partie par une modification de nos habitudes de consommation d'énergie, en partie par une modification de nos méthodes agricoles, en partie par une modification de la consommation d'énergie au niveau individuel et par l'adoption de combustibles plus propres et d'autres combustibles de substitution. Mais cela signifie aussi que nous devons faire un effort pour voyager à plusieurs dans nos autos, pour éviter le genre de situation qui nous a malheureusement placés dans cette fâcheuse posture.

Nous habitons un pays où, depuis de nombreuses années, nous avons accès à une énergie abondante, peu coûteuse, qu'il s'agisse d'hydro-électricité, de combustibles fossiles ou d'énergie nucléaire. À cause de cela, nous sommes devenus les premiers consommateurs d'énergie par habitant du monde.

Vous savez, Bill, je suis tout à fait consciente des remarques formulées par la Chine. En fait, c'est l'un des pays qui, à la réunion de Berlin, ne voulait rien faire et pourtant il a fini par opter pour un programme pilote. Nous leur avons dit qu'aux fins des transferts technologiques, les projets-pilotes seraient menés sans crédit, pendant cinq ans, et que si les choses continuaient de fonctionner après l'an 2000, nous pourrions alors passer à des crédits.

Quand on regarde sans cesse ce que font les autres et que l'on se dit: c'est à cause des combustibles fossiles, ou c'est à cause d'un tel ou d'un tel, on finit par ne plus s'interroger sur ses propres habitudes de consommation. Est-ce que nos maisons sont éclairées au néon? Faisons-nous tout ce qu'il faut faire pour que notre consommation d'énergie soit la plus efficiente possible? Isolément, ces mesures peuvent ne pas sembler grand-chose, mais si on les ajoute... Ainsi, dans notre immeuble de Hull, nous économiserons 91 000$ en coûts d'énergie cette année tout simplement parce que nous avons changé les ampoules. Et c'est là quelque chose que l'on peut faire dans tous les ministères, dans toutes les maisons.

J'hésite à m'en prendre à un groupe et à dire... Il y a beaucoup de choses que nous devons faire et le gouvernement fédéral doit prêcher par l'exemple, mais je demeure persuader que si des gens comme l'ambassadeur Slade peuvent nous donner des éléments de réflexion sur le côté humain du réchauffement planétaire, cela ne pourra que nous aider à bien... Les municipalités du Canada ont été les premières à adhérer au Club des 20 p. 100. Elles ont repris les termes de l'engagement de Toronto et ont commencé à apporter des changements dans leur politique de transport en commun. Eh bien, ce modèle, le Club des 20 p. 100, a fait école au Japon où des villes sont en train d'appliquer les mêmes programmes.

Il y a bien des choses que l'on peut faire de façon constructive. Il suffit d'amener les gens, tout d'abord, à se rendre compte que nous avons affaire à un problème grave et, deuxièmement, que les solutions commencent dans nos propres foyers.

Le président: Merci, M. Forseth, de votre question, qui a débouché d'une manière quelconque sur les conclusions que nous venons d'entendre.

Je reste seul avec M. Arseneault, madame la ministre, pour vous remercier de votre initiative qui nous a permis de rencontrer l'ambassadeur Slade.

Merci à vous, monsieur l'ambassadeur, pour votre exposé. Merci aussi de nous avoir rappelé l'ébauche de protocole de l'alliance, et surtout de nous avoir rappelé l'importance des objectifs et des échéanciers que nous ne perdrons certainement pas de vue. Je vous souhaite succès dans vos entreprises et je puis vous garantir que nous comprenons parfaitement ceux qui voient dans ce problème l'un des plus délicats auquel la communauté internationale ait jamais été confrontée.

Guy Arseneault et moi-même désirons remercier les députés qui ont participé à cette réunion mixte historique du Comité des ressources naturelles et du Comité de l'environnement et du développement durable. Ce fut une excellente idée. Merci à vous tous, et nous pouvons à présent lever la séance.

Mme Copps: Charles, avant que vous ne leviez la séance, j'aimerais ajouter que s'il y a des gens qui ont des contacts dans des assemblées législatives provinciales - je suis sûre ici que les députés provinciaux, surtout de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, profiteront de mon offre - dans des villes ou ailleurs, où des gens aimeraient accueillir l'ambassadeur Slade, et qui aimeraient que nous le fassions venir de New-York une autre fois - le gouvernement du Québec pourrait vouloir pousser son analyse dans le domaine de la réduction des niveaux d'émissions et des autres stratégies - sachez que nous serons heureux de tout faire pour l'encourager à venir au Canada. Donc, que les gens de l'Alberta ou de n'importe où ailleurs qui désirent profiter de son expérience nous le fassent savoir, nous ferons de notre mieux pour rendre la chose possible.

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Le président: Avant de lever la séance, je vous invite à vous servir dans la pile de documents qui se trouvent au fond de la salle et qui portent sur les répercussions possibles du changement du niveau des mers sur la région de l'Atlantique, notamment à Saint John et à Charlottetown. Sur ce, encore une fois merci.

Nous levons la séance pour trois minutes environ après quoi le Comité de l'environnement reprendra ses travaux ordinaires.

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