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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 septembre 1995

.0908

[Traduction]

Le greffier du Comité: Honorables députés, il y a quorum. Conformément aux articles 106(1) et 106(2) du Règlement, le premier point à l'ordre du jour est l'élection d'un président ou d'une présidente. Je suis prêt à recevoir des motions à cet effet.

M. Finlay (Oxford): Monsieur le président, je propose la candidature de M. Charles Caccia, député de Davenport, comme président du comité.

Le greffier: Il est proposé par M. Finlay, appuyé par M. Steckle, que M. Caccia assume la présidence du comité. Plaît-il au comité d'adopter la motion?

La motion est adoptée

Le greffier: Je déclare M. Caccia dûment élu président du comité et l'invite à prendre le fauteuil.

.0913

Le président: Étant donné l'heure tardive, je limiterai mes commentaires au minimum. Nous avons un témoin qui attend dans la salle et notre temps est limité. Je dirai tout simplement que je vous remercie de la confiance que vous m'avez accordée. J'espère que je la mérite. J'espère également que vous me remettrez sur la bonne voie lorsque je serais dans l'erreur, comme vous l'avez fait par le passé.

Notre calendrier de travail est plutôt chargé. Nous avons beaucoup de travail à faire sous forme d'examen de projets de loi et d'études. Nous aurons une bonne discussion à ce sujet sous peu - c'est-à-dire sur les diverses options qui s'offrent à nous. J'aimerais demander au greffier de distribuer un document que nous avons préparé il y a quelques semaines concernant les diverses options qui s'offrent à nous, afin que nous puissions en discuter.

Sans plus tarder, j'aimerais encore une fois vous remercier et vous demander si vous avez des candidatures à proposer pour l'élection d'un vice-président.

[Français]

M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): J'aimerais proposer Mme Monique Guay au poste de vice-présidente du Comité.

[Traduction]

M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): J'aimerais proposer la candidature de Mme Kraft Sloan.

Le président: Nous avons des mises en candidature pour deux postes. Y a-t-il d'autres mises en candidature?

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Monsieur le président, j'aimerais proposer la candidature de Keith Martin comme vice-président.

Le président: Nous avons trois mises en candidature. Y en a-t-il d'autres?

Comme nous avons reçu trois candidatures pour deux postes, nous pourrions tout d'abord mettre aux voix la candidature de Mme Guay qui a été proposée par le Bloc québécois pour le poste de vice-présidente.

M. Martin (Esquimalt - Juan de Fuca): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous aimerions avoir un vote par appel nominal.

Le président: Il y aura donc un vote par appel nominal, comme l'a demandé M. Martin. Je vais donc encore une fois mettre aux voix la candidature de Mme Guay comme vice-présidente du comité.

La motion est adoptée par 7 voix contre 2

.0915

Le président: Je déclare Mme Guay dûment élue vice-présidente du comité.

Nous allons maintenant mettre aux voix la candidature de Mme Kraft Sloan. Le comité souhaite-t-il procéder par un vote à mains levées?

M. Martin: Par un vote par appel nominal.

Le président: Nous allons donc procéder par un vote par appel nominal.

La motion est adoptée par 7 voix contre 2

Le président: Je déclare Mme Kraft Sloan dûment élue vice-présidente du comité.

Voulez-vous mettre aux voix la troisième candidature? Nous allons encore une fois procéder par un vote par appel nominal.

Le greffier m'informe que les deux postes sont comblés et que par conséquent il n'est pas nécessaire de mettre la troisième candidature aux voix.

M. Martin: Je suis désolé, monsieur le président. Je ne pouvais pas...

Le président: Ce n'est donc pas nécessaire, les postes ayant été comblés à la suite des deux élections précédentes.

M. Martin: J'aimerais que vous le déclariez aux fins du compte rendu.

Le président: Il n'est pas nécessaire de procéder à cette élection, car il n'y a plus de postes vacants à combler.

Je déclare donc le processus électoral terminé. Je félicite Mme Guay et Mme Kraft Sloan.

Congratulations

Nous allons maintenant passer immédiatement à l'ordre du jour. Nous avons aujourd'hui un invité des plus intéressants.

[Français]

Il s'agit de M. Stuart L. Smith, nouveau président de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Je vais vous donner de brèves notes biographiques.

M. Smith est né à Montréal. Il est diplômé de la Faculté de médecine de McGill et a été professeur de psychiatrie à l'École de médecine de l'Université McMaster.

En 1975, M. Smith s'est lancé en politique et a été élu à l'Assemblée législative de l'Ontario. Il est devenu le leader du Parti libéral de l'Ontario en janvier 1976 et chef de l'Opposition un an plus tard. Il s'est fait le porte-parole fidèle de la cause environnementale, de même que le champion de la politique industrielle fondée sur la recherche.

De 1982 à 1987, M. Smith a été président du Conseil des sciences du Canada et, à partir de 1990, il a assumé pendant deux ans la présidence de la Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada mise sur pied par l'Association des universités et collèges du Canada.

Ensuite M. Smith a accepté la présidence de Philip Utilities Management Corporation, la plus grosse entreprise canadienne de recyclage industriel et l'une des entreprises de gestion intégrée des déchets les plus considérables en Amérique du Nord.

.0920

Au mois de juin de cette année, je crois, il a été nommé président de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et c'est à ce titre que nous l'avons invité aujourd'hui. Nous avons là une occasion exceptionnelle d'échanger des points de vue sur l'économie et l'environnement.

Monsieur Smith, je vous invite à prendre place à la table. Si vous voulez inviter votre collègue, c'est votre droit. Je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de notre comité.

M. Stuart L. Smith (président, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Merci, monsieur le président. Il me fait grand plaisir d'être ici. Je suis honoré d'avoir l'occasion de partager quelques points de vue avec ce comité.

J'ai l'intention de parler la plupart du temps en anglais parce que je m'exprime beaucoup plus facilement dans cette langue, mais je serai très heureux de répondre en français aux questions posées dans cette langue.

[Traduction]

En conséquence, j'utiliserai la langue dans laquelle je suis le plus à l'aise, si cela vous convient.

J'ai déjà présenté Gene Nyberg, directeur exécutif intérimaire de la Table ronde nationale.

Avec la permission des membres du comité, je voudrais faire une brève déclaration liminaire et ce, pour deux raisons.

Tout d'abord, je souhaite vous présenter mes titres et qualités pour que vous sachiez pourquoi j'ai jugé raisonnable d'accepter lorsqu'on m'a invité à devenir président de la Table ronde. Il est important que le comité examine mes titres et décide par lui-même dans quelle mesure je suis un bon candidat pour un poste de ce genre. À titre d'ex-leader de l'Opposition, je milite depuis longtemps en faveur d'un renforcement du rôle des comités, et je pense que c'est une très bonne chose d'examiner les antécédents des personnes qui sont nommées à ces postes.

Après avoir énoncé mes titres et qualités, je voudrais ensuite discuter avec vous de certaines questions pour déterminer l'orientation de la Table ronde nationale. J'ai certaines idées mais j'accueillerais volontiers les suggestions des députés membres du comité quant à l'orientation de cette Table ronde.

Voilà donc les deux choses que je voudrais aborder d'entrée de jeu et ensuite, j'espère que nous pourrons avoir une bonne discussion.

Pour ce qui est de mes antécédents, le président a été assez aimable pour lire à haute voix une mini-biographie officielle d'une page. Toutefois, on omet de dire certaines choses. Ainsi, l'une des raisons qui m'ont poussé à me lancer en politique à l'époque où j'étais psychiatre à Hamilton a été de participer à la protection d'un marécage de la région appellée Cootes Paradise. J'ai fini par comparaître devant des commissions d'enquête environnementales chargées de ce dossier et je crois avoir contribué à l'installation d'un bien meilleur système de traitement des eaux usées dans cette région pour protéger ces terres humides.

Je pense que la plupart des journalistes, du moins ceux qui ont la mémoire suffisamment longue pour se rappeler l'époque où j'étais un politique dans l'Opposition, vous diront que mon cheval de bataille a toujours été l'environnement. Je n'ai jamais eu l'honneur, à l'instar de deux personnes qui siègent ici, d'occuper le poste de ministre de l'Environnement. Je n'ai siégé que dans l'Opposition, mais j'estime que nous avons eu une grande influence. En effet, nous avons fait tellement d'histoires au sujet de la mauvaise utilisation des sites d'enfouissement que le gouvernement a été obligé d'implanter un système adéquat de bordereaux de livraison pour tenir compte de tous les déchets livrés à divers sites de destruction. Cela a fait une énorme différence en Ontario, et je sais que d'autres régions du pays ont emboîté le pas.

.0925

Dans la même veine, je ne crois pas manquer de modestie en disant que c'est nous qui avons mis au premier plan le problème des pluies acides. Ma recherchiste à l'époque était quelqu'un que vous allez rencontrer sous peu, Adèle Hurley. Certains d'entre vous la connaissent peut-être déjà. Elle venait tout juste de quitter Pollution Probe. Elle et moi, à la consternation de certains, avons soulevé la question des pluies acides et nous l'avons portée au premier plan en Ontario et au Canada.

Il y a de cela longtemps, la première fois que je me suis avanturé sur la scène politique, j'ai fait la lutte à un certain Pierre Trudeau pour le poste de candidat dans Mont-Royal. C'était en 1965. Je me souviens d'un débat avec M. Trudeau au cours duquel j'ai soulevé la question des «précipitations corrosives» qui tombaient sur Montréal à cause des raffineries dans l'Est et qui endommageaient les statues et les immeubles de la ville.

Mon intérêt pour l'environnement remonte donc très loin.

M. Adams (Peterborough): Qui a remporté l'élection de mise en candidature?

M. Smith: Je dois vous avouer que je me suis retiré avant que le vote n'ait lieu. Mais c'est une histoire que je pourrai vous raconter lors d'une autre séance, un autre jour.

Certains d'entre vous se souviennent sans doute qu'au cours de ma dernière campagne, j'ai préconisé à maintes reprises l'utilisation du méthanol comme dilueur d'essence, de la même façon qu'on le fait avec l'éthanol aux États-Unis. J'estime que nous pourrions utiliser des déchets de bois pour produire le méthanol. Je me suis élevé contre la construction de la centrale nucléaire de Darlington parce que j'estimais que cela coûterait beaucoup plus cher que prévu. Je ne me suis pas opposé parce que je suis contre l'énergie nucléaire. Je ne le suis pas. Je m'y suis opposé en raison des coûts que cela allait entraîner. J'étais beaucoup plus favorable à l'énergie renouvelable.

Comme certains d'entre vous le savent, j'ai aussi proposé la première déclaration des droits de l'environnement au Canada, déclaration que l'on enseigne encore dans certaines facultés de droit. Je l'ai fait alors que j'étais député d'opposition. Ma proposition a été rejetée, mais elle est devenue un modèle qui a continué à faire surface et, en fin de compte, l'Ontario a adopté une déclaration différence où l'on retrouve nonobstant des traces de l'original.

En 1982, j'ai été nommé président du Conseil des sciences du Canada. Avant d'en assumer la direction, cet organisme était déjà célèbre pour son rôle dans la propagation de l'idée de la société de conservation. Sous ma gouverne, nous avons poursuivi nos efforts en ce sens même si, comme je l'ai dit, ce n'est pas moi qui ai lancé le mouvement. Nous avons effectué des études sur le sol agricole, les ressources hydriques et l'aquaculture bien avant que ces thèmes ne deviennent à la mode. Vous constaterez en rétrospective que nous avons épousé le volet renouvelable de l'industrie des ressources renouvelables.

Après avoir quitté le Conseil des sciences, j'ai lancé une entreprise. Outre mon travail à la Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire, on m'a demandé - plus précisément le gouvernement conservateur de l'heure m'a demandé - d'assumer la responsabilité des questions de conservation et d'énergie de remplacement du programme des options énergétiques, c'est-à-dire la demande, la gestion et la conservation. Je me suis livré à cet exercice partout au Canada et je pense que nos efforts ont produit des résultats intéressants.

Mon entreprise visait à offrir un partenariat secteur public-secteur privé dans les laboratoires gouvernementaux. Et le destin a voulu que le laboratoire avec lequel nous avons finalement collaboré a été celui d'Environnement Canada, appelé le Centre technique des eaux usées et il est situé au Centre canadien des eaux intérieures.

Depuis quatre ans, c'est mon entreprise qui dirige le laboratoire et depuis deux ans, nous faisons des profits intéressants. Contrairement à d'autres laboratoires gouvernementaux, nous avons pris de l'expansion. Nous employons 120 personnes qui ont quitté le gouvernement et qui travaillent maintenant pour nous, dans le secteur privé. Nous offrons nos services au gouvernement sans but lucratif. Tout profit est réparti entre le gouvernement, la direction de l'entreprise et les employés, en guise d'incitatif. Ce modèle a été une réussite et bien sûr, nous sommes devenus des experts dans le domaine des eaux et des eaux résiduaires.

Je me suis aperçu que le Canada ne disposait pas d'entreprises spécialistes en eaux qui puissent améliorer la qualité de l'eau dans le monde en ayant recours à ses connaissances spécialisées. J'ai donc créé une telle entreprise. Cela fait maintenant partie de Philip Environmental.

.0930

Je suis actuellement premier vice-président de Philip Environmental qui est le plus gros recycleur industriel de l'Amérique du Nord. Son chiffre d'affaires se montera à 750 millions de dollars cette année. Le siège social se trouve à Hamilton.

Je suis président de Philip Utilities, compagnie de distribution d'eau et de traitement des eaux. Nous avons la responsabilité en partenariat avec l'administration publique du système d'aduction et de traitement des eaux d'Hamilton Wentworth, région qui regroupe environ 500 000 habitants en Ontario.

Mon métier est donc aujourd'hui l'environnement, ce qui est assez intéressant puisque j'ai désormais la responsabilité de l'usine dont j'avais fait améliorer les méthodes pour sauver Cootes Paradise. Je suis donc aujourd'hui responsable de l'usine que nous avions réclamée.

Bien entendu, je suis membre de la Table ronde nationale depuis un an.

C'est tout ce que je voulais vous dire au sujet de mes titres et qualités. J'espère que ce résumé des activités ne laisse pas de doute sur l'intérêt que je porte aux questions d'environnement.

Pour ce qui est de l'avenir de la Table ronde, je suis prêt à en discuter avec les membres de la Table ronde, avec le personnel et certainement avec les membres de votre comité.

Si vous avez pris le temps d'étudier la loi, vous devez avoir constaté une certaine tension entre le titre de l'organisation et son mandat.

Le titre de l'organisation implique deux choses.

Tout d'abord ce doit être une table ronde. En d'autres termes, tous les points de vue doivent être exprimés à cette table ronde et traités avec respect et avec civilité. Tout le monde est à la même table - tous les intéressés.

De plus, il s'agit d'une table ronde sur l'environnement et l'économie. Par conséquent, cela implique une analyse des coûts et les avantages d'actions individuelles sur l'environnement.

Le mandat qui est énoncé dans les articles suivants de la loi parle de développement durable, de promotion du développement durable et de promotion des connaissance sur l'environnement, de la nécessité de le protéger et d'y sensibiliser le grand public.

Ce mandat pourrait fort bien être interprété comme celui d'un conseil sur le développement durable ayant pour tâche de promouvoir ce concept, d'encourager la recherche et d'en dissiminer les résultats.

J'en ai déduit, et c'est ce dont je veux que nous débattions, qu'en insistant sur le titre, en insistant sur cette idée de bataille d'idées autour d'une table ronde pour aboutir à un consensus, et qu'en insistant sur la nécessité d'examiner les actions individuelles en matière de développement durable du point de vue de l'analyse du coût et des avantages, nous pourrons mieux parvenir à cette promotion du développement durable qu'en disant simplement: «Nous sommes pour le développement durable, faisons des études et publions-les».

Comme tout concept idéal, le développement durable est un concept facile à approuver en termes généraux. Le problème, ce sont les détails. Le problème c'est quand il faut déterminer si telle ou telle décision est bonne pour l'environnement, pour sa promotion ou son amélioration.

J'aimerais donc que le programme de la Table ronde se concentre sur les actes spécifiques, les mesures spécifiques pour essayer de parvenir à un consensus en tirant profit du fait qu'autour de cette table se trouvent des gens représentants tous les groupes d'intérêt et en donnant la priorité aux domaines sur lesquels il semble y avoir consensus.

Lorsqu'il n'y a pas de consensus, généralement c'est pour des raisons de coûts et d'avantages. Parfois c'est parce qu'on n'arrive pas à décider si telle ou telle mesure est bonne ou mauvaise pour l'environnement, mais le plus souvent c'est parce qu'on n'arrive pas à déterminer si un acte donné apporter un avantage suffisamment clair, suffisamment prévisible, suffisamment certain pour justifier un certain coût.

.0935

J'aimerais que la Table ronde nationale devienne le dépositaire du consensus sur toutes ces questions. Dans ce but nous énoncerons objectivement les points sur lesquels nous sommes d'accord et sur lesquels il y a consensus, les points sur lesquels il y a désaccord, la nature de ce désaccord, une analyse objective de ces divergences d'opinion et les faits et les connaissances qui nous manquent pour résoudre le problème. Il est possible que dans certains cas le caractère inconciliable des positions rende le problème insoluble. Si c'est ainsi, nous le dirons. Le plus souvent ce sera la faute de l'étendue des connaissances.

Par conséquent, j'estime que si nous pouvons insister sur la nécessité de trouver des consensus à la Table ronde mais sans nous limiter à ces concensus mais en faisant connaître aux Canadiens les raisons pour lesquelles le consensus est absent dans certains domaines tout en étant aussi objectif que possible - en nous mettant au moins d'accord sur ces rapports - nous pourrions alors devenir pour la majorité des Canadiens l'endroit où s'adresser pour en savoir plus sur le statut de telle ou telle question: pourquoi y a-t-il consensus, pourquoi n'y a-t-il pas consensus, que savons-nous sur cette question, que ne savons-nous pas sur cette question. Je crois que nous jouerions alors un rôle utile et que nous mériterions notre petit budget.

Si nous n'agissons pas ainsi, si nous nous prononçons simplement en faveur du développement durable, nous ne ferons qu'ajouter notre voix à celle de deux douzaines d'organismes non gouvernementaux qui peuvent dire la même chose. Je ne vois pas comment nous pourrions justifier cette dépense de deniers publics en disant simplement que nous sommes en faveur du développement durable, ou en ordonnant des études ou en accordant des subventions. À voir autour de cette table des représentants du patronat, des syndicats, des autochtones, des différentes régions, des groupes environnementaux est une ressource inestimable qu'il nous faut utiliser intelligemment en communiquant aux Canadiens nos points d'accord et de désaccord.

Voilà pour l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Ce n'est pas très compliqué, simplement je crois que la meilleure manière de promouvoir le développement durable est de faire la lumière sur les questions, de les clarifier pour aboutir à un consensus. Cette recherche de consensus doit être la méthode d'éclairage de ces questions et il nous faut nous servir de notre existence et de notre budget pour réunir tous les intervenants et informer les Canadiens sur nos points d'accord, de désaccord, sur ce qui nous manque pour prendre des décisions objectives. Je crois que c'est ce qui permettra de promouvoir le développement durable, et je crois que c'est ce qui nous bloque en vérité pour le moment: tout le monde est pour le développement durable mais tout le monde hésite parce que nous ne sommes pas certaines des coûts et des avantages.

[Français]

Comme je le disais, je serai très heureux de répondre aux questions en anglais ou en français, selon le choix des députés. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Smith.

[Français]

Nous allons commencer par Mme Guay.

Mme Guay (Laurentides): Bonjour, monsieur Smith. J'aimerais connaître le rôle exact de la Table ronde et particulièrement ses relations avec les provinces. Comme il y a des juridictions fédérales et des juridictions provinciales, comment faites-vous pour communiquer avec elles?

M. Smith: Officiellement, il n'existe pas de liens avec les provinces. C'est dommage, mais telle est la nature de la loi. Cependant, à nos séances plénières, il y a habituellement un observateur du Conseil canadien des ministres de l'Environnement. Il y a donc un représentant qui assiste à toutes nos réunions plénières. Bien sûr, c'est insuffisant.

.0940

Ce n'est pas assez, mais nous avons quelque chose d'autre: pour tous nos projets, on invite les représentants provinciaux. S'il s'agit de quelque chose qui touche l'industrie pétrolière, il y a des représentants de l'Alberta. S'il s'agit de quelque chose qui touche les pêcheries des côtes de l'Est, il y a des représentants de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Je serais cependant très heureux qu'il y ait des liens plus étroits et plus officiels.

Je vous assure que je sais très bien que les politiques sur l'environnement sont partagées dans le pays entre les deux niveaux du gouvernement et qu'il faut avoir l'input, si je peux employer ce mot anglais, des provinces si on veut faire du progrès. Vous m'avez demandé s'il y a des liens officiels. Non, il n'y en a pas.

Mme Guay: Il n'y en a pas, mais est-ce que que la Table ronde ne pourrait pas éventuellement en établir, sous votre présidence évidemment? Est-ce que cela ne serait pas souhaitable pour qu'on puisse prendre en considération les politiques des différents ministères de l'Environnement provinciaux qui existent déjà et éviter des frictions avec les provinces? On pourrait ainsi trouver des solutions communes.

M. Smith: Comme vous le savez, la Table ronde est une organisation fédérale; elle a été créée par le gouvernement fédéral. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral peut faire plus qu'inviter les provinces à y participer. C'est une chose que je recommanderai sans doute une fois que je serai plus à l'aise dans mon rôle.

Mais je vous assure que je n'ai aucune intention de faire des projets sans la participation provinciale. Par exemple, je suis certain que nous allons démarrer très bientôt quelque chose sur le transport durable, et nous allons certainement faire des choses avec les provinces à cet égard. C'est la province de Colombie-Britannique qui a pris cette initiative et elle tiendra un très grand congrès, GLOBE '96. Il y aura une autre réunion de divers pays au sujet du transport et on veut faire quelque chose là. Il est certain que le gouvernement de la Colombie-Britannique va s'impliquer dans notre étude.

Je vais recommander qu'il y ait des liens plus officiels, mais il y a une limite à ce que le gouvernement fédéral peut dire. En fin de compte, c'est aux provinces de décider si elles veulent participer à une grande organisation fédérale-provinciale, mais une telle organisation n'existe pas actuellement.

Mme Guay: Je voudrais vous parler du projet de loi C-83, la Loi sur le commissaire à l'environnement. Est-ce que vous en avez entendu parler? J'aimerais savoir si vous êtes satisfait de ce nouveau poste qui va être créé.

.0945

Comment percevez-vous le poste de commissaire à l'environnement? Est-ce que vous êtes d'accord sur cette loi?

M. Smith: C'est une chose que l'on peut essayer. Cela apporte quelque chose qui n'existe pas pour le moment. Ce ne sera pas un rôle facile, j'en suis certain. Je me demande sur quoi on va faire rapport. On peut faire rapport sur le comportement des ministères et sur les moyens dont on se sert pour faire le travail au jour le jour. On peut aussi faire rapport sur les lois et les règlements qui sont proclamés pour les Canadiens, mais c'est un peu plus difficile. C'est comme pour le vérificateur général. À quel niveau doivent être ces commentaires? Est-ce qu'on veut qu'ils portent sur des questions de vol ou de gaspillage d'argent, ou sur des politiques, à savoir si on dépense de l'argent pour des politiques que l'on n'aime pas? Selon moi, ce n'est pas au vérificateur général de faire des commentaires sur les politiques, et je pense que c'est la même chose ici. Ce sera un peu difficile dans le cas de ce nouveau poste. Je suis heureux de ne pas avoir été nommé à ce nouveau poste. Cependant, il faut apprendre peu à peu ce que l'on veut ou ne veut pas faire. Je ne pense pas que cela fasse de dommage.

Mme Guay: Je suis d'accord avec vous que cela ne peut pas faire de dommage, mais est-ce que ce sera efficace? Il y a une question à ce sujet. Je suis d'accord pour que l'on en fasse l'essai puisqu'on l'avait proposé. C'est juste pour compléter...

Le président: C'est conforme à une proposition de l'Opposition officielle.

Mme Guay: C'est ce que je viens de dire, monsieur le président. Nous l'avons proposé. Je voulais simplement avoir une opinion sur ce poste-là et cela a été très clair.

Êtes-vous d'accord pour que chaque ministère décide lui-même de sa propre politique environnementale? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une politique plus générale sur l'environnement? En ce moment, on demande aux ministères de faire leurs devoirs et leur propre politique environnementale. On leur demande aussi de faire des suggestions. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

M. Smith: C'est encore la même chose. Le comportement de chaque ministère doit être examiné par des experts qui peuvent faire des vérifications environnementales. Ça existe déjà maintenant. Si vous avez une entreprise, vous pouvez engager des experts pour faire, par exemple, des vérifications environnementales et savoir si vous êtes assez vert ou non. Je pense que chaque ministère doit obtenir ce genre de services, et il s'agit de décider si on peut trouver ces services au sein du gouvernement ou en dehors du gouvernement. En tout cas, il existe des experts. La deuxième question concerne les politiques de chaque ministère. Je pense que tout ce que l'on fait a des retombées environnementales et je ne vois pas comment on peut échapper aux responsabilités, ministère par ministère. Je ne vois pas de grand corps supérieur qui puisse déterminer tout ce qui touche à l'environnement. À la Table ronde, nous voulons prendre le projet d'un ministère à la fois et travailler avec lui sur les questions de politique. Est-ce que le processus budgétaire est assez vert, par exemple? Est-ce qu'il y a quelque chose à faire pour le ministère des Ressources naturelles? On peut étudier cela ensemble à la Table ronde et chacun peut donner son point de vue afin d'aider ce ministère. On peut aussi faire des rapports à ce sujet.

.0950

Mais je ne conçois pas qu'il y ait une superstructure pour décider de toutes les choses relatives à l'environnement. Merci.

Le président: Madame Kraft Sloan.

[Traduction]

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci beaucoup.

Je vous félicite pour votre nomination. Nous avons beaucoup de questions à vous poser.

L'une des choses que j'aimerais que vous m'expliquiez c'est ce que vous entendez par une analyse coûts-avantages. Pouvez-vous me donner quelques explications à ce sujet?

M. Smith: J'estime que si l'environnement et tout le concept du développement durable ne figure plus parmi les principales préoccupations de la population c'est parce que la situation économique est si mauvaise. Je pense que ce n'est pas un grand mystère. Je crois honnêtement que c'est vrai.

Je pense qu'il faut donc réveiller l'intérêt de la population en lui montrant qu'il y a certaines choses sur lesquelles nous nous entendons et qu'il y en a d'autres où les divergences dépendent des valeurs, de la question de savoir si une mesure donnée en vaut le coût. Il arrive que cela n'ait pas d'importance, parce qu'une mesure donnée doit être prise, sans quoi les conséquences seraient catastrophiques, et dans ce cas, le coût n'est pas vraiment un facteur. Dans d'autre cas, il n'y a pas de coût réel, car le coût à court terme est plus que compensé par les revenus à long terme. Par exemple, nous avons constaté dans l'industrie du recyclage qu'il y a plus d'argent à gagner en faisant ce qui est bénéfique pour l'environnement qu'en faisant des choses qui lui nuisent.

Dans d'autres cas, certains proposent des mesures extrêmes. En d'autres mots, certaines personnes disent qu'il faut toujours prendre des mesures pour protéger l'environnement quelqu'en soit le coût alors qu'il y a d'autres extrémistes qui disent que ces mesures doivent être rentables, que c'est le marché qui doit décider et qu'ils ne veulent pas à entendre parler. Ces extrêmes sont inacceptables pour les Canadiens et ne sont pas acceptables pour ceux d'entre nous qui préconisent le développement durable.

Mais je crois que lorsqu'il faut prendre une mesure précise et qu'il y a des divergences d'opinion qui rendent un consensus impossible, il incombe à ces personnes d'expliquer pourquoi elles ne peuvent pas s'entendre. Au bout du compte, je soupçonne que dans la plupart des cas quelqu'un jugera que les avantages ne valent pas le coût. J'imagine que c'est ce qui se produira. Si nous pouvons expliquer aux Canadiens sur quoi ces positions sont fondées, afin qu'ils puissent eux-mêmes déterminer si c'est une valeur qu'ils partagent et le prix qu'ils y attachent, alors je pense que nous aurons fait quelque chose d'utile.

Certains ne partagent pas cet avis, ils disent simplement qu'on ne peut pas mettre un prix sur ces choses. À cela, je réponds qu'on ne peut pas mettre un prix sur le concept du développement durable, mais que les gens déterminent le prix d'une mesure donnée. Il ne suffit pas de prendre en considération le coût à court terme... Il faut aussi se demander ce que coûterait l'inaction. Quel est le prix de la négligence? Il faut faire une véritable analyse des avantages et des coûts à long terme.

C'est ce que j'entends par une analyse coûts-avantages.

Mme Kraft Sloan: Je pense qu'il n'est pas encore question de valeurs. Vous dites que c'est dans les détails, dans les valeurs, dans la distinction que vous faites entre ce qui est extrême et ce qui ne l'est pas. Je suis heureuse que vous ayez mentionné ce qu'il en coûterait de ne pas dépolluer, car il me semble que dans les analyses coûts-avantages souvent on se contente de dire: «Très bien, si nous faisons ceci, voilà ce que cela va nous coûter». Mais, on tient rarement compte de l'autre partie de l'équation qui est: «Si nous ne faisons pas ceci, qu'est-ce que cela nous coûtera?» C'est un facteur dont il faut tenir compte. C'est très important, et je suis heureuse que vous l'ayez mentionné.

L'autre question est celle du consensus et du leadership qui ne sont pas sans rapport avec notre façon de définir les extrêmes et notre façon de comprendre un ensemble de valeurs. Parfois, lorsque l'on essaie d'obtenir un consensus, il faut mettre de l'eau dans son vin et le résultat est davantage déterminé par le rapport de forces que par un véritable processus consensuel. Il faut parfois prendre les choses en mains. J'aimerais que vous me parliez de votre conception du développement durable et des valeurs que vous y attachez.

.0955

M. Smith: Il y a deux questions distinctes. Si j'avais le dernier mot en matière de développement durable et si je pouvais simplement imposer ma volonté, alors j'inclinerais, comme je pense l'avoir fait tout au long de ma carrière, en faveur des avantages environnementaux à long terme plutôt que des coûts économiques à court terme, car je crois que les premiers sont beaucoup plus importants.

Mais ce n'est pas ainsi que je vois mon rôle. Je le vois comme étant celui d'un président d'une table ronde où sont représentés divers groupes d'intérêts en d'autres mots, une approche multilatérale - je dois les aider à atteindre un consensus. Je peux le faire en leur montrant l'erreur de certains arguments extrêmes de part et d'autre et en gagnant la confiance des personnes autour de la table en leur montrant que je suis un arbitre équitable et en facilitant la discussion.

Mais au bout du compte, il ne m'appartient pas de dire aux Canadiens qui sont les bons et qui sont les méchants. Je crois que mon rôle est plutôt de dire aux Canadiens: «Voici les points sur lesquels nous nous entendons. Voici les points sur lesquels nous ne nous entendons pas. Et voici, tels que nous les avons compris, les arguments présentés de part et d'autre. À partir de là, c'est à vous, citoyens canadiens, de juger».

Si nous réussissons à le faire, alors nous aurons défendu et fait avancer la cause du développement durable de notre mieux. C'est ainsi que je vois mon rôle.

Mme Kraft Sloan: J'ai une autre question à vous poser, mais M. Lincoln doit se rendre à la Chambre, alors...

Le président: Vous n'êtes pas sur ma liste, monsieur Lincoln. Pour l'instant, il y a M. Forseth, M. Adams, M. Pomerleau, M. Finlay...

M. Lincoln: Vous n'avez pas mon nom? Quoi qu'il en soit, je dois maintenant me rendre à la Chambre.

Mme Kraft Sloan: Je suis désolée.

Le président: Oh, pardon. Le nom de M. Lincoln a été mis sur l'autre liste, mais il aurait eu son tour après M. Forseth.

Monsieur Forseth, s'il vous plaît.

Je vais insérer le nom de M. Lincoln.

M. Forseth: Monsieur Smith, votre note biographique dit simplement que vous êtes président de Philip Utilities Management Corporation, la plus grosse entreprise canadienne de recyclage industriel et l'une des entreprises de gestion intégrée des déchets, les plus considérables en Amérique du Nord. Ensuite je vois que Philip Utilities et Rockliffe sont toutes deux des exploitantes contractuelles du Centre technique des eaux usées d'Environnement Canada, et déploient leurs activités sur les marchés, canadien et international, du traitement de l'eau et des eaux usées. Et que vous êtes aussi président d'Ensyn Technologies Inc., entreprise qui fabrique des produits chimiques et des combustibles liquies peu coûteux à partir de la biomasse.

Une personne mal informée dirait que c'est l'expérience que vous avez et que ce sont les entreprises pour lesquelles vous travaillez à l'heure actuelle et que vous allez maintenant diriger la Table ronde sur l'environnement.

Lesquelles de vos activités pourraient éventuellement vous placer en situation de conflits d'intérêts? Si vous devez donner des conseils au gouvernement et influencer l'orientation des choses, est-ce que cela risque de vous placer en situation de conflit lorsque vous pourriez bénéficier directement de la politique que vous préconisez? C'est une question que les gens se poseront et vous avez certainement dû y penser. J'aimerais que vous y répondiez.

M. Smith: Il ne fait aucun doute que quiconque travaille dans un domaine où la politique en matière d'environnement peut avoir un effet sur votre revenu - et c'est vrai - pour les membres des groupes environnementaux, tout comme c'est vrai pour les gens d'affaires, ou les travailleurs, ou d'autres - alors il faut veiller à éviter ce genre de conflits.

Je me suis déjà trouvé dans de telles situations auparavant, et j'ai depuis longtemps l'habitude d'être très prudent lorsqu'il y a une possibilité de conflits d'intérêts et de prendre bien garde à ne jamais me placer dans ce genre de situation difficile.

Si, par exemple, il est question d'une taxe sur les produits pétroliers - supposons que cette mesure soit envisagée - alors, je dirige une compagnie qui en profiterait sans doute, car elle est propriétaire à 25 p. 100 de Ensyn Technologies, qui est l'un des leaders mondiaux dans la production de combustibles liquides pour remplacer le pétrole dans la production d'énergie. Il est évident que je serai obligé de divulguer ce conflit afin que tout le monde en soit au courant. Je le divulguerai à la table ronde et à toute réunion à laquelle je participerais, et s'il devenait nécessaire que je me retire d'une telle discussion, c'est ce que je ferais. Je m'assurerai également que tout rapport publié à cet égard comporte une note très claire indiquant que le président oeuvre dans le secteur des combustibles de remplacement et qu'il existe un conflit d'intérêts.

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Si je ne procède pas de cette façon et que, comme je l'ai déjà signalé, je ne me retire pas de ces discussions, je devrai simplement me déclarer dans l'impossibilité d'assumer ce poste. Je ne crois pas que ce serait raisonnable parce que il n'y a pas beaucoup de gens au Canada qui comprennent le point de vue des entrepreneurs, qui appuient le développement durable, qui comprennent les éléments politiques et qui savent comment les fonctionnaires travaillent. Je crois que je suis en mesure de faire du très bon travail.

Ainsi, monsieur, lorsqu'il y aura conflit je le dirai ouvertement.

Il en va de même pour le domaine de l'eau et des eaux usées. Il pourrait y avoir conflit si, par exemple, la Table ronde étudiait, comme c'est d'ailleurs le cas, l'apport des partenariats du secteur privé et du secteur public dans le domaine de la technologie environnementale. Cela me touche directement, parce que je suis probablement le plus grand partisan de ce type de partenariat. Je devrai dire qu'il y a un conflit et me retirer de cette étude, car je suis maintenant président de la Table ronde.

J'ai l'intention de signaler ces conflits dans tous les cas.

M. Forseth: Vous avez parlé de l'orientation de la Table ronde et de l'établissement de consensus pour mieux faire ressortir les grandes questions de l'heure. C'est ça l'orientation que vous proposez pour la Table ronde. Est-ce que d'autres intervenants proposent d'autres orientations? Dans l'affirmative, quelles sont-elles? Comment composez-vous avec ce point de vue différent?

M. Smith: Voici les points de vue que j'ai décelés depuis que je fais partie de la Table ronde, soit douze mois, et depuis que j'ai été nommé son président. D'aucuns pensent que la Table ronde devrait être un groupe d'intervention défendant les principes du développement durable, un groupe qui se servirait de ses ressources financières pour favoriser la discussion, la diffusion d'idées, et la rédaction et le plan de recherches sur le développement durable. Ces gens pensent que son rôle serait en quelque sorte semblable à celui du Conseil des sciences dans le domaine des sciences et de la technologie.

Je veux favoriser le développement durable, mais à mon avis l'avantage d'une table ronde à laquelle participent tous les intervenants, est qu'on peut faire plus que simplement approuver des projets d'étude, parce que lorsque c'est tout ce que ce groupe d'administrateurs fait, les gens trouvent ça plutôt emmerdant et ne veulent pas assister aux réunions. De plus, nous n'avons pas besoin d'un autre groupe d'intervention pour l'environnement. Ils sont déjà très nombreux. Nous devons être le groupe vers lequel les gens se tournent pour obtenir une analyse objective du consensus. C'est ce que j'ai décidé.

D'autres pensent que nous devons en fait être une table ronde, mais que tout ce que nous devons faire c'est d'essayer d'en arriver à un consensus. C'est tout. On devrait se contenter de rassembler des gens représentant divers points de vue et les laisser communiquer de façon polie les uns avec les autres; ça serait un progrès net. Lorsqu'il y a consensus, nous devrions l'annoncer, mais s'il n'y a pas consensus, il ne faut pas agacer personne, et se tenir bien tranquilles. S'il y a conflit ou si les gens ne sont pas d'accord, il ne faudrait pas en parler.

Comme je l'ai dit plus tôt, le problème avec ce type de point de vue c'est qu'on se retrouve avec le plus petit dénominateur commun, et les gens n'en connaissent en fait pas plus long qu'avant; le simple Canadien ne comprend pas plus la question qu'auparavant sauf qu'il a entendu dire qu'il y a eu une entente quelque part à un moment donné. Mais très souvent tout cela camoufle les lacunes et les problèmes. Je crois que s'il y a des lacunes ou des problèmes, il faut le dire. Ainsi les Canadiens pourront y réfléchir, en discuter dans les écoles, organiser des télédébats sur la question, et ils pourront un jour décider ce qu'ils veulent faire pour régler ces problèmes.

M. Forseth: Dans cet ordre d'idées, y a-t-il de nouvelles choses que vous voudriez faire, de nouvelles méthodes que vous voudriez employer? Je sais que vous publierez évidemment certains rapports. Dites-nous comment vous allez atteindre vos objectifs, allez-vous avoir recours à d'autres méthodes que la simple publication d'une brochure de luxe qui se retrouvera sur les rayons des bibliothèques ou l'émission d'un communiqué de presse ou un article de quelques lignes dans le journal? Il se passe toutes sortes de choses lors de ces réunions, mais comment pouvez-vous en tirer un résultat concret? Comment voulez-vous procéder pour que vos activités aient un impact, soient connues?

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M. Smith: J'étudie actuellement une stratégie de communications en collaboration avec notre service des communications. Le message est le suivant: insistons moins sur la publication de rapports, et cherchons plutôt à communiquer des renseignements sur la façon d'en arriver à un consensus; communiquons des renseignements, en temps opportun, sur nos activités, sous la forme de communiqués de presse, d'entrevues; disons aux gens ce qui se passe. N'attendons pas que tout soit fait et qu'on ait publié un rapport.

Nous changeons radicalement notre stratégie en matière de communication.

Pour être honnête, je crois que je dois en parler aux autres membres de la Table ronde, puisqu'il n'y a eu qu'une réunion plénière depuis que j'ai été nommé au poste de président. Cette réunion s'est déroulée dernièrement. Une réunion de planification se tiendra sous peu. Je ne peux vraiment pas vous donner d'autres détails sans en avoir discuté d'abord avec mes collègues. Je veux qu'on insiste beaucoup moins sur la publication de rapports, mais qu'on publie plutôt à intervalles réguliers des bulletins sur nos activités, pour expliquer aux Canadiens ce que nous faisons et les intégrer aux consultations de tous les intéressés.

Cela sera utile à mon avis, car en période de vaches maigres, je ne crois pas qu'on devrait gaspiller 2 ou 3 millions de dollars pour les activités d'un groupe comme le nôtre s'il ne fait pas quelque chose que les Canadiens désirent. Je crois que les Canadiens ont besoin de mieux comprendre quelles sont les grandes questions de l'heure et où en sont les choses. C'est ce que je veux leur dire.

M. Forseth: Je suis très heureux que vous ayez parlé d'une analyse coûts-avantages non seulement en ce qui a trait à l'environnement, mais en ce qui a trait aux activités de la Table ronde.

Le président: M. Lincoln serait normalement le prochain à intervenir, mais je ne peux malheureusement lui donner la parole.

Monsieur Adams, à vous.

M. Adams: Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de M. Lincoln.

Stuart, je suis très heureux de vous revoir; je ne m'étais pas rendu compte que je suivais vos activités depuis si longtemps.

Vous parlez de la création d'un consensus et du développement durable. Notre caucus a un groupe qui étudie les questions touchant les ressources, les océans et l'environnement. Il étudie les activités de trois ministères. Ce groupe cherche à établir une sorte de consensus au sein du caucus sur les diverses opinions en ce qui a trait à l'environnement, au monde des affaires, etc.

Nous avons, entre autres choses, essayé de trouver ce qu'on appelle des exemples concrets de développement durable. Ainsi, on étudie par exemple les forêts modèles et les fermes modèles. Cela permet enfin de prouver que le développement durable est une chose possible.

J'ai cependant constaté que lorsque j'étudie par exemple une forêt durable, le problème au niveau de la durabilité n'est pas dans la forêt même, mais plutôt au niveau du marché des produits forestiers et du système de transformation de ce secteur.

Pourriez-vous, soit maintenant ou dans le cadre des discussions de la Table ronde, nous donner des exemples concrets et bien clairs de développement durable, des exemples que nous, les politiciens, pourrions utiliser pour expliquer la notion de développement durable aux Canadiens?

M. Smith: Il ne faut pas oublier que j'occupe mon poste à la Table ronde depuis peu de temps.

Il y a quelque chose que l'on appelle le Projet de société; dans le cadre de ce projet, la Table ronde, avant que je n'en fasse partie, a publié une liste des réalisations des municipalités et de divers groupes du Canada dans le domaine du développement durable; je pense par exemple à des mini-projets au niveau des collectivités.

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C'est la voie que nous empruntons, en fait. Nous avons proposé aux organisateurs de ce groupe soit de tenir, à l'échelle nationale, une autre réunion, à laquelle nous contribuerions, pour poursuivre cette activité, soit d'établir, là encore avec notre contribution, une base permanente de données tirées précisément de ces exemples de durabilité; nous considérons que cette banque devrait relever de l'Institut international de développement durable, situé à Winnipeg. Nous avons proposé de consacrer une portion de notre budget à l'établissement de cette banque de données.

Vous me demandez si je peux vous donner un exemple spécifique de développement durable ici même... je ne suis vraiment pas préparé à le faire, mais il existe un livre sur le sujet, et nous allons essayer d'en faire l'amorce d'une banque de données régulièrement tenue à jour.

M. Adams: Je vous remercie. Je continuerai à m'intéresser à la question.

Le président: Monsieur Lincoln.

M. Lincoln: Monsieur le président, je voudrais ajouter une précision à propos des tables rondes fédérales et provinciales, en signalant que l'idée d'en organiser a découlé de notre rapport de 1987 sur l'environnement et l'économie, rapport auquel nombre d'instances ont participé, y compris les instances provinciales. J'y ai personnellement assisté en tant que représentant provincial.

Le président: C'était un rapport à celui qui était alors ministre de l'Environnement du Québec et qui, en toute modestie, refuse de reconnaître cette identité.

M. Lincoln: Mais c'est le rapport qui a véritablement lancé les tables rondes.

On avait voulu instituer ainsi une table ronde nationale, des tables rondes provinciales, voire des tables rondes locales, une catégorie étant intégrée à l'autre. Certaines ont eu un grand succès, par exemple en Colombie-Britannique et en Ontario, et même au niveau local.

Tout récemment encore, après la réunion de CNUED, le ministre Charest a proposé une fusion de tous ces organismes, une sorte d'États généraux de l'environnement et de l'économie. C'est une idée qui s'est d'ores et déjà concrétisée, et il y a un lien entre... ou il devrait tout au moins y en avoir un. J'espère donc que l'élan se maintiendra.

Quant à la question de développement durable, pour revenir à ce que disait Mme Kraft Sloan tout à l'heure à propos de l'analyse coûts-avantages, je reconnais avec vous qu'il importe de faire comprendre au public canadien le rôle essentiel du coût comme mesure incitative, car sinon le projet est voué à l'échec. Mais vous avez par ailleurs soulevé une autre question importante, celle du choix entre le bénéfice à long terme et le coût à court terme, car c'est un point qui me paraît crucial. L'utilité des tables rondes ne pourrait-elle être justement de faire comprendre aux Canadiens quels sont les coûts ou avantages à long terme?

D'après mon expérience en Indonésie, où j'ai travaillé sur un projet à long terme et où nous avons fait une projection, sur 25 ans, du coût et de l'impact écologique et social du développement des ressources naturelles, il me semble donc que nous devrions montrer aux Canadiens d'une part quel est le bénéfice ou la perte à court terme, mais d'autre part quels sont les bénéfices ou pertes à long terme, afin qu'ils puissent juger en toute objectivité. Ce genre de planification se fait peu au Canada, voire pas du tout, et c'est pourquoi il me semble qu'une table ronde pourrait jouer un grand rôle en essayant de définir l'impact à long terme.

M. Smith: Vous avez tout à fait raison, monsieur Lincoln.

Je dois bien peser mes mots, car quand je parle de coûts et d'avantages bien des gens n'y voient qu'une traduction purement pécuniaire, ce qui n'est pas le cas. Je parle de ce qu'il en coûte d'agir et de ce qu'il en coûte de rester passif, du coût pour l'environnement de l'un et de l'autre, tant à court qu'à long terme. Toute quantification doit tenir compte de ces deux aspects de la question.

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Nous savons qu'il est actuellement impossible de traduire en espèces sonnantes et trébuchantes certains des avantages et des désavantages pour l'environnement ou certains des dégâts que nous lui causons, que toutes les tentatives d'établir le plein coût de ceux-ci, tentatives auxquelles vous et moi avons participé, se sont soldées à ce jour par un échec. Il s'agit là d'une entreprise quasi impossible, et vous devez donc présenter la chose aux Canadiens sous une forme qui leur soit accessible: voilà quelles vont être les conséquences pour l'environnement, voilà quels seront les coûts de la dépollution si vous décidez néanmoins de le faire, voilà quels seraient les avantages que vous auriez si vous commenciez à faire le nettoyage, voilà certains des avantages économiques dont vous auriez bénéficié, des avantages en emplois, etc. Tous ces éléments doivent être clairement exposés.

Car enfin, il n'est guère de gens qui ne soient en faveur du développement durable, et chacun en chante les louanges, mais quand vous demandez aux gens s'ils sont disposés, sans plus tarder, à cesser de polluer telle et telle rivière ils vous répondent: Un instant, cette pollution ne représente pas grand-chose, elle ne fait pas grand mal. Si nous suivons votre conseil c'est une centaine d'emplois qui vont être supprimés, et autres arguments de cette mouture. C'est finalement ce qui se passe, vous le savez mieux que moi, après votre longue expérience de ministre.

Ce que je propose, c'est de débattre de toutes ces questions et de faire clairement comprendre à tous les avantages à long terme et à court terme.

Il convient de noter que les forces du marché, elles aussi, sont à l'oeuvre et qu'il faut les incorporer dans les calculs. C'est ainsi que vous avez maintenant l'étiquetage «vert», l'éco-logo. Les gens boycottent nos produits lorsqu'ils désapprouvent certains de nos actes. Par exemple, certains pays étrangers boycottent les produits en bois de notre pays.

Je me trouvais récemment en Asie du Sud-Est: ce qui incite ces gens au nettoyage de l'environnement, c'est ISO 14 000, car ils craignent de ne pouvoir continuer à exporter leurs produits s'ils ne satisfont pas à certaines normes internationales sur l'environnement.

D'une certaine façon, donc, la politique sur l'environnement influe sur le commerce.

Ce que je voudrais faire, c'est m'assurer que les Canadiens comprennent enfin pourquoi nous n'avons pas été en mesure de nous mettre d'accord sur cette action en particulier. Nous avons tout tenté mais en dernier ressort ce sont là les positions, c'est là ce qui a été dit et voici, du mieux que nous avons pu, l'analyse de ce que seront réellement les coûts à court terme, les coûts à long terme, le degré d'incertitude qui subsiste sur le sujet et la nécessité d'acquérir davantage de connaissances scientifiques pour mieux cerner la vérité en la matière. Si nous parvenons à transmettre ce message, les gens seront mieux informés et comprendront que pour être au courant, pour connaître la position de chacun et l'analyse la plus objective, il faut se rendre à la table ronde où tous ces sujets auront été débattus et d'où se dégagera un consensus fondé sur les connaissances du moment. Je pense que c'est la meilleure façon de promouvoir le développement durable qui répondra vraiment aux voeux des Canadiens.

Car s'il y a unanimité sur le fait que celui-ci est désirable, il y a des différences considérables dans la vision que chacun en a, différences qui sautent aux yeux sitôt que l'on va un peu plus au fond de la question.

Quand on en vient à une question relativement simple telle que les ressources renouvelables, il est toujours possible, par exemple, de compter les poissons, ce qui convainc les gens, devant la baisse de leur nombre, qu'il n'est pas possible de continuer ainsi. C'est là une tâche relativement facile, mais quand on en vient à des questions plus compliquées, par exemple le CO2 dans l'atmosphère, ou certains hydrocarbures volatils provenant des pots d'échappement, ou autres problèmes de ce genre, quand on vient à se demander s'il devrait ou non, y avoir une taxe sur les hydrocarbures, là les avis divergent, et l'homme de la rue est plongé dans la perplexité, il ignore la nature du danger. Qu'adviendra-t-il si nous prenons telle mesure, qu'adviendra-t-il si nous ne la prenons pas? Que représentera le coût, combien en coûterait-il de ne rien faire? Le citoyen ordinaire l'ignore.

Pour nous qui aurons entendu tous les arguments et qui aurons été en mesure de les jauger à leur juste valeur, notre rôle sera d'exposer aux Canadiens le pour et le contre de chaque option.

M. Lincoln: Je suis d'accord avec ce que vous essayez de faire, et j'espère avoir bien compris, d'après ce que vous avez dit, que le coût s'exprime également en termes plus vastes, qui englobent les valeurs, les dégâts pour l'environnement, le respect pour les voisins qui subissent les conséquences de nos actes, etc.

Je me demande si la table ronde pourrait avoir un rôle clé à jouer dans l'utilisation d'instruments économiques. Comme vous le savez, les ministres Martin et Copps ont commencé quelque chose et je pense que notre président va tenter de sensibiliser le gouvernement afin qu'il utilise des instruments économiques pour réduire les subventions. Je pense à l'industrie. Vous êtes dans une bonne position pour promouvoir une telle chose également, pour essayer de réduire les subventions accordées au secteur des combustibles fossiles et encourager le recours aux ressources renouvelables, par exemple.

.1020

Je me demande si vous pensez que la Table ronde pourrait jouer un rôle important dans ce domaine.

M. Smith: Absolument, mais comme je l'ai dit à l'honorable député, je devrais à ce moment-là déclarer mes conflits d'intérêts.

Il ne faut cependant pas oublier qu'il existe deux types d'instruments économiques, comme vous l'avez dit.

Il n'est pas toujours facile d'éliminer les subventions qui existent à l'heure actuelle, qu'elles soient cachées ou déclarées. Il n'est pas toujours facile même de savoir en quoi elles consistent et comment elles affectent le comportement des consommateurs.

L'autre possibilité consiste à introduire des subventions ou des taxes spécifiques. À notre avis, les Canadiens doivent comprendre ces choses. Je suis convaincu que tout cela fera l'objet d'un débat acharné à la Table ronde, mais je crois que c'est une question que nous devrions aborder. Lors de notre réunion de planification, c'est une que j'aimerais voir abordée.

En ce qui a trait aux tables rondes provinciales - et je vous remercie, monsieur Lincoln, de m'en avoir fait l'historique, car je ne le connaissais pas - je devrais mentionner qu'on s'apprête à éliminer la table ronde de l'Ontario.

Pour ce qui est du travail que nous avons fait avec d'autres tables rondes, nous avons travaillé en très étroite collaboration avec la table ronde de Terre-Neuve à l'occasion d'une étude sur la pêche sur la côte Est. Nous travaillons en outre avec la Colombie-Britannique pour ce qui est de leur programme sur le bassin hydrographique.

Mme Guay n'est plus ici, mais sa question était très pertinente, car en vérité, il n'existe aucun organisme qui chapeaute toutes ces tables rondes. Lorsque nous nous rencontrons les unes les autres, c'est en fait tout simplement de notre propre initiative. Ce n'est pas parce que nous devons le faire. Aucune institution ne chapeaute les tables rondes.

Le président: Le rapport auquel M. Lincoln et M. Smith ont fait allusion est sans doute une première tant pour le Canada que pour le monde entier. C'est un rapport qui a été présenté au ministre de l'Environnement du Québec d'alors, Clifford Lincoln, en septembre 1987, soit tout juste six mois après le rapport Brundtland, Notre avenir à tous. C'est un rapport concis qui contient quelque 52 recommandations. Il se trouve à la bibliothèque. Il constitue toujours une excellente lecture aujourd'hui si on veut savoir quelles mesures ont été mises en oeuvre et lesquelles ne l'ont pas encore été. C'est un document qui est fort admiré et reconnu à l'étranger parce qu'il était très avant-gardiste pour l'époque. Nous pouvons certainement en être fiers.

Monsieur Pomerleau.

[Français]

M. Pomerleau: Monsieur Smith, merci de vous être présenté ici aujourd'hui.

Premièrement, j'aimerais vous dire que je suis sans doute aussi désolé que vous que vous ayez perdu dans Mont-Royal contre M. Trudeau.

La façon dont vous voyez votre rôle, de façon générale, me convient. Je pense que vous serez un bon arbitre à la Table ronde.

Les questions que je vais vous poser seront simples; ce sont des questions de base. À quel endroit votre organisme est-il situé, combien de personnes sont avec vous et quel est votre budget précisément?

M. Smith: Vingt personnes sont employées à la Table ronde et nous avons un budget 3,2 millions de dollars. Nous sommes situés ici, à Ottawa, sur la rue Nicholas.

M. Pomerleau: Merci.

[Traduction]

M. Finlay: C'est un plaisir de vous accueillir ici, Stuart.

Comme je suis un peu plus âgé que Peter, je peux remonter encore plus loin que lui. Je pense que vous êtes le candidat idéal. Je suis certainement d'accord avec votre approche.

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J'ai néanmoins deux questions. La première porte sur les valeurs. Vous avez parlé des extrêmes. Nous les reconnaissons. Nous pouvons placer Greenpeace à une extrémité et certains des témoins que nous avons entendus au Comité de l'environnement à l'autre extrémité, pour qui le terme «environnement» semblait être un mot étranger et pour qui l'expression «développement durable» ne voulait rien dire, si ce n'est faire durer leur entreprise le mieux possible. La définition de développement durable adoptée dans le projet de loi C-83 et par le commissaire à l'environnement - c'est donc sur cette définition que cette personne va baser son action - est en réalité une déclaration de valeur, à mon avis. Lorsque nous disons que nous aborderons l'environnement et le développement de façon à répondre à nos propres besoins sans compromettre les besoins des générations futures, de toute évidence, cela comporte un élément de valeur important.

Je me demande ce que vous pensez de ce commentaire que j'ai fait concernant notre capacité à déterminer les coûts, les avantages, les coûts sociaux, économiques, à long terme, à court terme, etc. Que pensez-vous de cette valeur dans la définition?

M. Smith: Monsieur Finlay, le problème, avec cette définition, c'est qu'elle parle des besoins et du fait qu'ils sont compromis. Elle suppose que tout ce que nous avons fait à l'environnement jusqu'à présent était pour répondre à nos besoins. Si quelqu'un comme moi va au Bangladesh ou en Chine pour dire aux gens qu'ils ne devraient pas brûler beaucoup de charbon même s'il est bon marché parce que le charbon pollue l'air et rejette du gaz carbonique dans l'atmosphère, ils répondront que l'atmosphère est assez grande. Nous répondrons qu'elle l'est sans doute, mais que nous l'avons déjà remplie jusqu'au bord, et que si on ajoute quoi que ce soit, ça va déborder. Ils nous diront que nous nous sommes enrichis à le faire, et que nous leur disons maintenant qu'ils doivent rester pauvres; ils diront qu'ils ne peuvent compromettre les besoins des générations futures, mais qu'ils ont besoin de développer leur pays pour qu'elles vivent au-delà de l'adolescence et ne meurent plus à la suite d'épidémies, qu'ils doivent avoir de l'eau potable, etc.; qu'ils n'auront pas les moyens de faire tout cela s'ils doivent payer l'énergie deux fois plus cher que nous avons dû la payer par le passé; nous avons eu l'énergie disponible la moins chère et ils veulent la même chose.

C'est peut-être un cas extrême. Mais même dans notre propre pays... Vous dites que nous n'allons pas compromettre les besoins de demain. Prenez par exemple la région fruitière du Niagara. Nous avons de toute évidence compromis ces terres. On ne produit plus tellement de fruits dans cette région, comme vous le savez bien, comparativement à ce que l'on produisait jadis. D'un autre côté, il ne coûte pas très cher d'importer des fruits d'autres pays où la production est beaucoup plus facile et beaucoup moins coûteuse que chez nous, et nous avons utilisé ces terres à d'autres fins productives, allant même jusqu'à y implanter des manufactures qui emploient des gens, etc.

Il est facile de dire qu'on va faire cela de façon à ne pas compromettre les générations futures. Mais cela étant dit, lorsqu'on a un cas particulier où il faut prendre une décision au sujet d'une parcelle de terre bien précise - est-ce qu'il y aura une subdivision ici, ou un métro ou un autobus - on doit quand même prendre des décisions qui, d'une certaine façon, risquent de compromettre l'avenir tandis que de l'autre, ces décisions amélioreront l'avenir.

Voilà le problème. Je ne vois pas de problème à ce que l'on dise dans la définition que de façon générale nous voulons laisser à nos enfants et à nos petits-enfants un écosystème durable, et si nous ne le faisons pas, qu'est-ce que nous faisons ici? Nous sommes essentiellement en train d'assassiner les générations futures. Mais pour chaque cas individuel, on doit toujours soupeser les pour et les contre.

Je n'ai rien contre la définition. Je dis tout simplement que nous ne devrions pas nous imaginer qu'elle répond aux questions, car est-ce que le degré actuel de pollution, notre système actuel, ne fait que répondre à nos besoins, ou est-ce qu'il répond à bon nombre de nos désirs? De la même façon, devons-nous en laisser suffisamment à la génération future de telle sorte qu'elle connaîtra l'abondance comme nous l'avons connue, ou devons-nous lui en laisser juste assez pour survivre? Lorsqu'on pose ces questions, tout à coup, la définition est complètement démolie, car à ce moment-là qu'est-ce que la définition dit: qu'ils doivent eux aussi connaître l'abondance comme nous la connaissons, ou quoi? Qu'est-ce que nous disons en réalité?

.1030

C'est ça le problème. Lorsqu'on s'assoit et qu'on tente de discuter de la définition de «développement durable», on se retrouve avec des problèmes très difficiles.

Je préfère supposer que nous voulons tous causer le moins de dommage possible à l'environnement. Nous voulons nous assurer que nous laissons à nos enfants ce qu'en toute bonne conscience nous pouvons leur laisser, afin qu'ils puissent vivre sainement. De là à croire qu'il est possible de résumer en une seule phrase ce que signifie le développement durable... Ce n'est tout simplement pas si facile à déterminer.

C'est ce que j'ai appris à ce sujet, John. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais quelle que soit la définition que j'ai entendue, on peut l'attaquer, si on le veut.

M. Finlay: Je suis d'accord avec vous. C'est le principal dilemme.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Vous en avez parlé. Il s'agit du charbon. Je me débats avec la notion du développement durable en ce qui a trait à... Disons que c'est beaucoup plus facile avec les forêts, comme Peter l'a dit, car elles peuvent constamment se régénérer. Pour ce qui est des mines, des minéraux et des combustibles fossiles, nous savons qu'à terme, ces ressources vont s'épuiser si nous continuons à les utiliser. Je ne dis pas que nous ne devrions pas les utiliser, mais la durabilité ici doit être beaucoup plus générale, n'est-ce pas, car nous devons nous demander quelle source d'énergie nous allons utiliser lorsque celle-ci sera épuisée - car nous savons que celle-ci n'est pas durable.

M. Smith: C'est évident, dans le cas d'une ressource renouvelable. Il s'agit de savoir si elle sera toujours là.

Dans le cas d'une ressource non renouvelable, il y a deux questions qu'il faut se poser en ce qui a trait à la durabilité. La première est: sera-t-elle toujours là? Eh bien, on ne peut pas tout avoir, de sorte qu'à un moment donné elle ne sera plus là. En théorie, à un moment donné, il n'y en aura plus.

Mais il y a une deuxième question qu'il faut se poser et qui est la suivante: est-ce que la biosphère peut accepter les conséquences de l'utilisation de toutes ces ressources non renouvelables aujourd'hui? Pour exploiter ces ressources, il faut faire certaines choses. Il faut fondre le métal. Il faut brûler le pétrole. Il faut aller chercher le carbone qui a pris des millions d'années à se former et le relâcher dans l'atmosphère en une seule fois. On doit se demander si la durabilité concerne plutôt la capacité de l'écosystème à accepter cela plutôt que le fait qu'un jour on risque de manquer de charbon.

Il faut également se demander dans quelle mesure on peut se fier à la technologie pour trouver un substitut pour certaines ressources qui risquent de s'épuiser. Si on manque d'une ressource relativement peu importante, il y aura peut-être alors un substitut technologique. Il faut se demander dans quelle mesure le mécanisme des prix reflète la possibilité que cette ressource s'épuise. Si on augmente la teneur du minerai et qu'on utilise tout le métal peu coûteux au début, alors il faudra payer davantage pour aller chercher le métal plus coûteux par la suite. Souvent, les progrès technologiques permettent de le faire sans que cela coûte plus cher, même si on n'avait pu le prédire auparavant.

Ce sont des questions extrêmement complexes.

Je suis en faveur du développement durable tout autant que vous, mais si vous me mettez au pied du mur et que vous me demandez de le définir en une seule phrase, alors je trouve très difficile de le faire. C'est en fait tout ce que j'essaie de dire.

Le président: Ce qui prouve que le développement durable est de façon générale un cadre de travail dans lequel nous devons apprendre à fonctionner.

Pour faire suite à ce que Mme Kraft Sloan, M. Lincoln et maintenant M. Finlay viennent de dire, j'aimerais ajouter ce qui suit.

C'est très bien que vous ayez décidé de vous préoccuper surtout des détails - c'est-à-dire des mesures spécifiques - mais je voudrais vous inciter à la prudence ce faisant, car la méthodologie que vous utiliserez pour faire cela, notamment l'utilisation de l'analyse coûts-avantages, comme on l'a déjà dit, comporte un danger.

Si je tente de faire l'analyse coûts-avantages d'avoir un bébé, je dois d'abord tenir compte du coût des couches, du berceau, des biberons, des vêtements, des frais de garde d'enfants, et finalement de l'éducation, des jouets, etc. Il faut s'arrêter à un certain âge, soit 18 ou 20 ans, et on a alors les coûts détaillés...

.1035

Une voix: Et cela augmente.

M. Smith: Laissez-moi vous dire que les temps ont changé.

Le président: Nous arrivons donc à un certain coût.

Maintenant les avantages. Qui peut quantifier les avantages d'avoir un bébé? Comme d'autres l'ont déjà dit, il faut alors parler de l'importance du long terme, car lorsqu'on s'engage dans cet exercice, c'est-à-dire l'analyse coûts-avantages, et qu'on utilise le long terme, on arrive à des conclusions qui sont souvent, sinon toujours, diamétralement opposées à la conclusion de l'analyse coûts-avantages à court terme.

Par conséquent, votre président, avec son style non diplomatique habituel, en arrive à la conclusion que l'analyse coûts-avantages doit être rejetée avec dédain si nous nous préoccupons vraiment des conséquences à long terme, en raison de son incapacité inhérente à nous donner une évaluation précise. Nous pouvons certainement quantifier le coût pour ce qui est de l'équation, mais nous ne pouvons pas en quantifier les avantages. C'est très utile, particulièrement pour ceux qui proposent la construction d'un barrage ou l'élimination des terres humides ou la coupe à blanc d'une forêt ou la poursuite de la pêche à la morue jusqu'à ce que la ressource s'épuise, car ils tiennent toujours compte des conséquences à long terme et ils peuvent présenter un argument drôlement convaincant et efficace.

Je vous invite à faire des commentaires.

M. Smith: Je ne comprends pas. Ce n'est pas seulement la question du court terme par rapport au long terme. Je ne comprends pas pourquoi le Comité est obsédé par la notion de la quantification. Je n'ai pas parlé de la quantification. J'ai parlé des coûts et des avantages. Je n'ai pas parlé des avantages financiers ou des coûts financiers seulement; j'ai parlé des coûts et des avantages environnementaux ainsi que des coûts et des avantages financiers. J'essaie de dire que nous devons évaluer les coûts financiers par rapport aux avantages environnementaux. Je n'ai pas nécessairement dit qu'il fallait les évaluer en termes de dollars. En fait, je suis loin de croire qu'il faille faire cela.

Cela vaut la peine de dépenser tout cet argent pour avoir des enfants à cause de la valeur inhérente, en termes non financiers, que cela représente d'avoir des enfants. Cela vaut la peine de préserver le loup gris non seulement parce que chaque loup peut rapporter tel montant, mais à cause de la valeur que représente le fait de disposer de cette espèce. Nous devrions préserver les baleines pour la même raison, etc., parce que c'est le genre de monde dans lequel nous voulons vivre. Mais cela constitue un avantage.

Je n'ai pas la moindre difficulté avec l'idée de faire valoir auprès des Canadiens que l'avantage consiste à avoir toujours des baleines et que le coût, c'est de ne plus avoir tel ou tel parfum. Je suis tout à fait disposé à présenter cet argument. Je ne dis pas un instant que tout revient à une question de dollars et de sous.

Monsieur le président, ce n'est pas avec moi que vous n'êtes pas d'accord; c'est plutôt avec ceux pour qui une analyse coûts-avantages doit comporter un montant minimum, des deux côtés du livre, des signes de dollar. Ce n'est pas ce que je dis, loin de là. Ce que je dis, c'est que l'analyse coûts-avantages doit comporter des coûts et des avantages. Les coûts sont parfois en dollars, parfois en sentiments et parfois en valeurs, des deux côtés. C'est ce que j'essaie de vous faire comprendre.

Je ne comprends pas pourquoi les gens supposent que je parle de dollars pour ce qui est des deux aspects. Ce n'est certainement pas le cas. Très souvent, il s'agit de valeurs par rapport à de l'argent, et très souvent c'est une question de valeurs par rapport à l'argent.

On ne peut pas faire valoir l'argument opposé, c'est-à-dire ne jamais tenir compte du coût de quoi que ce soit, dire que toute action au nom de l'environnement devrait être prise, peu importe le coût financier. Les gens n'accepteront pas cela. Si vous voulez sauver le loup gris, ils diront peut-être oui, ils se donneront beaucoup de mal pour le faire. S'il s'agit d'une espèce particulière de bactérie qui risque d'être en danger si une route passe par tel endroit, alors la plupart des gens vont dire: «Construisez la route». Tout dépend des coûts et des avantages.

Mais il faut expliquer le plus clairement possible aux gens quelle est la nature de la perte si cette bactérie particulière disparaît. Quels médicaments aurait-on pu découvrir à l'aide de cette bactérie? Combien de découvertes importantes ne seront pas faites en conséquence de cela?

.1040

En revanche, voulons-nous vivre dans un monde où la chaîne alimentaire est déséquilibrée, où on n'entend plus le chant des oiseaux, etc.?

Ce sont là le genre de questions que les Canadiens moyens connaissent bien mieux que nous tous ici présents. Les Canadiens savent que les progrès technologiques, la croissance de l'humanité, l'utilisation de machines, la construction d'habitations et le pavage des routes ont des effets sur l'environnement. Ils le savent très bien. Tout le monde le regrette, mais tout le monde se dit aussi que c'est inévitable, c'est la vie et qu'il doit en être ainsi.

Il ne faut pas se dire qu'il faut arrêter toute croissance ou tout développement. Il faut plutôt se dire que tout ce que nous faisons a un prix et que ce prix doit être bien clair. Ce prix ne se traduit pas seulement en dollars, et j'espère ne pas vous avoir donné l'impression que je compte parmi ceux qui estiment que tous ces coûts doivent être pris en compte dans les résultats nets.

J'ai dit tout à l'heure à M. Lincoln que toutes nos tentatives en vue d'analyser tous les coûts - les coûts sociaux, environnementaux et autres - ont échoué. Ces coûts ne peuvent se traduire en dollars. Ils doivent s'intégrer autrement à notre analyse.

Le président: Je suppose qu'on a fait cette intervention assez fougueuse sur l'analyse coûts-avantages parce qu'on estime que nous devrons faire la promotion de mesures et comportements durables. La recherche et la réaffirmation des méthodes durables sont difficiles de nos jours parce que, en dépit de toutes les déclarations politiques et autres, les comportements non durables prévalent. On se tourne donc vers toutes les organisations, surtout la vôtre, pour la promotion de la cause de la durabilité.

Qu'en pensez-vous?

M. Smith: Vous avez tout à fait raison. Votre remarque est des plus pertinentes et je suis ravi de pouvoir la commenter.

Je me suis moi-même demandé si la Table ronde devrait assumer sans aide aucune le rôle de défenseur du développement durable. Comme je l'ai dit au départ, vous savez que c'est ce que dit notre loi. Toutefois, le titre de notre organisation, la Table ronde sur l'environnement et l'économie, laisse entendre qu'une autre approche est aussi possible et c'est celle que je vous ai décrite.

J'estime que, plutôt que de me contenter de défendre le développement durable comme nous l'avons fait dans le passé, ce qui nous force à ne promouvoir que ce sur quoi tous les membres de la Table ronde s'entendent... Nous ne pouvons faire la promotion que de ce sur quoi nous sommes convenus. Nous devons donc nous contenter de défendre le plus petit dénominateur commun.

Je suis convaincu que nous défendons mieux la cause du développement durable si nous allons au-delà du plus petit dénominateur commun et que nous disons: «Nous nous sommes entendus là-dessus et c'est ce que nous défendons. Nous avons encore des divergences d'opinions et il vous incombe à vous, Canadiens, de vous informer, de comprendre et de prendre les décisions éclairées.»

À mon sens, nous défendrons mieux le développement durable si nous allons au-delà de la simple promotion de ce qui fait l'unanimité à la Table ronde.

Il y a une tension inhérente entre notre structure de table ronde et notre rôle de promotion du développement durable, et j'essaie de mettre à profit cette tension de façon constructive plutôt que d'imposer des limites à ce que nous pouvons dire.

C'est ce qui s'est produit dans le passé. J'appartiens à la Table ronde depuis un an et j'ai failli remettre ma démission parce que j'avais l'impression qu'on nous demandait de faire du replâtrage et des lapalissades. Cela ne sert à rien.

Le président: Croyez-vous disposer des instruments voulus pour effectuer le travail détaillé qui vous permettra de cibler vos effets dont vous nous avez parlé plus tôt?

M. Smith: Je l'ignore encore. Je suis toutefois convaincu de pouvoir lancer des projets sur quelques sujets cruciaux grâce aux ressources d'autres groupes, de différents groupes d'intérêt au sein de la société, et de différentes sources de soutien. Je suis certain que nous pourrons mettre sur pied des projets d'importance. Toutefois, je ne sais pas encore si nous avons toutes les ressources dont nous avons besoin.

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Le président: Croyez-vous que l'étude de base sur les programmes fiscaux et les subventions qui ne sont pas durables, étude promise dans le Livre rouge, vous aidera dans votre travail.

M. Smith: Bien sûr, cela nous sera d'une aide précieuse. En fait, nous aimerions, si possible, participer à cette étude. Comme je l'ai dit plus tôt, nous projetons d'examiner les instruments économiques.

Le président: Comptez-vous faire des démarches auprès du ministre des Finances pour qu'il commence cette étude?

M. Smith: Ce n'était pas mon intention jusqu'à présent, monsieur le président. Toutefois, je prends bonne note de votre suggestion et je la transmettrai à mes collègues à notre prochaine séance plénière.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Forseth: Lorsqu'on parle de coûts et d'avantages, la première chose qui vient à l'esprit, surtout chez le grand public, c'est un signe de dollar. Votre table ronde devrait peut-être envisager l'emploi d'un autre langage.

On pourrait commencer par examiner les résultats, puis les vecteurs. Les vecteurs vous amènent dans une direction ou dans une autre. Certains vecteurs sont neutres; d'autres s'opposent à l'orientation qu'on veut prendre. En recensant les vecteurs et en déterminant leur valeur en fonction de son orientation probable, de ce qu'on veut cibler, et en parlant ensuite des résultats... Si vous adoptez cette méthode, c'est là le genre de scénario et de résultat que vous obtiendrez. Plutôt que de toujours penser en fonction des coûts et des avantages, on pourrait adopter une approche multidirectionnelle en analysant les vecteurs et en parlant des résultats.

Ce n'est qu'une suggestion au sujet du langage. C'est ce qui se passe lorsqu'on analyse les coûts et les avantages: On se retrouve avec le problème des coûts à court terme.

M. Smith: J'aime bien l'idée de ne pas penser en fonction des deux colonnes du grand livre, mais plutôt en fonction de facteurs multiples.

Je doute toutefois que le terme «vecteur» soit bien compris par le Canadien moyen, mais je vois où vous voulez en venir. Nous devons élaborer des scénarios qui seront compris par les gens, mais nous devons aussi nous assurer que les gens accepteront ces scénarios. Par conséquent, lorsque nous élaborons un scénario quelconque, je dois m'assurer que tous les membres de la Table ronde peuvent le faire leur. Si les différences et les projections sont comprises par tous, il sera plus facile d'en arriver à un accord, accord qui est essentiel parce que les membres de la Table ronde doivent justifier leurs objections en public. Voilà pourquoi les compromis sont si importants.

Vous avez raison. Les analyses coûts-avantages ne mènent qu'à un oui ou à un non. Mais il arrive qu'on doive prendre des décisions. À un moment donné, il faut dire oui ou non. À ce moment-là, il faut pouvoir savoir ce qui se passe dans chaque direction. Mais en général, de multiples facteurs entrent en jeu. Vous avez raison.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Monsieur Smith, je tiens aussi à vous féliciter pour votre nomination.

Je profite de l'occasion qui s'offre à moi aujourd'hui. Je viens de la côte Est de Terre-Neuve. Je suis députée de St. John's-Ouest. J'aimerais avoir vos opinions, en rétrospective, sur la dévastation de notre pêche. Nous parlons de coûts et d'avantages. Nous devons maintenant faire face à la nécessité de permettre à la pêche de se poursuivre d'une façon ou d'une autre ainsi qu'aux difficultés qu'entraîne la disparition presque totale des stocks de morue du Nord. Nous examinons maintenant tous ces autres facteurs, y compris la chaîne alimentaire, et ce qui doit être fait et nous devons peser le besoin de pêcher des gens et les mesures nécessaires pour assurer le développement durable.

J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

M. Smith: En collaboration avec la table ronde de Terre-Neuve, nous avons consulté les habitants des villages et ceux qui oeuvrent dans le domaine des pêches à Terre-Neuve pour connaître leurs vues sur la situation. Nous avons ensuite analysé les statistiques dont nous disposions. Après quelques corrections, nous avons envoyé notre rapport à la table ronde de Terre-Neuve. Si elle approuve notre rapport, il sera rendu public. C'est ce que nous espérons, parce qu'il contient une analyse très intéressante de ce qui s'est passé à Terre-Neuve, du point de vue des participants à la crise.

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La durabilité de la pêche a changé du tout au tout avec l'arrivée des chalutiers-usines; le changement a été si considérable qu'il aurait dû nous alerter tous quant à ce qui se préparait. La situation est si tragique que certains de mes collègues avaient les larmes aux yeux en lisant le rapport et en constatant qu'on avait omis de réagir aux signes précurseurs.

Ce qui est encore plus frappant dans tout cela, c'est qu'on croit se diriger dans la même voie sur la côte Ouest. À ce sujet, tous s'entendent. Il n'est même pas nécessaire de se demander s'il s'agit d'argent, de valeur, ou de quoi que ce soit d'autre. Une ressource renouvelable est exploitée de façon telle qu'elle ne peut plus se renouveler. Point final. Il n'y a rien à ajouter.

Les Canadiens croyaient qu'on sonnerait l'alarme, mais il n'en a pas été ainsi. On peut blâmer les politiques ou les fonctionnaires, mais personne n'a sonné l'alarme.

Nous avons certes l'intention de tout raconter aux Canadiens pour les convaincre de la nécessité de prévenir toute autre crise de ce genre.

Mais pendant que je vous dis que ce genre de crise ne doit pas se répéter, elle se répète. Alors, que puis-je vous dire de plus?

Vous verrez, lorsque vous lirez ce rapport, qu'il est très touchant.

Mme Payne: J'espère que le rapport que vous rendrez public décrira les choses comme elles se sont vraiment passées, décrira bien les ravages de la technologie dont vous venez de parler, parce que tous les travailleurs des pêches, surtout ceux de la pêche côtière à Terre-Neuve, ont compris il y a bien longtemps que la technologie était la principale source de leur problème.

M. Smith: Il y a une autre question qui se pose, à savoir, comment nous envisageons notre environnement. Lorsque nous pensons à l'océan, nous pensons au poisson, mais, bien sûr, il n'y a pas que le poisson. La façon dont nous traitons l'océan comme environnement pour le poisson est aussi très intéressante.

Les habitants de la région de l'Atlantique m'ont dit récemment que, à l'heure actuelle, il y a encore au fond de la mer des filets où se prennent les poissons, des filets qui capturent encore des poissons même s'ils ne sont plus fixés à des navires. Ces filets sont là, au fond de l'océan, les poissons y meurent et ils polluent l'environnement de l'océan.

Nous connaissons mal l'environnement marin. Il nous reste beaucoup de choses à apprendre, non seulement sur l'état de la ressource, sur le nombre de poissons, mais aussi sur ce qui se passe dans l'environnement marin. J'espère que nous pourrons contribuer à une meilleure compréhension de cet environnement.

Mais n'oubliez pas que nous ne pouvons pas tout faire à la fois. Nous devrons établir des priorités. Toutefois, c'est là un domaine qui m'intéresse personnellement.

M. Lincoln: J'ai été très encouragé par la réponse que vous avez faite à la question du président. Je crois pouvoir dire que vous avez bien traduit notre sentiment à tous. C'est très encourageant.

Pour faire suite à ce qu'a dit Mme Payne au sujet des pêches, je vous dirai que c'est probablement l'exemple le plus frappant pour les Canadiens. C'est un exemple tellement saisissant. Cela peut sembler étonnant ou même paradoxal, mais il a une incidence directe sur la population terre-neuvienne.

Mais si vous posez la question au Canadien moyen, il ne se limitera pas aux pêches. Il en parle, nous en parlons, mais on pourrait croire que cela nous marquerait beaucoup plus. Nous y pensons de temps en temps, puis, nous oublions.

En ce sens, mon opinion concernant les mesures et les projets précis diffère un peu de celle du président. Moi, j'estime que si la Table ronde pouvait trouver un modèle illustrant ce que vous disiez plus tôt...

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Je vous donne un exemple.

Je me suis entretenu avec Wassily Leontief, l'économiste qui a inventé la théorie des intrants et des extrants. Il a maintenant près de 90 ans; c'est un homme brillant. Il m'a dit que, lorsqu'il était dans la vingtaine, il était déjà un économiste réputé, et Henry Ford lui a confié une tâche. Ford lui a dit: «Je produis ces voitures Ford. Pouvez-vous disséquer ces voitures et me dire où j'ai fait des erreurs et ce que je devrais produire à long terme?»

Leontief m'a raconté qu'il avait d'abord examiné les sièges des voitures qui étaient faits de coton. Il a alors étudié le secteur du coton du Sud et a constaté que ce secteur dépendait des esclaves pour la main-d'oeuvre et du tabac pour l'engrais. À l'issue de son examen des sièges, il a trouvé toutes sortes de répercussions à long terme. Il a alors conseillé à Henry Ford d'abandonner le coton.

Il a fait de même pour chaque pièce de la voiture et en est ainsi venu à élaborer la théorie des intrants et des extrants.

C'est grâce à lui et à un de ses disciples que nous avons travaillé à un projet en Indonésie où nous avons choisi comme modèle les effets de la terre sur l'eau. Ainsi, le riz permet d'assurer la subsistance de l'Indonésie tout comme le poisson à Terre-Neuve. C'est dans l'île de Java que l'on trouve 60 p. 100 de la population, soit 100 millions de gens. Java est quatre fois plus fertile que toute autre île. C'est donc là qu'on produit presque tout le riz et, grâce à ce riz, le pays assure sa subsistance. Toutefois, chaque année, on perd 30 000 hectares de terre servant à la culture du riz au profit du développement économique. On doit donc produire ce riz sur une autre île, où il faudra 120 000 hectares. Il faut aussi former des gens à la culture du riz. La tradition est javanaise. Même après avoir formé de nouveaux travailleurs, même après avoir cultivé 120 000 hectares et produit le riz, il faut l'expédier à Java où vit la grande majorité de la population.

Grâce à ce petit exemple qui sort du quotidien, on peut faire comprendre l'importance des répercussions. Nous avons tenté de projeter ces conséquences sur plus de 25 ans.

Nous devons trouver des exemples spectaculaires si nous voulons prévenir les crises. Je me suis dit que nous pourrions peut-être retrouver un modèle de ce genre au Canada, un modèle qui serait saisissant - je pense particulièrement aux Grands Lacs et au Saint-Laurent - et que, avec les outils dont nous disposons, nous pourrions faire des projections...

C'est ce que font les Japonais. Au Japon, on utilise 200 intrants et extrants. Les Américains n'en ont que 25, et nous n'en avons qu'une poignée. Les Japonais tentent de faire des projections sur plus de cent ans. Les Indonésiens, avec leurs moyens limités et avec l'aide des Canadiens et des Américains, tentent de faire des projections pour les 25 années à venir. Mais nous, nous nous contentons de projections quadriennales.

Pour en revenir à ce que mon collègue, M. Forseth, a dit, la Table ronde pourrait trouver un exemple concret et s'en servir pour dire aux Canadiens: «Si nous n'agissons pas, c'est ce qui se passera. Si nous n'adoptons pas cette méthode, nous allons épuiser cette ressource.» Si nous pouvions ainsi faire comprendre aux Canadiens le coût véritable de ces effets... Aujourd'hui, avec l'exemple des pêches, les gens écoutent et la Table ronde... Je ne sais quel pourrait être le modèle - pour ma part, je choisirais les Grands Lacs - mais je crois que cela pourrait avoir un effet considérable. J'ignore si c'est faisable; ce n'est qu'une suggestion.

M. Smith: C'est une suggestion très intéressante. J'aime bien cette approche. En vous écoutant, j'ai pensé à plusieurs domaines où nous pourrions adopter cette approche.

On pourrait le faire relativement aux Grands Lacs, parce qu'il y a beaucoup de questions sur la durabilité de l'écosystème des Grands Lacs. En outre, la Commission mixte internationale existe déjà et peut-être pourrait-on la consolider quelque peu pour lui confier ce genre de travail; nous pourrions bien sûr colloborer avec elle.

La partie continentale sud de la Colombie-Britannique soulève aussi beaucoup de questions quant à l'avenir, parce que c'est une région qui s'urbanise très rapidement. Il y a dans cette région de grandes terres fertiles, de nombreux bassins hydrographiques qui se déversent dans le bassin de Géorgie. L'utilisation des terres, la construction de routes, de ponts et de toutes sortes d'autres structures y sont des enjeux importants et les pêches sont déjà touchées. C'est une région très intéressante. Évidemment, on essaie d'accélérer la lutte contre la pollution. La lutte contre la pollution est une chose, mais l'utilisation des terres en est une autre. L'utilisation des terres est peut-être même une question plus importante que la lutte contre la pollution, mais comme j'oeuvre dans le secteur de la pollution de l'eau, je reconnais que je suis en situation de conflit à cet égard.

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Nous avons eu une réunion avec les responsables des travaux du bassin de Géorgie et nous allons peut-être faire un suivi à cet égard. Les travaux se poursuivent et nous pourrions peut-être assurer un suivi de cette question.

Ce genre de projection pourrait être très utile. C'est une idée intéressante.

Mme Kraft Sloan: Un autre secteur dont le Comité s'est assez préoccupé est celui de l'Arctique, où l'on peut montrer clairement ce qui se passe actuellement et qu'on peut utiliser comme exemple pour faire une projection, car on peut constater dans quelle mesure le comportement des particuliers, de la société et des industries peut avoir un effet sur la vie des habitants de grandes étendues vierges à des milliers et des milliers de milles de distance. C'est une très bonne étude de cas, parce qu'on peut dire voilà ce qui se passe maintenant, tout est étroitement relié et voilà ce qui nous attend dans l'avenir. C'est un autre domaine qui nous préoccupe.

M. Smith: C'est une façon très spectaculaire de montrer les effets de la pollution à distance, de la migration, si l'on veut, de la pollution. De fait, lorsque la ministre, Sheila Copps, qui dirigeait en Asie du Sud-Est une délégation dont je faisais partie, a décrit ce qu'on retrouvait dans le lait maternel dans l'Arctique, les gens en ont eu le souffle coupé, bien que nous nous soyons trouvés à ce moment-là dans l'une des villes les moins vivables du monde, Bangkok. Mais elle a vraiment stupéfié les gens en utilisant cet exemple pour montrer que ce qui arrive à Bangkok peut avoir un effet sur la Sibérie et ici. Je pense que c'est un bon exemple pour amener les gens à comprendre.

Il est un peu plus difficile de décider ce qu'on va faire pour remédier à la situation, car il n'y a vraiment rien que les résidents de l'Arctique peuvent faire. Les effets se font ressentir localement, mais les causes sont diffuses.

Mme Kraft Sloan: En effet, mais maintenant que j'ai attiré votre attention, j'ajoute qu'il faut aussi identifier les meilleures pratiques. Quand on essayait de passer à la durabilité... Nous passons beaucoup de temps à analyser les problèmes et si les gens ne veulent pas comprendre, eh bien, nous devrons tout simplement les amener à nous suivre. La question est de savoir ce que nous allons faire à cet égard. Comment pouvons-nous identifier les meilleures pratiques? Comment pouvons-nous expliquer cela aux Canadiens? Il me semble que c'est absolument crucial: comment devons-nous procéder et comment trouver des exemples qui fonctionnent?

M. Smith: Si vous me permettez de répondre à cette question intéressante, monsieur le président, je répéterai qu'en ce qui concerne la meilleure pratique, les gens diront qu'il y aura des coûts et demanderont pourquoi ils devraient accepter cela. On leur dit alors que c'est en fonction du principe de la prévention. On ne peut pas leur montrer exactement ce qui va se passer, on ne le sait pas avec certitude, mais ce sont là les enjeux et cela pourrait se produire. Le risque est suffisant pour justifier l'application du principe de la prévention. Comme vous le savez, l'opinion internationale en matière d'environnement invoque souvent le principe de la prévention.

Je répète que la difficulté survient lorsqu'un pays en particulier doit prendre des mesures pour faire respecter la meilleure pratique. Il existe toutes sortes de règles merveilleuses dans les lois du Canada, de la Thaïlande, de la Corée, qui ne sont pas appliquées. Dès qu'on en arrive à la question de la mise en application, on doit donc tout de même en fin de compte réunir les divers intervenants concernés et s'expliquer avec eux.

Je pense que si les Canadiens comprenaient les enjeux... Nous avons atteint un plateau. Nous sommes actuellement momentanément en attente, en ce qui concerne la compréhension du public et la demande de mesures à cet égard. La solution ne consiste pas seulement à nous tourner les pouces. Je pense que la solution consiste à donner au public de meilleures informations et à forcer les gens à s'attaquer aux problèmes. Je pense que c'est le genre d'intervention qui aura le plus d'effet.

C'est cela que je voulais vous dire en réalité. J'aurais pu me contenter de venir échanger des propos aimables avec vous, mais je suis venu vous dire que c'est dans ce sens que je veux que nous agissions, parce que c'est ainsi que nous pouvons être le plus utiles actuellement, à mon avis. Je suis heureux que nous ayons l'occasion d'échanger ces idées entre nous, parce que je vais assister à notre prochaine réunion plénière de planification dans deux semaines environ et nous y reprendrons exactement cette même discussion.

.1105

C'est une grave question d'orientation. Vous avez de 2,5 millions à 3 millions de dollars. Comment faut-il dépenser cet argent? C'est ce que je propose de faire et je ne veux pas que quelqu'un se méprenne.

Le président: Nous avons quelques détails administratifs à régler et j'exhorte donc ceux d'entre vous qui sont en train de mettre leur veston de patienter quelques instants.

Un nouveau membre du comité, M. Steckle, a une dernière question à poser.

M. Steckle (Huron - Bruce): Monsieur Smith, j'ai trouvé le dialogue et la discussion de ce matin très intéressants. Je crois que nous subissons tous les effets de ce qui se passe dans l'ensemble de l'écosystème, de ce qui se passe dans notre univers.

En plus des questions déjà soulevées ce matin par Mme Payne, il y a aussi celle des Pêches.

Il y a un certain nombre d'années, Greenpeace et d'autres personnes qui s'intéressaient à la conservation de la population de phoques ont fait des efforts concertés pour qu'on parvienne vraiment à sauver les phoques. Eh bien, nous avons sauvé les phoques, qui ont aussi provoqué en partie le problème qui sévit actuellement dans le secteur de la pêche, en particulier dans le cas des stocks de morue.

Comment trouver un juste milieu entre le principe de laisser la nature trouver son propre équilibre et un certain degré d'intervention des êtres humains? En l'occurence, nous avons perdu l'industrie de la chasse aux phoques et en outre, nous voyons nos populations de poissons disparaître encore plus rapidement. Comment trouver un équilibre dans cela? C'est une question que les gens prennent très à coeur, parce qu'on peut toucher le phoque et il a de jolis yeux. C'est une question qui fait appel à l'émotion. Comment peut-on régler ce genre de questions, quand on sait que c'est vraiment une partie du problème?

M. Smith: Prenez par exemple l'industrie de la fourrure; elle a subit le même genre d'attaque et elle semble s'en être remise. La situation semble s'être redressée. On a pu notamment envoyer - ou ils y sont allés de leurs propres initiatives - des représentants de nos peuples autochtones et je suppose que cette initiative de relations publiques a réussi parce que les Européens et d'autres qui peuvent vouloir sauver les animaux à fourrure reconnaissent également l'importance d'aider les autochtones. On résout donc un problème de relations publiques en gagnant une victoire de relations publiques.

Lorsque les autochtones ont bien démontré que leur mode de vie traditionnel dépendait de l'industrie de la fourrure, je pense qu'ils ont considérablement désamorcé la polémique. Je pense que nous devions faire comprendre aux gens que ces phoques avaient une incidence sur les pêches. Je ne pense pas que nous avions suffisamment de données. Je ne pense pas que notre attaque ait été assez énergique. Je ne pense pas que les pêcheurs de Terre-Neuve attiraient autant la sympathie que les représentants des autochtones. Ce sont des questions de relations publiques.

Je pense que lorsque le mouvement Greenpeace va trop loin, il perd des appuis. Lorsque Jacques Chirac a décidé de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique-Sud, l'une de mes premières réactions, en plus de ma grande consternation face à sa décision, a été qu'il contribuerait à regénérer et à rajeunir Greenpeace, parce que les méthodes excessives et unilatérales utilisées par Greenpeace lui avait fait perdre beaucoup de crédibilité. Les dons n'affluaient plus. Subitement, parce que le mouvement se bat maintenant contre une chose à laquelle la plupart des gens raisonnables s'opposent, Greenpeace a rajeuni, a repris de la vigueur.

Je veux simplement dire que si nous abordons les enjeux d'une manière objective et sensée à la table ronde, et si nous encourageons les gens à les voir ainsi, c'est à peu près tout ce que nous pouvons vraiment faire.

Par exemple, je ne peux pas vous dire ce qu'il faut faire lorsque quelqu'un attaque injustement notre industrie forestière. Elle a été attaquée très injustement par des gens qui avaient de toute évidence intérêt à le faire. Ils voulaient évidemment que leur propre industrie forestière supplante la nôtre comme fournisseur de papier journal pour certains marchés allemands et ils ont donc attaqué la façon dont nous exploitons nos forêts. Je ne veux pas dire que nous étions sans faute. J'ai attaqué moi-même l'industrie forestière et l'on était même furieux contre moi, mais je pense que nous faisons des progrès énormes dans la façon dont nous exploitons les forêts. Il y a encore lieu d'améliorer les choses, à mon avis, mais nous faisons des progrès. Je ne pense pas que ceux qui s'opposent à notre industre en Europe nous traitent avec impartialité.

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Il y a des industries en Suède qui déversent directement dans l'océan des eaux résiduaires non traitées, mais elles disent que cette eau peut se diluer. C'est l'argument utilisé par la ville de Victoria, comme vous le savez. Ces gens qui déversent leurs eaux directement dans l'océan nous critiquent parce que nous ne traitons pas nos eaux propres résiduaires.

Je n'ai pas de réponse à tout cela. Je peux seulement dire que nous essayerons de constituer la source objective d'information, du concensus et de la différence. Je pense vraiment que si nous pouvons jouer ce rôle, nous aurons fait tout ce qu'il est possible pour une petite organisation comme la nôtre pour promouvoir la cause.

Le président: Nous venons de faire deux heures de travail très productif et fructueux. Nous avons appris beaucoup au cours de cet échange de vues. Nous vous remercions d'être venus et nous vous souhaitons bonne chance.

M. Smith: Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie également tous les membres du comité, y compris ceux qui sont déjà partis, pour leurs questions et l'appui qu'ils m'ont manifesté.

Je veux que tout le monde comprenne que cette réunion ne marque pas la fin de notre coopération. On peut me rejoindre si l'on veut discuter davantage. Si vous avez d'autres commentaires à formuler, des critiques ou des idées, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Nous avons un bureau à Ottawa et un numéro de téléphone à Ottawa. Il est donc facile de me rejoindre. Bien que je passe la plus grande partie de mon temps ailleurs, on sait où me trouver et je serai heureux de parler encore avec n'importe quel membre du comité.

Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci.

Je signale à mes collègues du comité que nous avons peu de temps à notre disposition parce que la salle est réservée pour un autre groupe. Nous avons terminé le premier point à l'ordre du jour.

En ce qui concerne le deuxième point, on me dit que le vérificateur général sera de retour à Ottawa le 1er ou le 2 octobre. Il sera probablement le principal témoin à comparaître au sujet du projet de loi C-83. Par conséquent, si vous êtes d'accord, je pense qu'il faudrait l'inviter à être le premier témoin pour donner le ton à notre étude. Les autres témoins pourraient comprendre le sous-ministre de l'Environnement et nous aurions aussi la table ronde et peut-être encore d'autres témoins.

Vous voudrez bien faire savoir au greffier d'ici vendredi quels témoins vous recommanderiez pour l'étude du projet de loi C-83 et lui dire si vous envisagez de proposer des amendements dont il faudrait d'abord discuter avec le conseiller juridique afin de s'assurer qu'ils ne dépassent pas la portée du projet de loi. Nous pourrions ensuite entamer convenablement le processus, la première semaine d'octobre, et passer à l'étude de ce projet de loi.

Est-ce qu'il y a des questions ou des commentaires?

M. Lincoln: Monsieur le président, je me demande quelle est l'opinion du président et des autres membres du comité en ce qui concerne le projet de loi C-83; je voudrais savoir si vous voulez qu'on reprenne encore une série d'audiences ou si vous préférez un nombre limité de réunions, étant donné que nous y avons déjà consacré trois ou quatre mois et que nous avons entendu je ne sais combien de personnes - une foule de personnes. Il me semble que nous devrions avoir une liste vraiment courte. Si nous devons entendre des témoins, il y aura évidemment le vérificateur général, mais n'ouvrons pas encore le processus à tous pendant encore deux mois, comme nous l'avons déjà fait.

Le président: Cela semble raisonnable. J'aimerais entendre l'opinion de l'opposition. Êtes-vous d'accord?

[Français]

M. Pomerleau: On a parlé de Mme Guay. On ne pense pas amener plus d'une personne ou deux ici.

[Traduction]

M. Forseth: Monsieur le président, je suis d'accord.

Le président: Merci. C'est la solution.

Avez-vous d'autres commentaires au sujet du projet de loi C-83? Sinon, nous sauterons le projet de loi C-94, parce que la Chambre en est saisie.

En ce qui concerne le document des perspectives d'Environnement Canada, il y a le document intitulé Environnement 2000, qui est arrivé sur nos bureaux avec une lettre d'accompagnement du ministre. Il est intitulé Plan d'affaires 2000. Il est accompagné d'un autre document. Je vous engage à bien l'examiner, car si nous devions étudier ce document un jour, nous aurions un aperçu des questions actuelles et futures et pourrions en discuter et les examiner, et le sous-ministre, avec qui je me suis entretenu, considérerait nos opinions utiles à ce stade, avant que ce plan se concrétise. Les représentants du ministère eux-mêmes invitent donc les parlementaires à donner leur opinion.

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Je vous prie de demander à l'un de vos employés d'extraire ce document des énormes piles de documents qui s'entassent dans votre bureau et de l'examiner, afin que nous puissions avoir une bonne discussion en vue de déterminer si nous devrions dans les prochains mois examiner cette partie des documents, qui figure au point 4 de l'ordre du jour.

Que faisons-nous du point 5?

M. Lincoln: Avez-vous sauté le point 3?

Le président: Oui, parce que le projet de loi est toujours à la Chambre.

Le greffier: Au sujet du point 5, je veux seulement expliquer que j'ai distribué une note que je viens de retirer parce qu'elle est évidemment dépassée et ce n'est donc pas la bonne note. Je m'en excuse. Une autre note sera préparée d'ici demain, si le président le désire.

Le président: Bien. Je vous remercie.

En ce qui concerne le point 6, hier M. Lincoln et moi avons participé à une réunion convoquée par un groupe de parlementaires de la Suède et de la Finlande qui sont passés par Ottawa pour discuter d'une conférence parlementaire sur l'Arctique, qui aura lieu en mars prochain à Yellowknife. Ce sont des parlementaires du conseil nordique - nordique et non arctique - qui se sont ainsi regroupés après une réunion de parlementaires qui a eu lieu en août 1993 à Reykjavik, à laquelle participaient des délégués de huit pays nordiques, y compris le Canada. Les États-Unis n'étaient pas présents, mais tous les autres y étaient.

On est en train de préparer un plan pour tenir au Canada l'an prochain une conférence des parlementaires des pays nordiques. Hier, M. Lincoln et moi avons eu l'occasion d'en discuter. C'est pourquoi une motion accompagne ce point numéro 6 de l'ordre du jour. Avant d'y passer, cependant, M. Lincoln pourrait peut-être nous faire part des conclusions de cette réunion, afin que vous soyez au courant de tout.

Voudriez-vous dire quelques mots?

M. Lincoln: Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il devrait y avoir une réunion de quatre ou cinq parlementaires de chaque pays. Ils se rencontreraient à Yellowknife les 13 et 14 mars prochains. Cette réunion serait indirectement liée à celle des ministres de la Stratégie de protection de l'environnement arctique, qui lancera le Conseil de l'Arctique l'an prochain, soit en 1996.

La participation de notre comité est indirecte, mais nous espérons obtenir que les deux chambres du Parlement, le Sénat et la Chambre des communes, demandent à M. Radford de faire la liaison avec les pays nordiques afin d'aider à organiser les aspects logistiques de la réunion, notamment. En 1993, l'Islande a désigné le Canada comme hôte de cette réunion, et nous devons donc l'organiser. Les coûts en seront probablement payés par le ministère de l'Environnement.

C'est un petit groupe de fonctionnaires du ministère de l'Environnement qui s'occupera de la logistique et plus particulièrement d'aider à organiser la réunion. L'ordre du jour de la réunion sera proposé par les hauts fonctionnaires du conseil nordique et nous en discuterons plus tard.

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C'est vraiment tout pour le moment. Hier, nous avons déjeuné avec les délégués et la motion concerne le paiement des frais de ce déjeuner.

M. Adams: Monsieur le président, il me semble que ces réunions ajoutent un caractère urgent à certains de nos travaux, qui font suite à ce que nous avons accompli l'an dernier au sujet de l'Arctique. J'ai quelques idées à ce sujet. Premièrement, nous pourrions utiliser pour les questions liées à l'Arctique la formule de la table ronde dont il a été question, car nous aurions ainsi la possibilité de discuter en profondeur et de continuer de recueillir des renseignements qui nous aideront dans nos réunions.

Deuxièmement, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international envisage apparemment de tenir des réunions sur les questions polaires, en rapport, je suppose, avec la création du conseil de l'Arctique, et peut-être aussi, je pense, en rapport avec notre participation au traité de l'Antarctique.

Il me semble qu'il conviendrait tout à fait que nous agissions ensemble. On pourrait ainsi réaliser deux objectifs: notre objectif général de surveiller ce qui se passe dans l'environnement de l'Arctique et de l'Antarctique, et ce serait en même temps une bonne façon de nous préparer aux réunions dont Clifford parlait.

Clifford a mentionné qu'un groupe de fonctionnaires du ministère de l'Environnement s'occupait de cette conférence. Je suis certain que c'est le cas. Je sais, monsieur le président, que nous avons un sous-comité et je ne suis pas certain de la façon dont les sous-comités travaillent pour les comités permanents, mais je me demandais s'il ne serait pas possible de créer un sous-comité qui pourrait organiser certaines de ces choses pour vous, notamment une table ronde, des négociations avec le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, en plus d'assurer la liaison avec le groupe du ministère de l'Environnement.

Le président: C'est une suggestion intéressante. Je l'examinerai et je consulterai certains membres du comité pour voir comment nous pourrions organiser cela.

Quelqu'un pourrait-il proposer la motion concernant les dépenses de représentation? La motion est proposée par M. Lincoln. Ceux qui sont en faveur de la motion? Ceux qui s'y opposent?

La motion est adoptée

Le président: Le dernier point à l'ordre du jour est celui que j'aurais dû aborder au début, mais ce n'était pas possible pour des raisons très pratiques. Par conséquent, j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du comité, Mme Payne et M. Steckle. Notre comité traite de tout ce qui nous entoure, comme vous avez déjà pu le remarquer. On discute de disciplines très difficiles, comme l'économie, la biologie, les sciences sociales, l'équité, la planification et l'intégration de divers types de politiques. On ne s'ennuie donc jamais ici. Nous avons bien travaillé ensemble dans le passé. Nous continuerons de le faire dans l'avenir.

J'ai oublié de mentionner Keith Martin, mais vous pourrez peut-être chacun lui souhaiter personnellement la bienvenue et je dois dire que nous sommes très heureux de profiter de votre participation aux travaux de notre comité, et que nous avons hâte de profiter de vos opinions, de votre expérience et de votre connaissance. Nous allons faire quelque chose de bien. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous.

La séance est levée.

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