Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

.1050

[Traduction]

Le président: Pardonnez-moi si j'insiste. Comme le temps presse et comme je veux que la période des question soit la plus instructive possible, je vais inviter les témoins à faire l'immense effort de limiter leur déclaration à dix minutes tout au plus, si c'est possible. Je sais que ce sera très difficile, vu la question à l'étude.

Qui veut lancer la discussion? Monsieur Cleland, êtes-vous prêt? Je vous invite à vous présenter et à faire le point de la situation.

M. Mike Cleland (directeur général, Politique énergétique, ministère des Ressources naturelles du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Avant de me présenter, sachez que je vais commenter un document que j'ai remis au greffier. Il a été distribué aux membres du comité, je crois. Avec votre permission, je vais commenter le document.

Je m'appelle Mike Cleland et je suis directeur général de la politique énergétique à Ressources naturelles Canada.

Je vais vous présenter un document préparé par le ministère et faisant suite à des travaux en cours depuis plusieurs mois et qui vont se poursuivre dans l'avenir. Certains travaux sont à une étape toute préliminaire. Néanmoins, je crois que vous y trouverez de quoi alimenter utilement vos délibérations.

Ce travail montre que nous et le gouvernement sommes dans la bonne voie. Même si nous ignorons encore quels seront les résultats de l'analyse et la politique qui en découlera, je crois que nous savons bien dans quel sens nous nous dirigeons.

Tracer le cadre du développement durable est une opération délicate qui doit tenir compte de nombreux objectifs: l'environnement, les investissements, le développement économique, les préoccupations sociales et, comme cela est inévitable dans notre pays, les relations fédérales-provinciales. Chaque étape, même celles qui sont relativement simples comme la réalisation d'une étude sur l'égalité des règles, dont je parlerai dans un instant, soulève une multitude de questions et d'intérêts contradictoires.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. M. Cleland nous a dit qu'il allait commenter un document. Je pensais l'avoir. Comment s'appelle-t-il?

Le président: «Présentation devant le Comité de l'environnement et du développement durable - Ressources naturelles Canada».

M. Wappel: Je l'ai. Merci.

.1055

M. Cleland: Même les choses les plus simples peuvent soulever la controverse, mais comme le comité l'a indiqué avec justesse, il faut par dessus tout dégager d'abord les faits pour se doter d'un point de référence commun.

L'objet du document est donc d'exposer les faits tels que nous les voyons. Même une entreprise aussi simple, comme on le verra, n'est pas sans susciter la controverse. Il arrive que les faits parlent d'eux-mêmes, mais pas toujours. Dans le cas présent, il faut bien comprendre ce qui se cache derrière les faits, savoir quelles sont les hypothèses et la méthodologie, ce qui est inclus et ce qui est écarté.

Beaucoup de chiffres ont été donnés concernant le soutien financier au secteur de l'énergie. La plupart d'entre eux ont un lien avec la réalité, mais si l'on veut tirer des conclusions utiles de ces chiffres, il faut que l'on sache bien comment ils ont été obtenus.

J'espère que la majorité des faits que je vais vous présenter ne prêteront pas à la controverse, au moins en ce qui concerne leur validité, sinon leurs ramifications. Dans le cas contraire, j'espère que vous m'interrogerez sur les hypothèses sous-jacentes car je crois pouvoir dresser un tableau de la situation qui, que l'on souscrive ou non à la méthodologie employée, pourra être comparée à d'autres tableaux qui pourront vous être présentés.

La semaine dernière, les témoins que vous avez entendus vous ont prévenus de ne pas vous laisser accabler par la prétendue complexité du dossier. C'est à mon avis une mise en garde pleine de sagesse. Par contre, il y a marge entre refuser d'être accablé par le dossier et nier qu'il existe. Vous attaquez un dossier complexe dont les éléments peuvent toutefois être scindés, parfois en questions très circonscrites. Ce sont ces divers fragments que nous voulons vous présenter aujourd'hui.

Je vais maintenant passer au document, monsieur le président, si cela vous convient. Je vais le parcourir en donnant le numéro des pages au fur et à mesure.

À la première page, vous trouverez l'objectif du document, composé de trois éléments: premièrement, préciser l'importance et la répartition du soutien financier direct et du soutien à incidence fiscale du gouvernement fédéral à l'égard du secteur de l'énergie; deuxièmement, l'examen relatif à l'égalité des règles, qui a acquis une certaine célébrité autour de cette table, à ce que je sais - je vais vous en donner un bref aperçu; et troisièmement, pour terminer, une partie qui présente le point de vue de RNCan sur les prochaines étapes préalables à l'examen de base.

Je vais essayer d'être aussi bref que possible, monsieur le président, mais je pense qu'il est utile de donner aux membres du comité une idée de la teneur du document. Le soutien financier fédéral au secteur de l'énergie se présente sous deux formes...

Le président: Monsieur Cleland, je croyais que vous étiez beaucoup plus avancé.

M. Cleland: Je peux accélérer, si vous le souhaitez. Je vais faire aussi vite que possible. Je suis à la deuxième page du document.

Je disais donc que le soutien financier fédéral au secteur de l'énergie se présente sous deux formes, comme vous le savez sans doute: les subventions, contributions et participations au capital, d'une part, et les incitatifs fiscaux, d'autre part. Vous trouverez une définition de ce que nous considérons être des encouragements fiscaux. J'aimerais y revenir parce que cela est essentiel à la bonne compréhension des chiffres.

Je passe maintenant à la page 3. L'essentiel de l'information se trouve dans le tableau; permettez-moi de signaler certains éléments intéressants. D'abord, la tendance exprimée par les chiffres. Prenez le cas des mégaprojets: les chiffres élevés apparaissent dans les années comme 1995-1996. Si l'on regarde attentivement, on s'aperçoit qu'il s'agit de la perte de vitesse des mégaprojets, conformément à la politique tracée par M. Martin dans son dernier budget. On constate également une baisse dans la catégorie Autre - pétrole. Si vous le voulez, nous pourrons un autre jour discuter de ce que ces chiffres signifient. Dans bien des cas, toutefois, il s'agit d'arrangements contractuels ou légaux qui prendront fin dans les prochaines années.

Dans le cas du nucléaire, les chiffres restent stables. Ils pourront changer en fonction du financement que les ministres décideront d'accorder à EACL. La catégorie de l'efficacité énergétique et des énergies de remplacement a fluctué un peu, mais les chiffres se stabilisent, aux alentours de 50 millions de dollars par année.

Il y a enfin les autres dépenses énergétiques, que je pourrai commenter plus tard.

Il est question ensuite des dépenses fiscales. Je vous ai dit que j'aillais parler d'une définition. Les dépenses fiscales représentent les recettes non perçues en raison des dispositions du régime fiscal...

Le président: Nous connaissons bien la définition, ne vous en faites pas.

M. Cleland: Très bien.

.1100

Ce qu'il faut retenir, c'est que cette dépense fiscale n'est pas simplement la déduction accordée mais bien l'écart entre la déduction d'impôt.... Dans le cas de l'amortissement, c'est l'écart entre l'amortissement au livre et l'amortissement calculé aux fins de l'impôt, ainsi que les taux spéciaux où les incitatifs qui viennent s'ajouter au régime de base.

À la page 7, vous trouverez un tableau qui vous donne les chiffres. Ces dépenses se présentent sous trois formes. Il y a d'abord les mesures générales, c'est-à-dire celles qui s'appliquent à toutes les industries. Viennent ensuite les mesures supprimées, celles qui étaient offertes à l'industrie énergétique et qui ont été abrogées en 1989 et 1990, sauf erreur. Le chiffre baisse au fur et à mesure que le total du compte fiscal prévu à cette fin approche du maximum. Enfin, sans doute ce qui présente le plus d'intérêt: les mesures en vigueur qui ne s'appliquent qu'au secteur du pétrole et du gaz et aux mines.

Je peux vous expliquer en partie sur quoi reposent ces chiffres, y compris les chiffres négatifs. Le document explique bien la méthode de calcul. Sont présentées ici les années 1990 et 1991, les dernières pour lesquelles nous avons des chiffres définitifs de Revenu Canada. Le total des dépenses fiscales fluctue donc beaucoup et il est à peu près certain que l'année 1991 n'est pas représentative de la situation. Selon notre estimation la plus fiable, les dépenses fiscales varient entre 100 et 150 millions de dollars par année.

Je reviens maintenant sur les dépenses directes. Les mesures générales sont de l'ordre de 100 millions de dollars, entre 100 et 150 millions de dollars de dépenses indirectes. Il y a ensuite les dépenses directes - vous en avez vu la ventilation - d'environ 500 millions de dollars pour 1997-1998. Nous pouvons revenir en arrière et examiner ce qui se cache derrière ces chiffres si vous le voulez.

M. Finlay (Oxford): De quel tableau parlez-vous?

M. Cleland: Le tableau 2 porte sur deux années précises et, comme je l'ai dit, on ne peut pas tirer de conclusions de ces chiffres. Nous avons donc recommencé et calculé une estimation de ce que nous pensons être le chiffre courant des dépenses fiscales propres au secteur pétrolier et gazier. Nous estimons que ce chiffre varie entre 100 et 150 millions de dollars par année. C'est pourquoi le chiffre de 500 millions de dollars ne figure pas sur le tableau.

La partie suivante du document s'intitule «Le traitement fiscal des investissements dans le secteur de l'énergie». C'est l'étude sur l'égalité des règles. Des personnes entendues ici et ailleurs l'ont citée, et elle se trouve dans le domaine public. Nous avons pensé qu'il serait utile de la rappeler et qu'elle vous aiderait à comprendre notre démarche. J'insiste sur le caractère préliminaire du document. Il fait encore l'objet de consultation. Il n'y a pas unanimité de vues parmi ceux que nous consultons quant à notre méthode sous tous ses rapports, et d'aucuns diront que les résultats ne reflètent pas fidèlement la réalité des investissements.

Les conclusions sont donc forcément préliminaires et il faut bien noter qu'un bon nombre d'entre elles ne peuvent pas être généralisées au-delà d'un certain point. Je vous invite à voir dans ce document une indication de ce qui peut être fait dans ce domaine et des limites qui s'appliquent à ce genre d'analyse.

Comme le temps presse, je ne vous parlerai pas de la méthodologie que nous avons employée. Je crois que le document se passe de commentaires. À la page 11, vous trouverez un tableau que vous avez peut-être déjà vu qui récapitule les résultats de l'analyse. Je ne commenterai pas les conclusions provisoires qui sont formulées, quoique nous pourrons y revenir si vous le souhaitez. Il y a ici une foison de détails qui n'est pas nécessairement apparente à première vue.

.1105

Comme je l'ai dit, il s'agit de travaux préliminaires qui font Actuellement l'objet de consultations. Nous comptons en tenir d'autres et peaufiner l'étude en vue de corriger les problèmes qui ont été soulevés par divers intervenants. Nous espérons en avoir terminé d'ici au début de l'an prochain.

Si vous désirez approfondir la discussion sur l'étude, mon collègue, M. McIlveen, à qui on la doit, est ici à mes côtés et pourra le faire avec vous. Je suis également disposé à répondre à vos questions.

Enfin, monsieur le président, la dernière page du document porte le titre «Étapes préalables à l'examen de base». Il s'agit de plusieurs volets d'un travail que nous entendons faire avancer au ministère des Ressources naturelles. L'un d'eux est d'essayer d'élargir la portée de l'étude sur l'égalité des règles. Il serait possible selon nous d'examiner d'autres exemples de projets d'efficacité énergétique, par exemple, pour mieux comprendre ce qui se cache derrière les chiffres.

Nous pensons qu'il y a lieu de procéder à une comparaison internationale des conséquences d'une taxe sur l'énergie. Nous avons déjà fait certains travaux dans ce domaine, mais nous collaborons aussi avec l'OCDE et l'AIE. Nous estimons qu'il faut aussi examiner le coût des externalités environnementales. C'est quelque chose que nous n'avons pas fait. Il se peut que d'autres témoins vous disent qu'il s'agit-là d'une pièce maîtresse du puzzle. C'est aussi une de celles qui nous donne le plus de fils à retordre; à la fois conceptuellement et méthodologiquement puisque dans bien des cas les données n'existent tout simplement pas. Cela dit, j'insiste sur le fait qu'il s'agit-là pour nous d'un élément du travail qui est toujours en cours.

Enfin, pour ce qui est de l'élaboration des indicateurs de développement durable dans le secteur de l'énergie, il est peu probable qu'une réponse définitive sera trouvée à la question de l'externalité environnementale. En revanche, si nous pouvons obtenir des indicateurs fiables, qui montrent si oui ou non nous sommes dans la bonne voie, nous pensons pouvoir réaliser des progrès dans le sens du développement durable.

Monsieur le président, bon nombre des faits exposés dans ce document sont simples et son de notoriété publique. D'autres méritent d'être interprétés, et je serais heureux d'en discuter avec vous. Quant à leur importance pour l'élaboration de la politique, tous les éléments sont sujets à interprétation. Les efforts faits par le ministère des Ressources naturelles pour essayer de déterminer ce qu'est l'égalité des règles sont à mon avis constructifs, mais ils sont loin de donner réponse à tout. Derrière les chiffres du document se cachent de nombreuses controverses. Néanmoins, je crois que nous avançons dans la bonne voie et j'espère que ce travail vous sera utile dans vos délibérations.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Cleland.

Mme Stephanie Cairns (assistante de recherche, Pembina Development Centre): Ma présence ici est une occasion remarquable pour moi de participer aux travaux du comité et d'avoir une idée plus exhaustive du travail qui se fait dans ce domaine. Mon intervention portera sur les obstacles précis que nous avons recensés.

Je ne me suis pas présentée. C'est donc là que je vais commencer: je m'appelle Stephanie Cairns, et je suis attachée de recherche au Pembina Institute, institut de réflexion et d'information environnemental établi à Drayton Valley, en Alberta. La plus grande partie de nos travaux portent sur l'énergie et les politiques relatives à l'environnement. Nous essayons de réaliser des analyses indépendantes, mais nous avons un penchant en faveur de la protection de l'environnement.

Mon propos aujourd'hui portera sur les obstacles, selon nous, qui nuisent à l'amélioration de l'efficacité énergétique et à l'expansion de la production d'énergie renouvelable au Canada. Ces obstacles se trouvent dans la Loi de l'impôt sur le revenu. En collaboration avec Barbara Campbell, qui vous a fait un exposé lors de la dernière table ronde, j'ai récemment terminé une étude à l'intention de la table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Je crois savoir que c'était la première fois que l'on tentait d'appliquer à un domaine bien précis la méthodologie cadre dont on a parlé à la table ronde d'hier.

.1110

Même si je parlerai surtout du court terme, je parlerai aussi brièvement des changements nécessaires à long terme. Après avoir écouté la discussion de ce matin, je pense qu'il faut garder présent à l'esprit l'envergure des changements qui sont nécessaires.

Dans quel contexte se situe le débat sur l'énergie? Pour commencer, la population mondiale est censée doubler d'ici à l'an 2050. Cette poussée démographique fera quadrupler la demande mondiale d'énergie. Au même moment, les scientifiques du GIEC nous disent que les pays industrialisés devront réduire la production de dioxyde de carbone de 66 p. 100. Au vu de ces considérations, il faudra réduire radicalement les intrants énergétiques et la consommation matérielle sur le long terme.

Les établissements comme l'Institut Wuppertal d'Allemagne, nous disent qu'il faut diminuer l'intensité matérielle et énergétique de chaque unité de production de 90 p. 100 pendant cette période si l'on veut pouvoir continuer de répondre aux besoins élémentaires de l'humanité tout en respectant les capacités de l'environnement. C'est donc dire que même si mes propos d'aujourd'hui porteront sur les toutes premières mesures à prendre dans cette direction, il ne faut pas oublier les changements radicaux à long terme qui sont nécessaires.

Dans le Guide de l'écogouvernement, dont il a été question hier, il est dit que Ressources naturelles Canada réorientera sa politique énergétique et qu'au lieu d'insister comme il le faisait par le passé sur les approvisionnements, le ministère insistera davantage sur l'efficacité, les sources d'énergie de substitution et renouvelable, ainsi que l'environnement et le développement durable.

Les recherches réalisées par l'Institut Pembina confirment le parti pris négatif dans le système actuel de subventions et d'incitatifs fiscaux contre les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Il existe des différences qualitatives et quantitatives notables entre le traitement fiscal des activités favorables à l'environnement et celui accordé aux sources classiques d'approvisionnement énergétique.

Dans l'examen de ce domaine, nous sommes restés sensibles aux engagements du gouvernement en faveur de la modération budgétaire. Il y a plusieurs façons d'examiner ces obstacles. Si l'obstacle en question est un traitement favorable accordé à une activité de production non souhaitable pour l'environnement, on peut soit éliminer le traitement favorable, soit accorder ce traitement favorable à d'autres secteurs. Vu l'austérité financière qui est de règle actuellement, nous recommandons d'éliminer le traitement favorable de manière à réduire les dépenses fiscales.

Il existe également un vaste éventail de vues sur le degré d'ingérence d'une politique fiscale lorsque l'on veut favoriser divers objectifs sociaux et économiques. Dans nos recommandations, nous péchons par excès de prudence par égard à la réforme fiscale qui a vu le jour à la fin des années quatre-vingt et dont le but était d'éliminer ou de réduire les encouragements fiscaux qui constituent une dérogation à un régime fiscal de référence pur et dur. Il existe selon nous un certain nombre de domaines où cette réforme peut se poursuivre d'une façon qui réduira les dépenses fiscales et éliminera les incitatifs fiscaux accordés aux industries les plus polluantes.

Mes propos d'aujourd'hui porteront sur trois secteurs précis: premièrement, je dirai certaines choses bien précises sur les réformes fiscales; deuxièmement, je parlerai des changements au traitement fiscal des sables bitumineux dont il est actuellement question et qui m'apparaît être la pierre de touche des engagements du gouvernement en faveur d'une fiscalité énergétique et environnementale durable; troisièmement, je parlerai brièvement des subventions directes qui existent toujours.

Pour faire vite, je vais énumérer rapidement les caractéristiques des obstacles que nous avons relevés dans le traitement fiscal de l'efficacité de l'énergie et des énergies renouvelables de substitution.

Premièrement, l'efficacité énergétique est un secteur clé dans la démarche facultative que le gouvernement a adoptée à propos du changement climatique. Nous demandons en effet aux compagnies de prendre de leur propre gré des mesures propres surtout à améliorer l'efficacité énergétique. Pourtant, les modifications écoénergétiques ne bénéficient pas de l'avantageux régime fiscal applicable aux investissements dans les approvisionnements énergétiques; qui plus est, elles sont même pénalisées par la fiscalité actuelle. Pourquoi? Parce que la déduction pour amortissement est calculée sur une durée de vie utile de loin supérieure à celle des biens visés.

.1115

Inversement, les investissements dans les approvisionnements énergétiques permettent une déduction accélérée pour amortissement, ou l'équivalent, de l'ordre de 30 à 100 p. 100. Cela signifie qu'au moment où nous demandons au secteur privé d'investir dans l'efficacité énergétique, nous le pénalisons puisqu'il se trouve à consentir un prêt sans intérêt à l'État. C'est tout simplement insoutenable, vu le rôle que doivent jouer les grandes améliorations de l'efficacité énergétique dans le dossier du changement climatique.

Je passerai rapidement sur les énergies renouvelables car je crois savoir que Jeff Passmore en parlera plus tard. L'autre chose que je veux dire, c'est que les critères d'admissibilité relatifs au revenu pour ceux qui investissent dans les énergies renouvelables sont beaucoup plus restrictifs que ceux qui s'appliquent aux combustibles fossiles. Il s'agit d'un obstacle de plus pour ceux qui recherchent des capitaux afin de mettre en valeur l'énergie renouvelable.

La troisième chose que je veux dire, c'est que les formes d'énergie de substitution ou renouvelable qui sont souhaitables pour l'environnement n'ont pas droit à la déduction accélérée pour amortissement applicable aux énergies renouvelables. Pourquoi? Parce que cette catégorie de la DPA est une sous-catégorie de la DPA pour les fabricants et ne vise que les formes renouvelables ou de substitution de l'énergie qui produisent de l'électricité à l'intention du secteur manufacturier. Cela signifie que pour des formes d'énergie de substitution très importantes pour protéger l'environnement, comme le chauffage par quartier ou la cogénération commerciale ou institutionnelle, on n'a pas droit à cette catégorie de la DPA.

Les compagnies d'énergie renouvelable n'ont pas accès aux actions accréditives auxquelles ont droit les secteurs des hydrocarbures et de l'uranium. C'est une considération très importante lorsque l'on cherche à attirer des capitaux, ce qui est l'un des problèmes qui, à notre avis, doit être résolu si l'on veut que le secteur de l'énergie renouvelable prenne de l'expansion.

En ce qui concerne le traitement fiscal des sources classiques d'énergie, nous avons examiné la question et nous avons cherché des domaines où la fiscalité applicable aux projets d'approvisionnement en hydrocarbures et en uranium déroge du régime fiscal de référence, ce qui est vers quoi nous nous dirigeons, nous dit-on, dans le cadre de la réforme fiscale. L'élimination de ces éléments préférentiels égaliserait les chances et favoriserait la concurrence; il serait plus facile pour toutes les filières énergétiques d'attirer les investisseurs, outre que les dépenses fiscales non engagées pourraient être affectées à un régime fiscal plus avantageux pour l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique.

Ces éléments constituent actuellement des subventions commerciales très évidentes accordées à certaines des filières énergétiques les plus polluantes.

Je me dois de commenter les chiffres donnés par M. Cleland au titre des frais d'exploration au Canada et des frais d'aménagement au Canada. Ils sont considérablement différents des estimations du ministère des Finances. Les estimations déposées aujourd'hui par Ressources naturelles Canada parlent de dépenses fiscales de l'ordre de 5 millions de dollars pour 1991. Le chiffre équivalent d'après le ministère des Finances, qui a été publié, est de 365 millions de dollars. Je vous invite à examiner de très près les hypothèses qui ont servi à calculer ces deux chiffres.

Toujours en ce qui concerne le traitement fiscal des filières classiques, je rappellerai que les gisements de pétrole et de gaz qui rapportent ainsi que certains coûts de développement minier relatifs à l'énergie - j'entends par là les sables bitumineux, les mines de charbon et d'uranium - sont assujettis à l'impôt sur les mines. Ces chiffres ne sont habituellement pas transparents lorsque l'on examine les dépenses fiscales relatives à l'énergie parce qu'il sont amalgamés dans le secteur minier.

Certains coûts de développement minier énergétiques sont maintenant déductibles à 100 p. 100 au titre des frais d'exploration au Canada. Cela dépasse largement le taux qui conviendrait dans un régime fiscal neutre et revient à un stimulant en faveur de stimulants supplémentaires dans ces secteurs par rapport aux stimulants qui existent pour l'énergie renouvelable ou l'efficacité énergétique.

.1120

Le fait de pouvoir classer jusqu'à 2 millions de dollars de FAC en FEC pour pouvoir obtenir des actions accréditives est un exemple très clair de stimulant fiscal artificiel destiné à canaliser les capitaux d'investissement dans les secteurs des hydrocarbures et de l'uranium.

Enfin, pour les activités énergétiques qui ont droit aux mesures fiscales destinées aux mines - les sables bitumineux, l'uranium et le charbon - , la déduction de 100 p. 100 prévue pour les biens en capital relatifs aux nouvelles mines et aux grandes expansions entrent dans la catégorie 41.A de la DPA et vient s'ajouter aux FEC et aux FAC. La catégorie 41.A est également combinée aux dispositions relatives aux actions accréditives, ce qui accorde un avantage fiscal extraordinaire à ces secteurs.

Puisque je parle des sables bitumineux, j'aimerais préciser quelque chose qui me semble important. Ce que j'attends de voir dans le prochain budget, et qui sera déterminant si on veut savoir si le gouvernement entend vraiment harmoniser son message économique et environnemental, c'est s'il évalue les nouvelles mesures fiscales en fonction des principes dont nous discutons ici aujourd'hui. La décision la plus importante que le gouvernement prendra à ce propos est celle de savoir s'il apportera ou rejettera les changements à la Loi de l'impôt demandés par le groupe de travail national sur les sables bitumineux.

Celui-ci a proposé deux changements à la catégorie 41.A de la DPA, qui accorderaient essentiellement un traitement beaucoup plus généreux aux nouvelles mines et aux grandes expansions. Qu'il n'y ait aucune méprise: l'application sous une forme quelconque de l'une ou l'autre de ces deux recommandations serait diamétralement opposée à l'intention avouée du gouvernement d'aligner son message environnemental et économique dans la même direction et ce, pour les raisons suivantes. D'abord, l'expansion des sables bitumineux est un mégaprojet, quelle que soit la définition que l'on donne à ce terme. Le groupe de travail des sables bitumineux a tout fait pour dire que ce n'était pas le cas, pourtant on parle de tripler la production et d'investissements de l'ordre de 21 à 25 milliards de dollars. De toute évidence, il s'agit d'un mégaprojet.

Les changements fiscaux réclamés sont de toute évidence des subventions. Même si le groupe de travail des sables bitumineux a déclaré ne pas rechercher de subventions, celui-ci réclame des changements à la fiscalité fédérale qui représenteraient 700 millions de dollars de dépenses fiscales fédérales sur une période de huit ans. Cela viendrait s'ajouter à un traitement fiscal déjà beaucoup plus généreux que ce qui est offert aux autres filières énergétiques.

L'étude sur l'égalité des règles actuellement en cours à RNCan, et qui est à l'étape d'avant-projet, montre que l'uplift sous forme de taxes fédérales déjà offert aux sables bitumineux - en pourcentage des coûts en capital - est déjà entre 6 et 14 points supérieurs à celui qui est offert aux énergies renouvelables, 13 ou 14 points supérieurs à celui du gaz naturel ou du pétrole classique et de 30 points supérieurs aux modifications énergétiques.

Enfin, du point de vue environnemental, les sables bitumineux représentent une mauvaise vision de l'énergie pour le Canada. Nous avons distribué une étude préliminaire du Pembina Institute portant sur l'éco-efficacité des sables bitumineux, comparée à la mise en valeur d'autres carburants fossiles. Nous espérons élargir la portée de cette étude et nous pencher en outre sur d'autres formes d'énergie. Mais même simplement comparées à d'autres types de carburants fossiles, les émissions de gaz à effet de serre découlant de la production et de l'extraction du pétrole des sables bitumineux sont quatre fois plus élevées que pour le pétrole brut conventionnel et deux fois plus élevée que pour le gaz naturel, par unité d'énergie; les émissions d'anhydridres sulfureux sont douze fois plus élevées que pour le pétrole conventionnel et quatre fois plus élevées que pour le gaz naturel, par unité d'énergie et les oxydes d'azote sont trois fois plus élevés que pour le pétrole conventionnel.

Si l'on considère les émissions de gaz à effet de serre pendant le cycle de vie de l'essence, comme produit final, les émissions provenant des sables bitumineux sont plus élevées de 16 p. 100 que pour celles provenant de l'essence produite à partir de pétrole brut conventionnel et 50 p. 100 plus élevées que pour le gaz naturel comme carburant pour les véhicules.

Il s'agit de comparaisons avec d'autres carburants fossiles. Mais on devrait en faire de semblables, par exemple, pour l'éthanol lignocellulosique.

.1125

Mes derniers commentaires porteront sur les subventions directes qui existent toujours. Nous sommes ravis que le gouvernement se soit engagé en octobre 1994 à ne pas participer à de nouveaux megaprojets industriels. Nous le félicitons pour cet engagement, de même que pour la décision prise en 1994 de se retirer du projet d'usine de valorisation du brut Lloydminster.

Le deuxième plus important type de subventions au secteur de l'énergie, qui existe encore, c'est la subvention accordée à Énergie atomique du Canada Ltée. L'ampleur de cette subvention est très claire, d'après le tableau de Ressources naturelles Canada qui vient d'être déposé. Il s'agit du tableau 1, à la page 3. EACL reçoit environ 172.5 millions de dollars en 1995-1996. Sur cette somme, environ la moitié provient de la contribution fédérale dans le cadre de l'entente du groupe des propriétaires de réacteurs CANDU, laquelle encourage la recherche et le développement sur les réacteurs nucléaires actuels. Cette entente d'une durée de sept ans vient à échéance en 1997.

Le budget de 1996-1997 offre une importante occasion d'appliquer les mêmes normes de réduction des subventions gouvernementales à l'industrie nucléaire, comme on l'a fait pour d'autres secteurs industriels. Nous estimons que la recherche et le développement dans le secteur nucléaire ont profité pendant plus de 40 ans de la grande générosité du gouvernement fédéral. Aucun autre secteur industriel n'a reçu un soutien de cette ampleur, pour la recherche et le développement, pour une si longue période. Il est grand temps de traiter le secteur nucléaire comme les autres secteurs.

À ce sujet, il faut dire également qu'à notre avis, la même attitude doit s'appliquer aux mégaprojets nucléaires à l'étranger. Le gouvernement est très fier, et nous venons de l'en féliciter, de son engagement à ne pas participer à de nouveaux mégaprojets industriels, au Canada. Nous pensons que la même norme doit s'appliquer aux subventions et au financement de mégaprojets énergétiques à l'étranger.

L'exemple le plus troublant de cela est à nos yeux le projet de vente, si l'on peut l'appeler ainsi, d'un réacteur CANDU à la Chine. Le Canada propose de financer environ les deux tiers du projet, soit plus de 2 milliards de dollars, à partir du compte Canada de la Société d'expansion des exportations, qui figure dans les états financiers du ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. Autrement dit, on force les contribuables canadiens à accepter le risque d'un prêt de 2 milliards de dollars que le secteur privé lui-même jugerait trop douteux.

Le soutien à l'expansion des exportations, dans un cas pareil, est une importante forme de subvention. Nous pensons qu'il faut reconsidérer cela, dans les autres secteurs également. Mais cet exemple, dans le secteur nucléaire, est un exemple très visible du problème. Voilà qui termine mon exposé.

J'ai toutefois quelques autres commentaires à formuler au sujet des besoins en recherche. J'aimerais obtenir une information plus détaillée sur les dépenses fiscales pour les industries des secteurs énergétique et minier. Je crois que comme le secteur du pétrole et du gaz bénéficient de taxes spécialement affectées, ils ont été davantage exposés à des commentaires sur le genre de dépenses fiscales qu'on leur consacre.

En fait, les secteurs qui exploitent l'uranium, les sables bitumineux et le charbon reçoivent également des subventions dans le cadre du régime fiscal, que nous devrions également examiner. Tout cela devrait être transparent pour nous. De même, l'information sur l'énergie renouvelable et les dépenses fiscales consacrées aux formes d'énergie nouvelles, doivent être transparentes. Je m'arrête ici.

M. Eric Haites (directeur, Margaree Consultants): Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, je m'appelle Eric Haites. Je suis le président de Margaree Consultants Inc., de Toronto. Il s'agit d'un cabinet-conseil en économie environnementale.

Les deux autres membres de ce panel vous ont parlé de travaux de recherche qu'ils ont effectués sur les mesures financières de discussion dans le secteur de l'énergie. Je n'ai pas moi-même mené de pareilles études et je ne peux donc pas vous fournir ce genre d'informations. Je vais essayer toutefois de mettre les renseignements qu'ils vous ont donnés dans un contexte qui vous sera utile, je l'espère.

Pour commencer, quelques informations sur le secteur énergétique. L'énergie est un produit intermédiaire. Nous n'utilisons pas l'énergie parce que nous voulons utiliser de l'énergie. Nous nous en servons pour dispenser des services d'éclairage, de chauffage, de télécommunications, etc.

Pour utiliser ces services, nous avons mis sur pied une infrastructure à fort coefficient de capitaux immobilisés à long terme. Nous avons des appareils qui convertissent l'énergie en des services dont nous avons besoin: des ampoules, des moteurs, des automobiles, etc. Nous avons un infrastructure assez coûteuse destinée à recueillir, traiter et transporter les carburants jusqu'à leur point d'utilisation.

.1130

Ce capital a une durée de vie de l'ordre de 10 à 50 ans. Lorsque nous investissons des capitaux associés à l'utilisation d'énergie, ils durent assez longtemps. Il peut nous coûter assez cher de les modifier avant la fin de la vie économique du matériel. Nous devons donc être prudents lorsque nous investissons du capital et comprendre les incidences environnementales de ces investissements.

Le gros des renseignements sur les incidences environnementales de la consommation d'énergie se rapporte à la conversion des carburants en énergie utile: la production d'électricité, la combustion des carburants fossiles pour produire de l'électricité, chauffer nos maisons et faire rouler nos automobiles. Les incidences environnementales en amont, soit aux puits de pétrole, à la raffinerie, etc. sont bien plus faibles que les effets de la conversion des carburants en énergie utile.

Ce sont là d'importants éléments de contexte. Les renseignements que j'ai vus sur les mesures financières de dissuasion laissent croire que tous les stimulants accordés aux divers types d'énergie sont tous essentiellement destinés au capital et non au point d'utilisation où, se produisent les répercussions sur l'environnement.

En outre, on s'accorde à dire que les diverses formes d'énergie bénéficient de stimulants. On s'entend moins sur l'importance de ces stimulants et sur leur ampleur relative pour chaque type d'énergie.

Aujourd'hui, on a déjà fait allusion aux diverses estimations de l'importance des stimulants accordés au secteur de l'énergie. Sur une base globale, ils vont de quelques millions de centaines de dollars par an à plusieurs centaines de millions de dollars par an, voire même, un milliard. Pour replacer cela dans son contexte, considérons que toute cette gamme de chiffres représente tout de même probablement moins de 5 p. 100 des dépenses finales en énergie, au Canada, en un an. Les stimulants financiers ne sont donc pas énormes si l'on considère les dépenses totales en énergie.

Il s'agit là à la fois d'une bonne et d'une mauvaise nouvelle. Si l'on éliminait les mesures incitatives, il n'y aurait pas une très grosse augmentation des prix et si l'on présume que les avantages environnementaux découleraient d'une augmentation de prix, cela signifie que l'élimination de ces incitatifs fiscaux n'auraient probablement pas beaucoup d'effets sur l'environnement.

En revanche, ces chiffres sont tout de même importants si l'on considère les compressions budgétaires auxquelles est astreint le gouvernement. C'est dire qu'il est possible de réduire ou d'éliminer ces stimulants sans bouleverser énormément les marchés de l'énergie.

Après avoir écouté cette opinion, vous pouvez vous-mêmes juger de la politique à adopter, comme le disait M. Cleland.

Il est également clair que l'approvisionnement en énergie fait l'objet de stimulants, alors que le chemin de la conservation d'énergie et de l'efficacité énergétique est semé d'obstacles. C'est une disparité importante. La question du traitement inéquitable des carburants fossiles et des ressources d'énergie renouvelable est une question encore plus épineuse. Et je ne sais pas comment vous aider à trouver une solution. Toutefois, je pense qu'on s'entend généralement pour dire que les mesures d'efficacité énergétique sont désavantagées par rapport à l'approvisionnement en énergie.

.1135

Il y a deux autres choses que vous devez savoir. Tout d'abord, les mesures de dissuasion financières ne semblent pas énormes, étant donné les dépenses totales en énergie. Les dépenses directes associées à l'énergie, dont les chiffres vous ont été fournis par M. Cleland, semblent être du même ordre de grandeur que les mesures de dissuasion financières. Si l'on considère les tableaux qui vous ont été présentés aujourd'hui, on voit une réduction assez substantielle au cours des dernières années, et des engagements précis de réduction supplémentaire.

Dans le cas des dépenses directes, au moins une partie des dépenses est consacrée à la recherche et au développement de technologies énergétiques et de technologies d'efficacité énergétique. Il est important de noter que c'est bon pour le bien public. Personnellement, je ne suis pas en faveur d'une élimination complète des dépenses consacrées au secteur de l'énergie. Par contre, elles doivent être revues soigneusement pour voir si nous n'accordons pas un avantage à certaines sources d'énergie plutôt qu'à d'autres et, en général, au secteur de l'approvisionnement énergétique plutôt qu'à l'efficacité énergétique.

Enfin, j'aimerais revenir au fait que je vous ai signalé relativement aux incidences environnementales qui se produisent au moment de la conversion de l'énergie. D'après ce que nous savons, la réglementation environnementale n'est pas suffisamment stricte pour réduire les incidences environnementales à un niveau qui convienne à la société. Les économistes en parlent comme d'externalités environnementales. M. Cleland en a parlé.

En principe, on peut les considérer de deux façons. D'une part, on peut en estimer la valeur et insister pour que la valeur en dollars de ces externalités soit prise en compte dans le prix du carburant. Comme le signalait M. Cleland, ce serait assez difficile à faire. Il est difficile de déterminer la valeur exacte et de le faire pour toutes les sources d'énergie, de manière équitable. C'est bien en principe, mais difficile en pratique.

Par ailleurs, on peut resserrer la réglementation environnementale. On peut avoir recours aux règlements dont on dispose déjà, par exemple en appliquant les normes d'émission selon les utilisations, ou se servir de méthodes plus novatrices, comme un plafonnement des émissions de toutes provenances, en permettant à ceux qui en sont responsables d'échanger des permis d'émissions, et ainsi d'intégrer le coût de leur incidence sur la société aux prix de vente de l'énergie.

D'après tous les renseignements que j'ai vus, la valeur des externalités dépasse certainement 5 p. 100 du coût des sources d'énergie. Pour chaque cas, on peut présumer que c'est bien plus élevé et il est rare qu'on les estime à un niveau inférieur.

C'est avec les externalités qu'on aura vraiment un effet sur l'environnement, et non avec des mesures de dissuasion financières ou des dépenses directes. Cela ne relève peut-être pas de votre mandat, mais je voulais vous en parler, pour que vous compreniez le contexte.

Voilà qui termine mon exposé. Merci.

Le président: Merci. Nous avons tous hâte de parler d'énergie. Commençons par une ronde de questions rapides, avec M. Forseth, puis M. Lincoln, M. Wappel, M. Adams et M. Finlay.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Monsieur Cleland, vous avez parlé des chiffres que vous nous avez présentés. Ce qui m'est resté à l'esprit, c'est la tendance dont vous avez parlée. J'aimerais que vous nous en parliez davantage. Quelle est cette tendance? Pouvez-vous l'expliquer? Qu'elle en est la cause et qu'est-ce qui dans notre politique énergétique produit cette tendance? Vous dites que nous allons dans la bonne direction. Dites-nous pourquoi c'est le cas. À la fin, j'ai constaté qu'il y avait une différence dans les chiffres présentés par vous-mêmes et par Mme Cairns. Qui nous a présenté les bons chiffres?

.1140

M. Cleland: Pour la première question, je vous renvoie à la page 3 du document. La tendance la plus importante est la réduction des dépenses dans le secteur du pétrole, par rapport à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Il reste les mégaprojets. Si on va jusqu'en 1997-1998, la dernière année du cadre budgétaire actuel, un dernier paiement sera versé à Hibernia, et ce sera à peu près le dernier des mégaprojets.

Pour ce qui est des autres dépenses dans le secteur pétrolier, on voit toucher à leur fin des choses comme les paiements d'appoint pour le pipeline Sarnia-Montréal, qui devaient s'échelonner de 1976 à 1996, et les dépenses au soutien aux infrastructures en vertu des accords Canada-Nouvelle-Écosse et Canada-Terre-Neuve sur les hydrocarbures extra côtiers.

Ce qui reste, pour ces dernières années, c'est un peu de soutien à la recherche et au développement. M. Haites en a parlé. Il y a un soutien continu à la recherche et au développement dans le secteur des sables bitumineux, de la sécurité des pipelines et pour des choses comme les résidus, etc, et d'autres trucs mineurs. Mais en gros, la tendance générale est à une baisse importante des dépenses pour le secteur pétrolier.

Revenons au début des années 1990: il y aune légère hausse dans le domaine de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables et jusqu'à la fin du cadre financier, le niveau se maintient à environ 50 millions de dollars. C'est ce que j'ai appelé une tendance mais il s'agit bien entendu de choses relatives. C'est une question d'équilibre et j'estime qu'il penche proportionnellement davantage vers l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les autres solutions, et moins du côté du pétrole et du gaz. Est-ce le juste équilibre? Je ne crois pas que ce soit à moi d'en juger, mais comme je le disais, c'est vraiment la voie suivie.

Pour ce qui est de l'écart dans les chiffres, c'est une question importante à mon avis. Mme Cairns avait raison de dire que les estimations du ministère des Finances étaient considérablement plus élevées. Nous l'expliquons à la page 5 du document que je vous ai remis. La différence s'explique par ce que je vous disais précédemment, au sujet de la définition des dépenses fiscales. L'évaluation publiée par le ministère des Finances prenait en compte la déduction réelle pour les frais d'exploration et d'aménagement au Canada, mais pas l'amortissement comptable.

La pratique courante pour le calcul des dépenses fiscales est de calculer la différence entre ces deux chiffres, et non pas le montant complet de la déduction. C'est quelque chose que nous avons constatée au cours de l'année dernière.

Nous en avons parlé avec le ministère des Finances, qui a reconnu que notre méthode était plus correcte en théorie, et plus conforme avec le traitement des autres dépenses fiscales. Le ministère a convenu qu'à l'avenir, on l'indiquerait dans les crédits, ce qui revient à dire qu'on ne sait pas ce qui se produira avant que les données ne soient disponibles, dans les années à venir. Mais voilà l'explication de l'écart.

M. Forseth: J'ai une question supplémentaire. Avez-vous des chiffres globaux, pour comparer, disons, le total des investissements en immobilisations et le taux de rendement final de profit aux actionnaires dans le secteur du pétrole et du gaz? Pouvez-vous le comparer au rendement typique dans le secteur de la construction automobile, par exemple, pour que l'on sache si c'est une véritable vache à lait, ou pas?

M. Cleland: Il y a deux aspects à considérer. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais l'on sait historiquement que le secteur du pétrole et du gaz en amont, de même d'ailleurs qu'en aval, ont un taux de rendement sur les investissements qui est de manière constante et marquée, inférieur à celui des entreprises d'autres secteurs non financiers. Je crois me souvenir que l'écart est de l'ordre de 3 ou 5 p. 100.

.1145

On peut faire une autre comparaison utile, en s'écartant un peu de votre question, au plan international. D'après nos travaux, le régime fiscal canadien pour le pétrole et le gaz est relativement compétitif, sans être excessivement généreux. Il est compétitif par rapport aux possibilités des ressources canadiennes et aux risques associés à l'exploration pour les sociétés canadiennes.

Mme Cairns: Puis-je formuler un commentaire? Cette question nous était également adressée.

Le président: Oui, vous avez tout à fait raison.

Mme Cairns: Dans le tableau 1, je voudrais signaler mon étonnement au sujet du fait que Ressources naturelles Canada, tout en disant que... nous savons qu'on procède à un examen important du financement d'EACL. Le ministère affirme publiquement qu'il prévoit exactement les mêmes dépenses pour les deux prochaines années, et je crois que...

Le président: C'est aux membres du comité qu'il revient de faire ce genre d'observation.

Mme Cairns: Je me sens obligée de le dire.

Le président: Vous pourriez peut-être répondre à la question de M. Forseth.

Mme Cairns: Très bien. C'est à mon avis un problème important lié à la façon dont les dépenses fiscales sont établies. Les chiffres que j'ai cités ne sont pas de moi, ils proviennent du ministère des Finances. Il est dit clairement dans l'introduction de ce texte que les responsables envisagent des dépenses fiscales, ce qui, d'après eux, n'est pas la même chose qu'un régime fiscal de référence. Étant donné qu'il existe diverses façons d'aborder la question, ce régime fiscal de référence ne représente peut-être pas la même chose pour tout le monde.

Si ce que disent les responsables de RNCan est exact... Vous dites que, aux termes d'un régime fiscal de référence, vous pourriez radier en totalité les puits qui produisent, par exemple, ce qui est inexact à mon avis.

L'examen des dépenses fiscales qui doivent être passées au peigne fin repose sur bon nombre d'hypothèses. C'est la première fois que je vois les données publiées par RNCan, et je ne suis donc pas en mesure de donner un avis éclairé à ce sujet.

Le président: Merci.

M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): J'admets que c'est une bonne chose pour nous de réduire nos subventions aux mégaprojets et d'accroître en proportion notre investissement dans le rendement énergétique et les sources d'énergie de remplacement. Parallèlement, j'aimerais souscrire à ce qu'a dit Mme Cairns. J'espère que nous examinerons à nouveau la question des subventions de EACL et le financement du réacteur CANDU. Les centaines de millions que nous investissons - à mon avis, le moment est venu de se pencher sérieusement sur la question.

J'ai de nombreuses questions à poser au sujet de votre analyse sur l'égalité des règles. Je me réjouis de ce que vous ayez exprimé des réserves en disant que c'est une ébauche de rapport et que de nombreuses parties en sont remises en question. Par exemple, j'ai été frappé par l'utilisation de ce nouveau terme «uplift». On emploie tout à coup un euphémisme, en parlant de «uplift». Nous ne parlons plus de subventions, mais de «uplift». Pour le grand public, c'est une bonne façon de dire que nous subventionnons la prospection pétrolière ou l'exploitation de combustibles fossiles, ou autres. J'espère que dans la version modifiée, nous appellerons les choses par leur nom. Je ne sais pas ce que veut dire «uplift».

En second lieu, je ne vois aucune mention faite de l'environnement dans ce document. J'ai été frappé de vous entendre dire que l'environnement comptera désormais parmi les facteurs pris en compte de façon permanente. Si l'on commence à calculer les coûts sans tenir compte des répercussions environnementales dès le départ, cette étude est à mon avis très incomplète. Je n'y trouve aucune comparaison entre les emplois dans le secteur des énergies renouvelables et celui des combustibles fossiles.

Nous parlons continuellement de capitaux, comme si c'était l'élément le plus important. À mon avis, ce n'est qu'un élément parmi d'autres. Toute la comparaison se fonde sur les capitaux investis dans un projet. Les capitaux ne sont qu'un aspect du projet. Il faut tenir compte des autres aspects: les emplois et l'environnement sont deux des facteurs essentiels dont il faudrait tenir compte.

.1150

Allez-vous améliorer cette fameuse analyse sur l'égalité des règles - tout cela ne m'a pas l'air très égal - en ce qui a trait aux sources d'énergie renouvelable? En tant qu'environnementaliste, autant vous dire ce que j'en pense: je ne vois rien d'égal là-dedans. Comptez-vous remanier cette analyse pour y inclure une comparaison de la question des emplois et de celle de l'environnement par rapport à l'ensemble du projet? Quel est l'échéancier prévu? Lorsque vous dites que c'est une étude permanente, est-ce une ébauche préliminaire que nous avons actuellement sous les yeux? Quels sont les délais prévus pour sa présentation?

M. Cleland: Vous avez raison de signaler les lacunes de cette étude. Vous avez tout à fait raison de dire qu'elle ne tient pas compte de certains avantages ou désavantages d'ordre social qui sont étroitement liés aux données fournies ou aux projets mentionnés.

Je ne pense pas pouvoir fournir de réponse satisfaisante à votre dernière question, à savoir si nous tiendrons compte de ces autres facteurs. En principe, nous allons essayer de le faire mais sur le plan pratique, les choses deviennent rapidement très confuses.

M. Haites a dit qu'il est difficile de calculer les coûts environnementaux d'un projet ou d'un autre. Tout cela est très flou. Les coûts peuvent varier énormément. On pourrait donc indiquer des fourchettes et les inclure dans l'analyse. Mais dès qu'on essaie de le faire, les choses deviennent de plus en plus confuses. Les données sont de plus en plus sujettes à controverse.

Il s'agit d'un univers assez restreint à partir duquel nous avons établi des hypothèses simplifiées au sujet d'un certain nombre de projets «représentatifs». Nos interlocuteurs nous ont dit que nos petits projets de prospection pétrolière ou gazière ne sont pas vraiment représentatifs, et que n'importe quel autre projet le serait davantage.

Certaines personnes qui s'inquiètent de l'énergie éolienne ont dit que notre projet, d'après notre étude, n'indique pas de façon exacte à quoi devrait servir un projet d'énergie éolienne. Nous avons deux exemples d'efficacité énergétique qui indiquent un uplift négatif, ou une subvention négative. Il existe d'autres sortes de projets axés sur l'efficacité énergétique qui indiqueront que l'efficacité énergétique et la production énergétique seront assujetties aux mêmes règles.

Nous essayons d'élargir la gamme de projets. Nous essayons d'obtenir de meilleures garanties que les exemples que nous avons choisis sont les bons, et que ce sont des projets solides et durables pour l'opinion publique. Si nous obtenons cette garantie, nous disposerons d'un bon terrain d'entente qui nous permettra ensuite d'inclure tous les facteurs dont vous avez parlé.

Notre tâche première est de répondre à l'appel lancé par M. Martin dans son budget de l'année dernière. Voilà le fruit de nos efforts, avec les réserves que je viens d'indiquer. Nous ne pourrons pas tenir compte de tous les facteurs dont vous avez parlé à temps pour le prochain budget.

M. Lincoln: Je ne peux pas m'empêcher de plaisanter, mais lorsque vous avez parlé d'un uplift ou d'une subvention négative, je pensais que c'était pour le moins paradoxal. On devrait peut-être parler de uplift et de facteurs négatifs, par exemple, pour que les gens comprennent mieux.

M. Haites a dit que moins de 5 p. 100 des dépenses totales consacrées chaque année à l'énergie... Lorsque vous dites moins de 5 p. 100, cela paraît acceptable à première vue, mais même si on considère ces chiffres, cela représente quand même environ 300 millions de dollars en deux ans, ce qui est une somme assez importante.

.1155

Je voulais poser une question à Mme Cairns à ce sujet, car elle a participé à l'étude antérieure sur les questions fiscales, l'économie et l'environnement. J'ai remarqué dans le rapport que lorsque vous avez examiné la subvention à EACL, certains étaient pour la suppression de celle-ci mais d'autres pour son maintien. Tous les arguments pour et contre ont été présentés et on a fini par ne rien faire car on était dans une impasse.

Ainsi, si nous proposons de nouvelles méthodes à l'avenir, qu'il s'agisse d'une étude de référence ou d'autre chose, que pensez-vous du processus antérieur et que nous recommandez-vous de faire pour sortir de l'impasse lorsque les avis sont partagés et que rien ne se passe?

Mme Cairns: Le groupe de travail qui a été constitué a agi prématurément en créant une groupe d'étude composé de représentants de tous les intervenants dont les membres ont cherché avant tout à défendre les droits de leurs secteurs d'activité respectifs. Ce groupe a été constitué avant que nous n'ayons rassemblé les faits et terminé l'analyse. De ce fait, nous avons passé énormément de temps à discuter de toutes sortes de choses sans pouvoir nous fonder sur des études plus indépendantes.

L'étude de référence, quelle qu'elle soit, aurait dû être faite en premier, qu'elle ne porte que sur un ou deux secteurs et qu'on en parle ensuite, ou qu'elle soit faite de façon plus indépendante et porte sur une très longue période, après quoi on aurait pu constituer un groupe d'étude composé de divers intervenants en cause.

L'autre problème, c'est que notre groupe a été nommé en début juillet et qu'il devait présenter son rapport avant la fin novembre. Tout le processus a été politisé dès le départ car on nous demandait de faire des recommandations en vue du budget. Même s'il nous était donné une occasion importante de proposer certains changements qui ont été apportés dans le dernier budget, cela a également eu pour effet de politiser fortement une question qui avait fait l'objet de très peu d'analyse et de débat. De ce fait, il nous a été impossible de nous occuper de l'essentiel, à savoir dégager un consensus, trouver des terrains d'entente quant aux objectifs que nous poursuivions et recueillir véritablement toute cette information. La discussion a tout de suite été catapultée sur la scène politique et nous avons dû faire notre travail dans des délais extrêmement restreints. En fait, il y a maintenant un an que nous attendons la réponse du gouvernement à notre rapport, et pourtant nous avons fait à l'époque l'objet de pressions pour terminer toute notre étude dans un délai de trois mois.

À mon avis, avant de recommencer ce genre de chose... D'abord, un groupe de travail constitué de représentants de tous les intervenants n'est pas la tribune qui convient. Il faut faire appel à des experts beaucoup plus indépendants qui se pencheront sur les problèmes. Tous les intervenants ont énormément d'intérêts à défendre dans ce genre de questions. Il faut procéder tout d'abord à une analyse plus indépendante et ensuite consacrer beaucoup de temps à l'élaboration des hypothèses, des critères et des objectifs, ainsi qu'au rassemblement des données, avant de commencer à envisager des recommandations proprement dites.

M. Lincoln: Merci.

M. Wappel: Bonjour, mesdames et messieurs.

Je pourrais peut-être commencer par un compliment à l'intention de Mme Cairns. J'ai trouvé votre document excellent - à commencer par le titre:«Les obstacles fiscaux et l'environnement: obstacles à l'énergie durable au Canada». C'est l'objet de notre discussion et, dans votre document, vous fournissez des exemples d'obstacles fiscaux et formulez certaines recommandations. Je vous en félicite. Je ne suis pas toujours d'accord avec vous, mais au moins il y a des recommandations, au moins on cerne certains problèmes, ce qui sert de point de départ à notre discussion.

Je ne suis pas d'accord avec vous à la page 7, où vous parlez de - et je sais que c'est l'un de vos sujets favoris car cela revient à plusieurs reprises - l'énergie nucléaire. Vous dites que cela reflétera de manière plus précise et efficace la préférence du marché pour les technologies énergétiques, tout en réduisant une subvention à un secteur nocif pour l'environnement. Je suppose que vous partez du principe que l'énergie nucléaire est nocive pour l'environnement et que c'est un fait acquis. Je ne suis pas d'accord avec vous. C'est pourquoi j'aimerais que nous portions notre attention sur les mégaprojets.

.1200

Le tableau 1 est très intéressant, monsieur Cleland. Même si j'y dénote une tendance très nette, tout le monde n'est apparemment pas de mon avis. Je constate une tendance relative à un cycle de sept ans pour les mégaprojets.

Soit dit en passant, j'ai appris aujourd'hui même que nous discutons en réalité de mégaprojets dans le domaine pétrolier. C'est l'objet de notre discussion. Fichtre, si nous avions un mégaprojet en vue d'envoyer un satellite survoler l'équateur et de focaliser l'énergie solaire, grâce à des prismes, sur certains panneaux solaires répartis dans tout le pays, ce serait aussi un mégaprojet. Les environnementalistes n'y verraient rien à redire. C'est pourquoi je pense que nous discutons surtout de mégaprojets concernant les hydrocarbures.

D'après la tendance qui ressort de ce tableau, il y aura des coupures de 311 millions de dollars en sept ans dans les mégaprojets concernant les hydrocarbures. Où ira cet argent? Il ne sera certainement pas consacré aux mesures d'efficacité énergétique et aux sources d'énergie de remplacement car cela ne représente que 17 millions de dollars. Cet argent ne servira certainement pas à d'«autres» projets car il y a une diminution de 13 millions de dollars dans cette rubrique. Je constate que rien n'est prévu dans le domaine nucléaire où tous les projets sont en veilleuse.

De toute évidence, la tendance, c'est qu'on utilise l'argent économisé sur les mégaprojets pour rembourser la dette. Je n'ai rien à y redire de façon absolue mais on ne réaffecte pas les fonds récupérés des projets concernant les hydrocarbures pour les investir dans l'efficacité énergétique et les sources d'énergie de remplacement. Je tenais à le signaler.

Voilà où je veux en venir: il a été décidé quelque part que l'industrie pétrolière est nocive pour l'environnement. Le gouvernement se penche-t-il sur la question, seul ou de concert avec d'autres parties, pour proposer des mégaprojets tombant dans la catégorie de l'efficacité énergétique et de l'énergie de remplacement: énergie éolienne, cogénération, énergie solaire - bref, une orientation autre que les projets d'hydrocarbures?

Monsieur Haites, vous avez dit je crois que l'impact environnemental se produit au moment de la conversion énergétique. C'est exactement ce que vous avez dit, sauf erreur. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous voulez dire car j'en déduis que le point de conversion du charbon, c'est sa combustion, mais à mon avis, c'est l'extraction du charbon qui présente le plus de risques pour l'environnement. Voulez-vous expliquer votre pensée, après que Mme Cairns et M. Cleland auront répondu à ma question et à mes observations sur les mégaprojets.

Le président: Et de préférence de façon succincte.

Mme Cairns: Tout dépend de la façon dont on conçoit un mégaprojet. On pourrait concevoir un mégaprojet axé sur l'efficacité énergétique au Canada, en prévoyant un programme intensif d'amélioration écoénergétique des immeubles de tout le pays. Ce n'est pas la façon dont on conçoit en général les mégaprojets, mais si nous voulons faire preuve de créativité, nous pouvons envisager ce genre de chose. Cela serait tout à fait compatible avec les diverses politiques officielles du gouvernement concernant l'énergie et l'environnement. Cela permettrait de réaliser d'énormes économies à des entreprises de tout le pays. Cela permettrait aussi la création de nouveaux emplois. Les améliorations écoénergie font appel à beaucoup de main-d'oeuvre. Ces mesures pourraient être mises en oeuvre dans toutes les localités du pays.

M. Wappel: Veuillez m'excuser. J'espère que nous sommes ici pour faire preuve de créativité.

Mme Cairns: Oui. Ce genre de mégaprojet visant l'efficacité énergétique me paraît passionnant. Toutefois, lorsqu'on parle de mégaprojet en général, on pense plutôt à des activités de prospection locale faisant appel à une technologie énorme.

Je remarque qu'aux États-Unis, par exemple, où les subventions à la R et D dans l'industrie ont diminué, bien des gens qui concevaient de nouvelles technologies de type guerre des étoiles à l'intention de l'industrie militaire appliquent désormais les mêmes recherches à des mégaprojets moins nocifs pour l'environnement. Cela va tout à fait à l'encontre des projets de petite envergure, à l'échelle humaine et souples qui nous semblent mieux adaptés à une politique énergétique plus écologique, axée sur une stratégie plus décentralisée et plus modulaire. Il n'existe pas qu'une source unique. C'est une combinaison de différentes sources d'énergie. La tendance est à un plus grand nombre de projets de moins grande envergure répartis dans tout le pays, par exemple.

.1205

M. Cleland: J'ai quelques remarques à faire à ce sujet.

Vous avez parfaitement raison de dire que l'on abandonne peu à peu les mégaprojets énergétiques et les grands programmes de dépenses consacrés à l'énergie. D'après l'examen de programmes effectué l'an dernier, il semble qu'on essaye de réduire les dépenses dans divers secteurs de l'économie.

Cela dit, je ne voudrais pas donner l'impression que la diminution des dépenses relatives aux mégaprojets énergétiques est due au fait qu'une personne a déclaré que les hydrocarbures sont nécessairement nocifs pour l'environnement. L'exploitation des hydrocarbures a un impact sur l'environnement et nous connaissons tous les conséquences environnementales de l'utilisation de ces produits.

Toutefois, je pense que ce n'est pas aussi simple. Il s'agit d'adopter une bonne politique économique en général et de décider s'il faut continuer de subventionner la production de diverses choses. À bien y réfléchir, les subventions directes visant ce genre de projet ne semblaient pas viables, sur le plan économique ou financier. On peut dire que ce n'est pas nécessairement mauvais pour l'environnement, cela pourrait même présenter certains avantages d'ordre environnemental.

Je conviens avec Mme Cairns que la meilleure chose à faire, c'est sans doute de réaliser des petits projets de moindre envergure, de façon à vraiment exploiter la créativité des gens.

Nous avons investi des sommes considérables, par exemple, dans les améliorations écoénergie au début des années quatre-vingt, où en un an, nous avons dépensé jusqu'à 400 millions de dollars uniquement pour aider les propriétaires à mieux isoler leurs maisons. C'était une somme considérable dont une bonne partie a été dépensée en vain car ces subventions ont représenté un gain inattendu pour bien des gens qui auraient de toute façon sans doute effectué ce genre d'investissement.

Nous avons constaté qu'il est beaucoup plus efficace et en tout cas plus rentable de collaborer avec des gens pour profiter des avantages qui existent déjà, grâce à des mesures comme notre programme des innovateurs énergétiques, ou aux projets entrepris dans le cadre de l'initiative fédérale dans le secteur du bâtiment, au gouvernement fédéral. Ce sont là de meilleures façons de financer ce genre d'investissement tout en permettant aux gens de profiter des économies qui en découleront.

Il existe sans doute d'autres exemples de mesures à prendre qui n'impliquent pas la dépense de fonds publics importants qui de toute façon ne sont pas disponibles, comme nous le savons tous.

M. Haites: Cette citation est exacte et vous avez raison de dire que l'exploitation houillère et la production pétrolière et gazière ont des répercussions sur l'environnement.

Je voulais dire que d'après mon information, au point de conversion, lorsqu'on brûle du charbon pour produire de l'électricité ou fabriquer de l'acier, les répercussions sont dans l'ensemble bien plus graves que celles découlant de l'étape de la production et de la transformation.

M. Wappel: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Adams.

M. Adams (Peterborough): Je vous remercie tous de vos exposés.

Ce qui est regrettable lors de ce genre de table ronde, c'est que nous tenons compte des tableaux et des statistiques en préparant notre rapport mais que cela ne tombe jamais dans le domaine public. Par exemple, lorsque les gens prennent connaissance de nos délibérations sur Internet, il manque énormément de renseignements auxquels nous avons accès mais pas d'autres personnes.

Monsieur Cleland, j'examine le tableau 3. Cet aspect de l'analyse sur l'égalité des règles me paraît très important. Je sais que certains en ont parlé, mais puisque nous pourrions envisager toutes les hypothèses possibles, ce serait formidable de pouvoir évaluer de façon précise dans quelle mesure les différentes sortes d'énergie sont favorisées par le régime fiscal.

Or, en l'occurrence, ces pourcentages indiquent dans quelle mesure ces différents types d'énergie sont favorisés par le régime fiscal. Est-ce bien cela ou est-ce que quelque chose m'échappe?

M. Cleland: Il s'agit de revenir en arrière et d'examiner la méthodologie, mais un niveau...

M. Adams: Il y a une méthodologie.

M. Cleland: Oui, on peut dire.

M. Adams: Je constate que les chiffres indiqués correspondent au pourcentage des coûts en capital et non des coûts d'exploitation. Par exemple, pour les sables bitumineux, il s'agit du forage, etc. C'est bien cela?

Je ne sais pas ce qu'on entend par coût en capital. Cela s'applique peut-être aux machines? Y a-t-il d'autres coûts? C'est ce que j'essaie de comprendre. Est-ce une façon de mesurer la subvention du coût total de l'énergie provenant de ces sources?

.1210

M. Cleland: C'est calculé par rapport à l'investissement, mais en définissant les projets, nous avons essayé de tenir compte de la totalité des recettes découlant du projet du début à la fin. Le calcul est donc essentiellement fondé sur les coûts en capital.

M. Adams: Par exemple, il y a les petits projets pétroliers et gaziers dont l'aide est de 6,8 et 7,6 p. 100 respectivement. Puis nous passons aux projets liés au pétrole extra-côtier, qui reçoit une aide de 17 p. 100; quant aux sables bitumineux, ils bénéficient d'un appui fiscal de 21 p. 100; il y en a d'autres.

Comment en êtes-vous arrivé à 138 p. 100 pour l'éthanol? Où vont les 38 p. 100 excédentaires? Une fois payé les 100 p. 100...

M. Cleland: Eh bien, je suppose que c'est vrai. Mathématiquement, au-delà de 100 p. 100, il n'y a plus de limite.

Il s'agit simplement du pourcentage par rapport au coût en capital. Le montant de l'incitation fiscale peut donc être exprimé en n'importe quel pourcentage, si vous voulez. C'est dû tout simplement au montant de l'exemption de la taxe d'accise par rapport à l'ampleur de l'investissement.

M. Adams: Bien, passons à autre chose.

Il y a également des pourcentages négatifs. Les améliorations écoénergétiques et les murs accumulateurs de chaleur, qui sont des choses statiques, indiquent un effet négatif. Est-ce à dire qu'ils nous rapportent?

M. Cleland: D'une certaine façon, bon nombre de dépenses fiscales... En fait, la déduction pour amortissement accéléré équivaut à un report d'impôt. Une déduction pour amortissement ralenti, ce qui est envisagé ici, équivaut presque - je crois qu'on peut le dire - à un paiement d'impôt anticipé, d'une certaine façon.

C'est tout simplement dû au fait que l'amortissement comptable réel de ces investissements est beaucoup plus rapide que celui prévu aux termes de notre régime fiscal. D'une certaine façon, ces secteurs ne nous rapportent rien. Tout dépend simplement du moment où les paiement sont effectués par rapport à la façon dont l'investisseur les indique dans sa comptabilité.

M. Adams: Madame Cairns.

Mme Cairns: Je suis d'accord avec cette explication. Pour les projets sur l'éthanol, l'uplift est dû principalement aux exemptions de la taxe d'accise.

En fait, d'après mon interprétation de l'analyse - et l'auteur est présent et pourra peut-être nous fournir de plus amples explications - , le cas de l'éthanol est peut-être une exception. Dans ce cas-là, l'incitation fiscale n'est pas en rapport avec l'investissement direct en coût en capital. Il est en rapport avec l'exemption de la taxe d'accise et de la taxe sur le carburant.

M. Adams: Oui, je remarque que l'Association canadienne des producteurs pétroliers nous a fourni une documentation dont on n'a pas parlé. Il s'y trouve un tableau où ces calculs sont ventilés, et on peut voir ce qui en est. Toutefois, cette incitation provient essentiellement de la taxe d'accise fédérale et surtout de la taxe sur le carburant provinciale.

Mme Cairns: L'exemption de la taxe d'accise s'applique également au propane et au gaz naturel. Je ne voudrais donc pas donner l'impression qu'elle ne vise que l'éthanol.

M. Adams: Où se trouve l'énergie nucléaire dans ces tableaux? Avez-vous tout simplement décidé de ne pas en tenir compte?

M. Cleland: Oui, d'une certaine façon. Nous avons choisi les projets de façon arbitraire.

M. Adams: Si on voulait l'inclure dans le tableau, quel serait le pourcentage pour l'énergie nucléaire? Citez-moi un taux approximatif. Serait-ce 5 p. 100 ou 100 p. 100?

M. Cleland: Le problème en l'occurrence c'est que les centrales nucléaires au Canada sont toutes des sociétés d'État non assujetties à l'impôt. C'est pourquoi nous avons décidé de ne pas inclure l'énergie nucléaire. Je ne peux même pas vous citer de pourcentage approximatif.

M. Adams: Madame Cairns, pourriez-vous...?

Une voix: Dans les centaines.

M. Adams: C'est pourquoi j'ai posé la question. Serait-ce 5 p. 100 ou 100 p. 100?

Mme Cairns: Je ne pense pas qu'il soit possible de spéculer à ce sujet car la plupart des centrales sont des sociétés d'État qui se trouvent en amont de la chaîne nucléaire. Par exemple, EACL est une société d'État et la plupart du cycle de carburant nucléaire n'est pas assujetti à l'impôt un point c'est tout. Cela s'applique à tous les secteurs, sauf l'extraction de l'uranium.

.1215

Vous pourriez vous faire une idée approximative en considérant l'incidence qu'a eue sur les installations de l'Alberta la suppression, lors du dernier budget provincial, de la Public Utilities Income Tax Transfer Act. En vertu de cette nouvelle disposition, les installations provinciales appartenant à des intérêts privés devront désormais verser de l'impôt, ce qu'elles ne faisaient pas par le passé. Cela vous donnera une petite idée, même si, de toute évidence, le coût d'une centrale au charbon doit être très différent de celui d'une installation d'Hydro-Ontario, par exemple.

Le président: Monsieur Finlay.

M. Finlay: Cette discussion est des plus intéressantes. Je vous sais gré de nous avoir communiqué toute cette information.

Monsieur Cleland, vous avez fait au début une remarque importante dont j'ai pris note. Vous avez dit que nous devrions refuser de nous laisser impressionner par la complexité, sans pour autant nier son existence.

C'est une remarque pertinente à mon avis. Toutefois, il y a peut-être certaines choses, pourtant simples, qui nous échappent. Mme Cairns a dit que la population mondiale est censée doubler d'ici à l'an 2050, et l'approvisionnement énergétique est censé quadrupler...

Mme Cairns: La demande énergétique.

M. Finlay: ...la demande énergétique est censée quadrupler et pourtant nous devrons réduire de 60 p. 100 nos émissions de dioxyde de carbone. Ensuite, M. Haites a signalé que l'énergie a surtout des répercussions sur l'environnement lorsqu'on l'utilise, lorsqu'on la transforme en énergie motrice, en chaleur ou autre, par exemple l'électricité pour allumer une ampoule. Lorsque nous discutons de tout cela et de l'énergie et de sa conservation, je me demande si nous n'avons pas tendance à l'oublier.

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à l'économie d'énergie et à la conservation en générale, il y avait une chose que je n'arrivais jamais à comprendre au sujet du marché: plus on utilise d'électricité, moins celle-ci coûte cher. À mon avis, l'une des meilleures courbes sur la consommation excessive d'énergie...

D'après les chiffres les plus récents que j'ai vus, nous, Canadiens, sommes les plus gros consommateurs du monde d'énergie par habitant. Allons-nous jamais nous en sortir? Je sais que cela échappe à votre contrôle, car c'est du ressort d'Hydro-Québec et d'Hydro-Ontario. Toutefois, plus nous consommons d'électricité, moins cela leur coûte cher. Je paie plus cher pour éclairer ma maison que ces grandes sociétés pour fondre l'aluminium. Je pense que nous ne devrons pas l'oublier.

Monsieur Haites, vous avez également fait trois commentaires à la fin de votre intervention. Vous avez dit qu'il y a des solutions possibles. Les mesures d'efficacité énergétique sont désavantagées par rapport aux incitations visant l'approvisionnement énergétique. Il faut tenir compte du coût des extrants en calculant le coût des carburants, ou alors il faut rendre plus stricts nos règlements concernant les émissions, en vue de les plafonner, ou fournir des incitations à la conservation de l'énergie. Ce sont là trois options possibles qui nous sont offertes. Nous pourrions les adopter toutes les trois, ou certaines d'entre elles, ou aucune.

Je me demande si les participants à la table ronde voudraient commenter mes paroles et me donner peut-être chacun un exemple d'une activité ou d'une mesure d'économie d'énergie que nous pourrions encourager au moyen du régime fiscal fédéral.

Mme Cairns: Quelqu'un m'a déjà posé ce genre de question épineuse. Eh bien, il est évident que l'énergie est un secteur de compétence partagée au pays et un grande nombre de questions liées aux tarifs des services publics provinciaux, par exemple, ne peuvent donc pas être influencées par des mesures fédérales.

À long terme - mes commentaires aujourd'hui concernaient principalement le court terme - , je suis absolument certaine que vous ne pourrez pas utiliser des règlements pour contrôler pleinement les questions environnementales à régler dans le secteur de l'énergie. À long terme, une certaine forme de taxe environnementale sera la meilleure façon de résoudre la vaste gamme de questions énergétiques soulevées dans ce secteur.

Il est très intéressant de voir que beaucoup de choses commencent à se produire. Je pense en particulier aux multiples avantages qu'on peut retirer de mesures visant par exemple le rendement énergétique. Nous constatons que bien qu'on en ait discuté surtout en rapport avec les émissions de dioxyde de carbone, ces mesures rapporteront des avantages considérables dans la réduction des émissions d'anhydride sulfureux, d'oxydes d'azote et de composés organiques volatiles, ainsi que les problèmes de smog urbain.

.1220

Par conséquent si nous pouvons commencer à examiner, à long terme, des questions comme une taxe sur les hydrocarbures au Canada, c'est évidement considéré comme une question très explosive. Il n'y a pas encore eu de bon débat sur la question au Canada. Mais je me reporte à la discussion d'hier, je pense qu'un débat en profondeur concernant la taxe sur les hydrocarbures au cours duquel on envisage de réduire d'autres taxes, par exemples les charges sociales... Si l'on imposait une mesure comme une taxe sur les hydrocarbures, les gagnants aussi bien que les perdants apparents pourraient se rallier autour du débat politique sur la question.

Comme dans le cas de tout levier économique, la question essentielle est la conception d'un tel levier et des propositions ont déjà été formulées relativement à la conception d'une taxe sur les hydrocarbures qui permettrait de recycler les recettes pour les mettre à la disposition des diverses provinces, par exemple.

Un autre exemple très intéressant que je vous signale est le livre du Plan vert. Il y a un exemple très intéressant, celui de la réduction des frais imposés en Suède pour les émissions d'oxydes d'azote et de composés organiques volatiles, car il s'agit-là d'un levier économique extrêmement innovateur, destiné à utiliser la carotte et le bâton pour augmenter l'efficacité dans la production au sein du secteur des services publics dans ce pays.

Le président: Monsieur Cleland.

M. Cleland: D'une manière générale, je pense que votre argument est très valable. La question est énorme, elle concerne le très long terme, et nous travaillons vraiment sur la touche ici, mais je pense que c'est probablement tout ce que nous pouvons faire, nous pouvons seulement prendre les mesures qui sont raisonnablement claires.

Je ne veux pas essayer de vous donner une liste de choses que vous devriez faire ou proposer; je pense en effet que ce serait inapproprié de ma part de faire de telles recommandations. Je vous fais cependant part du travail que nous avons accompli en ce qui concerne l'uniformisation des règles du jeu. Bien que je vous aie prévenu qu'il ne faut pas trop généraliser et bien que vous puissiez constater, si vous en discutez davantage avec d'autres, que certains diraient que nous n'avons pas tout à fait raison, il semble s'y trouver cependant des choses auxquelles il vaut la peine de réfléchir: les conséquences pour certains types de déductions, dans le cas d'investisseurs dont les impôts sont limités - autrement dit, des investisseurs qui ne paient pas d'impôt et qui ne peuvent pas transmettre ces avantages à d'autres investisseurs.

Nous avons parlé de l'aspect rendement énergétique. Je fais une mise en garde. Ces chiffres montrent que les investissements dans la modification d'immeubles, que ces modifications améliorent le rendement énergétique ou non, sont désavantagés en vertu de nos calculs. Vous devez donc y réfléchir. À première vue, toutefois, il semblerait vraiment que vous risquiez de faire entrer une injustice dans le système. J'ose ajouter également que si vous examinez d'autres investissements destinés à améliorer le rendement énergétique, comme certains équipements dans un processus de fabrication, vous obtiendriez un résultat différent. Il faut donc prendre garde de trop généraliser.

D'autres pourraient pousser cette analyse plus loin, à l'aide de leurs propres hypothèses, et ces analyses pourraient nous révéler des choses utiles.

Le président: Monsieur Haites.

M. Haites: Mes confrères vous ont fait les meilleures suggestions. Pour ma part, j'estime que notre situation financière ne nous permet pas de promouvoir des incitatifs particuliers. Je préfère donc vous suggérer de réduire les incitatifs prévus actuellement par le régime, et de le faire de façon à traiter équitablement l'efficacité énergétique et les diverses sources d'énergie.

Mme Cairns a avancé des arguments qui me plaisent. À long terme, l'idéal serait de restructurer le régime fiscal de façon à imposer ce qui est nocif pour l'environnement plutôt que ce qui est bon pour l'économie, tel que la main-d'oeuvre et le capital. La transition sera difficile, mais j'estime que cette approche, si elle est mise en oeuvre avec soin, engendrera de grands avantages environnementaux et économiques.

.1225

Le président: Merci.

J'aimerais poser deux ou trois questions avant de céder la parole aux témoins suivants. Ma première question, monsieur Cleland, porte sur le tableau 2 et les dépenses fiscales et elle fait suite aux questions posées par M. Forseth un peu plus tôt. Ce tableau indique que, en 1991, les dépenses fiscales totales ont été de six millions de dollars. Dans le rapport du gouvernement du Canada sur les dépenses fiscales, ces dépenses totalisent 283 millions de dollars la même année. Dans votre réponse, vous avez semblé attribuer les écarts aux dépenses comptables. Êtes-vous bien sûr que ce soit le seul facteur? À quoi attribuez-vous l'énorme écart entre ces deux chiffres?

M. Cleland: Monsieur le président, on me dit que cet écart est tout simplement attribuable à cette différence. Mes collègues du ministère des Finances pourraient probablement vous expliquer en détail comment cela fonctionne. Mais je crois savoir que les chiffres figurant au rapport du gouvernement du Canada représentent simplement le total des déductions sans amortissement comptable. Nous en avons discuté avec les fonctionnaires du ministère des Finances et ils ont reconnu, comme je l'ai dit, que notre méthode est théoriquement plus juste et conforme au traitement réservé aux autres secteurs.

Le président: Merci.

Je passe maintenant au tableau 1. En un sens, ce tableau représente une déclaration de politique de la part d'EnerCan. D'abord, au sujet du nucléaire, êtes-vous certain que l'entente s'applique jusqu'en 1997-1998, et que 177 millions de dollars additionnels sont prévus pour cette année-là? Je vous pose la question parce que la ministre, dans une lettre qu'elle m'a fait parvenir en octobre, a indiqué que l'entente intervenue avec EACL prend fin une année plus tôt. Je vous demande donc si vous êtes certain qu'on prévoit toujours d'engager 177 millions de dollars.

M. Cleland: S'agit-il de l'entente avec le groupe des propriétaires du Candu? Est-ce de cette entente que vous parlez?

Le président: L'entente avec EACL.

M. Cleland: Les chiffres qui figurent ici sont ceux du Budget des dépenses principal. Il est vrai qu'ils font l'objet d'un examen par le ministre.

Le président: Vous l'avez indiqué plus tôt.

M. Cleland: Oui.

Le président: Je veux seulement savoir si cette entente lie votre ministère jusqu'à l'année financière 1997-1998.

M. Cleland: Encore une fois, s'il s'agit de l'entente sur les services publics, je crois que vous avez raison de dire qu'elle se termine un an plus tôt.

Le président: Envisagez-vous la possibilité d'affecter une partie de ces fonds à l'efficacité énergétique et aux énergies de remplacement?

M. Cleland: Non. Je ne pourrais vous dire ce que feront les ministres s'ils réduisaient les dépenses pour la R et D à EACL, mais ce n'est pas une possibilité que nous, nous envisageons à l'heure actuelle.

Le président: Ne croyez-vous pas que vous devriez l'examiner?

M. Cleland: Je suppose que oui. De nos jours, tout ministère qui pourrait proposer des façons de financer un programme prioritaire devrait le faire. Toutefois, j'ai l'impression que les ministres voudront affecter ailleurs les sommes qui pourraient être épargnées.

Le président: J'en suis maintenant à la colonne pour 1995-1996. Si vous faites le total des mégaprojets et des autres projets en matière de pétrole... ça vous donne autour de 325 millions de dollars. Cela signifie que 65 p. 100 du budget total d'EnerCan est consacré aux combustibles fossiles. Compte tenu de cette répartition politique de vos ressources, croyez-vous pouvoir remplir l'engagement du Canada de stabiliser les émissions de dioxyde de carbone d'ici à l'an 2000?

M. Cleland: Vous posez en fait deux questions. La première porte sur l'année 1995-1996, et vos chiffres sont exacts. J'ajouterai seulement qu'il importe de savoir qu'une bonne partie de cette somme sert à des paiements législatifs contractuels que nous sommes tenus de faire et qui sont temporarisés au cours des deux ou trois prochaines années. Cela nous donne une idée de ce que seront les dépenses en matière d'énergie vers la fin de notre siècle.

Ces chiffres ou ce que j'en dégage peuvent-ils nous dire si nous pourrons atteindre notre objectif de stabilisation? De trop nombreux autres facteurs entrent en jeu. Ils représentent peut-être une petite partie de l'équation d'ensemble. Si je prends le chiffre de M. Haites, 5 p. 100... c'est peut-être 2 p. 100, je l'ignore. Manifestement, il faudra redoubler d'effort pour atteindre notre objectif.

.1230

Le président: En concluez-vous que les politiques budgétaires ne peuvent nous aider à remplir notre engagement en matière d'émissions de dioxyde de carbone?

M. Cleland: Non, je n'irais pas jusque-là. Au contraire, elles peuvent être utiles, c'est évident.

Le président: Merci beaucoup.

Merci à tous. Le temps est un véritable tyran aujourd'hui. Nous avons encore deux témoins très importants à entendre. J'espère que vous pourrez rester jusqu'à la fin; vous pouvez prendre place dans les premières rangées.

Je prie maintenant M. Jeff Passmore et M. Landry de bien vouloir nous aider à conclure cette séance très importante.

Monsieur Passmore, voulez-vous commencer? Veuillez nous faire part de vos réflexions avec concision.

M. Jeff Passmore (vice-président, Independent Power Producers' Society of Ontario): Monsieur le président, Len Landry et moi-même venons de nous rencontrer pour la première fois; nous sommes encore à nous saluer. Je commencerai puisque le président me demande de le faire.

Merci de m'avoir invité. Je m'appelle Jeff Passmore. Je suis vice-président de la Independent Power Producers' Society of Ontario, président élu de l'Association canadienne de l'énergie éolienne et membre du comité de l'énergie de la Chambre de commerce de l'Ontario. Je suis aussi président sortant de la section d'Ottawa de l'International Association for Energy Economics.

Je témoigne aujourd'hui en mon nom personnel. Toutefois, pour me préparer, je me suis entretenu avec des avocats fiscalistes, des financiers, des promoteurs et des universitaires tous actifs dans le domaine de l'énergie renouvelable, des nouvelles technologies énergétiques et de mesures fiscales liées à l'environnement.

Le président: Puisqu'il est déjà tard, pourriez-vous limiter vos remarques à dix minutes je vous prie?

M. Passmore: Certainement.

J'ai remis un document aux membres du comité. Je le passerai en revue rapidement.

Mes recommandations sont en fait peu nombreuses. D'ailleurs, elles ne sont même pas originales puisqu'elles figurent toutes les deux dans le document intitulé «Instruments économiques et obstacles à de saines pratiques environnementales». Malheureusement, bien que ces recommandations aient déjà été faites dans ce document qui a maintenant plus d'un an, je témoigne devant votre comité encore une fois pour faire les mêmes demandes. Cela vous donne une idée de ce que je pense des études en général et du rôle qu'elles jouent dans les délibérations de votre comité - du moins, à court terme.

.1235

Je présume que votre comité sait que le secteur des technologies des nouvelles sources énergétiques est prêt à agir. Les technologies ont fait leur preuve. Je présume en outre que le groupe de conférenciers a défini le développement durable, comme l'a fait le président hier ainsi que M. Wappel, je crois, le gouvernement libéral ayant déjà indiqué que le développement durable est un de ces objectifs.

Notre objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de façon à ce qu'elles soient ramenées aux niveaux de 1990 d'ici à l'an 2000. À mon avis, selon le scénario actuel, ces objectifs ne seront pas atteints. Le gouvernement devra prendre des mesures directes s'il veut que nous atteignons ces objectifs dans le contexte du développement durable.

Les prix devront être fixés de façon à refléter le coût social optimal. Nous reparlerons dans une minute ou deux, ou peut-être pendant la période de questions, de ce que j'entends par coût social optimal.

Si votre véritable objectif est celui du développement durable, l'égalité des règles pour tous ne vous permettra pas nécessairement d'atteindre ce but. Cela m'apparaît important. Qu'un environnement sain coûte cher, il faut le reconnaître. Si on assure simplement l'égalité des règles financières, on n'accorde aucune valeur au développement durable. Autrement dit, si nous sommes tous égaux, le développement durable n'est pas prioritaire. Le développement durable et la protection de l'environnement ne se feront que si le gouvernement intervient de façon directe pour montrer sa préférence pour les mesures facilitant la réalisation de cet objectif.

Nous devons déterminer la valeur que nous accordons à notre objectif et prendre les mesures qui sont conformes à cette valeur. Il faut d'abord établir la valeur. Peu importe que ce soit 100 millions de dollars par année, que ce soit une valeur nominale ou autre; il faut d'abord établir la valeur pour ensuite élaborer l'approche financière conséquente.

On a beaucoup parlé ce matin de l'étude de l'égalité des règles qu'a effectuée RNCan. Encore une fois, nous n'aurons probablement pas le temps d'aborder cette analyse en détail. Vous trouverez en annexe de mon mémoire des lettres à ce sujet.

En ce qui concerne l'application des règles fiscales, je dirai simplement que les conclusions préliminaires de l'étude de RNCan sont erronées, car on y dit que les règles sont essentiellement les mêmes pour tous, que l'énergie classique n'est pas avantagée. Cela m'amène à formuler une recommandation.

Cette étude m'a laissé un peu perplexe. On y parle de choses comme de la règle de propriété et de la question de savoir si elle s'applique à l'énergie ou pas; cela a une incidence sur les conclusions de l'étude. Au moment de la réunion de concertation, l'investisseur se demande d'abord et avant tout si la règle de propriété s'applique en matière d'énergie. Bien sûr, selon la loi, elle s'applique.

Les conclusions de cette étude ne peuvent être acceptées dans leur forme actuelle, et il nous faudra collaborer avec RNCan pour aider ce ministère à mieux comprendre la situation.

Au risque de vous apprendre des choses que vous savez déjà, je décris ensuite dans mon mémoire quelques options budgétaires. Si nous continuons d'utiliser le régime fiscal pour réaliser les objectifs en matière d'environnement et d'énergie - et soit dit en passant, les puristes du monde universitaire vous diront qu'on ne devrait pas le faire - , j'ai deux suggestions à faire. La première est simple et la seconde, plus complexe.

On devrait d'abord permettre le financement par action accréditive pour tous les projets d'énergie renouvelable, pour tous les investisseurs possibles, comme on le fait à l'heure actuelle dans le secteur pétrolier. Pour nous, du secteur de l'énergie renouvelable, cela semble aller de soi. Essentiellement, c'est ce que recommandait le rapport «Instruments économiques et obstacles à de saines pratiques environnementales» d'il y a un an. À prime abord, on voit mal pourquoi les investisseurs du secteur de l'énergie renouvelable ne pourraient avoir accès au capital des sociétés d'investissement en capital risque, des fonds de pension, des sociétés d'assurance et d'autres entreprises du secteur privé, comme on le permet au secteur pétrolier.

On pourrait aussi imposer, en guise de mesure dissuasive, une taxe sur les hydrocarbures. Mme Cairns vient de soulever cette question controversée. À mon avis, lorsqu'on dit que cette solution n'est pas acceptable du point de vue politique, on va à l'encontre de l'objectif du développement durable. La taxe sur les hydrocarbures pourrait être plus facile à accepter si on supprimait une taxe d'un montant équivalent ailleurs.

.1240

Le recours au régime fiscal comporte ces problèmes, tels que l'absence de transparence, les fuites et les abus. Toutefois, je ne crois pas qu'il y ait plus de fuite ou d'abus de nature fiscale que dans les programmes de subventions.

De même, la question de la transparence, bien qu'elle soit plus complexe, peut être réglée par une intégration plus complète des dépenses fiscales au processus budgétaire. Je sais qu'on a déjà pris des mesures en ce sens, mais on pourrait aller plus loin.

Avec la deuxième option, on n'utilise pas le système fiscal pour réaliser ces objectifs en matière d'environnement et d'énergie. Si le prix est déraisonnable, et il l'est du point de vue environnemental, la solution n'est pas le recours au régime fiscal, mais plutôt l'octroi direct de subventions et de prêts pour les grands projets conformes aux objectifs politiques. Cela a l'avantage d'être très transparent.

On peut aussi imposer des frais directs à des activités particulières ou une taxe à la source même du problème. Autrement dit, on utilise des taxes et des impôts plutôt que le régime fiscal même pour établir le prix à partir du coût complet.

Ainsi, les taxes sur l'essence imposées à la pompe indiquent clairement aux consommateurs qu'ils peuvent continuer à conduire leur véhicule, même s'il s'agit de voitures qui consomment beaucoup d'essence. Avec une taxe, l'essence devient si cher que les gens veulent conduire des véhicules à haut rendement énergétique.

Selon ce scénario, les gouvernements peuvent établir leurs objectifs et ensuite consentir des prêts et des subventions aux projets qu'ils préfèrent. On pourrait même créer une banque de l'énergie renouvelable qui accorderait des prêts sans intérêt pour ces projets. Les subventions, elles, seraient octroyées en fonction du rendement.

Cette option comporte des difficultés. Ainsi, d'après mon expérience, les fonctionnaires ont souvent du mal à faire la distinction entre les bons projets et les mauvais projets. Ça implique aussi beaucoup de paperasserie, mais c'est un obstacle qu'on pourrait surmonter si les projets étaient choisis au niveau politique.

À court terme, je recommande que, dans le budget de 1996, le gouvernement adopte la première solution. Cette recommandation est décrite plus en détail dans un des documents en annexe de mon mémoire et dans le texte que je présenterai au ministère des Finances dans le cadre des consultations prébudgétaires de 1996. Soit dit en passant, cette recommandation a aussi été faite avant le dépôt du budget de 1995, mais on n'y a pas donné suite. Je recommande donc une nouvelle fois dans mon mémoire prébudgétaire de 1996 qu'on permette le financement par actions accréditives dans le secteur de l'énergie renouvelable, comme dans le secteur pétrolier.

Nous recommandons aussi des approvisionnements écologiques en électricité. Le gouvernement fédéral a l'occasion d'être le chef de file dans ce domaine, tout comme il l'a été en matière de recyclage du papier. Puisqu'il consomme lui-même de l'énergie, il peut donner suite aux demandes des consommateurs et exiger qu'un certain pourcentage de la consommation de l'électricité soit écologique. À Ressources naturelles Canada, on a déjà commencé à explorer cette question. Votre comité pourrait appuyer ce genre d'initiative. Un document à ce sujet est annexé à mon mémoire.

La question du coût social m'amène à parler de l'étude de base qui sera faite. Mais je veux d'abord m'assurer que je pourrai appuyer cette étude. Cela sera possible si les organismes de l'extérieur de la bureaucratie fédérale apportent leur contribution. Pour l'instant, nous n'avons que l'étude sur l'égalité des règles et, déjà, on semble incapable de s'entendre. Je crois que le secteur a déjà envoyé sept ou huit lettres en réponse à une question aussi simple que de savoir si les règles du financement par actions accréditives s'appliquent de façon équitable à tous.

Mais quand il s'agit d'établir le coût social, cela devient beaucoup plus complexe. Si vous vous référez à la dernière page de mon document, vous y trouverez un exemple de ce dont les témoins qui m'ont précédé parlaient. Quatre études ont été effectuées, des études qui comparent l'impact des carburants fossiles, nucléaires et renouvelables sur l'environnement, et cela, en cent par kilowatt-heure. Comme vous le voyez, les écarts sont énormes.

Par conséquent, les décideurs que vous êtes se heurtent à la question: Qu'est-ce que nous faisons maintenant? D'une part, les chiffres sont si faibles qu'ils restent facilement dans la marge d'incertitude que nous conservons de toute façon dans notre planification, ou alors ils sont tellement élevés qu'ils provoqueraient d'énormes ondes de choc, et par conséquent, cette voie nous est fermée en tant que politiciens car il y va de notre réélection.

À mon avis, la solution est de se fixer des objectifs, et sur cette base, d'observer les réactions du marché, de déterminer les implications de ces objectifs sur l'environnement, après quoi, on peut effectuer des ajustements au fur et à mesure.

.1245

Monsieur le président, voilà un exposé quelque peu précipité, mais j'essaie de respecter votre règle de dix minutes.

En conclusion, il faut corriger les messages que l'on transmet par le biais des prix, en modifiant les taxes et les droits, et débloquer du capital en reconduisant les actions accréditives comme dans le secteur pétrolier. D'autre part, il faut ouvrir le marché au pouvoir vert en mettant l'accent sur le pouvoir vert dans les approvisionnements fédéraux.

Le président: Merci, monsieur Passmore.

[Français]

Monsieur Landry, à vous la parole.

[Traduction]

M. Len Landry (vice-président, Politique fiscale et services commerciaux, Association canadienne des producteurs pétroliers): L'Association canadienne des producteurs pétroliers représente 190 compagnies productrices de pétrole au Canada, ce qui constitue environ 95 p. 100 de la production de pétrole et de gaz au Canada.

Monsieur le président, membres du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir accordé ces quelques instants ce matin. Vous avez dû recevoir un document que je vais feuilleter assez rapidement pour en dégager les principaux éléments. Je vous demande de suivre sur votre exemplaire.

Le secteur pétrolier emploie directement environ 70 000 Canadiens, et à cela il faut ajouter 110 000 emplois connexes, ce qui donne un total d'environ 190 000. Ce secteur dépense environ 22,5 milliards de dollars au Canada, des fonds qui, en général, sont consacrés à l'emploi de Canadiens et à l'achat d'intrants produits au Canada.

Cette industrie paie aux gouvernements du Canada entre 3,5 et 5,5 milliards de dollars par année, et la majeure partie de cet argent sert à...

M. Adams: Je me demandais ce que vous entendiez par en amont.

M. Landry: L'amont, c'est tout le domaine de la production, et n'ont pas du raffinage, c'est-à-dire toutes les opérations d'extraction du pétrole et du gaz jusqu'au moment où ils sont canalisés.

M. Adams: Merci.

M. Landry: Nous versons environ 5 milliards de dollars par année aux gouvernements, la majeure partie de cet argent est destinée aux provinces, qui sont propriétaires des ressources et qui, par conséquent, touchent des redevances et des droits d'accès sur le territoire. Pour ce qui est des dépenses et des investissements en amont, chaque année nous réinvestissons pratiquement la totalité de nos liquidités. En 1994, nous avons réinvesti 122 p. 100 de nos liquidités. Nos investissements représentent environ 13,2 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à 17 p. 100 du total des investissements canadiens à l'exclusion du secteur résidentiel.

C'est une industrie qui est également très importante pour le Canada puisqu'elle fournit les deux tiers des sources d'énergie que nous utilisons.

Le président: Je suis le premier à reconnaître l'importance de ce que vous dites, mais n'oubliez pas que le comité s'intéresse aujourd'hui aux études qui ont été effectuées sur la durabilité de nos ressources. Peut-être pourriez-vous en tenir compte lorsque vous choisissez vos graphiques.

M. Landry: Oui. Je tiens seulement à signaler que notre secteur est très important pour les Canadiens, qu'il fait partie intégrante de l'économie de notre pays.

Si vous voulez, je peux passer directement à la balance commerciale. Les exportations de notre secteur s'élèvent à environ 15 milliards de dollars, ce qui nous vaut une balance commerciale nette de 10,6 milliards de dollars. En l'absence de ces exportations du secteur énergétique, le Canada aurait un déficit commercial de l'ordre de 5 milliards de dollars.

Quelle est la situation actuelle de notre secteur sur le plan économique? En ce qui concerne le pétrole brut, le rapport réserves/production a beaucoup baissé depuis quelques années. En dépit de réinvestissements considérables et d'une activité intense dans le secteur de la prospection, le niveau de nos réserves en pétrole et en gaz baisse par rapport à la production. Le gouvernement du Canada a adopté une excellente politique pour trouver des débouchés et stabiliser le marché, mais pour en tirer les avantages, l'industrie doit sans cesse réinvestir à des niveaux très élevés pour remplacer la production utilisée.

.1250

Comme on l'a entendu ce matin, la position actuelle du secteur de l'extraction n'est pas particulièrement favorable. Les taux de rendement sont de l'ordre de 2 à 4 p. 100 par an, ce qui est bien inférieur à ce qui existe dans le secteur nonfinancier.

La séance d'aujourd'hui est consacrée au rôle du régime fiscal actuel dans le secteur environnemental. À mon avis, le régime fiscal n'est pas l'élément clé des décisions prises par le secteur pétrolier en matière d'environnement. Les deux éléments clés sont les suivants: des pratiques commerciales solides et l'application des règlements en place.

Le secteur environnemental a beaucoup fait pour favoriser une prise de conscience chez les Canadiens et par conséquent, ne serait-ce que sur le plan commercial, le secteur pétrolier a intérêt à en être conscient également et à prendre des mesures pour ne pas faire fuir ses clients. Par conséquent, nous mettons l'accent sur deux activités principales: la réduction volontaire des émissions et les nouvelles technologies.

Vous avez sous les yeux un schéma qui décrit la participation importante du secteur pétrolier aux opérations de réduction des émissions des gaz à effet de serre. Nous avons déjà connu un certain succès dans cette entreprise puisque nous avons réussi à réduire les émissions de gaz carbonique ou leur équivalent de 3,62 millions de tonnes par année.

Sur le plan technologique, nous avons illustré ici plusieurs méthodes de forage. J'attire votre attention en particulier sur la méthode de «forage oblique». Ces deux technologies permettent de forer des puits multiples à partir d'une plate-forme unique, ce qui oblige à toucher à un seul site en surface et non à plusieurs. Cela permet également de forer sous des plans d'eau, ou encore sur des terres particulièrement fragiles du point de vue de l'environnement. La technologie du forage horizontal permet d'amorcer le forage parfois jusqu'à deux milles du site où on pense trouver du pétrole.

Cette technologie, le forage horizontal, a pris beaucoup d'expansion au Canada, en particulier en Saskatchewan, où un système de redevances favorable encourage les gens à faire appel à cette technologie.

Du côté des usagers, voici une autre technologie, une centrale électrique Herminston. Il s'agit d'une technologie nouvelle qui permet d'installer une centrale électrique dans un site restreint à proximité d'une collectivité. Cela remplace ces énormes centrales électriques. Ce système est plus efficace lorsqu'on utilise des turbines à gaz. Dans cet exemple, on récupère la chaleur dégagée par la turbine à gaz pour alimenter une autre turbine, celle-là à vapeur, qui produit plus d'électricité. La vapeur est ensuite utilisée par une usine de transformation de la pomme de terre se trouvant dans cette municipalité. C'est un avantage de plus pour la collectivité.

Dans le graphique suivant, vous voyez quelles sont les émissions de ce type d'usine. Elles sont bien inférieures à celles d'autres types de centrales.

.1255

Je passe maintenant à l'étude qui a été effectuée et la question de savoir si le régime fiscal favorise la production d'hydrocarbures. Mike Cleland a déjà discuté de cette question tout à l'heure.

On peut se demander si RNCan a bien choisi ses projets pilotes et, dans le domaine du pétrole et du gaz, si on avait choisi d'autres projets, on n'aurait pas vu beaucoup de différence quant à leur place dans le système.

Il y a des éléments intéressants. Par exemple, dans l'allocation ressources, on voit un surclassement à partir du système fiscal, mais si on considère l'ensemble de l'industrie, c'est l'inverse. L'industrie paie plus d'impôts que si les redevances étaient déductibles.

En conclusion, je passe à la dernière page qui contient une courte étude que nous avons demandée à DRI/McGraw-Hill. Si on remplace les dépenses canadiennes dans le secteur de la prospection par les jalons ou les indicateurs normalisés prévus dans le livret sur les dépenses fiscales - c'est là qu'on déduit les opérations de prospection qui n'ont eu aucun résultat et qu'on capitalise les efforts couronnés de succès - le modèle nous apprend qu'à court terme, le gouvernement fédéral gagnerait certaines recettes, mais qu'à long terme, il y perdrait. Quant aux autres gouvernements, ils perdraient dans tous les cas. Notre PIB diminuerait et nous perdrions des emplois.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Landry.

M. Steckle (Huron - Bruce): Monsieur Passmore, j'aimerais vous poser une ou deux questions très courtes.

Vous avez mentionné les compagnies d'assurance comme sources de capital, vous avez même parlé des fonds de pensions. Dans quelle mesure l'industrie privée a-t-elle réussi à exploiter ces sources de capital?

M. Passmore: Ce que j'essayais d'expliquer, c'est que la catégorie 43 actuelle limite la gamme des compagnies auxquelles vous pouvez vous adresser quand vous cherchez du capital pour un projet d'énergie renouvelable. On est forcé de s'adresser au secteur l'énergétique.

Nous aimerions que cette catégorie soit changée pour permettre aux exploitants du secteur de l'énergie renouvelable de faire appel aux sources de capital que j'ai mentionnées: les fonds de pensions, les compagnies d'assurance, le capital risque, etc. Pour l'instant, on s'attend à ce que nous nous en tenions au secteur énergétique, c'est-à-dire à nos concurrents, pour trouver des capitaux à investir dans le secteur de l'énergie renouvelable.

Prenez l'exemple de l'exploitation éolienne de 20 mégawatts qui existe actuellement à Pincher Creek dans le sud-ouest de l'Alberta. Nous avons passé deux ans et demi à chercher des investisseurs dans les environs de Calgary avant de nous adresser finalement à un investisseur de Toronto qui pouvait se prévaloir de la catégorie 34, une catégorie préférable à la catégorie 43. Cela dit, il nous a tout de même fallu deux ans et demi pour trouver un investisseur.

La règle sur les propriétés énergétiques spécifiées s'applique et cela défavorise les promoteurs du secteur de l'énergie renouvelable qui cherchent des fonds.

M. Steckle: Voilà qui est intéressant. L'énergie éolienne, c'est quelque chose qui tient à coeur à ma circonscription. En fait, dans ma circonscription, il y a des gens qui s'occupent de la conception et de la production de lames de rotor pour la compagnie allemande Tacke Windpower.

M. Passmore: Oui, j'ai vu cette machine.

M. Steckle: Pensez-vous que ce soit au producteur ou au consommateur d'assurer la durabilité du secteur énergétique, ou bien pensez-vous qu'il s'agit d'une responsabilité partagée? Quel est votre sentiment?

Si vous le permettez, un deuxième élément à cette question: comment le système financier fédéral actuel traite-t-il les producteurs et les usagers? Avez-vous des exemples de la façon dont le système fiscal fédéral décourage ou encourage les différents secteurs à assumer cette responsabilité?

M. Passmore: C'est une grosse question, mais, et vous excuserez le terme - c'est le consommateur qui, lorsqu'il réclame le service, crée l'externalité. Autrement dit, vous et moi réclamons un service énergétique. Nous voulons pouvoir conduire notre automobile, et c'est cette demande qui provoque la pollution. Le consommateur doit donc assumer une part de la responsabilité, et commencer par reconnaître les résultats de ses exigences.

.1300

Les clignotants des prix sont un mécanisme qui peuvent l'aider à prendre conscience de cet impact. Cela nous amène à la deuxième partie de votre question, c'est-à-dire le rôle des gouvernements. Leur rôle devrait peut-être être de s'assurer que les clignotants des prix sont les bons indicateurs. Si les consommateurs sont totalement ignorants des impacts sur l'environnement, ils ne prendront pas les mesures nécessaires pour les éviter.

À l'heure actuelle, ce que vous et moi payons en notre qualité de consommateurs, c'est ce qu'on appelle le coût privé. C'est ce qu'il en coûte pour produire cette énergie dans le privé, qu'il s'agisse d'électricité ou de carburant. Les coûts environnementaux ne viennent pas s'y ajouter. Par contre, si vous additionnez les coûts privés et les coûts environnementaux, vous obtenez les coûts sociaux. Voilà ce que j'ai expliqué dans mon exposé lorsque j'ai parlé des résultats socialement optimaux.

Ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour encourager cet objectif, pourrait passer par le régime d'imposition du revenu, ou pas, selon votre préférence. Si vous décidez d'utiliser ce régime, j'aimerais qu'on mette les actions accréditives à la disposition des investisseurs dans le secteur de l'énergie renouvelable.

On peut également utiliser le concept des taxes directes sur les émissions, c'est ce dont Eric Haites a parlé, et cela revient à taxer l'aspect conversion.

Les secteurs réservés sont une autre option pour les gouvernements. Ils peuvent déclarer que telles proportions de l'électricité ou de l'énergie produite au Canada doivent être tirées de sources d'énergie verte. Les prix verts sont un terme utilisé pour tenir compte des impacts sur l'environnement.

J'ai donné l'exemple des approvisionnements gouvernementaux verts. Cela figurait déjà dans le livre sur les instruments économiques de l'année dernière; nous y discutions des rôles que le gouvernement fédéral pourrait jouer. C'est un secteur qui est largement contrôlé par les compagnies d'électricité provinciales.

Le gouvernement fédéral, avec ses 50 000 édifices dans tout le Canada, est un énorme consommateur d'énergie électrique. En sa qualité de consommateur, il a un poids considérable. Il pourrait déclarer aux diverses compagnies d'électricité, dans les provinces: nous sommes votre client, nous exigeons que tel pourcentage de l'énergie que nous vous achetons provienne de l'énergie verte.

À l'heure actuelle, Ressources naturelles Canada envisage une initiative de cet ordre, et tout le soutien que votre comité pourrait lui accorder dans ses recommandations, serait probablement bienvenu.

Les normes de performance sont un autre mécanisme que le gouvernement fédéral peut employer. On pourrait assortir les plafonds fixés pour les émissions de permis échangeables qui autorisent l'industrie à fonctionner dans la limite de ces plafonds et à effectuer certains ajustements, selon la capacité de réaction plus ou moins rapide des diverses industries. Cela dit, ces plafonds devraient baisser progressivement parce que nous ne savons pas vraiment quel est le niveau de consommation de carburant fossile qui peut être maintenu de façon durable. En fait, nous ne savons pas vraiment quelle quantité de carbone peut être déversée dans l'atmosphère.

À l'heure actuelle, nous commençons tout juste à élaborer des mesures de durabilité. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il ne fallait pas y consacrer trop de temps. Si nous tenons à la rigueur intellectuelle et à l'intervention d'experts de l'extérieur, je suis d'accord avec l'idée d'une étude de base, mais en attendant, il y a déjà des choses que nous pouvons faire. À mon avis, nous devons fixer des objectifs et observer ensuite les réactions du marché et de l'environnement pour voir si ces objectifs sont suffisamment dynamiques.

Permettez-moi de vous donner un petit exemple, en Californie, l'assemblée législative a décidé que d'ici l'an 2000 un certain pourcentage des véhicules devraient être sans émissions, je crois qu'il s'agissait de 1 ou de 2 p. 100. Dans l'industrie automobile, ça a causé une véritable panique. Ils ont dit que ce n'était pas possible, que c'était ridicule. Le gouvernement a décidé de tenir bon et d'adopter la loi de toute façon. Et vous savez ce qui se produit actuellement? L'industrie automobile est en lutte ouverte, chacun essayant d'obtenir la plus grosse part de ce marché-là. Autrement dit, quand les gens connaissent les règles, ils s'en accommodent et ils cherchent à en tirer parti.

M. Adams: Monsieur Passmore, j'ai remarqué que Ressources naturelles Canada avait organisé cet atelier sur les approvisionnements gouvernementaux verts. Vous avez rapporté de la documentation de cet atelier. Est-ce qu'un procès-verbal a été publié? Est-ce qu'on pourrait voir cela?

M. Passmore: Voulez-vous que je dépose un exemplaire du procès-verbal complet auprès du comité?

M. Adams: Oui.

M. Passmore: Tout ce que je vous ai donné, ce sont les recommandations.

M. Adams: Pouvez-vous nous lire le titre très rapidement?

.1305

M. Passmore: Oui. Il s'agit de l' «Atelier sur les approvisionnements fédéraux verts», Ottawa, 27 septembre 1995, organisé par Ressources naturelles Canada.

M. Adams: Merci beaucoup, c'est parfait.

M. Passmore et M. Landry, je suis particulièrement heureux que vous participiez à ces audiences pré-budgétaires, encore une fois, me direz-vous.

Pouvez-vous me décrire ce crédit d'impôt sur la production d'énergie? Il me semble que cela va au coeur même de notre discussion. Vous dites que le secteur du pétrole et du gaz peut s'en prévaloir mais pas le secteur de l'énergie renouvelable. Vous dites également qu'aux États-Unis le secteur de l'énergie renouvelable peut profiter d'un tel crédit. Pouvez-vous nous décrire très rapidement en quoi consiste ce crédit d'impôt sur la production d'énergie?

M. Passmore: Le crédit d'impôt sur la production d'énergie est décrit dans notre documentation. Pour gagner du temps, ne vaudrait-il pas mieux...

M. Adams: Pourriez-vous le faire en quelques mots? Je comprends de quoi il s'agit, j'aimerais seulement que cela figure dans le procès-verbal.

M. Passmore: Je vais me référer à l'intervention de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. À l'heure actuelle, le crédit d'impôt sur la production d'énergie «n'existe pour aucune forme d'énergie renouvelable. Certains crédits d'impôt sont à la disposition des secteurs du pétrole et du gaz.»

M. Adams: Écoutez, excusez-moi, mais je vous demande seulement de nous le décrire? Je crois avoir compris de quoi il s'agit, je pourrais essayer de le décrire moi-même, si vous le voulez. J'aimerais que cela figure dans le procès-verbal.

M. Passmore: Les crédits d'impôt existent sous diverses formes. Peut-être vaudrait-il mieux que vous m'expliquiez comment vous comprenez cela. Je pourrais ensuite vous dire si votre réponse est conforme.

M. Adams: Il s'agit d'un crédit sur l'énergie véritablement produite, n'est-ce pas?

M. Passmore: Oui.

M. Adams: C'est un crédit de tant par kilowatt-heure, ou quelque chose de ce genre, sur l'énergie produite, et non pas sur les opérations de production. Cela dit, pour chaque kilowatt-heure d'énergie éolienne produite, on vous donne une sorte de crédit d'impôt.

M. Passmore: C'est exact.

M. Adams: Très bien. Oh, monsieur Landry, vous profitez déjà de cela, n'est-ce pas?

M. Landry: Non, nous n'avons aucun crédit d'impôt. Il ne reste aucun crédit d'impôt au Canada, à l'exception du crédit d'impôt sur les investissements dans les Maritimes. Je ne sais pas très bien à quoi vous faites allusion.

M. Adams: Monsieur Passmore, j'ai trouvé cela à la page 4 de votre document qui a sept pages et qui porte sur le budget de 1996. Au sujet du crédit sur la production d'énergie, vous dites:

M. Passmore: D'accord. Je dois préciser que ce document a été préparé pendant la fin de semaine, et je n'ai pas eu le temps de vérifier les détails de cette assertion.

Si M. Landry ne peut pas vous répondre, je ne sais pas si je suis en mesure de le faire moi-même.

M. Adams: D'accord, c'est parfait. Si vous pouvez m'envoyer un complément d'information, je l'apprécierais.

M. Passmore: Oui.

M. Adams: Monsieur Landry.

M. Landry: Je veux seulement répéter qu'il n'existe pas de crédit d'impôt sur la production de pétrole. Il y a des déductions fiscales, mais pas de crédit d'impôt. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion.

M. Adams: D'accord, merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Adams. La période des questions commence dans 50 minutes, nous allons donc essayer de terminer cette séance assez vite.

Monsieur Finlay, je vous en prie.

M. Finlay: Monsieur le président, j'ai beaucoup apprécié cette documentation, et je me demande si M. Landry pourrait nous expliquer un peu plus en détail le graphique de la dernière page qui s'intitule «Impact économique des modifications apportées au traitement des dépenses de prospection au Canada...». Je n'ai pas l'impression que vous ayez donné des détails. Vous l'avez peut-être fait, mais...

M. Landry: Seulement très rapidement. C'est le changement dont Stephanie Cairns et d'autres ont parlé aujourd'hui. Plutôt que de permettre une radiation immédiate de 100 p. 100 des dépenses de prospection, on ne permettrait une radiation de 100 p. 100 que si le puits est stérile ou s'il s'avère improductif.

Le coût de forage d'un puits productif serait capitalisé et amorti sur une certaine période, peut-être à raison de 30 p. 100 par an, peut-être sur toutes la durée du puits. Cela résulterait en une augmentation d'impôt pour l'industrie. Si on inclut cette augmentation d'impôt, ce changement, dans le modèle économétrique canadien de DRI, on obtient cette incidence sur les recettes fédérales, sur l'emploi et sur le PIB.

.1310

M. Finlay: Qu'est-ce que DRI?

M. Landry: DRI est Data Resources International. Il s'agit d'une grande entreprise de modèlisation économétrique comme le Conference Board of Canada ou Informetrica que vous connaissez peut-être. Cette entreprise est bien connue. Je pense que le ministère des Finances utilise également certaines de ces études.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Monsieur Landry, j'aimerais que vous me précisiez quelque chose sur les tableaux concernant le rapport réserve-production du pétrole brut classique et le rapport réserve-production pour le gaz naturel. Est-ce que cela veut dire que l'on a en réserve un approvisionnement de pétrole brut pour 15 ans?

M. Landry: Oui, cela veut dire qu'au rythme de production actuel, avec les réserves prouvées, récupérables que nous avons, nous avons réserves pour 10 ou 15 ans, selon le produit. On parle du principe qu'aucun autre puits ne sera foré, qu'il n'y aura pas d'autres réserves prouvées, et que l'on n'a aucune raison de craindre que ces chiffres aient diminué. L'Office national de l'énergie en est arrivé à ces chiffres en partant du principe que pourvu que l'on continue de réinvestir, on en arrivera peut-être davantage au rapport réserve-production d'Amérique du Nord, mais que nous pourrions toujours remplacer la production de chaque année, que nous pourrions trouver suffisamment de réserves chaque année pour remplacer ce que nous avons produit et qu'il nous resterait environ l'équivalent de 10 à 12 années de réserve dans le sol.

Mme Kraft Sloan: Voulez-vous parler des réserves dans le sol là où des puits ont été forés?

M. Landry: Oui, là où il y a des puits qui permettent une production.

Mme Kraft Sloan: À votre avis, pour combien d'années encore nous reste-t-il de réserves de pétrole? Pour combien d'années encore nous reste-t-il de réserves de gaz naturel?

M. Landry: Dans le cas du pétrole, si on inclut les sables bitumineux, il nous reste...

Mme Kraft Sloan: Avec les sables bitumineux.

M. Landry: Avec les sables bitumineux, au rythme actuel de production, il reste quelques centaines d'années. Pour le gaz naturel, en ce qui concerne les réserves connues, il nous reste approximativement des réserves pour 50 autres années. Pour le pétrole, cela m'échappe; c'est un peu moins, pour le pétrole classique seulement.

Mme Kraft Sloan: Pour le pétrole classique, vous dites que c'est moins de 50 ans.

M. Landry: Oui. Mais ce sont des réserves qui ne pourraient être produites aux prix actuels.

Mme Kraft Sloan: C'est exact. Pour ce qui est des réserves totales qu'il reste, les meilleures estimations de l'industrie, on parle de 50 ans pour le gaz naturel et moins, pour le pétrole.

M. Landry: Oui, moins pour le pétrole.

Mme Kraft Sloan: Ce qui me préoccupe un peu, c'est que lorsqu'on envisage les réserves de gaz naturel et de pétrole brut, on s'attarde énormément aux subventions et à ce genre de choses alors qu'une autre génération et demie devra vivre avec les réserves actuelles. Je me demande si l'industrie du pétrole elle-même... Permettez-moi de vous donner un exemple.

Si vous étiez l'un des trois gros fabricants d'automobiles, et que vous fabriquiez des voitures personnelles, de toute évidence vous auriez certaines compétences pour ce qui est d'offrir aux gens diverses façons de se déplacer. Mais si vous constatiez l'impossibilité de ces appareils pour toutes sortes de raisons, alors peut-être décideriez-vous de vous diversifier. Votre industrie produit de l'énergie, et je sais qu'il s'agit d'énergie pétrolière. Est-ce que vous envisagez de vous diversifier dans d'autres domaines, dans des énergies plus renouvelables, étant donné que vous aurez épuisé vos ressources dans 40 ou 60 ans?

M. Landry: Vous vouliez d'abord savoir pourquoi le régime financier offrait un soutien étant donné la durée prévue des réserves. Je vous renvoie à l'étude de Ressources naturelles Canada selon laquelle le système n'offre pas actuellement un très grand soutien financier.

.1315

Deuxièmement, certains membres de notre secteur investissent dans d'autres formes d'énergie, mais leurs compétences et leurs connaissances se rattachent plus particulièrement au secteur pétrolier. De même que dans le secteur de l'automobile, on ne se lance pas soudain dans le secteur pétrolier, nous ne pouvons nous lancer très rapidement dans un autre secteur.

Par contre, nous investissons constamment dans de nouvelles technologies qui réduisent les incidences environnementales et qui permettent une production d'énergie moins énergivore et moins coûteuse. Ce n'est que grâce à ce réinvestissement que le potentiel des réserves pourra être exploité, ce qui nous donnerait environ 50 ans, ou un peu moins, pour le pétrole.

Mme Kraft Sloan: S'il était démontré qu'une taxe sur les hydrocarbures encourageait la préservation et la conservation des ressources pétrolières, votre industrie s'y opposerait-elle?

M. Landry: Je ne pense pas que notre industrie craigne l'épuisement des réserves. On continuera d'en trouver, et je ne crois donc pas pouvoir répondre à cette question.

Mme Kraft Sloan: Oui, mais s'il n'y en a plus dans 50 ans, on n'en trouvera pas d'autres.

Merci.

Le président: Monsieur Passmore, pour terminer, rapidement, nous reconnaissons comme vous qu'une étude complète ne peut se faire en deux temps trois mouvements et qu'il faut faire d'autres choses, comme vous le disiez plus tôt, il reste que cette étude a une certaine importance à long terme.

Imaginons qu'on lance cette étude et qu'un rapport soit prêt à l'automne prochain. Selon cette échéance, pourrait-on utilement se servir de l'étude de base pour le budget de 1997 et ceux qui suivraient? Outre vos commentaires sur la discipline et la composition du groupe d'étude, qui doit être restreint, quelles recommandations voudriez-vous faire au sujet de la composition du groupe de travail responsable de l'étude complète?

M. Passmore: Si le rapport pouvait être prêt l'automne prochain, je verrais certainement des avantages et une influence sur le budget de 1997, mais gardez à l'esprit qu'à mon avis, il faut agir dès le budget de 1996.

Le président: Nous y reviendrons tantôt. Concentrons-nous maintenant sur l'examen complet.

M. Passmore: Oui. Je n'avais pas de suggestions importantes à vous faire. C'est une tâche très complexe, monsieur le président, et sur ce sujet, j'aimerais bien pouvoir répondre au comité par écrit. J'ai vu tous les écueils que pouvait apporter quelque chose de très simple comme l'analyse sur l'égalité des règles qu'essayait de réaliser Ressources naturelles Canada. Je crains qu'il y ait beaucoup d'obstacles à un examen complet fructueux, comme vous le disait la semaine dernière Dave Runnalls.

D'après mon expérience, on consacre beaucoup de temps et d'argent à ce genre d'analyse. Je préfère voir une action et des mesures immédiates. Je comprends ce que disait Stephanie Cairns et j'y souscris. Dans certains cas, il faut se renseigner avant de pouvoir dire quelles mesures on va prendre. Cet examen a peut-être démarré un peu trop vite parce que ceux qui avaient des intérêts particuliers à défendre ont passé un temps fou en discussions.

Le président: Croyez-vous que les données dont se sert Ressources naturelles Canada ont été recueillies de manière suffisamment objective?

M. Passmore: Pour que le ministère fasse lui-même son examen complet?

Le président: Oui.

M. Passmore: Non.

Le président: Quelle est la principale source de données pour Ressources naturelles Canada, à votre avis?

M. Passmore: La question n'est pas seulement de savoir quelle est sa principale source de données, monsieur le président. Ainsi, l'un des commentaires formulés au sujet de l'étude sur l'égalité des règles de Ressources naturelles Canada, c'est que selon les chiffres de départ, on peut trouver les résultats nécessaires pour prouver ce qu'on veut. Tout ce qu'on voudrait voir pour cet examen complet, ce sont des tableurs électroniques. Nous devons savoir quels chiffres ont été utilisés, pour mieux comprendre comment on en est arrivé aux résultats. En effet, les conclusions tirées de cette étude ne correspondent pas à la réalité du marché.

.1320

Leurs chiffres sont de toute provenance. Beaucoup ont été recueillis par le ministère lui-même. D'autres, proviennent des services publics, de l'industrie, d'enquêtes et de Statistique Canada. Je crois que ceux qui participeront à cet examen complet doivent être étrangers à la fonction publique fédérale, pas seulement à Ressources naturelles Canada ou à d'autres ministères, mais ne pas appartenir à la fonction publique fédérale. On devrait y voir des scientifiques, des universitaires, etc. Cela devient une entreprise colossale, assez coûteuse et je me demande si elle pourra être terminée pour l'automne de 1996.

Le président: Qui doit diriger cet exercice?

M. Passmore: On pourrait peut-être voir à sa tête une combinaison de représentants des Finances, de l'Environnement et de Ressources naturelles Canada, ainsi que de l'extérieur, à condition qu'ils n'aient pas d'intérêts particuliers à défendre. Ce serait peut-être un groupe de cinq ou six personnes, représentant ces trois ministères et peut-être, quelqu'un du milieu universitaire qui n'a pas nécessairement un intérêt à défendre.

Le seul problème, avec le milieu universitaire... Je pense que vous aurez un exposé d'André Plourde, dans le courant de la semaine. Il reconnaît lui-même qu'il vous présentera un point de vue théorique, de science pure, et non fondé sur une expérience du marché.

Il est difficile de trouver des intéressés qui ne sont pas là pour défendre un point de vue particulier. C'est pourquoi il faut des gens comme vous. À un moment donné, les politiques vont devoir prendre des décisions.

Le président: Ma dernière question porte le prochain budget, dont vous avez parlé. Que souhaitez-vous voir dans le prochain budget pour l'avenir du secteur énergétique?

M. Passmore: Monsieur le président, nous ne sommes pas particulièrement ambitieux mais nous pensons que les très modestes suggestions que nous avons présentées dans le mémoire de l'Association canadienne de l'énergie éolienne - ayant trait aux actions accréditives et à l'équité des règles pour nous mettre sur un pied d'égalité avec le secteur pétrolier - seraient une initiative capitale pour qu'on puisse constater des résultats tangibles. C'est finalement la raison de ma présence ici. En effet, je ne suis pas ici pour aggraver le problème de la paperasserie. Je veux voir des résultats concrets. C'est ainsi que l'on pourra atteindre les objectifs fixés pour l'an 2000.

Je n'irai pas au-delà des très modestes suggestions que nous avons faites, soit les deux que je vous ai présentées, les actions accréditives et l'approvisionnement en énergie écologique, ainsi qu'une autre, dont a parlé M. Adams, soit le crédit d'impôt pour la production d'énergie, présentée dans le mémoire de l'Association canadienne de l'énergie éolienne.

Le président: Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de la recherche et du développement?

M. Passmore: Il y a pratiquement pas d'argent au Canada pour la recherche et le développement dans le secteur de l'énergie renouvelable. Pour l'énergie éolienne, qui n'est qu'un type d'énergie renouvelable, la recherche et le développement reçoit un financement inférieur à 1 million de dollars par an. On peut en dire autant du secteur de la photovoltaïque, de l'énergie solaire à conversion thermique et des petites centrales. Je pense qu'il y a un peu plus d'argent pour la bioénergie. Si on compare avec d'autres pays, nous consacrons peu à la recherche et au développement. Nous sommes en train de rater le coche.

Du côté de l'énergie éolienne, il y a 17 000 éoliennes en Californie, 2 000 dans un petit pays comme le Danemark et plus de 3 000, en Allemagne. Je dirais qu'il y a eu là une production de 500 mégawatts depuis deux ans et demi. La France, l'Espagne, tous ces pays... L'Inde a un très important projet d'approvisionnement en énergie éolienne. De ce côté-là aussi, on manque le coche.

Il est très important qu'il y ait un lien entre le marché et les travaux de recherche et le développement. Je pense qu'il faut en faire davantage dans ce demaine pour constamment améliorer la durée utile de nos moyens techniques mais faute de demande du marché, on gaspille l'argent consacré à la recherche et au développement. Il y a alors ce que j'appelle un arriéré de recherche et de développement parce qu'on fait de la recherche sur tout, mais les produits ainsi mis au point ne se vendent jamais.

.1325

Il faut donc attirer les besoins et le consommateur doit exiger de l'énergie écologique. Or, le gouvernement fédéral est un consommateur. Il faut aussi imposer les très modestes mesures fiscales que j'ai suggérées et imposer des taxes qui rajusteront les prix.

C'est facile à dire, mais plus difficile à faire dans certains cas. Particulièrement dans le cas des taxes.

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose avant que nous levions la séance?

M. Passmore: Non, merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de l'occasion que j'ai eu de vous parler. Je suis désolé d'avoir présenté si rapidement mon exposé au début. Je vous fournirai peut-être... Outre le matériel que je vous ai remis, j'avais préparé une réponse écrite aux six questions. Je vous les enverrai.

Le président: Monsieur Landry, avez-vous autre chose à dire?

M. Landry: Non, merci beaucoup.

Le président: Alors merci à vous deux. La séance est levée. Nous reprenons à 15h30.

Retourner à la page principale du Comité

;