[Enregistrement électronique]
Le jeudi 16 mai 1996
[Français]
Le président: Bon matin à tous et à toutes. Conformément à l'article 108(3)d) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics se réunit pour procéder à l'étude du chapitre 1 du Rapport du vérificateur général, déposé le 7 mai 1996, qui s'intitule «Autres observations de vérification - Revenu Canada - Fiducies familiales».
Je demanderais à nos six témoins de bien vouloir se présenter et d'indiquer leur fonction.
Commençons par le vérificateur général du Canada. Avant de procéder à la première présentation du vérificateur général, j'aimerais faire une remarque d'introduction et exprimer un voeu du comité.
M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Bonjour, monsieur le président.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint, et deM. Barry Elkin, directeur principal, Opérations en vérification, qui sont mes deux collaborateurs dans ce dossier.
M. Denis Lefebvre (sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique et de la législation, Revenu national): Denis Lefebvre, sous-ministre adjoint, politique et législation à Revenu Canada.
M. Pierre Gravelle (sous-ministre, Revenu Canada): Pierre Gravelle, sous-ministre, Revenu Canada.
[Traduction]
M. David Dodge (sous-ministre des Finances): Je m'appelle David Dodge et je suis sous-ministre des Finances.
M. Len Farber (directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Je m'appelle Len Farber et je suis directeur de la législation de l'impôt au ministère des Finances.
[Français]
Le président: Avant de donner la parole à M. Desautels, je vous demanderais de limiter vos présentations à 10 ou 12 minutes et de ne pas aller trop dans les détails techniques, afin de maximiser la productivité de cette rencontre. Si le Comité permanent des comptes publics vous a invités à témoigner devant lui, c'est parce que les députés avaient des questions intéressantes à vous poser sur le sujet.
Nous comprenons que vous soyez des sommités canadiennes en matière de fiscalité, ce qui n'est peut-être pas le cas de tous les députés qui sont ici devant vous. Nous avons toutefois eu des séances d'information de la part de nos recherchistes et avons donc de bonnes idées. Afin de maximiser l'efficacité des présentations, nous préférerions ne pas aller trop loin dans la mécanique ou dans le détail de toute cette question. Sur ce, je donne la parole à M. Desautels.
M. Desautels: Merci, monsieur le président. Je suis évidemment heureux d'être ici ce matin pour discuter de notre observation contenue dans le rapport de mai 1996. Cette observation soulève, comme vous le savez, de sérieuses inquiétudes sur l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et plus particulièrement sur l'imposition de certains gains en capital.
Je trouve encourageant que la ministre du Revenu national ait annoncé des initiatives pour répondre à nos préoccupations. Je puis vous assurer, monsieur le président, que nous surveillerons la mise en oeuvre de ces initiatives avec beaucoup d'intérêt.
En rédigeant cette observation, de façon à bien servir le Parlement et l'intérêt public, nous avons dû préserver l'anonymat des contribuables tout en fournissant l'information que nous jugions essentielle pour bien comprendre les questions qui sont soulevées.
Comme je l'ai dit dans mon rapport de 1993:
- 20.18 L'objet des décisions anticipées est de promouvoir l'observation volontaire, l'uniformité
et l'autocotisation en garantissant les conséquences fiscales de certaines opérations
qu'envisagent les contribuables. En supprimant le doute quant aux conséquences d'une
opération particulière, les décisions anticipées fournissent une certitude aux entreprises...
[Traduction]
L'observation de vérification soulève trois préoccupations: frustration possible des intentions du législateur concernant l'imposition des gains en capital, absence de documentation et d'analyse des décisions clés et traitement juste et équitable de tous les contribuables. Permettez-moi de vous parler brièvement de chacune des trois.
À notre avis, sauf certaines exceptions, l'intention de la Loi de l'impôt sur le revenu est que les gains en capital accumulés après 1971 sur les biens détenus par des résidents du Canada soient assujettis à l'impôt lorsque la propriété est aliénée, lorsque le résident décède ou lorsqu'il quitte le Canada. Dans le cas d'une fiducie qui réside au Canada, cette règle générale s'applique également.
Dans le cas d'un résident qui quitte le Canada, il existe une exception pour une catégorie de biens appelés biens canadiens imposables. Sans entrer dans les détails, nous sommes d'avis que l'intention de la loi n'est pas de traiter les actions de la société publique dont il est question dans l'observation comme des biens canadiens imposables. Bien que la Loi de l'impôt sur le revenu contienne plusieurs éléments probants appuyant ce point de vue, on a invoqué un paragraphe lié aux sociétés de personnes pour accepter les opérations dont nous parlons dans notre observation.
Vous noterez que dans la réponse de Revenu Canada à notre observation, le ministère convient que la question est complexe et ambiguë. Je suppose que cette question sera étudiée en profondeur par le Comité permanent des finances. J'espère que toute ambiguïté sera dissipée de sorte que la loi et son application continuent de refléter l'intention du Parlement.
[Français]
Notre deuxième préoccupation porte sur l'absence de documentation et d'analyse des décisions clés prises pour appuyer la décision favorable rendue en 1991. La pièce 1.4 montre la chronologie des étapes clés débouchant sur cette décision. Ce que je trouve frappant dans tout cela, c'est qu'il existe une piste claire de documentation et d'analyse pendant la période allant jusqu'au 23 décembre 1991 où Revenu Canada, y compris ses cadres supérieurs, croyait qu'il ne pouvait pas rendre une décision favorable. Une note datée du 23 décembre 1991 a été préparée par des cadres supérieurs. Cependant, pendant une série de réunions tenues la même journée, des cadres supérieurs de Revenu Canada, après avoir consulté des fonctionnaires du ministère des Finances, ont autorisé une décision favorable.
Tant Revenu Canada que le ministère des Finances nous ont informés que leur dossier ne contenait pas de compte rendus ou de documentation au sujet de ces réunions. Qui plus est, nous avons été informés que les dossiers du ministère des Finances ne contenaient pas de documentation étayant son opinion ou l'incidence fiscale éventuelle de l'avis qu'il a fourni. Nous avons aussi été informés que les dossiers de Revenu Canada ne contenaient pas d'analyse de l'incidence éventuelle sur les autres articles de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de l'incidence sur le cadre fiscal de l'acceptation de l'avis du ministère des Finances.
[Traduction]
Nous pensons que sans une analyse documentée comme il se doit, la reddition de comptes au public à l'égard des décisions de ce genre est compromise. Dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui, en raison de la contradiction entre la décision et l'opinion de 1985, de l'incohérence entre la décision de 1991 et d'une renonciation qui ne peut être appliquée qu'en allant à l'encontre de cette décision et de l'absence de documentation, nous ne comprenons pas les motifs sur lesquels les décisions sont fondées. De plus, nous continuons de nous occuper de l'absence d'analyse du risque d'opérations qui semblent avoir une incidence aussi importante sur l'assiette fiscale.
Je note que la ministre du Revenu national a instruit son ministère de prendre des mesures pour améliorer la documentation des interprétations de la politique fiscale. J'espère que le comité sera en mesure d'obtenir de Revenu Canada et du ministère des Finances qu'il s'engage fermement à analyser et documenter adéquatement à l'avenir les décisions importantes. Cela est essentiel afin d'assurer la reddition de comptes, de garantir que l'on tient compte de toutes les incidences fiscales éventuelles, et de renforcer la crédibilité du mécanisme d'administration fiscale.
Depuis le dépôt de mon rapport, on m'a demandé plusieurs fois si je mettais en question l'intégrité des cadres supérieurs. Je peux attester que nous avons fait de nombreuses vérifications ces dernières années à Revenu Canada et que, si nous avons parfois formulé des critiques et si nous avons souvent fait des recommandations visant à renforcer le rendement du régime fiscal, nous n'avons jamais eu de raison de douter de l'intégrité de la haute direction de Revenu Canada.
Notre troisième préoccupation a trait au traitement juste et équitable de tous les contribuables. Comme nous l'avons souligné dans l'observation, la décision anticipée de 1985 n'étaient pas du domaine public, alors que l'opinion de 1985, qui était d'un point de vue opposé, était du domaine public depuis quelque temps. Comme la décision de 1991 a finalement été publiée en mars 1996 et que les détails de cet arrangement fiscal sont maintenant du domaine public, je crois qu'il est encore plus urgent de corriger la situation.
[Français]
Enfin, je trouve encourageant que Revenu Canada ait annoncé qu'il comptait publier toutes ses décisions anticipées, en version dépersonnalisée bien sûr. Nous le lui avions recommandé en 1993 car nous pensions que le fait de rendre rapidement ses décisions publiques permettrait une application plus uniforme et plus cohérente de la loi. Tous les Canadiens profiteront aussi de la transparence accrue du régime fiscal et de la reddition de comptes améliorée qui en découleront.
Je vous remercie, monsieur le président. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Desautels. Je donne la parole à M. Dodge.
M. Dodge: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner ici aujourd'hui. Les sujets que vous avez demandés à mes collègues de Revenu Canada et à moi-même de traiter sont extrêmement importants, et j'espère que mes observations vous aideront à comprendre certaines des questions qui s'y rattachent.
Le ministère a préparé un court résumé du cadre d'action stratégique qui nous concerne. J'espère que vous l'avez tous reçu avant notre réunion d'aujourd'hui. Il devrait déjà être arrivé à vos bureaux.
Dans son rapport paru le 7 mai, le vérificateur général soulève certaines préoccupations au sujet des décisions anticipées en matière d'impôt. La plupart de ces préoccupations relèvent de la compétence de mon collègue M. Gravelle, qui vous en parlera, mais je veux vous parler aujourd'hui de la première question abordée par le vérificateur général, c'est-à-dire l'élément de la politique sur lequel est fondée la décision.
Pour comprendre ces questions, il faut avoir une idée du fonctionnement et de l'objet des règles fiscales dans ce domaine. Je pense qu'il vaut probablement la peine de prendre quelques minutes pour les examiner. C'est pourquoi nous vous avons remis ce mince document.
Au Canada, les gains en capital sont imposables depuis 1972. Comme vous le savez, un gain en capital est simplement la différence entre le prix qu'un contribuable paie pour acquérir un bien et le produit qu'il tire de sa vente. Le gain en capital imposable représente les trois quarts de cette différence.
Il importe de noter qu'au Canada, les gains en capital ne sont imposés que lorsqu'ils sont réalisés. La raison en est certainement évidente: le contribuable qui n'a pas réellement disposé d'un bien n'aura sans doute pas la somme nécessaire pour payer l'impôt. En outre, si nous imposions les gains en capital au fur et à mesure qu'ils s'accumulent, nous serions constamment en train de percevoir puis de rembourser l'impôt selon les fluctuations de la valeur des biens en question. Le Parlement a décidé, en 1971, qu'il s'agissait là de bonnes raisons pratiques d'imposer les gains à la réalisation.
C'est la principale règle d'imposition des gains en capital. Toutefois, dans certains cas, la loi prévoit l'imposition des gains en capital accumulés, qu'ils aient ou non été réalisés. L'exemple le plus probant est celui du contribuable qui cesse d'être assujetti au régime fiscal canadien, soit parce qu'il décède ou parce qu'il émigre.
Ici encore, dans certaines circonstances, les gains accumulés sont imposés parce que le Canada perd sa capacité d'imposer les gains accumulés jusqu'à ce moment. Cela laisse supposer que, si le Canada continue de pouvoir imposer le gain tiré d'un bien donné, la présomption de disposition ne s'applique pas. Lorsqu'un contribuable quitte le Canada, ce dernier peut effectivement imposer le gain tiré de certaines catégories de biens. Lorsqu'un contribuable a cessé de résider au Canada, nous pourrons quand même - sous réserve d'une convention fiscale, bien sûr - imposer le gain tiré de ce qu'il est convenu d'appeler les «biens canadiens imposables» (BCI). Au point 2 de la première page du document figure la liste des biens qui sont des BCI.
Ce sont là les catégories de biens qui génèrent des gains imposables au Canada même s'ils sont détenus par des non-résidents. Le principe veut que, sauf disposition contraire d'une convention, les non-résidents paient l'impôt au Canada sur les gains qu'ils réalisent au Canada.
Puisque le Canada continuera d'imposer les gains réalisés par un non-résident sur ses BCI, sous réserve toujours d'une convention, ces gains accumulés ne sont pas imposés. Ils sont plutôt assimilés aux gains que tout autre non-résident tire de BCI et sont imposables lorsqu'ils sont réalisés. C'est extrêmement important.
Voici un exemple. Supposons qu'un résident de Vancouver a acheté un immeuble à logements en 1985 pour 100 000 $. En 1990, l'immeuble valait 200 000 $ et son propriétaire quitte Vancouver. Cinq ans plus tard, le propriétaire vend l'immeuble pour 300 000 $. Le gain en capital s'élève donc à 200 000 $ - soit les 100 000 $ accumulés avant que le propriétaire quitte le Canada et les 100 000 $ accumulés après son départ. Le Canada garde le droit d'imposer les trois quarts des 200 000 $ de gains en capital.
C'est ainsi que le régime fonctionne. De fait, c'est ainsi qu'il fonctionne depuis 1972. Les principes fondamentaux sont clairs.
Une règle spéciale s'applique aux fiducies de la même manière. Il en est question au point 4, en page 2. Si une fiducie résidente au Canada distribue des biens à un bénéficiaire non résident, ce dernier est tenu de payer l'impôt sur le total de ses gains, sauf sur les gains tirés de ses BCI. Encore une fois, ces derniers seront imposables comme revenu du bénéficiaire lorsqu'ils seront réalisés. Il n'y a donc pas lieu de les imposer prématurément.
Il y a une autre règle, celle du report de l'impôt. Cette règle vise à contrer ce qui serait par ailleurs une façon aisée d'éviter l'impôt. Cette règle est décrite au point 5, en page 2 du document.
Si un non-résident ne payait l'impôt que sur les gains qu'il tire de ses BCI, il est facile d'imaginer comment ce dernier pourrait se soustraire à l'impôt au Canada. Il pourrait profiter des dispositions de report contenues dans la loi pour échanger ses actions qui constituent un BCI contre des actions d'une société publique, qui n'en sont habituellement pas. Le gain accumulé échapperait alors à l'impôt. Pour éviter cela, la loi renferme des règles selon lesquelles les biens de remplacement sont réputés être des BCI. C'est une forme courante de disposition anti-évitement. Cette présomption s'applique aux décisions de Revenu Canada mentionnées par le vérificateur général et dont M. Gravelle pourra traiter plus en détail.
En terminant, j'aimerais aborder les conventions fiscales. Au Canada, les résidents paient un impôt sur le total de leurs gains et les non-résidents en font autant sur les gains tirés de BCI. Cela risque d'engendrer un problème de double imposition. L'objet des conventions fiscales est d'éviter cette double imposition. La convention fiscale que le Canada signe avec un autre pays établit lequel de nos deux pays imposera tel ou tel gain.
Les conventions fiscales du Canada suivent le modèle de l'OCDE à ce chapitre. Le gain en capital est imposé dans le pays de résidence du contribuable. Notons deux exceptions. La première concerne les biens immobiliers. La seconde rejoint la règle dont nous venons de parler, en ce qui concerne le report de l'impôt sur les BCI.
Je vous rappelle que le particulier qui quitte le Canada n'est pas immédiatement redevable de l'impôt sur les gains accumulés. Selon les règles des conventions fiscales que je viens de mentionner, si ce particulier émigre dans un pays signataire d'une convention, le Canada ne pourra plus imposer les gains tirés des BCI autres que les biens immobiliers. Il perdrait le droit d'imposer ces gains au moment de l'émigration et ne pourrait tout simplement plus imposer ces gains par la suite, par l'effet de la convention.
Il y a donc une exception qui maintient le droit du Canada d'imposer les gains de ses anciens résidents pendant un certain temps après leur départ du Canada, soit 10 ans selon la convention fiscale avec les États-Unis. La totalité du gain est imposable au Canada, et non uniquement la fraction de celui-ci qui s'est accumulé avant que le contribuable ne quitte le Canada. Ce même gain peut aussi être imposable aux États-Unis, auquel cas le Canada accordera un crédit pour impôt étranger.
En résumé, monsieur le président, au Canada, les gains en capital sont imposables lorsqu'ils sont réalisés. Par contre, la plupart des gains accumulés sont imposables lorsque le contribuable cesse d'être assujetti à notre régime fiscal, notamment lorsqu'il émigre. Mais puisque, sous réserve d'une convention fiscale, le Canada conserve le droit d'imposer les gains tirés de biens canadiens imposables, ces biens ne sont pas assujettis à la présomption de disposition lorsqu'une personne quitte le Canada. Le gain sera plutôt imposable lorsque le contribuable en disposera effectivement.
C'est ainsi que les choses fonctionnent essentiellement. Je m'excuse d'avoir pris autant de votre temps pour discuter de ces questions en détail, mais je crois qu'il importe de bien saisir le plan fondamental de la loi qui a servi à prendre la décision dans cette affaire. Une chose est en effet très claire: Suivant le plan général de la loi, la transaction concordait pleinement avec la décision rendue et cette décision concordait pleinement avec le plan de la loi.
Il est important - et je m'excuse de prendre autant de votre temps - de comprendre les détails. Comme nous l'avons vu, le principe selon lequel les biens canadiens imposables d'un particulier ne sont pas imposables au moment de l'émigration fait partie du régime fiscal depuis 1972. Même s'il s'agit là d'un principe que beaucoup de vos collègues du Comité des finances voudront peut-être examiner, il ne fait pas l'objet de la décision. Celle-ci portait sur le statut d'un bien en particulier. Il s'agissait en fait de déterminer si un bien pouvait être un bien canadien imposable pour un résident du Canada.
La question qui s'est posée à nous était donc d'établir qui, sur le plan de la politique, devrait être considéré comme détenant des biens à titre de BCI. Si un résident du Canada pouvait détenir des BCI, alors les biens qu'il voulait déplacer vers l'étranger étaient des BCI. Le contribuable ne pourrait ainsi être considéré comme ayant réalisé des gains accumulés sur les biens.
Notre réponse, qui se trouve dans une lettre que nous avons adressée à Revenu Canada, a été que la politique sur laquelle la loi est fondée est claire et prévoit que les résidents peuvent détenir des BCI. Comme cette question semble manifestement porter à confusion dans l'esprit du vérificateur général, permettez-moi de vous expliquer pourquoi notre conclusion est claire.
Si vous vous reportez à la page 1 de la documentation que je vous ai remise, vous constaterez qu'une participation dans une société de personnes n'est un BCI que si la plupart des biens de la société le sont. En d'autres termes, il faut regarder derrière la société de personnes pour voir les biens sous-jacents. La Loi de l'impôt sur le revenu renferme toutefois une importante exception à cette règle dite «du conduit». Cette exception, l'alinéa 97(2)c), veut que, si un contribuable résidant au Canada transfère un BCI à une société de personnes avec report d'impôt, la participation dans la société de personnes est elle-même un BCI, peu importe la nature des biens de la société.
Il s'agit là d'une disposition très importante sans laquelle le résident canadien qui quitte le pays pourrait facilement éviter tout impôt canadien sur les gains en capital. Il lui suffirait en effet de confier ses biens canadiens à une société de personnes avant de quitter le pays. Puisque l'ensemble de ses biens seraient des BCI, il n'y aurait aucun impôt. Le contribuable pourrait par la suite convertir ses biens et éviter ainsi complètement l'impôt au Canada.
La disposition déterminative, à l'alinéa 97(2)c), empêche pareille situation de se produire puisqu'elle fait en sorte que la participation dans la société de personnes demeure un BCI malgré les actions subséquentes du contribuable. Toutefois, vous constaterez que cette disposition n'a d'effet que si les biens confiés à la société de personnes sont des BCI. En d'autres termes, elle ne fonctionne que si les résidents canadiens peuvent détenir des BCI. S'ils ne peuvent le faire, le stratagème d'évitement que je viens d'évoquer permettrait à un émigrant d'éviter tout impôt canadien sur l'ensemble de ses biens canadiens.
La question de politique que nos collègues de Revenu Canada nous ont posée était la suivante: Selon l'esprit de la loi, les résidents du Canada peuvent-ils détenir des BCI? Cette question se situe dans le contexte du principe fondamental et de longue date selon lequel un particulier n'est pas considéré comme ayant disposé de BCI au moment où il quitte le pays. Nous avons examiné la règle et avons conclu que, sur le plan de la politique, il fallait répondre à la question par l'affirmative puisque la règle n'avait de sens que si les résidents canadiens pouvaient détenir des BCI. C'est ce que nous avons répondu à Revenu Canada.
C'était une question de jugement très simple. Vu l'intérêt que le vérificateur général porte à cette question, nous avons réexaminé la conclusion à laquelle nous étions arrivés et absolument rien ne nous permet d'y déroger. La position indiquée, étant donné le plan général de la loi et sur le plan de la politique, est toujours que les résidents canadiens peuvent détenir des BCI.
Je reviendrai dans un instant au bien-fondé de ce plan général de la loi, monsieur le président, mais permettez-moi d'abord de traiter très brièvement d'un élément du processus soulevé par le vérificateur général.
Il a observé que le ministère des Finances n'avait aucun compte rendu de certaines réunions avec Revenu Canada. On a parlé de dossiers auxquels il manquerait inexplicablement des pièces. Or, malheureusement, les faits sont beaucoup plus prosaïques. Les réunions en question étaient des discussions informelles sur un point de politique bien délimité. D'ailleurs, des réunions et des entretiens de ce genre ont lieu régulièrement, soit en personne ou au téléphone.
Le contexte de la question de politique qui nous avait été posée était extraordinairement complexe. La transaction était complexe, mais la question particulière à partir de laquelle on a finalement pris la décision était très simple. Puisqu'elle ne portait pas sur un conflit entre la réglementation prévue par la loi et le libellé même de la loi, il était très simple d'en arriver à une décision. Par conséquent, la seule documentation disponible à ce sujet est la lettre d'une page à laquelle le vérificateur général a fait allusion.
Je dois signaler que dans certains cas, nous avons de la difficulté à trancher une question de politique complexe ou à faire concorder exactement l'interprétation de règles détaillées avec le plan général de la loi. Dans ces cas, il peut y avoir une documentation volumineuse. La quantité de documents que nous gardons dépend donc généralement de la facilité ou de la difficulté d'une décision. Je pense que c'est une façon appropriée et rentable de diriger une organisation. Quand c'est difficile, il y a une foule de documents, quand c'est facile, il y en a très peu.
Permettez-moi de terminer, monsieur le président, en parlant des questions de politique. La dernière série de questions que le vérificateur général a soulevées portent en fait sur le bien-fondé, en 1996, des dispositions concernant les BCI et la migration des contribuables, insérées dans la loi en 1971.
Puisqu'elles ont trait à la politique de l'impôt, ces questions relèvent carrément de mon ministre. Afin de s'assurer qu'elles font l'objet d'un examen exhaustif et public, le ministre les a renvoyées au Comité permanent des finances. Aussi, je ne m'attarderai pas aujourd'hui sur des questions de politique précises, je me contenterai seulement de dire qu'elles sont très importantes. Il importe vraiment de les réexaminer 25 ans après la rédaction de la loi fondamentale, et nous remercions le vérificateur général d'avoir soulevé ces questions publiquement.
Une de ces questions a trait au bien-fondé du principe du report d'impôt au moment de l'émigration. Les gains accumulés devraient-ils tous être assujettis à l'impôt au moment où un particulier quitte le Canada? Il serait peut-être un peu sévère de percevoir l'impôt dans les faits étant donné que le contribuable qui quitte le Canada n'a pas réalisé de gains. En revanche, il est possible que dans le monde d'aujourd'hui, les difficultés que cause la perception de l'impôt auprès des non-résidents et les restrictions imposées par les conventions fiscales nous poussent à modifier le plan général de la loi adoptée en 1971. Ce sont des questions importantes que le Parlement doit examiner.
Une autre question porte sur le type de gains en capital d'un non-résident qui devraient être assujettis à l'impôt canadien. Actuellement, le Canada impose les gains que les non-résidents réalisent seulement sur des BCI. Par conséquent, certains pourraient faire valoir que notre définition de BCI devrait être plus large. Par contre, les biens que le Canada se réserve le droit d'imposer peuvent en certains cas, selon les règles en vigueur, quitter le Canada sans être frappés d'un impôt immédiat. On pourrait alors soutenir que la définition devrait être plus restreinte et non plus large. C'est une question importante que le Comité des finances devrait examiner.
D'autres questions que le ministre a mentionnées portent sur le rapport entre les règles applicables au Canada et nos conventions fiscales; le traitement des contribuables qui deviennent non-résidents du Canada, y compris leurs fiducies à l'étranger; et les questions touchant l'application des règles fiscales aux non-résidents. Il s'agit là de questions d'importance, et nous savons gré au vérificateur général de les avoir mis à l'avant-plan. L'autre comité en est saisi.
Avant de conclure, j'aimerais faire une mise au point sur deux autres questions de fait, en raison de la confusion qui semble subsister, monsieur le président. La première a trait au processus de décision, dont M. Gravelle vous parlera plus en détail. Une décision anticipée en matière d'impôt ne constitue pas une autorisation d'éviter l'impôt. Il s'agit simplement d'une détermination, fondée sur la législation en vigueur, quant à l'effet sur le plan fiscal d'une opération planifiée. M. Gravelle décrira ce processus de façon plus détaillée.
Deuxièmement, il ne faut pas exagérer les véritables conséquences fiscales de ces décisions. Le vérificateur général a parlé de sommes de l'ordre de deux milliards de dollars. Cependant, la somme de deux milliards de dollars ne correspond pas au montant d'impôt en jeu ni même au montant du gain en capital accumulé. Elle représente, selon le vérificateur général, la valeur totale des biens en question.
Combien d'impôt le gouvernement a-t-il perdu jusqu'ici en raison de ces opérations? Aucun. Selon le plan du contribuable, les biens ne devaient pas faire l'objet d'une disposition avant la fin de l'année en cours au plus tôt. Combien d'impôt aurait été payé si la décision n'avait pas été rendue? Probablement aucun, car l'opération n'aurait tout simplement pas été conclue. Les conséquences fiscales à ce jour sont donc nulles et il est important de le comprendre.
Je conclurai en résumant les points les plus importants qui, à mon avis, méritent votre attention et celle de vos collègues parlementaires.
Sur la question technique de fond de ces décisions, Revenu Canada en est arrivé à ce que nous croyons toujours être la conclusion juste sur le plan de la politique, à savoir une conclusion qui assure l'application voulue d'une importante règle anti-évitement.
Le vérificateur général a soulevé des questions importantes portant sur l'ensemble de la réglementation prévue par la loi, questions renvoyées au Comité des finances pour examen.
Enfin, le vérificateur général a soulevé certains motifs d'inquiétude quant au processus. Au ministère des Finances, nous tentons toujours de bien tenir les dossiers dans les cas épineux, de façon à ce que l'on puisse suivre notre raisonnement. Nous nous engageons à tenter à tout le moins de tenir des dossiers indiquant les noms des participants aux discussions informelles.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'excuse d'avoir dépassé le temps alloué.
Le président: Monsieur Gravelle.
M. Gravelle: Monsieur le président, mesdames et messieurs, je ne veux pas mettre votre patience à l'épreuve. Comme troisième présentateur ce matin, j'ai été lésé. Je tenterai donc d'être le plus bref possible, mais je vais quand même prendre quelques instants car il y a quelques aspects très importants que je pense devoir porter à votre attention.
[Français]
La confiance du public dans l'équité et dans l'intégrité de l'administration fiscale du Canada est essentielle au succès de notre régime fiscal. Vous le savez tous, l'efficacité de notre régime dépend largement du principe d'autocotisation et de l'observation volontaire de la loi. Tout ce qui mine la confiance du public dans l'administration fiscale ébranle le régime dans son ensemble.
Les Canadiens ont une administration fiscale dont ils peuvent être fiers. Je crois que Revenu Canada, après y avoir vécu pendant plusieurs années, est une organisation de calibre international. À titre de ministère responsable de l'administration de l'impôt, des politiques commerciales et des douanes, de même que de la redistribution des prestations sociales et économiques au Canada, nous influons sur la vie de tous les citoyens.
Rappelons simplement que jour après jour, au cours d'une année, Revenu Canada traite avec plus de 21 millions de contribuables, plus de 1 million de sociétés, 2,3 millions d'inscrits aux fins de la TPS, 1,2 million employeurs, 150 000 importateurs et exportateurs et plus de 106 millions de voyageurs qui traversent la frontière à chaque année.
Notre mandat consiste aussi à administrer plus de 185 lois, règlements, incitatifs fiscaux, crédits, surtaxes, conventions et accords internationaux.
[Traduction]
C'est là un mandat exhaustif. Les administrations fiscales de partout au monde, s'adressent au Canada pour obtenir des conseils sur l'administration de l'impôt, des politiques commerciales et des douanes. Bref, mesdames et messieurs, je pense qu'à l'échelle internationale, nous avons à notre actif une série de réalisations enviables qui sont le fruit d'un travail soutenu.
Le ministère emploie plus de 40 000 personnes qui doivent traiter chaque jour avec les Canadiens. Ces personnes sont des professionnels. Ce sont des fonctionnaires dévoués qui ont besoin de la confiance du public et du respect des Canadiens pour accomplir leur travail. Nos principes sont la justice, l'équité et l'intégrité; voilà ce qui nous a valu la confiance et le respect du public. Ces principes représentent l'âme de Revenu Canada. La crédibilité du ministère dépend de notre respect de ces principes dans tout ce que nous faisons et dans chacune des décisions que nous prenons.
Voilà pourquoi je ne prends pas à la légère les opinions ou les éléments d'information dont l'interprétation pourrait mener à une remise en question de l'équité et de l'intégrité de Revenu Canada. Malheureusement, tel est le cas du rapport du 7 mai du vérificateur général notamment en ce qui concerne les fiducies familiales.
Les décisions anticipées en matière d'impôt constituent pour les contribuables canadiens un service important et d'une grande valeur. Il faut reconnaître que la législation fiscale canadienne est très complexe. Néanmoins, nous nous attendons à ce que les Canadiens s'acquittent volontairement de leurs obligations fiscales.
Pour gérer la complexité de la loi et promouvoir le principe d'autocotisation, Revenu Canada administre différents programmes, dont certains visent à fournir aux Canadiens l'information et l'aide dont ils ont besoin pour se conformer à la loi. Ces programmes comprennent des services de demande de renseignements, des séminaires, des services au comptoir; des services par voie électronique; des guides et des brochures simplifiés; nous offrons également à notre clientèle l'accès à des bases de données publiques, à des bulletins, à des décisions et à des interprétations techniques.
Le service de décisions anticipées en matière d'impôt a commencé en 1970, suite à une recommandation de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité de 1967. À l'époque, dans son rapport, la Commission royale avait déclaré qu'un tel service favoriserait l'observation volontaire, garantirait une application plus uniforme de la loi, et donnerait aux contribuables une certitude sur les conséquences fiscales d'une opération avant sa réalisation.
Je pense que les observations de la commission demeurent aussi valables aujourd'hui qu'en 1967. Je soutiendrai même que, étant donné la complexité sans cesse croissante qui caractérise le monde dans lequel nous vivons, ce service est plus nécessaire que jamais. D'ailleurs, comme l'a dit récemment David Perry, associé de recherche principal de l'Association canadienne d'études fiscales: «Les décisions anticipées en matière d'impôt sont l'un des rouages essentiels au bon fonctionnement d'un régime fiscal relativement complexe, dont les règles sont parfois assez obscures». Ce service est maintenant bien établi et il est connu d'un bout à l'autre du Canada et il a mérité, par sa qualité, la confiance des contribuables.
Je tiens à vous rappeler qu'en 1993, le vérificateur général a examiné en profondeur le service des décisions anticipées en matière d'impôt. Cette vérification avait une portée fort large et ses conclusions ont été très favorables. Cette vérification avait pour objectif d'évaluer l'opportunité des procédures et comprenait un examen des décisions anticipées et de la documentation à l'appui de celles-ci. Le vérificateur a formulé toutefois une recommandation très importante dans son rapport de 1993, à savoir qu'il nous fallait publier plus de décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu.
Je tiens à mentionner que suite à cette recommandation, le ministère a consulté des fiscalistes et a élaboré des procédures pour régir la publication de toutes ces décisions. Depuis le 1er janvier 1996, toutes les décisions anticipées en matière d'impôt sont publiées sur support électronique et distribuées aux maisons d'édition de publications fiscales du Canada; ces décisions sont également mises à la disposition du public par l'entremise des bureaux des services fiscaux de Revenu Canada dans les 90 jours qui suivent leur publication. Il est difficile d'atteindre cet objectif, mais pour la crédibilité du service, c'est l'objectif qu'il nous faut.
[Français]
Cela m'amène évidemment au processus de prise de décision anticipée, processus qui est au coeur des préoccupations d'une partie des observations du vérificateur général dans le chapitre 1.
Il s'agit d'un processus rigoureux et dynamique.
[Traduction]
Voici comment se déroule le processus lorsque nous recevons une demande de décision anticipée. La demande est attribuée à un agent des décisions qui amorce l'examen des éléments suivants: les documents pertinents fournis par le contribuable à l'appui de sa demande; les dispositions applicables de la loi; les précédents juridiques, les décisions des tribunaux et les décisions et interprétations antérieures; les notes techniques ou explicatives établies par les Finances et qui accompagnaient les dispositions législatives en question lorsqu'elles ont été soumises au Parlement; les énoncés de politique officiels des Finances; les avis juridiques.
L'agent des décisions doit aussi procéder à des consultations pour confirmer l'exactitude de tous les éléments qui se rapportent à la demande et à l'application de la loi. Ces consultations se font souvent auprès des personnes suivantes: des experts en politiques du ministère des Finances; des experts en droit du ministère de la Justice; des hauts fonctionnaires de Revenu Canada et du ministère des Finances; le contribuable ou son représentant. La position que le ministère se propose de prendre est examinée par le directeur des Décisions, qui peut demander l'avis d'autres personnes. Vu la complexité des décisions, on ne peut s'en remettre à une seule personne.
De façon plus particulière, des avis peuvent être demandés auprès d'un comité d'examen qui est normalement composé des quatre directeurs des Décisions et du directeur général. Le rôle du comité est d'étudier les interprétations possibles et d'établir des positions unanimes.
De plus, les questions complexes ou non résolues sont portées à l'attention de hauts fonctionnaires de Revenu Canada, du ministère des Finances, ou du ministère de la Justice, selon le cas. Ce n'est qu'après la fin du processus d'examen, de consultation et d'analyse qu'une position finale sur une décision est adoptée.
Bref, rendre une décision anticipée en matière d'impôt constitue un processus dynamique, puisque la position du ministère évolue et peut changer du tout au tout; nécessite une étude approfondie, puisque la décision reposera sur un examen méthodique des aspects du cas qui intéressent la législation, la politique et l'interprétation; et représente un travail consultatif, qui comporte des contrôles et des contrepoids. Tous les aspects sont donc vraiment pris en compte et évalués avant que le ministère n'arrête sa position.
Notre objectif fondamental est de nous assurer que la lettre et l'esprit de la loi sont respectés et que la demande de décision soit traitée conformément aux principes d'équité, d'uniformité et de justice. À mon avis, le processus est efficace.
En 1995, la Direction des décisions a reçu 478 demandes de décisions anticipées en matière d'impôt; 1 479 demandes d'opinions en matière d'impôt et plus de 16 000 demandes de renseignements par téléphone à propos des décisions et des opinions. Je suis heureux de faire état du fait que près des deux tiers de ces demandes sont survenues et ont été traitées à la fin de l'année. L'année dernière, environ 25 p. 100 des décisions ont été rendues dans un délai de 30 jours ou moins. Les normes sont très élevées tout simplement parce qu'il est dans l'intérêt des contribuables ainsi que de l'application de notre politique de s'assurer que l'on maintient et respecte nos lois.
[Français]
Je dois faire quelques commentaires sur des décisions anticipées qui sont mentionnées dans le chapitre 1 du vérificateur général.
Parlons d'abord de la décision de 1985. Nous avons alors fourni une décision anticipée indiquant que les actions de sociétés ouvertes détenues dans une fiducie familiale canadienne étaient caractéristiques d'une catégorie de biens décrits dans la Loi de l'impôt comme des biens canadiens imposables.
Revenu Canada a dû étudier, à ce moment-là, les dispositions de la loi pour déterminer si les actions en question étaient admissibles comme biens canadiens imposables. En gros, la décision se résumait à ceci: un résident peut posséder des biens canadiens imposables, et les actions de sociétés ouvertes de la fiducie familiale étaient admissibles comme biens canadiens imposables parce qu'elles avaient été acquises en contrepartie d'actions de sociétés fermées qui, elles, étaient admissibles comme biens canadiens imposables. Ceci est tout à fait conforme à l'exposé que mon collègue David Dodge a fait il y a quelques minutes.
[Traduction]
Dans le rapport de mai du vérificateur général, il est fait mention de l'opinion technique qui a été émise par Revenu Canada peu après la décision anticipée en matière d'impôt de 1985. Même si l'opinion concernait un cas où les circonstances étaient semblables à celles de la décision anticipée, on a rendu une décision différente.
Après examen, nous croyons que cette opinion était inexacte. Je me dois de faire remarquer qu'une opinion comme celle dont nous parlons n'est pas aussi précise qu'une décision anticipée et n'est pas exécutoire pour le ministère. Les décisions ne sont pas fondées sur l'exposé des faits comme c'est le cas pour les décisions anticipées en matière d'impôt. Néanmoins, nous déployons tous les efforts pour que les positions que nous adoptons, qu'elles soient exprimées dans une opinion ou dans une décision, soient uniformes.
Pour que ce genre de situation ne se reproduise pas, le ministère a établi en 1993 une base de données complète de toutes les décisions rendues et les opinions émises. Il est maintenant pratique courante à la Direction des décisions que tous les projets de décisions et d'opinions soient vérifiés auprès de cette base de données avant qu'ils ne soient finalisés.
Le ministère a aussi comme habitude de veiller à ce qu'un processus d'analyse des consultations soit en place pour appuyer de nouvelles opinions techniques.
[Français]
Ça m'amène à la décision de 1991. Cette demande voulait qu'on fournisse une décision concernant le transfert d'actions d'une fiducie familiale résidente à une fiducie protectrice non résidente.
On voulait confirmer que les biens dans la fiducie familiale pouvaient être considérés comme des biens canadiens imposables au regard de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Si les biens étaient admissibles comme biens canadiens imposables, ils pourraient alors être transférés à la fiducie protectrice non résidente sans qu'ils soient réputés avoir fait l'objet d'une disposition et, par conséquent, sans impôt sur les gains en capital à payer au moment du transfert.
[Traduction]
Il ne faut pas oublier le processus des plus rigoureux d'examen des demandes de décisions anticipées que je vous ai expliqué. Lors de l'examen de ces deux questions en 1991, l'agent des décisions a fait des recherches préliminaires et a notamment: examiné la documentation fournie par le contribuable; demandé des renseignements supplémentaires au contribuable; écrit au ministère des Finances pour obtenir des éclaircissements sur l'esprit de la loi; et examiné les précédents.
À la mi-novembre - nous avions reçu la demande au début novembre - on a discuté du cas avec l'avocat du ministère de la Justice qui nous a indiqué que la meilleure interprétation de la loi était qu'un Canadien pouvait détenir des biens canadiens imposables. L'avocat a ajouté, cependant, qu'il serait possible de soutenir que seul un non-résident pourrait détenir des biens canadiens imposables.
Tout au long de novembre et décembre, il y a eu des réunions et des discussions entre Revenu Canada et le ministère des Finances et celui de la Justice. Le 3 décembre, Revenu Canada a écrit au ministère des Finances, notant officiellement les circonstances entourant la demande et indiquant que le ministère n'était pas en mesure de rendre une décision favorable.
Le 12 décembre, le cas a été signalé à un comité d'examen. Compte tenu de la situation, le comité a conclu que Revenu Canada serait incapable de rendre une décision dans les circonstances. Le 13 décembre, Revenu Canada a demandé une autre opinion juridique. L'avocat a persisté à dire que la meilleure interprétation de la loi était qu'un Canadien pouvait posséder des biens canadiens imposables; toutefois, il a admis qu'il pourrait être soutenu que seuls les non-résidents pouvaient détenir des biens canadiens imposables.
Le 23 décembre, des fonctionnaires de Revenu Canada et des ministères des Finances et de la Justice se sont réunis pour essayer de clarifier l'esprit de la loi relativement aux biens canadiens imposables avant d'en arriver à une décision. Au cours de cette réunion, des fonctionnaires des Finances ont confirmé que l'esprit de la loi était bien que les résidents canadiens pouvaient posséder des biens canadiens imposables. Plus tard au cours de la même journée, cette position a été reconfirmée dans une lettre du ministère des Finances envoyée à Revenu Canada. J'ai déposé cette lettre au comité. Compte tenu de la politique et de l'avis juridique reçu, Revenu Canada a rendu une décision anticipée à cet effet le 24 décembre 1991.
[Français]
Je dois faire un commentaire sur la question de la qualité de la documentation à l'appui des décisions prises. Le vérificateur a soulevé des inquiétudes. J'ai moi-même revu tout le dossier et je suis sûr qu'il renferme les éléments clés pour appuyer la décision prise.
Je reconnais, toutefois, que des notes plus détaillées des résultats des délibérations auraient dû être rédigées au fur et à mesure du déroulement de l'examen. Par conséquent, j'ai révisé les procédures en vigueur à la Direction des décisions pour que, dorénavant, les considérations, qui sont une importante partie du processus de prise de décision, soient dûment consignées lorsqu'il s'agit de rendre une décision anticipée ou une opinion en matière d'impôt; pour que, dorénavant, une explication et une analyse appropriées continuent à être fournies avec notre demande écrite au ministère des Finances ou à celui de Justice, de façon à fournir une image complète de la question et des conséquences possibles; pour que, dorénavant, l'énoncé de l'esprit de la loi, de même que toute analyse appropriée de la politique fiscale reçue du ministère des Finances soient suffisants pour clarifier l'esprit de la politique; et finalement pour que la documentation complète et l'analyse soient conservées dans le dossier permanent de la décision anticipée ou de l'opinion en matière d'impôt pour appuyer les interprétations faites.
[Traduction]
En résumé, et je vous remercie de votre patience, le vérificateur général a exprimé certaines préoccupations clés dans son rapport du mois de mai, y compris: le besoin d'apporter des précisions dans la Loi de l'impôt sur le revenu, les inquiétudes concernant le manque de documentation et le sentiment qu'il faut publier les décisions anticipées. Il a été donné suite à toutes ces préoccupations.
En ce qui concerne la décision en question, je crois que M. Dodge et moi-même vous avons décrit aujourd'hui la politique et le processus rigoureux en place à Revenu Canada pour s'assurer que les décisions prises sont de la plus haute qualité. J'ai tenté de vous montrer comment la décision de 1991 en particulier, était entièrement conforme à ce processus, fondée sur une analyse méthodique profonde, sur des consultations, des contrôles et des contrepoids.
Enfin, mesdames et messieurs, je demeure fermement convaincu que sur la foi des conseils reçus, dans l'affaire qui nous intéresse, nous avons respecté et la lettre et l'esprit de la loi.
Je suis évidemment à votre disposition, pour répondre à vos questions.
Merci.
[Français]
Le président: M. Desautels aimerait peut-être nous faire brièvement part de ses réactions à la suite des propos qui ont été tenus. Je ne sais pas si nous sommes sur la même planète.
[Traduction]
M. Desautels: Monsieur le président, je peux réagir rapidement aux commentaires que viennent de faire M. Dodge et M. Gravelle.
M. Dodge a mentionné qu'en dernière analyse, pour le ministère des Finances, la décision était assez simple puisque la loi prévoit que les résidents peuvent posséder des biens canadiens imposables. Bien que ce soit peut-être l'opinion du ministère des Finances, je dois dire que c'est là un argument ou une situation controversé même chez les fonctionnaires de Revenu Canada. Tous n'étaient pas persuadés que la décision était simple, il faut bien l'admettre. En fait, la décision a entraîné un changement essentiel dans un principe fondamental.
Ce genre de décision peut être rendue dans un sens ou dans l'autre, suivant de nombreux facteurs et considérations techniques, y compris l'utilisation de fiducies, etc. Ce genre de décision n'est pas en général très claire. Il y a moyen de faire valoir les deux côtés de la question et c'est justement ce qui est arrivé dans ce cas-ci. Mais en fait là n'est pas ma principale préoccupation.
Ma principale préoccupation découle plutôt des conséquences de cette décision. Que la question ait été ou non claire ou simple, les conséquences sont considérables. Voilà pourquoi j'ai pensé, d'une part qu'on aurait dû pouvoir faire une justification plus appropriée ou donner de meilleures explications de la décision à l'époque, à cause justement des conséquences énormes. En fait, ce qu'il faut, c'est préciser l'esprit de la loi à cet égard.
Je suis heureux d'entendre M. Dodge dire que le ministère serait heureux que cette question soit examinée dans le but de s'assurer que les dispositions de la loi correspondent aux intentions des parlementaires. Je suis également encouragé par les propos de M. Gravelle sur le processus et la documentation future de telles décisions.
Voilà tout ce que j'ai à dire pour l'instant, monsieur le président, mais je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Williams.
M. Williams (St-Albert): Merci, monsieur le président.
Il s'agit d'une très grave question. Il s'agit de décisions, selon la documentation fournie, qui ont été prises au cours de réunions dont il n'y a aucun procès-verbal. Nous ne savons pas qui a pris ces décisions. Il faut fouiller cette affaire.
Je propose donc que nous demandions au greffier de faire prêter serment aux témoins afin que cela soit consigné au procès-verbal avant que nous ne commencions.
[Français]
Le président: Certains collègues désirent-ils s'exprimer sur cette motion?
[Traduction]
Mme Barnes (London-Ouest): Avons-nous ici un conseiller juridique?
[Français]
Une voix: Ce n'est pas une question juridique, mais une question de procédure.
[Traduction]
Le président: Non, toutefois le règlement dans Beauchesne est très clair:
[Français]
- 859. Les comités de la Chambre peuvent tous ordonner l'assermentation de leurs témoins.
Une voix: Il y a eu des précédents.
M. Brien (Témiscamingue): Nous allons appuyer la motion.
Le président: Autres commentaires?
[Traduction]
M. Hubbard (Miramichi): Monsieur le président, il serait peut-être sage de lever la séance pendant quelques instants afin d'examiner cette question, mais j'aimerais souligner que je présume que les témoins qui comparaissent ici vont respecter la loi, et dire la vérité devant le comité.
Je pense qu'avant de nous prononcer sur la motion, il faut considérer le sens de celle-ci. Aujourd'hui, nous examinons l'assise de tout notre régime fiscal. Pour cette raison, je propose une courte pause, monsieur le président. Nous allons examiner la question et prendre la décision qui s'impose.
Le président: Voulez-vous réunir seulement les membres de votre parti ou tout le comité?
[Français]
M. Brien: Monsieur le président, il me semble inutile de faire un long débat à ce sujet. Je ne vois pas en quoi l'assermentation des témoins pourrait nuire à nos travaux.
Étant donné l'ampleur de la situation et l'importance du sujet dont nous traiterons, j'estime que la demande est justifiée. Il est inutile de faire un débat. Votons sans tarder et s'ils s'opposent à l'assermentation des témoins, ils pourront nous en expliquer la raison.
[Traduction]
Le président: Si vous voulez prendre quelques minutes pour en discuter en caucus, je vais ajourner la réunion pour deux minutes. Les autres membres du comité sont prêts à passer au vote.
[Français]
On suspend pour deux minutes.
Le président: Je crois que tous mes collègues sont maintenant en mesure de voter.
Monsieur Paradis.
M. Paradis (Brome - Missisquoi): Bien que cette requête soit un peu inhabituelle, nous voterons en faveur de cette motion.
Il est important, tout particulièrement à cette étape-ci, de faire preuve du plus de transparence et d'ouverture possible, bien que, je le répète, cette requête ne soit pas coutumière.
Le président: D'accord.
La motion est adoptée à l'unanimité
Selon nos règles de procédure, et conformément à l'article 860 de Beauchesne, vous pouvez prêter serment ou faire une déclaration solennelle.
M. Elkin témoignera-t-il?
Une voix: Oui.
Le président: Il peut être appelé?
[Traduction]
Le greffier du Comité: Le témoin peut prêter serment sur la Bible ou faire une déclaration.
M. Barry Elkin (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Moi, Barry Elkin, affirme et déclare solennellement et sincèrement, que mes croyances religieuses m'interdisent de prêter serment.
Le greffier: C'est la formule dans le livre de procédure.
Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Elkin: Oui, je le jure.
M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Moi, Shahid Minto, affirme et déclare solennellement et sincèrement que mes croyances religieuses m'interdisent de prêter serment. J'affirme et je déclare également solennellement et sincèrement que mon témoignage, dans le cadre de cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
[Français]
Le greffier: Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Desautels: Oui, je le jure.
Le greffier: Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Lefebvre: Je le jure.
Le greffier: Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Gravelle: En tout temps.
[Traduction]
Le greffier: Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Dodge: Oui, je le jure.
Le greffier: Jurez-vous que le témoignage que vous donnerez dans cette enquête sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
M. Farber: Oui, le jure.
[Français]
Le président: Tout d'abord, j'aimerais préciser aux témoins que cela ne préjuge d'aucun manque de confiance. De toute façon, l'unanimité départie à ce comité montre bien que chacun des partis reconnus à la Chambre considère que la matière est importante et reste dans le cadre de nos règles. Je voulais donc simplement vous faire remarquer que cela ne portait aucunement atteinte à votre crédibilité.
Nous allons commencer par un premier tour de dix minutes. Monsieur Brien.
M. Brien: Nous sommes devant une situation assez grave, à savoir que beaucoup d'argent a échappé au fisc, selon le rapport du vérificateur général. De plus, on parle de plusieurs centaines de millions de dollars qui pourraient encore lui échapper à l'avenir.
Je vous ferai remarquer qu'il y a une nette divergence de vues entre le ministère des Finances et l'interprétation du vérificateur général, sur le fonds et également sur la forme. Je voudrais aussi dire que je suis relativement inquiet de savoir que le sous-ministre des Finances pense qu'il aurait été inhabituel de rassembler une documentation plus étendue et qu'il ne cherche pas à obtenir plus d'information sur les décisions et les conséquences que cela va avoir, alors que le vérificateur nous dit qu'il aurait fallu réunir une documentation plus importante du fait de l'extrême gravité probable de l'affaire que nous avons devant nous.
Ma première question s'adresse à Revenu Canada, au sous-ministre du Revenu. Étant donné la divergence de vues entre le vérificateur général et Revenu Canada, qui appuie maintenant la position des Finances, est-ce que vous avez le pouvoir de stopper cette décision jusqu'à ce que la lumière soit faite?
M. Gravelle: L'opinion juridique que nous avons obtenue, de même que l'avis de l'intention selon les dispositions de la loi, sont compatibles et ne font que refléter l'état actuel du droit. Nous avons donc fait part d'une décision anticipée en vertu de l'application de la loi telle qu'elle est, et à moins que la loi ne soit changée par le Parlement, je ne vois pas en quoi nous devrions revenir sur la décision que nous avons prise.
M. Brien: Bon. Il y a une divergence de vues sur l'esprit de la loi entre le ministère des Finances et le vérificateur général qui dit que, selon lui, l'intention du législateur n'était pas d'aller aussi loin que le ministère des Finances dans son interprétation. Le 23 décembre, grâce à l'élasticité de la définition, il semble que certaines personnes aient reçu un beau cadeau de Noël, mais le vérificateur général n'est pas d'accord sur cette interprétation. Donc, il faut bien préciser que le vérificateur des Comptes publics du gouvernement dit qu'il n'est pas d'accord et qu'il y a un problème.
Tout cela me semble donc plus que suffisant, et sans avoir eu d'avis juridique contraire, je vous demande si vous avez le pouvoir théorique de dire que la décision doit être suspendue.
M. Gravelle: Si vous examinez les politiques et les procédures entourant le processus de décision anticipée, monsieur Brien, il est clair que lorsque nous arrivons à une décision, nous nous assujettissons à la décision parce qu'elle lie le ministère. Actuellement, elle lie le ministère parce que nous sommes convaincus que la décision reflète l'application de la loi telle qu'elle existe en ce moment.
Le doute soulevé par le vérificateur général porte essentiellement sur le bien-fondé de la loi telle qu'elle est actuellement en ce qui a trait au traitement réservé aux biens canadiens imposables.
M. Brien: Oui, je sais cela, et cela n'a rien à voir avec ma question. Je vous demande seulement de répondre à mes questions et je ne veux pas connaître votre opinion sur tout le reste.
Est-ce que vous avez le pouvoir théorique de dire qu'on suspend la décision? Ce n'est pas pour les deux fiducies en cause, puisque vous êtes lié par la décision anticipée, mais pour les autres personnes qui voudraient se livrer au même stratagème.
Donc, est-ce que vous pourriez dire que votre interprétation de la loi est différente et, par conséquent, faire suspendre l'effet de la décision anticipée?
M. Gravelle: Notre interprétation de la loi...
M. Brien: Non, dites-moi si vous avez le pouvoir de le faire.
M. Gravelle: On pourrait suspendre une décision anticipée pour l'avenir si la loi était changée, si une décision d'un tribunal était contraire à la décision anticipée ou si le contribuable, dans un cas particulier, appliquait subséquemment la transaction à des faits et à des procédures qui n'étaient pas prévus dans sa demande anticipée. Mais pour l'instant, et je réponds à votre question très directement, je n'ai aucune base solide pour rescinder la décision anticipée que nous avons donnée et qui, d'ailleurs, est compatible avec la décision anticipée que nous avions donnée en 1985.
M. Brien: Puisque vous en parlez, j'ai une question à ce sujet. Il y a quelque chose qui n'est vraiment pas clair parce que la personne avait demandé un avis anticipé en 1985, ce qui n'a pas le même effet qu'une décision anticipée. Or, vous jugez maintenant que l'avis anticipé que vous avez émis était inexact. Comment se fait-il que vous n'ayez pas avisé le demandeur de cet avis que l'opinion que vous lui aviez fournie était inexacte?
M. Gravelle: Il faut faire une distinction entre une opinion technique et une décision anticipée. Certaines des opinions techniques que nous donnons, et nous en donnons des centaines et des centaines, reposent quelquefois simplement sur un exposé téléphonique et quelquefois sur une simple demande écrite. Que je sache, mais je ne suis pas en mesure de vous l'affirmer, nous n'avons pas communiqué avec le représentant fiscal qui nous avait contacté en 1985 pour obtenir une opinion technique.
M. Brien: Mais comment expliquez-vous que vous arriviez en 1991 pour répéter la décision de 1985 et que vous n'avisiez pas celui qui a reçu une mauvaise information, puisque vous dites que l'opinion que vous aviez fournie était inexacte? Expliquez-nous pourquoi vous ne jugez même pas opportun de l'aviser que l'opinion que vous lui avez fournie était inexacte. Est-ce normal?
M. Gravelle: Ce n'est pas normal et ça ne devrait pas arriver, mais que voulez-vous? Je ne fais que constater devant vous un fait que je déplore.
M. Brien: D'accord. Je voudrais maintenant parler de toute cette analyse qui a mené au23 décembre 1991 et dans laquelle nous voyons que Revenu Canada se dirigeait vers une décision non favorable et que le sous-ministre adjoint avait même rédigé une note en ce sens, le 23 décembre, en début de journée. Vous avez le mandat d'appliquer et d'interpréter la loi et vous essayez aussi d'interpréter l'intention du législateur, car cela fait partie de votre travail. Votre interprétation était que vous ne deviez pas donner à ce moment-là, le 23 décembre au matin, une opinion favorable. Mais le 24, après les réunions du 23, vous changez d'idée. Et aujourd'hui, vous défendez l'opinion que vous avez émise le 24.
Comment cela se fait-il? Vous allez me dire que le ministère des Finances avait émis un avis sur l'esprit de la loi selon le législateur, mais vous en teniez déjà compte dans votre analyse. Est-ce que c'est le ministère des Finances qui a pris la décision, qui vous a forcés à prendre cette décision-là, et est-ce que votre interprétation serait encore aujourd'hui de dire que l'opinion qui a été émise n'était pas la bonne?
M. Gravelle: Je voudrais démystifier un peu les circonstances entourant les activités du23 décembre. Premièrement, j'affirme que le ministère des Finances n'est pas intervenu pour forcer une décision quelconque. Le ministère des Finances nous a donné une interprétation de l'intention du législateur conformément à son rôle, à notre demande. Cette demande avait été formulée, si je me souviens bien, dès le mois de novembre pour obtenir une plus grande clarification de l'intention du législateur.
J'étais au courant, tout au long de cette période-là, en particulier à compter du mois de décembre, que nous avions un débat au sein de la Direction des décisions anticipées pour savoir quelle était la meilleure application et interprétation de la loi.
Dès le début de ce processus, nous avions connaissance de la décision anticipée de 1985 et des opinions très détaillées du représentant fiscal du contribuable, et nous avons fait exactement ce que nous faisons. Dans tout ce processus de décision anticipée, nos agents de décisions anticipées sont là pour questionner et examiner systématiquement toutes les applications possibles de la loi. C'est un système de poids et de contrepoids qui fonctionne.
Nous savions également que la meilleure interprétation, l'interprétation la plus plausible de la loi selon le ministère de la Justice, c'était que nous pouvions donner une décision anticipée positive; le doute qui restait, c'était la confirmation de l'intention du législateur. Et arrivés au 23 décembre, ou au 22 ou au 21 décembre... Je m'en souviens très bien parce que j'ai discuté de ces questions-là avec mes collègues. Nous savions depuis le début du mois de novembre que le contribuable souhaitait que nous puissions traiter de cette décision anticipée avant le 31 décembre pour fins d'accomplissement ou de réalisation de la décision anticipée.
J'ai mentionné aussi tantôt, dans ma présentation, qu'un grand nombre de décisions anticipées, chaque année, nous arrivent dans les derniers mois de l'année. C'est tout à fait conforme aux activités qui se passent dans ce secteur.
M. Brien: Oui, d'accord.
J'ai une dernière question à laquelle je demanderais au ministère du Revenu et au vérificateur de répondre. Il y aura deux volets à ma question.
Ça fait deux fois que j'entends l'expression «processus simple», «décision assez simple», évoquée d'ailleurs par le sous-ministre aux Finances. Si c'était aussi simple et aussi évident que ça, l'avis du ministère de la Justice vous permettrait d'aller dans les deux sens. Vous pourriez aller dans un sens ou dans l'autre, selon l'interprétation des avocats du ministère de la Justice, et émettre une opinion favorable ou défavorable qui pourrait être défendue du point de vue juridique.
Puisque c'était si simple, comment se fait-il que le 23 décembre, il y ait eu tant de réunions et tant de discussions, sur le même sujet, avec les plus hautes autorités des deux ministères? C'est la première partie de ma question.
J'aimerais aussi demander au vérificateur si, selon lui, Revenu Canada a changé d'interprétation en cours de route, c'est-à-dire entre le 23 décembre au matin et aujourd'hui. En ce qui concerne Revenu Canada, il me semble en effet constater un virage majeur en termes de positionnement, car celui-ci semble dire aujourd'hui que les recommandations des Finances sont excellentes alors que des documents antérieurs disaient le contraire.
J'aimerais donc vous entendre là-dessus, monsieur le vérificateur, et aussi sur ce que le sous-ministre a dit.
M. Desautels: Je vais demander à M. Minto de répondre à la question.
[Traduction]
M. Minto: Monsieur le président, la dernière documentation dont nous disposons est celle du 23 décembre, quand une note de service révisée a été rédigée à l'intention du sous-ministre l'informant que la proposition du contribuable n'était pas acceptable. Ce qui s'est produit par après, c'est que nous avons essayé de voir ce qu'il en était en consultant d'autres documents. Nous ne pouvons vous dire pourquoi ils ont modifié la position.
Le président: Monsieur Williams, dix minutes.
M. Williams: Monsieur Dodge, maintenant que vous êtes assermenté, maintenez-vous votre déclaration préliminaire?
M. Dodge: Je la maintiens.
M. Williams: Monsieur Gravelle, maintenez-vous votre déclaration préliminaire maintenant que vous avez prêté serment?
M. Gravelle: Je la maintiens.
M. Williams: Merci.
Monsieur Gravelle, il y a eu un débat important dans votre ministère au sujet de l'affaire en cause, et vous avez changé d'avis aux réunions du 23 décembre, pour lesquelles on n'a aucune documentation quant à la raison de ce changement ni sur l'identité des participants. Qui assistait à ces réunions?
M. Gravelle: Le 23 décembre, il y a eu une première réunion dans mon bureau... Non, il y a eu une première réunion à laquelle participaient M. Robert Beith, M. Robin Read et Mme Carole Toussaint, pour examiner l'état du dossier. Après quoi, il y a eu une autre réunion entre M. Beith,M. Read, Mme Toussaint et moi. J'ai été informé à cette réunion que nous n'avions pas encore reçu du ministère des Finances une opinion concluante quant à la politique fiscale.
Je me souviens d'avoir demandé à mes hauts fonctionnaires de rencontrer des hauts fonctionnaires du ministère des Finances ce jour-là pour obtenir une réaction officielle à la demande que nous avions précédemment faite pour obtenir des précisions sur des questions de politique fiscale. J'ai aussi demandé que l'on obtienne une opinion juridique. À cela a fait suite une autre rencontre de M. Beith, de Mme Toussaint et M. John Bentley, avocat, avec M. Short des Finances, et, il me semble, si je me souviens bien, de Mme Carole Muirhead et de M. Simon Thompson, des Finances.
Après cette réunion, M. Beith et M. Bentley m'ont rencontré et m'ont dit que des hauts fonctionnaires du ministère des Finances avaient déclaré à la réunion qu'il était clair qu'un résident canadien possédant des biens canadiens imposables se conformait à la politique fiscale. À cette même réunion qu'il a eue avec moi, M. Bentley a confirmé l'opinion du ministère de la Justice, à savoir que les biens sont des biens canadiens imposables détenus par la fiducie canadienne.
M. Williams: Il y a eu trois réunions ce jour-là au ministère des Finances.
M. Gravelle: Non.
M. Williams: Je regrette, au ministère du Revenu.
M. Gravelle: Il y a eu trois réunions ce jour-là au ministère du Revenu national et il y en a eu une aux Finances.
Je devrais aussi dire, monsieur Williams, si vous le permettez...
M. Williams: Non. Merci.
Monsieur Dodge, vous avez tenu des réunions à votre ministère. Y avez-vous participé, et qui assistait à ces réunions?
M. Dodge: Non, monsieur, je n'y ai pas participé. La réunion précise dont il a été question était celle dont a parlé M. Gravelle. Al Short, Carole Muirhead et Simon Thompson y assistaient.
M. Williams: Il n'y a eu qu'une rencontre à votre ministère, et c'était avec des hauts fonctionnaires du Revenu national. Rappelez-moi ces noms à nouveau, s'il vous plaît.
M. Dodge: M. Al Short, Mme Carole Muirhead et M. Simon Thompson.
M. Williams: Donc, il n'y a pas eu de réunions internes au ministère des Finances au niveau supérieur au cours de ces réunions pour lesquelles il n'existe pas de documents... où on a décidé que des Canadiens pouvaient détenir des biens canadiens imposables.
M. Dodge: Je ne peux pas répondre à cette question, parce que la majeure partie de la conversation et la majeure partie de la réflexion qui auraient abouti à cette conclusion auraient pu être le fait de gens conversant au téléphone ou de gens se parlant directement les uns aux autres. Manifestement, les trois hauts fonctionnaires en question, dont je viens juste de vous donner les noms, ont réfléchi à ce qui se passait avant cette réunion précise dont a parlé M. Gravelle.
M. Williams: On a rapporté dans les journaux que M. Mazankowski, qui était alors le ministre des Finances, est au courant de cette situation et je pense qu'il en était informé à l'époque où il était ministre. Quand avez-vous pour la première fois pris connaissance de cette situation, monsieur Dodge?
M. Dodge: Quand j'ai personnellement été informé de cette situation?
M. Williams: Oui.
M. Dodge: Est-ce la question que vous me posez?
M. Williams: Effectivement.
M. Dodge: Je dirais que c'est vers la fin de l'enquête qu'a menée le vérificateur général au ministère.
M. Williams: Pourquoi un ministre serait-il au courant alors que vous ne le seriez pas? Vous êtes le sous-ministre.
M. Dodge: D'abord, je dirais que je ne sais absolument pas si le ministre savait ou ne savait pas. Deuxièmement, bien sûr, je n'étais pas le sous-ministre à cette époque.
M. Williams: Merci.
Vous dites au cinquième paragraphe à la page 6 de votre déclaration préliminaire: «Le contexte de la question de politique qui nous avait été posée était complexe, mais la question proprement dite était simple». Vous dites aussi dans cette déclaration qu'on a beaucoup de documents pour des questions épineuses et qu'il n'y a pas ou presque pas de documents pour les questions faciles.
Le vérificateur général a dit qu'il estime qu'il s'agit en l'occurrence d'une question complexe. Il ne fait aucun doute que le ministère du Revenu considère cette question comme complexe. Estimez-vous que cette question complexe qu'on vous a soumise était si simple qu'elle ne nécessitait pas de documentation?
M. Dodge: Permettez que je précise quelque chose. La transaction était extraordinairement complexe, et il y a toujours beaucoup de travail à faire pour comprendre ce qui se passe au cours d'une transaction. Ce n'est pas ce que je voulais faire valoir dans ma déclaration d'ouverture. Ce que j'ai dit dans ma déclaration, c'était qu'en l'occurrence la politique est très claire.
M. Williams: La politique est très claire.
M. Dodge: Laissez-moi terminer ce que j'étais en train de dire.
Cela ne veut pas dire qu'il ne convient peut-être pas que le Parlement réexamine la politique, mais la politique à proprement parler est claire.
M. Williams: La politique même est très claire, monsieur Dodge.
Au quatrième paragraphe de la page 5 de votre déclaration, vous parlez des sociétés de personnes et de BCI. Était-il question de sociétés de personnes dans cette décision?
M. Dodge: On me dit que non.
M. Williams: Vous avez dit que le fait que des résidents peuvent détenir des BCI n'était qu'un simple énoncé de politique. Si je transfère des biens immobiliers à quelqu'un de ma famille aux États-Unis, puis-je les désigner comme des BCI?
M. Dodge: Le fait est que si vous vendez...?
M. Williams: Non, il est question de transférer. J'ai demandé si je pouvais faire désigner des biens comme des BCI si je les transférais à un parent aux États-Unis? Je suis un résident canadien.
M. Dodge: Non. C'est une vente. Que votre parent vous paie ou non, c'est considéré comme une vente.
M. Williams: Donc, si j'ai une fiducie qui possède un bien immobilier et que je le transfère à une fiducie aux États-Unis, cela signifie-t-il que je peux détenir un BCI?
M. Dodge: Encore une fois, assurons-nous de savoir de quoi nous parlons. Si en fait il s'agit d'une distribution d'une fiducie à un bénéficiaire de cette fiducie, alors évidemment la question est alors bien claire.
M. Williams: Cela devient un peu plus complexe, je pense.
Monsieur Gravelle, vous dites que vous avez été réconforté par la lettre que vous avez reçue du ministère des Finances. Selon le vérificateur général, toute la documentation dans le dossier jusqu'au 23 décembre tende à montrer qu'on ne pouvait pas rendre de décision en faveur du contribuable. N'est-ce pas?
M. Gravelle: Pas toute l'information, la majeure partie. Il y avait des interprétations menant à une conclusion différente.
L'avis juridique tendait à montrer que selon l'interprétation favorable de la loi un résident pouvait détenir un BCI...
M. Williams: Merci.
M. Gravelle: ...et ce qu'il restait, monsieur le président, à déterminer c'était l'esprit de la loi, ce qui a subséquemment été confirmé. Je me souviens avoir dit à mes hauts fonctionnaires que c'était une question importante. Je savais que nous avions rendu une décision positive en 1985. Mes hauts fonctionnaires ont fait ce qu'ils devaient faire en soumettant cette demande à un processus d'examen très rigoureux, et nous n'allions fonder la position du ministère que sur un avis juridique et des conseils en matière de politique fiscale. Une fois cela réglé, j'étais persuadé que nous pouvions aller de l'avant.
Le président: Merci, monsieur Williams. Votre temps est écoulé.
Monsieur Hubbard.
M. Hubbard: La semaine prochaine, nous retournons dans nos circonscriptions. Je suis sûr qu'un grand nombre d'entre nous, en tant que députés, vont entendre des gens exposer leurs inquiétudes et des critiques à moins que nous ayons à leur présenter une explication plausible sur ce qui s'est passé ici, et j'espère que ce sera le cas.
Pour ce qui est de Revenu Canada, nous avons des sociétés qui paient des impôts, nous avons des contribuables et nous avons des fiducies familiales. Pourriez-vous, à titre de sous-ministre, dire au comité de combien de fiducies familiales vous vous occupez à Revenu Canada?
M. Gravelle: On me dit qu'il y en aurait plus de 100 000.
M. Hubbard: Je crois savoir que la plupart d'entre elles seraient des fiducies constituées au décès d'un contribuable dans les cas où certains biens pourraient être détenus par la famille. Puis il y a d'autres fiducies comme celle que vous avez examinée en l'occurrence, c'est-à-dire des fiducies constituées pour éviter l'imposition des gains en capital. Est-ce exact? Il existe dans notre pays de grosses fiducies très spéciales qui sont constituées simplement pour éviter le système d'imposition des gains en capital de 1972.
M. Gravelle: Il faut se montrer prudent, monsieur le président. Vous essayez de voir la raison qui a justifié la constitution d'une fiducie donnée. Je peux dire qu'il y a certaines fiducies qui...
M. Hubbard: Pourriez-vous dire alors, monsieur Gravelle, combien de fiducies ont plus de cinq ans ici au Canada?
M. Gravelle: Je pourrais essayer de vous obtenir ce renseignement.
M. Hubbard: L'impression que nous avons ici, c'est qu'une demande a été présentée en novembre et a été examinée en fonction d'un changement apporté à la demande.
Chez nous, il y a bien des gens qui traitent avec Revenu Canada. Presque toutes les semaines, quelqu'un se présente à mon bureau et dit avoir du mal avec une décision fiscale. Généralement, il faut de six mois à un an à un particulier, qu'il s'agisse d'un cas d'assurance-chômage ou d'un autre cas sans lien de dépendance.
Mais voici qu'il est question d'une forte somme qui apparemment est constituée d'actions dans des sociétés canadiennes, et Revenu Canada se penche sur une transaction de 2 milliards de dollars qui a sur les recettes fiscales du Canada probablement une incidence d'au moins plusieurs centaines de millions de dollars. Une demande est présentée le 7 novembre. Nous constatons que tout le monde semble s'activer pour lui fournir une réponse. Quelle était la demande? Quelle était l'intention? Que cherchait à faire votre ministère en essayant de fournir une décision aussi rapide?
En fait, le 23 décembre, deux jours avant Noël... et en écrivant une lettre, qui pour bien des contribuables ressemblerait à une lettre au Père Noël, la veille de Noël 1991 - pourquoi cela se déroulerait-il à ce rythme? Vous préoccupez-vous de la transparence du processus? Êtes-vous préoccupé par l'impression que peut donner le fait que c'était la veille de Noël? Pourquoi a-t-on agi ainsi?
M. Gravelle: Monsieur le président, je me préoccupe beaucoup de la perception. Comme je l'ai dit, je pense qu'il est extrêmement important que les Canadiens de tous les milieux aient confiance en notre système fiscal. Nous nous efforçons tous les jours non seulement de faire respecter la loi, mais d'aider les contribuables à faire respecter leurs droits en vertu de notre législation. Nous faisons de notre mieux pour faire respecter la charte des droits des contribuables.
Cette demande particulière n'a pas bénéficié d'un traitement préférentiel, je peux vous l'assurer. J'ai pris grand soin d'essayer de vous décrire le processus de décision. Il est bien connu. Il est décrit dans un document public...
M. Hubbard: Puis-je vous interrompre un instant? Pour ce qui est du traitement préférentiel, on nous dit que jusque vers le 23 décembre, et probablement le 22, le rapport soumis à votre bureau visait à recommander qu'une décision favorable ne soit pas rendue à l'égard de cette demande. Le23 décembre, et sans doute le 24 décembre aussi pour ce qui est de votre personnel, deux jours avant Noël, et la veille même de Noël, quand de nombreux fonctionnaires partent à midi, une lettre a été envoyée.
Alors, estimez-vous que nous devrions accepter qu'il ne s'agissait pas d'un traitement préférentiel?
M. Gravelle: Il n'est certainement pas rare, monsieur le président, dans le cadre de mes fonctions de sous-ministre, que j'aie à m'occuper de questions qui se posent à un contribuable, qu'il s'agisse d'un crédit sur la taxe sur les produits et services ou d'un versement au titre de prestations pour enfants, ou de toute autre question fiscale, les 23 et 24 décembre. On m'a même déjà appelé le 25 décembre.
M. Hubbard: Pour une décision de cette importance? Quand je fais quelque chose j'aime bien y réfléchir pendant un jour ou deux au moins. On nous dit que deux personnes ont pris cette décision, vous et une autre. Est-il vrai qu'ensemble vous avez renversé les recommandations qui avaient été soumises à votre bureau?
M. Gravelle: Monsieur le président, je n'ai jamais renversé de décision...
M. Hubbard: Recommandation, j'ai dit, monsieur le sous-ministre.
M. Gravelle: ...ni même de recommandation. Mon seul objectif était de m'assurer que nous prendrions une décision finale en nous appuyant sur la politique et l'avis juridique.
M. Hubbard: Puis-je revenir là-dessus? Je n'ai pas beaucoup de temps. Nous avons été amenés à penser que quand une fiducie émigre dans un autre pays elle peut être imposée au Canada. Cette fiducie me préoccupe. Est-ce qu'elle a seulement déménagé aux États-Unis? Fait-elle l'objet d'une surveillance par Revenu Canada, ou a-t-elle déménagé maintenant dans un autre pays où elle échappera à notre système d'imposition?
M. Gravelle: Il me serait très difficile, monsieur le président, de fournir des précisions sur ce contribuable donné en raison de l'article 241.
M. Hubbard: Je n'ai pas posé de question au sujet du contribuable en question, monsieur le sous-ministre. J'ai demandé si Revenu Canada surveillait les fonds qui se trouvaient dans cette fiducie? Où se trouve-t-elle maintenant? Savez-vous où elle est, et peut-on y appliquer notre législation fiscale?
M. Gravelle: Je peux vous assurer que nous avons le dossier en main. Il fait l'objet de discussion publique...
M. Hubbard: Je ne pose pas de question au sujet du dossier. J'ai demandé, monsieur le sous-ministre, si vous savez où se trouve l'argent, où se trouve la fiducie? Est-elle dans un paradis fiscal ou est-elle toujours aux États-Unis?
M. Gravelle: Je n'ai pas les renseignements pour répondre à votre question.
M. Hubbard: À propos de fiducies de cette importance, combien de fiducies familiales au Canada dépassent, par exemple, les 500 millions de dollars?
M. Gravelle: Je me ferai un plaisir de vous fournir ce renseignement.
M. Hubbard: Je vous en saurais gré.
Je demanderais alors au vérificateur général, compte tenu de l'information que nous venons tout juste d'obtenir, s'il semblait compte tenu des réponses qu'il a fournies à nos questions que jusqu'à la fin décembre les dossiers semblaient montrer que la décision allait à l'encontre du souhait du contribuable et que cette classification, à propos d'un changement apporté à une fiducie quittant le pays, ne serait pas permise.
Est-ce exact, monsieur Desautels?
M. Minto: Oui, c'est exact.
M. Hubbard: Donc, à votre avis, jusqu'au 23 décembre, les dossiers montreraient que les recommandations présentées au sous-ministre n'appuyaient pas une décision en faveur du contribuable en question.
M. Minto: Je vous renvoie à votre chronologie à la page 17 de la version anglaise...
M. Hubbard: Non pas la chronologie; je veux simplement, monsieur Minto, que vous répondiez par oui ou non.
M. Minto: Oui, monsieur, jusqu'au 18 décembre une note de service a été rédigée par le sous-ministre adjoint informant le sous-ministre que le ministère ne pouvait pas rendre de décision favorable. C'est très clair.
M. Hubbard: Donc, l'impression que vous avez donnée et les déclarations que vous avez faites indiquent clairement qu'un changement a été apporté au bureau du sous-ministre par deux personnes qui ont pris une décision en l'occurrence, et la décision a été rendue en faveur du contribuable.
J'ai demandé hier, et probablement que vous pourriez y revenir à nouveau, pour ce qui est de la date du 31 décembre, était-ce un facteur, à votre avis, qui expliquerait pourquoi cette décision a été prise le 23 décembre?
M. Minto: Si vous le permettez, je me souviens de toutes les fois que nous avons parlé de cette question, et je ne me souviens pas avoir jamais dit que la décision avait été renversée par deux personnes ni que cela n'avait été le fait que de deux personnes. Nous avons toujours dit qu'en raison du peu de documentation nous ne comprenions pas le fondement de la décision. Le 23 décembre était important. Le sous-ministre a dit au contribuable...
M. Hubbard: Monsieur Minto, êtes-vous en train de dire qu'il ne s'agissait pas nécessairement de deux personnes? J'avais l'impression, compte tenu de l'information fournie, qu'il était question de deux personnes, d'un sous-ministre et de quelqu'un d'autre, qui avaient pris la décision contrairement à ce que contenait le dossier jusqu'à ce moment-là.
M. Minto: Nous n'aurions pas donné cette impression, monsieur. Le fait est que la décision a été prise à un niveau supérieur. C'était la haute direction. Si vous consultez nos documents vous verrez...
M. Hubbard: D'accord. Merci, monsieur Minto.
[Français]
Le président: D'accord. Nous commençons maintenant le tour de cinq minutes. Mais juste avant, j'ai une petite question pour vous, Monsieur Gravelle.
M. Tremblay (Rosemont): Cinq minutes?
Le président: Oui, cinq minutes. J'ai une question pour M. Gravelle.
Vous vous êtes référé tout à l'heure, dans votre témoignage, au point de vue juridique et au niveau de l'intention de la loi. Est-ce que vous avez tenu compte des conséquences potentielles de cela sur l'assiette fiscale? Je vous demanderais une réponse rapide.
M. Gravelle: Je sais que les agents du ministère qui ont examiné ce dossier ont tenu compte de tous les facteurs qui étaient en présence.
Le président: Incluant l'assiette fiscale?
M. Gravelle: Incluant l'assiette fiscale. Nous voulions nous assurer que la décision ultime soit adéquate.
Le président: Monsieur Tremblay, cinq minutes.
M. Tremblay: Je vais essayer d'être bref.
Je crois comprendre que votre décision sur la politique est basée sur le fait qu'on a une entente fiscale avec les États-Unis et que, par conséquent, le potentiel fiscal canadien est préservé pour dix ans. Est-ce exact?
[Traduction]
Le fondement de votre décision...
M. Dodge: Selon le traité, nous aurions le droit, pendant 10 ans, de percevoir des impôts.
[Français]
M. Tremblay: Quand on a des milliards de dollars, on peut attendre dix ans facilement. Je me souviens qu'en 1971-1972, par exemple, quand le gain en capital a été imposé, la compagnie Molson a vendu le club de hockey Canadien, puis l'a racheté après avoir attendu le nombre d'années requis. Maintenant, s'ils continuent à perdre, la compagnie pourrait revendre le club et réclamer une perte en gain de capital.
Ce qui m'inquiète, en fait, c'est qu'on a de plus en plus de personnes avec la double ou triple nationalité et plusieurs résidences, alors que nous vivons la mondialisation. Il est urgent d'agir maintenant.
La question qui a été posée me semble sérieuse, en termes de politique. Étant donné que la décision a été publiée, il me semble qu'il est urgent d'agir.
Nous voulons savoir pendant combien de temps l'assiette fiscale canadienne est protégée. Dans le cas des États-Unis, c'est 10 ans. Si on attend 10 ans, qu'arrivera-t-il? Est-ce qu'ils gardent l'argent?
[Traduction]
M. Dodge: Le Canada a un droit sur un bien canadien imposable dans le cas de quelqu'un qui déménage du Canada aux États-Unis, et cela pendant une période de 10 ans. Et si l'actif n'est pas liquidé au cours de cette période de 10 ans, nous perdons ce droit.
M. Tremblay: Nous pouvons donc perdre des millions de dollars? Ou 1 $, si vous voulez; pour moi c'est la même chose.
M. Dodge: Selon notre propre législation, pour quelqu'un qui reste ici, nous ne percevons d'impôt qu'au moment de la réalisation.
M. Tremblay: Je vois.
M. Dodge: Cela veut dire que si un contribuable émigre aux États-Unis, dans le cas d'un bien canadien imposable autre qu'un bien immobilier - les biens immobiliers sont toujours assujettis à notre législation fiscale - après 10 ans -
M. Tremblay: Nous perdons.
M. Dodge: Nous perdons le droit d'imposer la totalité.
[Français]
M. Tremblay: Dans l'actuel monde de la mondialisation, il me semble qu'il y a une urgence. On sait qu'avec la décision qui a été rendue, ceux qui le feraient avant qu'un changement soit décrété seraient parfaitement en droit de le faire.
Je me souviens très bien de ce qui s'est passé en 1971. Si je cherchais dans mes dossiers, je pourrais trouver des dizaines de compagnies comme Molson qui ont vendu leurs biens avant d'être imposées sur les gains en capitaux. Est-ce que la situation peut se reproduire sans que l'on s'en aperçoive? Vous comprenez notre inquiétude à l'égard du potentiel fiscal au moment où on coupe les pensions de vieillesse, où on fait subir des coupures à tout le monde.
[Traduction]
M. Dodge: Je comprends parfaitement, et c'est justement pourquoi nous avons dit qu'il convenait que le Comité des finances examine le plan de base de la loi.
[Français]
M. Tremblay: Monsieur Dodge, vous êtes responsable à l'égard de la politique aussi.
M. Dodge: Oui.
M. Tremblay: Vous avez des recommandations à l'égard de la politique. Mon inquiétude, c'est de remettre ça à un comité alors qu'on devrait peut-être agir immédiatement. Vous voyez?
Je vous pose la question parce que vous êtes au courant. Dans deux mois, on va peut-être en savoir un peu plus, mais je sais que vous-même savez déjà. N'y aurait-il donc pas lieu d'agir immédiatement pour éviter ce qui s'est passé au début des années 1970, lorsqu'on a imposé le gain en capital? C'est l'essentiel de notre préoccupation.
Comme vous venez de le dire, et M. Gravelle l'a affirmé aussi, ces gens-là ont le droit de le faire. On ne peut pas revenir là-dessus. Vous venez de dire aussi que, si on attend 10 ans, ils pourront garder l'argent et que c'est très bien. Effectivement, un milliardaire ou un multimillionnaire peut attendre 10 ans en Floride.
Le président: Monsieur Dodge.
[Traduction]
M. Dodge: C'est une question difficile et qui nécessite beaucoup de travail, mais permettez que je clarifie deux choses.
D'abord, le contribuable même ne se soustrait pas à l'impôt. En fait, il se peut même qu'au bout du compte il à payer davantage d'impôt selon l'aire de juridiction où il émigre. De façon générale, bien que ce ne soit évidemment pas toujours le cas, pour ce qui est du Canada et des États-Unis, il n'y a pas d'avantage pour le contribuable, parce que non seulement les États-Unis perçoivent des impôts sur les gains en capital, mais qu'ils perçoivent aussi des droits successoraux. Donc, si vous me demandez si je crains qu'il y aura tout un mouvement dans le simple but d'éviter l'impôt, je vous dirai que cela ne me préoccupe pas vraiment.
Il y a la question de savoir quelle autorité perçoit l'impôt. C'est une question très importante. Il y a l'autre volet que le Parlement doit étudier, soit que nous devrions accorder le même traitement aux personnes qui émigrent au Canada. Ce n'est pas simple, mais il est très important que le comité examine cet aspect.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Tremblay.
Monsieur Williams.
M. Tremblay: Il y a plus de gens qui déménagent pour aller vers le soleil.
[Traduction]
M. Williams: À la pièce 1.3 du rapport du vérificateur général, on dit que le 19 décembre, monsieur Gravelle, le ministère du Revenu national a reçu une ébauche d'avis juridique. Pourriez-vous fournir une copie de cet avis juridique au comité?
M. Gravelle: Oui, nous le ferons.
M. Williams: Monsieur Dodge, à la page 6 de votre déclaration, vous dites que la question proprement dite était simple, mais vous revenez sans cesse à la complexité de l'affaire. Quand le ministère des Finances a-t-il décidé qu'un bien canadien imposable pouvait être détenu par des Canadiens?
M. Dodge: Je ne comprends pas bien la question parce que... depuis 1971...
M. Williams: Depuis 1971.
M. Dodge: Il s'agissait ici d'une transaction très complexe.
M. Williams: Non, non, ma question était bien simple. À la page 6, vous dites que la question proprement dite était simple: un résident du Canada peut détenir un bien canadien imposable depuis 1971, environ.
M. Dodge: La réponse, essentiellement, est oui. Il s'agit, monsieur Williams... et cela nous ramène à la question qui vient d'être posée par l'autre membre du comité parce que...
M. Williams: Non, non, la date.
M. Dodge: Cela remonte aux révisions apportées à la loi après Carter en 1971.
M. Williams: Permettez que je cite la décision rendue en 1985.
- Notre décision est que la fiducie, lorsqu'elle cessera de résider au Canada, ne sera pas, par
application de l'alinéa 48(1) de la Loi, réputée avoir disposé de ses actions de corporations
publiques qu'elle a acquises en contrepartie d'actions d'une corporation privée qui lui
appartenait...
M. Farber: Monsieur le président, dans cette transaction précise, il devait y avoir un échange d'actions...
M. Williams: Ce à quoi je veux en venir, monsieur...
M. Farber: ... d'actions d'une société privée à des actions d'une société publique.
M. Williams: L'échange en tant que tel ne m'intéresse pas. M. Dodge a dit que depuis 1971 les Canadiens peuvent détenir des BCI. Selon la décision de 1985, qui est rédigée au futur, lorsqu'une fiducie cessera de résider au Canada elle pourra détenir des BCI. Pouvez-vous expliquer pourquoi? Vous dites que depuis 1971 la situation était simple; toutefois, la décision dit que ce sera quand - au futur - elle cessera de résider au Canada.
M. Farber: C'était, je crois, l'essentiel de la décision. Quand la fiducie cessait de résider au Canada et qu'il y avait un échange d'actions d'une société privée à une société publique, le seul cas où le Canada pouvait préserver ses droits d'imposition était celui où le bien versé à la fiducie était un BCI et où l'échange de biens était aussi un BCI. Ainsi quand la fiducie était non résidente et détenait des actions d'une société publique, ce bien, qui autrement n'aurait pas été considéré comme un BCI, était considéré comme un BCI.
M. Williams: Monsieur le président, je pense qu'on essaie de nous embrouiller. Je regarde la décision anticipée. Je regarde la déclaration préliminaire de M. Dodge, où il tente de s'appuyer sur un aspect de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permet des sociétés de personnes. Si je peux citer sa déclaration préliminaire, il a dit que si la plupart des biens sous-jacents d'une société de personnes sont des BCI, alors une participation dans une société de personnes est un BCI. Toutefois, vous avez dit que dans l'affaire qui nous intéresse il n'était pas question de société de personnes. Le vérificateur général a dit bien clairement que la seule mention à un BCI détenu par des Canadiens se trouve dans cette disposition de sociétés de personnes. Je veux savoir pourquoi il semble que le ministère des Finances soit revenu sur sa décision.
M. Dodge: Le ministère des Finances n'est pas revenu sur sa décision.
M. Williams: Monsieur le président, la documentation et le témoignage que nous recueillons sèment la confusion plutôt que de clarifier les choses.
Revenons à l'avis qui a été présenté en 1985, une semaine après la publication de la décision. Monsieur Gravelle, vous disiez dans votre déclaration:
- Notre objectif fondamental est de vous assurer que la lettre et l'esprit de la loi sont respectés et
que la demande de décision soit traitée conformément aux principes d'équité, d'uniformité et
de justice.
M. Gravelle: En ce qui me concerne, l'avis remis en 1985 était malheureusement incorrect, et il n'a pas été rendu public à ce moment-là.
[Français]
Le président: Monsieur Paradis.
M. Paradis: C'est un dossier très important. La préoccupation essentielle de l'ensemble des contribuables canadiens concerne les impôts et les taxes qui sont déjà élevés. De toute façon, c'est toujours trop élevé pour tout le monde. Dans ce sens-là, c'est un dossier qui préoccupe énormément les membres du comité.
Mais ce qui est troublant dans tout ça, c'est que les réponses sont toutes négatives jusqu'au22 décembre, et subitement, le 23 décembre, deux jours avant Noël, tout change complètement après une série de réunions qu'on a du mal à comprendre.
Dans le rapport du vérificateur général, à 1.48, on dit:
- 1.48 Les documents contenus dans les dossiers de Revenu Canada révèlent que, au cours des
deux mois durant lesquels la demande de décision a été à l'étude, des fonctionnaires ont à
plusieurs reprises conclu que le Ministère ne devait pas rendre de décision favorable à l'égard
du cas.
Je voudrais souligner aussi l'importance du travail du vérificateur général, que vous devriez féliciter.
À l'intérieur d'un petit livret de Revenu Canada qui s'appelle Direction des décisions - Services offerts, on parle des services livrés à l'intention de la population en général et on dit à la page 15:
- Le Bureau du vérificateur général du Canada examine régulièrement le travail de la direction, y
compris les décisions anticipées et les interprétations techniques qu'elle publie.
Ma première question va s'adresser à M. Dodge. Je me réfère au point 1.54 du rapport du vérificateur général, concernant le problème des décisions anticipées.
Je crois avoir compris que, pour avoir une décision anticipée, on doit être en position d'opérations projetées. Il est écrit un peu partout que les opérations ne sont pas encore faites.
Le vérificateur général mentionne au point 1.54:
- Mais l'échange d'actions avait déjà eu lieu.
J'ai donc de la difficulté à concilier l'affirmation du vérificateur général, qui dit que l'échange d'actions avait déjà eu lieu, avec la notion même de décision anticipée et votre déclaration d'ouverture, qui mentionne que les opérations n'auraient pas été conclues si la décision n'avait pas été favorable.
Deuxièmement, monsieur Dodge, j'ai une sous-question. Vous avez mentionné que vous n'étiez pas sous-ministre des Finances à l'époque. Qui était le sous-ministre des Finances à l'époque?
M. Dodge: Je réponds d'abord à la dernière question: c'était Fred Gorbet à l'époque. En ce temps-là, j'étais moi-même sous-ministre associé chargé des affaires internationales du ministère.
Pour la première question,
[Traduction]
la décision ne s'appliquait pas aux opérations conclues, monsieur Paradis. La décision traitait d'une conséquence d'une transaction qui n'avait pas encore eu lieu, c'est-à-dire, le changement de résidence de la fiducie et le transfert d'actions publiques à l'extérieur du Canada. C'était ce qu'on demandait - une décision sur cette question. C'est la décision qu'a fournie le ministère deM. Gravelle.
[Français]
M. Paradis: Je voudrais revenir en posant une question semblable à M. Gravelle.
Dans le volume dont je parlais tantôt, vous avez à la dernière page l'organigramme de la Direction des décisions sur les advance rulings. Dans cet organigramme, il est indiqué: «Section des industries manufacturières, sociétés de personnes et fiducies». Est-ce que vous pourriez nous dire qui était responsable, à cette époque-là, de cette section et qui était chargé du dossier?
M. Lefebvre: L'agent responsable était M. John Chan.
M. Paradis: Pour la deuxième question, vous allez un peu plus haut dans l'organigramme. Qui était le directeur de de la Division des industries manufacturières, société de personnes et fiducies?
M. Lefebvre: Mme Carole Toussaint.
M. Paradis: Et le directeur général?
M. Lefebvre: M. Read.
Le président: Votre temps est déjà écoulé, monsieur Paradis.
M. Paradis: Je continuerai plus tard.
Le président: Avant de passer la parole à M. Rocheleau, j'aurais une question pour le vérificateur général. J'aimerais savoir, monsieur Desautels, si vous êtes d'accord sur la réponse fournie par M. Dodge à M. Tremblay, tout à l'heure, quand M. Tremblay insistait sur l'urgence de la situation. M. Dodge semblait dire qu'il n'y avait peut-être pas nécessairement urgence. Est-ce que vous êtes d'accord?
Et maintenant, je me réfère à vos commentaires. Tout d'abord, je remarque que vous avez intitulé vos observations de vérifications: «Sérieux motifs d'inquiétude». Dans votre texte, je lis:
- À notre avis, les opérations visées par ces décisions ont frustré l'intention du législateur en ce
qui concerne l'imposition des gains en capital. Nous craignons donc que Revenu Canada, en
rendant les décisions, n'ait porté atteinte à l'assiette fiscale en renonçant au droit de recouvrer à
l'avenir plusieurs millions de dollars en impôts.
M. Desautels: Monsieur le président, j'ai dit à plusieurs reprises que je croyais que c'était un sujet extrêmement important sur lequel il faudrait se pencher le plus rapidement possible. Et j'ai dit ce matin également que ce qui m'inquiète le plus, ce n'est pas nécessairement ce qui s'est passé en rendant la décision anticipée, mais bien plus les conséquences de cette décision-là sur des transactions futures que d'autres personnes pourraient vouloir compléter.
Je pense donc que plus vite on pourra se pencher sur cette question, mieux ce sera. Que ce soit fait par un comité ou que le ministère des Finances le fasse lui-même, je pense qu'on a le choix, mais je continue à dire qu'il est relativement urgent de se pencher sur cette question.
Le président: Merci.
Monsieur Rocheleau, cinq minutes.
M. Rocheleau (Trois-Rivières): Ma question va porter sur le paragraphe 1.31 du vérificateur général. Dans ce débat, on parle tantôt de fiducie protectrice, tantôt de fiducie familiale, et vous concluez le paragraphe 1.31 en disant:
- Il est expressément interdit aux fiducies de faire un tel choix.
M. Desautels: Je vais demander à M. Elkin de répondre à cette question-là.
[Traduction]
M. Elkin: Oui, ce que dit le paragraphe 1.31 est exact: «Les particuliers et les sociétés qui résident au Canada et qui quittent notre pays peuvent, en vertu de la loi, choisir que des actions de sociétés publiques deviennent des «biens canadiens imposables» à la condition de fournir au ministre du Revenu national une sûreté satisfaisante. Il est expressément interdit aux fiducies de faire un tel choix.»
[Français]
M. Rocheleau: Donc, c'est une fiducie. Ici, c'est une fiducie qui s'est prévalue de ces dispositions. Ils ont dit clairement qu'«il est expressément interdit aux fiducies...».
[Traduction]
M. Elkin: Selon Revenu Canada, lorsque des actions de sociétés privées sont échangées contre des actions de sociétés publiques, les actions des sociétés publiques deviennent des biens canadiens imposables, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de faire un choix.
[Français]
M. Rocheleau: Merci.
Le président: Monsieur Williams.
[Traduction]
M. Williams: Monsieur Gravelle, les revirements dans les documents, tels que les énumère le vérificateur général dans son rapport, me laissent perplexe. Avez-vous discuté de cette question avec l'un quelconque des ministres du Cabinet, le 23 décembre, avant cette date ou après?
M. Gravelle: Pas que je me souvienne.
M. Williams: En avez-vous discuté avec un des membres du Bureau du Conseil privé?
M. Gravelle: Non.
M. Williams: Monsieur Dodge, vous dites avoir été mis au courant lorsque le vérificateur général a soulevé cette question, et pourtant les journaux affirment que M. Mazankowski, qui était alors ministre des Finances, était au courant de l'affaire. M. Mazankowski avait-il l'habitude de discuter de ces questions avec son personnel, sans que vous ne le sachiez?
M. Dodge: Je ne puis confirmer ce que disent les journaux. Il vaudrait mieux vous adresser àM. Mazankowski.
M. Williams: Savez-vous si un ministre du Cabinet ou un des membres du Bureau du Conseil privé aurait pu offrir ses conseils là-dessus?
M. Dodge: Non, je ne le sais pas.
M. Williams: Je ne comprends toujours pas que vous puissiez affirmer qu'il s'agit là de biens canadiens imposables, alors que le vérificateur général a déclaré de façon expresse en ce qui concernait la Loi de l'impôt sur le revenu, qu'il était interdit aux fiducies de faire un tel choix.
Vous affirmez qu'il s'agit de biens canadiens imposables entre les mains d'une fiducie résidant au Canada; et pourtant, vos propres lignes directrices, c'est-à-dire celles du ministère des Finances, stipulent de façon spécifique que seuls les gains de biens canadiens imposables d'un bénéficiaire non résident...
Les lignes directrices parlent de biens réputés avoir été réalisés et d'immigration et expliquent tout de A à Z. Or, nulle part dans ces lignes directrices, laisse-t-on entendre que les Canadiens, quels soient, peuvent détenir des biens canadiens imposables; et pourtant, faisant fi de toutes les recommandations, de tous les conseils et de toutes les décisions du ministère du Revenu, vous affirmez que c'est une question simple qui est manifeste depuis 1971.
M. Dodge: La loi est très claire: les biens canadiens imposables peuvent immigrer au moment de la réalisation et sont imposés en conséquence.
M. Williams: Vous parlez des biens canadiens imposables possédés par des Canadiens qui émigrent, ou parlez-vous plutôt des biens qui deviennent des biens canadiens imposables au moment de l'émigration?
M. Dodge: Clairement, c'est une question de définition, et c'est très important, monsieur Williams: s'il ne s'agissait pas de biens canadiens imposables, il y aurait alors possibilité de se soustraire facilement au fisc.
M. Williams: Monsieur Dodge...
M. Dodge: Vous me demandiez des définitions.
M. Williams: Je vous demande ce qui arrive lorsque des biens deviennent des biens canadiens imposables. Dans tous les documents auxquels renvoie la Loi de l'impôt sur le revenu, exception faite des sociétés de personnes, on peut lire que les Canadiennes ne peuvent détenir des biens canadiens imposables; or, vous continuez à affirmer que depuis 1971 c'est une question simple, évidente.
Pourquoi faut-il que les décisions en matière d'impôt soient réputées être de nature très complexe? Pourquoi le ministère du Revenu émet-il des opinions contraires? Et pourquoi le ministère du Revenu demande-t-il au ministère des Finances une lettre d'assurance avant d'opérer un revirement complet, monsieur Gravelle, afin de donner satisfaction à ce contribuable?
M. Gravelle: Je ne crois pas qu'il y ait eu un revirement complet de la part de Revenu Canada, et je ne suis pas d'accord sur le fait que nous essayions de donner satisfaction au contribuable.
Notre seul objectif, tout au long de cette affaire, c'était de tirer la bonne conclusion après avoir mûrement réfléchi et après avoir effectué les contrôles appropriés au ministère, tout en nous conformant aux avis de nos conseillers juridiques et politiques.
M. Williams: Une dernière question, monsieur le président.
Dans son rapport, le vérificateur général affirme que le 23 décembre, la note de service du sous-ministre est révisée et indique que la proposition du contribuable n'est pas acceptable. Le document énonce d'autres solutions que la proposition du contribuable. Le ministère du Revenu national a-t-il pour politique de formuler des conseils fiscaux?
M. Gravelle: Nous n'avons pas pour politique de formuler des conseils fiscaux. Toutefois, nous avons certainement pour politique d'étudier les problèmes et de voir quelles autres solutions on peut proposer à un contribuable ou à son représentant.
M. Williams: Ce n'est pas considéré comme des conseils?
M. Gravelle: Je ne le crois pas.
[Français]
Le président: M. Brien m'a demandé la parole.
M. Brien: J'ai une question pour M. Lefebvre.
Vous étiez présent le 23 décembre 1991. L'avis du sous-ministre et votre expertise de l'interprétation de la loi vous ont amené, le 23 décembre, à émettre un avis selon lequel on ne devait pas émettre de décision favorable concernant la demande du contribuable.
Sur quoi vous êtes-vous appuyé, à ce moment-là, pour affirmer cela?
M. Lefebvre: Lorsque des demandes de décisions sont reçues, il y a une loi non écrite qui peut vous être confirmée par tous les praticiens qui utilisent le service et qui dit que la réponse est négative tant que le praticien ou les représentants n'ont pas convaincu nos agents de décision qu'on peut prendre une décision favorable. Il y a une loi non écrite qui fait que le fardeau de la preuve revient aux gens qui ont toute l'information relative à la transaction, qui ont planifié leur transaction, qui ont étudié tous les aspects et qui doivent nous convaincre avant que nous ne prenions la décision de leur confirmer que leur interprétation de la loi est correcte.
Vous comprendrez que ces transactions-là sont complexes et que la documentation est imposante. Alors, tout au cours de l'étude de ces décisions, il est normal que les agents disent non tant qu'ils ne sont pas convaincus qu'on peut donner une décision favorable.
Ça se passe de cette façon dans toutes les décisions, parce qu'une fois qu'on dit oui, c'est fini: on envoie la décision. Tant et aussi longtemps qu'il y a des délibérations au ministère, c'est qu'on n'est pas convaincus.
Vous pouvez donc imaginer le cheminement du dossier. Des éléments positifs avaient été identifiés, mais il y avait aussi des éléments négatifs. Nous n'avons pas été en mesure de dire oui jusqu'au moment où on a eu de l'information supplémentaire qui nous a permis de donner une décision positive.
M. Brien: Donc, le 23 au matin, selon votre avis et selon votre recommandation, c'était encore une décision non favorable. Vous aviez encore suffisamment de doutes pour donner une décision non favorable.
Puis, après une série de rencontres pendant la journée du 23, une série de discussions et un avis, vous arrivez finalement à l'opinion contraire de celle que vous aviez le matin même.
Premièrement, j'aimerais que vous m'expliquiez ce qui s'est passé et quelles ont été les raisons de ce revirement. Deuxièmement, n'aurait-il pas été préférable, vu la complexité de l'enjeu, d'attendre l'avis juridique, de ne pas émettre la décision anticipée à ce moment-là, mais d'attendre un peu pour qu'elle repose sur des arguments plus solides provenant d'une analyse plus approfondie? Il n'y avait pas d'urgence, le 23 décembre, du point de vue de Revenu Canada, pour émettre des décisions anticipées.
Je résume mes deux questions. D'abord, qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis au cours de la journée du 23 décembre? Et ensuite, pourquoi ne pas avoir attendu et creusé davantage en profondeur avant d'émettre la décision anticipée?
M. Lefebvre: Depuis le 7 novembre, comme le vérificateur général l'a confirmé, il y avait eu une abondante documentation et des analyses en profondeur. Les opinions juridiques reçues du ministère de la Justice, depuis le début, nous avaient confirmé que la meilleure interprétation de la loi était de donner une décision favorable. Il y avait eu confirmation depuis environ un mois au cours des discussions qui avaient eu lieu.
On avait eu des discussions avec le ministère des Finances. Mais pour les décisions telles qu'elles sont rapportées, il n'y avait pas eu de conclusion.
Au cours des discussions qui ont été tenues, je présume qu'on a pris beaucoup de temps pour comprendre les faits, puisque les données factuelles de cette transaction étaient complexes.
Comme l'indiquait M. Dodge, avant d'en arriver au point de droit, il faut décortiquer la transaction, comprendre les faits et réduire le grand nombre de questions qui se posaient au début.
Le nouvel élément clé qui a surgi le 23, et qui était évident au dossier, était qu'on nous confirmait que l'intention politique était conforme à l'opinion juridique qu'on avait reçue, et que non seulement la lettre mais aussi l'intention de la loi allaient dans le même sens.
Nous avions alors toute l'information requise pour prendre une décision; il n'y avait plus de raison particulière d'attendre à la nouvelle année.
M. Brien: Dans des cas de recherche et de développement extrêmement compliqués au Québec, Revenu Canada n'avait pas émis de décision anticipée en raison de la complexité des enjeux. Pourquoi, dans ce cas particulier, vous êtes-vous risqués à émettre une décision anticipée alors qu'aujourd'hui le vérificateur des Comptes publics du gouvernement en conteste l'interprétation ou la conformité à l'esprit de la loi?
Puisque dans le cas de la recherche et du développement au Québec, vous n'aviez pas émis de décision anticipée, pourquoi avez-vous jugé important et nécessaire de le faire dans l'autre cas?
M. Lefebvre: Dans le cas de la recherche et du développement, nous n'avons pas rendu de décision anticipée, parce que d'une part on ne nous l'a pas demandé et que, d'autre part, si l'on doit se baser sur une question de faits, il serait difficile de se baser sur des faits qui ne se produiront qu'à l'avenir.
Nous n'émettons donc pas de décision garantissant aux investisseurs que dans l'avenir il y aura de la recherche et du développement, parce qu'il faut attendre de voir si tel sera le cas.
Dans le cas d'une décision anticipée, qu'on ne nous a pas demandée dans ce cas, tous les aspects de la transaction proposée doivent nous être décrits pour qu'on puisse bien les comprendre; la décision ne sera valide que si la transaction se déroule exactement tel que prévu.
M. Brien: On n'est pas obligé de faire ainsi.
Le président: Merci, monsieur Brien. Juste avant de céder la parole à M. Paradis, j'aimerais adresser une question à M. Lefebvre.
L'échéancier du vérificateur général indique que le 19 décembre, une ébauche d'avis juridique est reçue. Cet avis recommandait-il une décision favorable ou défavorable?
M. Lefebvre: La preuve documentaire que possède le vérificateur général indique que des réunions ont eu lieu en décembre, avant le 19, date à laquelle le projet d'opinion fut rendu disponible. Lors d'une rencontre avec le conseiller juridique, nous avions pris note qu'il disait que la meilleure interprétation du droit était qu'on devait donner une décision favorable.
Cependant, il notait aussi que nous pouvions argumenter. À l'appui de la position prise par les agents de décision, qui avaient analysé les conséquences et les larges sommes d'argent en jeu et qui n'étaient pas alors convaincus que nous devions dire oui, l'avocat nous avait avertis que la meilleure interprétation du droit était favorable. Ceci est documenté.
Le 19 décembre, à notre demande, l'avocat avait fourni un projet d'opinion où il disait que nous pouvions argumenter. C'est tout ce qu'il disait.
Le président: Il ne donnait pas d'interprétation favorable ou défavorable?
M. Lefebvre: Dans ce projet d'opinion, il disait que nous pouvions argumenter en faveur de ne pas rendre de décision.
Le président: Monsieur Paradis.
M. Paradis: Si vous le permettez, monsieur le président, je céderai mon temps à mon collègue qui aurait peut-être quelques questions.
Le président: Oui.
[Traduction]
M. Ianno (Trinity - Spadina): Très brièvement, monsieur Minto, êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit M. Lefebvre? Votre analyse l'a-t-il confirmé?
M. Minto: Monsieur le président, le député pourrait-il être plus précis? De quoi parle-t-il exactement?
M. Ianno: Je parle de ce qu'a dit M. Lefebvre au sujet de la décision précédente qu'invoquait le ministère.
M. Minto: Nous sommes en quelque sorte dans une situation assez délicate en ce qui concerne les avis juridiques. Nous avons mentionné deux avis juridiques, l'un sous forme d'ébauche et l'autre définitif. Le ministère nous a empêchés de fournir plus d'informations en invoquant le caractère confidentiel, comme il avait le droit de le faire. Mais comme le ministère en parle ouvertement aujourd'hui, j'imagine qu'il a renoncé à ce privilège et que nous avons maintenant le loisir d'en parler.
Nous aurions aimé inclure des documents pertinents, mais on nous en a empêchés. Je serais ravi de vous dire...
M. Elkin: Y a-t-il eu renonciation du privilège?
M. Gravelle: Monsieur le président, nous avons déposé auprès du comité l'avis juridique du13 janvier. En réponse à une question précédente, j'ai dit que nous enverrions l'ébauche d'avis juridique du 19 décembre. Je ferai en sorte que le comité obtienne tous les autres documents pertinents qui pourraient lui être utiles.
M. Ianno: M. Minto peut donc nous en parler maintenant?
M. Gravelle: Bien sûr.
M. Minto: Monsieur le président, d'après la façon dont nous avons interprété l'ébauche du19 décembre, il ne devait pas y avoir de décision favorable rendue. L'avis juridique donnait les deux cotés de la médaille, mais ne se prononçait pas de façon définitive. Je crois que votre comité aimera y jeter un coup d'oeil.
M. Ianno: Merci beaucoup.
[Français]
Le président: Trois minutes, monsieur Paradis.
M. Paradis: J'adresse ma question à M. Gravelle relativement à la politique des décisions anticipées.
Dans le même petit livret rédigé à l'intention de l'ensemble des contribuables canadiens, on lit, à la page 5:
- Une décision anticipée est une confirmation écrite que la direction donne à un client du secteur
privé, au nom du Ministère, et qui concerne les conséquences fiscales de transactions
envisagées.
- La Direction des décisions ne fournit pas de décisions anticipées concernant des transactions
déjà en cours ni des transactions qui ont été menées à terme. Ce sont plutôt les bureaux d'impôt
locaux qui émettent une opinion sur ce genre de demandes.
Selon les renseignements dont nous disposons, le bien a été acquis par une fiducie en contrepartie d'actions...
Donc, on parle au passé. L'opération avait déjà eu lieu. Comment peut-on se retrouver en présence d'une décision anticipée le 23 décembre 1991?
M. Gravelle: Monsieur le président, je peux répondre à cette question. Tout comme le disait mon collègue, M. Dodge, nous avons toujours reconnu que l'acquisition des actions avait déjà eu lieu. Nous étions en présence d'une demande anticipée portant sur une transaction éventuelle, laquelle portait sur le transfert des actions vers un autre pays. C'est en ce sens que nous avons accepté de rendre une décision anticipée, sur une transaction à venir, un événement à venir qui consistait en un transfert des actions.
M. Paradis: Monsieur le président, j'aurais une question supplémentaire, si vous me le permettez. Si je comprends bien, l'échange d'actions avait déjà eu lieu. J'imagine toutefois que le transfert d'actions faisait partie de la planification de la transaction projetée. Est-ce que vous isolez complètement ce transfert ou s'il faisait partie de la transaction globale quand on vous l'a présenté?
M. Gravelle: Je pense que le transfert faisait partie de la transaction globale, qu'il était seulement noté au dossier par le contribuable. Le contribuable cherchait à savoir si le changement de résidence, accompagné du transfert des actions à l'extérieur du pays, allait avoir les effets fiscaux escomptés.
M. Paradis: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Tremblay, cinq minutes.
M. Tremblay: Vous commencez à émettre des actions publiques pour votre compagnie privée et, après 20 ans, elles sont encore valables et vous procédez à leur transfert aux États-Unis. C'est là-dessus que vous vous êtes prononcé.
Beaucoup de gens sont dans cette situation et cela représente beaucoup d'argent qui pourrait être transféré à l'extérieur du Canada. On parle d'actifs qui représentent plusieurs milliards de dollars.
[Traduction]
M. Dodge: Il m'est difficile de vous donner un chiffre exact, mais cela pourrait représenter beaucoup d'argent.
M. Tremblay m'a demandé plutôt si c'était urgent, et j'ai répondu que c'était complexe et difficile. Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par urgent, mais je voudrais signaler que nous avons demandé à l'autre comité de nous répondre d'ici septembre.
M. Tremblay: On sait bien qu'il y a des habitants de Hong Kong qui viennent s'installer au Canada, mais on sait aussi que l'un dans l'autre, il y en a plus qui s'installent aux États-Unis, à partir du moment où ils ont accumulé des milliards. Ils s'installent peut-être au Canada au début, mais lorsqu'ils vieillissent, ils s'installent plus au sud.
Notre situation économique n'est pas des plus roses, de surcroît. Au Canada, les taxes sont élevées, et la dette et le déficit sont tels que le gouvernement ne réduira sans doute pas les impôts d'ici longtemps. Si l'on combine à ça les problèmes de notre fonds de pension qui doit nous servir à la retraite, c'est encore pire. Celui qui a des milliards en banque, ou qui n'a même qu'un seul million, a sans doute intérêt à quitter le Canada le plus rapidement possible. Vous me comprenez?
[Français]
La décision va en venir à cela. Ce qui est important, c'est l'assiette fiscale concernée. On pourra ensuite en venir à la justice, mais pour nous, à court terme, ce qui est important, c'est l'assiette fiscale concernée et la capacité de gens d'agir dès maintenant. Selon moi, il est urgent de donner un signal à un certain nombre de personnes qu'on pourrait effectuer une révision rapide.
À mon avis, c'est déjà fait par le vérificateur général et par l'entremise du renvoi du ministre des Finances au comité. Quand je vous parle de l'urgence d'agir, c'est que nous pouvons maintenant nous baser sur des exemples antérieurs. Vous vous souviendrez qu'à l'époque où nous avons fait une transition fondamentale ici au Canada, passant de l'imposition des successions à l'imposition des gains en capitaux, nous avions vu un nombre très élevé de transactions en très peu de mois. C'est ce que nous voulons éviter.
[Traduction]
M. Dodge: Tout d'abord, permettez-moi d'être clair. Les deux cas sont très différents, puisque dans le premier cas, il existe la possibilité bien réelle d'évasion fiscale complète. Dans le cas qui nous occupe, il n'est pas question d'évasion fiscale, monsieur Tremblay; la question est de savoir qui va percevoir l'impôt.
Revenons à ce que j'ai dit au début. Ce n'est pas uniquement une question de politique. Comme l'a affirmé le vérificateur général, il est important et urgent qu'on se penche sur ce problème, mais je ne peux pas vous dire d'emblée dans lequel des deux pays il vaut mieux se trouver. Rappelez-vous que le contribuable qui émigre du Canada vers les États-Unis et qui détient des gains considérables en capital dans un édifice à logements ou dans une société privée, par exemple, reste toujours assujetti à l'impôt canadien pendant 10 ans. De plus, même si dans plusieurs États américains le taux d'imposition réel sur les gains en capital est parfois plus faible qu'au Canada, on y impose aussi là-bas des droits sur les successions. Ce n'est peut-être pas comme vous l'avez indiqué.
M. Tremblay: Je veux bien, mais lorsque vous avez des milliards de dollars, vous savez exactement dans quel État l'impôt est moins élevé.
[Français]
Devrait-on faire une moyenne des taux d'imposition aux États-Unis pour prouver ce point, pour montrer là où c'est le moins cher? Nous avons un problème d'abris fiscaux internationaux, ce dont nous avons fait état dans d'autres rapports. J'ose croire que les gens qui font ainsi, ne le font pas en vue de perdre de l'argent.
Je ne peux donc pas baser mon raisonnement sur le fait que des gens vont transférer des milliards aux États-Unis pour se faire imposer des taxes supplémentaires. J'ai de la difficulté à accepter votre argumentation. Je comprends que ce n'est pas là un rôle public. On respecte cela, bien que nous nous retrouvions en même temps face à une situation sérieuse, d'autant plus sérieuse que la mobilité internationale des personnes est considérablement accrue en fonction de leurs capitaux. Êtes-vous d'accord?
Je n'accepte donc pas votre raisonnement. Il faut agir rapidement. Et je vous ferai remarquer que c'est d'autant plus grave puisque nous nous retrouvons face à un problème d'équité, comme le soulevait le vérificateur général, au moment où l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes doivent avoir une vision plus claire et croire à l'équité absolue parce qu'on les taxe de plus en plus.
Alors, ne serait-ce qu'au plan de la simple équité, il est urgent d'agir. C'est pourquoi nous nous sommes réunis aujourd'hui et que vous êtes ici.
Si, de plus, on révélait qu'il y a eu des transactions importantes au cours des prochaines semaines, nous en serions tous responsables.
[Traduction]
M. Dodge: Ce que dit M. Tremblay est très pertinent et très important. C'est pourquoi la question a été renvoyée au Comité des finances et qu'il faut, je crois, se pencher là-dessus de toute urgence.
Mais je crois qu'il serait exagéré de décider que nous allons évaluer tous les gains accumulés par un contribuable le jour de son départ et réclamer l'impôt à ce moment-là. Songez un peu aux gens de 65 ou de 70 ans qui décident d'aller s'installer en Arizona parce qu'ils souffrent d'arthrite et qui ont une société privée au Canada ou possèdent un édifice à logements. Ce serait beaucoup trop sévère.
Ce n'est donc ni tout blanc ni tout noir, pas aussi simple qu'on pourrait le penser, mais il est essentiel que le Parlement se penche sur la question de l'imposition des gains en capital en cas d'émigration dans un autre pays, étant donné que cette question n'a pas été réexaminée depuis 1971. Les règles n'ont pas changé depuis cette date.
Le président: Monsieur Williams.
M. Williams: Monsieur Gravelle, lorsque je vous ai demandé si vous aviez discuté de cette question avec l'un quelconque des ministres, vous ne m'avez pas répondu de façon claire et nette. Serait-il possible que vous ayez discuté de la question avec un ministre avant le 23 décembre 1991?
M. Gravelle: Pas que je me souvienne, monsieur Williams.
M. Williams: Est-il possible que vous en ayez discuté avec un ministre le 23 décembre 1991?
M. Gravelle: Pas que je me souvienne, là non plus.
M. Williams: Est-il possible que vous en ayez discuté avec un ministre après 1991 mais avant l'élection de 1993?
M. Gravelle: Sûrement pas.
M. Williams: En avez-vous discuté avec un ministre après l'élection de 1993 et avant que le vérificateur général ne soit mis au courant et soulève la question?
M. Gravelle: Non.
M. Williams: Monsieur Dodge, savez-vous si quelqu'un dans votre ministère en a discuté avec un ministre avant le 23 décembre 1991?
M. Dodge: Pas que je sache.
M. Williams: Mais est-ce possible?
M. Dodge: C'est toujours possible.
M. Williams: Monsieur Gravelle, vous avez demandé une renonciation en regard de la décision qui fait l'objet de la pièce 1.2 du rapport du vérificateur général, page 1-15. Si la question était aussi simple que vous le laissez entendre, pourquoi avoir demandé une renonciation?
M. Gravelle: Monsieur Lefebvre.
M. Lefebvre: L'explication est très simple.
Dans toutes les discussions qui doivent entraîner une décision, il faut d'abord bien comprendre tous les faits. Le contribuable intervient donc pour expliquer sa transaction complexe. Dans ce cas-ci, il était question de plusieurs fiducies. Dans plusieurs des cases de son rapport, le vérificateur général parle d'une série de transactions. Nous interrogeons donc tous les intéressés jusqu'à ce que nous soyons sûrs de tout avoir bien compris.
Certaines questions que nous avons posées... Vous savez, nos agents de décision remettent tout en question, sans vouloir nécessairement flouer le contribuable; s'ils le font, c'est parce qu'ils ne veulent rien manquer. C'est leur fonction qui l'exige.
Au cours des discussions, nous avons demandé s'il y avait une autre étape qui suivrait. Nous avons demandé si cette migration des fonds faisait partie d'une série plus vaste de transactions. La question avait été soulevée plus tôt, lorsqu'on s'était demandé si les actions publiques avaient été échangées contre des actions privées, juste avant d'être transférées aux États-Unis.
M. Williams: Monsieur Lefebvre, vous saviez exactement...
M. Lefebvre: Permettez-moi...
M. Williams: Continuez, mais soyez bref.
M. Lefebvre: Je n'ai pas encore répondu à votre question.
Ce qui nous préoccupe, dans ces cas-là, c'est de savoir si les transactions, que nous avons bien comprises, font partie d'une série plus vaste de transactions qui, prises ensemble, pourraient laisser croire à une tentative d'évasion fiscale. Dans ce cas, il nous faudrait songer à invoquer la disposition d'anti-évitement.
C'est une question que nous nous sommes posée dans le cas qui nous occupe. Nous avons demandé au contribuable si, une fois les premiers fonds transférés aux États-Unis, il n'allait pas effectuer immédiatement d'autres transactions. Comme le contribuable voulait nous mettre à l'aise, il a répondu...
M. Williams: Ce que je veux savoir...
M. Lefebvre: Écoutez, si cela vous préoccupe, je vais m'entendre avec vous. Nous en avons discuté plus amplement, et je vais vous donner...
M. Williams: Je comprends ce que vous dites. J'aimerais savoir...
M. Lefebvre: C'est le seul contexte dans lequel s'applique cet instrument.
M. Williams: Laissez-moi vous poser la question suivante. Lorsque vous rendez une décision en matière d'impôt, vous énoncez uniquement les faits. Vous ne dites pas: «et tout ce qui pourrait s'ensuivre». Vous énoncez les faits, et s'il y a autre chose qui se produit dans le cadre de la même transaction, vous avez le droit de changer votre décision, n'est-ce pas? S'il y a d'autres faits qui viennent modifier la situation, vous pouvez affirmer que votre décision ne s'applique plus, n'est-ce pas?
M. Lefebvre: Si le contribuable nous présente une transaction en regard de laquelle nous rendons une décision, notre décision comprend d'office un paragraphe portant que si le contribuable n'honore pas ses engagements, la décision ne s'applique plus. Autrement dit, dès lors que le contribuable fait autre chose que ce qui était prévu, la loi s'applique autrement.
M. Williams: Ce paragraphe était-il inclus dans la décision qui nous concerne?
M. Lefebvre: J'en suis sûr. Je ne me rappelle pas exactement, mais c'est un paragraphe qui se trouve d'office dans toutes les décisions.
M. Williams: Avez-vous encore dans votre ministère de ces gens qui doutent de tout?
M. Lefebvre: Je n'ai que ça.
Le président: Monsieur Telegdi.
M. Telegdi (Waterloo): Monsieur le président, les questions sont plus longues que les réponses, à ce que je vois.
Je voudrais poser une question de politique à M. Dodge. Les capitaux se déplacent beaucoup plus facilement qu'autrefois. Par conséquent, que le Canada reçoive ou non ces capitaux mobiles dépend de ce qui se passe à Hong Kong ou ailleurs dans le monde.
Le président: Soyez bref, monsieur Telegdi.
M. Telegdi: Je serai bref, monsieur le président, beaucoup plus que vous.
Je donnerai aux témoins tout le temps qu'il faut pour répondre, car je crois que le sujet est important.
Dans quelle mesure nos lois empêchent-elles les étrangers de faire entrer des capitaux au Canada, ou dans quelle mesure les encouragent-elles à la fois? Si nos lois fiscales étaient perçues à l'étranger comme n'étant pas équitables, cela pourrait-il avoir des conséquences?
M. Dodge: C'est une excellente question, et je ne lui rendrais pas justice en essayant de répondre trop brièvement. C'est justement pour cela que nous avons demandé au Comité des finances de se pencher sur l'ensemble de la question.
La loi canadienne remonte à la fin des délibérations de la Commission Carter, du milieu jusqu'à la fin des années 1960. Vous avez raison de dire qu'à l'époque les capitaux et les gens n'étaient certainement pas aussi mobiles qu'ils le sont aujourd'hui, à l'échelle internationale.
Le Canada peut profiter considérablement de cette mobilité internationale. Les Canadiens peuvent eux aussi profiter grandement de cette mobilité. Pour revenir à ce que signalaitM. Tremblay, il y a des tas de gens qui deviennent des non-résidents pour des fins d'imposition pendant un certain temps, c'est-à-dire qu'ils vont installer leur entreprise pendant quelques années à l'étranger pour y faire des affaires, avant de revenir au pays.
Un des principes de base de la loi, c'était de rester neutre à l'égard de cette mobilité, afin de ne pas ériger d'obstacles pour les Canadiens qui veulent quitter le Canada ni d'obstacles pour les étrangers qui veulent venir investir et travailler au Canada. Rappelez-vous que M. Carter avait pour principe fondamental que de l'argent, cela restait de l'argent, peu importe la devise, et qu'il fallait que la loi soit tout à fait neutre.
Voilà pour les fondements philosophiques de la loi. Mais les situations changent, les transactions deviennent de plus en plus complexes, et les modes de financement aussi.
Voilà pourquoi nous avons cru que M. Desautels posait une question des plus importantes du point de vue de la politique, et ce, dans son sens le plus large: il s'est demandé si la Loi de l'impôt sur le revenu, telle qu'elle est libellée, convient toujours en 1996, étant donné l'importance de la migration vers le Canada et hors du Canada.
C'est exactement la même question que nous avons posée au Comité des finances, à qui nous avons demandé de nous faire rapport, dès la reprise du Parlement l'automne prochain, pour qu'il soit possible de débattre pleinement de cette question si importante et si complexe.
M. Telegdi: Le Canada accueille évidemment beaucoup d'immigrants, et il encourage même certains d'entre eux à venir investir leurs capitaux ici. A-t-on une idée de ce que cela représente, c'est-à-dire de quel surplus de capitaux on parle ici?
M. Dodge: Je n'en sais rien. Nous pouvons prendre votre question en délibéré, mais ce sera difficile à évaluer.
N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas uniquement ici des capitaux des particuliers, mais aussi de ceux des sociétés. Cela est difficile à évaluer, mais nous ferons de notre mieux, car c'est une question importante. Nous essaierons de préparer quelques documents là-dessus. Votre question est des plus appropriées.
Le président: Merci, monsieur Telegdi.
[Français]
Juste avant de passer la parole à M. Brien, j'ai une question rapide et précise pour M. Minto. Pourquoi le comité va-t-il trouver intéressante l'ébauche d'avis juridique du 19 décembre? Vous avez dit que vous étiez sûr que le comité allait la trouver intéressante. M. Gravelle s'est engagé à nous la fournir, mais je meurs d'anxiété et je me demande si je serai capable de passer la fin de semaine sans savoir ce que je vais trouver de si intéressant dans cet avis juridique.
[Traduction]
M. Minto: Je pourrais peut-être essayer de rendre votre week-end plus agréable.
Vous remarquerez qu'à la suite des avis juridiques des 20 et 23 décembre, le ministère a maintenu qu'il ne faudrait pas rendre de décision favorable. Cela veut dire qu'à ce moment-là le ministère avait reçu l'ébauche d'avis juridique, et c'est justement ce pourquoi nous avons pensé... Si vous regardez la chronologie des événements, vous constaterez que même après avoir reçu l'ébauche d'avis juridique, le ministère n'a pas changé d'avis.
[Français]
M. Brien: J'ai une question pour le vérificateur. Devant la nécessité de protéger l'assiette fiscale à court terme, est-il nécessaire de changer la loi pour agir ou pourrait-on prendre d'autres mesures comme une suspension de la décision anticipée en attendant de prendre une décision plus globale?
M. Desautels: Monsieur le président, je ne pense pas pouvoir répondre d'une façon complète à la question de M. Brien. Peut-être que les gens du ministère du Revenu ou des Finances pourraient mieux répondre à la question.
Le ministère a probablement des mécanismes pour indiquer qu'il est en train de réviser certains articles de la loi, et cela peut servir de mise en garde pour les gens qui envisagent des transactions dans ces secteurs particuliers.
Je pense que les représentants des deux ministères seraient mieux placés que moi pour vous répondre.
M. Brien: J'aimerais avoir la réponse de M. Gravelle ou de M. Dodge, qui semble vouloir parler.
M. Gravelle: Si je comprends bien votre question, vous me demandez si nous avons des mécanismes pour informer les contribuables que certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu font l'objet d'un examen.
M. Brien: Et qu'en conséquence, il serait probablement prudent de ne pas présumer que la décision va s'appliquer comme dans le passé.
M. Gravelle: Je pense que toute la discussion autour de cette question des biens canadiens imposables est connue du public en ce moment, compte tenu des questions qui ont été posées en Chambre et des interventions du vérificateur général. La position du gouvernement est également connue du public, puisqu'elle a été donnée lorsqu'on a annoncé que cette question était renvoyée au Comité des finances.
M. Brien: Mais vous savez aussi bien que moi que les contribuables sont plus rapides que nous. Si on ne bouge pas à court terme, ils auront vite compris la game. C'est d'ailleurs ce qu'ils font actuellement. Si j'avais une fiducie et que j'étais dans la même situation que les deux contribuables examinés, je me dépêcherais d'agir pour faire appliquer la décision anticipée à mon cas plutôt que d'attendre d'éventuelles modifications. Le problème reste entier pour nous. On aura manqué le bateau.
M. Gravelle: Je connais très bien le genre de situation dont vous parlez, mais sachez que la décision anticipée qui a été rendue repose sur deux avis que nous avons reçus, celui du ministère des Finances et celui du ministère de la Justice. La loi est telle que nous avons la conviction de l'avoir bien appliquée dans cette décision anticipée.
Et même si on ne rendait pas une décision anticipée sur une transaction semblable demain matin, le contribuable, fort de la publication de la décision de 1991, pourrait très bien aller de l'avant et faire respecter ses droits devant un tribunal.
M. Brien: Donc, d'après vous, c'est maintenant au législateur de clarifier l'intention de sa loi.
M. Gravelle: Je crois que oui.
M. Brien: Parfait. J'ai ma réponse.
M. Dodge a parlé de la protection de l'assiette fiscale pour dix ans aux États-Unis. Il y a donc une certaine protection pour le Canada du fait que ce seraient des biens canadiens imposables.
Mais le contribuable pourrait aussi plaider le fait que la convention fiscale s'applique à lui aussi. Bref, Revenu Canada devrait aller plaider la position contraire à sa décision anticipée pour aller récupérer l'impôt chez ces citoyens-là. Vous évoquez ça dans votre rapport et j'aimerais que vous clarifiiez ce point.
Je voudrais savoir, de la part de Revenu Canada, comment vous expliquez que l'on n'ait su qu'en mars 1996 que quelques personnes seulement avaient bénéficié de l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu. Comment se fait-il qu'il ait fallu plusieurs années avant de faire connaître la décision anticipée?
M. Gravelle: Je l'ai reconnu, au tout début, dans mes commentaires d'introduction. Le ministère déploie des efforts extraordinaires pour donner à tous les contribuables des circulaires d'information et des bulletins techniques d'interprétation. Nous donnons également, à ceux qui veulent les obtenir, des opinions techniques sur le sujet.
J'ai reconnu dès le début que nous n'avions pas réussi à rendre publiques, de façon consistante et en temps voulu, les décisions anticipées que nous avons données à des contribuables sur des questions et des transactions très particulières rattachées à un contribuable en particulier.
Je vous ai dit aujourd'hui que nous avions donc mis en place, à compter du 1er janvier 1996, une politique du ministère qui fait que toutes les décisions anticipées, reçues et données seront publiées dans les 90 jours de la transmission de la décision anticipée.
M. Brien: Et le vérificateur?
M. Desautels: Monsieur le président, M. Minto voudrait répondre à la question de M. Brien.
[Traduction]
M. Minto: Si j'ai bien compris, on s'est interrogé sur la mise en vigueur de la renonciation.
Cette renonciation est limitée, car Revenu Canada doit convaincre ses interlocuteurs qu'il ne s'agissait pas de biens canadiens imposables. Comme c'était au fond ce que disait la décision, pour faire appliquer la renonciation le ministère aurait été obligé de se contredire. C'est ce que nous avons fait ressortir.
[Français]
M. Brien: M. Dodge voudrait parler.
[Traduction]
M. Dodge: Je voudrais rester dans le même ordre d'idées.
Le véritable danger, ç'aurait été de voir cela se produire; nous aurions alors créé une énorme échappatoire. C'est d'ailleurs pourquoi la décision originale était tout à fait conforme à la loi. C'est une chose qu'il faut bien comprendre, mais que certains semblent ignorer.
M. Ianno: Peut-on demander à M. Minto de réagir, puisqu'il ne semble pas être du même avis?
M. Minto: La décision originale était conditionnelle et dépendait d'un engagement. Elle n'avait pas été prise hors contexte.
[Français]
Le président: Monsieur Williams.
[Traduction]
M. Williams: J'aimerais poser une question à M. Gravelle.
Je vais citer les commentaires du ministère du Revenu s'adressant au vérificateur général:
- En interprétant la législation qui s'applique aux transactions envisagées, Revenu Canada
détermine l'esprit de la loi en considérant non seulement le libellé utilisé dans une disposition
particulière, mais aussi le contexte dans lequel se trouve la disposition donnée.
Monsieur Gravelle, votre ministère pourrait-il expliquer de façon détaillée et par écrit au comité comment cet article de la loi, qui traite de partenariats et de biens canadiens imposables détenus par des Canadiens, s'applique au cas qui nous occupe, à la lumière de la déclaration du vérificateur général?
[Français]
Le président: Oui? Une motion d'ajournement?
M. Brien: Non. Étant donné que nous avons encore beaucoup de questions à poser, il faut continuer.
Le président: S'il vous plaît...
M. Brien: On a encore des questions à poser. J'aimerais que les témoins reviennent.
Le président: Attendez un peu, Pierre. Je pense que c'est une motion importante. On va donner le temps à la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu de s'asseoir.
M. Brien: Étant donné qu'on doit poursuivre notre analyse plus en profondeur et qu'on aura besoin de revoir ces témoins-là et d'autres témoins afin d'obtenir d'autres informations pour compléter le dossier, je propose que, conformément à l'alinéa 108(1)a) du Règlement de la Chambre des Communes, Revenu Canada divulgue le nom des personnes impliquées dans la situation actuelle.
[Traduction]
Le président: Madame Barnes.
Mme Barnes: J'aimerais réitérer ce que j'ai dit la première fois que le vérificateur général est entré dans cette pièce. Je le réitère tout aussi officiellement que la première fois. Il existe des lois au Canada, et il existe des dispositions très importantes de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traitent de la confidentialité.
Si nous sommes réunis ici, c'est pour étudier une partie importante de notre loi fiscale. Il est important pour les Canadiens d'avoir confiance en leur régime fiscal. On vient de mettre en lumière une partie importante de la politique, et, si j'ai bien compris, ce sujet sera renvoyé immédiatement au Comité des finances, dès après la semaine de relâche.
Il est important de répéter que ni le ministère du Revenu national ni son ministre ne va nier ou confirmer qu'un contribuable... Nous devons tous bien comprendre que les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu empêchent le ministère de révéler quoi que ce soit de l'identité des contribuables, personnes morales ou physiques, ou de divulguer quelque autre information que ce soit.
Pour ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas compris, j'ai ici copie des articles afférents, que vous pourrez lire en noir sur blanc, comme je l'ai déjà dit clairement au vérificateur général la première fois qu'il a comparu à notre comité.
[Français]
Le président: Monsieur Gravelle, quelle serait votre réponse à cette question?
M. Gravelle: Je me sens lié par l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui a été proclamé par une loi du Parlement du Canada. L'intégrité de notre régime fiscal repose sur une condition essentielle, qui est le respect total de la confidentialité des renseignements des contribuables, y compris leur identité.
Le président: Je vous rappellerai, monsieur Gravelle, le commentaire 862 de nos règles de procédures Beauchesne:
- 862. Il n'est pas permis aux témoins de refuser de répondre aux questions qui leur sont posées,
sous prétexte que leurs réponses pourraient les incriminer.
- Sur le plan légal, un témoin ne peut invoquer aucun argument pour refuser de répondre à une
question. Les témoins sont littéralement à la merci du comité. Ainsi, un témoin ne peut pas
refuser de répondre à une question sous prétexte qu'il risquerait des poursuites, qu'il a fait
serment de ne pas divulguer les renseignements demandés, qu'il s'agit d'une communication
privilégiée du type de celles que protège le secret professionnel de l'avocat, ou encore parce
qu'il risque de s'incriminer.
C'est ce que je crois comprendre de l'article 241 et je pense que même M. Gravelle ne serait pas en mesure de répondre à cette question.
M. Brien: Vous avez cité l'article 862 de Beauchesne et un élément de l'avis juridique qui avait été émis. Je tiens alors à préciser, puisque vous êtes avocat, qu'on dit à l'article 863 qu'un témoin ne peut pas refuser de répondre à une une question sous prétexte qu'il risquerait des poursuites, «qu'il a fait serment de ne pas révéler les renseignements demandés, qu'il s'agit d'une communication privilégiée du type de celles que protège le secret professionnel de l'avocat...».
Même cela ne pourrait pas être invoqué comme motif. Vous savez que c'est très fort: «et qu'il ne saurait répondre sans risque d'incrimination de soi-même».
C'est donc entre les mains du comité. S'il y a une motion qui demande au sous-ministre de fournir ces informations qui nous intéressent pour nous permettre de fouiller davantage la situation, ça peut se faire à huis clos. Il n'y a rien qui dise que cela doit être fait de façon publique. Ça peut se faire à huis clos et on ne sera certainement pas autorisés à rendre cette information publique.
Le comité pourra donc recevoir l'information et faire venir les témoins pour les entendre afin de creuser davantage la question.
Donc, selon l'avis juridique qui a été fourni à la Chambre des Communes en 1994, c'est possible et on a le pouvoir de le faire. Est-ce que vous voulez le faire? Ça, c'est autre chose, mais il faut savoir qu'on a le pouvoir de le faire.
[Traduction]
Le président: Madame Barnes.
Mme Barnes: Je veux simplement répéter que la Loi de l'impôt sur le revenu est très claire à cet égard. Je suis sidérée de voir que sept minutes après l'échéance prévue pour notre comité, cela surgit. En fait, cela ne me surprend pas, car cela semble être normal à l'heure qu'il est.
Je rappelle au président que la séance est censée être terminée. Le comité devrait peut-être revoir ses règles sur le dépôt des motions et sur les préavis, règles qui régissent les autres comités sur la colline. Ce serait peut-être une bonne idée, monsieur le président.
Au sujet du dépôt des motions, je sais qu'au Comité de la justice, auquel je siégeais, on était obligé de donner avis de sa motion environ 48 heures au préalable. Je ne crois pas qu'il soit approprié de le faire à huis clos. La plupart des Canadiens savent que la Loi de l'impôt sur le revenu est extrêmement claire, et nous devrions donc agir en conséquence.
Je demanderais au député de cesser d'essayer d'obtenir de l'information de cette façon.
[Français]
Le président: Madame Barnes, avec tout le respect que je vous dois, je voudrais vous dire que la règle des 48 heures est une règle inhérente...
Le greffier m'informe que la règle des 48 heures prévaut au Comité de la justice, mais que ce comité-là n'a jamais adopté de règle sur un préavis avant de déposer la motion.
[Traduction]
Mme Barnes: C'est exactement ce que je disais.
[Français]
Le président: Il est vrai, madame Barnes, que nous avions convenu de nous arrêter à 12 h, mais la réunion n'est pas terminée. Techniquement, on a une motion devant nous et on doit en débattre. Que les collègues qui veulent en parler en parlent et que nous procédions au vote sur la motion.
Monsieur Paradis.
M. Paradis: Monsieur le président, si je comprends bien, c'est une question d'interprétation juridique.
Il y aurait peut-être lieu que notre comité soumette cette question aux avocats de la Chambre de façon à ce qu'on ait une opinion juridique, non pas basée sur quelque chose de passé ou d'autres cas qu'on nous a cités, mais sur le cas présent.
Je vous propose cette avenue.
M. Brien: Après ce que vient de dire mon collègue de Brome - Missisquoi, je pense qu'on pourrait entériner la motion sous réserve d'une confirmation d'avis juridique pour le comité.
À ce moment-là, vous pourriez adopter la motion qui serait confirmée par un nouvel avis juridique qui nous autoriserait à le faire. Si on avait le pouvoir, la demande serait automatiquement transférée à Revenu Canada.
Le président: Est-ce que vous voulez la modifier dans ce sens-là?
M. Brien: Je suis prêt à le faire si...
M. Paradis: Personnellement, je tiens à dire que c'est une question fondamentale: c'est l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je tiens à ce que ce comité soit parfaitement éclairé avant de voter pour ou contre cette motion-là.
Dans ce sens-là, monsieur le président, je recommande que vous demandiez cette opinion juridique au service de la Chambre.
Le président: Mais c'est la motion que nous avons devant nous. Quant à moi, je n'ai pas ce pouvoir.
[Traduction]
Mme Barnes: Dans ce cas, déposez votre motion.
[Français]
Le président: Moi, je n'ai pas ce pouvoir.
Monsieur Telegdi.
[Traduction]
M. Telegdi: Il est 12 h 10, et la séance devait se terminer à midi. Je propose que nous levions la séance.
[Français]
M. Brien: C'est une motion recevable.
Le président: Excusez-moi. Il y a une motion d'ajournement qui est recevable, qui est non débattable et sur laquelle on peut voter immédiatement.
Que les collègues qui sont en faveur de l'ajournement immédiat lèvent la main. Que ceux qui sont contre l'ajournement immédiat lèvent la main.
La motion est adoptée
Le président: Je voudrais, juste avant de terminer, vous dire que nous allons nous réunir en comité directeur. Je voudrais donc informer les témoins qu'il se peut que nous ayons besoin de leurs lumières dans la semaine du 27 mai. Je ne peux présumer de la décision de notre comité directeur, mais il se peut que le comité décide d'aller plus loin dans son enquête. Merci beaucoup de votre bonne collaboration.
La séance est levée.