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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 février 1997

.1117

[Français]

Le président: À l'ordre!

Le Comité permanent des comptes publics se réunit conformément à l'alinéa 108(3)d) de notre Règlement pour procéder à l'étude du chapitre 26 du Rapport du vérificateur général déposé en novembre 1996, qui traite du programme Travaux d'infrastructure du Canada - Les leçons apprises.

Avant de demander aux témoins de se présenter, je voudrais m'excuser, au nom des membres du comité qui devaient être occupés à autre chose ce matin, pour la difficulté que nous avons eue à obtenir le quorum, mais je pense que tout est entré dans l'ordre maintenant.

Sans plus tarder, je demanderais aux témoins de se présenter avant de commencer leur discours. Nous allons vous demander, monsieur Desautels, de présenter les personnes qui vous accompagnent avant de faire votre commentaire.

M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Maria Barrados et de M. Henno Moenting, tous deux responsables du chapitre dont nous discutons ce matin.

[Traduction]

Le président: Monsieur Winberg...

[Français]

M. Paul Thibault (directeur exécutif, Travaux d'infrastructure, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada): Permettez-moi de présenter mon groupe, monsieur le président. Je m'appelle Paul Thibault et je suis secrétaire adjoint pour les opérations gouvernementales et directeur exécutif du programme Travaux d'infrastructure au Conseil du Trésor.

Je suis accompagné de M. Alan Winberg, qui est secrétaire adjoint chargé de la vérification, de M. Guy MacKenzie, qui est sous-ministre adjoint au Bureau fédéral de développement régional (Québec), et de M. Christian Fortin, également du BFDR(Q).

Le président: Merci.

Monsieur Desautels, vous avez la parole pour vos remarques d'introduction.

M. Desautels: Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les résultats de notre vérification du programme Travaux d'infrastructure Canada que nous avons communiqués dans le chapitre 26 du Rapport de novembre 1996.

Comme l'indique le titre du chapitre, nos constatations sont présentées en termes de leçons apprises. Votre examen de ces leçons survient au moment opportun, étant donné la décision du gouvernement de prolonger le programme et d'avoir de plus en plus recours aux partenariats dans l'exécution des programmes.

Nos recommandations sont présentées en termes de leçons apprises, mais nos travaux ont été effectués conformément aux procédés de vérification standards. Nous avons fait approuver les critères de vérification par les gestionnaires du programme, examiné nos constatations avec ceux-ci, obtenu leur accord concernant les faits présentés dans le rapport de vérification, relevé les points de vue qui étaient encore divergents et publié la réponse du gouvernement à nos constatations. Au terme de notre vérification, M. Harder, secrétaire du Conseil du Trésor, a écrit à Mme Barrados pour lui indiquer sa satisfaction concernant l'issue du processus.

.1120

Le programme Travaux d'infrastructure Canada est une initiative temporaire qui a été introduite par le gouvernement en 1994. Sa durée prévue était de cinq ans. Une série d'ententes fédérales-provinciales établissent le cadre de mise en oeuvre du programme et accordent aux provinces la plupart des pouvoirs relatifs à son exécution courante.

Les frais du programme sont partagés. Le gouvernement fédéral a versé environ deux milliards de dollars, et les gouvernements provinciaux et municipaux et d'autres promoteurs de projets locaux, quelque quatre milliards de dollars.

[Traduction]

Nous avons examiné la mesure dans laquelle la conception et la mise en oeuvre du programme sont conformes à ses objectifs et comportent des mécanismes de contrôle et de reddition de comptes adéquats pour ce qui est des dépenses fédérales en jeu. Nous avons examiné également l'évaluation du programme effectuée par le gouvernement afin de déterminer si une information valide et fiable sur les résultats du programme avait été fournie.

Nous avons constaté que la méthode adoptée pour le programme présentait un certain nombre de points forts. La vérification a montré que la méthode qui consiste à se servir des ententes fédérales-provinciales comme cadre pour l'exécution du programme est bonne et comporte de nombreux avantages. La division des responsabilités entre le fédéral et les provinces fondée sur l'expertise de chaque palier de gouvernement offrait des avantages manifestes.

Au niveau de travail, les relations fédérales-provinciales étaient toujours bonnes et positives. La méthode de partenariat adoptée a permis d'améliorer l'efficience de l'administration du programme et de simplifier les systèmes d'information sur le programme.

Il importe également de noter qu'une semaine seulement après l'annonce du programme, on avait conclu des ententes fédérales-provinciales, élaboré les cadres du programme, établi les lignes directrices et mis le programme en application. C'était une réalisation importante, compte tenu surtout de la nécessité que le programme fonctionne de manière anticyclique et parvienne rapidement à réduire le chômage.

L'évaluation du programme a fait l'objet d'un engagement ferme et clair. Le gouvernement a évalué les résultats obtenus à la fin de l'été 1996. Il a donc été possible de fournir rapidement de l'information pour l'examen de la politique. L'expérience montre ce qui peut être réalisé quand on s'attache en priorité à mesurer les résultats.

La vérification a permis de cerner, en plus des points forts du programme, un certain nombre de secteurs pouvant être améliorés en vue des initiatives futures de ce genre. J'aimerais vous en parler brièvement.

La méthode utilisée pour la conception du programme était généralement efficace, mais nous avons constaté que la nature et l'étendue de la responsabilité fédérale quant à l'évaluation des propositions de projet n'étaient pas suffisamment claires.

Les dispositions en matière de financement portaient sur les contributions. Cela signifie que les versements sont conditionnels au rendement ou à l'atteinte des résultats et qu'ils doivent être vérifiés. En vertu de ces dispositions, les gestionnaires fédéraux ont besoin d'information pour appuyer leurs décisions, et ils doivent en rendre compte.

Nous avons constaté que les projets proposés étaient souvent approuvés sans qu'il y ait d'information à l'appui ou d'analyse suffisante. De plus, peu ou pas de rapports sur le rendement avaient été produits et les vérifications de conformité n'étaient pas jugées prioritaires.

[Français]

Le comité voudra peut-être examiner les dispositions en matière de contribution pour déterminer si elles constituent la méthode la plus adéquate à utiliser pour des ententes de partenariat de ce type.

Le champ d'application prévu du programme n'avait pas été clairement défini et les critères de sélection des projets étaient vagues. On peut donc s'interroger sur les objectifs du programme. À titre d'exemple, la définition d'«infrastructure» n'était pas très claire et a été interprétée dans certains cas comme incluant les activités du secteur privé et celles du secteur public.

Qui plus est, aux termes de la plupart des ententes fédérales-provinciales, les critères de sélection des projets conçus pour s'assurer que le programme encouragerait des investissements supplémentaires dans l'infrastructure locale ne se sont pas révélés suffisamment rigoureux. L'évaluation du programme par le gouvernement soulève aussi des inquiétudes quant à l'application de cette exigence. Et nous croyons que le programme a appuyé des investissements qui auraient été faits de toute façon.

.1125

Sur l'ensemble des dépenses engagées au titre du programme au cours de la première année, nous estimons qu'environ 35 p. 100 ne se sont pas ajoutées aux investissements municipaux globaux comme on l'avait prévu. En fait, ces investissements n'ont fait que remplacer des investissements. Quand cela se produit, l'effet du programme sur la création d'emplois est également réduit. C'est pourquoi nous croyons que le nombre d'emplois à court terme annoncé par le gouvernement, soit 101 000, surestime l'effet du programme sur les emplois à court terme. La réponse officielle du gouvernement à nos constatations, que nous avons intégrée à notre chapitre, indique que ce dernier en est venu à peu près à la même conclusion en ce qui concerne l'écart s'appliquant à l'investissement additionnel.

[Traduction]

Nous avons aussi constaté que les évaluations environnementales des projets étaient souvent fondées sur une information inadéquate. Dans un certain nombre de cas, des projets avaient été approuvés et des travaux avaient été entrepris avant que l'on procède aux évaluations environnementales nécessaires.

J'ai mis l'accent sur les secteurs où nous avons cerné des problèmes parce qu'ils mettent en lumière les leçons utiles dont il est possible de s'inspirer pour améliorer la rentabilité du programme et de programmes semblables ainsi que la reddition de comptes au Parlement. J'invite le comité à examiner comment tirer profit de ces leçons et d'autres leçons mentionnées dans notre rapport, étant donné la prolongation du programme annoncée par le gouvernement.

Les leçons clés, qui sont résumées à la fin du chapitre, sont les suivantes: premièrement, s'assurer qu'il y a une démarcation claire des rôles et des responsabilités, que le champ d'application prévu du programme est défini clairement et que les critères sont bien définis et conformes aux objectifs du programme; deuxièmement, s'assurer que l'information opérationnelle nécessaire est obtenue rapidement; et finalement, renforcer la mesure et l'évaluation des répercussions clés.

[Français]

Je vous remercie, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Thibault, vous avez la parole.

M. Thibault: Monsieur le président, je viens d'être nommé directeur exécutif du programme Travaux d'infrastructure Canada, et c'est avec plaisir que je réponds à votre invitation afin de traiter de l'examen du chapitre 26 du vérificateur général déposé en novembre dernier.

Étant relativement nouveau dans ce dossier, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport d'évaluation du programme et le chapitre préparé par le Bureau du vérificateur général. De plus, depuis ma nomination, j'ai participé aux négociations pour la prolongation du programme pour 1997-1998. Les provinces et les municipalités sont très positives en ce qui a trait à la prolongation du programme.

Je dois cependant vous dire que j'ai noté certaines contradictions entre le chapitre 26, qui, somme toute, est perçu de façon positive, et les Points saillants et le communiqué de presse émis par le vérificateur général, qui portent tous deux presque uniquement sur les aspects négatifs.

Le gouvernement a indiqué dans ses réponses au chapitre 26 qu'il acceptait les conclusions générales du chapitre du vérificateur général au sujet de la pertinence et de l'efficacité des ententes fédérales-provinciales qui forment la pierre angulaire de ce type de partenariat.

Il est essentiel que ces ententes et le reste des dispositions d'exécution du programme reconnaissent l'expertise relative de chaque niveau de gouvernement et y fassent appel. Le gouvernement note que l'approche a abouti à un programme à peu près dénué d'embûches, surtout à cause du haut degré de coopération avec les gouvernements provinciaux et municipaux.

[Traduction]

Je crois que le chapitre du vérificateur général aurait pu mettre davantage l'accent sur trois points importants.

Premièrement, le programme Travaux d'infrastructure Canada est un succès. Sa conception et les dispositions de sa mise en oeuvre par les trois partenaires sont les principaux ingrédients de ce succès. L'évaluation du programme a mené à un examen approfondi des aspects cruciaux du programme et a révélé dans quelle mesure il a atteint ses objectifs premiers. L'évaluation est un outil qui aide à la prise de décision pour la prolongation du programme.

Le régime de vérification et de rapport, dans un programme à coût partagé où les municipalités jouent un rôle de premier plan dans l'exécution, ne peut pas être aussi précis que celui qu'on est en droit de s'attendre dans des programmes entièrement financés par le fédéral. Notre régime de vérification est parfaitement adapté à ce programme qui comportait peu de risques en raison de sa nature très publique.

Les vérifications ont été effectuées en temps opportun même si elles n'avaient pas été nécessairement prévues dans les ententes. Les municipalités et les provinces ont agi avec la diligence voulue en ce qui a trait à la conception et à la mise en oeuvre de ce programme de partenariat.

.1130

Bien que le vérificateur général ait reconnu la valeur de l'approche du programme, il me semble que la section «Points saillants» du chapitre et le communiqué de presse de novembre minimisent les aspects positifs et le succès réel du modèle.

M. Bryon Wilfert, président de la Fédération canadienne des municipalités, a tenu à rappeler en novembre que «12 000 projets avaient créé des emplois et produit des biens durables dans les collectivités partout au Canada».

[Français]

Maintenant, si vous me le permettez, je parlerai de partenariat. La conception du programme et son examen ont pris en considération l'expertise et les compétences des intervenants. Sa mise en oeuvre a mis l'accent sur l'identification des besoins au niveau local, l'établissement des priorités collectives et la prise de décision au niveau municipal pour la sélection des projets.

En imposant aux provinces et aux municipalités un régime de contrôle où elles auraient pu percevoir de la microgestion ou un manque de confiance dans la capacité des partenaires, le gouvernement fédéral aurait agi sans souci de l'efficacité et de la rentabilité du programme et il aurait créé des controverses.

Dans chaque province, les comités de gestion du programme ont approuvé des projets qui ont mené à la construction d'ouvrages publics ou d'installations qui servent l'ensemble des Canadiens. Toutes les décisions de sélection de projets ont été prises au vu et au su du public local. Ces choix ont été soumis à l'examen des provinces et du gouvernement fédéral. Les données entourant l'exécution du programme ont donné lieu à un régime de contrôle approprié en ce qui a trait à l'évaluation du risque. Il n'y a pas de preuve d'un mauvais usage des fonds ou d'une mauvaise méthode de sélection des projets qui permette de conclure que des contrôles suffisants n'étaient pas en place. Les résultats et les répercussions des dépenses du programme sont clairement visibles.

Québec a pu établir un régime de contrôle hautement structuré à cause des dispositions de rapport conclues entre le ministère provincial et les municipalités. Il ne convenait pas que le gouvernement fédéral impose un régime semblable aux autres partenaires provinciaux qui n'avaient pas pris ces dispositions.

[Traduction]

Monsieur le président, l'examen et l'évaluation du programme sont un exemple concret de la nouvelle politique d'examen du gouvernement. Le gouvernement s'est engagé à évaluer complètement le programme Travaux d'infrastructure Canada. Le gouvernement a annoncé cet examen dans le budget de 1994 et il a agi rapidement avec votre comité. Nous vous avons remis le cadre de l'examen et nous l'avons communiqué aussi au Bureau du vérificateur général. Le cadre d'examen que les responsables de ce comité ont reçu l'an dernier présentait clairement comment nous allions aborder la vérification, la revue et l'évaluation de ce programme.

[Français]

À partir de ce cadre d'examen, nous avons dressé un plan d'évaluation en étroite consultation avec le Bureau du vérificateur général. Nous lui avons communiqué les résultats préliminaires des études de cas et de l'analyse économique. Nous lui avons demandé son avis et ses critiques afin d'améliorer notre approche. Pour montrer comment l'évaluation prenait forme, nous lui avons présenté nos études de cas à mesure que les municipalités et les provinces les terminaient. Nous lui avons soumis les résultats d'autres éléments de l'évaluation, notamment l'étude économétrique, dès qu'ils ont été disponibles. Nous croyons que le Bureau du vérificateur général a soutenu notre approche et la conception de l'évaluation étant donné notre dialogue continu et tous les documents que nous lui avons transmis depuis janvier et février 1996.

L'évaluation du programme tient compte de l'information qualitative et quantitative recueillie par divers champs d'enquête et présente une image équilibrée des forces et des faiblesses du programme. Le fait que le rapport d'évaluation ait été remis en temps opportun au gouvernement fédéral et à nos partenaires des gouvernements provinciaux l'a rendu particulièrement utile pour l'élaboration des politiques futures.

Nous avons ainsi démontré la volonté du gouvernement d'entreprendre des évaluations en profondeur de ses programmes, de communiquer les résultats à tous ses partenaires et aux intervenants intéressés et de tenir compte des résultats de l'examen dans le processus décisionnel.

[Traduction]

Au début du mois de septembre dernier, M. Richard Soberman, un éminent professeur de génie à l'Université de Toronto, a soumis au ministre responsable de l'infrastructure le rapport intitulé «Bilan: Examen du programme Travaux d'infrastructure Canada». M. Soberman a exposé franchement les forces et les faiblesses de la conception et de l'exécution du programme et a recommandé des améliorations. M. Massé, le ministre, vous a alors remis cette évaluation du programme avant sa publication. Le Bureau du vérificateur général l'a examinée et commentée lors de son dépôt en novembre.

Au sujet des répercussions du programme, le rapport de M. Soberman indique que les fonds ont été dans l'ensemble dépensés à bon escient et que l'état des infrastructures municipales s'est amélioré sensiblement. Il indique que le programme a créé des emplois pour des personnes qui en grande partie étaient en chômage et qu'il a eu des retombées positives, mais modestes, sur l'économie. Le programme a relevé la qualité de la vie urbaine.

Le rapport, en grande partie positif, présente au gouvernement fédéral et à ses partenaires des avis au sujet de répercussions négatives possibles si un programme semblable était de nouveau envisagé. Il présente une évaluation franche et équilibrée de la réalisation des principaux objectifs du programme et la fait en temps opportun.

.1135

Pour les aider à examiner les répercussions et les résultats de leur programme, nous avons transmis sans tarder le rapport de M. Soberman à nos partenaires provinciaux et à la Fédération canadienne des municipalités. Leurs réactions à cette évaluation ont toutes été positives. Les constatations et les recommandations du rapport d'évaluation vont certainement avoir un impact sur les discussions concernant un renouvellement du programme.

[Français]

En outre, monsieur le président, je souligne que dans la réponse imprimée, le gouvernement a accepté la conclusion selon laquelle l'obligation de présenter un plan de vérification de conformité aurait dû être inscrite dans chacune des ententes dès le début du processus. Les plans de vérifications devraient être être conçus de manière à identifier des enjeux assez tôt pour que des actions appropriées puissent être prises par la gestion. Il est entendu que les activités de vérification doivent commencer rapidement, surtout quand les programmes sont de courte durée.

Nous reconnaissons toutefois que le professionnalisme et la bonne volonté de nos partenaires ont permis une excellente vérification du programme Travaux d'infrastructure Canada. Dans le cadre de la prolongation du programme, nous négocierons des ententes pour les plans de vérification.

Le gouvernement est satisfait du modèle de gestion élaboré par le programme et nous avons l'intention d'en faire le modèle des ententes fédérales-provinciales à venir, en particulier lorsque des tiers comme des municipalités, des collèges, des universités ou des entités privées partagent les coûts des services pour le public.

Nous croyons aussi avoir effectué un examen exemplaire. Il a pris la forme d'une évaluation du programme qui tenait compte de l'information quantitative et qualitative recueillie dans différents champs d'enquête. Nous croyons que les éléments de notre évaluation, notamment l'analyse économique et l'estimation du nombre d'emplois, font état d'améliorations importantes dans le domaine de l'évaluation des programmes. Nous pensons aussi que le rapport a été remis en temps opportun au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux pour faciliter la prise de décisions futures.

Monsieur le président, je serai heureux de répondre à toutes les questions des membres du comité au sujet du programme. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Thibault. Je passe la parole à M. MacKenzie.

M. Guy MacKenzie (sous-ministre adjoint, Opérations, Bureau fédéral de développement régional (Québec): Merci, monsieur le président.

Le volet Québec s'adressait à l'ensemble des 1 433 municipalités du Québec. La contribution fédérale était de 526,7 millions de dollars, les municipalités et la province de Québec partageant les deux autres tiers restants pour un investissement global généré de 1,6 milliard de dollars.

Le respect des thèmes clés du gouvernement était au centre des préoccupations. Ces thèmes étaient: emploi et croissance; innovation et technologie; partenariat; et investissement dans l'avenir. Ont participé 98.3 p. 100 des municipalités, soit 1 408 sur 1 433; 4 000 projets ont été déposés; et2 655 projets ont été approuvés par le comité de gestion de l'entente, un comité conjoint. Quatre-vingt p. 100 des projets touchaient la réfection de routes, les aqueducs, les égouts et les ponts.

[Traduction]

Au Québec, en accord avec nos collègues provinciaux, le programme contenait quatre volets. Le premier volet concernait la réfection, l'agrandissement et la construction d'infrastructures dans les municipalités de 5 000 habitants et plus. Le deuxième volet, la réfection, l'agrandissement et la construction d'infrastructures dans les municipalités de moins de 5 000 habitants. Les infrastructures admissibles comprenaient les aqueducs, les égouts, les équipements de transport et les équipements municipaux et communautaires.

[Français]

Dans le volet III, il était question d'expérimentation de nouvelles technologies. Les travaux admissibles étaient des travaux d'expérimentation de nouvelles techniques, méthodes ou matériaux pour la réfection ou le diagnostic des infrastructures; 210 projets ont été soumis, 38 municipalités ont été impliquées, 97 projets ont été approuvés et l'aide financière totale est de 23 millions de dollars.

Pour ce qui est du volet IV, les grands projets à incidences urbaines, les travaux admissibles regroupaient des grands projets structurants prioritaires pour les municipalités et les gouvernements; 37 projets ont été approuvés.

Au niveau des volets I à IV, les équipements municipaux ont constitué 613 projets; les ponts, viaducs, et tunnels, 48 projets; les routes, rues et trottoirs, 1 185 projets; la purification d'eau potable, 521 projets; et l'évacuation des eaux usées, 288 projets.

.1140

Le volet III était unique au Québec. Son objectif était de permettre aux municipalités de réaliser des travaux de réfection des infrastructures ou de diagnostic en expérimentant de nouvelles technologies, méthodes ou matériaux, afin d'améliorer les pratiques, de diminuer les coûts de réfection, de favoriser les transferts technologiques et de mettre en marché de nouveaux produits ou techniques. Ce volet rencontre très, très bien les objectifs réunis du programme qui étaient: la création d'emplois technologiques; un projet novateur; la réalisation en partenariat avec des universités ou des centres de recherche; et l'investissement dans l'avenir.

Au niveau du volet III, nous avons eu un total de 97 projets: procédés de traitement, 26 projets; auscultation et diagnostic, 26 projets; technique de réhabilitation, 45 projets.

L'approche de gestion Canada-Québec, puisqu'il est question de leçons à retenir, c'était une collaboration étroite entre les équipes de gestion des deux paliers de gouvernement, des contacts quotidiens entre les fonctionnaires fédéraux et provinciaux, un échange d'information efficace, le respect des rôles et responsabilités fondé sur les juridictions et connaissances de chaque palier et un comité de gestion composé de deux représentants de chacun des gouvernements. Un nombre très restreint de personnes participaient à cela. Du côté fédéral, il n'y avait que 5 personnes et du côté provincial, 24 personnes.

[Traduction]

Élément novateur de l'approche de l'entente Québec-Canada - le seuil minimal d'immobilisations. Le ministère des Affaires municipales a calculé un seuil minimal d'immobilisations pour chaque municipalité du Québec. Le seuil le plus bas obtenu à partir des trois formules suivantes a été retenu: moyenne des immobilisations pour les travaux de génie en 1991 et 1992; et moyenne réalisée par des municipalités de taille comparable. Si on prend les deux années et qu'on divise par deux, le résultat est un seuil fixe de 125$ par habitant pour les municipalités de plus de 10 000 habitants. Ce seuil correspond à la moyenne des immobilisations pour les travaux de génie.

Les municipalités peuvent bénéficier du programme lorsque les travaux constituent un investissement additionnel au-delà du seuil - c'est l'effet de levier. L'aide financière devait permettre la réalisation de travaux qui ne l'auraient pas été et d'en accélérer la réalisation afin d'assurer la création d'emplois.

[Français]

Le programme de vérification préalable au versement des contributions avait pour objectif d'obtenir un degré de certitude probant que l'aide financière octroyée servait aux fins prévues. Des vérifications sur place par le ministère des Affaires municipales avaient lieu. Dans certains cas, pour des municipalités à risque selon l'historique de la programmation du ministère des Affaires municipales, pour des projets dont la contribution dépassait le million de dollars, pour tous les projets des volets III et IV ou pour certains projets choisis par échantillonnage, il y avait vérification sur place.

L'outil utilisé était une feuille de travail uniformisée qui reprenait tous les éléments à vérifier selon les règles et normes de l'Entente Canada-Québec et des lois municipales, par exemple le seuil d'immobilisations, les travaux en régie et la conformité des coûts à réclamer.

Les projets des volets I et II qui n'étaient ni à risque ni retenus par échantillonnage faisaient l'objet d'un examen sommaire au ministère des Affaires municipales pour chaque réclamation partielle. Ce programme a d'ailleurs été cité par le vérificateur général en page 23-26.

[Traduction]

L'approbation de chaque projet dépendait d'une série d'éléments constituant sa fiche synthèse: description du projet, appréciation en fonction des critères du programme; travaux admissibles; travaux non admissibles; coût du projet; financement du projet; échéancier de réalisation; création d'emplois à court et à long terme; conditions particulières; conformité du projet; et, pour finir, les signatures des coprésidents.

[Français]

On avait implanté au Bureau fédéral de développement régional un système d'information de gestion 100 p.100 compatible avec celui du Québec. Nous avions fondamentalement pris le même logiciel que la province et l'avions adapté à nos besoins internes.

.1145

Le BFDR(Q) disposait ainsi de l'intégralité de l'information utile au Québec pour mener son analyse. Ainsi, au lieu de dédoubler quoi que ce soit, nous harmonisions les deux systèmes, ce qui a permis de travailler avec 5 employés du côté fédéral et 24 du côté provincial.

L'efficacité de la procédure mise en place rapidement nous a permis de faire l'annonce le 21 décembre 1993 et d'avoir un entente signée le 7 février 1994. Les coûts de gestion n'ont représenté que 0,25 p. 100 du montant total des travaux, ce qui est nettement inférieur à ce qu'on trouve dans certains autres cas.

En terminant, je citerai tout simplement le Rapport du vérificateur général au sujet du système de vérification mis en place pour l'Entente Canada-Québec:

En effet, des responsabilités clairement définies, des contrôles adéquats et une saine collaboration entre toutes les parties concernées expliquent le fondement même de notre approche de gestion. Nous comptons poursuivre cette approche, puisque l'entente fédérale-provinciale est certainement à son meilleur dans ce dossier-là.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur MacKenzie.

Je crois que Mme Barrados voudrait ajouter quelques commentaires.

[Traduction]

Mme Maria Barrados (vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques commentaires sur l'évaluation des risques et les régimes de contrôle.

Nous souscrivons à la conclusion générale du gouvernement, mais notre évaluation des risques et de la nécessité de procéder à des vérifications ponctuelles est assez différente. Nous n'adhérons pas au jugement de risque minime attribué à la gestion et au contrôle financier de ces programmes.

Comme nous disons dans notre rapport, nous avons trouvé questionnable que par exemple les salaires des promoteurs de projets locaux et de leurs employés puissent être inclus dans les coûts. Dans notre échantillon sur deux provinces, environ 10 p. 100 des coûts salariaux réclamés n'auraient pas dû l'être. Certaines de nos vérifications ont fait ressortir des méthodes de gestion financière douteuses impliquant des paiements anticipés d'environ 2,4 millions de dollars.

Nous faisons également remarquer l'existence de problèmes au niveau du contrôle sur la sélection de projet. Nous tirons ces constatations de l'échantillon de projets que nous avons examiné pendant la vérification. Sur 200 dossiers examinés, plus de la moitié se référaient à la réfection d'infrastructures pour les hisser au niveau des normes communautaires, mais nulle part ces normes n'étaient-elles définies. D'une manière analogue, dans un autre de ces dossiers, il était question de la valorisation de la compétitivité économique sans qu'on sache vraiment ce que cela voulait dire.

En plus, cette sélection douteuse de certains projets a eu des conséquences malheureuses. Certaines ont déjà été citées. Il est arrivé que des progrès soient approuvés avant même qu'une évaluation environnementale ne soit réalisée. Le service public offert n'est pas toujours évident. Dans notre échantillon de 200 projets se trouvaient quatre projets financés à hauteur de 30 millions de dollars par le fédéral qui subventionnait des activités du secteur privé et quasi-privé. Cela vient s'ajouter à la question d'effet de levier.

Enfin, nous avons constaté que les vérifications n'avaient pas été faites en temps opportun dans la majorité des cas à l'exception du Québec. Parce que nous avons terminé notre vérification pendant l'été 1996, dans plusieurs provinces il n'y avait encore eu aucune vérification de faite.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, madame Barrados.

Nous passons maintenant à M. Rocheleau.

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Merci aux témoins pour leurs présentations.

À mon avis, il ressort deux choses de tout ce qu'on a écrit et dit dans ce rapport sur les infrastructures. Premièrement, sur 415 millions de dollars de dépenses, 145 millions de dollars auraient été dépensés de toute façon selon l'évaluation du vérificateur général. Deuxièmement, on sait que du côté du gouvernement du Québec, il y a eu un fonctionnement spécial face aux municipalités et au gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec exigeant des municipalités québécoises qu'elles s'imposent un minimum de dépenses avant de faire une demande de collaboration dans le cadre du programme d'infrastructure fédéral.

.1150

J'aimerais savoir de qui est venue l'initiative d'imposer aux municipalités du Québec de faire un minimum d'investissements avant de faire une demande.

M. MacKenzie: En toute honnêteté, monsieur Rocheleau, je n'étais pas là à l'époque, mais mon prédécesseur avait négocié cela avec la partie provinciale. Je ne crois pas que cela ait été imposé. Je crois plutôt qu'on s'était entendu de part et d'autre.

M. Rocheleau: L'idée est-elle venue d'Ottawa ou de Québec?

M. MacKenzie: De Québec, monsieur.

M. Rocheleau: Puisqu'on a imposé cela aux municipalités québécoises mais non à celles du reste du Canada, faut-il comprendre que les deniers publics québécois, par le biais du programme d'infrastructure fédéral, ont servi à financer des travaux municipaux qui auraient été faits de toute façon par la ville de Moncton, par la ville de Banff ou par la ville de Toronto, alors qu'on n'a pas vécu le phénomène inverse, compte tenu de ce que le Québec a imposé à ses municipalités?

M. Thibault: J'aimerais répondre à cette question de façon générale et demander à l'un de mes collègues, si vous le permettez, monsieur le président, d'apporter des réponses plus détaillées.

Moi non plus, je n'y étais pas, mais les négociations sur la façon dont le programme s'appliquerait, sur la façon dont la répartition se ferait, sur la façon dont les municipalités participeraient à la répartition des différents projets se faisaient avec la province. C'est la province qui ultimement décidait de la façon dont elle agirait vis-à-vis de ses municipalités et du type de projet qui serait mis de l'avant et irait par la suite au comité de gestion. Le projet venait au comité de gestion à l'étape finale.

Donc, il y a des régimes différents selon la nature de la négociation avec chaque province.

Je pourrais demander à l'un de mes collègues d'apporter plus de précisions si vous le permettez.

Monsieur Mokhtar, s'il vous plaît.

M. Hani Mokhtar (conseiller principal, Politique, Travaux d'infrastructure, Secrétariat du Conseil du Trésor): Les modalités de toutes les ententes étaient exactement les mêmes en ce qui a trait aux dépenses supplémentaires ou aux investissements additionnels qui étaient requis.

Le Québec avait établi un système pour le calcul du seuil minimal pour s'assurer que les dépenses seraient supplémentaires, et cela ne veut pas dire que cela n'a pas été le cas dans toutes les autres provinces. C'est simplement qu'on avait établi au début du programme une méthode pour faire ce calcul. Toutes les autres municipalités avaient les mêmes exigences en ce sens qu'elles devaient certifier que les dépenses allaient être supplémentaires et que les projets présentés n'auraient pas été entrepris en l'absence du programme d'infrastructure.

Si on regarde les dépenses réelles durant les deux ou trois années du programme, on voit qu'il y a eu des dépenses supplémentaires partout au Canada. Seulement, dans le cas du Québec, il y avait une méthode de calcul. Dans d'autres provinces, il y avait d'autres méthodes pour établir que les investissements étaient supplémentaires.

M. Rocheleau: Ma prochaine question va s'adresser au vérificateur général.

Monsieur Desautels, si les propos de monsieur sont fondés, comment en êtes-vous arrivé à affirmer que 35 p. 100 des dépenses de ce programme d'infrastructure auraient été effectués de toute façon? Monsieur affirme que c'étaient des dépenses supplémentaires à celles qui étaient déjà prévues en général par les municipalités. Comment en êtes-vous arrivé à votre conclusion?

M. Desautels: Monsieur le président, la définition de «dépense supplémentaire» qu'on vient d'entendre a été appliquée projet par projet. C'est donc une définition plus étroite que celle que nous ou d'autres observateurs avons adoptée.

La définition dit qu'un projet en particulier n'aurait peut-être pas été entrepris sans le programme d'infrastructure, mais ça ne veut pas dire que ce projet ne déplace pas un autre projet qui avait peut-être déjà été prévu. Donc, il y a un effet de déplacement qui n'est pas nécessairement capté par ce genre de définition.

Nous avons adopté une approche plus macroéconomique, qui ressemble beaucoup plus à ce qui a été établi au Québec: quel était le seuil de dépenses avant le programme et quelles ont été les dépenses après la mise en oeuvre du programme?

.1155

C'est peut-être plus compliqué ou technique que cela, mais pour simplifier la chose, je vous dirai que nous avons adopté une approche macroéconomique plutôt qu'une définition qui porte sur un seul projet à la fois.

M. Rocheleau: Quand je dis qu'à cause de la procédure qui a été retenue de part et d'autre, les Québécois ont été amenés à financer des travaux qui auraient été faits de toute façon dans des municipalités canadiennes, est-ce fondé ou si c'est farfelu?

M. Desautels: Personnellement, je ne ferais pas le saut que vous faites. Nous avons examiné le programme province par province et, à certains égards, les choses ont été mieux faites dans certaines provinces et moins bien dans d'autres. Je ne pense pas qu'on puisse dire en fin de compte qu'une province subventionne l'autre.

M. Rocheleau: Même si le Québec a imposé à ses municipalités un minimum de dépenses alors que les autres provinces ne l'ont pas fait?

M. Desautels: Oui, mais au départ, il y avait une allocation de fonds par province selon une formule définie. Dans chaque province, la structure qui a été mise en place devait assurer la meilleure utilisation de ces fonds. Le critère voulant qu'il s'agisse de dépenses supplémentaires est un facteur parmi d'autres. Je ne pense pas qu'on puisse dire que si une province a mieux géré qu'une autre sur un point particulier, elle a subventionné l'autre.

M. Rocheleau: Ça va.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hubbard, vous avez dix minutes.

M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président.

Tant au niveau de la coopération que de l'esprit de ce programme d'infrastructure, je crois que cela faisait longtemps que les trois paliers de gouvernement avaient été aussi étroitement associés.

Pour commencer, j'aimerais poser une question au vérificateur général sur ce fameux communiqué de presse. Il était très négatif ou tout du moins il a été perçu par certains comme très négatif.

J'aimerais connaître quelles sont les procédures suivies par votre bureau lorsqu'un rapport ou le chapitre d'un rapport est terminé et que vous publiez à son sujet un communiqué. Est-ce que c'est une personne en particulier qui s'en charge? Ou un groupe de personnes? Faut-il que vous l'approuviez avant qu'il ne soit communiqué à la presse?

M. Desautels: Les communiqués que nous préparons - et cela fait maintenant, sauf erreur, trois ou quatre ans que nous avons adopté cette procédure - sont pour l'essentiel la responsabilité des auteurs des chapitres concernés. Et bien entendu, toute communication est précédée par mon approbation et mon autorisation.

Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, nous cherchons à rendre nos messages le plus clairs possible pour éviter toute possibilité de distorsion. Au tout début de mon mandat, je me suis aperçu que certains de nos messages étaient interprétés à des fins qui n'étaient pas les nôtres. Nous avons donc décidé de rédiger des communiqués pour aider la presse à mieux comprendre nos messages et par conséquent à mieux les interpréter pour l'opinion publique.

Nous avons constaté d'une manière générale les bons résultats de cette initiative. Depuis deux ou trois ans, il y a peu de distorsion de nos messages et une meilleure communication de nos messages par les médias. J'admets qu'à l'occasion il arrive que des ministères ne soient pas tout à fait d'accord avec nous, mais je dois dire que d'une manière générale, cela donne de bons résultats.

Même en l'occurrence, la presse, d'une manière générale, a fort bien analysé ce programme particulier. Il est arrivé que soit donné à nos rapports un ton très différent de nos intentions mais, que je sache, pas dans ce cas précis.

.1200

M. Hubbard: Savez-vous que certaines municipalités, certaines provinces et certains ministères fédéraux se sont plaints de la manière injuste dont ils étaient traités dans votre communiqué de presse?

M. Desautels: Je ne suis pas sûr d'être au courant de ces plaintes particulières, mais nous recevons un courrier assez abondant. En fait, nous avons reçu du courrier envoyé par différentes municipalités et différentes associations municipales après le dépôt de ce rapport.

Je crois que les municipalités sont très favorables à ce programme et le défendent. D'une manière générale, ce programme leur plaît. Je suppose par contre que cela leur déplaît que quelqu'un puisse suggérer qu'il aurait pu être un peu mieux géré. Il faut tenir compte de cet angle. Quoi qu'il en soit, oui, j'ai reçu un certain nombre de lettres sur cette question envoyées par différentes parties.

M. Hubbard: Le programme d'infrastructure devait servir à relancer l'économie. Quand on parle de 35 p. 100, il ne s'agit que de ce tiers sur lequel le vérificateur général a fait un rapport. On peut supposer que les municipalités et d'autres instances ont fait à peu près trois fois plus pendant cette période donnée qu'elles ne l'auraient fait ordinairement. Autrement, on pourrait considérer que ces sommes ont simplement permis de compléter le financement de travaux d'équipement déjà en cours.

Les faits démontrent-ils que ces sommes ont simplement permis de financer le premier tiers de travaux prévus sur deux ou trois ans, donc sans résultats manifestes, ou ont-elles permis à ces municipalités de dépenser trois fois plus que d'habitude?

Mme Barrados: C'est ce que nous disons clairement dans notre rapport. Il y a eu multiplication de projets, beaucoup d'activités.

Un des critères du programme est qu'il faut que cela vienne s'ajouter aux investissements déjà prévus. Ce n'est pas facile à évaluer. Nous avons parlé tout à l'heure du Québec. Au Québec, ils ont concerté leurs efforts pour que ces dépenses viennent réellement s'ajouter à celles déjà prévues - pour que ces dépenses soient vraiment nouvelles.

Nous avons essayé de faire une évaluation de la première année. Nous avons essayé de déterminer si les dépenses étaient toutes supplémentaires - et bien sûr on ne peut probablement pas arriver à 100 p. 100 - ou si le financement de ces projets se substituait à d'autres déjà prévus. Autrement dit, si ce niveau de dépense était déjà prévu et s'il y avait simplement changement de plan. Nous avons fixé ce chiffre à 35 p. 100.

C'est un chiffre difficile à estimer, mais cela nous a montré que quand on gère ce genre de programme, il faut le faire avec prudence. Tout le monde a intérêt à s'assurer que ces dépenses viennent s'ajouter à celles déjà prévues plutôt que de les remplacer.

M. Hubbard: Vous avez parlé de secteur privé. Je ne savais pas que le secteur privé était si concerné. Vous êtes-vous posé des questions sur la validité du financement des deux tiers de projets du secteur privé?

Mme Barrados: Encore une fois, nous nous sommes interrogés sur les intentions réelles de ce programme. Nous en avons lu les définitions et les objectifs. En tant que vérificateurs, nous nous assurons du respect des définitions et des objectifs.

Les définitions et les objectifs parlaient de services publics. Lorsque nous avons constaté la présence de ce genre de projets dans notre échantillon, nous nous sommes demandé si oui ou non ils correspondaient aux critères. Ils se conformaient aux règles, d'accord, mais il restait cette définition globale qui nous a poussés à nous demander si l'intention initiale était bien respectée.

Nous recommandons en conséquence que dans ce genre de programme, il est impératif de faire comprendre clairement à tout le monde les intentions du gouvernement. Ainsi, l'argent est dépensé conformément aux intentions.

.1205

M. Hubbard: Il y a une ou deux petites choses que je n'ai pas trouvées dans votre rapport. Je suppose qu'un certain montant a été mis de côté pour les communautés autochtones. Sauf erreur, le budget total avait été divisé par 600, environ, et les sommes réparties en conséquence. J'avais eu l'impression que les Premières nations finiraient par se retrouver avec pas grand-chose. Avez-vous fait des observations quant à l'équité de ce programme pour les Premières nations?

Mme Barrados: Nous n'avons pas inclus les dépenses des Premières nations dans notre vérification et je ne suis pas certaine qu'elles aient fait l'objet d'un examen dans le cadre d'une évaluation. Les représentants du Conseil du Trésor en savent peut-être plus que nous.

M. Thibault: Sauf erreur, la même formule - démographie et taux de chômage - a été appliquée dans le cas des Premières nations et l'argent a été réparti en conséquence sur cette même base.

M. Hubbard: Donc pour le Conseil du Trésor, le taux de chômage a été un facteur déterminant au niveau de la répartition entre les différentes provinces et les différentes régions.

M. Thibault: Oui. Deux facteurs ont été utilisés. Le premier concernant la démographie et le deuxième le taux de chômage pondéré par saison.

M. Hubbard: Et la réaction a été généralement favorable et continuera à être favorable avec ce nouveau milliard huit cent millions?

M. Thibault: Pendant la première phase, chacun savait parfaitement comment l'argent était réparti, et pendant les discussions pour la deuxième phase, personne n'a contesté jusqu'ici les sommes ou la formule de répartition.

M. Hubbard: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau, cinq minutes.

M. Rocheleau: Je voudrais revenir sur le chiffre de 35 p. 100 de dépenses qui auraient été engagées de toute façon. Ce chiffre de 35 p. 100 vaut pour l'année 1994. Est-ce que vous pouvez nous indiquer une ventilation de ces dépenses par province? Peut-on penser que c'est une moyenne canadienne? Est-ce que vous avez également des données pour 1995 concernant des dépenses semblables?

Voici une dernière question. Compte tenu des «leçons apprises», comme dit le vérificateur général, peut-on penser que l'approche québécoise, en collaboration avec le fédéral et non avec les municipalités, puisse servir de modèle, ou est-ce que cela va demeurer exclusivement au Québec?

M. Desautels: Nous n'avons pas de ventilation par province. Nous l'avons fait sur une base nationale. De plus, nous ne sommes pas en mesure de faire le calcul pour 1995 parce qu'au moment de notre vérification, ces chiffres n'étaient pas encore disponibles.

Finalement, à votre question de savoir si on peut tirer certaines leçons du modèle qui a été mis en place au Québec, et si on peut les utiliser à l'avenir, je répondrai oui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous les avons citées, et je suis bien heureux ce matin d'entendre M. MacKenzie les décrire avec plus de détails que nous ne l'avions fait dans notre rapport. Nous devrions tous en prendre bonne note.

M. Rocheleau: Savez-vous si le gouvernement va s'en inspirer dans le prochain programme?

M. Desautels: Je pense que les représentants du Conseil du Trésor seraient mieux placés que moi pour répondre à cette question.

M. Thibault: Comme vous le savez, monsieur le député, on n'a pas de nouveau programme d'infrastructure. Tout ce qu'on a maintenant, c'est une somme de 425 millions de dollars qui s'ajoute au programme existant pour 1997-1998. Notre approche vis-à-vis de toutes les provinces est simplement d'allouer ces fonds sur la même base que dans le passé puisque c'est un programme existant auquel on a ajouté de l'argent. Donc, à moins que les provinces ne veuillent faire des amendements au programme existant, nous ne proposons pas de changement aux structures actuelles.

Le président: Excusez-moi, mais il me semble que le protocole n'est pas encore signé par toutes les provinces.

M. Thibault: Non, nous sommes en négociation.

Le président: Vous êtes en négociation.

M. Thibault: Effectivement.

M. Rocheleau: Est-ce qu'il serait possible d'obtenir une ventilation province par province?

M. Desautels: Je peux me renseigner, mais je ne le pense pas parce que la base statistique qui nous permettait de faire ça n'est pas disponible ou n'est pas suffisamment rigoureuse pour le faire.

M. Rocheleau: Et pour 1995?

M. Desautels: On pourrait éventuellement faire le même calcul pour 1995, bien sûr.

.1210

M. Rocheleau: Nous apprécierions parce que ce sont des montants importants. On sait que sur le plan politique, il y a peut-être une utilisation plus rationnelle à faire que par le passé. Ce sera tout, monsieur le président.

Le président: Monsieur Paradis, vous avez cinq minutes.

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Dans un premier temps, je voudrais féliciter le vérificateur général pour l'excellent travail qu'il accomplit dans l'ensemble de ses dossiers.

Dans un deuxième temps, j'aimerais dire que ce programme d'infrastructure a été extraordinaire et, comme le vérificateur l'a mentionné tantôt, très bien reçu par l'ensemble des intervenants.

Il y a quand même quelque chose qui me frappe. C'est un nouveau programme, une nouvelle approche qui fait appel à des ententes de nature politique entre trois paliers de gouvernement: le fédéral, le provincial et le municipal.

C'est la première fois que je vois une vérification qui s'approche un peu du politique et c'est ce qui me trouble un peu. Par exemple, au sujet de la définition d'«infrastructure», monsieur le vérificateur général, vous dites dans votre texte que, selon l'opinion des membres de votre bureau, cette définition devrait être plus restreinte.

Il y a trois niveaux politiques. Il y a le municipal, le fédéral et le provincial qui, semble-t-il, sont prêts à s'accommoder d'une définition qui, à mon humble avis de politicien, crée de la souplesse dans le système. Il faut aussi mentionner le fait que ceux qui ont identifié les besoins primaires de la population, les besoins essentiels de base, ce sont nos municipalités.

Les municipalités s'entendent avec les provinces et avec le fédéral, et ça fait un programme extraordinaire. C'est la raison pour laquelle je suis un peu gêné de voir une approche qui tend vers la définition d'une entente que je qualifierais de politique.

Il faut se rappeler, et je le mentionnais tantôt, que le fédéral injecte le tiers des sommes; pas les deux tiers, mais le tiers. La province met l'autre tiers et la municipalité, le dernier tiers.

J'ai déjà parlé d'infrastructure. Après cette entrée en matière, je poserai ma question, monsieur le président. Il existe un conseil des vérificateurs de tout le Canada, de toutes les provinces et d'Ottawa. À partir du moment où il y a eu une entente fédérale-provinciale-municipale en ce qui concerne les infrastructures, il serait peut-être utile de profiter de ce conseil canadien des vérificateurs pour trouver une manière de s'ajuster aux vérifications et à cette nouvelle approche d'entente fédérale-provinciale. C'est une simple suggestion de ma part.

Je pense que les gens ne veulent surtout pas voir de dédoublement, et avec raison. Il ne faudrait pas que les vérificateurs de la ville passent à travers tout le programme parce qu'elle paye un tiers, ensuite que les vérificateurs de Québec passent à travers tout le programme parce que la province paye un tiers et que nos vérificateurs d'Ottawa passent également à travers tout le programme parce qu'on paye un tiers.

On peut certainement s'entendre à votre niveau de vérification, au même titre que les divers niveaux de gouvernement réussissent à s'entendre au niveau de l'application d'un programme aussi extraordinaire que celui-là.

Le président: Votre question, monsieur Paradis.

M. Paradis: J'arrive à ma question. Je voudrais juste mentionner que je fais régulièrement la tournée de mes 42 municipalités dans Brome - Missisquoi et vous dire que c'est un programme extraordinaire pour l'ensemble des communautés de mon comté, comme il doit l'être pour d'autres.

Les maires, les conseillers et la population, tout le monde dit: «Bravo, continuez». C'est un programme important, une initiative importante.

N'y aurait-il pas lieu, lors de la reconduction de ce programme, que vous vous entendiez avec d'autres vérificateurs appartenant à d'autres niveaux de gouvernement pour faire en sorte qu'il y ait une procédure intégrée quelque part?

Je pense qu'il est important qu'il y ait une procédure intégrée plutôt que de laisser chacun faire ce qu'il a à faire dans son coin. Je vous remercie, monsieur le président.

M. Desautels: Pour répondre à la question précise de M. Paradis, j'aimerais le rassurer en lui disant que c'est déjà fait. C'est déjà en marche. Nous nous sommes appuyés, dans la mesure où c'était disponible, sur les travaux déjà faits par d'autres vérificateurs législatifs.

.1215

On a cité le cas du Québec en exemple. Nous nous sommes fiés à certains travaux qui avaient été faits par notre collègue, le vérificateur général du Québec. Nous essayons donc d'éviter tout dédoublement à notre niveau et nous communiquons avec nos collègues des provinces chaque fois que nous entreprenons une vérification de ce genre qui touche à un programme conjoint fédéral-provincial, et dans ce cas-ci, municipal.

Je prends donc bonne note de votre question, mais je peux vous assurer que nous le faisons déjà. Je pense qu'on devrait le faire plus souvent dans d'autres dossiers, lorsque cela est possible.

Monsieur le président, j'aimerais profiter de l'occasion, si vous me le permettez, pour réagir à la première remarque de M. Paradis, qui se demandait si on ne s'approchait pas un peu trop du politique en faisant ce genre de vérification qui implique différents paliers de gouvernement.

Je peux vous dire que le gouvernement fédéral envisage à l'heure actuelle plusieurs nouvelles formes de prestation de services. La formule de programmes conjoints fédéral-provincial ne sera pas la seule. Je pense qu'on doit s'attendre à en voir d'autres du même genre à l'avenir, tout comme d'autres formes de prestation de services. Je pense qu'il faut quand même soumettre ce genre de programme de dépenses à un type de vérification pour pouvoir assurer au Parlement fédéral qu'on a effectivement atteint les buts et respecté les conditions du programme en question.

Ce genre de choses va se produire de plus en plus et il faudra donc, à l'avenir, trouver les moyens de soumettre cette nouvelle forme de prestation de services à une vérification pour pouvoir satisfaire à nos obligations vis-à-vis de vous-mêmes, les membres du Parlement fédéral.

M. Paradis: Monsieur le vérificateur général, je voudrais juste faire un petit commentaire sur la dernière question que vous avez soulevée concernant le nouveau volet, qui est une entente entre les divers niveaux de gouvernement. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il va falloir trouver des méthodes pour faire en sorte que cela soit fait le mieux possible.

Mais permettez-moi de dire qu'il faut une limite en ce sens qu'il ne faudrait pas que vous substituiez votre jugement au jugement politique. C'est davantage à M. Charest, M. Manning ou aux autres chefs de déterminer si le programme d'infrastructure doit être différent.

Cela relève davantage de l'aspect politique que de l'aspect vérification, étant donné qu'on agit en présence de trois niveaux de gouvernement. Il faut donc une limite et vous avez raison de dire qu'il faut savoir où cela commence et où cela finit. J'espère que c'est le début d'un ensemble de nouvelles ententes fédérales-provinciales.

M. Desautels: Monsieur le président, notre point de départ dans ce programme-ci, comme dans d'autres programmes semblables, c'est la loi telle qu'elle a été approuvée par le Parlement canadien. C'est à partir de ce point de départ que nous exécutons nos travaux.

Le programme en cause est un programme qui a été initié par le gouvernement fédéral, qui a établi certaines conditions quand il l'a mis en place. C'est à partir de cela que nous faisons notre travail et que nous vous faisons rapport par la suite. Nous n'avons aucunement l'intention, bien sûr, de nous substituer au jugement politique, et je suis d'accord avec vous pour dire que c'est le travail des politiciens, mais dans la mesure où le Parlement a établi certaines lois ou certains critères, certaines normes, on peut travailler à partir de ces normes.

Le président: Monsieur Paradis, si j'avais su que vos commentaires étaient de cet ordre-là, je ne vous aurais pas permis de prolonger la discussion. Je ne suis pas du tout d'accord sur la vision que vous avez du rôle du vérificateur général. J'ai remarqué que vous n'avez pas fait preuve de la même prudence et de la même opinion que dans le dossier des fiducies familiales. En tout cas, on va en reparler.

.1220

M. Paradis: Monsieur le président, vous êtes en train d'interpréter mon opinion dans un autre dossier. Si vous permettez, on peut passer à autre chose.

Le président: Je faisais une analogie. On a une bonne devise au Québec: Je me souviens.

[Traduction]

M. Barnes (London-Ouest): Merci. Je regrette de n'avoir que cinq minutes et je vais essayer de m'arranger pour que les questions soient les plus brèves possible.

Pour commencer, une remarque. Je crois que les Canadiens sont gagnants quand tous les paliers de gouvernement travaillent ensemble, et, pour tous ceux que nous représentons, c'est une excellente nouvelle lorsque nous y arrivons.

Deuxièmement, le vérificateur général s'inquiète de cet effet de levier de 35 p. 100... J'ai lu les passages du rapport Soberman consacré à cette question. Je me demande comment vous pouvez être aussi catégorique. Si je prends mon propre conseil municipal, il a toute une liste de travaux qu'il aimerait entreprendre. Cela fait longtemps que cette liste existe, et dire que pour certains on y pensera peut-être dans 10 ans... Comment mesure-t-on l'incrémentalité, les effets attribuables seulement à un programme?

Dans ma province, en Ontario, les coupures provinciales sont sévères. Je crois qu'il faudrait revenir aux événements qui ont précédé le lancement de ce programme. Je ne veux pas vraiment me quereller sur des chiffres, mais c'est comme prédire l'avenir, c'est-à-dire loin d'être une science exacte. Je ne pense pas qu'on puisse choisir un chiffre et dire 35 p. 100 et 110 000 emplois.

Je crois qu'il y a d'autres facteurs historiques à prendre en compte. Il y a 100 000 ou plus de 100 000 personnes qui pouvaient être au chômage, qui pouvaient recevoir des prestations de ce niveau de gouvernement, le gouvernement fédéral, sous forme d'assurance-chômage, ou peut-être d'un autre palier de gouvernement, peut-être d'un palier municipal sous forme de bien-être social. Lorsqu'elles ont été employées dans le cadre de ce programme, il est à espérer qu'elles ont reversé une partie de ce qu'elles ont gagné sous forme d'impôt au trésor public.

J'aimerais questionner le Conseil du Trésor à ce sujet, car j'ai déjà entendu les commentaires du vérificateur général. S'il me reste suffisamment de temps, j'aimerais aussi entendre le vérificateur général.

Je ne peux vous parler que de ce qui s'est passé dans ma communauté et dans ma province, mais il est tout à fait probable que l'expérience ait pu être différente d'une région à l'autre du pays.

M. Thibault: Madame Barnes, je ne suis pas économiste, mais je crois que vous avez clairement démontré que ce n'est pas une science exacte; il s'agit d'estimations. C'est sur la base des projets qui n'ont pas été entrepris, mais c'est aussi sur la base des choses qui ne se seraient pas produites si ce programme n'avait pas été mis en place. D'autres projets auraient-ils été abandonnés? Qui sait! Ce principe d'incrémentalité n'est pas une notion très exacte.

Je vais demander à mon collègue, M. Winberg, qui est économiste, de vous dire quelques mots sur l'interprétation que nous lui donnons.

M. Alan Winberg (secrétaire adjoint, Secteur de la revue gouvernementale et des services de qualité, Secrétariat du Conseil du Trésor): Merci beaucoup. Je tiens énormément à ce que les gens comprennent ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d'incrémentalité, car les malentendus ne manquent pas. Lorsqu'un chiffre est cité, tout le monde saute dessus comme s'il était exact, comme s'il était mesurable, alors que ce n'est pas du tout cela.

M. Soberman de l'Université de Toronto que nous avons recruté pour faire cette évaluation a étudié les travaux réalisés par les meilleurs économistes du pays. Nous avons recruté à un cabinet d'Ottawa connu pour ces modèles économétriques. Nous avons utilisé des modèles mis au point année après année par Statistique Canada. La conclusion est qu'il n'est pas possible de prouver un niveau d'incrémentalité. C'est tout simplement impossible.

Donc plutôt que de tabler sur un certain chiffre théorique, parce qu'en réalité parler de10 p. 100, de 30 p. 100 ou de 101 p. 100, est une pure abstraction - il n'y aucun moyen de prouver la réalité de ce chiffre. L'incrémentalité est une question très importante et nous savons qu'elle peut jouer à toutes sortes de niveaux; il y a tout un éventail dans lequel elle peut se manifester. Nous voulions avoir l'assurance que les Canadiens en avaient pour leur argent.

Pour déterminer si ce programme était valable ou non, si les Canadiens en avaient ou non pour leur argent, nous nous sommes fixé deux seuils. Nous nous sommes dit, d'accord, disons que l'incrémentalité n'est que de 60 p. 100, c'est-à-dire pire que ce dit le vérificateur général. Continue-t-on alors pour en avoir pour notre argent? La réponse est oui.

Si nous fixons l'incrémentalité à 100 p. 100, est-ce vraiment meilleur? C'est vraiment une affaire. Nous nous sommes demandé en fonction de ces deux seuils si, tout compte fait, ce serait une bonne affaire, et la réponse est oui.

.1225

En bref, il y a toutes sortes de moyens d'estimer cette incrémentalité. Il y a toutes sortes de moyens valides de l'estimer.

Le vérificateur général a utilisé un modèle de Statistique Canada, pour l'essentiel un sondage dans lequel on demandait aux questionnés combien ils avaient investi. J'en ai parlé aux responsables de Statistique Canada hier. Il y a un autre sondage dans lequel ils interrogent les gens sur leurs intentions: combien avez-vous l'intention de dépenser?

La question est tout à fait hypothétique puisqu'il s'agit d'intentions. Il est impossible de prouver des intentions.

On peut reprendre par la suite ces questionnaires et demander aux gens: vous nous aviez dit vouloir dépenser X, mais qu'avez-vous dépensé en réalité? Nous pouvons mesurer l'écart, mais il n'en reste pas moins qu'il est impossible de déterminer un niveau précis d'incrémentalité. L'important est de déterminer si les Canadiens en ont pour leur argent et si le programme proposé répond aux attentes.

Mme Barnes: Merci. Je comprends mieux maintenant.

Si quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose, je serai ravie de lui céder mon temps.

Mme Barrados: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose?

Je suis essentiellement d'accord avec M. Winberg. Je veux seulement ajouter quelques petites choses.

Nous n'avons pas utilisé d'études pour préparer nos estimations, nous nous sommes fondés sur des indicateurs avancés. Nous voulions démontrer ce que cela signifiait. Nous reconnaissons qu'il est difficile de donner un chiffre précis. Nous avons utilisé une estimation très modérée.

Dans l'évaluation, comme nous la décrivons, nous reconnaissons que c'est difficile à faire. Leur estimation de l'incrémentalité est inférieure à la nôtre. Ils parlent de dépenses non différentielles de 40 p. 100.

Ils ont formulé leur meilleur jugement possible. Ils ont fait une enquête plus poussée pour exercer ce jugement. Je pense néanmoins qu'il est juste de dire que c'est difficile à faire. Nous estimions avoir une estimation raisonnable indiquant qu'il existe un problème à cet égard. Ensuite, nous avons examiné l'administration du programme et nous avons cité le cas du Québec, où l'on a essayé de résoudre ce problème administrativement. C'est justement notre argument. Il faut résoudre ce problème sur le plan administratif.

M. Thibault: C'est le point de vue d'un théoricien, mais on voit certainement le danger, comme vous l'avez mentionné tantôt, que présentent les chiffres. Celui de 35 p. 100 est un chiffre qui tient. De fait, nous parlons vraiment des meilleures estimations fondées sur des modèles économiques qu'il y a encore lieu de perfectionner. Un chiffre devient donc une question très délicate dans ce contexte.

Mme Barnes: Je suis d'accord. Je pense qu'un chiffre reste dans l'esprit des gens. Je vois partout des budgets municipaux où l'on coupe sans arrêt. Ce qui est possible aujourd'hui ne sera pas possible demain. Tout ce concept de l'incrémentalité a été vu d'un point de vue négatif plutôt que positif.

Je sais quelles choses nous avons réussi à accomplir dans ma région. Si on les accomplissait dans trois ans, mes commettants ne profiteraient pas d'aussi bons services. Ce sont donc là des résultats pratiques, concrets.

Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Winberg: Je veux seulement préciser une chose. En ce qui concerne le chiffre de 60 p. 100 qui apparaît dans le rapport de M. Soberman, il s'agit d'un scénario pour les économistes. Cela ne veut pas dire que c'est une estimation; cela signifie seulement que nous allons travailler à partir de ce chiffre pour voir ce qu'il donne.

Il a donné des résultats positifs pour le programme. Quant à la limite maximale, il y a eu un scénario dans lequel le chiffre dépassait 100 p. 100, quand on tenait compte des contributions du secteur privé au programme. Compte tenu de cette enquête menée par Statistique Canada quant aux intentions formulées, il est possible qu'un scénario pour analyser ce programme donne un chiffre supérieur à 100 p. 100.

Mme Barnes: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Desautels, je voudrais vous dire, en commençant, qu'en m'appuyant sur la réponse que vous avez donnée à M. Paradis, je suis pour ma part entièrement d'accord sur l'interprétation que vous donnez de votre rôle.

Le législateur adopte une loi qui comporte des définitions appliquées et interprétées par des fonctionnaires ou des employés de la Fonction publique. Je n'emploie pas le mot «fonctionnaires» dans un sens péjoratif. Votre rôle à vous, qui est celui d'un chien de garde, est de voir si les applications et les interprétations concordent avec les définitions, de voir si l'argent a été dépensé en fonction de la définition.

C'est vrai que c'est un programme pour un tiers fédéral, pour un tiers provincial et pour un tiers municipal. Cependant, il ne faut pas oublier que tous ces tiers ont un dénominateur commun autre que le trois sous la ligne. Pour moi, c'est le contribuable, et ce contribuable est fatigué de payer des impôts au fédéral, des impôts au provincial et des taxes municipales.

.1230

Donc, ce que le contribuable veut, c'est en avoir pour son argent. N'oublions pas le contribuable

Dans la définition du mot «infrastructure», vous dites, au paragraphe 26.40 de votre rapport:

Quand on parle de service public, tout le monde, en général, pense aux biens qui font partie du domaine public. On parle des égouts, de l'asphalte, des trottoirs, des usines de traitement des eaux, etc. C'est de cela qu'on parle. Est-ce qu'un terrain de golf privé, comme on l'a vu dans la pièce 26.6 - et je trouve normal que vous ayez soulevé la question - , constitue un service public? J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, monsieur Desautels.

M. Desautels: Monsieur le président, poser la question comme vous le faites, c'est presque y répondre. Je pense qu'il y a des administrateurs, du côté du gouvernement, qui s'accordent avec nous pour dire que certains projets se sont peut-être glissés dans l'ensemble, bien qu'ils ne satisfont pas, du moins au premier coup d'oeil, à la définition citée dans 26.6.

Nous avons voulu entre autres porter ce genre de situations à l'attention, non seulement des parlementaires, mais également des administrateurs au cas où le programme serait reconduit, afin qu'on puisse au moins y apporter les ajustements nécessaires si ce n'est pas le genre de projet qu'on veut financer.

Le président: Vous voulez ajouter quelque chose, monsieur Thibault?

M. Thibault: J'ajouterai tout juste un commentaire général et, si vous le souhaitez, nous pourrons vous donner plus de précisions sur le sujet.

Il faut bien s'entendre. Selon la définition qu'on donne de «projets récréatifs», certains projets sont acceptables, n'est-ce pas? Ils créent des emplois, amènent les touristes, desservent la municipalité à différents points de vue. Alors, d'après nous, certaines projets récréatifs sont tout à fait acceptables, comme dans l'esprit des provinces et des municipalités également.

Mon gros problème, c'est toujours l'exemple qui est choisi, qui peut avoir un effet néfaste sur une certaine partie du programme. Comme je vous le disais, un projet récréatif est tout à fait acceptable et souhaitable. Si vous voulez des précisions sur ce pépin, nous sommes prêts à vous les fournir.

Le président: Je pense que mes collègues apprécieraient en recevoir. Pourriez-vous vous engager à fournir au greffier l'historique du dossier du terrain de golf, puisque le vérificateur général en a parlé, de même que celui de la station de ski? Je pense que tous mes collègues apprécieraient recevoir ces informations-là.

M. Thibault: Monsieur le président, je le ferai avec plaisir, mais est-ce que vous me permettez deux courtes intervention pour bien situer ce qu'est le terrain de golf ou le centre de ski?

Le président: Mais vous nous ferez parvenir les renseignements par l'entremise du greffier.

M. Thibault: Oui, sûrement.

[Traduction]

M. Tom Scott (conseiller principal, Programmes, Politique et Coordination, Direction des travaux d'infrastructure, Secrétariat du Conseil du Trésor): Monsieur le président, il est important de comprendre, je pense, que ce projet ne représente pas le choix du gouvernement fédéral. C'est un projet auquel les conseillers locaux ont décidé publiquement d'accorder la plus grande priorité parmi les projets qu'on demanderait à la province et au gouvernement fédéral de financer.

Le terrain en question appartenait à la municipalité. C'était un terrain destiné à la création d'un parc industriel, mais qu'on ne pouvait pas aménager, à cause de considérations écologiques. On devait y maintenir un espace vert. La ville a choisi de convertir cet espace vert en terrain de golf et a créé une société sans but lucratif - si vous voulez dire qu'il s'agit du secteur privé - pour s'occuper de l'aménagement et de l'administration de ce terrain de golf. On a alors invité les administrateurs d'un terrain de golf existant à contribuer à cette fonction d'administration. Ils ont pris une hypothèque de 20 ans, et l'emprunt hypothécaire est donc remboursé à la ville. En outre, le terrain de golf rapportera des taxes municipales à la ville et l'on a convenu avec les exploitants du terrain que tant que l'hypothèque n'aura pas été remboursée, 30 p. 100 du temps de jeu sera accessible au public.

.1235

C'est une attraction touristique pour la municipalité. On utilise ainsi de façon active une propriété qui serait autrement restée vacante. La municipalité en tire des revenus. On y voit donc une très grande source de retombées économiques pour la collectivité.

C'est un bon choix et si vous demandez aux conseillers de venir défendre leur choix, de confirmer qu'il respecte les critères, c'est-à-dire que le projet a permis de créer des emplois pendant la période de construction, ainsi que des emplois à plus long terme pendant l'exploitation du terrain de golf, ils viendront certainement faire un témoignage très positif au sujet de ce terrain de golf.

Avons-vous subventionné le secteur privé? Il faut regarder la définition de secteur privé, car en l'occurrence il s'agit d'une entreprise sans but lucratif, d'une organisation communautaire qui a été créée afin d'exploiter ce terrain de golf et de rapporter de l'argent à la municipalité.

[Français]

Le président: J'aurais d'autres questions, mais il y a de collègues qui veulent s'exprimer. J'aurai l'occasion de revenir.

Monsieur Rocheleau.

M. Rocheleau: Monsieur Thibault, la méthodologie, les modalités ou les détails peuvent diverger, mais sur le sens, quand on parle de 35 p. 100 de dépenses qui auraient été faites de toute façon, est-ce que ça vous agace chez vous, au niveau de la culture organisationnelle? Est-ce que vous trouvez ça normal? Avez-vous l'intention de surveiller ça de plus près?

M. Thibault: C'est sûr, monsieur le député, que nous allons continuer à surveiller la question de ce qu'on appelle l'«additionalité» ou l'«incrémentalité». Comme mon collègue l'expliquait, ce n'est pas une science exacte. Dans la mesure où nous pourrons apporter plus de précisions, nous pourrons mieux nous assurer que le programme se déroule bien.

Je vous rappellerai qu'il y a également un autre objectif, qui est un objectif principal. Il y avait l'additionalité, mais il y avait aussi la création d'emplois. Cette dernière demeure un des grands objectifs du programme. D'après nous, le résultat de cette infusion tripartite a été la création de 100 000 emplois.

Monsieur le député, nous allons bien sûr continuer à surveiller et nous avons maintenant un plan d'évaluation que nous allons mettre sur pied pour la nouvelle partie du programme pour essayer de mieux cerner ces questions-là et de vous apporter plus de précisions la prochaine fois. Nous allons continuer à travailler avec nos partenaires, surtout nos partenaires provinciaux avec qui nous faisons affaire dans les comités de gestion, pour nous assurer que nous livrons le meilleur programme possible.

M. Rocheleau: L'année dont fait état le vérificateur général est 1994. Est-ce que vous avez des données ventilées par province sur les dépenses?

M. Thibault: Non. À ma connaissance, nous n'avons pas de données ventilées par province.

M. Rocheleau: Est-ce que vous en avez pour 1995, celles qui ne sont pas encore disponibles pour le vérificateur général, ou si vous êtes rendus plus loin?

M. Thibault: Je ne crois pas.

M. Rocheleau: Vous en avez?

[Traduction]

M. Scott: Non, monsieur le président. Nous avons fait notre étude en 1994 et en 1995, même jusqu'en 1996 en nous fondant sur les intentions des municipalités. Nous avions des chiffres pour 1994 et 1995, des chiffres qui ont été fournis au vérificateur général, mais je pense qu'ils sont peut-être arrivés trop tard pour faire partie de l'analyse et du rapport. Nous avions certainement, en effet, des chiffres pour 1995, et ils révèlent un changement encore plus important dans les intentions des municipalités. C'est donc dire que nous aurions pu dépenser même plus que ce prévoyait l'ensemble de notre programme, étant donné la différence entre ce que les municipalités avaient l'intention de faire en 1995 et ce qu'elles ont vraiment dépensé.

Les chiffres de Statistique Canada montrent que 1995 a été l'année où il y a eu le plus de dépenses d'immobilisations dans les municipalités du Canada. Notre programme a donc nettement eu un impact considérable pendant la principale année où il était pleinement en vigueur, soit 1995.

[Français]

M. Rocheleau: Merci.

Le président: Monsieur Paradis.

M. Paradis: Dans un premier temps, je dois préciser que dans mes commentaires, je n'ai certainement pas voulu défendre un projet plutôt qu'un autre, pas plus un centre de ski qu'un terrain de golf. Cependant, étant le représentant d'un comté touristique, je dois dire que, si une municipalité de ma circonscription choisit de se doter d'un centre de golfe ou d'un centre de ski - j'ai tous les centres de ski de l'Estrie dans ma circonscription, et c'est cela qui attire les gens chez nous et qui bâtit l'économie - , de telles infrastructures peuvent être aussi importantes pour elle que certaines autres infrastructures peuvent l'être pour d'autres municipalités.

.1240

Deuxièmement, je vous rappelle aussi que le gouvernement a décidé de mettre l'accent sur le côté touristique dans le budget qu'il vient de déposer.

Je voudrais revenir sur un point que vous avez soulevé plus tôt, soit le rôle du vérificateur général. Je suis bien d'accord sur votre interprétation. Le rôle du vérificateur général face à la loi, c'est de s'assurer que l'appareil gouvernemental engage des dépenses conformément aux projets de loi que nous avons adoptés en Chambre. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Ici, ce qui est différent, et nous l'avons souligné plus tôt, c'est qu'on entre dans un système nouveau. On entre dans un système d'ententes fédérales-provinciales-municipales et c'est cela qui est différent. Ces ententes ont une souplesse que notre système législatif n'a pas. Les ministres et les gouvernements peuvent s'entendre. On apporte des changements et c'est ce qui est intéressant dans le système. C'est cela que les municipalités et les gouvernements provinciaux approuvent et aiment.

Donc, c'est une différence fondamentale. Comme je le mentionnais plus tôt, monsieur le vérificateur général, on doit faire en sorte que le système de vérification s'adapte lui aussi en fonction des ententes politiques qui existent à divers paliers de gouvernement. C'est ce que j'ai mentionné. Je n'ai pas dit que le rôle du système n'était pas d'examiner les dépenses de l'appareil gouvernemental en fonction des projets de loi que nous adoptons. Voilà donc une différence fondamentale. Ce qui est important, et je l'ai mentionné aussi, c'est de s'assurer qu'il n'y ait pas de dédoublement.

Vous avez mentionné, monsieur le président, que les contribuables doivent en avoir pour leur argent; je ne peux que souscrire à cette affirmation et je suis certainement l'un des premiers autour de cette table à y souscrire.

Mais il faut comprendre le mécanisme de ce système. La mécanique du système, c'est que dans un premier temps, c'est le niveau municipal qui précise ses priorités dans ce système à trois. Deuxièmement, le niveau provincial, et dans cet exemple nous prendrons le Québec, dit oui. Québec détermine aussi les priorités à l'intérieur de l'enveloppe. À la fin, Ottawa dit oui ou non. C'est comme cela que fonctionne le système. Il est collé sur la base et il est souple; il ne vient pas d'en haut et n'est pas directif.

Je répète ce que je disais plus tôt: il est important que ce système continue à véhiculer les critères et les valeurs qu'il véhicule depuis le début. Je demanderai des commentaires de la part du vérificateur général à ce sujet.

M. Desautels: Dans ce nouveau monde que M. Paradis nous décrit, il se pourrait qu'on évolue vers des programmes dont la prestation est assurée par différents paliers de gouvernement. Il est sûr qu'il nous faudra nous ajuster à cette nouvelle réalité, comme tout le monde d'ailleurs. Entre autres, les administrateurs de ces programmes et les parlementaires devront également s'y ajuster.

En termes d'ajustements, il faudra dans ce nouveau monde établir un certain cadre d'imputabilité. On ne peut pas n'avoir aucune imputabilité. Il faudra donc s'entendre. Votre opinion à ce sujet pourrait nous aider grandement. Il nous faudra établir un cadre d'imputabilité qui pourra diriger les administrateurs, nous aider nous aussi à mieux remplir notre rôle et vous permettre aussi, comme parlementaires, de recevoir les assurances nécessaires que vos intentions ont bel et bien été mises en oeuvre.

C'est un monde qui évolue, et je suis le premier à penser que tout le monde doit s'ajuster à ce nouveau monde, ce qu'on a déjà fait. Nous avons l'intention de continuer si les choses vont dans cette même direction.

M. Paradis: Je suis bien d'accord sur les commentaires du vérificateur général.

Le président: Vous avez une symbiose extraordinaire. C'est renversant!

J'ai encore de petites questions pour vous, monsieur Thibault. Il est d'usage que nos témoins nous fassent parvenir à l'avance leurs commentaires. Dans le cas présent, nous semblons avoir deux versions de vos notes; on a un ancient testament et un nouveau testament, pour ceux qui sont de cette religion. Dans l'ancien testament, soit les notes que vous nous aviez fait parvenir le 13 février, il y avait des commentaires sous la rubrique «Discussion détaillée».

.1245

J'avais hâte que vous embarquiez. Vous m'avez enlevé l'espoir de poser des bonnes questions que j'avais à l'esprit. Vous aviez des commentaires assez salés à l'endroit du vérificateur. Comment se fait-il qu'ils aient été supprimés de la version d'aujourd'hui, le 19 février? Pouf! il se sont envolés! Gone with the wind. Qu'est-ce qui s'est passé?

M. Thibault: Vous savez, monsieur le président, que jusqu'à la livraison, ce n'est qu'un projet. Comme vous et comme les autres parlementaires, nous avons beaucoup de fonctions. Il y a de nombreux projets qui circulent et, naturellement, nous avons voulu rencontrer votre échéancier. Je ne m'étais pas penché sur le premier texte. Le texte que j'ai lu aujourd'hui est mon texte.

Le président: Mais vous l'aviez quand même envoyé au comité.

M. Thibault: Il a été expédié, mais je ne crois pas que ce soit mon texte.

Le président: Oui, je l'ai en main, ce texte du 13 février.

M. Thibault: Ce n'est qu'une ébauche.

Le président: C'est cela. C'est la version lue aujourd'hui qui fait foi.

M. Thibault: Effectivement, et je m'excuse auprès de vous, monsieur le président, si cela a pu porter à confusion.

Le président: En tout cas, cette deuxième version m'a enlevé l'occasion de poser de bonnes questions. Comme on dit par chez nous, à l'île d'Orléans, vous varlopiez un peu le vérificateur général.

J'ai une deuxième petite question à vous poser, monsieur Thibault. Avez-vous actuellement en main des indicateurs de rendement ou des normes de performance sur le programme depuis 1993-1994? Je me pose cette question parce que je suis en train de me préparer en vue d'une conférence que je vais livrer. Nous avons dit à une réunion du Conseil canadien des comités des comptes publics, à Victoria, que l'évaluation de programmes devait se faire. Nous devons établir des critères de succès et des normes de rendement et nous demander si le programme rencontre ses objectifs, si les objectifs sont mesurables, vérifiables et quantifiables. Est-ce que vous avez ces données?

M. Thibault: Il est sûr que c'est un objectif important, monsieur le président. Comme vous le savez, j'occupe mon poste actuel depuis à peine deux mois et mon rôle est basé essentiellement sur la négociation avec les provinces relativement à la somme supplémentaire de 425 millions de dollars. Il est clair que nous avons l'intention de rencontrer dans un prochain avenir nos collègues provinciaux pour parler de toute cette question et essayer de faire ensemble, dans l'esprit que décrivait M. Paradis, un meilleur chiffrage, etc. Mon collègue, M. Winberg, qui est notre vérificateur, aurait peut-être quelques commentaires à faire.

Le président: Vous me parlez, bien sûr, du professeur de l'Université de Toronto.

M. Winberg: J'aimerais vous en parler un petit peu, surtout que vous vous adresserez à d'autres personnes au nom du Canada. Je peux vous dire que c'est une des meilleures études de ce genre que je connaisse et je travaille dans ce domaine depuis 20 ans. Elle examine de façon très objective, systématique et rigoureuse les grands objectifs du programme, y compris les résultats qu'on espérait atteindre, les mesures qu'on a prises à la suite de chacun de ces résultats, un reportage public et équilibré, ainsi qu'une indication de ce qui marche et ce qui ne marche pas, afin qu'on puisse prendre des décisions. J'aimerais souligner publiquement la reconnaissance qui lui a été accordée par le vérificateur général et son équipe, ainsi que l'excellence de ce travail. C'est bien apprécié.

Je parlerai maintenant des points précis qui sont importants pour le programme. En première page de ce rapport figure une liste de certains points. Les trois plus importants sont: est-ce que les fonds ont été dans l'ensemble dépensés à bon escient, est-ce que l'état des infrastructures municipales s'est sensiblement amélioré et est-ce que les emplois ont été créés pour des personnes dont la plupart étaient chômeurs? Trois autres points y sont aussi énumérés et sont également importants pour le programme. Ce rapport renferme une documentation complète sur chacun de ces points. C'est un travail dont le gouvernement canadien et tous ceux qui ont participé à cette étude ont raison d'être fiers.

Le président: Vous avez une très belle réponse. Loin de moi l'idée de contester le professeur Soberman; je n'arrive pas à sa cheville.

.1250

Un des critères de qualité d'un bon objectif, c'est qu'il doit être mesurable et ne pas représenter des voeux pieux. Lorsque je vous dis que les fonds du programme ont été dépensés à bon escient, est-ce que c'est mesurable? Ce qui est dépensé à bon escient pour moi ne l'est peut-être pas pour vous. La notion d'«à bon escient», c'est un voeu pieux.

Il dit que l'état des infrastructures s'est sensiblement amélioré. Je vous donnerai un exemple d'un objectif mesurable. Revenu Canada pourrait avoir pour objectif de réduire la moyenne de temps du traitement des déclarations de revenus de 31 à 15 jours. Si à la fin de l'année ce ministère a réussi à baisser cette moyenne à 14 jours, il a atteint son objectif. C'est un critère de succès mesurable. Avec tout le respect que j'ai pour le professeur, je dois vous dire que les expressions «à bon escient» et «sensiblement amélioré», c'est du violon, du vent. Ce sont des critères subjectifs; ce ne sont pas des critères objectifs mesurables.

Ce qui est fait à bon escient pour moi ne l'est pas nécessairement pour vous.

M. Winberg: C'est pourquoi je vous ai cité la première page. C'était en première page, avec les trouvailles positives et les trouvailles négatives, de façon équilibrée.

Si vous tournez la page, vous trouverez un sommaire exécutif qui donne plus de détails sur la façon dont nous avons mesuré chacun de ces points. Si vous tournez encore la page, vous trouverez une centaine de pages qui expliquent comment chacun de ces objectifs était mesuré en employant les meilleures techniques au monde.

Cette étude est très spéciale, et je prendrai quelques minutes pour vous en parler. M. Soberman n'a pas établi toutes ces mesures. Afin de mesurer chacun de ces éléments, on a donné des contrats indépendants à des équipes d'experts, des évaluateurs, des économistes et des ingénieurs qui se sont penchés sur chacun de ces objectifs. Ils ont parlé avec des académiciens, des groupes des municipalités et des ingénieurs qui travaillent dans l'infrastructure. Ils ont chacun rédigé leur rapport. Nous vous avons aussi donné le sommaire dans l'autre ensemble avec les quatre étiquettes. Il y a donc quatre modules d'évaluation. Ensuite, plutôt que de reprendre nous-mêmes ces modules et de les interpréter avec notre subjectivité, nous avons donné un contrat indépendant à un consultant de l'Université de Toronto qui a fait sa propre étude de chacun de ces modules et qui a rédigé un rapport sommaire.

À mon avis, le travail qui a été fait peut nous aider à prendre des décisions, et il a dû aussi faciliter le travail du vérificateur général de manière à ce que nous puissions travailler ensemble, que nous n'ayons pas de dédoublement et que nous disposions des meilleurs renseignements possibles sur ce programme. En dernier lieu, j'affirme que ce travail est bon parce que nous pourrons nous servir des leçons que nous avons apprises pour améliorer le renouvellement du programme. Par exemple, les plans explicites de vérification en vue de s'assurer que les règles du jeux sont suivies seront écrits dans chacun des contrats qui seront conclus avec nos partenaires dans cet important programme.

Le président: Avant de céder la parole à M. Desautels, j'aimerais préciser que j'ai posé cette question un peu en réaction à ce qui a été dit. Je crois que M. MacKenzie ou M. Thibault avait mentionné que des discussions ont lieu actuellement en vue de prolonger le programme, en se basant sur les mêmes critères et en se fondant sur le même modèle.

Autrement dit, pour une autre année, on...

M. Thibault: Nous avons ajouté, si vous vous en souvenez, un plan d'évaluation. C'était nouveau et cela faisait suite à la recommandation du vérificateur général.

Le président: Est-ce la seule nouveauté qu'on apporterait à l'ancien programme?

M. Thibault: Au point de vue de la vérification, oui.

M. Desautels: J'aimerais tout simplement dire que de mon point de vue, l'étude qui a été faite par le professeur Soberman est une bonne étude. Deuxièmement, je dois souligner le fait qu'elle a été faite dans des délais très raisonnables. Ce que je souhaite, c'est que cette expérience se répète ailleurs, dans d'autres programmes. Il y a eu une volonté de le faire ici. Elle a été faite dans un délai raisonnable, et j'espère que la leçon qu'on va en tirer, c'est que c'est faisable et qu'on devrait le faire ailleurs aussi.

Le président: J'ai une dernière question au sujet de la création d'emplois.

.1255

Monsieur Thibault, seriez-vous en mesure de vous engager à nous faire parvenir, par l'entremise du greffier, des estimations des emplois créés par le programme, mais en les ventilant comme on le suggère dans le rapport du vérificateur général au paragraphe 26.105 qui se lit:

Le vérificateur général déposait ce rapport en novembre 1996. Auriez-vous l'obligeance de faire parvenir à tous les membres du comité, par l'entremise de notre greffier, cette ventilation entre emplois à plein temps et emplois à temps partiel?

M. Thibault: Je m'y engage, monsieur le président.

Le président: Dans quel délai?

M. Thibault: Aussi rapidement que possible.

Le président: Ce qui est aussi rapidement que possible pour vous n'est peut-être pas aussi rapidement que possible pour moi

M. Thibault: Quand souhaiteriez-vous la recevoir?

Le président: Êtes-vous capable de nous la fournir au cours de la semaine prochaine, dans15 jours ou avant le 3 mai?

M. Thibault: Nous vous la ferons parvenir avant le 3 mai.

Le président: Sans faute avant le lundi 9 juin. Je me rends compte que vous n'avez pas compris pourquoi j'ai dit avant le 3 mai, mais quand j'ai dit avant le 9 juin, les gens ont compris. Cela nous aiderait. C'est parce que nous voudrions faire la promotion de la création d'emplois, des nombreux emplois créés par ce programme. J'apprécie votre engagement devant nous tous, monsieur Thibault.

Une dernière question parce que je pense que tout le monde a faim et que nous voulons bien digérer. Au paragraphe 26.104 de la page 26-28 de son rapport, le vérificateur général nous dit:

À quelle province fait-on allusion et pourquoi est-ce ainsi? Autrement dit, est-ce que des gens ont gonflé ces statistiques pour montrer un plus beau programme de création d'emplois?

M. Thibault: Monsieur le président, avec respect, puisque c'est une remarque du vérificateur général, il serait sûrement prêt à vous fournir des explications.

Le président: Oui, c'est vrai. Monsieur Desautels, de quelle province s'agit-il, s'il vous plaît?

Mme Barrados: Monsieur le président, c'est la province du Manitoba.

Le président: Le Manitoba. Qui peut me donner une explication? Quel est le sens de ceci? Le nombre d'emplois était-il gonflé de 20 p. 100? C'est quoi, la question du modèle? On affichait20 p. 100 de plus que le nombre d'emplois créés en réalité?

[Traduction]

Mme Barrados: Monsieur le président, c'est le problème que présentent les estimations. Nous demandions aux fonctionnaires du Conseil du Trésor d'utiliser plus d'un chiffre pour arriver à une indication. Si l'on utilise le même modèle qu'eux et qu'on l'applique à des données concernant un projet en particulier, il ne fonctionne pas.

Nous reconnaissons donc que c'est difficile, mais nous disons aussi qu'il faut utiliser plus d'un chiffre parce que c'est une question délicate. Lorsqu'il s'agit d'un projet de construction, c'est assez facile de mesurer les emplois créés - c'est le nombre de personnes qui creusent ou construisent quelque chose.

M. Winberg: Je peux ajouter un mot. Lorsque l'on utilise le modèle de Statistique Canada et la méthode qui permet de traduire les données en équivalent temps plein, il s'agit de modélisation statistique. Statistique Canada a effectué beaucoup de recherches et il semble qu'on a une estimation raisonnable des emplois créés en raison de ces dépenses. J'en ai même parlé hier avec ces fonctionnaires. Je suis économiste et j'estime que c'est un chiffre très modéré.

Toutefois, pour effectuer les mesures nécessaires au Manitoba, il aurait fallu choisir un échantillon. Lorsqu'on choisit un échantillon, on prend un petit nombre de projets parmi un très grand nombre. Il est fort peu probable - il est presque impossible - que votre échantillon donne une image parfaitement précise de l'ensemble de tous les projets effectués au Manitoba. C'est impossible.

Pour faire ce travail d'une manière efficace, on choisit un échantillon. Ce n'est pas impossible. Si l'on prend un échantillon parmi un certain nombre de projets - et si on le fait pour chaque province et chaque territoire, c'est-à-dire si on le fait 12 fois - on n'aura pas de résultats représentatifs entre une sélection et l'ensemble des mesures.

.1300

Par conséquent, si c'était le pire cas de divergence entre la mesure moyenne et le groupe choisi pour l'échantillon dans la province du Manitoba, cela ne serait pas inhabituel et cela ne signifie pas que quelque chose cloche dans les méthodes générales de mesure de Statistique Canada.

[Français]

Le président: Monsieur Desautels, un court commentaire à titre de conclusion?

M. Desautels: Non, ça va, monsieur le président. Nous avons eu une bonne discussion. Je crois que nous avons atteint les buts que nous nous étions fixés et que nous avons tiré de bonnes leçons de ce premier programme pour son avenir. Merci.

Le président: Parfait. Maintenant, il reste au comité à travailler fort pour rédiger un bon rapport unanime. Je suis persuadé qu'on aura un rapport unanime sur ce sujet. Ça ne date pas du temps des conservateurs, ça. Merci et bonne fin de journée.

La séance est levée.

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