RAPPORT À LA CHAMBRE
Le lundi 28 octobre 1996
TROISIÈME RAPPORT
Conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement, le Comité a étudié le chapitre 1 du rapport du vérificateur général de mai 1996 (Autres observations de vérification--Revenu Canada). Le Comité a tenu des réunions sur le sujet avec des représentants du ministère des Finances, de Revenu Canada et du Bureau du vérificateur général le 16 mai et le 2 octobre 1996.
Introduction
Le Comité permanent des comptes publics remercie le vérificateur général de son rapport et de la souplesse dont il a fait preuve en acceptant de comparaître devant le Comité à plusieurs reprises. Il le remercie tout particulièrement de lui avoir signalé la question des biens canadiens imposables et la décision qui a été prise en décembre 1991.
Le Comité reconnaît l'importance du travail du vérificateur général et se réjouit de l'excellente relation de ce dernier avec le Comité. Le Comité tient également à remercier tous ceux qui ont pris le temps de répondre à ses questions concernant le chapitre 1 du Rapport du vérificateur général de mai 1996.
Les questions soulevées dans le chapitre 1 de ce rapport en ce qui concerne l'imposition des émigrants ont été renvoyées au Comité permanent des finances et au Comité permanent des comptes publics. Après avoir entendu de nombreux témoins et examiné divers points se rapportant à la fois au processus et à la politique liée aux décisions rendues en 1985 et 1991, le Comité permanent des finances a déposé son rapport en septembre 1996, lequel comprend une série de recommandations qui auront une incidence sur le processus des décisions anticipées et sur la politique relative à l'imposition des émigrants.
Le 2 octobre 1996, le ministre des Finances a déposé un avis de motion des voies et moyens qui prévoit la mise en oeuvre des recommandations de ce comité concernant la politique ainsi qu'un resserrement des règles du Canada régissant la migration des contribuables, qui sont déjà très rigoureuses. Le Comité est heureux de constater que le vérificateur général est satisfait de la réponse du gouvernement aux questions soulevées dans son rapport
Le Comité cite à cet égard les observations que le vérificateur général a formulées le 2 octobre 1996 concernant la déclaration du ministre des Finances:
Permettez-moi d'exprimer mon avis sur le sujet. Je dois d'abord dire que nous avons pris connaissance de l'annonce du ministre des Finances seulement cet après-midi, juste avant le début des audiences; par conséquent, je n'ai que des commentaires préliminaires à formuler et j'aurai besoin d'un peu plus de temps pour examiner les détails techniques.
En tenant compte de cette réserve, je dirais quand même que la réponse paraît, à première vue, couvrir passablement bien les points que nous avons soulevés et je me réjouis du sérieux avec lequel nos préoccupations ont été traitées.
Il semble que les changements proposés clarifieront une fois pour toutes les dispositions législatives et qu'ils s'harmonisent avec ce qui, d'après moi, constitue l'objectif fondamental de la législation, de la Loi de l'impôt sur le revenu et du Parlement. En fait, j'ai tout de suite remarqué que certains des changements techniques s'apparentaient étroitement à quelques-uns des commentaires contenus dans notre témoignage devant le Comité des finances. Donc, d'après ce que j'ai vu jusqu'ici, les modifications semblent régler les problèmes que nous avions signalés.
Une bonne partie des personnes qui ont comparu devant le Comité permanent des finances au sujet des décisions de 1985 et 1991 ont aussi été entendues par le Comité permanent des comptes publics, qui désire signaler, dans le présent rapport, plusieurs des questions qui ressortent du témoignage de ces personnes.
Documentation
Le Comité s'inquiète du peu de documentation existant sur les réunions du 23 décembre 1991, où des fonctionnaires ont discuté de ces décisions. À son avis, toutes les décisions ayant trait à l'interprétation de la politique fiscale devraient être bien documentées, cohérentes et transparentes.
Le Comité admet cependant que la ministre du Revenu national, après avoir été avisée de ce problème en mai 1996, a pris immédiatement les mesures nécessaires pour s'assurer que toute interprétation de la politique fiscale soit consignée en bonne et due forme.
Décisions anticipées en matière d'impôt
Le Comité a aussi examiné la question de l'opportunité de la décision anticipée de 1991. Il a mentionné que l'ambiguïté de la législation a compliqué la détermination de Revenu Canada à cet égard. Le vérificateur général, a confirmé qu'il y avait d'importantes ambiguïtés dans la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne la notion de bien canadien imposable. Voici son propos : «Cette observation met en lumière d'importantes ambiguïtés contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu par rapport à la notion de bien canadien imposable.»
Devant cette législation ambigüe, Revenu Canada a consulté le ministère des Finances et le ministère de la Justice. Comme il a reçu l'avis qu'une décision positive serait conforme à la loi et à sa politique, le Comité ne peut reprocher à Revenu Canada d'avoir rendu cette décision anticipée en matière d'impôt.
Intégrité des fonctionnaires visés
Dans son enquête sur cette question, le Comité n'a trouvé aucun élément qui permettrait de mettre en doute l'intégrité des fonctionnaires qui ont participé à la prise de cette décision anticipée. Il a cité à cet égard les paroles mêmes du vérificateur général qui s'est exprimé ainsi devant le Comité:
Dans les échanges que nous avons eus avec Revenu Canada--et nous en avons eus beaucoup surtout depuis que je suis vérificateur général--, je n'ai jamais eu l'occasion ou senti le besoin de mettre en doute l'intégrité des hauts fonctionnaires du Ministère.
Recommandations
1. Le Comité recommande que les conclusions de fond du Comité permanent des finances, telles qu'elles figurent à l'annexe du troisième rapport du Comité des finances, soit adoptées.
2. Le Comité croit que les problèmes relevés, c'est-à-dire les lacunes du système visant à garantir l'uniformité des décisions, le manque de documentation et la non-publication des décisions, existaient au moment où les décisions anticipées ont été rendues en 1985 et 1991. Il signale cependant que le processus des décisions anticipées a été modifié depuis pour tenir compte des préoccupations exprimées par le vérificateur général et des recommandations du Comité permanent des finances.
Le Comité recommande à la ministre du Revenu national de veiller à ce que le processus des décisions anticipées continue d'être amélioré à l'avenir afin qu'il réponde pleinement aux objectifs de transparence, d'uniformité et de documentation du Ministère.
3. Le Comité recommande, suite à l'annonce par la ministre du Revenu national qu'à l'avenir toute interprétation de la politique fiscale serait documentée en bonne et due forme, que celle-ci dépose la procédure qui devra être suivie pour documenter les décisions importantes.
Les opinions dissidentes du Bloc québécois et du Parti réformiste ainsi que l'opinion complémentaire de Denis Paradis sont annexées au présent rapport.
Conformément à l'article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.
Un exemplaire des Procès-verbaux pertinents (fascicule no 2 qui comprend le présent rapport) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
MICHEL GUIMOND
Opinion dissidente - Scandale des fiducies familiales Bloc Québécois L'institutionnalisation d'un camouflage éhonté
Introduction Le dépôt de ce nouveau rapport par la majorité libérale du Comité des Comptes publics sur le scandale des fiducies familiales s'inscrit tout droit dans la lignée du camouflage en règle par le gouvernement d'un scandale financier et fiscal sans précédent au Canada. Le Comité des Comptes publics devait faire toute la lumière sur les événements nébuleux entourant la décision anticipée du 23 décembre 1991, laissant au Comité des Finances la partie technique des modifications fiscales nécessaires.
Au lendemain du dévoilement de ce scandale, plusieurs députés libéraux du Comité se montraient outrés par les agissements de Revenu Canada et du ministère des Finances. Les députés libéraux récalcitrants sont vite rentrés dans les rangs de la partisanerie gouvernementale qui tente par tous les moyens de protéger des intérêts très, très hauts placés et dont les implications financières ne sont plus à démontrer.
Aucun manque d'intégrité ? Pour justifier son ineptie et son manque de courage, la majorité libérale soutient que « le Comité n'a trouvé aucun élément qui permettait de mettre en doute l'intégrité des fonctionnaires qui ont participé à la prise de cette décision anticipée. » (Rapport majoritaire, p.5) Il est hypocrite et même naïf de la part des députés libéraux de prétendre pouvoir se prononcer sur l'intégrité des fonctionnaires concernés. Toutes les actions des députés libéraux lors des réunions du Comité consistaient en une tentative éhontée de noyer le poisson en tentant de masquer les faits.
Peuvent-ils vraiment prétendre faire toute la lumière sur ce scandale ? Ils ont, tout d'abord, refusé que le Comité remplisse pleinement son mandat. Ils ont, ensuite, refusé que le Comité se serve de tous ses pouvoirs d'enquête. Ils ont, aussi, refusé que le Comité entende tous les fonctionnaires concernés. Puis, finalement, ils ont refusé que le Comité tienne plus que deux réunions sur ce scandale. Faire toute la lumière? C'était bien le dernier objectif des députés libéraux.
Ces derniers ont beau vouloir s'appuyer sur les déclarations du Vérificateur général (rapport majoritaire, p.5), ils omettent délibérément de préciser que le Vérificateur général spécifie clairement que : « ... nous n'avons pas fait une enquête axée sur ces points-là (ingérence ou manque d'intégrité). Notre enquête était axée sur l'interprétation technique qui a été donnée à la demande de l'interprétation. » (Comité des Comptes publics, le 8 mai 1996 et le 2 octobre 1996)
Or, le rôle de s'assurer de l'intégrité des fonctionnaires revient précisément au Comité des Comptes publics, gardien de l'imputabilité gouvernementale. La majorité libérale au sein du Comité a clairement abdiqué ses responsabilités. En effet, l'analyse des quelques témoignages présentés au Comité démontre l'aveuglement volontaire dont ont fait preuve les députés libéraux.
Incohérences, inexactitudes, manquements et versions divergentes Plus d'une dizaine d'incohérences, d'inexactitudes, de manquements et de versions divergentes sont ressortis tout au long des témoignages, notamment du sous-ministre du Revenu, Pierre Gravelle, acteur de premier plan lors de la décision du 23 décembre 1991. En refusant d'en noter une seule, les députés libéraux, ont réussi à institutionnaliser ce scandale en mettant au service du gouvernement le seul Comité du Parlement chargé de veiller à l'imputabilité de l'appareil gouvernemental. Voici quelques exemples du manque de courage et de la mauvaise volonté de la majorité libérale:
Tout d'abord, une note d'information rédigée le dimanche 22 décembre 1991 par un fonctionnaire de Revenu Canada, sur sa propre initiative, rendait une décision défavorable à l'endroit du contribuable. Commentant cette fameuse note, le sous-ministre du Revenu a prétendu que cette note d'information n'était qu'une procédure de routine au cas où une décision défavorable serait rendue (Comité des Comptes publics, le 2 octobre 1996). Il s'avère que le Vérificateur général, pour qui cette note a beaucoup d'importance, entendait pour la première fois cette explication de Revenu Canada, cette même journée, lors de la réunion du Comité (Comité des Comptes publics, le 2 octobre 1996). Pourtant, Revenu Canada et le Vérificateur général travaillent ensemble depuis des mois sur ce dossier. Les libéraux n'en font aucune mention dans leur rapport. Ensuite, Revenu Canada refuse habituellement de rendre des décisions anticipées sur des transactions passées. Or, le Vérificateur général fait clairement ressortir que la décision de Revenu Canada portait sur des transactions passées. Même à la dernière réunion du Comité, les divergences entre Revenu Canada et le Vérificateur général persistaient. Aucune mention, encore une fois, dans le rapport des libéraux. De plus, le sous-ministre du Revenu a reconnu que les incidences fiscales de la décision anticipée n'avaient pas été évaluées. Ainsi, Revenu Canada a permis le transfert de plus de 2 milliards vers les États-Unis sans payer d'impôt et ce, sans mesurer les impacts possibles sur l'assiette fiscale du Canada d'une décision d'une telle importance. Les libéraux refusent d'inclure ces graves manquements dans leur rapport. Puis, le sous-ministre du Revenu a avoué lors de la dernière réunion que l'avis de renonciation signé par le contribuable n'avait aucune valeur légale et qu'il ne pouvait retracer avec certitude la fiducie familiale aux États-Unis. Tous des manquements graves et des gestes qui mettent en danger l'assiette fiscale du Canada. La majorité libérale ferme les yeux et n'en fait toujours aucunement mention dans son rapport. Enfin, le 16 mai 1996, le sous-ministre du Revenu indique au Comité des Comptes publics qu'il était au courant d'un débat durant tout le mois de décembre 1991 sur la décision anticipée du 23 décembre 1991. Par contre, dans son témoignage du 2 octobre 1996 devant le même Comité, le sous-ministre nous indique qu'il a été mis au courant seulement le 20 décembre 1991. Comme par hasard, la version donnée le 2 octobre 1996 cadrait beaucoup mieux dans la justification de la fameuse note d'information du 22 décembre 1991, déposée cette même journée au Comité. Encore une fois, les libéraux omettent délibérément dans leur rapport cet important détail.
La seule chose qui commence à éclairer les canadiens dans le scandale des fiducies familiales ce n'est pas ce qui ne se retrouve dans le rapport des députés libéraux, mais plutôt ce qui volontairement ne s'y retrouve pas.
Manipulation gouvernementale La liste des incohérences, des inexactitudes, des manquements et des versions divergentes pourraient s'allonger encore de nombreux exemples. Dès le début des travaux du Comité, la majorité libérale, manifestement manipulée par le gouvernement, a empêché le Comité des Comptes publics de faire toute la lumière sur le scandale des fiducies familiales.
Le rapport majoritaire vient couronner cet effort manifeste du gouvernement d'enterrer ce scandale et de taire la vérité pour éviter de s'éclabousser eux-mêmes. Le gouvernement tente, par tous les moyens, d'empêcher les Canadiens de connaître toute la vérité sur ces manoeuvres fiscales et financières qui ont probablement coûté des milliards de dollars au fisc canadien.
Les députés du Bloc Québécois s'interrogent aussi sur l'attitude du sous-ministre des Finances, David Dodge, qui en agressant verbalement le Vérificateur général lors de la dernière réunion du Comité, a outrepassé toutes les règles de respect. Son comportement inacceptable et irrespectueux démontre l'arrogance du gouvernement envers une des plus importantes institutions de notre système parlementaire.
Recommandation C'est honteux et, malheureusement pour le gouvernement, c'est loin d'être terminé. C'est pourquoi, nous, les députés du Bloc Québécois, par cette opinion dissidente, faisons la recommandation suivante:
Que soit mise en place une commission spéciale d'enquête, indépendante du gouvernement, avec comme mandat de faire toute la lumière sur les événements entourant la décision du 23 décembre 1991 et sur l'utilisation, par la suite, de cette échappatoire fiscale par d'autres riches familles canadiennes.
Conclusion Sans une enquête neutre et indépendante de toute partisanerie du gouvernement libéral, la lumière ne pourra jamais être faite sur ce scandale. Et si le gouvernement n'a rien à cacher, n'a personne à protéger et n'a rien à se reprocher comme il le prétend, qu'est-ce qui l'empêchera de mettre en place une telle commission d'enquête qui le blanchira certainement de tout blâme. Du moins, c'est que le gouvernement nous répète depuis 6 mois !
Michel Guimond, députéYves Rocheleau, députéPierre de Savoye, député
Opinion dissidente du Parti réformiste
au Comité permanent des comptes publics
24 octobre 1996
Respectueusement soumis par :
Jim Silye, députéJohn Williams, député
C'est à regret que le Parti réformiste du Canada dépose ce rapport minoritaire. Il espérait que, après avoir examiné le chapitre 1 du rapport du vérificateur général de mai 1996 et questionné des témoins à son sujet, les membres du Comité déposeraient un rapport unanime. Malheureusement, les trois partis n'en sont pas venus aux mêmes conclusions.
Dans son rapport, le vérificateur général soulève les questions de l'imposition des biens canadiens imposables qui sortent du Canada et du processus des décisions anticipées en matière d'impôt.
Les auteurs du rapport majoritaire exposent correctement les mesures que le ministère des Finances a prises pour clarifier les dispositions fiscales ambiguës concernant l'imposition des émigrants et colmater les échappatoires concernant l'imposition de biens canadiens au moment de l'émigration d'un contribuable.
Cependant, lorsqu'il s'agit de décrire ce qui s'est passé en 1991, ils omettent ou négligent certains faits et, par conséquent, tirent des conclusions fort différentes des nôtres.
Dans la section intitulée Documentation, ils trouvent préoccupant le manque de documentation, mais n'explique pas pourquoi. La documentation de Revenu Canada est claire et abondante jusqu'aux réunions du 23 décembre 1991, le jour où la décision finale a été rendue. Mais il n'existe aucun compte rendu des réunions qui ont eu lieu ce jour-là.
La décision finale va à l'encontre de toutes les opinions documentées avant le 23 décembre 1991, lesquelles montrent montre clairement que Revenu Canada s'opposait à une décision favorable au contribuable.
Dans les notes de service qu'ils lui ont envoyées le 18 et le 20 décembre 1991, les hauts fonctionnaires informent le sous-ministre du Revenu national que le ministère n'est pas en mesure de rendre une décision favorable. En fait, même le Comité d'examen des décisions de Revenu Canada a décidé, le 12 décembre 1991, qu'il ne fallait pas rendre une décision favorable.
En l'absence de comptes rendus des réunions du 23 décembre 1991, réunions auxquelles les ministères des Finances et de la Justice sont apparemment parvenus à régler la question de politique et les questions juridiques, rien ne prouve que des arguments contraires ont été examinés et il n'y a pas de lien entre les recommandations portant jusqu'à cette date de rendre une décision défavorable et d'autres analyses et documents. Le vérificateur général craint que la décision fiscale relative à l'opération n'ait frustré l'intention du législateur.
En outre, la preuve montre que, pour rendre l'opération acceptable, Revenu Canada a rendu une décision favorable à condition que le contribuable fournisse une renonciation et prenne l'engagement de ne pas invoquer le traité fiscal entre le Canada et les États-Unis. Il en ressort clairement que, jusqu'au 23 décembre 1991, Revenu Canada avait raison de croire que les opérations envisagées frustraient l'intention du législateur. Mais qu'est-ce qui s'est passé le 23 décembre 1991????
Dans son rapport, le vérificateur général se demande également si, étant donné que le contribuable avait déjà effectué une partie de l'opération, les fonctionnaires du ministère n'ont pas enfreint la politique sur les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu. Une fois une opération terminée, Revenu Canada ne peut pas rendre une décision anticipée puisqu'il se trouve devant un fait accompli.
Les auteurs du rapport majoritaire essaient d'excuser les fonctionnaires du ministère en faisant ressortir l'ambiguïté de la législation. Les fonctionnaires soutiennent qu'ils examinaient des opérations proposées. Cependant, ils admettent que, pour rendre l'opération acceptable, ils se sont entendus avec le contribuable pour qu'ils fournissent une renonciation et un engagement. Cette entente parallèle à la décision prouve que, en fait, l'opération avait été effectuée. Il semble donc qu'une décision anticipée en matière d'impôt n'était pas de mise et enfreignait la politique ministérielle et qu'elle n'aurait pas dû être rendue.
La décision est une erreur de la part des fonctionnaires et elle est injuste à l'égard des autres contribuables d'autant plus qu'elle n'a été rendue publique que plusieurs années après. Par conséquent, les autres contribuables étaient dans l'ignorance des actions du ministère et des avantages dont avaient bénéficié ceux qui sont visés par la décision. Lorsque la décision a été rendue publique, l'obligation de fournir une renonciation et un engagement a été passée sous silence.
En critiquant la façon dont le ministère s'est comporté dans cette affaire, nous ne faisons pas un procès d'intention aux fonctionnaires concernés ni ne remettons en doute leur intégrité ni ne suggérons qu'ils ont fait quelque chose de répréhensible en rendant cette décision, mais nous croyons qu'ils se sont trompés et qu'il y a eu irrégularité dans le processus décisionnaire.
Nous croyons que Revenu Canada aurait dû, en consultation avec le ministère des Finances et le ministère de la Justice, informer le contribuable que la décision demandée était impossible parce que la fiducie ayant procédé à la disposition ne résidait pas au Canada depuis dix ans et que, par conséquent, les gains en capital étaient imposables lorsque les biens ont été transférés à l'étranger.
Nous croyons que Revenu Canada n'aurait pas dû rendre une décision favorable du fait qu'il a exigé une renonciation et un engagement comme condition préalable. Les fonctionnaires de Revenu Canada savaient que la renonciation n'était pas exécutoire. L'entente parallèle est un passif éventuel pour les décisions anticipées à venir, car il s'agit d'un précédent que pourront invoquer les contribuables pour obtenir les mêmes conditions.
Ce qui est en jeu, c'est l'intégrité et l'équité du régime fiscal et, en l'occurrence, il faut reprocher aux fonctionnaires responsables de la décision finale ce qui suit :
1.le fait qu'il n'y a pas de compte rendu de la dernière réunion du 23 décembre 1991 qui permette de connaître toutes les discussions et les opinions qui ont mené à la décision finale;
2.le fait qu'il a fallu une entente parallèle pour légitimer la décision et(ou) considérer les actifs de la fiducie comme un bien canadien imposable, ce qui rétrospectivement donne une apparence de rétroactivité;
3.le fait de ne pas avoir rendu publique en temps voulu la décision anticipée en matière d'impôt;
4.le fait de ne pas avoir mentionné, au moment où la décision a été rendue publique, qu'elle avait été rendue à condition que le contribuable fournisse un engagement et une renonciation.
Ces facteurs donnent lieu de craindre qu'une entente spéciale intervenue entre Revenu Canada et un contribuable ne permette à des fonctionnaires de réduire par inadvertance l'assiette fiscale et de violer le principe fondamental voulant que le droit d'imposer ou non un bien relève du Parlement.
En conclusion, nous ne croyons pas qu'il ait été répondu de façon satisfaisante aux préoccupations du vérificateur général. Le gouvernement a clarifié la législation et supprimé les ambiguïtés au moyen d'une motion de voies et moyens qu'il a déposée à la Chambre des communes malgré sa répugnance à examiner ce qui s'est passé en 1991.
En fin de compte, nous devons remercier le vérificateur général d'avoir porté cette question à l'attention du Parlement sans quoi nous n'aurions peut-être jamais eu cette clarification du traitement fiscal de biens canadiens imposables qui sortent du pays.
OPINION COMPLÉMENTAIRE AU RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS
Je souscris pleinement au rapport du comité et j'aimerais immédiatement féliciter le ministre des Finances d'avoir pris les mesures nécessaires pour préciser les règles fiscales quant au transfert d'actifs et de propriété à l'extérieur du Canada.
Il est important de noter que les événements (la décision anticipée) qui ont fait l'objet d'un examen de la part du Vérificateur général tournent autour du 23 décembre 1991, alors que le gouvernement précédent, le gouvernement conservateur, était au pouvoir.
Je l'ai souligné à quelques reprises, le rapport du comité en fait état, mais je crois important de réitérer nos félicitations au Vérificateur général pour la qualité du travail qu'il effectue.
Autant l'homme que l'institution qu'il représente mérite de la part des élus que nous sommes respect et considération.
L'intégrité de notre système fiscal est plus qu'important et c'est dans cet esprit que je dois reconnaître l'approche d'ouverture de Revenu Canada qui, dans son bulletin d'information aux contribuables intitulé ``Revenu Canada - Direction des décisions/Services offerts'' écrit:
``Le Bureau du vérificateur général du Canada examine régulièrement le travail de la direction, y compris les décisions anticipées et les interprétations techniques qu'elle publie.''
Le rôle du comité des comptes publics tel que je le perçois est, entre autres, d'offrir aux payeurs de taxes canadiens une possibilité d'examen par les élus, de la gestion et de l'administration financières des différents ministères et organismes. C'est un endroit où les hauts fonctionnaires et hauts dirigeants doivent rendre compte de leur gestion ou administration des derniers publics.
Le dossier dont nous avons traité dans ce chapitre a trait à l'imposition des gains lorsqu'un contribuable décide de sortir du Canada pour aller vivre ailleurs.
Le véhicule utilisé ici pour transférer les actifs a été la fiducie familiale mais il aurait pu en être autrement. Ce n'est donc pas le véhicule qui devrait nous intéresser mais l'imposition des gains canadiens lors d'une émigration.
Toutefois, le présent dossier fait ressortir deux points qui doivent s'analyser en fonction de la perception du contribuable en général:
1.-Le gouvernement se doit de continuer à être ouvert et transparent dans tous les dossiers et, dans ce cadre, je me dois de féliciter tous mes collègues du comité des comptes publics.
2.-La perception populaire semble indiquer que l'écart entre les plus riches et les plus pauvres dans notre société doit plutôt s'amenuiser.
Dans le dossier sous étude, l'utilisation d'une fiducie familiale comme véhicule de transfert est de nature à mettre l'accent sur l'écart plutôt que sur le rapprochement, bien que légalement le véhicule est accessible à tous.
En conclusion, en plus de m'associer aux conclusions du rapport du comité, je souhaite que le gouvernement et le ministère des Finances mettent de l'avant une véritable réforme de la fiscalité au Canada, tant pour les individus, les sociétés, les corporations, etc., que par rapport aux taxes, droits et impôts.
Respectueusement soumis,
Denis Paradis Député de Brome-Missisquoi Vice-président du Comité des comptes publics
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