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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mars 1996

.1904

[Français]

Le président: La séance est ouverte. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous ici ce soir.

Monsieur le ministre, nous vous accueillons chaleureusement parmi nous ce soir et envisageons avec plaisir d'entendre vos observations et mises à jour sur différents dossiers.

Je tiens à vous signaler tout de suite que nous comptons vous réinviter à venir nous voir un petit peu plus tard dans le courant du printemps, lorsque le comité entreprendra son examen plus détaillé des prévisions budgétaires. Le comité aura sans doute alors des commentaires plus ciblés à transmettre à vous-même et à vos collaborateurs au ministère.

Monsieur le ministre, je vous cède maintenant la parole.

.1905

[Traduction]

L'honorable Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président.

Mon préambule ne sera pas très long. J'aimerais commencer par vous présenter les personnes qui m'ont accompagné ce soir. Vous connaissez bien sûr tous M. Fernand Robichaud, secrétaire d'État, Agriculture et Agroalimentaire et Pêches et Océans. M. Frank Claydon est le sous-ministre adjoint principal à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Nous ont également accompagnés ce soir M. David Oulton, sous- ministre adjoint responsable de la politique; M. Brian Morrissey, sous-ministre adjoint responsable de la recherche; M. Art Olson, sous-ministre adjoint responsable de la direction générale de la production et de l'inspection des aliments; M. Mike Gifford, sous- ministre adjoint par intérim responsable de la direction générale des services à l'industrie et aux marchés; et M. Ron Doering, responsable du Bureau des systèmes d'inspection des aliments, dont ont fait état tout particulièrement et le discours du trône et le budget.

Voilà donc, monsieur le président, notre équipe pour ce soir.

Ce que j'aimerais faire c'est parcourir très rapidement avec vous une série de diapositives dont le texte a été distribué à tous les membres du comité présents ce soir, ce en vue de vous donner un bref aperçu de la situation relativement à plusieurs dossiers, en m'attardant tout particulièrement sur l'évolution constatée entre le budget de 1995 et celui de 1996.

La première transparence traite des forces motrices du changement dans le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Les membres du comité ne seront surpris par aucune d'entre elles. Le commerce mondial ainsi que la mondialisation de l'économie présentent et des défis de taille à relever et d'importantes occasions à saisir.

Le changement est également amené par le besoin d'accroître l'efficacité, la productivité et la compétitivité. Il est par ailleurs le fait des progrès de la science et de la technologie, de notre soif naturelle de diversification et de valeur ajoutée et, bien sûr, des réalités financières avec lesquelles doivent composer tous les paliers de gouvernement d'un bout à l'autre du pays. Ces réalités financières sont très évidentes pour les agriculteurs et pour tous les intervenants dans le secteur agroalimentaire.

En septembre 1994, j'avais eu l'occasion de présenter au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire un exposé exhaustif, et, si je me souviens bien, j'avais été interrompu à mi- parcours par une alarme d'incendie. Cependant, vu que mon exposé durait une heure et demie, cette petite pause est peut-être tombée à point nommé.

Quoi qu'il en soit, ce que j'ai repris sur la transparence que vous voyez maintenant devant vous est le résumé de la vision de base que j'avais esquissée lors de cet exposé de l'automne 1994. C'est à l'intérieur du cadre énoncé dans cette vision d'ensemble que nous avons mené le gros de nos activités à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

On y parle d'un certain nombre d'éléments évidents mais très importants relativement au secteur agricole et agroalimentaire: il s'agit d'un secteur en croissance, compétitif et axé sur le marché; d'un secteur rentable; d'un secteur qui est en mesure de s'adapter aux besoins changeants du marché, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays; d'un secteur qui devient au fil du temps moins dépendant de l'aide gouvernementale; d'un secteur qui contribue au bien-être de tous les Canadiens et Canadiennes et tout particulièrement à la qualité de vie des collectivités rurales; et, enfin, d'un secteur qui réalise la sécurité financière, la durabilité de l'environnement et, surtout, la fabrication de produits alimentaires sains et de qualité supérieure pour les Canadiens et Canadiennes et pour nos clients internationaux.

Conformément à l'esprit de cette vision, nous avons poursuivi nos efforts dans le courant de l'automne 1994, en prévision du budget de février 1995, dans le contexte du thème général «Assurer notre avenir», qui était à bien des égards au coeur même de cette vision que je viens d'évoquer.

La transparence que vous voyez maintenant fait état des questions clés abordées dans le budget de l'an dernier, soit le budget de 1995: la poursuite de la réforme du transport du grain de l'Ouest et de l'aide au transport des céréales fourragères, et le nouveau Fonds canadien d'adaptation et de développement rural, mentionné dans le budget d'il y a un an. Il s'agit ici d'une initiative qui renferme selon moi un potentiel appréciable à long terme pour l'avenir de l'agriculture canadienne.

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Il y a également le projet de co-investissement, une technique parmi d'autres visant à veiller à ce que, tout sensibles que nous devons être aux compressions budgétaires touchant nos programmes de recherche, nous ayons la capacité de mener à bien davantage, et non pas moins, de travaux de recherche. Ce projet de co-investissement est l'un des outils clés devant nous permettre de réussir sur ce plan.

Il y a également le plan d'agencement des activités. Celui-ci traite de nos systèmes d'inspection et de la nécessité de réaliser des économies appréciables sur le plan des inspections tout en trouvant le moyen d'éviter des coûts, de réduire des coûts et de mettre la technologie moderne au service de nos programmes d'inspection, en veillant en même temps au maintien de l'intégrité de ces programmes dans l'intérêt de tout le pays.

Côté commerce, ont compté parmi les initiatives de 1995 le Service de commercialisation agroalimentaire, le Réseau Info Agro-Export et le Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire. Je ne m'attarderai pas tout de suite sur ces initiatives, sauf pour souligner qu'elles figuraient parmi les engagements du Livre rouge de 1993, engagements qui ont été respectés dans les activités auxquelles nous nous adonnons depuis 1993.

Enfin, en ce qui concerne l'impact général du budget sur Agriculture et Agroalimentaire Canada en 1993, nos dépenses totales ont été réduites de 19 p. 100. Cela a été accompagné, je m'empresse de le souligner, par une réduction correspondante des effectifs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Une chose que nous nous sommes vraiment efforcés de faire c'est équilibrer l'incidence de nos décisions budgétaires, en vue d'un équilibre et d'un partage justes et équitables de nos activités entre les différentes régions du pays, entre les différents secteurs relevant d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et entre le budget programmes et le budget administration.

En ce qui concerne l'année 1996 et les principales questions abordées dans le budget, je suis certain que tous les députés membres du comité sont au courant et ont vraisemblablement vu la documentation qui a été distribuée le soir du budget et depuis. Nous avons notamment annoncé notre intention de mettre le plus rapidement possible en place un organisme unique d'inspection des aliments. Nous avons annoncé notre intention de supprimer graduellement, sur une période de sept ans, la subvention aux producteurs de lait. Nous avons fait connaître notre intention de nous défaire des 13 000 wagons-trémies que possède le gouvernement. Nous avons fait savoir que d'ici 1998-1999, il nous faudra comprimer de 3,5 p. 100 le budget de fonctionnement actuel de mon ministère. Voilà donc les quatre aspects critiques abordés dans le budget de 1996.

Nous allons maintenant faire un rapide survol de l'état du secteur agricole et agroalimentaire canadien. La première transparence montre la direction que nous avons empruntée sur le plan commerce mondial. Le tableau est très encourageant. Comme vous pouvez le voir, de 1981 à environ 1991, nos échanges commerciaux se sont chiffrés à environ 10 milliards de dollars par an. À partir du début des années 1990, on a constaté une augmentation sensible. Le chiffre enregistré pour 1995 est particulièrement encourageant: 17,3 milliards de dollars, un record pour la vente de produits agricoles et agroalimentaires canadiens.

La flèche à droite du tableau montre l'objectif minimum que nous visons: 20 milliards de dollars en exportation de produits agroalimentaires d'ici l'an 2000. Mais la flèche sur la transparence suivante suit une trajectoire plus raide, qui termine sa course à 23 milliards de dollars d'ici l'an 2000.

Monsieur le président, l'objectif de 20 milliards de dollars est celui fixé par le secteur agroalimentaire et par les gouvernements fédéral et provinciaux aux environs de l'année 1992. À l'époque, s'appuyant sur leur sagesse collective et leurs projets d'avenir communs, ils avaient décidé, ensemble, de faire passer les exportations agroalimentaires, qui étaient alors de l'ordre de 13 à 14 milliards de dollars, à un total de 20 milliards de dollars avant la fin du siècle.

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Pour ce qui est des deux ou trois prochaines années, notre expérience montre que nous pourrons vraisemblablement atteindre le chiffre de 20 milliards de dollars. Bien franchement, j'aimerais que notre objectif soit un petit peu plus ambitieux. Si nous pouvions atteindre 23 milliards de dollars d'ici l'an 2000, le Canada récupérerait ainsi sa part traditionnelle de 3,5 p. 100 du marché mondial. Pendant les années 1980, nous avons quelque peu dérapé pour nous situer aux environs de 3 p. 100. Or, notre part de marché traditionnelle avait jusque là été de 3,5 p. 100, et j'aimerais beaucoup nous voir retrouver ce seuil d'ici la fin du siècle. Cela nous vaudrait des exportations d'une valeur de23 milliards de dollars.

Le graphique à barres montre d'où provient la croissance de notre marché: les États-Unis sont de loin notre plus gros marché agroalimentaire. D'autres marchés importants sont le Japon, l'Union européenne, la Chine et l'Algérie.

Ce qu'il y a d'intéressant dans ces chiffres ce ne sont pas tant les totaux absolus, qui montrent que les États-Unis occupent la place prépondérante: ce sont plutôt les taux de croissance pour les différents pays. On y découvre que nos échanges agroalimentaires avec les États-Unis en 1994-1995 ont augmenté de 5 p. 100. Pour la même année, nos augmentations ont été de 26 p. 100 pour le Japon, de 24 p. 100 pour l'Europe, de 29 p. 100 pour l'Algérie et de 83 p. 100 pour la Chine. Cela fait ressortir la capacité croissante des exportateurs canadiens de pénétrer sur des marchés autres que notre marché traditionnel américain.

Le graphique suivant donne une idée générale des produits et marchandises qui composent ces exportations agroalimentaires. La plus grosse catégorie, dans la partie gauche du cercle, est bien sûr celle du blé, du canola et des grains et oléagineux. La catégorie bétails et viande est elle aussi importante.

Notez également, dans la partie droite du cercle, la catégorie produits de boulangerie, sucre, chocolat, etc. Il s'agit ici de la partie valeur ajoutée de l'équation, qui est loin d'être un élément négligeable du tableau d'ensemble. Cela fait partie de notre tableau d'avenir, monsieur le président: il faudra que cette catégorie connaisse une expansion car il s'agit véritablement là du secteur de croissance à l'échelle internationale.

Nous continuerons d'enregistrer de bons résultats dans les marchés mondiaux de produits en vrac, étant donné notre style et notre mode de commercialisation et la qualité de ce que nous offrons à ces différents marchés, mais c'est du côté produits à valeur ajoutée, c'est-à-dire produits finis destinés à la consommation, que se trouve le plus gros potentiel, surtout dans les marchés comme la région de l'Asie-Pacifique et l'Amérique latine.

Monsieur le président, le tableau suivant indique les changements budgétaires entre l'exercice financier 1994-1995 et l'exercice financier 1998-1999. La partie colorée en vert dans le premier graphique indique la part des dépenses qui n'est pas comprise dans le budget d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il s'agit de la LTGO, qui, elle, relève bien sûr du ministère des Transports.

La partie colorée en rouge correspond à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le graphique montre tout simplement qu'entre 1994-1995 et 1998-1999, il y aura une réduction générale des dépenses de mon ministère, celles-ci passant d'un peu plus de 2 milliards de dollars à un tout petit peu plus de 1,5 milliard de dollars.

La transparence suivante est intéressante. Elle prend les différents totaux et montre une évolution dans l'orientation générale de nos programmes, de programmes que l'on pourrait qualifier de programmes passifs de type subvention, indiqués en orange, à des programmes et activités genre recherche et développement de marchés, qui sont davantage axés sur la croissance.

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Vous voyez à gauche les chiffres pour 1994-1995 qui, ici encore, comprennent la LTGO. L'accent était surtout mis sur les programmes de type subventionnement passif. À droite, pour les1,6 milliard de dollars qui seront dans notre enveloppe en 1998-1999, l'accent est davantage mis sur les éléments croissance de nos programmes.

Il me faut souligner ici que le graphique que vous avez devant les yeux ne montre pas les fonds considérables prévus pour les mesures d'adaptation, en ce qui concerne tout particulièrement les changements dans le domaine des transports qui interviendront entre 1994-1995 et 1998-1999. Les chiffres correspondants ne figurent dans aucun des deux cercles car les sommes concernées seront dépensées dans l'intervalle entre ces deux années. Pour avoir un tableau complet, il faut également tenir compte des fonds de transition.

Le graphique suivant montre la croissance du CSRN, le Compte de stabilisation du revenu net. Il s'agit là de la pièce maîtresse de notre approche en vue de mettre en place un système de sécurité du revenu global pour les agriculteurs et agricultrices. Le graphique montre que dans ses débuts, en 1990, les sommes étaient négligeables mais qu'elles se sont sensiblement accrues. Les chiffres les plus récents pour 1994 montrent un total de l'ordre de 1 milliard de dollars, soit une importante sécurité du revenu pour l'agriculture et le secteur agroalimentaire de demain.

Cela intéresserait peut-être les députés de savoir que l'on s'est appuyé dans la compilation de ces chiffres sur 47 038 comptes d'institutions financières. En tout, 127 672 agriculteurs participent. Le fonds CSRN 1, qui renferme en gros les dépôts des producteurs, se chiffre à 577,6 millions de dollars, et la valeur totale du fonds CSRN 2, réunissant les contributions du gouvernement, est de 496,1 millions de dollars, soit un montant d'argent considérable.

Je pense que les députés savent que, conformément aux conseils donnés par l'administration du CSRN et par un certain nombre d'organisations d'agriculteurs, nous allons transférer progressivement les sommes appartenant au fonds 1, c'est-à-dire correspondant aux dépôts des producteurs, à une administration non plus gouvernementale mais bien assurée par des institutions financières du secteur privé, y compris la Société du crédit agricole.

Le graphique suivant montre l'évolution du revenu agricole. Bien sûr, il y a eu quelques moins bons résultats au début des années 1990, mais la tendance actuelle est à la hausse. Nous n'avons pas encore recueilli toutes les données pour 1995, et en l'absence de toutes les statistiques pertinentes, nous ne pouvons pas être précis quant au niveau qu'atteindra le revenu agricole, mais vous pourrez voir qu'une amélioration sensible du revenu agricole pour 1995, une fois compilées toutes les données, est tout à fait possible, et ce serait très bénéfique pour les localités agricoles de tout le pays.

Le graphique suivant a été baptisé «Investir dans l'innovation», et il souligne une déclaration que j'ai faite tout à l'heure: nous faisons de notre mieux pour réaliser les économies nécessaires côté infrastructure de recherche, mais nous nous efforçons en même temps de veiller à ce qu'il se déroule dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire davantage de travaux scientifiques de qualité élevée.

Les chiffres pour 1994 montrent quelle était la situation au début de notre exercice d'examen des programmes et jusqu'en 1995. La partie rouge des tuyaux d'orgue correspond au budget de base de ma section de recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Comme vous pouvez le constater, en 1994, celui-ci était de l'ordre de 260 à 270 millions de dollars. Le niveau est demeuré plus ou moins constant jusqu'en 1995 ou 1996. Puis commencent à se faire sentir les effets des compressions et l'on voit que le chiffre passe à environ 220 millions, niveau qui demeure à peu près constant alors que nous nous tournons vers l'avenir.

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Si nous avons, monsieur le président, réussi la difficile quadrature de ce cercle, confrontés que nous étions à la nécessité de faire des économies de l'ordre de 50 millions de dollars environ, c'est grâce à la technique offerte par le projet de co- investissement en vertu duquel nous contribuons un dollar pour ensuite inviter le secteur privé à contribuer un dollar pour, enfin, prendre ensemble les décisions relatives aux travaux de recherche à entreprendre. Nous coopérons et collaborons à la réalisation de ceux-ci et nous en payons conjointement la facture.

Comme vous pourrez le constater sur le graphique, le montant d'argent correspondant au projet de co-investissement doit augmenter au fil du temps pour atteindre, d'ici 1999, un niveau appréciable. Le gouvernement canadien y mettra environ 35 millions de dollars, et si la contribution du secteur privé est équivalente - et c'est ce à quoi nous nous attendons - cela nous donnera un total de 70 millions de dollars nouveaux qui viendront s'ajouter à la partie colorée en rouge et qui correspond à l'appareil de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Je pense qu'il s'agit là d'une technique originale qui va très bien servir Agriculture et Agroalimentaire Canada et, bien que nous ayons eu à faire certaines économies, je pense que nous y avons procédé de façon responsable de manière à maintenir notre élan en matière de recherche.

Le graphique suivant est peut-être tout à fait d'actualité, monsieur le président. Il indique tout simplement, sur la base de sondages d'opinion publique, la confiance qu'ont les Canadiens dans la salubrité de leurs aliments comparativement à nos voisins les plus proches, les Américains. Étant donné les événements des derniers jours, ce n'est peut-être pas là la comparaison internationale la plus appropriée, mais il ressort néanmoins que, comparativement aux Américains, les consommateurs canadiens ont tendance à avoir plus confiance dans leur système d'approvisionnement en produits alimentaires. Il s'agit certes là d'une bonne nouvelle, car la confiance des consommateurs, que ce soit au niveau national ou international, est critique pour le succès futur du secteur agroalimentaire, sans parler de la santé des Canadiens et de la salubrité de ce qu'ils consomment.

Dans la partie suivante de ma présentation, monsieur le président, j'aimerais parcourir rapidement, sans trop aller dans le détail, les questions et les dossiers auxquels nous comptons nous attaquer dans l'année qui vient. L'une des choses les plus importantes sera l'accroissement des échanges commerciaux et des investissements. Comme nous le savons tous, le Canada compte très largement sur les échanges commerciaux et notre secteur agricole et agroalimentaire dépend davantage de ces échanges que la plupart des autres secteurs de l'économie canadienne et que le secteur agroalimentaire de la plupart des autres économies nationales.

Notre stratégie actuelle est: de poursuivre l'expansion de l'accès à de nouveaux marchés; d'appuyer nos exportateurs grâce au SCA, Service de commercialisation agroalimentaire, encore une autre des promesses du Livre rouge; de poursuivre la promotion vigoureuse des produits canadiens à l'étranger; et également, bien sûr, de défendre les droits et intérêts légitimes des Canadiens, et je songe ici au différend relatif au blé que nous avons connu il y a quelques années ou encore aux contestations relatives à l'ALÉNA qui nous occupent à l'heure actuelle. Le gouvernement tient à défendre les droits et les intérêts des Canadiens et Canadiennes.

En ce qui concerne l'étape suivante, monsieur le président, nous allons poursuivre nos efforts visant à élargir notre accès aux différents marchés. J'aimerais donner aux députés une petite idée de ce que nous avons réussi à faire depuis peu, en matière d'accès au marché européen: nous avons réussi à négocier des améliorations relativement au blé, au blé dur, aux graines à canaris, à l'avoine, à la viande de porc et au fromage cheddar. Pour ce qui est du Mexique, nous avons rétabli notre accès pour les pommes de terre de semence et nous avons également rétabli notre accès au marché portoricain pour le lait UHT, tout particulièrement celui produit au Québec. Nous avons également obtenu un accès à la Corée pour l'orge et un accès à la Russie pour le porc.

La récente mission commerciale du premier ministre en Asie a abouti à la signature par la Commission canadienne du blé d'une entente très importante avec la meunerie de Bogasari, en Indonésie. Il s'agit de la plus importante meunerie au monde. Cette entente pourrait finir par rapporter aux producteurs canadiens jusqu'à 2 milliards de dollars d'ici son expiration. Nous continuons par ailleurs toujours de travailler à nos nouveaux arrangements avec le Chili, Israël, etc. Autant de témoignages que nous continuons de mettre l'accent sur l'expansion de l'accès aux marchés pour l'agriculture canadienne.

.1930

Monsieur le président, les missions commerciales continueront de faire partie de notre programme. Nous avons mené des missions commerciales fort réussies dans la région de l'Asie-Pacifique, en Amérique latine, en Europe et aux États-Unis, et nous poursuivrons ce travail. Une nouvelle mission commerciale, prévue pour début avril, doit se rendre au Japon, en Corée et à Singapour, marchés qui offrent un important potentiel pour l'avenir.

Nous poursuivrons nos efforts de partenariat avec le secteur privé grâce à la Stratégie de commercialisation des produits agroalimentaires en vertu de laquelle des organisations gouvernementales et privées collaborent ensemble à l'élaboration de stratégies d'exportation cohérentes.

Nous allons également aller de l'avant très prochainement avec le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires. Nous nommerons le plus rapidement possible ce printemps les membres de ce conseil. L'objet de celui-ci sera d'acheminer les conseils du secteur privé en matière de développement de marchés de façon à s'assurer que les dollars dont nous disposons pour la promotion de marchés soient en fait dépensés de la meilleure façon possible.

Je ne vais pas m'attarder davantage sur cette transparence, même si elle est importante. Je pense en effet avoir abordé toute cette question plus tôt dans mon exposé. Il s'agit de tirer le maximum des sciences et de la technologie. Nous croyons que la recherche est très clairement un investissement dans la croissance. L'innovation est un élément clé de notre compétitivité.

Notre stratégie actuelle comprend le projet de co- investissement dont j'ai déjà parlé. Je me ferai un plaisir d'expliquer ce soir aux députés certaines des réussites qui ont été rendues possibles grâce au projet de co-investissement. Qu'il s'agisse de recherche sur la pomme de terre à l'Île-du-Prince- Édouard, de recherche sur la viande de porc au Québec ou de recherche sur le canola en Saskatchewan, toutes ces activités sont très importantes pour l'avenir de l'agriculture et du secteur agroalimentaire tout entier. Plus de 500 projets ont été entrepris au pays dans le cadre du projet de co-investissement, et les résultats sont très probants. Je mentionnerai également nos travaux de recherche fondamentale qui se déroulent dans 18 centres de compétence d'envergure nationale, un peu partout au pays.

L'étape suivante en matière de sciences et de technologie sera un financement accru du projet de co-investissement. Cela est ressorti dans le diagramme précédent. Vous avez vu les colonnes de couleur prendre de l'ampleur au fil des ans.

Plus tard cette année, nous créerons quelques nouvelles occasions pour la jeunesse canadienne grâce au projet de co- investissement Horizon Sciences, qui vise à intéresser de jeunes Canadiens à la recherche et au développement agricoles.

Le transport des céréales continue d'être une question qui nous occupe, monsieur le président. Pourquoi nous faut-il une réforme du transport du grain? C'est pour des raisons liées au commerce, à l'efficience, à l'innovation, à la diversification, à la croissance de la valeur ajoutée et à la responsabilité financière. Les mesures de transition et d'adaptation sont en place avec la LTGO et l'ATCF. La distribution des mesures d'aide de transition est déjà en cours.

Comme le savent les députés, il s'opère un certain nombre de changements législatifs et réglementaires, et l'on met très largement l'accent sur l'encouragement de la diversification et de la croissance en valeur ajoutée avec la suppression de ces deux importantes subventions.

Les étapes suivantes ont été esquissées dans le budget. Nous avons annoncé notre intention de nous défaire de 13 000 wagons- trémies. Nous avons par ailleurs annoncé une augmentation limitée du tarif de fret, de 75 ¢ la tonne, à compter du 1er août 1998.

Le partage de la productivité entrera lui aussi en vigueur le 1er août 1988. Ce que cela signifie c'est qu'au fur et à mesure que notre système devient plus efficient, ces gains en efficience seront partagés entre les compagnies ferroviaires, les expéditeurs et les producteurs. Ceux-ci ne reviendront plus automatiquement aux compagnies ferroviaires. Enfin, nous comptons assurer aux producteurs un rôle dans l'élaboration de la politique future en matière de répartition des wagons.

L'évolution de la gestion de l'offre est un autre sujet important. Ce que nous comptons faire c'est assurer aux producteurs canadiens un système vigoureux de gestion de l'offre, qui réagisse bien.

L'actuelle stratégie prévoit, tout d'abord, la défense du système canadien sur toutes les tribunes internationales. Qu'il s'agisse de l'OMC, de l'ALÉNA ou d'un quelconque autre groupe, nous défendrons notre approche «fabriqué au Canada». Deuxièmement, nous voulons assurer un contexte prévisible pour l'évolution du secteur au fil du temps.

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En ce qui concerne les étapes à venir, comme cela a été mentionné dans le budget, nous continuerons de défendre la gestion de l'offre. Nous éliminerons graduellement, sur une période de cinq ans à compter du 1er août 1997, la subvention aux producteurs laitiers. Cela interviendrait après deux années de réduction progressive: de ce fait, la subvention sera en réalité éliminée sur une période de sept ans. Nous nous sommes par ailleurs engagés à nous mettre tout de suite au travail avec l'industrie laitière, réunissant et les producteurs et les transformateurs, en vue de l'élaboration d'une politique laitière à long terme pour le Canada qui leur offre une plus grande certitude.

La transparence suivante traite, monsieur le président, de l'investissement dans la sécurité des producteurs. Pourquoi en avons-nous besoin? Parce que le risque agricole est unique en son genre et parce qu'il nous faut réagir au contexte commercial international, qui exerce des pressions sur les agriculteurs et sur l'agriculture.

Notre approche actuelle en matière de sécurité, ou de protection du revenu si vous voulez, est axée sur le partage du risque. Le pilier central de notre stratégie est une approche de la sécurité du revenu axée sur l'exploitation prise dans son ensemble, à l'intérieur d'un cadre général national. Il s'agit en fait d'investir durant les années de vaches grasses de façon à avoir un coussin si doivent survenir des années de vaches maigres. En plus du pilier central qu'est l'approche de la sécurité du revenu axée sur l'exploitation prise dans son ensemble, nous ajouterions l'assurance-récolte et des programmes connexes, qui font déjà partie du mélange.

Ce qu'il faudra faire ensuite: finaliser les ententes bilatérales en matière de sécurité du revenu avec les provinces à l'intérieur d'un cadre national. J'espère que ces dix ententes bilatérales avec les provinces seront signées avant l'été. Nous allons par ailleurs tenter de faire avancer les choses sur le plan législatif de sorte que nos engagements en matière d'avance en espèces fassent l'objet non plus de règlements mais bien de lois.

Monsieur le président, quant au maintien d'un approvisionnement en aliments sûrs, peut-être qu'il n'y a même pas lieu de poser la question «pourquoi?». En effet, les Canadiens et Canadiennes ont beaucoup confiance dans leur approvisionnement en aliments: c'est ce qui compte le plus à l'heure actuelle et cela continuera d'être le cas à l'avenir. La qualité supérieure de nos produits alimentaires est par ailleurs l'un des secrets de notre réussite sur le marché des exportations.

Notre stratégie actuelle est de nous adapter aux impératifs des compressions budgétaires, grâce à une approche axée sur le partenariat avec le secteur privé et visant la réduction des coûts, des dépenses judicieuses et le recouvrement des coûts.

L'étape suivante dans la stratégie sera l'établissement d'un système canadien d'inspection des aliments qui soit véritablement national. Je suis certain, monsieur le président, que les députés savent qu'il y a dans ce domaine beaucoup de chevauchements et de double emploi. Il y en a au niveau fédéral et il y en a également très certainement à celui d'autres paliers de gouvernement. Dans le cadre de notre système fédéral, un énorme travail d'inspection revient à Agriculture et Agroalimentaire Canada, Pêches et Océans Canada et Santé Canada. Notre objectif est d'éliminer les chevauchements et le double emploi grâce à la première entrée sous la rubrique «Ensuite»: mise sur pied d'un organisme unique fédéral chargé de l'inspection des aliments.

La première étape dans ce processus sera la concentration de la responsabilité en matière d'établissement de normes pour les aliments au sein du ministère de la Santé. Cela supposera le transfert de certains employés du ministère de l'Agriculture à celui de la Santé. En même temps, nous concentrerons la responsabilité en matière d'exécution de la fonction inspection au sein de ce nouvel organisme, qui devra rendre compte au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Certains employés du ministère de l'Agriculture seront par conséquent mutés au ministère de la Santé pour y mener à bien cette fonction d'établissement de normes. La fonction inspection reviendra à des fonctionnaires travaillant à l'heure actuelle au service des ministères de l'Agriculture, de la Santé et des Pêches et des Océans. Au cours de l'année à venir, ces personnes seront regroupées à l'intérieur de cette nouvelle unité que sera notre organisme unique fédéral chargé de l'inspection des aliments. Nous espérons pouvoir mener à bien ce projet d'ici cette époque l'an prochain.

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En passant, nous pensons que, si cela est rondement mené, cela permettra au gouvernement d'économiser environ 44 millions de dollars par an et garantira le maintien de nos normes à un niveau très élevé.

Comme le montre la transparence, nous poursuivrons tous nos efforts visant à mener à bien l'ARMPC, analyse des risques et maîtrise des points critiques, le système reconnu mondialement, qui est un très précieux outil pour toute compagnie alimentaire désireuse d'exporter. Avec la mise en place de notre organisme unique fédéral chargé de l'inspection des aliments, nous espérons poser les jalons de l'étape suivante: un système véritablement national auquel pourront participer les provinces, les municipalités dans certains cas et très certainement le secteur privé.

Quant à la protection de l'environnement, je suppose que la réponse est évidente. Les ressources en eau et en sol, etc., sont les fondations mêmes de notre secteur d'activité. Notre stratégie actuelle vise à appuyer les efforts du secteur pour s'adapter et atteindre la réussite économique tout en sauvegardant l'environnement. Les organismes comme l'ARAP, les initiatives comme les plans environnementaux des fermes, tout particulièrement en Ontario, et l'initiative québécoise appelée Je prends soin de ma terre sont très importants et réussissent très bien. L'industrie a d'autre part fait preuve de leadership par le biais du Comité national de l'environnement agricole.

Les étapes à venir sont le déploiement d'une stratégie du développement durable, ce qui se fera dans le courant de l'année à venir, et le maintien de nos engagements à l'égard de la recherche fondamentale.

Quant à l'idée de faire mieux notre travail et pourquoi, nous avons une obligation envers le secteur agricole et agroalimentaire de nous conduire du mieux possible en période d'austérité. Notre stratégie actuelle est d'atteindre au ministère un taux d'efficacité au moins égal au taux global de compression de ses dépenses.

L'étape suivante sera de réaliser des économies supplémentaires de 3,5 p. 100 pour l'administration fédérale d'ici 1998-1999. La plus grande partie proviendra de la création de l'organisme fédéral unique d'inspection des aliments. Comme je l'ai déjà dit, cela vaudra pour le gouvernement quelque 44 millions de dollars d'économies. Les économies pour l'Agriculture plus particulièrement se chiffreront selon nos prévisions à quelque 33 millions de dollars. Viendront s'ajouter à cela des économies du côté des services intégrés et administratifs du ministère.

Cela laissera environ 13 à 15 millions de dollars en économies qu'il nous faudra trouver au cours de cette prochaine période de trois ans. J'ai dit au secteur agroalimentaire que je voudrais ses conseils et ses opinions quant au meilleur moyen de réaliser ces économies, et je lancerai la même invitation au comité ici réuni. Nous savons qu'il nous faudra trouver quelque part ces dollars, et les conseils du comité quant aux meilleures coupures à faire, dans l'intérêt non seulement du ministère mais également du secteur, seraient les bienvenus.

Permettez-moi de conclure en vous faisant part d'un certain nombre d'observations relativement à l'adaptation et au développement rural. Le cadre est tout simplement le suivant: il nous faut vivre en fonction de la conjoncture budgétaire. Ce faisant, il nous faut fournir au secteur les outils dont celui-ci a besoin pour gérer lui-même son adaptation à la suite des réductions de subventions et autres changements.

Il nous faut concentrer l'aide là où les besoins sont les plus criants. Nous voulons passer d'un système de soutien passif à des mesures d'aide favorisant la croissance, la compétitivité, l'emploi et le développement des collectivités rurales. Nous voulons établir des alliances stratégiques et des partenariats, si possible directement avec les agriculteurs et les organismes agricoles, et nous voulons collaborer avec les provinces dans la mesure du possible afin d'éliminer les chevauchements et le double emploi.

Étant donné l'heure et le temps dont nous disposons ce soir, je ne m'attarderai pas sur le Fonds d'adaptation relatif au transport du grain de l'Ouest. Je pense que les députés sont assez bien renseignés sur le processus d'adaptation en vertu de la LTGO. Je soulignerai simplement que le versement de 1,6 milliard de dollars aux propriétaires fonciers est en train de se faire.

En ce qui concerne le Fonds d'adaptation de 300 millions de dollars, les priorités sont énumérées sur cette transparence. On y a assidûment travaillé avec les organisations de l'industrie des grains de l'Ouest. Il s'agit d'aider à neutraliser les changements touchant les points de mise en commun de la Commission canadienne du blé, de résoudre les défis auxquels se trouve confrontée l'industrie de la déshydratation de la luzerne et du foin pressé, de la nécessité d'apporter des changements à l'infrastructure agricole et de réserver des fonds pour imprévus, pour un total de 300 millions de dollars.

.1945

Ce qu'il y a d'important dans le budget à ce propos, monsieur le président, c'est la compression du calendrier de versement de ces 300 millions de dollars, qui est passé de six ans à trois ans.

Le rajustement de l'aide au transport des céréales fourragères s'est fait à la façon de ce qui a été prévu pour l'adaptation en vertu de la LTGO. Comme vous le savez, notre engagement original au moment du dépôt du budget était d'environ 60 millions de dollars sur dix ans, destinés aux ex-bénéficiaires de la subvention au transport des céréales fourragères.

Le secrétaire d'État à l'Agriculture, M. Robichaud, a mis sur pied un groupe de travail chargé de consulter les agriculteurs et les provinces au sujet du fonctionnement de notre programme d'aide au transport des céréales fourragères. Suite à ces consultations, la somme prévue a été augmentée pour atteindre 72,7 millions de dollars. Les paiements ont commencé vendredi dernier. Par ailleurs, le calendrier a été ramené de dix à trois ans. La répartition parmi les différents intervenants se fera en fonction de l'utilisation passée. Les paiements directs aux producteurs et les fonds de développement sont autorisés, en fonction des préférences des producteurs. Les droits et les priorités seront déterminés par les groupes agricoles eux-mêmes. Une décision fiscale favorable a été obtenue auprès de Revenu Canada. Enfin, l'accès aux importations sera offert au besoin.

Monsieur le président, permettez-moi de passer maintenant au Fonds d'adaptation et de développement rural canadien. En plus du fonds prévu en vertu de la LTGO, qui découle de la suppression d'une subvention, et du Fonds d'aide au transport des céréales fourragères, qui résulte lui aussi directement de l'élimination d'une subvention, nous avons le Fonds d'adaptation et de développement rural, qui a été créé dans le budget de 1995 et qui sera chaque année doté de 60 millions de dollars. Celui-ci a pour objet d'aider le secteur agricole et agroalimentaire non seulement à composer avec le changement mais également à le maîtriser et à se préparer pour l'avenir.

Les composantes du programme sont pour l'heure: des initiatives nationales, un complément d'aide au transport des céréales fourragères, ainsi que des possibilités régionales, locales et provinciales.

Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, il est prévu que le fonds soit chaque année doté de 60 millions de dollars. Les initiatives énumérées ici visent une période de quatre ans: si vous multipliez 60 millions de dollars par quatre, cela vous donne un total de 240 millions de dollars.

Nous avons déterminé - mais il nous reste encore à les peaufiner quelque peu - les priorités d'investissement de ces 240 millions de dollars dans ces trois catégories. Figurent par exemple au nombre des initiatives nationales le Conseil canadien de la gestion d'entreprise agricole et le Programme canadien de sécurité agricole, etc. Le complément d'aide au transport des céréales fourragères, qui se chiffre à 10 millions de dollars, portera d'environ 60 à un peu plus de 70 millions de dollars le montant de l'aide au transport des céréales fourragères, et viennent s'ajouter à cela les possibilités régionales, provinciales et locales qui varient d'un bout à l'autre du pays.

L'un des aspects les plus importants de ce fonds, monsieur le président, est qu'il reflète notre détermination à assurer que l'exécution du programme soit dans toute la mesure du possible déterminée par le secteur. Le but est de transférer du gouvernement aux mains de nos clients un maximum de décisions en matière de programmes et tout le processus d'établissement des priorités. C'est là le fondement même d'un secteur agricole et agroalimentaire canadien autosuffisant.

Des mécanismes innovateurs d'exécution de programmes ont été mis en place en Ontario par l'intermédiaire de l'Ontario Agricultural Adaptation Council, qui a vu le jour plus tôt cette année. Le financement du conseil a été confirmé lundi de cette semaine. Quant aux arrangements que nous aurons au Québec, avec la participation d'organisations agricoles québécoises comme l'UPA et la Co-op fédérée, nous y travaillons aux tout derniers détails. Nous espérons pouvoir annoncer très prochainement ces initiatives. De nombreuses autres provinces sont elles aussi intéressées à cette technique pour l'exécution de ce genre d'initiative.

.1950

Monsieur le président, les députés doivent savoir qu'au cours de l'hiver qui vient de se terminer j'ai mené une série de tables rondes dans toutes les régions du pays, ce dans le but de recueillir auprès d'agriculteurs, d'organismes agricoles et d'autres intervenants du secteur agroalimentaire des renseignements et des conseils sur la situation dans laquelle nous aimerions nous trouver d'ici cinq, dix ou 15 ans, sur les possibilités qui existent, sur les obstacles à surmonter, sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir et pour saisir les occasions qui s'offrent à nous, sur les priorités et sur les rôles qui devraient revenir au gouvernement, au secteur privé, aux organisations agricoles, aux entreprises agroalimentaires, etc.

Ce processus de tables rondes a selon moi été très sain et très constructif. Il va déboucher sur une conférence nationale portant sur la question générale de l'adaptation agricole et du développement rural prévue pour juin 1996, à Winnipeg. Y seront invités les participants à toutes les tables rondes ainsi que des ténors de l'industrie et un large pan de toute la filière de la production d'aliments au Canada, et j'aimerais également, monsieur le président, lancer une invitation à tous les députés désireux d'y assister. Ce sera une récapitulation et l'aboutissement du processus des tables rondes sur l'adaptation et j'espère que cela enclenchera un engagement conjoint industrie-gouvernement en vue de mesures et d'un suivi à la veille du XXIe siècle.

Ce sur quoi j'aimerais voir déboucher cette conférence, si cela est possible, c'est un plan d'activité pour le développement futur, plan que j'aimerais voir élaborer en collaboration avec des bénévoles de l'industrie.

Permettez-moi de dire, monsieur le président, que si le comité a quelque contribution à faire relativement à l'adaptation agricole et au développement rural futurs au Canada avant la conférence de juin, à l'occasion de celle-ci ou par la suite, j'en serais très heureux.

La dernière transparence, monsieur le président, dresse tout simplement une petite liste de ce qui pourrait figurer au programme législatif. Je m'attends à ce que les deux premières questions viennent sur le tapis très prochainement. La Loi sur les programmes de commercialisation agricole portera sur le système d'avances d'argent comptant. La Loi sur la médiation des dettes agricoles créera le système qui viendra remplacer le Bureau d'examen de l'endettement agricole. Quant à la Loi sur la Société du crédit agricole... les députés savent que je suis en train d'examiner des modifications à cette loi en vue de rajuster et d'élargir le mandat de la Société du crédit agricole. En ce qui concerne la Loi sur les grains du Canada, il y est envisagé des modifications portant sur les cultures spéciales. La Loi sur les marchés de grain à terme visera à reprendre une loi rédigée en 1921 et à la remanier pour qu'elle soit mieux adaptée au XXIe siècle. Quant à la mention de la Loi sur la Commission canadienne du blé, il ne s'agit que d'un préavis, monsieur le président. Je pense que suite au travail du panel de commercialisation du grain de l'Ouest il y aura peut-être certaines initiatives qui devront être poursuivies. Enfin, la Loi sur l'organisme unique d'inspection des aliments donnera corps aux initiatives en matière d'inspection des aliments que j'ai évoquées plus tôt dans mon exposé.

Monsieur le président, je vous remercie de votre patience et je me ferai un plaisir de faire de mon mieux pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Procédons donc au premier tour de questions ou de commentaires des députés. L'ordre d'intervention sera le suivant: d'abord le parti au pouvoir, puis l'opposition officielle, puis les Réformistes.

Monsieur Assad.

[Français]

M. Assad (Gatineau - La Lièvre): Monsieur le ministre, votre présentation était très intéressante. Les perspectives sont encourageantes.

Je sais que le gouvernement a comme politique d'éliminer les grosses subventions qu'il accordait dans le passé. Je sais aussi que votre ministère est affecté par cette politique.

J'aimerais beaucoup savoir quelle entente vous avez conclue pour les producteurs de lait du Canada, mais surtout du Québec. On sait que les producteurs de grain ont reçu des paiements totalisant 1,6 milliard de dollars.

Vous avez conclu une entente avec les producteurs de lait, mais au lieu de leur accorder un paiement global comme celui accordé aux producteurs de grain, vous avez réduit leur subvention de 15 p. 100 par année. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?

.1955

[Traduction]

M. Goodale: Merci de votre question, monsieur Assad: elle est très importante, tant pour le fond qu'en ce qui concerne la question de l'équité.

Je commencerai par souligner qu'en ce qui concerne la suppression de la LTGO dans l'Ouest canadien et l'élimination de la subvention aux producteurs laitiers - qui intéresse principalement le centre du pays, bien que le secteur laitier soit un secteur d'envergure nationale - les montants fédéraux sont comparables dans les deux cas. La technique employée est différente, comme vous le soulignez dans votre question. Mais qu'il s'agisse de la technique du rachat pour ce qui est des producteurs de grain ou de la technique de l'abandon graduel appliquée dans le cas des producteurs laitiers, les sommes engagées par le gouvernement canadien sont à peu près les mêmes.

Pour l'année 1994-1995, la subvention laitière était de 4,62 dollars l'hectolitre. La note totale pour le gouvernement canadien, à ce niveau de subventionnement, se chiffrait à 220 millions de dollars par an. Dans notre budget de 1995, nous avons annoncé que ce niveau de subventionnement serait réduit de 15 p. 100 le 1er août 1995 puis d'un autre 15 p. 100 le 1er août 1996. Ces deux réductions, totalisant 30 p. 100--15 p. 100 en 1995 et 15 p. 100 en 1996--ramèneraient la subvention à 3,80 dollars l'hectolitre, pour un coût annuel d'environ 160 millions de dollars.

Dans le budget de 1995, nous avions également annoncé que nous discuterions de l'avenir de la subvention laitière avec les producteurs de lait et d'autres intervenants dans l'industrie laitière. Ces discussions ont eu lieu. Y ont participé moi-même, en tant que ministre, mon secrétaire parlementaire, le secrétaire d'État, des fonctionnaires du ministère, la Commission canadienne du lait, les Producteurs laitiers du Canada ou PLC, et le Conseil national de l'industrie laitière, le CNIL. Bien qu'il soit clairement ressorti de toutes ces discussions que le secteur laitier préférerait conserver sa subvention si cela était possible - c'est la nature humaine - il est également clairement ressorti que les producteurs de lait, comme tous les autres Canadiens, reconnaissent qu'il est impératif de faire la guerre au déficit et à la dette, et de gagner.

Confrontés que nous étions à la réalité financière, au fait que la subvention n'allait pas pouvoir être maintenue indéfiniment, et aux impératifs amenés par le déficit et la dette, il nous a fallu nous concentrer sur la question du sort de la subvention. Toutes les solutions ont été envisagées et les organismes laitiers se sont fermement prononcés en faveur de la formule de suppression graduelle que je vous ai décrite. Ils ont favorisé cette approche car c'était elle la plus graduelle, et, de leur point de vue, la moins bouleversante. En même temps, c'était elle qui annonçait le moins d'impacts sur les prix et qui semblait se prêter à une absorption rationnelle par l'industrie laitière, les producteurs, les transformateurs et les consommateurs.

.2000

Le message que j'ai eu, donc, était que si la subvention laitière ne pouvait pas être maintenue, alors la meilleure façon d'y mettre fin ne serait pas d'opter pour une solution dramatique semblable à ce qui a été prévu en vertu de la LTGO, mais plutôt pour quelque chose de plus graduel, comme son élimination progressive sur une période de cinq ans. C'est ce que nous avons annoncé dans le budget, conformément aux conseils que nous avions reçus.

Nous avons également annoncé - et je pense que cela est extrêmement important - notre engagement à travailler avec les producteurs et les transformateurs de lait et d'autres intervenants dans l'industrie laitière en vue de l'établissement d'une politique laitière stable à long terme visant à réduire l'incertitude et à asseoir une confiance face à l'avenir. Nous envisageons avec plaisir d'honorer dès aujourd'hui cet engagement en vue de l'établissement d'une politique laitière à long terme. En fait, j'ai écrit aux principaux intervenants dans le secteur laitier canadien leur indiquant que j'aimerais entreprendre le plus rapidement possible nos discussions en vue de l'établissement de cette politique à long terme.

J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est ici donnée pour féliciter les leaders du secteur laitier du Canada. Ils ont fait preuve au cours des dernières années d'une ingéniosité et d'une force remarquables. Ils ont dû s'adapter à de nouvelles circonstances commerciales internationales, établir un nouveau système de mise en commun du prix et déployer des efforts considérables en vue de l'établissement d'un code laitier national, toutes choses qui témoignent de leur grande force et de leur grande ingéniosité face à des circonstances tout à fait remarquables dans leur évolution.

Un dernier point: avec cette suppression progressive de la subvention, les producteurs chercheront naturellement à obtenir un meilleur prix sur le marché. Par le passé, la subvention a représenté 6 ou 7 p. 100 des revenus laitiers totaux. En 1994-1995, par exemple, les recettes laitières totales étaient de 3,5 milliards de dollars et la subvention laitière comptait, elle, pour 220 millions de dollars. Cela vous donne une idée des proportions relatives.

Pour ce qui est de l'argent correspondant aux subventions, qui ne seront plus là à l'avenir, producteurs et transformateurs devront travailler étroitement ensemble en consultation avec la Commission canadienne du lait afin de maximiser les revenus des producteurs tout en travaillant très fort pour ne pas limiter la taille du marché pour les producteurs de lait canadiens. Je pense que les PLC, le CNIL et la CCL ont par le passé fait leurs preuves qu'ils sont de fins gestionnaires, et je pense que l'on peut s'attendre d'eux qu'ils prennent à l'avenir de fermes et intelligentes décisions en matière de prix, de façon à bien placer leur industrie.

Le président: Monsieur Assad, je pense que le ministre a utilisé le temps qui vous était alloué et il me faut maintenant donner la parole à quelqu'un d'autre.

[Français]

M. Assad: Puis-je avoir 10 secondes seulement?

[Traduction]

Le président: Je vous donne 10 secondes. C'est le temps qu'il faudra au ministre pour répondre qui m'inquiète.

[Français]

M. Assad: Je suis certain qu'il pourra répondre en 10 secondes.

[Traduction]

Le président: Allez-y.

[Français]

M. Assad: Monsieur le ministre, si je comprends bien, les producteurs de lait avaient le choix entre une réduction de leurs subventions ou un paiement final.

[Traduction]

M. Goodale: Oui, monsieur Assad, mais je ne dirais pas qu'il s'agissait de choisir entre telle option absolue et telle autre option absolue. On a envisagé toute une gamme de moyens et de possibilités, mais la recommandation du secteur laitier, y compris les producteurs, était que l'élimination graduelle de la subvention sur une période de cinq ans, après les deux années déjà annoncées, pour un total de sept, serait la solution la plus gérable et la moins bouleversante pour le secteur laitier. C'est ce qu'ils m'ont eux-mêmes conseillé.

Le président: Merci, monsieur Assad.

[Français]

Monsieur Chrétien.

M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le ministre, bienvenue au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Vous devinez sans doute, monsieur le ministre, que mes questions vont porter sur le lait industriel dont le Québec produit, comme vous le savez très bien, 47,6 p. 100.

.2005

Je vais revenir un peu sur ce que mon collègue, Mark Assad, vient de soulever. J'ai eu le plaisir, et je me le suis imposé, de visiter cinq circonscriptions de la grande région de l'Estrie. J'ai rencontré des producteurs laitiers et j'ai apporté ici un talon de paye - si je peux m'exprimer ainsi - envoyé par la Commission canadienne du lait à un de mes amis agriculteurs qui me l'a prêté volontiers.

Ce dernier perdra, si je me fie à son revenu du mois de janvier, 506,78 $. J'ai consulté mon ami Wayne Easter. Dans son cas, évidemment, c'est plus que le double.

Donc, monsieur le ministre, vous dites qu'il y a eu des consultations avec les représentants des producteurs laitiers. Il est évident que vous ne pouviez rencontrer les 24 000 producteurs au Canada, mais parmi les représentants que j'ai rencontrés, il n'y en avait pas beaucoup qui affirmaient avoir été consultés.

J'ai ici un extrait du journal La Tribune, qui a paru quelques jours après votre annonce, et je vous en cite une partie:

Monsieur le président, ils menacent de venir labourer le parterre en face d'ici.

Je crois que la discussion que vous avez eue avec les représentants se résumait à ceci: «Crois ou meurs». Tout à coup, on coupe sur une période de deux ans ou de cinq ans. Donc, si c'était leur choix, ils ont accepté que les coupures se fassent en cinq ans au lieu de deux ans.

Cependant, on aurait pu leur offrir, comme vous l'avez fait dans le cas des producteurs céréaliers, de leur donner un montant forfaitaire non imposable, un montant appréciable pour l'adaptation, comme vous l'avez fait en accordant 300 millions de dollars aux producteurs de l'Ouest, qui se sont servis gratuitement pendant plus de 15 ans du matériel roulant et des wagons-trémies qu'on va mettre en vente incessamment. Je crois d'ailleurs que les producteurs céréaliers seront privilégiés par des prix d'«amis» lorsque viendra le temps d'en disposer.

Pour ce qui est des agriculteurs laitiers, monsieur le ministre, on va leur enlever 15 000 $ en moyenne par année, pendant cinq ans. Cela représente 7 500 $ ou 8 000 $. Je vois Gérald Larose ou Clément Godbout négocier, pour ses travailleurs, une diminution constante de 8 000 $: 1 500 $ pour la première année, 3 000 $ pour la deuxième, 4 500 $ pour la troisième, etc...

Tentez-vous de nous faire croire que le président de l'UPA accepterait une coupure pour les pauvres producteurs laitiers? Jamais, monsieur le ministre! Jamais! Si Laurent Pellerin ou le président des producteurs laitiers du Canada, Claude Rivard, pénalisait de 8 000 $ ceux qui l'ont élu, il perdrait ses élections. C'est ce qui m'arriverait, à moi aussi, si je ne représentais pas bien mes électeurs, dont près de 15 p. 100 sont des producteurs laitiers.

Dans la région de l'Estrie, où il y a près de 10 p. 100 des producteurs laitiers du Québec, où on produit 10 p. 100 du lait du Québec, ces producteurs sont prêts à venir manifester à Ottawa. Ils n'ont jamais accepté la négociation à ce niveau-là.

Monsieur le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que si on impose des coupures aux producteurs laitiers, ils se présenteront devant la Commission canadienne du lait pour obtenir un prix juste. Le salaire minimum augmente, il ne baisse pas. Il ne faudrait pas que nos travailleurs laitiers, qui possèdent des petites PME, travaillent en bas du salaire minimum, tout au moins, en plus d'avoir un investissement de plusieurs centaines de milliers de dollars.

.2010

Si la Commission canadienne du lait permet une augmentation de 10 p. 100, une augmentation de 10 p. 100 du prix du beurre provoquera une baisse des ventes de 7 p. 100 et une augmentation de10 p. 100 du prix du fromage fera baisser les ventes de 4 p. 100.

Nous avons des surplus laitiers. Les agriculteurs dépensent chaque mois des sommes importantes pour promouvoir leur produits par de la publicité qu'ils commandent eux-mêmes: «Jamais sans mon lait». On voit cette annonce le long des routes et à la télévision, on l'entend à la radio, on la lit dans les journaux, et ce n'est pas payé par le ministère; c'est payé par les producteurs laitiers eux-mêmes.

Si on augmente les prix, la consommation diminuera parce que les consommateurs n'auront pas l'argent nécessaire pour se payer du beurre et du fromage. Les consommateurs retourneront à la margarine. C'est une question de santé, me direz-vous. Monsieur le ministre, les producteurs laitiers en sont conscients et se disent victimes d'iniquité.

Cet après-midi, j'ai eu le plaisir de rencontrer l'un de vos électeurs qui est venu me porter un article du Financial Post. On semble inquiet de débattre devant le panel des tarifs sur les produits contingentés.

Il paraît, selon l'article de M. Peter Morton, que pendant des années, les États-Unis nous avaient avertis que nous n'avions pas le droit de faire cela et que nous violions ainsi l'ALENA. Il semble que le panel a été secoué quand il a entendu cela. J'espère que vous en avez pris connaissance.

J'aimerais que, dans votre réplique, vous nous rassuriez. Si jamais, monsieur le ministre, le Canada perdait devant le panel américain, nous aurions tous ensemble l'air fou. Je pense que le paysage agricole québécois, ontarien et de tout l'Est du Canada changerait radicalement.

Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre opinion sur ce que je vais vous dire.

Au Québec...

[Traduction]

Le président: Monsieur Chrétien, si vous permettez que je vous interrompe un instant, vous avez utilisé la quasi-totalité du temps qui vous était accordé. Vous voudrez sans doute que le ministre ait l'occasion de répondre.

[Français]

M. Chrétien: Vous n'êtes pas sérieux!

[Traduction]

Le président: Il nous reste quelques minutes, et pour être juste avec tout le monde, le ministre dispose de deux minutes pour répondre à vos huit minutes de questions.

M. Goodale: Monsieur le président, je tâcherai d'être aussi bref que possible.

M. Chrétien a soulevé ce soir et à d'autres occasions la question des personnes que j'ai consultées. Je pensais avoir expliqué cela dans mes remarques liminaires, mais pour que ce soit bien clair, ces discussions ont eu lieu avec tous les principaux joueurs dans le secteur laitier canadien, mais tout particulièrement avec les Producteurs laitiers du Canada et le Conseil national de l'industrie laitière.

Bien évidemment, ils devaient aborder, avec moi, une question très difficile que nous aurions tous préféré pouvoir laisser de côté, mais il nous a fallu nous en occuper et ils se sont comportés d'une façon très responsable. Ils ont exposé leurs opinions de façon vigoureuse et sans équivoque, mais ils se sont également efforcés, tout au long du processus, de contribuer de façon utile.

Il est important de considérer la question des subventions dans le bon contexte et en tenant bien compte des proportions. En 1994-1995, la subvention s'est bel et bien chiffrée à environ 220 millions de dollars. Il s'agit d'une somme considérable, mais il ne faut pas oublier que ces 220 millions de dollars s'inscrivent dans un contexte où les recettes laitières nationales étaient de l'ordre de 3,5 milliards de dollars. Il ne s'agit donc en fait que de 6 ou 7 p. 100 du total.

.2015

Pour ce qui est de la contribution fédérale, monsieur Chrétien, dans le cadre de la solution proposée dans l'Ouest canadien en vertu de la LTGO, comparativement à la solution proposée pour la subvention laitière à l'échelle du pays - dans un cas il s'agit d'une approche de rachat et dans l'autre d'une suppression échelonnée - dans les deux cas, la contribution gouvernementale est à peu près la même. L'on ne peut aucunement dire qu'un groupe de producteurs est traité de façon plus ou moins avantageuse que l'autre. Les chiffres montrent que les deux traitements sont comparables, raisonnables et justes.

La décision d'opter pour une formule de rachat dans un cas et une formule d'élimination progressive dans l'autre s'est largement appuyée sur les conseils que j'ai reçus pendant mes consultations avec les producteurs concernés. Dans un cas, les céréaliculteurs ont plaidé en faveur d'une approche, et dans l'autre, les producteurs laitiers ont privilégié une approche différente. Le choix de l'approche a été fait sur la base des conseils qui m'avaient été donnés par les producteurs concernés.

Enfin, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de souligner qu'en ce qui concerne les producteurs de lait, à cause de notre système de gestion de l'offre et à cause de notre approche «proprement canadienne» à l'industrie laitière et à la politique et au système de gestion de l'offre, ceux-ci peuvent au fil du temps récupérer leur prix sur le marché. J'ai dit dans ma réponse à la question de M. Assad que les producteurs chercheraient tout naturellement à améliorer leur rapport sur le marché en l'absence de la subvention.

Une statistique intéressante qu'il est important de garder bien à l'esprit est la suivante: au cours des dix dernières années, le taux d'inflation au Canada pour la catégorie produits alimentaires dans son ensemble a été de l'ordre d'environ 30 p. 100. Le taux d'inflation pour les produits laitiers n'a été sur cette même période que d'environ 16 p. 100. Il me semble donc qu'il y a là une certaine marge de manoeuvre. Il en ressort par ailleurs que même si certaines personnes considèrent que la subvention laitière est une subvention aux producteurs, celle-ci a dans une large mesure servi de subvention à la consommation.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Hermanson.

M. Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Merci, monsieur le président, et merci d'être intervenu il y a quelques instants.

Avant que je ne commence à poser mes questions, je tiens à déclarer sans ambages que je ne suis pas ravi de la formule qu'on a suivie jusqu'ici aujourd'hui dans le cadre de cette réunion. Il nous a fallu subir un infomercial de 50 minutes du ministre au sujet de son ministère, ainsi que de longs discours faits par certains intervenants.

L'objet de la réunion est de poser des questions au ministre, de lui demander des comptes au sujet de son ministère et de l'interroger dans le but d'obtenir des renseignements dont nous ne disposons pas. J'ose espérer que pour le restant de cette réunion et pour toutes celles à venir auxquelles sera convié le ministre l'on n'aura pas droit à ces longues harangues et qu'on pourra parler de l'essentiel.

Le président: Pour répondre à ce que vous venez de dire, je ferai en sorte que vous bénéficiiez d'autant de temps que les autres intervenants. C'est ce que j'ai dit au début. Mais en tant que président, je ne vais pas orienter les questions.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président, mais il va nous être très difficile de couvrir ce soir toutes les questions qui sont importantes.

Merci, monsieur Goodale et monsieur Robichaud, d'être venus comparaître devant le comité aujourd'hui et d'être venus accompagnés de ces fonctionnaires.

J'aimerais tout d'abord traiter du projet de loi C-14, qui a fait l'objet de sa troisième lecture aujourd'hui à la Chambre. Cela s'est fait très vite. Je me souviens qu'il y a quelques mois vous avez rencontré des représentants de la Saskatchewan Wheat Pool, à Regina. Vous leur avez dit que vous étiez le joueur d'avant-front pour l'agriculture en ce qui concerne le projet de loi 101, qui est maintenant le projet de loi C-14, la nouvelle Loi sur le transport. Vous leur avez dit que vous alliez obtenir la meilleure loi possible pour aider l'agriculture et la défendre.

Comme vous le savez, la quasi-totalité des organismes agricoles des Prairies se sont dit extrêmement mécontents des paragraphes 27(2) et 27(3). J'ai une lettre qui a été écrite après qu'un groupe de représentants de l'industrie eût rencontré le nouveau ministre, M. Anderson, le 21 mars, il me semble. La lettre est datée du 22 mars.

Ils avaient pensé que le ministre était à l'écoute de leurs préoccupations. Ils n'avaient pas réussi à convaincre M. Young de remanier les articles problèmes. M. Anderson avait dit qu'il allait s'y pencher, mais le 22 mars il a changé d'avis pour dire qu'il allait être intransigeant et que sa position demeurerait la même. Une lettre de M. Alex Graham, représentant le secteur agricole, fait état d'un profond sentiment de déception, voire même de trahison, devant le fait que votre gouvernement n'ait tenu aucun compte des préoccupations du secteur.

.2020

J'aimerais donc savoir comment vous expliquez votre refus de défendre la position des expéditeurs relativement au projet de loi C-14, pour permettre l'adoption d'un projet de loi qui favorise injustement les compagnies de chemin de fer et qui bloquera pendant si longtemps, devant les tribunaux, les plaintes qui pourraient survenir que la lutte n'en vaudra même plus la peine.

M. Goodale: Monsieur Hermanson, je ne suis pas certain de pouvoir accepter la prémisse de votre question, selon laquelle il y a eu un échec. Il y a quelques jours, j'ai eu l'occasion de rencontrer ces mêmes expéditeurs dont vous venez à l'instant de parler. Ils m'ont dit très clairement qu'ils appuient dans une large mesure l'orientation et les principes du projet de loi C-14. Ils ont des problèmes avec certains articles seulement.

Le projet de loi, comme vous le savez, fait un demi ou trois quarts de pouce d'épaisseur. Il traite d'une quantité énorme de questions et sur les centaines d'articles qu'il renferme, ces expéditeurs ont des problèmes avec deux d'entre eux seulement. Ils m'ont dit que même si leur opinion sur ces deux articles est très ferme, ils peuvent dans l'ensemble appuyer le reste du projet de loi.

En ce qui concerne les deux articles dont il est question ici, il faut les replacer dans leur contexte. Or, ce contexte prévoit quatre ou peut-être cinq processus d'examen du projet de loi dans la période à venir. Il est en effet prévu qu'il y ait un réexamen en 1999 ou en l'an 2000. Il subira un examen discrétionnaire qui sera effectué par le gouverneur en conseil, le ministre des Transports ou des organismes extérieurs.

Il y a donc des garanties. Il s'agit d'un nouveau texte de loi. Dans son application au grain, en tout cas, c'est nouveau, car les céréales relevaient précédemment de l'ancienne LTGO.

Par conséquent, les personnes qui seront touchées par cette loi, qu'il s'agisse de compagnies de chemin de fer, d'expéditeurs ou d'agriculteurs, vont dans une certaine mesure faire oeuvre de pionnier. Peut-être qu'ils vivront sous la nouvelle loi tout à fait ce qu'ils avaient prévu, mais peut-être pas. Il s'agit de quelque chose de tout à fait nouveau. C'est pourquoi les dispositions en matière d'examen ont été prévues dans la loi. Comme je viens de le dire, il y en au moins quatre de prévues, peut-être même cinq ou six. Ces dispositions en matière d'examen seront exécutées de façon responsable.

Si l'expérience dans le cadre de l'application de la nouvelle loi s'avère être contraire à l'intérêt public - les agriculteurs font partie de celui-ci - si le projet de loi amène des conséquences ou des résultats qui ne sont pas acceptables dans le contexte d'une bonne politique publique, alors ces processus d'examen feront ressortir ces problèmes et ceux-ci pourront être corrigés.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: J'aimerais passer à la question suivante, soit la vente des wagons-trémies. Monsieur Goodale, nous savons que les 13 000 wagons-trémies du gouvernement vont être vendus. Le gouvernement a pris cet engagement. Vous avez dit préférer vous- même que les wagons-trémies soient vendus aux producteurs et vouloir faciliter cela.

Vous me corrigerez si mes chiffres ne sont pas les bons, mais si j'ai bien compris, le budget a annoncé qu'il y aurait un supplément de 75 ¢ la tonne pour le fret pour couvrir le coût - je pense que le terme employé était «acquisition» - des wagons. Il suffit de faire quelques petits calculs pour constater que cela monte à 24 millions de dollars par an si l'on transporte 32 millions de tonnes, ce qui est plutôt optimiste. C'est peut-être moins que cela. Cela donne un prix d'environ 153 dollars par wagon par mois. Si les wagons sont vendus 250 millions de dollars, ce qui est le chiffre qui a été cité - et s'il n'est pas bon, on apprécierait que vous disiez aux producteurs quel sera le prix demandé, car il leur faut le savoir - alors ce coût est supérieur à 200 dollars par mois. Il y a donc un décalage. Nous savons par ailleurs qu'il en coûte environ 400 dollars par mois pour entretenir les wagons et nous ne savons pas très bien de quelle façon cela va être financé.

.2025

Ce à quoi je veux en venir c'est qu'il y a beaucoup plus de questions qui restent sans réponse que de questions auxquelles des réponses ont été données, et vous attendre à ce que les producteurs fassent une offre d'achat des wagons, prennent des dispositions et obtiennent le soutien des différents producteurs dans les Prairies est très difficile et très injuste si vous n'avez pas révélé certains des détails, notamment le prix demandé pour les wagons et les arrangements de paiement de ces derniers sur un nombre d'années qui reste, lui aussi, à déterminer.

L'autre question concerne les 75 ¢ la tonne à compter de l'année 1998. Cela signifie-t-il que les producteurs devront commencer à payer pour les wagons en 1998? Ce barème de tarifs de fret sera réexaminé en 1999. Cela veut-il dire qu'après 1999 les producteurs pourraient se retrouver avec une structure de paiement des wagons tout à fait nouvelle et qu'ils ignorent encore? Dans l'affirmative, ils devraient être mis au courant de cela également.

M. Goodale: Monsieur Hermanson, il y a en fait deux approches que l'on peut suivre en ce qui concerne la question des wagons- trémies. Certains ont dit - et c'est ce que vous avez laissé entendre dans votre question - qu'il faudrait fixer le prix puis calculer à rebours quelle augmentation du taux de fret serait nécessaire pour couvrir ce prix. Il m'avait semblé à moi que cela placerait l'agriculteur dans une position vulnérable, étant donné que la partie de l'équation qui a une incidence directe sur le fermier est l'augmentation du tarif de fret, et si vous fixez arbitrairement le prix au début du processus pour laisser celui-ci déterminer le taux de fret, alors c'est grand ouvert.

Je préfère quant à moi procéder dans le sens inverse, c'est-à- dire établir l'augmentation du tarif de fret, puis calculer le prix à partir de là, au lieu de fixer d'abord le prix pour aboutir à un tarif de fret.

L'augmentation du fret sera, comme vous l'avez dit, de 75 ¢ la tonne, à compter du 1er août 1998, date, soit dit en passant, à laquelle serait enclenché le partage de la productivité qui est, je pense, un élément clé de l'équation.

Quant à savoir ce que finira par être le prix d'achat, quantité de variables interviennent. Vous en avez évoqué une, soit le tonnage transporté chaque année en vertu du taux de fret réglementé maximal pour le grain de l'Ouest canadien, et les gens ont différentes estimations de ce que cela pourrait donner une période d'années donnée. Mais il ne s'agit là que d'une source de revenus pour les wagons.

Il est une autre source de revenus dans l'équation et dont nombre de personnes ne tiennent pas compte, soit le revenu que peuvent produire les wagons lorsqu'ils ne sont pas nécessaires pour le transport de grain de l'Ouest canadien assujetti au taux de fret réglementé. Au cours des dernières années, il y a eu des occasions où l'échéancier des expéditions de grain à partir des Prairies a été tel que les wagons n'ont pas été nécessaires pour l'expédition réglementaire du grain de l'Ouest canadien et ont été utilisés à l'extérieur du système réglementé, ce qui a produit des revenus annuels de 5 ou 6 millions de dollars. Voilà donc une source de revenus possible qu'il faut inclure dans l'équation.

Il y a par ailleurs toute une gamme d'autres clauses et conditions... par exemple, les restrictions qui peuvent ou non être imposées en matière d'utilisation des wagons. Le ministre des Transports va prochainement annoncer le nom de l'expert-conseil financier indépendant retenu pour aider le gouvernement à établir les différentes clauses et conditions qui devraient figurer sur les formulaires d'offres pour la vente de ces wagons. Nous allons par ailleurs consulter ceux et celles qui se sont dit intéressés de façon à être certains de bien comprendre leurs orientations et leurs principes, et je songe notamment au groupe SARM, en Saskatchewan. Nous réunirons tout cela dans une proposition et nous verrons ensuite ce que soumettront les différents intéressés en matière de formules de vente, etc.

.2030

Il y a beaucoup de menus détails à régler avant que de pouvoir dire que tout est réglé et que le marché est conclu.

Permettez-moi maintenant de revenir à ce que vous avez dit au début de votre question, soit que je privilégierais une certaine forme de propriété par des producteurs. Cela est vrai. Je pense que ce pourrait être très utile et très positif pour l'évolution future du secteur canadien du transport et de la manutention des céréales. J'espère que les groupes de producteurs intéressés parviendront à préparer l'offre qui s'avérera être la meilleure possible.

M. Hermanson: Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?

Le président: Pour le tour suivant. Tout le monde doit être sur un pied d'égalité.

Ce tour est, comme vous le savez tous, plus court, alors nous devons poursuivre et espérer que tout le monde aura l'occasion d'intervenir. Malheureusement, le temps passe vite ce soir.

Monsieur Reed.

M. Reed (Halton--Peel): Monsieur le ministre, en dépit des protestations de M. Hermanson, j'adore vos infomerciaux, aussi verbeux qu'ils puissent être parfois.

Il n'en demeure pas moins que ce que vous êtes en train de faire en réalité, c'est donner à tous une leçon sur comment faire pour dépenser moins mais mieux. Je n'essaie pas d'être condescendant, au contraire. Vous avez accepté de relever le défi et c'est sans doute au ministère de l'Agriculture que c'est le plus difficile à faire.

Je tiens à dire à mon ami, M. Chrétien, qui s'inquiète du problème des subventions, que j'ai moi aussi des producteurs de lait dans ma circonscription. Le message qu'ils me communiquent est que bien sûr qu'ils aimeraient continuer de toucher des subventions et que rien ne change, mais qu'ils apprécient le fait qu'on ait communiqué avec eux et qu'on les ait consultés sur une période de temps donnée, de sorte qu'ils comprennent exactement quel est le plan de jeu et comment ils vont participer à la réduction du déficit, l'objectif final étant de ramener le déficit à zéro et de réduire la dette nationale. Tous les secteurs d'activité au pays font leur part, et je pense que cela est tout à leur honneur. Alors n'abandonnez pas.

J'aimerais cependant savoir si vous avez envisagé des actions accréditives pour les wagons-trémies. C'est mon petit effort humoristique de 20 h 30.

M. Goodale: Nous y réfléchirons tous.

M. Reed: J'ai une question et une demande de renseignements. Pour la gouverne de ceux et celles qui regardent CPAC ainsi que pour mon édification personnelle, j'aimerais savoir ce qu'est le lait UHT.

Deuxièmement, deux fois dans votre présentation vous avez fait état de croissance à valeur ajoutée, même si cela n'a délibérément pas été inscrit sur les transparences que vous avez utilisées, et je me demande si, une fois que vous aurez expliqué cette histoire de lait UHT, vous ne pourriez pas nous éclairer sur votre vision de ce qu'est la valeur ajoutée.

M. Goodale: Les lettres U H T renvoient à «ultra-haute température», et c'est un processus grâce auquel le lait peut être exporté et vendu sans que cela n'exige de réfrigération, et il s'agit là d'un précieux atout dans un certain nombre de pays chauds.

M. Reed: Du lait stérile?

M. Goodale: Oui, en gros c'est cela. Si j'en ai fait état dans mes remarques liminaires c'est qu'il y a une usine au Québec qui a, au fil du temps, développé un marché pour son lait UHT à Porto Rico. Étant donné une réaction commerciale à Porto Rico, et sur laquelle je ne m'attarderai pas ce soir dans l'intérêt du temps, la frontière de ce pays a, si je ne m'abuse, été fermée au lait québécois aux environs de l'année 1992. Nous avons travaillé très fort depuis pour rouvrir ce marché pour le lait UHT du Québec. Nous y avons réussi à l'automne 1995, et le produit y est de nouveau librement vendu. Le marché n'est pas énorme, mais il s'agit néanmoins d'une importante possibilité de vente pour une usine agroalimentaire de la province de Québec, marché que nous tenions à récupérer pour un vendeur canadien. Nous y sommes parvenus à l'automne 1995.

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La valeur ajoutée compte pour une large part de l'avenir du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Il y a de très nombreuses raisons à cela, mais c'est surtout parce que lorsque nos prenons nos produits bruts en vrac et que nous leur faisons subir une certaine transformation ou surtransformation, nous y ajoutons de l'activité économique, des emplois et de la croissance au Canada, plus que si nous ne vendions que le produit brut. Nous pouvons ainsi exporter un produit final qui intéresse davantage le consommateur qu'un simple produit à l'état brut.

Comme je l'ai dit, l'exportation de produits bruts pour le long terme sera toujours importante pour le Canada. Nous avons des marchés formidables et nos marchés pour les céréales, les oléagineux, etc., sont, pour l'instant, très payants. Nous ne voudrions jamais nous tirer dans le pied sur ces marchés-là.

Mais plus nous pouvons transformer ces produits bruts au Canada, y ajouter de la valeur puis vendre le produit final ou presque final, soit à nos propres consommateurs soit à des consommateurs étrangers, plus nous contribuerons à renforcer, approfondir et rendre plus sophistiqué, pour le long terme, le secteur agricole et agroalimentaire canadien. C'est ce thème qui doit être à la base de notre vision de ce que doit devenir ce secteur d'activité.

C'est à ce niveau-là que réside le réel potentiel de croissance du côté de nos exportations. À long terme, ces exportations à valeur ajoutée seront extrêmement importantes pour nous.

Le président: Monsieur Landry.

[Français]

M. Landry (Lotbinière): Monsieur le ministre, j'ai trois questions à vous poser.

Je dois d'abord vous dire que ma circonscription compte le plus gros producteur laitier du Canada, M. Jean-Marie Landry de Saint-Albert.

Ma première question a trait aux subventions laitières. Est-ce vous-même, le ministre des Finances ou le premier ministre qui avez décidé de les couper?

Deuxièmement, la part québécoise des dépenses fédérales en agroalimentaire est tombée à environ 8 p. 100. Pourriez-vous me détailler ces dépenses par poste budgétaire et indiquer ce qui vous semble être des dépenses faisant partie d'une stratégie agroalimentaire fédérale, comme l'étaient les subventions laitières?

Troisièmement, selon le document budgétaire, le projet fédéral de coinvestissement a créé quelque 500 projets financés conjointement avec l'industrie. Quelle est la part du Québec en termes du nombre de projets et des montants versés par le gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Goodale: Monsieur Landry, je tâcherai de vous obtenir très rapidement les chiffres pour le projet de co-investissement au Québec. Le sous-ministre adjoint, M. Morrissey, est parmi nous, et j'espère qu'il a ces chiffres avec lui. S'il ne peut pas vous les obtenir tout de suite ce soir, nous pourrons certainement vous les faire parvenir d'ici demain.

Le projet de co-investissement, comme je l'ai expliqué plus tôt ce soir dans mes remarques liminaires, a vraiment porté fruit pour les activités canadiennes de recherche et de développement dans le secteur agricole et agroalimentaire, et les résultats ne vont aller qu'en s'améliorant. Je demanderai dans un instant à M. Morrissey de vous fournir les chiffres pour le Québec.

En ce qui concerne la subvention laitière, comme vous le savez, dans le cadre de notre système de gouvernement et de cabinet, ces décisions sont prises collectivement. Elles sont prises par le gouvernement en tant qu'unité. Elles font l'objet de discussions, parfois très chaudes, à l'interne, mais lorsqu'une décision est rendue, il s'agit d'une décision gouvernementale collégiale, qui sera respectée par chacun de nous.

.2040

En dernière analyse, donc, vous mentionnez le premier ministre, le ministre des Finances et moi-même. Nous tous avons bel et bien participé à la prise de décision, aux côtés de tous nos collègues du Cabinet. Comme vous le savez, étant donné ma réponse précédente, nous avons participé à des discussions et à des consultations approfondies avant d'en arriver aux conclusions que vous savez.

Rappelez-moi tout simplement quel était votre deuxième point, monsieur Landry.

[Français]

M. Landry: Ma deuxième question a trait à la part québécoise des dépenses fédérales en agroalimentaire. Elle est tombée à environ 8 p. 100. Pourriez-vous détailler ces dépenses par poste budgétaire et m'indiquer ce qui vous semble être des dépenses faisant partie d'une stratégie agroalimentaire fédérale, comme l'étaient les subventions laitières?

[Traduction]

M. Goodale: Pour ce qui est d'une analyse article par article, ligne par ligne, il serait peut-être opportun que je vous en fasse une lorsque je comparaîtrai devant le comité dans le cadre de l'examen des prévisions budgétaires. En attendant, nous tâcherons de réunir les données qui vous intéressent.

Permettez-moi de faire un simple commentaire général sur cette approche voulant que l'on répartisse les dépenses faites par Agriculture et Agroalimentaire selon le produit, la région ou la province. Bien franchement, même si nous ferons de notre mieux pour vous fournir les chiffres que vous nous avez demandés, je pense que ce genre de données a tendance à induire les gens en erreur quant aux avantages ou aux activités distribués par le gouvernement du Canada à une province ou à un secteur en particulier.

Par exemple, les chiffres sur la recherche ne sont pas des chiffres que l'on peut entourer d'une clôture provinciale, si je peux utiliser cette image, car il y a des travaux de recherche effectués en Ontario, dans les provinces atlantiques et dans l'Ouest qui bénéficient aux producteurs du Québec, tout comme il y a des travaux de recherche effectués au Québec dans le secteur du porc, par exemple, qui bénéficient aux producteurs de l'Ouest canadien.

La recherche est, de par sa nature, dynamique et communicable. On peut vous donner l'adresse du chercheur qui reçoit l'argent, mais les produits de la connaissance ainsi obtenue reviennent au pays tout entier. Cela fonctionne dans les deux sens, à destination ainsi qu'en partance du Québec.

Un autre exemple qui illustre le fait qu'on ne puisse pas entourer un système agricole d'une clôture est l'inspection. Imaginez ce qu'il serait advenu de la production bovine au Québec si Art Olson ici présent n'avait pas décidé, comme il l'a fait en 1993, d'éliminer la maladie de la vache folle en ordonnant la destruction de cet animal d'un troupeau albertain, dont on a découvert qu'il en était atteint. C'était là une décision héroïque prise par cet homme, qui est le sous-ministre adjoint responsable de la direction générale de la production et de l'inspection des aliments. S'il n'avait pas pris cette décision, s'il n'avait pas émis l'ordre de faire disparaître cette maladie du Canada, non seulement l'élevage albertain aurait succombé, mais aujourd'hui, tout ce secteur canadien se trouverait confronté au genre de problème qu'ils connaissent à l'heure actuelle au Royaume-Uni.

Voilà donc deux illustrations de la difficulté, mais nous ferons de notre mieux pour vous dire dans quelles régions les sommes sont dépensées. N'oubliez cependant pas que vous ne pouvez pas contenir ces investissements, car les avantages sur le plan recherche, inspection et commerce sont très dynamiques et font tout un va-et-vient. Il est important de se rappeler que le lieu géographique où les dépenses sont faites ne va pas déterminer quelles régions vont en bénéficier.

.2045

Le président: Monsieur Morrissey, auriez-vous ces chiffres... rapidement?

[Français]

M. Brian Morrissey (sous-ministre adjoint, Direction générale de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Monsieur Landry, les chiffres que j'ai ici ont trait à l'Ouest, au Centre et à l'Est du pays. Des quelque 501 projets qu'on a eus, 196 ont été attribués à l'Est du pays, c'est-à-dire l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Cela représente 3,9 millions de dollars sur un montant d'à peu près 12 millions de dollars.

En chiffres ronds, cela fait à peu près 31 p. 100 pour l'Est du pays. Toujours en chiffres ronds, environ 4 millions de dollars ont été attribués à l'Est, environ 4 millions de dollars à l'Ouest, environ 3 millions de dollars à la Ferme expérimentale et 1,25 million de dollars pour l'inspection.

Donc, c'est partagé de façon assez égale entre les trois régions du pays.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Morrissey.

Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur Goodale, comme le dirait tout bon agriculteur du Manitoba: «Il y a là tout un tas de paille, mais où donc est le grain?» Je vais donc essayer d'obtenir de vous aujourd'hui des réponses au sujet de certaines questions qui me tiennent très à coeur. Les cultures spéciales, par exemple.

Comme vous le savez, nous avons dans notre région beaucoup de cultures spéciales. Les gens en ont assez de se faire harceler par la Commission des grains pour des questions de cautionnement et de respect de toutes les règles. Je crains qu'on les voie déménager de l'autre côté de la frontière. Il y a déjà certaines grosses compagnies de grain qui menacent de s'établir de l'autre côté de la frontière pour y faire du travail à valeur ajoutée.

Pourquoi tarde-t-on tant à élaborer une loi sur les cultures spéciales? Pourquoi n'avez-vous pas obtenu une bonne enquête sur la bourse des marchandises en 1994 lors de l'annulation du contrat de juin pour le canola? Les agriculteurs ont perdu confiance dans cet outil de commercialisation et acheminent leur argent vers les États-Unis. Je dirais que le système là-bas est beaucoup plus vérifiable, même s'il laisse encore beaucoup à désirer.

L'autre chose est que la Loi sur la Commission canadienne du blé aurait dû être remaniée il y a longtemps déjà, à cause des industries à valeur ajoutée. Lorsque je vous entends dire que l'on est en train de faire la promotion de notre blé auprès des meuneries dans d'autres pays et que nos meuneries paient jusqu'à 1,50 $ ou 2 $ de plus pour leur blé que si elles l'importaient des États-Unis, il y a quelque chose qui ne va pas et des changements s'imposent. La Loi sur la Commission canadienne du blé a été créée dans les années 30. Or, nous sommes aujourd'hui dans les années 90, à la veille du XXIe siècle. Pourriez-vous nous éclairer un petit peu là-dessus?

L'autre chose au sujet de laquelle je m'interrogeais, c'étaient vos chiffres sur le commerce avec la Chine. Les chiffres les plus récents que j'ai vus indiquent qu'en 1991-1992 nous avons vendu à la Chine sept millions de tonnes métriques de grain, et qu'on en est aujourd'hui à moins de deux millions de tonnes métriques. Où donc est l'augmentation dans les échanges commerciaux?

M. Goodale: C'est depuis un an?

M. Hoeppner: Je ne sais pas. Je n'ai pas vu les chiffres pour 1994-1995.

M. Goodale: Ils ont beaucoup remonté.

M. Hoeppner: Je sais que selon le vérificateur général, le total pour 1991-1992 était de sept millions de tonnes métriques. Puis cela est passé en dessous de deux millions de tonnes métriques. Cela a peut-être remonté cette année - je n'en suis pas certain car je n'ai pas vu les chiffres - mais ce changement m'a étonné.

Vos revenus monétaires agricoles nets comprennent-ils les revenus gagnés à l'extérieur de l'exploitation?

M. Goodale: Pour ce qui est de votre dernière question, monsieur Hoeppner, la réponse est non. Il s'agit uniquement des revenus nets de l'entreprise agricole, et non pas des revenus gagnés ailleurs.

M. Hoeppner: Je pense qu'en fait 48 p. 100 du revenu agricole net aujourd'hui proviennent d'emplois à l'extérieur de la ferme.

M. Goodale: Cela dépend de la taille de l'entreprise. Plus celle-ci est grosse, moins il y a de revenus provenant de l'extérieur, et inversement.

M. Hoeppner: La Loi sur les cultures spéciales, la Loi sur les marchés de grain à terme et la Loi sur la Commission canadienne du blé sont véritablement celles...

M. Goodale: J'espère que la Chambre des communes sera saisie de la Loi sur les cultures spéciales avant la fin de la session en cours. Il s'agit d'une question qui a fait l'objet de beaucoup de discussions dans les Prairies, comme vous le savez, et les agriculteurs ne sont pas tous du même avis quant à la meilleure façon de réglementer le secteur des cultures spéciales.

.2050

Comme vous le savez, il s'agit, toutes proportions gardées, d'un secteur relativement nouveau dans les Prairies, surtout comparativement à quelque chose comme le blé. Cela renferme un bon potentiel pour l'avenir. Certains agriculteurs disent qu'il ne faudrait pas du tout réglementer ces cultures tandis que d'autres disent qu'il faudrait que la réglementation soit dans ce cas encore plus stricte qu'ailleurs. Il y a bien sûr entre les deux opinions toutes les variantes possibles.

Le défi est de trouver un équilibre qui assure au producteur suffisamment de sécurité et de protection dans la vente de sa production mais pas à un point tel que cette sécurité, cette protection et cette réglementation viennent étouffer son activité. C'est là l'équilibre que nous recherchons.

M. Hoeppner: [Inaudible - Éditeur].

M. Goodale: Je comprends la préoccupation qui a été exprimée. Je m'attends à recevoir très prochainement de la Commission canadienne des grains l'ébauche de ce qu'elle aimerait proposer dans la loi. Je tâcherai alors de coucher cela dans sa forme finale et d'en saisir la Chambre des communes pour que celle-ci puisse s'y pencher le plus rapidement possible.

L'idée de base est de fournir un système auquel puissent faire appel les producteurs lorsqu'ils le désirent pour bénéficier de mécanismes de sécurité lorsqu'ils font affaire dans le domaine du commerce de cultures spéciales. S'ils font appel à ces mécanismes et si quelque chose tourne mal, si par exemple un négociant disparaît ou s'il se passe une chose contre laquelle ils sont protégés, alors ils bénéficieront de cette protection. S'ils choisissent de ne pas participer, alors très bien. Ils feront certaines économies dans l'immédiat, mais ils n'auront pas cette garantie plus tard si les choses tournent mal.

M. Hoeppner: Ce choix sera là.

M. Goodale: Le caractère facultatif de la participation est dans ce cas-ci un principe important. Dès que j'aurai reçu l'ébauche de la Commission canadienne des grains j'en avertirai le plus rapidement possible les députés afin que nous puissions examiner l'ébauche de projet de loi.

En ce qui concerne le canola, au moins deux études indépendantes ont été réalisées portant sur la difficulté qu'il y a eu avec ce contrat pour le canola en juin 1994. Il est malheureux que cette situation soit survenue. Cependant, selon les renseignements les plus récents que j'ai reçus, le nouveau contrat pour le canola fonctionne relativement bien. Il semble que le nouvel arrangement ait réglé les difficultés qui existaient auparavant.

N'oubliez pas que la Winnipeg Commodity Exchange est une entité privée tout à fait distincte. Il s'agit d'une entité qui s'autoréglemente. La Commission des grains surveille ses activités mais ne s'en mêle pas. La Commodity Exchange est censée s'autoréglementer dans le contexte des principes généraux énoncés dans la Loi sur les marchés de grain à terme. J'ai d'ailleurs inclus cette dernière dans ma liste de modifications législatives proposées pour l'avenir, car cette loi a été rédigée en 1921 et n'a guère été mise à jour depuis. Vous pouvez vous imaginer l'évolution qu'ont connue les opérations sur marchandises au cours des 70 ans qui ont suivi.

J'espère donc être prochainement en mesure de proposer un projet de loi moderne qui mette les opérations sur marchandises dans ce pays au goût du jour.

M. Hoeppner: Avez-vous examiné certaines des règles américaines? Je pense qu'il est très important que vous le fassiez. Il existe dans ce pays de très bonnes règles, surtout dans le domaine des opérations sur options. La diversification de l'Ouest a dépensé environ 1 million de dollars pour essayer de monter un programme d'options. Or, tout cela a, en pratique, été condamné, faute de confiance dans la bourse. Voilà pourquoi je pense qu'il vous faut examiner tout cela sérieusement et instaurer dans le système un meilleur processus de reddition de comptes.

M. Goodale: Je suis prêt à me pencher sur toute bonne et solide technique d'opération sur marchandises. Bien sûr, pour ceux qui veulent utiliser la Winnipeg Commodity Exchange, celle-ci doit être une institution légitime, crédible et payante. Dans la mesure où nous pouvons contribuer à cela en modernisant la loi, je suis prêt à travailler dans ce sens. Mais n'oubliez pas qu'il s'agit essentiellement d'une institution privée autoréglementée. Il y a donc des limites très claires au-delà desquelles le gouvernement ne peut pas aller en ce qui concerne les affaires de cette bourse de marchandises.

.2055

En ce qui concerne la Commission du blé, j'espère pouvoir soumettre des propositions relativement à la loi. Plus tard cette année, en juin plus précisément, le Western Grain Marketing Panel est censé déposer son rapport. Celui-ci en est aux dernières étapes de son processus d'audiences publiques. Dès que je recevrai son rapport, je m'attaquerai tout de suite à la question de la réponse appropriée à donner de la part du gouvernement. Cela pourrait fort bien inclure...

M. Hoeppner: Le comité permanent aura-t-il l'occasion de l'examiner?

Le président: Monsieur Hoeppner, le temps qui vous était alloué est maintenant écoulé.

M. Hoeppner: Il me reste encore un si grand nombre de questions.

Le président: Je sais. J'imagine que c'est le cas de nous tous.

M. Hoeppner: J'aimerais tout simplement encourager le ministre à examiner l'industrie à valeur ajoutée lorsqu'il se penchera sur la Commission canadienne du blé.

M. Goodale: Oui, je me suis déjà efforcé de faire cela, et je continuerai de le faire.

Le président: Au sujet de la dernière question, quelqu'un aurait-il les chiffres pour le tonnage expédié en Chine? Cela pourrait-il nous être fourni rapidement?

M. Goodale: Le gros du volume, soit 80 p. 100, correspond à du blé. Au fil du temps, le marché s'est diversifié, avec l'ajout d'orge, de malt et de nouveaux produits, mais historiquement, l'essentiel, c'est du blé.

Le chiffre en 1988 était de 1,7 milliard de dollars. En 1989, cela est passé à 414 millions, pour ensuite remonter à 838 millions en 1990 et à 943 millions en 1991. En 1992, le total était remonté à 1,3 milliard de dollars. Puis, en 1993, cela a baissé de nouveau pour atteindre 463 millions de dollars. C'est remonté à 691 millions de dollars en 1994 et pour 1995, le total est de nouveau remonté à 1,3 milliard de dollars.

Il semble qu'il y ait un cycle dans les augmentations et les baisses du côté du marché chinois. Certaines années, cela peut atteindre jusqu'à 1,6 ou 1,7 milliard de dollars, alors que d'autres fois ça ne dépasse pas les 400 millions de dollars. Il semble que ce soit là la fourchette, mais à l'heure actuelle, fort heureusement, nous nous trouvons de nouveau sur la pente ascendante.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président. J'avais craint que M. Hoeppner empiète sur mon temps.

Il me faut reconnaître être heureux que M. Hoeppner ait enfin admis qu'il y a certains problèmes avec le marché ouvert. En fait, cela revient presque à demander au gouvernement de mettre en place des règles pour corriger ces problèmes. C'est tout un revirement.

En ce qui concerne la question qui a été soulevée relativement au secteur laitier, je pense que la clé c'est la défense du système de gestion de l'offre. Il est évident qu'avec la perte de la subvention... Je suis moi-même producteur de lait et, oui, cela nous fera mal au début, mais si nous maintenons l'essence du système, alors nous pourrons récupérer ces pertes sur le marché.

J'aurais deux questions à poser relativement aux problèmes qui existent à l'heure actuelle dans le commerce international. Où en sommes-nous en ce qui concerne notre défense de la contestation de l'ALÉNA par les Américains? Quels progrès avons-nous fait en prévision des discussions futures avec l'OMC relativement à la gestion de l'offre?

Deuxièmement, lors de la dernière ronde du GATT, le Canada a pris plusieurs engagements, tout comme d'autres pays, relativement à la réduction de subventions. J'ignore si vous avez les renseignements ici sous la main, mais j'aimerais à un moment donné que vous me disiez si nous avons réalisé... Je sais que nous avons atteint et même dépassé nos engagements en matière de réduction des subventions en vertu du GATT. Que font nos principaux partenaires commerciaux, surtout la Communauté européenne et les États-Unis? Ont-ils atteint leurs engagements? Les ont-ils dépassés?

.2100

Il y a ici un problème. Je ne voudrais pas qu'on se trouve en tant que pays dans une situation où, avec nos réductions, et à cause en partie du déficit, nous sommes moins compétitifs parce que nos concurrents commerciaux maintiennent leurs subventions, et je songe ici aux programmes verts.

Passons maintenant à la dernière question. Vous avez un graphique portant sur le fait de «construire par les échanges commerciaux». C'est très bien que l'on vise dépasser les 20 milliards de dollars. Mais ce qui est critique pour un producteur primaire ce n'est pas la valeur des échanges en tant que telle, mais bien quelle part de ces échanges revient au producteur, à la ferme.

J'aimerais également revenir sur la question de Jake pour ce qui est des revenus agricoles. Les revenus agricoles dont il est question sur ces graphiques sont les revenus agricoles nets à l'exclusion des revenus d'appoint, gagnés à l'extérieur de l'exploitation. J'aimerais que ce soit bien clair.

Nous avons eu une bonne réunion ce matin avec la Fédération canadienne de l'agriculture, la Canadian Cattlemen's Association et le Conseil canadien de l'horticulture. Leurs représentants se sont dit préoccupés par la récupération des coûts.

Je m'intéresse ici au grand tableau. Je sais quelles cartes vous ont été distribuées. J'espère qu'on ne va pas se retrouver dans une situation où, en tant que secteur d'activité, on se fait commander par le Conseil du Trésor. Vous avez effectué vos coupures. Nous avons fait ce qu'il a fallu faire dans le domaine agricole, mais en tant que producteur, je me trouve confronté à la possibilité de me voir imposer par votre ministère 42 droits de récupération des coûts.

Il y a Pêches et Océans qui, avec la Garde côtière, nous impose des frais pour le travail de brise-glace, de dragage et de navigation. On nous impose d'autres frais dans d'autres domaines.

Ce que je veux dire c'est qu'à moins de voir le tableau dans son ensemble, nous allons tuer la poule aux oeufs d'or. Je me demande quel genre d'engagement vous pouvez nous donner en matière de surveillance, de contrôle de ce qui se passe, de garantie de recours auprès du gouvernement dans son ensemble en cas de problème, avec l'effet multiplicateur de tous ces programmes de récupération des coûts.

M. Goodale: Merci, monsieur Easter. En ce qui concerne le panel de l'ALÉNA et l'état des choses à l'heure actuelle, le processus, comme vous le savez, a pris longtemps avant de démarrer en 1994. Le panel a dû faire toutes sortes d'acrobaties avant de se lancer début 96. Mais une fois le panel choisi et bien en place, le processus a été enclenché en janvier 1996, à la demande des États- Unis, comme vous le savez.

Le panel a reçu en janvier et février des mémoires du gouvernement du Canada d'un côté et du gouvernement des États-Unis de l'autre. Puis les deux parties ont eu l'occasion au mois de mars de présenter leurs arguments oralement. Tout cela a bien sûr été fait à huis clos et le contenu des discussions ne peut pour l'heure pas faire l'objet de divulgation publique.

Cependant, l'opinion exprimée par les organismes de gestion de l'offre, pour le lait, les oeufs, le poulet, etc. est qu'ils sont très confiants quant à la façon dont le Canada présente la situation. Ils sont convaincus que l'argument canadien est clair et solide et qu'on le défend bien. Jusqu'ici, ils sont encouragés.

Ce n'est pas dans mon habitude de vendre la peau de l'ours. Je pense qu'il nous faut continuer d'être vigilants dans tout ce processus. Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini. Restons sur le bord de nos chaises. Je pense que le processus s'est jusqu'ici déroulé de façon favorable du point de vue canadien, mais il nous faut continuer de travailler très fort pour défendre nos institutions chargées de la gestion de l'offre.

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Nous comptons recevoir un rapport du panel dans le courant de l'été. Je ne voudrais pas me risquer à en deviner la date, mais ce sera dans le courant de l'été 1996.

En ce qui concerne les négociations futures à l'OMC, qui visent l'année 1999, la stratégie pour la ronde suivante n'a pas encore été mise au point. On a l'impression qu'on vient à peine de boucler la dernière ronde et voici que la prochaine pointe à l'horizon. L'OMC exige que ces discussions relatives à l'agriculture débutent en 1999.

Au cours des 12 prochains mois, je vais recueillir des conseils auprès d'un grand nombre d'intervenants dans l'agriculture et dans le secteur agroalimentaire, officiellement, par l'intermédiaire d'organismes comme le Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur ou GCSCE, et, de façon non officielle, de quantité d'autres façons.

Et, monsieur le président, parce que c'est un sujet si important pour l'avenir, un sujet auquel certains membres du comité, au moins, s'intéressent très activement, il pourrait faire l'objet d'une étude propre, de façon à mettre les membres du comité en mesure d'offrir des conseils au gouvernement sur certaines des questions et certaines des stratégies à adopter en prévision de la prochaine ronde de discussions de l'OMC. Nous avons le temps. Nous avons encore trois ans et, dans l'intervalle, je suis tout à fait disposé, pour ma part, à écouter les avis du comité.

Pour ce qui est de l'application, monsieur Easter, et le degré dans lequel les pays du monde tiennent leurs engagements, nous pouvons affirmer de la manière la plus catégorique que le Canada respecte les règles et honore tous les engagements qu'il a pris. Selon les renseignements dont nous disposons pour le moment, nos principaux partenaires commerciaux respectent également leurs engagements jusqu'à présent.

Mais le ministre Eggleton et moi-même avons l'intention de suivre de très près et de manière suivie le processus d'exécution de l'OMC afin de nous assurer que les autres pays suivent eux aussi, comme nous, les règles imposées par les accords commerciaux. Ils doivent les appliquer et dans l'esprit et dans la lettre et nous les surveillerons de très près pour nous assurer que tel est bien le cas.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons poursuivre, mais je pense que nous allons devoir raccourcir les tours de questions car je pense que nous devrions lever la séance à 21 h 30 au plus tard. Cela nous fera une séance de deux heures et demie.

Monsieur Chrétien, très brièvement, s'il vous plaît. Et le Parti réformiste a-t-il aussi une courte question? Ce sera ensuite le tour de Mme Ur et de M. McKinnon qui ont chacun une brève question. Voilà les indications que j'ai pour le moment. Si nous pouvons nous arrêter là-dessus, nous prendrons note de vos questions individuelles au ministre lors du tour suivant.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur le ministre, le budget de votre ministère fond comme la neige au printemps. En tant que député d'un parti d'opposition qui n'aspire pas à devenir un parti ministériel, je vais tenter de défendre mes électeurs du Québec.

Le budget total de votre ministère diminue considérablement et, une fois qu'on en soustrait les 220 millions de dollars prévus pour les producteurs laitiers de l'Est, la partie qui revient au Québec ne représente que 8 p. 100 de votre budget total, bien que le Québec génère annuellement 17 p. 100 des produits agricoles. Et si on considère la valeur ajoutée dans les usines de transformation, le Québec ne génère rien de moins que 24 à 25 p. 100 des activités agroalimentaires au Canada.

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De plus, le Québec compte 24 p. 100 de la population et paie environ 23 p. 100 des impôts. Donc, nous recevons du ministère de l'Agriculture à peine le tiers de ce que nous devrions recevoir.

Avez-vous l'intention de tenter de corriger, par une présence plus dynamique, vos actions sur le territoire québécois? L'an passé, on a annoncé la fermeture de trois centres de recherche, dont l'important centre de Rivière-du-Loup.

Des représentations m'ont été faites parce qu'on voulait transférer d'Ottawa à Guelph la recherche sur le maïs. Pour les producteurs de maïs du Québec, cela posait un autre problème.

Monsieur le ministre, comme je vous l'ai signalé plus tôt, vous allez peut-être trouver que l'Opposition officielle est fort critique. Cependant, nous faisons tout simplement notre travail car nous trouvons qu'en matière agricole, le Québec ne reçoit pas sa juste part.

[Traduction]

M. Goodale: Monsieur Chrétien, je serais réellement ravi, un jour où nous n'aurons pas ces contraintes de temps, de passer en revue avec vous toutes les activités de mon ministère, tant sur le plan des versements en espèces pour ceci ou cela que des programmes d'ensemble, pour vous montrer très clairement que nous traitons les divers producteurs dans les différentes régions et provinces et les différents secteurs de l'agriculture, d'un bout à l'autre du Canada, de manière juste et équitable.

Un élément qui est difficile à quantifier, par exemple, est ce que le système de gestion de l'offre rapporte au Canada, aux producteurs. Il est institué par la réglementation fédérale. Grâce à ce système de gestion de l'offre dans le secteur laitier, par exemple, on compte au Québec 12 000 exploitations prospères. Elles réalisent un chiffre d'affaires annuel qui avoisine 1,2 ou 1,3 milliard de dollars. La valeur des quotas au Québec dépasse 2 milliards de dollars. Le Québec bénéficie de47 p. 100 du contingent national de lait industriel. Ces exploitations du Québec fournissent une vingtaine de milliers d'emplois. La province compte près de 80 centres de transformation du lait qui dégagent 7 500 autres emplois. Tout cela résulte du système de gestion de l'offre national mis en place au Canada.

Il est difficile de quantifier cette valeur, mais le Québec est manifestement l'un des plus gros bénéficiaires d'un régime réglementaire qui avantage le secteur laitier canadien. Le Québec possède une très grande part du secteur laitier canadien. Comment peut-on chiffrer la valeur de cela et comment cette valeur se compare-t-elle avec une subvention d'un type ou d'un autre?

Je soupçonne que les producteurs diraient, comme M. Easter l'a dit plus tôt ce soir, que le système de gestion de l'offre est plus important qu'une subvention, en valeur relative...

J'ai mentionné tout à l'heure les retombées de la recherche qui enjambent toutes les frontières, les avantages apportés par notre système d'inspection qui transcendent, eux aussi, les frontières, et nos programmes d'adaptation dont je viens de parler pendant la projection de diapositives. Lorsque nous annoncerons toutes les mesures détaillées qui vont s'appliquer à l'UPA et à la Co-op fédérée au Québec, vous verrez qu'il y a une répartition très équitable des crédits d'adaptation à travers le pays.

Pour ce qui est de nos mécanismes de protection du revenu, le Québec s'est toujours plaint que sa part des crédits ne dépasse pas 5 ou 6 p. 100 du financement national total disponible. Avec le nouveau protocole d'entente en cours de négociation, ce chiffre passera à 10 ou 11 p. 100. Il y a donc clairement une amélioration au niveau des mécanismes de protection du revenu.

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M. Morrissey a parlé de la répartition des crédits de recherche. Je précise, en passant, que nous avons fermé au Québec deux, et non pas trois, de nos petits centres de recherche. Nous en avons fermé deux en Ontario et quatre dans l'ouest du Canada, pour un total de huit. Il reste au Québec quatre centres de recherche fédéraux très importants et très dynamiques, à Saint-Jean-sur- Richelieu, Lennoxville, Saint-Hyacinthe et Sainte-Foy.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai parfois l'impression d'être pénalisé parce que mes questions sont brèves.

Le président: Vous disposez d'un temps égal à celui de tous les autres partis à la table, et je vous recommande de l'utiliser.

M. Hermanson: J'ai trois très courtes questions et j'en aurai une autre à la fin, s'il nous reste du temps, monsieur le président.

Pour ce qui est du programme de rajustement de l'aide au transport des céréales fourragères, vous avez annoncé que vous avez raccourci la période et augmenté les crédits parce que vous craigniez que la transition soit trop difficile pour l'industrie. Les producteurs de fourrage des Prairies éprouvent les mêmes craintes concernant le rachat du Nid-de-Corbeau, particulièrement ceux qui cultivaient des fourrages en rotation ou de la luzerne. Pourquoi n'avez-vous pu englober ces producteurs dans le programme de rachat du Nid-de-Corbeau ou, à défaut, prévoir des crédits pour eux dans le programme de transition pour l'ouest du Canada?

Ensuite il y a le programme CSRN. Vous aviez l'intention d'en faire un programme couvrant l'ensemble des activités des exploitations. Les pourparlers multilatéraux avec les provinces ont échoué. Vous menez maintenant des négociations bilatérales, province par province. Cela pourrait ouvrir la porte à deux problèmes, dont l'un est l'érection de barrières commerciales internes, car la nature du programme pourra varier d'une province à l'autre, particulièrement sur le plan des programmes d'accompagnement. Le deuxième problème est que cela pourrait nous exposer davantage à une action en compensation, particulièrement de la part des Américains, car nos programmes ne seront pas véritablement axés sur l'exploitation complète. Le Québec n'est pas partie prenante au CSRN. L'Alberta non plus. Les éleveurs ne veulent pas en faire partie.

Troisièmement, et très brièvement, quand avez-vous eu connaissance pour la première fois de l'analyse de rendement de la Commission canadienne du blé effectuée par Deloitte & Touche et qui a été présentée à la Commission en 1992?

M. Goodale: Monsieur Hermanson, pour répondre d'abord à la question sur le fourrage, la superficie cultivée en fourrage dans l'ouest du Canada n'a pas été englobée dans le régime des paiements de la LTGO pour une série de raisons. Premièrement, il n'y avait pas de définition simple d'un fourrage admissible. Tel groupe demandait que l'on englobe les fourrages produits pour les semences. Un autre voulait y englober tous les fourrages produits pour transformation ultérieure. D'autres encore voulaient englober tout le foin et les pâturages. Certains préconisaient d'englober uniquement les fourrages cultivés en rotation avec d'autres cultures. D'autres encore voulaient aller jusqu'à englober les pâturages permanents. Certains ont dit qu'il fallait aller jusqu'à englober des cultures telles que la betterave sucrière et la pomme de terre, car si on allait englober certaines formes de fourrage, le même argument qui justifierait d'englober tel fourrage vaudrait tout autant pour la betterave sucrière et la pomme de terre.

La difficulté était... Et ce pourrait être instructif pour vous, monsieur Hermanson, de vous trouver assis dans le même bureau et de voir défiler les intervenants, jour après jour, et d'entendre toute la diversité des arguments que les gens utilisent pour élargir un peu le programme à telle fin ou à telle autre. Le résultat final, monsieur Hermanson, serait d'élargir le programme loin au-delà de l'objet initial de la LTGO. Or, c'est lui qui doit être le fondement des versements, lesquels doivent être aussi proches que possible de ce que la LTGO originelle était destinée à accomplir.

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Si l'on apportait tous ces ajouts, ou même seulement certains d'entre eux, cela aurait pour effet de diminuer la valeur des paiements disponibles d'au moins 25 p. 100 pour tout le monde. On est donc obligé de tirer un trait à un moment donné. Le trait est- il parfait? À l'évidence, il n'existe pas de définition parfaite en ce bas monde. Mais je pense que la façon dont nous l'avons structurée est aussi raisonnable qu'il était humainement possible de le faire.

Il faut bien voir également que la simple arithmétique peut faire que l'inclusion ou l'exclusion de la superficie cultivée en fourrage soit un avantage ou non. Si vous englobez la superficie d'une jachère, cette dernière a une cote de productivité de zéro, c'est-à-dire que vous englobez davantage d'acres à cote zéro, ce qui réduit votre paiement d'ensemble par acre. En revanche, si vous avez une superficie en fourrage qui n'est pas englobée dans la formule, vous aurez un paiement sur un plus petit nombre d'acres mais avec une cote de productivité supérieure car vous n'aurez pas englobé ce facteur zéro.

Si vous regardez de près la situation individuelle de personnes qui ont demandé à englober la superficie de fourrages, vous constatez que certaines s'en tirent mieux si les fourrages ne sont pas inclus dans le calcul du rendement moyen, car ils feraient baisser leur paiement par acre. Tout dépend donc de la situation individuelle de chacun et cela nous ramène au problème de la distorsion.

Pour ce qui est des programmes d'accompagnement, n'oubliez pas que les programmes que vous avez mentionnés tombent dans cette catégorie des programmes d'accompagnement. Le CSRN ou son successeur est destiné à être la clé de voûte de notre structure de protection du revenu, au niveau de l'exploitation tout entière, et à être aussi neutre que possible du point de vue de la production et du marché, avec une assurance-récolte en sus et des programmes d'accompagnement venant s'ajouter.

Les programmes d'accompagnement, je le reconnais, sont un problème non négligeable. Toutes les provinces et toutes les organisations de producteurs veulent la latitude d'instaurer des programmes d'accompagnement. Or, ce sont ces mêmes programmes d'accompagnement qui risquent de susciter des difficultés avec nos partenaires commerciaux ou des problèmes d'équité interprovinciaux. Très franchement, je ne vois aucune formule imaginable qui puisse absolument exclure ce problème à l'avance.

Ce qu'il nous faut faire au niveau fédéral, c'est nous montrer très vigilants à l'égard des programmes d'accompagnement. J'ai entendu quantité de doléances d'une province au sujet de ce que fait une autre province et nous avons eu un petit bras de fer à ce sujet lors de la dernière réunion fédérale-provinciale des ministres, il y a quelques semaines, à Toronto. Nous devrons nous montrer extrêmement prudents, au niveau fédéral et provincial, avant de nous lancer dans quelque chose. Tout le but de l'exercice est de rendre ce système national aussi compatible, cohérent et transparent que possible. Dans l'optique fédérale, nous allons devoir nous montrer particulièrement vigilants face à ce que les provinces proposent et faire de notre mieux pour les convaincre de renoncer si elles vont, par exemple, engendrer une iniquité interprovinciale ou susciter un problème commercial national pour tous les autres.

Pour ce qui est du rapport de Deloitte & Touche concernant la Commission canadienne du blé, il faudrait que je vérifie mes dossiers pour déterminer la date où j'ai pris connaissance de ce rapport. Mais j'étais certainement informé du fait que, depuis la fin des années 1980 jusqu'à aujourd'hui, il y a eu toute une série d'études et d'examens internes, externes et semi-publics portant sur le fonctionnement de la Commission canadienne du blé, dont certains sur l'initiative de la Commission canadienne du blé elle- même. Cette étude de Deloitte & Touche est une de plusieurs réalisées au cours de cette période. Il faut préciser que celle-ci date d'il y a quatre ans environ. La Commission canadienne du blé a déjà très largement donné suite aux recommandations qu'elle contenait. C'est d'ailleurs la Commission elle-même qui a commandé cette étude, soucieuse qu'elle était de prévenir les problèmes.

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Le président: Madame Ur.

Mme Ur (Lambton-Middlesex): Je vous prie d'excuser mon retard. Vous avez peut-être déjà répondu à ma question et, si oui, je trahirais mon ignorance.

D'après un communiqué de presse que j'ai lu, l'équipe gagnante pour l'acquisition des wagons à trémie est censée être choisie dans les premières semaines d'avril. Apparemment, M. Anderson consulte le ministère des Finances et vous-même. Dans le communiqué, il est dit qu'une fois la décision prise, il y aura des consultations avec les principaux intéressés, les agriculteurs, les producteurs, les chemins de fer. Est-ce que cela leur laissera suffisamment de temps avant la date de clôture de la transaction?

M. Goodale: Le communiqué de presse de M. Anderson de la semaine dernière annonçait son intention de recourir à un cabinet d'experts financiers de l'extérieur pour le conseiller sur la manière de structurer cette transaction. Il ne s'agit pas de conclure la transaction elle-même. Il s'agit d'avis préliminaires émanant de conseillers financiers externes sur la façon de structurer la transaction.M. Anderson espère choisir ce cabinet externe dans les jours qui viennent. Ce cabinet travaillera ensuite à la rédaction de l'appel d'offres, à la définition des grands paramètres de la transaction. Mais il aura amplement l'occasion de consulter tous les intéressés et d'entendre leurs avis avant de conclure la transaction.

Mme Ur: Il y a une liste de groupements d'agriculteurs qui se montrent intéressés à participer. S'agit-il d'organisations nationales ou régionales?

M. Goodale: À ma connaissance, le groupe dont vous parlez est un groupe de l'Ouest, mais qui compte parmi ses membres au moins une organisation agricole nationale. Il est surtout implanté dans l'Ouest, mais avec une certaine participation nationale - le SNC, par exemple, est membre du groupe.

Différentes organisations agricoles de l'Ontario m'ont contacté pour me dire qu'elles aussi seraient intéressées à participer à ce processus. Je leur ai conseillé de se mettre très rapidement en rapport avec leurs homologues de l'Ouest pour voir quelle communauté d'intérêt elles pourraient dégager.

Cela est pure spéculation de ma part, mais il me semble qu'il pourrait y avoir une coalition intéressante d'organisations agricoles, mettant en jeu plusieurs régions, touchant l'acquisition des wagons à trémie.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. McKinnon (Brandon-Souris): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à dire d'emblée, monsieur le ministre, que je siège à ce comité depuis huit mois et quelque et que je ne cesse jamais d'être surpris par l'ampleur du travail de concertation que vous et votre ministère entreprenez. Je vous en félicite tous.

Le domaine dont je veux parler aujourd'hui est l'industrie de la viande rouge. Je me suis rendu au Japon et en Nouvelle-Zélande il y a trois semaines. Nous avons énormément de difficultés à pénétrer le marché japonais, pour la raison toute simple que son économie est hautement réglementée, avec quantité de barrières commerciales, dont certaines sont peut-être même liées aux échanges automobiles.

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L'économie de Nouvelle-Zélande, comme nous le savons tous autour de cette table, a traversé une période de changements énormes au cours des dix dernières années. Pour ce qui est de la viande rouge, l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons leur exporter de la viande, d'après eux, est que nos usines de conditionnement n'appliquent pas des «normes acceptables». J'aimerais savoir si vous vous êtes penché sur ce problème et avez tenté de démentir les rumeurs de ce genre qui peuvent circuler.

M. Goodale: Monsieur McKinnon, je débattrais certainement avec beaucoup de vigueur avec quiconque voudrait contester la qualité ou le calibre du conditionnement de la viande au Canada.

Je vous remercie de soulever cette question et je pense que les normes canadiennes sont parmi les plus rigoureuses au monde, sinon les plus strictes de toutes. C'est pourquoi, entre autres raisons, nous avons pu éviter dans notre pays la crise terrible que connaît en ce moment le Royaume-Uni. C'est pourquoi notre viande rouge et la plupart de nos autres produits agroalimentaires bénéficient de cet accès exceptionnel au marché de la plupart des pays. C'est pourquoi aussi, comme je l'ai montré dans les diagrammes ce soir, les Canadiens font beaucoup plus confiance à l'innocuité de leur nourriture que les consommateurs aux États-Unis et ailleurs. Je pense que nos normes sont excellentes.

Nous nous battons chaque jour pour défendre ces normes et nous continuerons à le faire. Et chaque fois que se présente une possibilité d'amélioration, nous la saisirons.

La technologie est l'un des ces domaines qui offrent des perspectives pour l'avenir. Nous travaillons actuellement très fort à une méthode intitulée HACCP, le Système des points de contrôle critiques pour l'analyse des dangers, reconnu à l'échelle internationale comme une innovation systémique importante en matière d'inspection des aliments. Toutes les grandes entreprises alimentaires du Canada sont en passe d'adopter ce système et beaucoup l'ont déjà fait.

Le véritable défi se pose pour nous au niveau de la petite entreprise et de l'exploitation agricole, où les connaissances ne sont pas toujours disponibles et où les coûts de ce système peuvent apparaître prohibitifs. C'est pourquoi, dans nos programmes d'adaptation, nous avons maintenant érigé une catégorie spéciale appelée HACCP, et nous essayons de canaliser par ce moyen un soutien technique et financier pour encourager les petites et moyennes entreprises agroalimentaires à adopter le système HACCP, de manière à non seulement respecter les normes les plus strictes sur le marché intérieur mais pouvoir également prétendre exporter.

Lorsque des clients étrangers allèguent que les aliments canadiens présentent des risques sanitaires ou phytosanitaires, nous nous mettons instantanément au travail pour lever toute préoccupation pouvant exister. Je n'ai pas une tablette au mur où je comptabilise les points, mais je parierais que nous gagnons par un score de dix contre un dans les cas de plaintes étrangères touchant le système canadien.

Pour ce qui est des préoccupations propres au marché japonais, je pense que celui-ci nous offre un potentiel énorme d'exportation de viande et de produits dérivés. Je m'y rendrai la deuxième semaine d'avril, en compagnie d'une délégation commerciale canadienne comportant des représentants des industries du porc et du boeuf et de certains gouvernements provinciaux, dans le cadre de la campagne commerciale Équipe Canada qui se poursuit toujours. Nous irons à Tokyo, à Séoul en Corée et à Singapour, pour faire la promotion des aliments et produits agroalimentaires canadiens. Vous pouvez être assuré que la viande figurera en très bonne place dans la liste des produits que nous allons promouvoir.

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Pour répondre plus particulièrement aux allégations touchant l'existence de problèmes dans les établissements de traitement de la viande canadiens, je voudrais permettre à M. Olson, mon sous- ministre adjoint responsable de la production et de l'inspection des aliments, de répondre. Permettez-moi de répéter, avant de lui donner la parole, que c'est ce monsieur qui a réagi avec la vitesse de l'éclair et réglé le problème de l'encéphalopathie spongiforme dans notre pays en 1993 et 1994. Les producteurs, transformateurs et consommateurs canadiens doivent une reconnaissance énorme à ce serviteur de l'État dévoué qui a fait tout ce qu'il fallait pour épargner à notre pays le problème que connaît aujourd'hui le Royaume-Uni.

M. Art Olson (sous-ministre adjoint, direction de la production et de l'inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci beaucoup, monsieur le ministre, de vos aimables paroles. Je dois signaler cependant, monsieur, que c'est l'oeuvre d'une très forte équipe composée de nos spécialistes de l'hygiène vétérinaire et de nos collègues provinciaux. L'industrie elle-même, l'industrie de la transformation, s'est montrée extrêmement coopérative lorsqu'il s'est agi d'exécuter ce qui me paraît avoir été une décision très nécessaire. En leur nom à tous, je vous remercie de vos paroles élogieuses.

Pour ce qui est de l'accès au marché japonais, il est bon. Les Japonais connaissent leur boulot et le font bien. Ils sont technologiquement très avancés et, à ma connaissance, nous n'avons aucune difficulté à respecter leurs normes.

Nous avons un problème à soutenir la concurrence dans un marché qui est habitué à de grosses quantités de boeuf américain calibré. Ils savent ce que signifient les mots «prime» et «select». Il se peut que nous ayons à modifier l'appellation de certaines de nos normes de qualité, pour les appeler «Canadian prime» et «Canadian select», afin que les Japonais sachent bien que nous avons un produit aussi bon, sinon meilleur, que les Américains.

M. Goodale: Je vous remercie, Art.

Le président: Monsieur Calder, une question rapide.

M. Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe): Je serai bref, monsieur le président.

Monsieur le ministre, en ce qui concerne les wagons à trémie, historiquement, au moins10 p. 100 du parc ont toujours desservi l'est du Canada. Je me demande si les négociations qui se déroulent actuellement touchant la vente de ces wagons tiennent compte de cette réalité. Si oui, de quelle manière?

M. Goodale: Monsieur Calder, les discussions n'ont pas vraiment commencé et je ne puis donc dire qu'un facteur donné est pris en compte ou n'est pas pris en compte, car le processus commence seulement à être mis en marche.

Un certain nombre d'organisations de producteurs ont exprimé leur intérêt. Dans la mesure où il est possible de lever les préoccupations de l'Ontario concernant les wagons gouvernementaux, l'initiative doit provenir, avant tout et surtout, des organisations de producteurs elles-mêmes. C'est pourquoi j'ai suggéré à un certain nombre de groupes ontariens qui se sont montrés intéressés de prendre langue immédiatement avec leurs homologues de l'Ouest. J'ai recommandé également à ces homologues de l'Ouest d'examiner de très près les propositions que tout groupe du Canada central pourrait leur faire.

J'ai conscience qu'il y a peut-être des ambitions contradictoires de part et d'autre. La meilleure façon de régler ces questions serait que ces groupes s'efforcent de s'entendre par avance. Il me semble, sur le plan pratique, qu'une proposition de producteurs, touchant ces wagons à trémie, qui comporterait une forme de participation nationale, tant au niveau de l'utilisation que du paiement, aurait plus de chances d'aboutir qu'une proposition émanant d'une seule région.

Je pense, de manière générale, que les agriculteurs sont beaucoup plus forts lorsqu'ils se regroupent au sein d'une équipe nationale. Je ne sais pas si ce sera possible en l'occurrence. Mais les groupements agricoles intéressés, de l'Est et de l'Ouest, auraient grand intérêt à au moins essayer de trouver un terrain d'entente. S'ils n'y parviennent pas, tant pis, mais ils devraient au moins essayer.

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Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons mettre un terme à cette réunion. Je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, d'avoir accepté de passer deux heures et trois quarts avec nous ce soir.

Je remercie les membres de leur participation et leur rappelle que nous nous réunissons en comité plénier jeudi matin. Le premier point à l'ordre du jour sera la discussion avec M. Olson et certains de ses fonctionnaires, qui nous parleront de la question de l'encéphalopathie spongiforme et répondront à nos questions, et le restant de la séance sera consacré au recouvrement des coûts.

Merci beaucoup de cette soirée, monsieur le ministre. Nous sommes impatients de vous revoir dans quelques semaines.

M. Goodale: Merci beaucoup, monsieur le président. Cela a été un plaisir.

Le président: La séance est levée.

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