[Enregistrement électronique]
Le jeudi 28 mars 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bonjour à tous. Bienvenue à cette séance du comité.
Nous traiterons de quelques sujets ce matin et consacrerons la première partie de la séance à une session d'information nous permettant de poser des questions sur un thème brûlant d'actualité: la maladie de la vache folle. J'espère bien que nous ne nous attarderons pas sur le sujet. Nous discuterons ensuite du recouvrement des coûts avec M. Olson et son équipe. M. Olson nous fera un exposé sur la question.
M. Olson est sous-ministre adjoint, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent actuellement, nous aborderons ensuite le premier thème de la séance de ce matin. Bienvenue.
M. Art Olson (sous-ministre adjoint, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président et bonjour.
M'accompagnent ce matin M. Graham Clarke, chef, Programmes d'inspection de la viande rouge, Division de la viande et des produits de la volaille, Direction de l'inspection des aliments, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada; M. Jamie Hockin, directeur, Programmes de formation en épidémiologie d'intervention, Laboratoire de la lutte contre la maladie, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada; et M. Ron Rogers, chef intérimaire, Épidémiologie, Lutte contre les maladies, Division de la santé des animaux, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Monsieur le président, j'aimerais dire quelques mots, si vous le permettez.
Le président: Je vous en prie.
M. Olson: J'aimerais aussi demander à M. Clarke de prendre la parole après moi.
Nous avons pensé utile de vous informer sur la question, parce que, depuis une semaine environ, on a vu une réaction rapide et un peu paniquée aux déclarations faites au Royaume-Uni concernant l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, appelée aussi «maladie de la vache folle».
Ce qui, jusque-là était une question de santé animale semble avoir maintenant des implications pour la santé des humains. On ne sait toujours pas grand-chose de cette maladie, comment elle se transmet et quels sont, le cas échéant, les dangers réels pour la santé des êtres humains.
Par conséquent, les médias exploitent ce problème et se lancent dans toutes sortes de conjectures. Les déclarations non fondées et les rumeurs abondent, ce qui peut amener le public à douter encore plus de la capacité des gouvernements et de la science de maîtriser la situation. Une situation déjà grave le devient donc encore plus.
C'est ce qui arrive au Royaume-Uni. Nous espérons pouvoir faire en sorte qu'une expérience de ce genre ne se répète pas au Canada.
Comme le ministre l'a indiqué à une séance d'un comité permanent il y a un jour ou deux, le Canada a pris des mesures draconiennes en 1993. D'ailleurs, il est intervenu plus énergiquement que tout autre pays où la maladie avait été diagnostiquée dans son cheptel. Il est impossible, pour le moment, de dire si d'autres mesures s'imposeront à l'avenir, mais j'aimerais vous assurer que nous ferons tout notre possible pour que cette maladie ne s'installe pas chez nous.
Nous espérons vous renseigner ce matin sur ce que nous savons au sujet de la nature de la maladie et de la situation actuelle et vous donner un aperçu des mesures que nous prenons dans l'exercice de nos responsabilités. Nous sommes très conscients des inquiétudes du public du point de vue de la santé, de la sécurité et de l'éthique, ainsi que des implications commerciales et économiques du débat actuel.
Cela dit, monsieur le président, j'aimerais demander à M. Graham Clarke de vous donner une description plus approfondie du problème et des mesures qui ont été prises à son sujet. Nous répondrons ensuite avec plaisir aux questions des membres du comité.
Le président: Monsieur Clarke.
M. Graham Clarke (chef, Programmes d'inspection de la viande rouge, Division de la viande et des produits de la volaille, Direction de l'inspection des aliments, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Monsieur le président, j'aimerais seulement vous donner un aperçu de certaines questions que nous nous faisons souvent poser et auxquelles M. Olson a fait allusion.
Premièrement, qu'est-ce que la maladie de la vache folle, ainsi qu'on désigne couramment de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou ESB? C'est une maladie qui pourrait menacer gravement l'industrie bovine, une maladie nerveuse des bovins qui progresse lentement et est mortelle et dont la période d'incubation s'étend sur quelques années. Elle a frappé environ 160 000 bêtes en Grande- Bretagne depuis qu'elle a été diagnostiquée, en 1986. Ce chiffre représente environ 420 fois le nombre de tous les autres cas signalés ailleurs dans le monde.
On l'appelle «maladie de la vache folle» parce que certains symptômes qui se manifestent dans les dernières étapes de la maladie comprennent des changements de comportement et des troubles de coordination. Elle peut se répandre dans le bétail par des aliments qui contiennent des protéines animales contaminées par l'agent infectieux que l'on croit être à l'origine de la maladie. Cet agent n'est pas une bactérie, ce n'est pas un virus mais plutôt une protéine que l'on appelle «prion».
L'ESB frappe les bovins, mais des maladies de ce genre, que l'on regroupe habituellement dans la catégorie des encéphalopathies spongiformes transmissibles, frappent aussi, mais très rarement, d'autres mammifères.
Qu'a fait le Canada en 1993 et pourquoi? Le Canada a diagnostiqué un cas d'ESB, en Alberta, chez une vache importée du Royaume-Uni en 1993. Le ministère a détruit tout le troupeau dont faisait partie l'animal infecté par la maladie et retiré toutes les bêtes importées du Royaume-Uni depuis 1982.
Après ce cas unique en Alberta, un programme de surveillance a été implanté. Des tissus cérébraux de tout bovin adulte qui se révèlent négatifs lors des épreuves de rage font l'objet d'analyses de laboratoire pour dépister l'ESB.
De plus, afin d'empêcher que la maladie de la vache folle n'entre au Canada, nous avons pris les mesures suivantes. Agriculture et Agroalimentaire Canada n'a jamais donné à une entreprise britannique l'autorisation d'exporter du boeuf au Canada.
Nous sommes intervenus énergiquement pour empêcher l'entrée de l'ESB à partir d'autres pays. Nous avons interdit l'importation de dérivés du boeuf frais ou surgelés de tout pays où des cas d'ESB ont été signalés. Nous avons interdit l'entrée de ruminants vivants de tout pays considéré comme infecté par l'ESB. Nous avons interdit l'importation de farines d'os et de viande de pays infectés par l'ESB. Nous avons maintenant suspendu l'importation de sperme et d'embryons de ruminants du Royaume-Uni.
Qu'est-ce que la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou MCJ? Peut- elle se transmettre à l'homme par la consommation de viande? Il s'agit d'une maladie dégénérative évolutive qui affecte le système nerveux central. Elle appartient au même groupe de maladies neurologiques que les encéphalopathies spongiformes transmissibles, telles que la tremblante du mouton et la maladie de la vache folle.
Les problèmes récents découlent de l'annonce, le 20 mars 1996, par le secrétaire d'État britannique à la santé que des études effectuées récemment au Royaume-Uni sur les personnes atteintes de MCJ ont révélé une évolution atypique de la maladie, différente de tout ce qui avait été observé auparavant.
Même s'il n'existe pas de preuve directe d'un lien avec la consommation de boeuf, le comité chargé de l'enquête, un comité indépendant travaillant au nom du gouvernement, a conclu que cette évolution atypique, qui a affecté 10 personnes de moins de 42 ans, pourrait résulter de la consommation de boeuf ou de produits du boeuf britanniques avant l'établissement des mesures d'éradication de l'ESB en 1989. La consommation de produits laitiers est jugée sans danger.
Je vais vous donner un aperçu de la situation passée et actuelle au Royaume-Uni en ce qui concerne cette maladie. L'ESB est un problème constant au Royaume-Uni depuis qu'elle y a été diagnostiquée en 1986. Je le répète, on a dénombré plus de 160 000 cas dans ce pays.
Ce n'est pas la première fois que les Britanniques passent à un cheveu d'une crise. C'est arrivé notamment en décembre 1995, lorsque certains scientifiques, dont le professeur Lacey, ont prédit un désastre pour la santé publique découlant de la consommation de boeuf contaminé. Certaines commissions scolaires britanniques ont donc supprimé le boeuf du menu de leurs cantines. À ce moment-là, tout comme une autre fois auparavant, le gouvernement britannique a minimisé la gravité de la situation et indiqué qu'aucune preuve scientifique me démontrait que la consommation de boeuf pouvait être dangereuse.
La situation s'est dégradée par la suite, lorsque, après dix ans de déclarations catégoriques que cette maladie ne pouvait se transmettre aux humains, un lien possible a été annoncé le 20 mars 1996, par un comité de scientifiques indépendants qui conseille le gouvernement britannique.
Cette nouvelle a déclenché la série d'événements de la semaine dernière et ce qui semble être une perte totale de confiance des consommateurs britanniques et étrangers dans l'innocuité du boeuf et des dérivés du boeuf britanniques. L'Union européenne en est venue à demander et désormais à mettre en oeuvre un embargo mondial. Toutes les grandes chaînes de restauration rapide ont supprimé les produits du boeuf, tels que les hamburgers, de leur menu tant que du boeuf n'aura pas été importé de l'étranger.
À l'heure actuelle, le gouvernement britannique songe à un abattage limité des bovins âgés, qui risquent le plus de contracter la maladie à cause de sa longue période d'incubation. L'abattage de tout le cheptel national, qui compte 11 millions de bêtes, est écarté pour le moment, mais il reste à voir si la confiance du public peut être restaurée grâce au programme d'abattage limité envisagé actuellement.
Le coût d'un vaste programme d'abattage, s'il est mis en oeuvre, pourrait atteindre 30 milliards de dollars, selon les estimations. Certains qualifient la crise de «plus grande crise socio-économique à survenir au Royaume-Uni depuis la fin de la guerre».
Au Canada, on se soucie évidemment de la crise britannique. J'aimerais vous décrire maintenant ce que font Agriculture et Agro- alimentaire Canada et Santé Canada face à la situation.
Premièrement, selon nous, les médias canadiens ont décrit la crise de manière très responsable. À notre connaissance, les reportages ont été équilibrés, ce qui est digne d'éloges, surtout lorsque les rumeurs et des renseignements non fondés abondent.
Avant cette dernière nouvelle en provenance du Royaume-Uni, Agriculture et Agroalimentaire Canada était en train de revoir toutes les mesures actuelles de lutte contre l'ESB et toutes les recherches les plus récentes afin de s'assurer que nos politiques de prévention de cette maladie sont aussi efficaces que possible. Maintenant qu'un lien possible avec la santé des humains a été évoqué, ces mesures seront examinées en tenant compte de ce facteur.
Notre politique jusqu'ici a consisté à donner constamment au public autant d'information exacte que possible, afin d'éviter qu'il ne se préoccupe inutilement. Par les contacts récents avec les médias et le public, nous savons que cette question soulève de grandes inquiétudes. Nous faisons tout notre possible pour dissiper ces inquiétudes et répondre aux questions aussi exactement que nous le pouvons.
La situation évolue de jour en jour. Nous la surveillons et nous agissons en conséquence, de concert avec les autres pays. Nous attendons actuellement des renseignements plus précis sur l'embargo européen contre le boeuf et les dérivés du boeuf britanniques et sur l'interprétation de cet embargo, ainsi que les résultats des discussions qui ont eu lieu à Cuba hier à l'Office international des épizooties, l'organisation internationale qui s'occupe de la santé des animaux, où nous avions un délégué.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Clarke.
Nous commencerons les tours de questions et de remarques. Interviendront dans l'ordre l'opposition officielle, le Parti réformiste et le gouvernement.
[Français]
Le président: Monsieur Chrétien.
M. Chrétien (Frontenac): Je vous remercie, monsieur Olson, et je souhaite la bienvenue à votre équipe au Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je me souviens d'avoir entendu, mardi soir, le ministre faire les louanges d'un de ses hauts fonctionnaires - M. Clarke ou vous-même - qui avait pris la décision d'abattre la vache en décembre 1993. Est-ce vous, monsieur Olson, que M. le ministre de l'Agriculture félicitait d'avoir pris cette initiative, ou était-ce M. Clarke?
[Traduction]
M. Olson: Je crois que le ministre parlait de moi, monsieur Chrétien. Mais en toute justice, il a louangé une grande équipe qui a pris une décision très difficile en 1993.
[Français]
M. Chrétien: Merci. Quoi qu'il en soit, on suit attentivement ce qui se passe avec la maladie de la vache folle, l'ESB, en Grande-Bretagne, et on voit que certains pointent du doigt ouvertement l'ancienne administration de la dame de fer, Mme Thatcher, qui voulait présenter des budgets équilibrés. Mais ils ont connu la récession également. Pour ce faire, on avait coupé dans les inspections, les visites du vétérinaire, etc., si bien qu'il s'est produit, en Grande-Bretagne, un laisser-aller généralisé en agriculture et qu'on se retrouve aujourd'hui avec une incidence 420 fois supérieure à celle de la Suisse, qui est le deuxième pays en Europe où on avait recensé des vaches folles. Il faut dire que 161 500 cas depuis 1990, c'est beaucoup.
Il est quand même étonnant que la Grande-Bretagne, ou plutôt les médias décident aujourd'hui d'alerter la population alors qu'on a déjà découvert que dix personnes, âgées entre 27 ans et 5 mois, sont décédées, semble-t-il, de cette maladie transmise par la vache à l'homme.
Évidemment, au Canada, nous sommes privilégiés. Les partis d'opposition, le Parti réformiste comme le Bloc québécois, n'ont à aucun moment soulevé cette question à la Chambre des communes pour ne pas attiser les passions et créer une psychose chez des consommateurs. Si je me souviens bien, il y a eu une seule question de la part d'un député ministériel à son ministre, mais, comme vous le savez, ce sont souvent des questions préparées à l'avance pour faire passer un message.
Quoi qu'il en soit, je tiens à féliciter tous les membres de l'opposition qui n'ont pas cherché à attiser les passions, à tort ou à raison, comme on peut le voir en Europe. On évalue le coût de cela à 30 milliards de dollars, mais si on doit décimer tout le troupeau des bestiaux, que ce soit les boeufs, les vaches à lait ou les vaches de boucherie, et ensuite recréer le cheptel, ce n'est quasiment pas évaluable en milliards de dollars. Cela pourrait dépasser, bien entendu, les 50 ou 100 milliards de dollars. À la suite de cela, il va falloir importer des bestiaux pendant un grand nombre d'années et les acheter à bon prix.
Ce qui me fait peur, en lisant le Budget des dépenses, c'est de voir que l'on va couper quelque 30 millions de dollars dans l'inspection en fusionnant Santé Canada, Agriculture Canada et Industrie Canada. Il ne faudrait surtout pas jouer le jeu de Mme Thatcher et se retrouver, dans 20 ans, avec des tas de vaches folles ici.
Mon autre crainte concerne le mouton. En Europe, en Grande-Bretagne notamment, il semblerait qu'il y ait 30 ou 40 millions de moutons et que leurs carcasses - vous savez qu'on ne jette plus rien, la seule perte qu'il peut y avoir étant la respiration du mouton ou du bétail - soient passées dans la moulée pour nourrir le bétail. La maladie de la «tremblante» du mouton pourrait éventuellement, semble-t-il, être transmise.
Il y a une autre version qui nous dit que la maladie pourrait être transmise par la chaîne alimentaire. Par conséquent, un pacage dans lequel des moutons auraient pu paître pourrait contenir une année ou deux plus tard - vous avez même parlé d'une période d'incubation qui ne se compte pas en mois, mais en années, 7, 8 ou 10 ans - des excréments de mouton, de la salive, des restes de l'agnelage, etc., qui pourraient éventuellement être transmissibles à d'autre bétail qui pourrait transmettre ensuite la maladie à l'être humain. C'est une autre de mes craintes.
Je vais vous poser une question assez précise, docteur Olson ou docteur Clarke. En l'espace de 15 minutes, j'ai trouvé, au Québec seulement, une dizaine de cas où on a dû décimer des troupeaux de moutons parce qu'il y avait des cas de «tremblante» parmi le troupeau. Si, en 15 minutes, j'ai pu trouver une dizaine de propriétaires de bergerie qui ont dû décimer des moutons, je pense qu'il doit y avoir, au Canada, des centaines de cas où on a dû tuer des moutons à cause de la «tremblante».
Vous nous avez rassurés sur l'ESB. Je ne m'attendais pas à autre chose, bien sûr. Si les hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture nous avaient alarmés ce matin, la situation serait pire qu'en Grande-Bretagne et en Europe. J'attends vos commentaires, docteur Clarke ou docteur Olson.
[Traduction]
Le président: Monsieur Olson, voulez-vous commencer?
M. Olson: Je pense que le problème a probablement débuté au Royaume-Uni avant les ajustements budgétaires qui ont été effectués dans ce pays et qu'il découle probablement d'une modification de l'alimentation des animaux susceptible d'être liée aux difficultés d'approvisionnement en farine de poisson et au déplacement des courants océaniques dans les années 70, qui a entraîné le phénomène qu'on a appelé El Niño et qui a réduit la quantité de farine de poisson disponible comme source de protéines.
Diverses sources de protéines sont employées pour nourrir les animaux. Ainsi, la farine de poisson, les dérivés d'origine animale, la farine de canola, la farine de soja sont utilisés à cette fin, et l'utilisation dépend jusqu'à un certain point du prix. Je pense que le problème a commencé par une modification de l'alimentation au Royaume-Uni à la fin des années 70 ou au début des années 80.
Si je comprends bien - et M. Clarke peut me corriger - il y a eu au même moment une modification des méthodes d'équarrissage appliquées ou approuvées par le gouvernement britannique qui a provoqué une transformation probablement incomplète de ces dérivés d'origine animale. Cela me semble un changement distinct de la réorientation du gouvernement à laquelle vous avez fait allusion.
Je conviens que, dans ce cas-ci, comme l'a indiqué M. Clarke, les médias et tous les députés ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités dans leurs réactions publiques. Il faut vous en féliciter parce que la situation est très délicate. Comme on le voit à la Chambre des communes de Londres, les conséquences du débat en cours là-bas sont vraiment épouvantables - je pense que le mot n'est pas trop fort - pour l'économie de ce pays.
En ce qui concerne l'énorme cheptel ovin du Royaume-Uni, on m'a dit - et encore une fois,M. Rogers et M. Clarke voudront peut-être apporter des précisions - que, d'après les estimations, un mouton sur trois au Royaume-Uni pourrait être atteint de la tremblante du mouton. Le Canada a une politique de prévention de la tremblante. C'est une maladie identifiée. Lorsque nous trouvons des cas de tremblante du mouton, nous instaurons une quarantaine et nous décimons le troupeau. La pratique au Royaume-Uni, si je comprends bien, monsieur Clarke, consiste à éliminer les animaux malades. Les méthodes sont donc très différentes.
La pratique canadienne découle, je dirais, essentiellement de l'expérience concernant la fièvre aphteuse juste après la Deuxième Guerre mondiale et de la lutte contre la brucellose. La seule solution pour éradiquer cette maladie au Canada a consisté à abattre les troupeaux entiers. La même mesure s'est avérée le seul moyen de lutter efficacement contre la tuberculose dans notre cheptel bovin national et nous avons appliqué la même rigueur à la lutte contre la tremblante du mouton. Pour cette raison, nous avons l'avantage spécial de n'avoir qu'un bassin presque insignifiant d'agents infectieux au pays. Je pense que c'est en très grande partie pour cela que nous pouvons affirmer que la maladie de la vache folle n'existe pas au Canada.
Le président: Monsieur Rogers.
M. Ron Rogers (chef intérimaire, Épidémiologie, Lutte contre les maladies, Division de la santé des animaux, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): J'aimerais apporter une précision. Au Royaume-Uni, les cas de tremblante du mouton ne doivent être déclarés que depuis quelques années, tandis qu'au Canada il faut le faire depuis 1945 et nous avons un programme de lutte contre cette maladie.
Je pense que vous avez également mentionné le fait que la tremblante du mouton a été dépistée dans quelques troupeaux de moutons du Québec. À titre d'information, cette année, un seul nouveau troupeau a été repéré en Ontario et aucun au Québec. Depuis dix ans, 53 nouveaux troupeaux ont été repérés dans l'ensemble du Canada. Au Québec, nos statistiques révèlent que la tremblante du mouton a été diagnostiquée dans 14 nouveaux troupeaux.
Une partie de la confusion concernant la tremblante du mouton au Québec est imputable à notre programme de surveillance, parce que lorsque cette maladie est diagnostiquée dans un troupeau, nous remontons la filière pour voir si certains animaux du troupeau infecté ont été vendus à d'autres troupeaux et nous essayons aussi d'identifier les animaux et de les faire abattre.
En ce qui concerne les craintes concernant la transmission de la maladie par les carcasses qui vont à l'équarrissage ou se retrouvent dans la chaîne alimentaire, je peux vous dire que notre politique consiste à enterrer ou incinérer tout animal diagnostiqué s'il y a un risque de contamination. Les animaux sont envoyés à un abattoir qui a des installations séparées pour les abats, afin que les abats ne soient pas mélangés avec les abats de ruminants. Il faut s'en débarrasser.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur le président...
[Traduction]
Le président: Très rapidement. Votre temps est écoulé.
[Français]
M. Chrétien: On n'a pas parlé de la chaîne alimentaire dans un pâturage où on aurait élevé des moutons d'abord, et ensuite du bétail. Est-ce qu'il peut y avoir danger de contamination?
[Traduction]
M. Rogers: On sait que l'agent qui provoque la maladie peut survivre pendant de très longues périodes dans le sol. Mais on ne croit pas qu'il y en ait assez dans le sol pour causer la maladie. Une partie est détruite avec le temps, la chaleur et d'autres facteurs.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci beaucoup, monsieur Olson et vos adjoints de venir témoigner à notre comité. Moi aussi, je veux vous féliciter pour la façon dont vous avez réagi à cette situation. Je sais, par mes contacts avec les gens de l'industrie, les éleveurs et leurs organisations, qu'ils sont très préoccupés et qu'ils ont fait preuve d'un grand esprit de coopération. Je pense que nos éloges s'adressent non seulement à vous et à votre personnel mais aussi aux éleveurs de bétail, qui ont collaboré de très près pour que l'ESB n'entre pas au Canada.
Premièrement, parce que vous êtes des professionnels, j'aimerais savoir si vous croyez qu'il y a un lien entre l'ESB et la MCJ. J'emploie les acronymes, parce que j'ai un peu de mal à prononcer ces mots tout au long. Je ne sais pas si vous pouvez me répondre par oui ou par non ou par «je ne sais pas». Je ne veux pas une longue réponse technique, mais si vous ne savez pas, pensez- vous qu'il y a assez de preuves pour pouvoir affirmer qu'il y a très probablement une possibilité de lien?
M. Olson: C'est là que réside en grande partie le problème, mais je demanderai à M. Hockin de répondre.
M. J. Hockin (directeur, Programme de formation en épidémiologie d'intervention, ministère de la Santé): Je pense que la réponse est que nous ne savons pas et je vous en expliquerai brièvement les raisons, en ce qui concerne l'ESB et la santé de l'être humain tout au moins.
Cette question a fait l'objet de beaucoup de bonnes recherches scientifiques au Royaume-Uni. Afin de ne pas rater le lien possible, on a établi au Royaume-Uni un programme de surveillance très active des personnes atteintes de la maladie de Creutzfeldt- Jakob. C'est par suite de ce programme très actif que l'unité de surveillance a trouvé dix personnes dont l'évolution de la maladie a été très différente des autres depuis deux ans ou deux ans et demi.
Ils ont cueilli beaucoup d'information. Ils ont fait quelques études pathologiques sur les personnes qui sont décédées de la maladie, afin de dégager les causes connues de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou les liens avec elle, et tout particulièrement les prédispositions génétiques. Ces études ont fait chou blanc, elles n'ont pas révélé de preuve directe d'un lien avec la maladie. Mais comme l'ESB était une question très controversée, ils ont estimé qu'il n'était que prudent et raisonnable d'affirmer que cette maladie venait en tête de liste des suspects. C'est ce qui a provoqué la déclaration à la Chambre des communes.
Tout cela a seulement intensifié les recherches scientifiques sur un tel lien. Le Royaume-Uni voulait trouver le plus rapidement possible des preuves confirmant ou infirmant l'existence de ce lien.
M. Hermanson: Quelle est la durée de la période d'incubation?
M. Hockin: La période d'incubation de la maladie de Creutzfeldt-Jakob?
M. Hermanson: Non, de l'ESB.
M. Rogers: On croit que la durée moyenne est de quatre à cinq ans pour la plupart des animaux, mais il y a de grands écarts, d'aussi peu que deux ans à plus de dix ans.
M. Hermanson: Notre ministère de l'Agriculture cherche-t-il à déterminer s'il y a eu par le passé des importations européennes de bétail vivant, en particulier des importations britanniques ou irlandaises? Aurions-nous importé du boeuf infecté au début des années 80? Votre ministère s'inquiète-t-il à ce sujet?
M. Rogers: Je peux parler du bétail vivant. Tous les animaux ont été retracés et détruits ou renvoyés au Royaume-Uni après l'incident qui est survenu chez nous en 1993.
M. Hermanson: Pour tous les animaux vivants au Canada?
M. Rogers: Oui.
M. Hermanson: Et leurs descendants? Est-il possible que la maladie se transmette de la vache au veau?
M. Rogers: Nous utilisons l'analogie avec la tremblante du mouton. Dans le cas de la tremblante, nous savons que les femelles peuvent transmettre la maladie. Même s'il n'y a pas de preuves scientifiques de la transmission de l'ESB aux descendants, nous avons pris la précaution de faire détruire également tous les descendants de première génération susceptibles d'être issus des troupeaux infectés du Royaume-Uni.
M. Hermanson: Et les animaux qui viennent d'un tiers pays, disons un animal qui aurait été exporté du Royaume-Uni vers un autre pays européen ou en Australie avant d'entrer au Canada? Est- ce possible?
M. Rogers: Les certificats indiquent le pays de naissance. À ma connaissance, tous ces animaux sont enregistrés et ont des papiers prouvant leur origine avant d'être certifiés.
M. Hermanson: Nous n'importons pas de boeuf européen actuellement, mais je crois comprendre qu'on devait permettre l'entrée de 5 000 tonnes de boeuf européen au Canada. Je pense qu'ils peuvent commencer à utiliser ce contingent en juillet. Recommandez-vous au ministre que ces 5 000 tonnes de boeuf européen ne puissent entrer au Canada par suite de l'incident au Royaume- Uni?
M. Clarke: Afin que ce contingent soit reconnu, il faudrait que les abattoirs soient approuvés pour l'exportation au Canada. Aucun abattoir de ce genre n'ayant été approuvé, la question ne se pose pas en pratique. C'est impossible, à cause de cette condition.
M. Hermanson: Donc, du boeuf européen ne peut pas être importé au Canada même à partir de juillet, lorsque les Européens auront le droit de nous en envoyer 5 000 tonnes?
M. Clarke: C'est exact. Afin qu'un pays puisse exporter du boeuf frais ou congelé au Canada, il doit surmonter quelques obstacles techniques. Le premier est l'examen de l'état de santé des animaux dans ce pays. L'incident récent influencera certainement notre politique d'une manière ou d'une autre.
M. Hermanson: Pourquoi l'industrie se préoccupe-t-elle tant? Même avant la crise de l'ESB au Royaume-Uni, ils venaient me voir et me disaient qu'ils étaient extrêmement inquiets, pour deux raisons: premièrement, parce que du boeuf infecté pourrait entrer au Canada; deuxièmement, parce que du boeuf subventionné entrerait au Canada. Ils prévoyaient que cela arriverait à compter de juillet.
M. Clarke: Ils s'en préoccupaient et on leur a fait comprendre que, ne serait-ce que pour des raisons techniques, c'était impossible à moins que le pays qui demande à exporter chez nous ne remplisse toutes les autres conditions nécessaires. De fait, ce ne serait pas vraiment un problème. L'industrie le sait et, je le répète, les difficultés de la semaine dernière nous obligeront certainement à nous assurer qu'elles ont été examinées avant...
M. Hermanson: C'est vrai pour toute l'Union européenne, pas seulement pour le Royaume-Uni? Cela s'applique aussi à la France, l'Allemagne et l'Irlande?
M. Clarke: À l'heure actuelle, aucun abattoir de boeuf n'est autorisé à exporter au Canada.
M. Hermanson: Il n'y en a pas en Europe, point final?
M. Clarke: Il y en a un en Suisse et un en France. Ils n'exportent pas et parce qu'il s'agit de boeuf frais et que l'ESB existe dans ces pays, ils ne sont pas autorisés à exporter. Donc, la réponse à votre question est non.
M. Hermanson: Ce problème pourrait être lié en grande partie à la farine d'os et à la farine de viande. Ces produits sont-ils fabriqués au Canada ou importés de l'étranger?
M. Clarke: Certaines farines de viande sont importées et transformées au Canada. Il est interdit d'en importer de pays où sévit l'ESB.
M. Hermanson: Compte tenu de la situation du mouton, sommes- nous certains que c'est une bonne attitude? Pourrions-nous réexaminer la question et décider d'interdire toute importation?
M. Clarke: L'industrie de l'équarrissage est très responsable en ce qui concerne le mouton. Les moutons adultes y sont interdits, en vertu d'une interdiction volontaire. Comme l'a fait remarquer M. Rogers, la tremblante du mouton est une maladie à déclaration obligatoire, ce qui veut dire qu'aucun de ces moutons ne peut entrer dans le processus d'équarrissage.
De plus, les méthodes employées dans les usines d'équarrissage du Canada sont très différentes des méthodes qui l'étaient en Grande-Bretagne au moment où, semble-t-il - et c'est encore une hypothèse, bien que très répandue - cette maladie et l'ESB ont été provoquées par la consommation de mouton contaminé et la tremblante du mouton. Comme je l'ai indiqué, c'est une hypothèse, et certains commencent à ce demander si elle est fondée. Les avis sont un peu partagés à ce sujet.
M. Hermanson: Par conséquent, vous déclarez que la farine d'os n'entre peut-être pas du tout en jeu. Ce n'est peut-être pas la cause de l'ESB.
M. Clarke: L'hypothèse que l'ESB résulte sans conteste de la tremblante du mouton a été mise en doute en Grande-Bretagne, mais c'est encore une hypothèse largement répandue. Il est évident que, si une maladie n'existe pas dans un pays - et nous avons pris des mesures rigoureuses pour que ce soit le cas - , le recyclage est évidemment impossible parce que les éléments nécessaires n'existent pas au départ.
Les températures et l'équarrissage, par exemple, font que les matières seraient stérilisées, encore que les maladies à prions soient très difficiles à éradiquer complètement. Mais il y a un facteur de dilution. Des analyses des risques ont démontré que les procédés concernant le boeuf sont sans danger. Et l'absence de la maladie réduit elle aussi le risque. Mais je pense que tous ces aspects seront examinés à la lumière de la situation actuelle, tout comme les mesures relatives à l'ESB.
M. Hermanson: Les Britanniques semblent avoir réagi bien mal face à la situation, de notre point de vue tout au moins. On dirait un désastre qui empire au lieu de se résorber. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Si une situation de ce genre survenait au Canada - je ne le prévois pas, mais nous devons être prêts à n'importe quoi - s'il y avait des doutes ou des accusations semblables à propos de l'industrie du bétail ou tout autre aspect de l'industrie des aliments, votre ministère aurait-il un plan? Avez-vous mis en place des mécanismes qui vous permettraient de savoir comment réagir face à ce type de situation et d'assurer une protection maximale de la santé des Canadiens tout en étant équitables envers l'industrie et en prenant ses intérêts à coeur?
M. Olson: Je peux répondre à cette question, monsieur le président. Nous avons une bonne relation de travail avec l'industrie canadienne du bétail. Nous avons mis en place une série de mécanismes qui assurent une consultation permanente assez détaillée pour que ce genre de préoccupations soient soulevées. Nous travaillons aussi de très près avec l'industrie de la transformation. Avec la réorientation actuelle des responsabilités concernant la fraude économique et la protection des consommateurs, nous sommes également très conscients de ces responsabilités.
En ce qui concerne la façon dont nous réagirions à une maladie animale d'origine étrangère, on tire parfois des leçons du passé. Le Canada a tiré de grandes leçons de la panique provoquée par la fièvre aphteuse au début des années 50. On me dit qu'en dollars actuels, cette catastrophe aurait représenté des pertes de milliards de dollars pour le Canada. Par conséquent, nous avons mis en place une série de mécanismes permettant à notre personnel de faire face à ce genre de situation.
Je pense que la formation, les simulations, la coopération avec d'autres pays, les réseaux et les structures internationales que nous avons créés font tous partie des moyens qui nous permettent de réagir comme nous l'avons fait en 1993 et comme nous avons dû le faire, par exemple, pour une maladie du cheval l'été dernier. Je pense que nous sommes bien placés pour faire face aux situations. Nous entendons le demeurer. C'est une très grande priorité, du point de vue de la santé des animaux et de la santé des êtres humains, ainsi que du point de vue économique. Je n'hésite pas à affirmer que nous possédons cette capacité.
Monsieur le président, le moment n'est peut-être pas bien choisi pour faire de la publicité, mais nous savons que nous devrons faire face à des problèmes encore plus complexes à l'avenir et je pense que la plupart d'entre vous savez que, de concert avec Santé Canada, nous sommes en train de construire de grandes installations de confinement à Winnipeg, pour les maladies animales et humaines. J'ai apporté de la documentation, si cela peut être utile au comité. Il y a une foule de problèmes qui touchent les animaux et les humains, et compte tenu de la complexité de certains d'entre eux, nous voulons nous assurer de posséder une capacité d'avant-garde.
La caractéristique des programmes de santé des animaux et des êtres humains est que nous planifions à l'avance. Le nouveau laboratoire de Winnipeg en est un exemple. J'espère avoir répondu à votre question, monsieur.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Merci beaucoup, monsieur le président, et bienvenue messieurs.
Monsieur Olson, dans votre réponse à une question de M. Hermanson, vous avez indiqué que nous avons tiré des leçons de la fièvre aphteuse. Pour faire suite à une question posée par M. Chrétien, je pense que nous devons aussi tirer des leçons du problème qui existe en Angleterre actuellement. J'ai lu les journaux européens et je ne peux tout simplement pas croire que les agriculteurs européens se retrouvent dans une telle situation. Nous ne voulons pas que cela nous arrive un jour.
Je sais que vous avez répondu à la question concernant la réduction du déficit à l'époque deMme Thatcher. Il y a un pendant, soit la pression économique que subissent les agriculteurs à cause notamment de la réduction du déficit et du recouvrement des coûts. Je suis agriculteur et je sais que nous coupons tout ce que nous pouvons couper, parfois à nos dépens, lorsque nous subissons des pressions financières très fortes.
Je me demande si vous pourriez nous fournir des renseignements - pas aujourd'hui, mais plus tard - au sujet des compressions budgétaires en Europe. Cela pourrait nous être utile. Nous pourrions en remettre une partie aux mangeurs de chiffres du Conseil du Trésor. Ils ne comprennent absolument pas les conséquences pour le simple citoyen de leur programme de réduction du déficit et de l'imposition de ce fardeau financier à quelqu'un d'autre.
Je pense que nous devons tirer des leçons de cette expérience. Tout ce que vous avez serait donc certainement apprécié. Je pense que vos décisions ont sans doute été guidées par la prudence. Je dirai au Conseil du Trésor qu'ils ont certainement intérêt à faire preuve de prudence eux aussi lorsqu'ils pensent refiler le fardeau des coûts au milieu agricole.
Pour en venir au coeur du thème d'aujourd'hui, dans le cas de l'Alberta, vous avez détruit tout le troupeau. Comme nos discussions antérieures vous l'ont appris, vous avez aussi retiré une partie des bêtes qui avaient été importées. À l'époque, je n'avais pas été trop impressionné, parce que l'un de ces troupeaux se trouvait dans ma circonscription. J'ajoute que ce troupeau n'était pas infecté, mais je vous félicite évidemment d'avoir pris cette décision. Je pense qu'il est important d'agir avec prudence. J'ai pleinement confiance dans notre système canadien actuellement.
Ma crainte - et je m'inspirerai de l'expérience de l'agriculteur qui se trouve par hasard dans ma circonscription - c'est notre voisin du Sud, les États-Unis. Cet agriculteur, dont tout le troupeau reproducteur a été détruit, n'a pas eu d'autre choix que d'aller aux États-Unis pour reconstituer son troupeau, à cause de la race de bovins qu'il élevait.
Je me demande où nous en sommes par rapport aux Américains, compte tenu du problème qui existe en Angleterre. Discutons-nous avec eux pour éviter que la maladie n'entre pas chez nous par leur entremise? J'ai confiance en notre système mais pas nécessairement dans le leur. Où en sommes-nous en ce qui concerne cet aspect de l'équation?
M. Olson: Je vais céder la parole à M. Rogers dans un instant, avec votre permission, monsieur le président. Mais l'une des difficultés que pose cette maladie est qu'il n'y a essentiellement aucune épreuve tant que l'animal ne montre pas des symptômes. Malheureusement, dans le cas des animaux de votre électeur que nous avons dû supprimer, nous n'avons pas pu déterminer s'ils étaient positifs ou négatifs, parce qu'il n'existe pas de méthode de dépistage de la maladie chez des animaux qui semblent en santé. C'est l'une des grandes difficultés que présente une maladie de cette nature.
Dans un article très intéressant sur les prions publié il y a environ un an dans Scientific American, il a été établi que les prions ont une capacité infectieuse. Ce domaine scientifique est très nouveau. L'absence de méthodes de diagnostic rend la lutte contre cette maladie extrêmement difficile.
En ce qui concerne les États-Unis, M. Rogers a justement été invité à Washington vendredi dernier. Il peut peut-être apporter d'autres éléments de réponse.
M. Rogers: L'industrie américaine avait été conviée à cette réunion, ainsi que les fonctionnaires du gouvernement. On a discuté avec l'industrie de toutes les politiques et restrictions concernant l'importation. Après avoir entendu leur point de vue, j'ai conclu que toutes les mesures qu'ils ont prises se comparent aux nôtres, en ce qui concerne la politique d'importation d'animaux vivants, de boeuf et de dérivés.
De plus, nous avons examiné leur programme national de surveillance de l'ESB et nous en sommes inspirés pour le nôtre, en ce qui concerne la collecte d'échantillons prélevés sur des vaches dont les épreuves de rage se révèlent négatives. Nos taux sont comparables aux fins de la surveillance nationale de l'ESB.
Je suis donc convaincu que l'ESB n'existe pas chez nous. Les États-Unis ont importé du bétail du Royaume-Uni, tout comme nous, et les animaux encore vivants sont surveillés actuellement.
M. Olson: J'aurais peut-être dû mentionner les leçons de l'histoire. L'une des leçons que le Canada a tirées est qu'il faut être tout à fait en mesure de retracer l'origine de l'animal, ce qui constitue l'un de nos grands avantages concurrentiels. Quand il y a une maladie, nous pouvons retracer le troupeau d'origine.
En ce qui concerne l'approvisionnement alimentaire - je reviens à une question antérieure sur la chaîne alimentaire - nous pouvons ainsi mettre en oeuvre dans les exploitations agricoles canadiennes la méthode de l'analyse des risques et du point de contrôle critique qui nous permet de rassurer assez bien nos partenaires commerciaux internationaux. Cette capacité de recherche des origines résulte de la lutte contre les maladies qui ont sévi au Canada au début des années 50 et de notre expérience en ce qui concerne la brucellose et la tuberculose. Ce furent des expériences douloureuses, mais très utiles pour le bien-être économique de notre pays.
Le président: Monsieur Easter, avez-vous une autre question?
M. Easter: Elle sera brève. D'ailleurs, en ce qui concerne cette capacité de recherche des origines, nous l'avons même acquise grâce à notre expérience dans le domaine phytosanitaire, avec la souche de virus PVYn.
J'ajoute simplement, pour en revenir à cet éleveur de ma circonscription qui a perdu son troupeau, qu'à mon avis les agriculteurs et celui-là en particulier reconnaissent la nécessité de maintenir les normes de santé et de qualité qui existent actuellement au Canada. C'est l'un des coûts de notre système, mais ce système comporte aussi de nombreux avantages. Nous devons nous assurer de maintenir ces types de mesures de protection dans notre système, même en période d'austérité budgétaire.
La dernière question se rapporte en partie au thème du recouvrement des coûts, mais je veux la poser tout de suite, monsieur le président. Je dois partir bientôt pour aller participer aux travaux d'un autre comité.
Si je pensais que les consommateurs européens avaient tiré eux aussi une leçon de cet épisode... J'ai soulevé la question quand vous êtes venus ici l'an dernier. N'oubliez pas que je veux ces chiffres sur l'Europe.
Nous sommes pris dans l'engrenage de l'utilisateur-payeur. Oui, je conviens que le producteur primaire est l'utilisateur, mais le vrai bénéficiaire, c'est le consommateur. La situation actuelle en Europe le démontre clairement. Je crois donc personnellement que le contribuable, le public a lui aussi la responsabilité et l'obligation de contribuer au coût de notre système de contrôle de la qualité, en tant que bénéficiaire de ce système.
Voici ma question: A-t-on songé à faire payer les bénéficiaires, et quelle part paieront-ils à l'avenir?
M. Olson: Les niveaux de recouvrement des coûts que nous prévoyons sont bien inférieurs à ceux qui frapperaient le bien public. Nous sommes bien en deçà de ce que les gens avec qui je travaille définissent comme le bien privé.
Je pense que le bien public est l'enjeu dont vous parlez. Mais dans tout service que fournit le gouvernement, une partie profite à la personne qui reçoit ce service. Une partie profite également à l'ensemble de la population. Certains des services que nous fournissons en tant qu'organisation de production et d'inspection des aliments, procurent des avantages très directs aux individus. D'autres sont beaucoup plus larges. Ainsi l'inspection sanitaire et de sécurité, le système de recherche des origines que nous avons chez nous, vise largement le bien public.
Une partie du débat au sujet du recouvrement des coûts, de l'évitement des coûts et de la si difficile réduction des coûts est liée au fait que ces facteurs se combinent différemment pour presque tous les services. La solution de facilité consiste à saupoudrer les crédits, mais dans la réalité actuelle du changement budgétaire et pour régler ce que j'appelle le problème du bien libre, le recouvrement des coûts permet de s'assurer que ce débat a bien lieu.
J'ai déjà indiqué qu'un des aspects de notre système qui fonctionne extrêmement bien est la consultation avec l'industrie. Au cours de ce débat, qu'il s'agisse de recouvrement, d'évitement ou de réduction des coûts, essentiellement, nous avons consulté toutes les autorités faisant partie de notre organisation afin que le client qui utilise ces services nous en définisse la nature ainsi que le type d'intervention du gouvernement nécessaire.
C'est un processus complexe. Essentiellement, c'est la deuxième fois que nous le faisons en cinq ans. Nous l'avons fait en 1991, avec l'examen réglementaire. Nous le faisons maintenant, dans la deuxième étape, par le plan d'agencement des activités. C'est un processus complexe. Je pense que ce genre de discussions et de consultations sont des aspects cruciaux d'un programme viable et positif.
Je suis certain que M. Thorlakson a indiqué au début de cette semaine au nom de la Canadian Cattlemen's Association que, si le point où la ligne sera tirée soulève des inquiétudes, ils se lèveront rapidement pour exprimer leur opinion. Le débat est très intéressant et très utile pour nos programmes.
Le président: Merci, monsieur Olson.
Nous passerons au deuxième tour. Je rappelle aux membres qu'il est plus court. Je déteste insister constamment sur le temps alloué, mais pour ceux d'entre vous présents dans cette salle qui ne le savent pas, des membres assis sur les côtés critiquent parfois vivement le président lorsqu'ils ont l'impression que le temps d'intervention n'est pas bien réparti. J'essaierai de maintenir l'équilibre. Si la première intervention est un peu plus longue que prévu, je maintiendrai l'équilibre.
Monsieur Lefebvre.
[Français]
M. Lefebvre (Champlain): Étant donné que j'ai seulement cinq minutes, je poserai mes trois questions au Dr Olson.
Docteur Olson, vous avez parlé d'une possibilité d'ESB reliée à la nourriture à base de poisson pour le bétail en Grande-Bretagne dans les années 1970 et 1980. J'aimerais que vous nous donniez plus de renseignements à ce sujet.
Dans le cas où la Grande-Bretagne serait obligée de décimer son troupeau, est-ce que le Canada serait vraiment prêt et y aurait-il une incidence néfaste à exporter en grande quantité? Lorsque je parle d'incidence, il s'agit de l'incidence sur nos futurs troupeaux.
Ensuite, je voudrais savoir combien il faut de temps pour reconstituer un cheptel qui a été décimé.
[Traduction]
M. Olson: Mes remarques sur la farine de poisson se rapportaient à certaines pressions peut-être imputables à une modification de la façon de nourrir les animaux. Au cours des années 70, il y a eu une modification importante des courants marins au large de la côte ouest de l'Amérique du Sud. Il en est résulté une diminution de la quantité de farine de poisson récoltée et pouvant être utilisée dans diverses sources de protéines, dont certaines servaient à l'alimentation des animaux.
Ce pourrait être l'un des éléments déclencheurs. C'est une hypothèse seulement. Comme l'a indiqué M. Clarke, comme pour un grand nombre d'hypothèses avancées à ce sujet, il y a très peu de faits. Il y a de nombreuses hypothèses sur les origines de la situation actuelle.
En ce qui concerne votre deuxième question, si le Royaume-Uni extermine tout son troupeau, il y aura de graves conséquences pour le monde entier. Le Royaume-Uni élève un grand nombre de races qui sont utilisées dans le reste du monde.
Nous avons permis l'importation d'embryons et de sperme du Royaume-Uni tout au long de cette période, jusqu'à la semaine dernière, principalement pour nous assurer de ne pas perdre le matériel génétique. Si les Britanniques mettent en oeuvre un programme d'abattage aussi vaste que ce que certains ont proposé, une quantité phénoménale de matériel génétique disparaîtra à jamais.
Sans parler du problème de l'élimination des bêtes abattues. Les conséquences, uniquement du point de vue de la santé publique, pourraient être vraiment effrayantes.
Votre troisième question était: combien de temps faut-il pour reconstituer un troupeau? Monsieur Rogers.
M. Rogers: Je pourrais probablement répondre à cette question. Il n'y a pas vraiment de limite de temps dans ce genre de situation. Il faudrait d'abord se débarrasser du troupeau.
Il s'agit de troupeaux en particulier, n'est-ce pas?
M. Olson: De tout le cheptel.
M. Rogers: Le cheptel de tout le pays ou des troupeaux en particulier?
[Français]
Une voix: Oui, ce sont tous les cheptels, l'ensemble des cheptels.
[Traduction]
M. Rogers: Ah bon, désolé. Alors, je ne pense pas pouvoir répondre à cette question.
M. Olson: Je pense que vous parlez des générations. Normalement, pour repeupler un seul troupeau, il faut quelques années. Il faut trouver des bêtes de remplacement et le matériel génétique convenable. Mettre cela en place et rétablir une exploitation productive peut prendre une décennie. Quand il s'agit de l'ensemble d'un pays, il faudrait des générations avant que l'industrie du bétail ne redevienne viable au Royaume-Uni.
Les répercussions seraient énormes. Une très grande partie du troupeau serait touchée immédiatement. Même les mesures proposées qui étaient évoquées dans la presse ce matin pourraient toucher près de 70 p. 100 du troupeau laitier britannique. Il y a aussi des implications pour l'approvisionnement en lait et en produits laitiers au Royaume-Uni. La situation est donc très sérieuse.
Le président: Je voudrais obtenir quelques éclaircissements avant de donner la parole àM. Hoeppner.
Le chiffre de 11 millions de bovins en Grande-Bretagne comprend-il les vaches laitières et les bovins de boucherie? Monsieur Clarke, je vous vois faire signe de la tête, cela veut dire oui?
M. Clarke: Oui.
Le président: Dans le courrier que je reçois, plusieurs personnes me demandent quelle est la taille du troupeau canadien. Quel est ce chiffre, pour qu'ils sachent au moins la réponse à cette question? Avez-vous une vague idée du nombre de millions de bêtes en cause?
M. Clarke: Je peux vous répondre que nous abattons 3 millions de bêtes par année, donc je dirais qu'il y en a environ 7 millions, peut-être un peu plus.
M. Olson: Je dirais que notre troupeau est à peu près aussi grand que celui du Royaume-Uni. Je suis désolé de ne pas avoir apporté ce chiffre avec moi.
Le président: Si nous incluons les vaches laitières, cela fait 10 millions. C'est pour que les gens puissent faire des comparaisons. Certains m'ont dit: et s'ils les abattaient tous et qu'il y en avait 11 millions? Qu'est-ce qui arriverait? Alors, nous affirmons que ce serait un peu comme abattre tous les bovins au Canada.
M. Olson: C'est exact.
Le président: J'aimerais poser une autre brève question, simplement pour que ce soit clair dans mon esprit. Avons-nous permis et permettons-nous actuellement l'importation d'embryons et de sperme de la Grande-Bretagne?
M. Olson: Non, c'est interdit depuis cette semaine.
Le président: D'accord. Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Passez à M. Hermanson.
Le président: Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci, monsieur le président.
Je voudrais simplement revenir un instant à la question des contingents d'importation de boeuf européen. S'il n'y a pas d'installations autorisées à exporter du boeuf au Canada, pourquoi avons-nous accordé un contingent de 5 000 tonnes? Je ne comprends pas le raisonnement. Pourquoi avons-nous agi ainsi?
M. Olson: Je pense que vous devriez parler avec nos négociateurs commerciaux à ce sujet...
M. Hermanson: Vous ont-ils consultés avant de conclure cette entente? C'est peut-être la question.
M. Olson: Non. Je pense que la question... Le terme «sans objet» vient en tête.
Le président: Je pense que vous avez très bien répondu.
M. Hermanson: Nous sommes des députés assis autour de cette table et je suis convaincu que certains de nos électeurs iront en Grande-Bretagne cet été. S'ils appellent à notre bureau et demandent s'ils peuvent manger un hamburger britannique, que devrions-nous leur répondre? Monsieur Hockin.
M. Hockin: En guise de préface à ma réponse, je vous rappellerai les conseils de voyage que nous donnons habituellement aux Canadiens. Lorsque les Canadiens se rendent dans des pays où nous avons des raisons de croire que les normes sont inférieures aux nôtres, nous cernons le problème et donnons des conseils précis. Je pense aux conseils concernant la «turista» ou la malaria, par exemple.
Parce que le système de santé publique, le régime réglementaire et les normes britanniques sont comparables aux nôtres, nous ne donnons pas de conseils particuliers. Nous disons aux gens qu'ils vont dans un pays où ils peuvent faire des choix concernant les endroits où ils se rendent, ce qu'ils mangent et ce qu'ils boivent. Ils devraient se renseigner le plus possible pour se sentir à l'aise d'aller où ils veulent et de manger et boire ce qu'ils veulent.
Personne ne prétend au Royaume-Uni qu'il est dangereux de manger du boeuf. De fait, ils disent le contraire. Des décisions sont prises, par prudence ou pour d'autres motifs. Nous n'avons aucune raison de croire que le boeuf britannique est dangereux.
M. Hermanson: Monsieur Olson, la Communauté européenne - et je suppose que la Grande-Bretagne en fait partie - a utilisé les deniers des contribuables pour subventionner les producteurs de boeuf. À votre avis, les gouvernements des pays européens auraient- ils mieux fait de consacrer ces sommes à l'inspection et à la recherche plutôt qu'aux subventions aux producteurs? Cela aurait-il atténué le problème? Aurait-ce été une utilisation plus judicieuse des deniers des contribuables? Comment se compare le Canada en ce qui concerne les subventions aux producteurs par rapport à l'inspection et à l'innocuité des aliments?
M. Olson: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question. Nous cherchons une équivalence des systèmes d'inspection et, à cause de mon expérience à la Direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, je comprends évidemment assez bien leur capacité de recherche. Je ne crois pas que le Canada et l'Europe soient si différents en ce qui concerne l'importance accordée à ces aspects.
Quant à savoir si les fonds publics auraient été dépensés plus sagement dans un domaine ou dans l'autre, nous avons l'avantage d'être un pays immense, ce qui nous aide à régler ces problèmes. Ils sont désavantagés par le fait qu'ils sont de petits pays, très étroitement liés, dont les frontières se chevauchent et qui possèdent de multiples régimes juridiques et contrôles gouvernementaux. Notre structure nous avantage et la leur les désavantage.
À mon avis, l'Union européenne semble être un moyen adopté au nom de l'Europe pour tenter de régler ce genre de problème grâce à des normes qui s'appliquent à des produits en particulier aussi bien qu'à la santé des animaux et des êtres humains. Je pense qu'ils avancent vers un régime unitaire, qui leur procurera des avantages semblables aux nôtres.
En ce qui concerne les subventions versées, le cadre économique est différent du cadre canadien, du point de vue de la taille des exploitations et du niveau à partir duquel bon nombre de ces exploitations se considèrent viables. Certaines sont très petites. Les fonds de transition et l'affectation des montants consacrés à la politique agricole commune dépendent donc de facteurs bien différents de ceux qui entreraient peut-être en jeu dans notre agriculture plus commerciale.
Le seul élément du débat dont il a été est question dans la presse européenne jusqu'à hier et aujourd'hui, c'est qui va payer la note s'il faut abattre ces animaux.
Il semble exister une politique de plafonnement qui permet une certaine forme d'indemnisation, par l'entremise de l'Union européenne, pour les bêtes britanniques qu'il faudra peut-être abattre. Il semble y avoir des négociations en cours sur le montant de cette indemnisation, le cadre de ce débat très complexe.
J'espère que ces renseignements vous sont utiles.
M. Hoeppner: Vous avez déclaré que l'organisme peut survivre longtemps dans le sol. Cela permettra-t-il à la Grande-Bretagne d'exporter de la viande à nouveau?
M. Olson: S'agit-il de l'organisme de la tremblante du mouton, monsieur Rogers?
M. Rogers: Oui. Ce n'est pas l'ESB. J'ai été un peu vague dans ma première réponse à la question du député du Québec. Je crois que sa théorie était que la tremblante du mouton pouvait se transmettre aux bovins. Dans les recherches expérimentales, la maladie que nous constatons actuellement chez les bovins est assez différente. Il n'y a pas de lien. Mais on s'inquiète un peu de la contamination du sol par cet organisme, parce qu'il est extrêmement stable.
M. Hoeppner: C'est ce qui m'inquiète. On peut se débarrasser du troupeau, mais que faire du sol contaminé?
M. Rogers: Voilà pourquoi, au Canada, nous incinérons les animaux à de très hautes températures, afin d'empêcher une éventuelle contamination chez nous.
Le président: Si je peux intervenir à nouveau, M. Hoeppner vient d'indiquer - et vous avez déclaré, monsieur Rogers - que la transmission de l'ESB aux bovins par la tremblante du mouton n'est qu'une hypothèse.
M. Rogers: Dans les recherches expérimentales, nous ne pouvons pas reproduire l'ESB en nourrissant les bovins de produits dérivés de moutons atteints de la tremblante du mouton. L'ESB est une maladie tout à fait différente. C'est une maladie des bovins.
M. Hoeppner: Mais elle peut se transmettre par le sol.
Le président: Vraiment?
M. Rogers: Je pense que la question est la suivante: si vous prenez l'ESB et la mettez dans le sol, y reste-t-elle? Si vous prenez une vache atteinte de cette maladie et l'enterrez, l'ESB y serait stable pendant un certain temps.
Des mesures sont prises pour tenter de réduire la concentration de l'agent infectieux.
M. Hoeppner: Oui, mais combien d'animaux sont morts et ont probablement été enterrés sans incinération ni autre mesure du genre?
M. Rogers: En Grande-Bretagne?
M. Hoeppner: Oui.
M. Rogers: Je n'en ai pas la moindre idée.
M. Olson: Les Britanniques incinéraient et...
M. Hoeppner: Je sais. Lorsqu'un animal meurt dans une ferme, la maladie s'en va avec l'animal lorsque celui-ci est enterré dans le sol.
M. Olson: Le prion ou l'agent infectieux dans ce cas-ci semble très stable. Il en faut une assez bonne quantité pour créer une situation infectieuse.
Je pense que vous faites une comparaison avec une autre maladie bactérienne, l'anthrax, une bactérie sporulée qui peut rester sur le sol pendant très longtemps. Je pense qu'il s'agit de deux situations bien différentes.
Les prions finissent par éclater avec le temps. Ils sont très stables et vivent très longtemps. Quant à savoir s'ils contaminent des régions importantes du Royaume-Uni au point de causer une infection, je ne sais pas si des preuves le démontrent. M. Rogers le sait peut-être.
M. Rogers: La seule comparaison que je peux vous donner est que nous avons fait des recherches sur la tremblante du mouton au Canada et que d'autres ont fait eux aussi des recherches sur cette maladie, qui est aussi une maladie à prions assez stables. Des mesures de lutte contre la maladie ont été prises. On décime un troupeau, mais si on ne prend pas d'autres précautions, comme nettoyer, désinfecter et enlever le fumier, avant de reconstituer le troupeau, la maladie peut peut-être revenir.
Je suis désolé, mais je ne suis pas tout à fait clair. J'essaie de vous faire comprendre que si l'on ne prend qu'une mesure... D'après notre expérience, on peut éradiquer la tremblante du mouton en prenant toutes ces précautions et la maladie ne revient pas même si les animaux ont été enterrés. Je n'ai peut-être pas été très clair à ce sujet.
[Français]
M. Chrétien: Le Dr Olson et ses collègues parlent, en tout cas selon la traduction, d'un prion. Je ne comprends pas. Est-ce qu'il s'agit de la bactérie transmissible?
[Traduction]
Le président: Monsieur Olson, pouvez-vous expliquer ce qu'est un prion?
M. Olson: C'est une protéine capable de créer l'infection. Ce n'est pas une bactérie et ce n'est pas un virus. On le supposait depuis une vingtaine d'années, mais ce n'est que ces dernières années que l'agent a été identifié. On sait très peu de choses du prion, mais il semble être le facteur commun dans une série de ces encéphalopathies spongiformes.
C'est une protéine. Si je comprends bien, elle semble liée à la membrane des cellules dans les tissus mammaliens. Elle peut provoquer le genre de problèmes que nous constatons par des moyens qui ne sont peut-être pas ceux que nous associons normalement aux bactéries ou aux virus.
Le président: Monsieur McKinnon.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Messieurs, je pense que M. Clarke a fait cette remarque... et encore une fois, elle est hors contexte, alors je vous laisse une certaine latitude dans votre réponse.
En ce qui concerne les deux formes de vies, les bovins et nous-mêmes, il y a une foule d'hypothèses. Vous avez indiqué que nous sommes encore en train d'essayer de les démontrer. J'aimerais connaître quelques-unes des autres hypothèses, le cas échéant, qui ont été évoquées dans ce débat?
M. Clarke: J'essayais de faire valoir que l'hypothèse la plus répandue sur le lien entre la tremblante du mouton, qui existe depuis environ 200 ans, et l'ESB en Grande-Bretagne, qui a été diagnostiquée en 1986 et qui pourrait remonter à 1983, est que le prion de la tremblante du mouton s'est transformé et est devenu une maladie des bovins. Les autres théories sont que les maladies à prions se manifestent naturellement à des niveaux très bas, un sur un million ou plus, et qu'elles frappent d'autres mammifères. Il y a aussi la MCJ chez les humains. On l'a aussi trouvée chez d'autres mammifères. Il y a donc une théorie selon laquelle ces maladies se manifestent peut-être naturellement à des niveaux extrêmement bas mais que l'ESB a été accentuée parce que les animaux ont mangé des aliments contaminés, à cause du recyclage, etc. C'est ce qui aurait provoqué l'explosion de cette maladie...
M. McKinnon: La chaîne alimentaire.
M. Clarke: Oui... qui aurait pu naître tout à fait par elle- même, avec le temps.
M. Reed (Halton - Peel): Pouvez-vous commenter l'incidence des décès dus à la MCJ au Canada?
M. Hockin: Au Canada, il y a tous les ans de 20 à 35 décès dus à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, ce qui correspond à environ un pour un million. Nous savons que cette tendance se maintient depuis que nous sommes en mesure de dénombrer ces décès.
L'incidence est identique dans le monde entier. De fait, elle est un peu moins élevée au Royaume-Uni actuellement.
M. Reed: Cela porte un dur coup à la théorie du lien entre l'ESB et la MCJ.
M. Hockin: Le problème c'est que nous ne connaissons pas la cause de la plupart des cas de MCJ. Nous ne savons pas si cette maladie naît spontanément dans les cellules humaines ou s'il y a un stimulant externe quelconque. Nous n'en savons rien.
M. Reed: Faisons-nous manger des dérivés d'origine animale aux bovins actuellement?
M. Olson: Oui, en tant que source de protéines. Il existe diverses sources de protéines. Lorsqu'elles sont équarries dans une usine d'aliments pour animaux, on peut choisir la ration la plus économique. Nous sommes en train d'examiner cette question actuellement.
M. Reed: J'ai travaillé dans ce domaine pendant quelques années. Je ne me souviens pas d'avoir utilisé des dérivés d'origine animale dans la fabrication d'aliments pour les ruminants.
M. Olson: Bien des usines ne le font pas. Ces produits ne sont utilisés que dans certaines situations. C'est une question de coût, selon le type de ration dont a besoin un type d'animaux en particulier. Je ne me souviens pas du pourcentage exact, mais en ce qui concerne les ruminants, la partie des dérivés d'origine animale qui se retrouve à l'équarrissage est faible.
Le président: Madame Ur.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci pour votre exposé très instructif. Je rentre à la maison pour une séance avec la MFA qui durera toute la journée samedi et je suis certaine que cette question sera un sujet brûlant. Vous arrivez à point nommé.
Je suppose que la plupart des craintes relatives à la consommation de viande sont liées à la MCJ. Craint-on uniquement pour la viande? Craint-on aussi une contamination des produits laitiers?
M. Clarke: Il n'y a pas de risque de ce côté. Des recherches poussées ont tenté d'établir un lien possible. C'est une mesure évidente à prendre, parce que les vaches laitières représentent le plus grand risque, à cause de leur longue vie.
Évidemment, les Britanniques ont effectué des recherches poussées sur la transmission possible de cette maladie par les produits laitiers et ils sont arrivés à la conclusion qu'il n'y a pas de danger. Cette conclusion est confirmée par le fait que l'embargo européen n'inclut pas les produits laitiers.
Il n'y a pour ainsi dire aucune indication en ce sens.
Mme Ur: Sans entrer dans une longue discussion sur la santé, quelles conclusions des scientifiques au sujet d'un lien possible avec la santé des êtres humains, pas seulement la santé des animaux, ont soulevé des craintes?
M. Hockin: Les preuves du prétendu lien au Royaume-Uni sont indirectes. Ayant remarqué un certain nombre de cas de MCJ atypiques, et à cause des nombreuses préoccupations publiques et de certaines préoccupations scientifiques au sujet du lien qui pourrait exister entre l'ESB et la santé des êtres humains, ils ont étudié l'épidémie d'ESB et ces dix cas et déclaré que ce lien est possible. Voilà essentiellement la nature de leur déclaration.
Mme Ur: Le nombre élevé de cas en Grande-Bretagne par rapport aux autres pays s'explique-t-il uniquement par la façon de nourrir les animaux? Je crois qu'il n'y a que 150 cas en Europe, comparativement à 1 000 en Grande-Bretagne. Pourquoi la situation est-elle si grave en Grande-Bretagne par rapport aux autres pays?
M. Clarke: Je n'ai pas une réponse complète. Je peux dire simplement que la maladie a commencé en Grande-Bretagne. L'existence d'un problème a été reconnue dans ce pays d'abord, probablement à cause des aliments donnés aux animaux, en ce sens qu'il y a eu une explosion, peut-être par l'entremise d'aliments pour animaux contaminés. C'est ce qui a fait grimper les niveaux en Grande-Bretagne au-dessus de tous ceux qu'on constate ailleurs.
De temps en temps, il y eu ailleurs de rares cas liés à des bovins importés de Grande-Bretagne. Il y a eu dans quatre autres pays des cas spontanés qui pourraient s'être développés pour les mêmes raisons. Je ne sais pas s'il y a des preuves concrètes pour pouvoir prendre une décision ou faire une déclaration à ce sujet.
Mme Ur: La MCJ est-elle toujours mortelle?
M. Hockin: Oui.
[Français]
M. Landry (Lotbinière): Docteur Olson, je suis content que vous soyez ici pour terminer cette discussion et pour nous rassurer. Ma question va aller un plus loin. Votre premier cas a été répertorié en 1993, en Alberta. Cette maladie est-elle exactement la même que celle qui sévit au Royaume-Uni? Deuxièmement, la maladie se transmet-elle de l'animal à l'humain?
Docteur Olson, je voudrais savoir si un homme ayant contracté cette maladie pourrait la transmettre par une transfusion sanguine.
Personnellement, c'est la première fois que j'entends dire que ce n'est ni une bactérie ni un virus, mais seulement une protéine. Comment se fait-il que la science, si avancée aujourd'hui, ne puisse déceler quelle protéine il faudrait retirer? Ce sont mes deux questions.
[Traduction]
M. Olson: Je demanderai à M. Hockin de répondre à la deuxième question.
Quant à la première, si j'ai bien compris, je pense que cela fait partie intégrante du processus canadien de surveillance de la santé des animaux. Si je comprends bien le premier cas découvert, l'éleveur lui-même s'est inquiété de l'état de santé de la bête. Il a déterminé qu'elle était peut-être porteuse de l'ESB. Il a appelé son vétérinaire, qui a fait venir un vétérinaire du gouvernement de l'Alberta, qui nous a présenté le cas.
Cela démontre la qualité de l'information qui a été échangée entre le vétérinaire, le gouvernement provincial et nous-mêmes pour identifier ce premier cas. Évidemment, l'éleveur lui-même connaissait très bien les symptômes.
Soit dit en passant, lorsque nous avons pu mettre la main sur les tissus cérébraux pour en effectuer un premier examen, nous en avons envoyé immédiatement une partie au Royaume-Uni, si je me souviens bien, monsieur Rogers...
M. Rogers: C'est exact.
M. Olson: ... pour leur demander de les examiner et de confirmer le diagnostic.
C'est ce qui a déclenché la série de mesures ayant abouti à la confiscation du troupeau et de tous les animaux qui étaient arrivés au Canada auparavant... En quelques jours, nous avons pu identifier tous les animaux, ce qui est crucial du point de vue de la recherche des origines.
J'espère que cela répond à votre première question. M. Hockin répondra à la seconde, sur la MCJ.
M. Hockin: Comme vous le savez, la question des maladies du sang et des maladies infectieuses est étudiée au cours de l'enquête menée par M. Krever, mais je pense pouvoir répondre à la question en disant que même s'il n'y a pas de preuve que le sang peut transmettre la maladie de Creutzfeldt-Jakob d'une personne à l'autre, il s'agit certainement d'un domaine d'intérêt, qui fait l'objet d'études, non seulement au Canada mais aussi dans le monde entier. Nous savons que la Croix-Rouge se préoccupe assez de la question pour prendre des mesures afin d'éviter que cela ne se produise.
En ce qui concerne la capacité de dépister l'agent de la maladie chez l'homme - et je crois que cela s'applique aussi aux maladies animales - aucune analyse ne peut être effectuée. Le diagnostic de la maladie chez l'être humain est porté après examen du cerveau après le décès.
[Français]
M. Landry: Monsieur le président, on répond à ma question sur la transmission par le sang en me disant qu'il y a la Commission Krever et la Croix-Rouge, mais pour rassurer les membres du comité, les chercheurs, en particulier ceux qui sont dans le domaine de l'agroalimentaire, pourraient établir des contacts et nous revenir avec une réponse claire à savoir si la maladie est transmissible de l'animal à l'humain, et ensuite nous dire ce qui peut se passer au niveau sanguin. C'est ce que je voudrais savoir car je voudrais être rassuré sur cette question. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Pouvez-vous fournir d'autres éclaircissements?
M. Hockin: Je ne le crois pas. Je le répète, des chercheurs de notre ministère entreprennent des études sur le sang. Je ne suis pas en mesure de répondre de manière plus détaillée, mais d'autres membres de notre ministère le peuvent.
Le président: Le temps file. Nous savions que vous viendriez avec cette équipe, monsieur Olson. Je vais faire une proposition aux membres avant de poursuivre.
Un autre sujet a attiré l'attention au début de la semaine et je pense qu'il serait utile queM. Olson, ainsi que l'équipe qui l'accompagne ce matin, nous donne son point de vue ce matin. Nous pourrions nous contenter d'entendre ses remarques et reporter les questions à plus tard. Il s'agit du parc national Wood Buffalo. Si nous commençons à poser des questions, nous serons ici probablement jusqu'à 11 h.
Si le comité le souhaite, nous procéderons ainsi. Ou nous pouvons entendre les remarques à ce sujet après deux ou trois questions rapides, puis demander à M. Olson de faire sa déclaration au sujet du recouvrement des coûts. Nous pourrions alors y réfléchir et être prêts lorsqu'il reviendra témoigner à nouveau dans un proche avenir. Pensez-y un instant.
Monsieur Calder.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Je veux revenir à la question des pâturages, abordée par Jake. Si je comprends bien, ce sont essentiellement les prions qui sont porteurs de l'ESB. Je crois comprendre que le prion se transmet d'un bovin à un autre par la nourriture. Dans ce cas, le prion doit être présent dans les excréments. Nous nous en servons comme engrais, donc il serait aussi épandu sur les pâturages. Quelles sont les conditions nécessaires pour que le prion reste en état de dormance, combien de temps et quelle température seraient nécessaires pour détruire un prion dans le processus d'équarrissage, par exemple?
M. Clarke: Dans un rapport publié l'an dernier, l'Organisation mondiale de la santé répartissait les tissus des bovins atteints de la maladie de la vache folle selon diverses catégories de risque. Les tissus nerveux présentent le risque le plus élevé. Viennent ensuite le thymus, la rate - certains organes. La troisième catégorie comprend les autres organes. La quatrième, celle qui ne présente aucun risque, comprend les excréments, le lait, etc. Je dirais donc que, du point de vue du risque d'infection, d'après les résultats de ce rapport et de la recherche qui a abouti à ce rapport, l'hypothèse que les excréments sur les pâturages présentent des risques n'est pas fondée.
En Grande-Bretagne, les bovins atteints de l'ESB sont normalement brûlés, incinérés. Normalement, tout comme pour n'importe quelle maladie animale, on incinère la carcasse ou on l'enterre en profondeur à un endroit où elle ne contaminera pas l'eau potable. À ma connaissance, l'incinération est la méthode de prédilection pour cette maladie en Grande-Bretagne.
M. Calder: Dans cette veine, alors, on a déclaré chez nous qu'il y a un stade de dormance dans le bétail pouvant atteindre ce cinq à dix ans. Si des bovins sont décédés des suites d'une autre maladie, alors je reviens à ma question de la température nécessaire pour détruire le prion dans le processus d'équarrissage.
M. Clarke: Les recommandations de l'Union européenne au sujet de l'ESB et de l'équarrissage sont que la température atteigne environ 133 degrés Celsius et une pression de 3 bars durant 20 minutes. Des recherches récentes ont été effectuées à des températures de cet ordre.
Ce n'est pas seulement une question de température. C'est aussi une question de temps et de conditions.
Les recherches récentes sur les systèmes d'équarrissage dans le monde - et ils sont nombreux - indiquent que certains sont assez efficaces et d'autres pas trop. Mais les prions sont extrêmement résistants à la chaleur et il est difficile de garantir que tous les prions sont détruits.
En ce sens, l'efficacité des systèmes d'équarrissage dépend non seulement de la température, qui est un moyen de détruire l'organisme, mais aussi du facteur de dilution dans le tissu, parce que, comme l'a indiqué M. Olson, il faut un certain niveau d'infection pour déclencher la maladie. Ce sont donc tous ces facteurs mis ensemble qui rendent un système relativement sûr.
M. Calder: Quel serait le taux d'efficacité du système britannique?
M. Clarke: Il y a des indications selon lesquelles, depuis la révision des procédures d'équarrissage... Après la période comprise entre 1986 et 1989, lorsqu'ils se sont rendu compte qu'il y avait un problème, ils ont modifié leurs procédés d'équarrissage et le niveau de contagion, le nombre de cas a commencé à diminuer de nouveau. Alors il faudrait supposer - même s'il n'y a encore pas assez de connaissances pour être précis à ce sujet - que ces mesures ont eu des effets. C'est l'une des raisons qui semblait justifier l'hypothèse qu'une lacune du système d'équarrissage, la modification des procédures, avant cette date aurait pu provoquer cette explosion.
Là encore, il y a suffisamment de questions sans réponses pour que nous ne puissions pas affirmer catégoriquement que c'est le cas.
M. Hermanson: Quand on voit des images de vaches folles à la télévision, on a presque l'impression qu'elles ont la rage. Si un bon éleveur pensait qu'une de ses bêtes est atteinte de la rage, il appellerait le vétérinaire pour faire un examen. Mais je crois qu'ils n'y sont pas obligés.
Se peut-il qu'une vache meure de la maladie de la vache folle mais qu'on suppose que c'était la rage et que personne n'en sache rien? La rage est beaucoup plus fréquente que la maladie de la vache folle et pourrait ne pas être déclarée.
M. Rogers: Pour répondre à votre question, je suppose que rien n'est impossible.
M. Hermanson: Les animaux exotiques, comme les lamas et les alpagas peuvent-ils contracter cette maladie et est-ce quelque chose que vous surveillez, comme vous le faites pour les bovins et les ovins, ou n'y a-t-il aucun rapport?
M. Rogers: Jusqu'ici, les espèces animales en cause comprennent certains ruminants exotiques et certains grands félins des zoos.
M. Hermanson: Des félins?
M. Rogers: De grands félins dans les zoos.
M. Hermanson: Ils peuvent être affectés par ce prion?
M. Rogers: Oui, les grands félins.
M. Reed: Le prion de l'ESB et de la tremblante du mouton est- il relié à certaines races en particulier?
M. Olson: Comme nous l'avons déjà indiqué, l'une des hypothèses est que le prion de la tremblante du mouton s'est transformé en une version bovine. Là encore, il s'agit d'hypothèses au sujet de ce prion. D'un autre côté, comme l'a indiqué M. Clarke, il y a aussi l'hypothèse qu'il s'agit peut-être d'un phénomène naturel dans la population qu'un facteur externe a déclenché.
Je ne pense pas que ce type d'information soit connu pour le moment.
M. Clarke: Toute l'argumentation repose sur la question de savoir si ces prions peuvent se transmettre d'une espèce à une autre. La MCJ, l'ESB et la tremblante du mouton sont des maladies qui affectent des espèces mammifères en particulier: la tremblante du mouton, le mouton; l'ESB, les bovins; et la MCJ, les humains. Que le prion de la tremblante du mouton se soit muté dans l'ESB, c'est une hypothèse, mais qu'il s'agisse d'un prion de la tremblante du mouton en soi, sans mutation - la réponse à ce jour est négative.
Le président: Je veux remercier M. Olson, M. Clarke, M. Hockin et M. Rogers d'avoir informé le comité ce matin et d'avoir répondu à nos questions. Ils nous ont renseignés mais ont aussi répondu à certaines questions que se pose le public en général à ce sujet.
Une fois de plus, je souligne un fait qui a été mis en évidence par plusieurs membres et parM. Olson, soit le rôle très responsable que tout le monde a joué dans cette affaire: les médias, les députés, les fonctionnaires, l'industrie de l'élevage des bovins et toute l'industrie du boeuf. Nous pouvons tous penser à certains moments que nous sommes trop réglementés dans certains domaines et qu'il y a trop d'inspections, mais des situations comme celle-ci nous démontrent avec le recul que, la plupart du temps, on ne saurait être trop prudent, même si sur le coup les mesures... Et un député ici présent ce matin a indiqué que les émotions entrent parfois en jeu et nous nous sommes demandés si c'était bien ou non.
Une fois de plus, nous avons fait comprendre à l'industrie canadienne et surtout aux consommateurs canadiens, qu'avec l'équipe que nous avons collectivement - cela inclut tout le monde, parce que, comme l'a souligné M. Olson, bien des gens ont apporté leur contribution - nous avons l'un des meilleurs systèmes d'inspection des aliments au monde, et j'irai même jusqu'à déclarer publiquement que nous avons le meilleur système. Les consommateurs canadiens le reconnaissent et nous ferons tout ce que nous pouvons collectivement pour maintenir ce haut calibre de l'inspection des aliments et donc de l'innocuité des aliments pour nos consommateurs.
Merci beaucoup, messieurs.
Je présente mes excuses aux autres fonctionnaires qui sont venus ici ce matin. Je ne savais pas combien de temps durerait cette discussion. J'espère que tout le monde conviendra que c'est du temps bien employé.
Je demanderai à M. Olson de présenter de brèves remarques. Si les partis politiques ont une question sur ce sujet, ils pourront la poser. J'espère que l'information qu'il nous donnera maintenant suffira pour nous renseigner sur la situation du parc national Wood Buffalo. La question a été soulevée au début de la semaine et je pense que nous avons besoin d'information et d'éclaircissements à ce sujet.
M. Olson: Vous avez parlé de l'industrie du boeuf. Je dirais qu'il s'agit de toute l'industrie du bétail.
Quand nous avons établi l'indemnisation relative aux bêtes que nous avons dû abattre pour diverses raisons, nous avons travaillé avec l'industrie pour en déterminer les niveaux. Je pense que tout le monde a convenu que les niveaux d'indemnisation étaient suffisants pour 95 p. 100 des bêtes qui relevaient de la Loi sur la santé des animaux. C'est l'autre 5 p. 100 qui s'est retrouvé dans le filet avec l'ESB. L'industrie a fourni sa propre indemnisation en plus de celle du gouvernement, afin de permettre le recouvrement d'une partie des pertes que subissaient les éleveurs par suite de ce programme de lutte contre la maladie. C'était donc un effort collectif dans l'ensemble de l'industrie, un effort dont le Canada peut aussi être fier, me semble-t-il.
En ce qui concerne le parc national Buffalo, au début de la décennie on s'est beaucoup inquiété des risques de tuberculose et peut-être de brucellose dans les bisons qui se trouvaient dans le parc, et certains ont craint que la tuberculose ou la brucellose ne puisse se répandre chez les bovins du pays, parce que le bison est un animal errant ou peut-être infecter des hardes de bisons en santé dans le nord de l'Alberta et aux Territoires du Nord-Ouest. C'est un débat assez important, parce que ceux d'entre vous qui ont travaillé avec des bisons savent qu'on peut les rassembler aussi facilement que les autruches, autrement dit, ils ont tendance à ne pas trop collaborer. L'idée de devoir rassembler des milliers de bêtes pour les examiner dans une région boisée et marécageuse comme le parc national Wood Buffalo semblait une tâche colossale, c'est le moins qu'on puisse dire.
Je me souviens qu'à un moment donné quelqu'un a demandé s'il était possible d'ériger une clôture tout autour du parc. Je ne sais pas comment s'appelait ce fabricant de clôtures, mais l'idée que des milles et des milles de clôture soient érigés, en supposant que les bisons auraient tendance à s'y précipiter directement, ne réglait pas mes problèmes.
Une série d'études a été faite. L'une des propositions consistait à abattre tous les bisons du parc national Wood Buffalo pour cause de maladie. Il y a eu de vastes consultations avec la population autochtone de cette région de l'Alberta, de la Saskatchewan et des Territoires du Nord-Ouest, et tous ont pris de plus en plus conscience du niveau d'infection des hardes.
On a finalement décidé il y a quelques années de mettre en place un programme de gestion provisoire quinquennal afin de protéger les bisons dans ce parc et d'empêcher que la tuberculose et la brucellose ne se répandent grâce à un programme de surveillance. Le ministère de l'Agriculture dépense environ un demi-million de dollars par année pour surveiller les enceintes de mise aux enchères du nord de l'Alberta et effectuer constamment des épreuves de dépistage de la tuberculose. Nous maintiendrons une zone sans bison, entre le parc et la Réserve de bisons Mackenzie.
Je sais que le ministère des Ressources renouvelables des Territoires du Nord-Ouest préférait un programme d'éradication de la maladie plus actif, mais nous continuerons de surveiller la maladie. Il s'agit d'une intervention importante et, du point de vue de la gestion pratique, un problème très difficile à régler. À mon avis, nous avons la situation bien en main et il n'y a pas de problème important actuellement, mais nous continuerons de surveiller la situation.
Le président: Les éleveurs canadiens ont-ils participé aux consultations et aux discussions qui ont abouti à la décision de mettre en oeuvre ce programme quinquennal?
M. Olson: Oui, tout comme le gouvernement de l'Alberta.
Le président: Et ils vous ont appuyé à la fin?
M. Olson: C'est ce que je crois comprendre. Je dirai ceci. Ils ont compris la complexité de la question. C'est évident qu'ils préféreraient qu'aucune maladie n'affecte ces bêtes. Mais compte tenu des contraintes réelles de la lutte contre la maladie, c'était une solution efficace à ce moment-là et je pense qu'elle l'est encore.
Le président: Monsieur Landry.
[Français]
M. Landry: Je vous remercie, monsieur Olson, de l'information que vous nous avez transmise ce matin.
Quand j'étais petit et que je me réveillais de mauvaise humeur, mon père me demandait souvent si j'avais mangé de la vache enragée. Je crois que mon père était un visionnaire.
[Traduction]
Une voix: Alors, quelle est la réponse?
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Landry: Docteur Olson, pouvez-vous m'assurer qu'il n'y aura pas de relâchement au niveau des inspections des animaux de la ferme, des abattoirs, ou ailleurs?
J'aimerais aussi, docteur Olson, que vous puissiez me donner une réponse, dans quelques mois, à la question que je vous ai posée tout à l'heure. Merci.
[Traduction]
M. Olson: Au fond, nous avons l'intention de continuer d'assumer nos responsabilités en matière de santé et de sécurité dans la chaîne alimentaire agricole et dans les autres domaines que nous touchons. Cela ne veut pas dire que nous n'encouragerons pas une évolution rapide des services d'inspection que nous fournissons.
Jusqu'ici, les services d'inspection canadiens ont été visuels. Nous sentons le besoin de nous orienter vers des systèmes, vers une gestion de la qualité, qui reposent sur les analyses microbiennes et chimiques. Cette réorientation nous permettra d'atteindre l'objectif que j'ai mentionné.
Nous donnons suite également à la proposition de nos pendants à Santé Canada et Pêches et Océans d'éliminer les chevauchements qui existent entre les trois ministères fédéraux chargés de l'inspection. J'espère que ce processus nous permettra d'augmenter l'innocuité des produits alimentaires au Canada.
M. Hermanson: Mon collègue de Yellowhead veut que je vous parle de la situation au parc Wood Buffalo. Je lui ai dit que vous seriez ici durant deux jours, alors je suppose que vous reviendrez. Il devait prendre un avion ce matin. Je sais que cela le préoccupe beaucoup.
Certains éleveurs de bisons de ma circonscription affirment que ces animaux sont plus faciles à contenir que les bovins. Cela ne concorde peut-être pas tout à fait avec l'information que vous nous avez donnée. Il vaudrait peut-être mieux que nous attendions le retour de M. Breitkreuz pour discuter davantage de cette question.
Le président: D'accord, et je suis convaincu que vous pouvez dire à M. Breitkreuz queM. Olson et son personnel seront ravis d'en discuter avec lui n'importe quand, qu'il soit ici ou non.
M. McKinnon: Puis-je pousser vos remarques un peu plus loin, monsieur Olson? Avez-vous les mêmes préoccupations au sujet de l'élevage du cerf ou de l'élan, ou s'agit-il de deux problèmes de santé bien différents?
M. Olson: Je pense que chaque espèce a ses propres problèmes de santé. Comme vous le savez, il y a quelques années, nous nous sommes beaucoup inquiétés à propos de cerfs communs qui avaient été importés au pays et qui ont malheureusement apporté au pays une maladie, une petite douve du foie qui nous a obligés à abattre les animaux importés. Heureusement, ils étaient en quarantaine à ce moment-là.
Nous avons eu des problèmes avec des élans importés des États- Unis qui ont apporté la tuberculose au Canada. C'était un grave problème dans l'Ouest canadien il y a quelques années. La gestion est identique à celle de nos troupeaux de bétail. D'ailleurs, nous traitons le gibier d'élevage comme s'il faisait partie de notre cheptel national.
Le président: Je ne pense pas que nous demanderons à M. Olson de commencer sa déclaration sur le recouvrement des coûts. La salle est à notre disposition pour six minutes encore.
Encore une fois, je présente mes excuses à l'autre partie de son équipe qui est venue ce matin. Je vous promets que nous vous inviterons à nouveau. Nous aimons votre compagnie et nous avons hâte de vous voir jouer un rôle plus important dans nos discussions.
Chers membres du comité, le comité de direction s'est réuni hier. Nous n'avons pas l'ordre du jour imprimé pour pouvoir en discuter en comité plénier, mais je peux vous assurer que le comité de direction a tenté d'intégrer tous les sujets. Nous savons que, dans le dernier ordre du jour, nous avons approuvé une séance sur l'industrie laitière. Nous en avons approuvé une sur les wagons- trémies.
Naturellement, nous rencontrerons à nouveau l'équipe de M. Olson pour discuter du budget des dépenses, ainsi que d'autres membres du personnel du ministère de l'Agriculture et de l'Agro- alimentaire.
Nous aurons donc cet ordre du jour officiel.
Pour donner au public une indication de ce que fera le comité et de ce qu'il a l'intention de faire, le comité de direction a discuté hier d'un ordre du jour très chargé d'ici la fin de juin. Une partie devra sans doute être reportée au début de la session d'automne. Au cas où des citoyens voudraient suivre ces travaux, nous publierons un bref communiqué à cet effet.
Il y a un problème budgétaire - je ne le dis pas de façon alarmante - que nous avons demandé au greffier de régler avec le comité de liaison. Je suppose que nous devrons en discuter dès notre retour après le congé de mars.
Encore une fois, je remercie tous ceux qui sont venus ce matin. Les députés auront ce que tous nos électeurs considèrent comme des vacances, deux semaines loin d'ici, mais nous savons que la réalité est bien différente. Nous ne ferons que travailler ailleurs.
Joyeuses Pâques à tous.
La séance est levée.