[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 avril 1996
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, nous avons quorum. Comme nous l'avons fait hier pour commencer, nous allons utiliser la méthode de la téléconférence. Aujourd'hui, nous allons entendre trois témoins dont l'un sera présent dans cette salle et les deux autres seront en liaison téléphonique avec nous et apparaîtront sur l'écran.
Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas entendu les explications d'hier, je vais les résumer en quelques mots. Nous pouvons voir et entendre les témoins quand ils parlent, et ils peuvent nous voir et nous entendre lorsque nous parlons. La caméra suivra le membre du comité qui a la parole.
Ce matin, nous aurons une téléconférence avec le premier et le troisième témoins. Le deuxième témoin sera dans la salle. Nous allons aborder avec eux la discussion du projet de règlement relatif à la production d'aliments biologiques.
Notre premier témoin est M. David Patriquin, professeur au département de biologie de l'Université Dalhousie. Monsieur Patriquin, soyez le bienvenu. Si vous le voulez bien, parlez-nous un peu de vous-même après quoi, vous pourrez faire votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions et aux commentaires des membres du comité.
M. David Patriquin (département de biologie, Université Dalhousie): Je me réjouis de cette occasion de comparaître devant votre comité. Je suis venu à l'instigation de certains intéressés que le projet de loi inquiète. On m'a donné peu de préavis et, comme c'est l'époque de l'année où je suis le plus occupé, je n'ai pas préparé de mémoire écrit.
Ces questions me préoccupent aussi. J'étudie les systèmes de culture, y compris ceux de culture biologique, depuis 1977. J'ai effectué l'essentiel de mon travail avec des agriculteurs et des groupes d'agriculteurs - avec des producteurs biologiques et des producteurs conventionnels qui voudraient aussi s'orienter dans cette voie, sans nécessairement se consacrer uniquement à la culture biologique. J'ai surtout travaillé en Ontario et dans les trois provinces Maritimes, mais j'ai également coordonné une étude de cas à l'échelle du Canada pour le Conseil des sciences du Canada. Je connais donc assez bien la situation générale.
J'ai appuyé le mouvement en faveur de la certification des produits biologiques dans les Maritimes depuis ses débuts. En 1987, j'ai travaillé bénévolement comme agent de certification à titre de tierce partie, pour aider les membres de ce mouvement à établir leur propre système. Lorsque le système a commencé à fonctionner, j'ai participé à sa mise en oeuvre pendant deux ou trois ans dans les Maritimes et dans le Maine. J'ai donc une connaissance assez détaillée de ces questions.
Si je suis partisan de la certification des produits biologiques en général, c'est parce que j'estime qu'elle offre des avantages considérables. Premièrement, elle a permis d'engager un processus d'éducation des producteurs et des consommateurs. Il existait très peu de principes établis ou de documents sur la culture biologique. Ce processus d'éducation collective a contribué à une amélioration considérable des méthodes de production. Il est en tout cas certain que la certification a joué un rôle dans l'amélioration des produits biologiques.
Deuxièmement, cela a eu un effet presque instantané sur la qualité des produits commercialisés car les aliments de mauvaise qualité ont été éliminés. Alors qu'au départ les produits biologiques primaires étaient au nombre des plus médiocres, ils sont devenus parmi les meilleurs en très peu de temps. Je suis certain que vous vous souvenez du début des années 1980 lorsque les produits biologiques étaient légèrement touchés par des champignons parasites. Aujourd'hui, un des meilleurs arguments en faveur de ces produits est qu'ils sont de très grande qualité. Tout cela est dû en grande partie au processus de certification, car une mauvaise qualité est un des critères d'exclusion.
Troisièmement, et c'était très important, ce système était fondé sur la participation des producteurs, auxquels il offrait la possibilité d'exercer un large contrôle sur leurs activités et sur le cadre dans lequel celles-ci se déroulaient. Dans les régions rurales, ça ne se produisait pas souvent. C'est pour ces raisons que j'ai appuyé le système.
En 1994 j'ai accepté, à la demande du comité, de devenir en quelque sorte le conseiller scientifique du CCCPB. Ce devait être un poste de type universitaire, mais dans la pratique j'étais un des rares à aborder ces questions de manière scientifique. D'une façon générale, j'étais d'accord avec les principes qui semblaient sous-tendre la mission du CCCPB. Malheureusement, ma participation n'a duré qu'une seule réunion.
Ma brève expérience comme membre du CCCPB m'a convaincu que le processus comportait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. Certes, il y avait quelques avantages, mais il y avait suffisamment de problèmes pour que j'estime ne pas pouvoir demeurer membre de ce comité.
Je vais décrire brièvement certains de ces problèmes. Beaucoup d'entre vous en ont déjà entendu parler, mais je voudrais simplement les évoquer à nouveau dans la perspective d'une personne qui a fait partie du CCCPB et qui a participé au processus. Je travaille dans ce domaine depuis les années 1970, j'en sais probablement autant que quiconque dans notre pays et je peux donc me targuer de bien connaître l'ensemble du mouvement.
Premièrement, comme je pense qu'on vous l'a déjà dit, le mouvement continue à connaître de sérieux problèmes en ce qui concerne le processus, car il n'est pas vraiment représentatif des producteurs biologiques.
Le processus n'a pas été particulièrement démocratique ni ouvert. Je crois savoir que les participants éprouvent un certain sentiment de frustration et voudraient faire avancer les choses, mais malheureusement le processus n'a pas été aussi ouvert que nous l'espérions. Dans certaines régions il suscite peu d'appui, comme on vous l'a certainement déjà dit.
Il se passe certaines choses, pour diverses raisons et cela me préoccupe. J'ai l'impression que le but poursuivi est avant tout de vendre plus d'aliments biologiques. La question est assez complexe mais je crains que les gros producteurs n'aient tendance à vouloir éliminer la certification, exigence très importante, qui existait auparavant, ainsi que l'obligation d'une conversion complète.
Lorsque quelqu'un cultive à la fois des produits biologiques et conventionnels, par exemple, pour certifier les produits, nous exigeons encore qu'il nous soumette un plan de conversion complet à réaliser dans des délais déterminés. Je reconnais que dans le cas des cultures fourragères, la certification du bétail n'est pas toujours absolument nécessaire; ce qui compte, c'est la certification des cultures elles-mêmes. Certains des membres les plus puissants du CCCPB exercent de fortes pressions pour qu'on élimine cette contrainte.
Mon objection est que ces personnes sont surtout motivées par le désir de vendre plus d'aliments biologiques. Les transformateurs sont parmi les plus militants. Je n'ai rien contre cela, mais ce qui m'inquiète c'est la combinaison du jeu des intérêts les plus importants et de la loi car cette loi va contraindre beaucoup d'autres producteurs biologiques, pour d'autres raisons, à adopter un système avec lequel ils ne sont probablement pas d'accord. Les tensions actuelles sont dues en grande partie à cette situation.
À mon avis, ce mouvement sera très discriminatoire à l'égard des petits producteurs qui vendent leurs produits sur le marché local, s'il n'y a pas de changement dans le processus proposé. Voilà ce qui m'inquiète. Dans les Maritimes, la plupart des producteurs biologiques alimentent les marchés locaux et non les marchés d'exportation. Le processus semble imposer beaucoup de charges administratives et de coûteuses méthodes de production aux petits producteurs et aux organisations qui s'en tirent fort bien sur le plan local et qui n'ont pas vraiment besoin de se soumettre à ce processus. En fait, ils le subventionnent.
J'estime que le processus répond aux intérêts de ceux qui veulent beaucoup exporter mais qui ne veulent pas assumer tous les coûts du processus. Ils veulent que tout le monde paie pour qu'ils puissent s'offrir le luxe d'exporter. Vous pourrez m'interroger à ce sujet si vous le désirez, mais le problème tient à la combinaison des intérêts des entreprises importantes et de la loi. Je n'ai rien contre les grosses entreprises, mais c'est à elles d'assumer leurs propres responsabilités financières sans obliger tout le monde à jouer exactement le même jeu. Or, c'est précisément ce qui se passe.
Le troisième problème me paraît lié aux dépenses. Le CCCPB s'en est sorti l'an dernier grâce à une importante subvention de la Fondation McConnell. Le comité a en effet très peu d'argent parce que les gros producteurs ne sont guère disposés à lui en fournir. Dire qu'il est financièrement soutenu par l'industrie est donc un peu illusoire. Je le répète, on impose le système aux petits producteurs pour qu'ils aident à payer ce que les gros producteurs devraient verser normalement.
Lorsque je faisais partie du conseil d'administration du CCCPB, j'ai même entendu des gens qui demandaient pourquoi les gros devraient payer. J'ai du mal à accepter cela car je viens d'une région de petites exploitations agricoles où les gens n'ont vraiment pas les moyens d'offrir aux grandes entreprises le luxe d'exporter.
Quatrièmement, ce processus soulève un problème tout à fait concret. La définition directe ou indirecte de l'utilisation du terme «biologique» crée aussitôt un certain nombre de problèmes d'ordre pratique. La définition du terme «biologique» qu'implique la certification n'est pas tout à fait la même que celle de la «culture écologique» ou de la «culture biodynamique», par exemple. Comment régler le problème de chevauchement entre ces diverses définitions?
À mon avis, il n'est pas possible d'imposer par voix législative la définition d'un nom commun. Cela ne vaut même pas la peine d'essayer.
Quelles sont les solutions possibles? Premièrement, j'estime que ce processus législatif est inutile. Selon l'OCIA, il aurait pu être utile il y a trois ou quatre ans, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous pouvons obtenir l'accréditation de la FIMAB ou l'accréditation directe par une tierce partie et je ne vois donc pas du tout la nécessité de ce processus. Nous n'avons pas besoin d'une loi pour servir les intérêts des exportateurs.
Deuxièmement, l'industrie devrait prendre la responsabilité de la protection du consommateur et elle devrait promouvoir ses propres normes, sa propre estampille, comme n'importe quelle autre industrie qui a son estampille d'homologation. Voilà ce qu'il faudrait faire; il faudrait mettre l'accent sur le fait que le produit est «certifié» et pas sur le fait qu'il est «biologique». Autrement dit, le terme «biologique» ne doit pas être défini par la loi.
Franchement, je ne vois pas la nécessité de cette loi. C'est un exercice qui me paraît on ne peut plus bureaucratique, qui ne sert qu'à gaspiller le temps et les émotions d'une foule de gens, sans compter tout l'argent que cela a coûté aux contribuables. Je ne sais pas exactement quels motifs inspirent ce processus, mais il me paraît inutile.
S'il faut vraiment une loi, il faut uniquement définir le mot «certifié», et non le terme «biologique» lui-même. Ses dispositions ne devraient s'appliquer qu'aux exportations à l'étranger et non à l'intérieur du pays.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire. Nous n'avons pas besoin d'une loi qui ne sert que les intérêts des exportateurs. Elle a créé beaucoup de problèmes sur le plan interne; elle a été la cause d'un important gaspillage de temps et d'argent, et je suis convaincu que c'est une façon pour l'industrie d'éluder ses responsabilités. Nous n'en avons pas besoin pour protéger le consommateur. Elle présente d'ailleurs bien des inconvénients.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Patriquin, de votre exposé.
Les membres du comité ont-ils des questions à poser ou des commentaires à faire?
Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos commentaires, monsieur Patriquin. Je crois que nous sommes probablement tous deux issus du même milieu, celui de l'agriculture, et que nous essayons peut-être de nous adapter à la propagation ou à la promotion de la technologie et de la commercialisation.
J'ai reçu de nombreuses lettres de producteurs biologiques dans lesquelles ils déclarent qu'ils seront contraints de payer des services dont ils n'auront en réalité jamais besoin et que cela deviendra si coûteux qu'ils seront probablement contraints de changer de métier. J'ai été frappé par le fait que vous avez dit que le contrôle de la qualité était bon et que les produits biologiques étaient de bonne qualité.
Qui sont les principaux partisans de ce type de loi? La Commission canadienne du blé en fait-elle partie?
M. Patriquin: Je n'en ai aucune preuve directe. Je l'ai entendu dire et c'est donc peut-être vrai mais je ne peux pas me prononcer. Il y a derrière tout cela quelque chose que je ne réussis pas vraiment à comprendre. Le processus reçoit une impulsion de quelque part, et beaucoup de producteurs n'arrivent pas eux-mêmes à comprendre d'où elle vient, que la Commission canadienne du blé en soit responsable ou quelqu'un d'autre, je n'en sais rien.
M. Hoeppner: C'est l'impression que j'ai eue à la lecture des lettres des producteurs biologiques. Leur industrie a démarré modestement mais elle s'est développée et aujourd'hui le contrôle de la qualité y est bon. C'est au niveau de la commercialisation qu'il semble toujours y avoir des obstacles. Ces producteurs ont été contraints de se soumettre aux dispositions d'achat en retour pour pouvoir exporter leurs produits, ce qui, je le sais, a causé bien des difficultés dans les rapports avec les acheteurs des États-Unis. Au lieu d'aider les producteurs à développer cette industrie, cela leur a en réalité toujours coûté très cher. Je partage donc vos inquiétudes.
Je crois qu'il faudrait aller dans le sens d'une déréglementation de l'industrie alors que nous faisons exactement le contraire. Est-ce exact?
M. Patriquin: Oui. Je n'ai absolument aucune objection à ce que les grandes entreprises aient un rôle à jouer dans l'exportation de produits biologiques mais une loi ne me paraît pas nécessaire pour cela. Chaque industrie a ses normes, et c'est une erreur d'utiliser une loi pour les imposer. Il faut tenir compte des intérêts en cause.
M. Hoeppner: Les auteurs de ces lettres me donnent également l'impression qu'ils se sont plus ou moins soumis aux directives européennes en matière de produits biologiques et qu'ils ont fait le nécessaire pour les observer. Est-ce exact?
M. Patriquin: Qu'entendez-vous par «ils»?
M. Hoeppner: Je parle des producteurs canadiens qui exportent sur le marché européen.
M. Patriquin: Oui, le système se développe. Une lettre de l'OCIA à Ann Millar apporte beaucoup d'éléments d'information à ce sujet. L'OCIA déclarait qu'en 1990, les règlements nationaux étaient peut-être considérés dans une perspective différente de celle d'aujourd'hui. La principale raison de craindre la perte des marchés d'exportation au profit de l'Union européenne n'a maintenant plus de raison d'être puisque la Commission européenne a remis en vigueur l'article 11 du règlement 2092/91, qui autorise les États membres de l'UE à reconnaître les équivalents des CB ou des importations. Il s'agit là d'un processus indépendant. Pourquoi aurions-nous donc besoin de ce troisième palier de structures bureaucratiques? Cela va complètement à contre-courant de ce qui semble se passer aujourd'hui.
M. Hoeppner: Pourtant le processus va être totalement financé par les utilisateurs, n'est-ce pas?
M. Patriquin: Eh bien, c'est...
M. Hoeppner: La décision n'a pas encore été prise?
M. Patriquin: S'il doit être financé par les utilisateurs, que ce soient les exportateurs qui s'en chargent. N'imposez pas cette charge aux nombreux petits producteurs des Maritimes, de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs. Laissez donc le soin aux exportateurs de payer. Ce sont eux les bénéficiaires. Laissez l'industrie et les transformateurs s'en charger. Les transformateurs et les distributeurs sont tout à fait prêts à augmenter les exportations, mais ils sont beaucoup moins disposés à appuyer le processus. Laissez-les payer.
M. Hoeppner: Autrement dit, vous voulez dire qu'ils protègent leur portefeuille.
M. Patriquin: Je ne vois pas d'autre raison, étant donné la foule de problèmes qui sont ainsi créés à la base, comme vous l'avez dit vous-même.
Je n'ai jamais tout à fait compris le rôle d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada dans ce processus, et je dois dire qu'après avoir siégé à ce comité, je me pose souvent la question. Quand je faisais partie du comité, j'étais favorablement impressionné par le fait que AAC avait désigné quelqu'un pour traiter de ces questions avec le CCCPB. Cela m'avait paru être une attitude très constructive mais lorsque j'ai vu comment fonctionnait le système j'ai compris qu'il était contrôlé par la représentante d'Agriculture Canada et non par les membres de l'industrie. Cette personne a l'art d'orienter le processus dans le sens qui lui convient. Je voudrais bien savoir quels sont les motifs sous-jacents, car je n'ai pas l'impression qu'il s'agissait uniquement d'aider l'industrie. Il y a une pression très forte qui s'exerce de quelque part. Je ne pense pas que dans cette affaire on joue cartes sur table.
M. Hoeppner: Voulez-vous dire par là, M. Patriquin, qu'il n'y a pas vraiment de synergie entre Agriculture Canada et l'industrie et que le ministère essaie plus ou moins d'imposer ses vues?
M. Patriquin: Ou bien c'est cela, ou bien certains membres de l'industrie ont réussi à convaincre le ministère de pousser dans ce sens. Je ne peux pas vraiment vous dire ce qu'il y a derrière tout cela. Je dis simplement qu'il y a quelque chose d'un peu bizarre dans ce processus. Il ne s'agit en tout cas pas d'un mouvement qui vient de la base.
M. Hoeppner: Les lettres que je reçois me donnent en effet l'impression que ce ne sont pas vraiment les membres de l'industrie qui donnent son impulsion à ce mouvement - qu'il y a certaines manoeuvres dans les coulisses qu'ils n'acceptent pas, qu'ils ne veulent pas accepter, et contre lesquelles ils vont lutter.
M. Patriquin: Cela me semble être le cas. Les choses marchent très bien sans qu'il soit nécessaire d'adopter une loi. Il est plus facile d'agir constructivement en dehors des contraintes d'une loi. Pourquoi donc continue-t-on de la sorte?
M. Hoeppner: Je vous remercie de vos remarques, monsieur Patriquin.
[Français]
Le président: Monsieur Landry.
M. Landry (Lotbinière): Monsieur Patriquin, cela me fait plaisir de vous poser quelques questions. J'ai compris que, depuis 1977, vous êtes dans le domaine de la recherche en biologie. J'aimerais savoir quelles aides techniques et monétaires vous avez reçues.
Deuxièmement, combien y a-t-il de producteurs dans votre province?
Troisièmement, dans votre province, existe-t-il à l'heure actuelle une loi régissant les produits biologiques?
Quatrièmement, depuis quelques années, n'avez-vous pas eu des hauts et des bas, et parfois pas d'aide du tout des gouvernements, autant provincial que fédéral?
[Traduction]
M. Patriquin: En ce qui concerne la première question relative à la technique, je dois vous dire que comme chercheur j'ai connu des moments très difficiles. Il m'est beaucoup plus facile d'obtenir de l'argent pour faire ce genre de recherches en Colombie, au Brésil ou aux Antilles. Il a été très difficile de le faire au Canada. Je suis un chercheur universitaire et, dans mes formules de demande j'ai délibérément utilisé le terme «biologique» parce que j'estimais ne pas avoir à m'excuser de le faire. J'ai donc eu bien des difficultés à cet égard. Sur le plan de la recherche, l'aide des producteurs biologiques déclarés n'a pas été très généreuse au Canada.
Quelle était votre seconde question?
[Français]
M. Landry: Combien y a-t-il de producteurs biologiques dans votre province à l'heure actuelle?
[Traduction]
M. Patriquin: En Nouvelle-Écosse, il n'y a qu'une vingtaine de producteurs en ce moment, mais le gouvernement provincial s'intéresse beaucoup à la question. On constate un changement d'attitude.
En ce moment même, j'aide à organiser une conférence pour l'automne prochain. Elle aura pour thème l'étude des possibilités de production biologique offertes aux agriculteurs des Maritimes. Nous nous attendons à accueillir 200 participants environ. Les responsables locaux se sont montrés très coopératifs. Je crois savoir qu'ils ont récemment fait un sondage qui a montré qu'il existe un énorme marché en puissance dans le nord-est des États-Unis pour les produits primaires biologiques des Maritimes qui ont là-bas la réputation d'être relativement sains, etc.
Des perspectives nouvelles se dessinent donc dans ces provinces et on y montre maintenant beaucoup plus d'intérêt pour la question. Après une profession rapide, la production biologique s'est cependant stabilisée. Il y a certainement beaucoup moins de producteurs qu'au Québec qui est la province où ils sont, je crois, le plus nombreux et où le gouvernement provincial apporte l'aide la plus importante à la recherche. À cet égard, l'effort a été remarquable.
Quant à la Nouvelle-Écosse, comme c'est une question qui n'est pas jugée très importante, le gouvernement provincial ne s'est pas beaucoup occupé de son aspect législatif. Je pense cependant qu'il le fera si la production biologique se développe un peu. À cet égard, l'attitude devient indiscutablement plus réceptive.
Je ne sais pas exactement ce que vous vouliez dire par les hauts et les bas. Parliez-vous de production, d'intérêt ou d'autre chose?
[Français]
M. Landry: Je veux parler avec vous, qui êtes dans ce domaine depuis 1977, du milieu agrobiologique. Je m'étonne que, tout près de 20 ans plus tard, l'agriculture biologique n'ait pas évolué davantage.
[Traduction]
M. Patriquin: Eh bien, lorsque la question a été soulevée, elle a suscité beaucoup d'intérêt, en particulier à cause de certains problèmes environnementaux qui ont soulevé beaucoup de controverses, l'affaire Alar en 1989. En fait, j'avais organisé une conférence nationale à peu près à la même époque. La question des produits biologiques éveillait un intérêt phénoménal. Grâce à la participation du gouvernement nous avons obtenu de l'argent pour organiser les rencontres; en fait, nous avons obtenu tout ce que nous voulions. Tout le monde voulait prendre le train en marche.
Il a fallu moins de deux ans pour que l'industrie chimique lance une offensive soigneusement coordonnée pour discréditer une bonne partie des résultats obtenus, et les effets s'en sont fait sentir. Parallèlement, on s'intéresse de plus en plus à la biotechnologie, et les établissements de recherche classiques préfèrent les études scientifiques de pointe au travail sur le terrain. Ils s'intéressent beaucoup à la biotechnologie, si bien que l'intérêt pour les produits biologiques a beaucoup diminué.
Cependant, ce que je remarque maintenant - et notez bien ce que je vais vous dire - c'est qu'on recommence à s'inquiéter des effets des produits chimiques sur l'environnement. Je constate une augmentation rapide de l'intérêt porté à ces questions. Une foule d'articles sont publiés sur les oestrogènes et sur tout ce qui touche aux maladies de l'environnement. Je constate que la demande d'aliments biologiques émanant de personnes souffrant de ces maladies est importante. Que ce soit vrai ou non peu importe; la demande existe. Selon moi, cela signifie que l'on comprend beaucoup mieux les problèmes scientifiques posés par les pesticides dans l'environnement. Les gens vont réclamer beaucoup plus de produits biologiques. À mon avis, il va y avoir une extraordinaire reprise dans ce domaine.
Je crois que le moment est venu pour le gouvernement et pour certains des représentants d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada de reconnaître qu'il faut faire un peu plus d'efforts pour soutenir la production biologique. C'est d'ailleurs là une question qui est un peu différente de celle dont nous parlons aujourd'hui.
Je dois reconnaître que le système en vigueur au Québec me paraît meilleur. Il est loin de m'être inconnu et je sais comment il fonctionne. Dans ce système, le gouvernement assume 80 p. 100 des coûts engagés par les groupes de producteurs pour recruter du personnel, des économistes entre autres, qui leur fournissent des conseils sur la production biologique. C'est une approche assez large qui est tout à fait pertinente puisqu'elle semble donner d'excellents résultats. Il existe des organisations privées telles que la CDAQ, à Sainte-Élizabeth-de-Warwick, qui collabore très efficacement avec les producteurs laitiers dans ce domaine. Le Québec nous offre de bons modèles.
M. Landry: Merci beaucoup.
M. Patriquin: Ce que je veux dire, c'est que la situation s'est stabilisée mais, je le répète, une forte augmentation de la demande s'annonce à nouveau.
Le président: Merci. Madame Ur.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Patriquin, de la franchise des remarques que vous avez faites ce matin. Cela nous a certainement permis de voir les choses sous un angle différent.
Apparemment, il y a un manque de communication entre les organismes gouvernementaux et une rupture du processus en ce qui concerne la culture de produits biologiques. Peut-être l'information ne circule-t-elle pas à partir de la base. On a l'impression qu'on a lancé un grand coup de filet qui a donné des résultats imprévus, comme vous le dites, et que les petits agriculteurs se trouvent opposés aux gros transformateurs et producteurs qui veulent prendre tout le monde sous leur coupe.
Je crois que c'est l'un des points qui vous préoccupent le plus, n'est-ce pas?
M. Patriquin: Oui. Je suis tout à fait favorable, par exemple, aux agriculteurs des Prairies. Il s'agit d'une agriculture qui continuera, comme elle le fait depuis longtemps, à être axée sur l'exportation, et je voudrais qu'on lui facilite la tâche. Je ne suis pas contre les exportations. Je voudrais simplement que cela ne se fasse pas aux dépens de l'ouest et de l'est de notre pays, où fonctionnent des systèmes légèrement différents. Mais même dans ces provinces, le même genre de controverses existe.
Mme Ur: Actuellement, y a-t-il suffisamment de producteurs biologiques et de terrains consacrés à la culture biologique pour répondre à la demande des marchés d'exportation... La demande est-elle si importante qu'il faille nous placer dans une telle situation pour favoriser les exportations?
M. Patriquin: C'est faisable mais à mon avis, c'est à l'industrie de prendre l'initiative. Je ne pense pas qu'on ait besoin d'une loi pour cela. Vous aurez peut-être besoin d'autres formes de soutien du genre de celui qui est donné à l'agriculture conventionnelle, mais je ne pense vraiment pas qu'une loi soit nécessaire pour cela.
Oui, je crois effectivement qu'il existe des marchés d'exportation importants offrant un potentiel intéressant pour certains des agriculteurs des Prairies et pour les autres.
L'ennui c'est qu'il suffit de quelques grosses exploitations agricoles pour saturer le marché assez rapidement, ce qui fait tomber les prix. C'est ce qui est arrivé il y a cinq ans environ à beaucoup d'agriculteurs des Prairies. Un certain nombre d'entre eux s'étaient lancés dans les cultures biologiques. Au début, la demande était importante et les prix intéressants, mais le marché n'a pas tardé à être saturé. Les ventes ont alors plafonné.
Je le répète, c'est ainsi que se passent les choses. Je m'attends à une nouvelle période d'augmentation. C'est surtout une question d'offre et de demande mais je crois que l'industrie est capable de s'adapter aux exigences du marché.
Mme Ur: Je pense que c'est toujours la même chose, quelle que soit l'activité agricole; le premier à mettre un produit sur le marché s'assure naturellement un avantage sur les autres.
Une autre question...
M. Patriquin: Permettez-moi de vous interrompre. L'autre facteur à considérer est que, même si la demande augmente très rapidement, la production biologique ne croît qu'à un rythme déterminé à cause du temps requis pour la transition, pour apprendre à utiliser des techniques nouvelles, etc.
Contrairement à ce qui se passe dans l'agriculture conventionnelle, vous ne pouvez donc pas saturer le marché du jour au lendemain et vous en retirer aussitôt après. Ou alors, si vous le faites, vous n'utilisez pas un vrai système de production biologique car un tel système doit se développer plus lentement.
Mme Ur: En conclusion, vous avez dit que les consommateurs s'intéressent plus aux produits biologiques lorsqu'il y a une alerte à la pollution par les produits chimiques ou les pesticides. Mais les consommateurs tiennent-ils vraiment compte du fait que la culture biologique présente un certain nombre d'inconvénients et que le travail du sol et la consommation de carburants qu'elle exige la rendent moins écologique qu'ils ne le croient?
M. Patriquin: C'est une de mes réserves à l'égard de ce processus parce que biologique et écologique ne sont pas nécessairement la même chose. L'attitude générale est la suivante: en Nouvelle-Écosse, par exemple, les promoteurs de la production organique sont plus soucieux de pousser les produits locaux que les produits purement biologiques. En Californie, j'achèterais des produits locaux avant d'acheter des produits biologiques. Vous voyez ce que je veux dire?
En un sens, si cette loi est adoptée, elle servira à promouvoir l'achat de produits biologiques californiens au lieu de produits locaux, car elle comporte des dispositions discriminatoires à l'égard des petits producteurs fonctionnant sur le plan local. Et c'est la raison pour laquelle je dis qu'il ne faut pas confondre ce qui est biologique et ce qui est écologique. C'est la raison pour laquelle je suis vraiment hostile à toute mesure qui réglemente, directement ou indirectement, l'utilisation du terme «biologique», car la plupart des producteurs des Maritimes s'intéressent à une production biologique qui est aussi écologique, et non aux marchés d'exportation. Il ne s'agit pas de porter un jugement sur le système; c'est tout simplement une question de liberté de choix.
Mon attitude s'explique aussi par le fait que j'enseigne à l'université et que je vois beaucoup de jeunes qui achètent des produits biologiques parce qu'ils pensent que ces produits sont sains et aussi parce qu'ils veulent soutenir une production qui est à la fois biologique et écologique. Ce facteur supplémentaire est la raison pour laquelle je suis peu favorable à ce qu'il y ait un lien entre la loi et les intérêts des gros producteurs d'aliments biologiques. Cela ne me plaît pas du tout. Laissez donc cette production trouver naturellement sa place sur le marché.
Le président: Monsieur Patriquin, je voudrais une précision: vous venez de dire que vous préféreriez personnellement acheter des produits locaux plutôt que des produits biologiques.
M. Patriquin: Plutôt que des produits biologiques californiens, j'achèterais localement. Prenez les brocolis, par exemple. Je préférerais acheter des brocolis locaux, produits sans un tas de produits chimiques - même avec quelques-uns à la rigueur - plutôt que des brocolis biologiques de Californie. Une personne qui souffre d'une maladie environnementale ne serait peut-être pas du même avis. Peut-être jugerait-elle indispensable de ne consommer que des aliments absolument purs. Pour cette personne, cela prime sur tout le reste. Ce que je veux simplement dire c'est que dans les Maritimes, en dépit du mouvement en faveur des produits biologiques, le sort des agriculteurs locaux est jugé plus important que l'achat à tout prix d'aliments biologiques.
Le président: Je ne vois toujours pas exactement ce que vous voulez dire. Je comprends bien ce préjugé favorable à l'égard des agriculteurs locaux, mais est-ce dû au fait qu'ils utilisent moins de produits chimiques ou parce qu'ils produisent des aliments biologiques? Et s'il s'agit effectivement de produits biologiques, comment le consommateur peut-il connaître les normes auxquelles ils répondent? Répondent-ils à une norme qui... J'ai certainement produit ma part de légumes destinés aussi bien à la transformation qu'aux marchés des primeurs. J'utilisais peut-être moins de produits chimiques qu'un autre. Ce que je ne réussis pas à comprendre c'est comment le consommateur peut le savoir. S'agit-il simplement d'une réaction émotionnelle à l'égard du petit producteur local; et si ce producteur me dit à moi, consommateur, que son produit est biologique, qu'est-ce que cela signifie exactement?
M. Patriquin: Une des raisons pour lesquelles je ne pense pas qu'on ait besoin de réglementer les marchés locaux c'est précisément parce que les consommateurs sont de mieux en mieux informés et posent des questions au sujet des producteurs. Ils vont même leur rendre visite. Ils s'intéressent maintenant de beaucoup plus près à la production locale.
Ce que je veux dire c'est que les consommateurs ont deux critères lorsqu'ils achètent des aliments. L'un est biologique et l'autre est local. Autrement dit, beaucoup de gens, et j'en fais partie... Si j'ai à choisir entre un brocoli produit localement selon des méthodes conventionnelles, pas dans un système vraiment intensif mais avec une utilisation minimum d'herbicides, et un brocoli californien, j'achèterais le produit local parce que je soutiendrais ainsi le système local qui est plus écologique en ce sens que le facteur transport n'entre pas en jeu.
Le président: Vous voulez donc dire que c'est à l'acheteur de faire preuve de prudence, de se renseigner auprès du producteur afin de savoir si...
M. Patriquin: Non, non.
Le président: Je me fais simplement l'avocat du diable. Supposons cependant que je me rende au marché local à Belleville, en Ontario, le samedi matin et que j'y voie un producteur qui annonce que ses produits sont cultivés biologiquement dans son exploitation locale, et qu'à côté, il y en ait un autre qui dit la même chose, puis un troisième. Comment le consommateur que je suis peut-il savoir que le producteur numéro un a utilisé des pulvérisations ou des fongicides à deux reprises, que le producteur numéro deux l'a fait trois fois, et que le dernier ne s'en est pas servi du tout? D'après ce que vous dites, il est impossible de le savoir. Comment le consommateur le saurait-il?
M. Patriquin: Ce que je veux dire c'est qu'il appartient à l'industrie de faire un effort d'éducation et de publicité et de faire preuve de rigueur dans son système. C'est comme pour tout le reste. Vous avez un produit General Electric ou un autre. Par exemple, l'homologation de l'OCIA est reconnue par tous ceux qui ont la moindre notion de la production d'aliments biologiques. Ils savent que si l'homologation de l'OCIA est accordée dans cette région, ils peuvent s'attendre à une certaine norme de qualité. C'est à l'industrie d'éduquer les consommateurs.
Le président: Vous estimez donc qu'il devrait y avoir, quelque part, d'une manière ou d'une autre, un système de certification.
M. Patriquin: Je crois qu'il en faudrait effectivement sur le marché. En Nouvelle-Écosse, par exemple, il y a des producteurs biologiques dont les produits sont certifiés par deux ou trois organisations. Ce sont des gens qui vendent leurs produits sur des marchés relativement éloignés de leurs exploitations. Ils les vendent par exemple dans les supermarchés de Halifax, de Yarmouth, etc.
Ces gens-là sont certifiés par l'OCIA, parce qu'ils sont loin de leurs clients. Je sais que d'autres producteurs biologiques ne vendent qu'aux personnes qu'ils connaissent. Dans ce cas-là, ils n'ont pas besoin de certification et c'est le consommateur qui fait le choix. De plus en plus, les consommateurs sont capables de reconnaître ces différences.
Le président: Bien. Comment le consommateur fait-il la différence entre l'étalage numéro un et l'étalage numéro deux, entre le fermier numéro un, le fermier numéro deux et le fermier numéro trois?
M. Patriquin: C'est à l'industrie d'établir son estampille de qualité, sans recourir à une loi. Elle en est capable. Elle est capable de faire un effort de promotion comme n'importe qui d'autre et de faire reconnaître la qualité de ses produits. Je comprends très bien où vous voulez en venir. En un sens, il serait bon d'avoir une loi. À une certaine époque, j'y croyais vraiment et je crois encore qu'il y aurait des avantages à en tirer. Le problème, c'est qu'une loi présente aussi beaucoup d'inconvénients. Voilà comment je vois les choses.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Monsieur le président, vous m'avez fait rater mon effet. J'aillais aborder cette question du point de vue des consommateurs.
Il se trouve que je vis dans une région qui touche un vaste secteur urbain. Je crains que les consommateurs du centre-ville soient également intéressés à acheter ce qu'ils croient être des aliments biologiques. Mais à l'heure actuelle, ils ne disposent d'aucun moyen d'être sûrs de ce qu'ils achètent et ils sont réduits à se fier à la réputation du commerçant, ou à celle du producteur ou à celle du distributeur pour ensuite remonter au producteur.
J'essaie en fait de voir comment le consommateur qui n'a peut-être pas autant de liens avec les régions rurales que vous ou moi peut tout de même obtenir certaines garanties.
Prof. Patriquin: La garantie de base, c'est celle qu'offrent les systèmes reconnus de certification des produits biologiques. C'est à l'industrie de les mettre sur pied et de les faire connaître. Il faut qu'ils fassent de la publicité et fassent savoir aux consommateurs que, s'ils veulent être sûrs d'acheter un produit certifié de haute qualité, ils doivent acheter des produits biologiques certifiés par le CIA. Énumérez les raisons qui justifient cette affirmation. Éduquez les gens. Pourquoi vouloir traiter les gens comme s'ils étaient des...? Doit-on leur dire qu'il y a une petite étiquette qui garantit tout? Comprenez-vous ce que j'essaie de dire?
M. Reed: Oui.
Prof. Patriquin: Je crois qu'en proposant l'adoption d'une loi, l'industrie ne fait pas son travail. Cela va tout simplement soulever beaucoup de problèmes. Je crois que finalement cela aura pour effet d'affaiblir les normes. Ils seront obligés de rendre les normes moins strictes pour que davantage de producteurs puissent les respecter.
Je ne suis pas très d'accord avec cette façon de faire. Je suis en faveur des aliments certifiés et des organismes qui s'efforcent de faire respecter des normes de qualité mais il faut laisser jouer les forces du marché au lieu de les entraver. Il existe, à l'heure actuelle, d'excellents systèmes reconnus.
M. Reed: J'apprécie beaucoup votre façon de penser. Vous jetez un éclairage sur cette question qui est un peu nouveau pour nous. J'aime beaucoup votre point de vue.
Monsieur le président, vous m'avez volé mon effet. C'est très bien; cela va accélérer les choses. Merci beaucoup, monsieur le professeur.
Le président: Monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz (Yellowhead): Monsieur Patriquin, il est rafraîchissant de voir un universitaire s'opposer au renforcement de l'intervention du gouvernement, parce que c'est habituellement le contraire.
D'après votre expérience et votre connaissance de l'industrie des aliments biologiques, quelles sont les régions où cette industrie est concentrée et quel pourcentage de la production alimentaire canadienne représente le secteur des aliments biologiques?
Prof. Patriquin: Il y a beaucoup d'agriculteurs que j'appellerais des agriculteurs biologiques fonctionnels. Ils ne vendent pas leurs produits sous l'étiquette biologique. Il y a beaucoup de fermes laitières, au Québec, certainement et dans les Maritimes, qui ont des systèmes intégrés. Dans ce genre d'exploitation, la plupart des fonctions sont organiques. C'est avantageux pour eux. Cela leur fait, notamment, épargner de l'argent.
Il y a donc cette catégorie, qu'il est probablement assez difficile de chiffrer. Pour ce qui est de la part de marché des produits biologiques au Canada, je n'ai pas les chiffres les plus récents pour ce qui est des producteurs. Mais ce pourcentage est faible, 2 p. 100 environ. Il est plus élevé dans certaines régions, en particulier, dans certaines parties du Québec.
Il y a beaucoup d'importation au Canada. On importe beaucoup d'aliments biologiques qui pourraient fort bien être produits ici, ce qui est à notre désavantage. Certains de ces aliments coûtent assez cher. C'est un excellent marché potentiel.
Pour ce qui est des régions où ce secteur est plus développé, c'est l'Ontario et le Québec.
Il y a également des zones de gris. Par exemple, il y a la Ecological Farmers Association of Ontario qui regroupe, je crois, près de 800 ou 1 000 agriculteurs. Leurs exploitations ne sont pas nécessairement toutes certifiées biologiques. Une bonne partie de ces gens sont simplement des agriculteurs qui voulaient essayer de travailler, en utilisant un peu moins de produits chimiques. Ils essaient d'utiliser davantage les produits organiques mais ils ne s'adressent pas tous à ce segment du marché. Il y a bon nombre de grandes exploitations familiales qui s'intéressent à l'environnement et essaient de réduire les coûts.
Il y a donc le niveau du marché de détail, mais il y a un nouveau au-dessus de celui-ci qui représente peut-être 5 p. 100 en toutes les fermes. Ce sont ce que j'appelle les exploitations biologiques fonctionnelles. Elles utilisent encore un peu les pesticides mais dans l'ensemble, le cycle des matériaux est de nature organique.
Ces gens ont souvent appris ce genre de chose grâce aux agriculteurs strictement biologiques. Ces agriculteurs ont mis au point un bon nombre de ces techniques et les ont diffusées. Il y a donc beaucoup de gens qui bénéficient de ce processus.
M. Breitkreuz: Monsieur le président, j'aimerais ajouter une observation.
L'hiver dernier, il y avait un savant américain, je crois, qui donnait des conférences au Canada. Il soutenait que ce serait en fait les produits chimiques et les fermes qui les utilisent qui sauveraient l'environnement. Vous souvenez-vous avoir entendu cela? Voulez-vous nous donner votre avis là-dessus?
Prof. Patriquin: Eh bien, j'ai effectivement entendu ces arguments. En fait, c'est un argument assez complexe. Je pourrais dire ceci: ce n'est pas l'agriculture «certifiée biologique» qui va sauver l'environnement; c'est plutôt ce que j'appellerais l'agriculture «biologique fonctionnelle». Les produits chimiques vont sauver l'environnement...
Je crois que l'agriculture va évoluer dans deux directions. Il va y avoir, d'un côté, un système de type haute technologie et biotechnologie, ce qui voudra dire de grandes exploitations qui n'agresseront pas l'environnement. Elles vont produire des aliments relativement sains, en utilisant beaucoup moins de pesticides mais elles ne vont guère améliorer la qualité de l'environnement. Ce seront de grandes exploitations, fortement capitalisées et très sophistiquées.
D'un autre côté, je vois des fermes plus petites avec une production de type biologique et qui n'utiliseront pas beaucoup d'équipement de haute technologie.
Ce qui va disparaître, c'est la ferme familiale qui utilise une technologie à grande échelle dans une exploitation de taille familiale. Ce genre d'exploitation ne sera pas rentable à l'avenir.
Il y aura d'un côté les méga-exploitations qui utiliseront tous les outils techniques modernes, qui sont d'une certaine façon aseptisées et pas dangereuses. Il y aura aussi les autres fermes plus petites, de taille familiale, qui vont être pour la plupart exploitées de façon biologique pour des raisons économiques et parce qu'il y a un marché. Cela me paraît sain. Il y aura certains échanges entre ces deux orientations. Voilà comment je pense que vont évoluer les choses.
Le président: Merci.
Je vais donner la parole à M. McKinnon et nous demanderons ensuite à M. Patriquin de conclure, parce que nous avons deux autres témoins à entendre, mesdames et messieurs.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Bonjour, M. Patriquin. Il me semble que nous avons examiné la question de façon assez détaillée et j'apprécie l'originalité de votre exposé de ce matin.
Les autres témoins nous ont parlé de réglementation et des restrictions que cela imposait. Certains membres de cette industrie, ou des personnes qui s'y intéressent, s'inquiètent des déclarations trompeuses que pourraient faire les personnes qui produisent ce genre d'aliments - c'est-à-dire, lorsqu'il manque des pommes à quelqu'un, on va en chercher chez le voisin, qui fait lui aussi pousser des pommes mais qui ne prétend pas travailler de façon biologique. Pensez-vous que nous devrions faire quelque chose au sujet de ce genre d'affirmations trompeuses, en tant que gouvernement?
Prof. Patriquin: Je crois que c'est à l'industrie de mettre au point des systèmes de certification reconnus et efficaces. Ce sont les systèmes de production mixte - biologique-conventionnelle - qui font problème. Je peux vous dire, pour avoir déjà effectué des inspections de certification, que si j'avais à inspecter une douzaine de fermes parmi lesquelles il y avait une ferme mixte, je passerais 90 p. 100 de mon temps à inspecter la ferme mixte. Il faut examiner toute l'opération en détail parce qu'il est très facile de commettre des erreurs, que ce soit de façon délibérée ou involontaire.
Ce qui m'inquiète un peu, c'est de voir que l'on présente les produits biologiques comme une denrée. On essaie de faciliter le passage de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique et vice versa. Il en résulte que, même si ce domaine était réglementé, il serait difficile d'appliquer la réglementation.
La façon d'éviter cela est d'utiliser un bon système de certification, comme il en existe déjà. Il existe également des systèmes qui ne valent pas grand-chose. Il faut laisser les gens faire la promotion commerciale de ces choses. Je ne pense pas que des dispositions législatives puissent être d'un grand secours ici. Cela va tout simplement bureaucratiser le secteur.
M. McKinnon: Vous avez soulevé le point que d'après vous, les petits producteurs ne font pas beaucoup d'effort pour exporter leurs produits. Ne pensez-vous pas que l'on pourrait faire quelque chose dans ce domaine? On pourrait penser à un organisme qui regrouperait des petits producteurs pour faciliter l'exportation de leurs produits?
Prof. Patriquin: Bien sûr, cela arrive. Je ne me souviens pas du nom de l'organisation mais il y en avait une, il y a 15 ans environ, dans les Cantons de l'Est au Québec. C'est l'organisme Bart Hall-Beyer's. Cela s'est fait sans aucun appui législatif. Ils ont eu recours à la certification de l'OCA. Ils vendaient leurs produits à Montréal. Ils n'étaient pas satisfaits des prix qu'ils obtenaient à Montréal. Ils ont formé un groupe de façon à être en mesure de garantir l'approvisionnement et ont commencé à expédier leurs produits à Boston. Cela s'est fait sans aucune mesure législative.
M. McKinnon: Très bien. Je crois toutefois vous avoir entendu dire que les petits producteurs ne travaillaient jamais pour l'exportation.
Prof. Patriquin: Non, je ne dirais pas cela. Je ne dis pas cela. Cela m'inquiète un peu, comme vous l'avez mentionné, lorsqu'ils se regroupent et ainsi de suite. C'est comme pour tout. Faire un peu d'exportation, pour augmenter les revenus, c'est...
Je n'ai rien contre l'exportation. Et oui, je sais qu'on en fait la promotion. Je crois que c'est ce qui va se produire, par exemple, en Nouvelle-Écosse avec la conférence que nous allons avoir à l'automne qu'on a baptisé «la voie organique». C'est un aspect que nous voulons développer.
Je signale en passant que nous allons inviter à cette conférence des organismes de certification pour qu'ils présentent leurs systèmes et qu'ils essaient de les vendre.
M. McKinnon: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs les membres du comité.
Monsieur Patriquin, je vous invite à conclure si vous le souhaitez.
Prof. Patriquin: Je vous remercie. J'apprécie votre intérêt.
Le président: Nous vous remercions de nous avoir consacré du temps ce matin. Nous trouvons cette méthode fort utile. J'espère qu'elle vous a simplifié les choses.
Prof. Patriquin: Je trouve cela merveilleux. Cela m'a effectivement simplifié la tâche.
Le président: Nous en sommes très fiers. Nous avons prévu tenir quatre réunions de cette façon, ce qui va faire économiser entre 10 000 $ et 14 000 $ aux contribuables.
Prof. Patriquin: Cela est merveilleux, c'est une bonne expérience.
Le président: L'essentiel est que cela ne nuise pas à la communication. Encore une fois, je vous remercie beaucoup et mes meilleurs souhaits vous accompagnent.
Prof. Patriquin: Merci.
Le président: Mesdames et messieurs les membres du comité, notre témoin suivant se trouve dans la salle avec nous, en personne. Je vais demander à M. Bill Reynolds de bien vouloir s'avancer. Il est le directeur exécutif de l'Association canadienne des aliments de santé.
Monsieur Reynolds, vous allez sans doute présenter un exposé après quoi nous passerons aux questions et aux commentaires des membres du comité.
Je dois signaler aux membres du comité que je ne serais peut-être en mesure de donner la parole à chacun des membres. Je ne souhaite pas limiter la discussion mais nous devons respecter un horaire et il ne faut pas oublier que nous devons entendre M. Reynolds et un autre témoin avant, je l'espère, 11 h 15.
Monsieur Reynolds, vous avez la parole.
M. Bill Reynolds (directeur exécutif, Association canadienne des aliments de santé): Je vous remercie beaucoup.
Mon bref exposé va sans doute trop traiter des principes mais je serais très heureux de répondre à vos questions par la suite. Je tiens simplement à vous expliquer ce que nous faisons.
En tant que directeur exécutif de l'Association canadienne des aliments de santé et de vice-président canadien de l'Organic Trade Association, qui est un organisme nord-américain, je tiens à remercier le comité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Il est très important que vous jouiez un rôle actif dans l'élaboration de ces normes et que vous surveilliez ce processus.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, l'Organic Trade Association, qui s'appelait auparavant l'OFPANA ou Organic Food Producers of North America, a été un des premiers à demander l'élaboration de ces normes.
Nous avons travaillé avec l'agriculture. Je ne devrais pas dire «nous», parce qu'à l'époque, je n'étais pas encore membre de l'OFPANA mais je peux vous dire que c'était un mouvement qui avait une base très large. Les producteurs ont beaucoup travaillé à l'élaboration de ces normes, qui sont en fait principalement le fruit de leur travail, de sorte que l'on peut dire que la base a joué un rôle important dans ce domaine depuis le départ.
L'ACAS a suivi de très près ce processus. En fait, nous avons envoyé des représentants dès la mise en oeuvre du PCEPD, le projet canadien d'unification de la production biologique, un partenariat entre producteurs et Agriculture Canada en vue d'examiner toute la question des normes en matière d'agriculture biologique.
Pourquoi ces normes sont-elles importantes? Sur le plan des principes, elles sont importantes parce qu'elles visent à préserver l'intégrité du mot «biologique». Elles garantissent aux consommateurs que l'expression «certifié biologique» ou «biologique canadien» est davantage qu'un simple slogan publicitaire. Ce n'est pas simplement une autre façon de dire «100 p. 100 naturel», comme on le voit de nos jours. Nous avons perdu le mot «naturel».
Au cours des dernières réunions qui ont été tenues au sujet du Codex à Ottawa, Agriculture Canada a fait une dernière tentative pour faire adopter dans le Codex une définition du mot «naturel», les autres pays ont refusé en disant qu'il était impossible de s'entendre à l'heure actuelle sur ce qui est naturel. Cela est regrettable mais c'est un mot qui ne veut plus rien dire, même si on l'utilise encore, comme nous pouvons le constater, dans la publicité. Je n'aimerais pas que le mot «biologique» connaisse le même sort.
Ces normes démontrent que les producteurs biologiques se sont engagés à utiliser une méthode de production alimentaire qui s'harmonise avec les rythmes de la terre. Là encore, c'est une affirmation très philosophique mais elle reflète une croyance très forte. Ces normes délimitent un cadre dans lequel on peut appliquer une méthode d'agriculture durable qui permet aux sols de se reconstituer naturellement. Ces normes reflètent également une nouvelle sensibilité écologique, auquel les intervenants de tout à l'heure ont fait référence, qui nous invite à littéralement prendre soin de la terre et à ne pas nous contenter d'exploiter les richesses que la terre nous offre. Cela veut dire que nous devons viser une agriculture durable. L'agriculture biologique permet d'obtenir ce genre de résultat et constitue ainsi un objectif vers lequel nous devons tendre.
Pourquoi ces normes sont-elles importantes en pratique? Je pense qu'elles permettent aux producteurs canadiens d'occuper un créneau qui renforcerait grandement notre position commerciale en Amérique du Nord, dans notre partenariat nord-américain avec les États-Unis, sans parler du reste du monde. Par exemple, il y a de petites laiteries canadiennes qui s'inquiètent beaucoup de l'effet possible du libre-échange sur leur marché puisque désormais les grandes sociétés laitières américaines peuvent vendre leurs produits au Canada. Je ne vois pas pourquoi l'on ne pourrait pas avoir des petites laiteries biologiques qui produiraient des produits biologiques et qui, en vertu des mêmes mécanismes de libre-échange, pourraient pénétrer cet immense marché, avide d'aliments biologiques et où la demande est très forte - les États-Unis, notre principal partenaire commercial.
Nous avons déjà parlé de la petite ferme familiale; elle a de plus en plus de mal à soutenir la concurrence des grandes sociétés de produits alimentaires ou coopératives agricoles qui vendent des produits conventionnels. Là encore, si l'on vise une production plus restreinte, ce qu'exige presque par nature la méthode biologique, cela donne à la petite ferme familiale la possibilité d'exploiter un créneau avec un produit à valeur ajoutée et de survivre, je pourrais dire, très confortablement.
Par exemple, voyons le cas des produits canadiens vendus au Canada. Dans l'industrie des aliments naturels et des aliments de santé, 70 p. 100 de nos produits environ sont importés des États-Unis pour la simple raison que les produits que souhaitent vendre les magasins d'aliments naturels ne sont pas produits au Canada. Compte tenu du genre d'agriculture que nous avons au Canada, il me paraît regrettable d'avoir à importer autant de produits alimentaires.
Il me semble que si l'on examinait les priorités de façon légèrement différente, on constaterait qu'il y a ici une opportunité commerciale pour les agriculteurs et les conditionneurs d'aliments. Nous travaillons de plus en plus dans un marché mondial. C'est le libre-échange qui nous y amène. Sous certains aspects, que cela nous plaise ou non, c'est ce qui se passe. Nous avons beau résister de toutes nos forces mais c'est bien là que nous allons nous retrouver. En fin de compte, je crois que c'est une excellente chose parce que cela va nous apprendre à nous situer par rapport à la concurrence.
J'ai rencontré il y a une dizaine de jours un représentant d'une des principales sociétés multinationales de produits alimentaires d'Amérique du Nord, qui a acheté récemment une toute petite entreprise qui fabrique des aliments certifiés biologiques pour bébés. Ce n'est pas une grande entreprise, le marché n'est pas très important à l'heure actuelle, mais cette société a vu qu'il y avait de l'avenir dans ce secteur. Elle voulait participer au développement de ce secteur et elle s'est dit qu'elle se mettrait à fabriquer et à vendre, au Canada et aux États-Unis, des aliments certifiés biologiques pour bébés. Quel était le grave problème qui les a amenés à s'adresser à moi? Comment pouvons-nous nous approvisionner au Canada pour ce produit? Nous n'arrivons pas à trouver suffisamment de carottes, de pommes de terre biologiques, sans parler des céréales. Nous voulons nous approvisionner au Canada parce que nous allons fabriquer le produit ici, et le conditionner au Canada pour qu'il soit vendu au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier.
Lorsqu'on voit ce genre d'évolution, je crois qu'en tant que représentants gouvernementaux de l'agriculture canadienne, il faut voir là une opportunité commerciale.
Un autre membre de notre association travaille uniquement pour l'étranger; il vend des produits biologiques sur le marché des aliments de santé et il a été obligé de se rendre en Italie pour y acheter des céréales biologiques en vue de produire des pâtes biologiques, parce qu'il a été incapable de trouver au Canada des céréales biologiques pouvant être utilisées pour fabriquer des pâtes biologiques. Le marché est tellement important qu'il peut se rendre en Italie, y acheter des céréales, les transformer en pâtes, les faire expédier au Canada, et revendre ces pâtes dans les magasins d'aliments de santé et les épiceries tout en faisant un bénéfice.
Je ne peux croire que nous ne soyons pas capables de faire concurrence à ces pays compte tenu de toutes les céréales que l'on produit au Canada; il suffirait d'encourager les exploitations agricoles qui s'intéressent à la méthode biologique et de favoriser le développement de ce genre de marché.
Autre exemple, notre association vient d'achever la première phase d'un projet coopératif très modeste auquel participent des agriculteurs qui s'apprêtent à attaquer le marché mondial et la direction générale de la protection de la santé, et qui consiste à élaborer des monographies botaniques pour les plantes médicinales que l'on peut faire pousser au Canada. Nous venons de présenter les 10 premières monographies. Le but était de concevoir des monographies qui permettraient de commercialiser facilement ces plantes au Canada et bien entendu, Agriculture Canada a compris qu'il y avait beaucoup de producteurs prêts à démarrer immédiatement la production de ces denrées et qu'ils vont obtenir d'excellents rendements en consacrant quelques acres à la production de ces plantes médicinales en vue de l'exportation.
Le Canada est perçu par les autres pays comme ayant de l'eau et de l'air très purs, et nous savons que, par comparaison, c'est vrai, même si nous avons certains problèmes. J'habite tout à côté de la Don River mais je dois vous dire que je ne m'y baigne pas très souvent. Je n'ai pas très envie d'utiliser l'eau qui vient de cette rivière de nos jours.
Il n'empêche qu'au Canada nous avons une excellente qualité de l'air et de l'eau. Si j'étais homme d'affaires et que je voulais vendre un produit biologique canadien, je peux vous dire que cela me plairait beaucoup. Le seul fait de dire que ce produit vient du Canada, en montrant toute la pureté de notre air et de notre eau, me donnerait un avantage commercial naturel sur les autres.
Ce projet de monographie ne touche pas directement l'aspect biologique mais je sais que, si je réussis à convaincre un producteur à faire pousser une plante biologique, sa valeur va augmenter d'au moins 20 à 25 p. 100 par le seul fait que l'on peut accoler le mot «biologique» au nom de cette plante. C'est parce qu'il y a des consommateurs qui veulent avoir ce label; ils veulent être sûrs que c'est biologique. Cela ne vaut pas pour tous les consommateurs mais il y en a un bon pourcentage qui s'intéresse à ce genre de choses, et leur nombre augmente constamment.
Comme je l'ai dit, le Canada a la réputation à l'étranger d'avoir un environnement très propre et je crois que nous, qui voulons encourager nos agriculteurs et nos entreprises, devrions insister sur cet aspect. Cela me paraît constituer une excellente occasion d'aider la petite exploitation familiale. Cela me paraît être le genre de produit à valeur ajoutée que nous devrions encourager. Il serait bon qu'Agriculture Canada fasse tout son possible pour faciliter l'approbation et la mise en oeuvre de ces types de normes. En tant qu'associations, nous appuyons sans réserve ce processus.
J'aimerais faire quelques commentaires sur un autre point. Je peux vous dire que je n'aime pas beaucoup la réglementation. Nous travaillons constamment avec la direction générale de la protection de la santé. J'ai grandi au Montana et ils viennent de supprimer la limite de vitesse; ils n'aiment pas beaucoup les lois dans cette région. Nous ne les aimons pas beaucoup mais je crois qu'il faut examiner ces normes biologiques de la même façon que l'on considère les normes relatives à la méthode de fabrication des produits de consommation.
J'exerce mes activités de lobbying principalement auprès de la direction générale de la protection de la santé et notre rôle dans ce secteur consiste essentiellement à amener nos entreprises à adopter les normes de qualité et d'excellence que souhaite le consommateur. Lorsque nous examinons les normes biologiques, nous constatons qu'il s'agit en fait de saines pratiques de fabrication qui ne sont pas très différentes des normes que les autres directions du gouvernement imposent à d'autres types de production. Je crois que c'est de cette façon qu'il faut considérer ces choses.
Je comprends que les petits producteurs ne souhaitent pas se voir imposer cette réglementation. Ils ont le choix. Ils peuvent vendre tous leurs produits devant chez eux ou au restaurant voisin. Le producteur sait bien que son produit est biologique mais comme on l'a fait remarquer, comment le consommateur peut-il en être sûr? Il ne peut savoir si le produit qui l'intéresse est 100 p. 100 naturel ou biologique; il n'a aucun moyen de le savoir. Dans notre société, et à notre époque, nous n'avons pas le temps de faire de la recherche pour aller acheter directement toutes les carottes que nous mangeons. Nous ne pouvons nous offrir ce luxe. C'est pourquoi je crois qu'il faut penser à des normes biologiques.
J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de la façon dont Agriculture et Agro-alimentaire Canada a procédé dans ce dossier. Je dois admettre, et je crois qu'Ann et Debra Bryanton et un certain nombre d'autres personnes pourront le confirmer, que je n'aime pas du tout l'idée de confier à des tiers le processus de vérification. J'ai réagi assez vivement à cette proposition parce que je voulais que l'on adopte ces normes. Je ne vois pas pourquoi il faut que tout le monde s'en mêle et confier la vérification à des tiers.
J'en apprends de plus en plus sur la récupération des coûts et sur ce que fait le gouvernement. À ce sujet, Ann et Debra, les deux représentantes d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada avec qui j'ai le plus souvent parlé, m'ont expliqué que si nous examinions la possibilité de confier cette tâche à un organisme indépendant, c'est parce que, de cette façon, le coût des inspections serait sensiblement inférieur à ce qu'il serait si on les confiait à l'industrie, Agriculture et Agro-alimentaire Canada n'intervenant qu'en dernier recours pour les personnes qui ne veulent pas harmoniser leur production.
Cela me paraît constituer une mesure positive. Ce n'est pas une mesure facile. C'est une autre façon de gouverner et c'est ce que nous examinons à l'heure actuelle. C'est ce que vit le gouvernement aujourd'hui et c'est un défi auquel vous faites tous face, je le sais. En tant qu'association à but non lucratif, nous ferons tout ce qui est en notre possible pour découvrir de nouvelles façons de gouverner avec vous.
Voilà mes commentaires. J'apprécie beaucoup que vous m'ayez donné l'occasion de vous livrer cet exposé. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Reynolds.
Je vais d'abord donner la parole à M. Reed. Je ne vous retirerais pas les mots de la bouche, monsieur Reed. Je ne voudrais pas abîmer votre effet.
M. Reed: Monsieur le président, vous pouvez aborder n'importe quel sujet quand vous voulez, et c'est ce que vous faites habituellement.
Bien évidemment, la question n'est pas de savoir s'il faut qu'il y ait des normes ou non. Il s'agit plutôt de savoir à qui confier l'élaboration des normes et leur exécution.
Vous avez fort bien présenté la question. Vous avez dit que dans le passé, le gouvernement avait gouverné d'une certaine façon lorsqu'il s'agissait d'appliquer des normes et que le temps est peut-être maintenant venu d'examiner les choses dans une autre perspective. Je fais partie de ceux qui estiment que, lorsqu'il est possible de réglementer une industrie ou une activité de l'intérieur, c'est probablement préférable autant pour l'activité et l'industrie concernée que pour le contribuable. Si le gouvernement devait s'occuper de toute cette question, il est inévitable que cela alourdirait la bureaucratie. Ce n'est pas la tendance du gouvernement à l'heure actuelle.
J'aimerais vous demander de nous dire ce que vous pensez de ces deux possibilités, l'imposition de normes par le gouvernement ou leur élaboration par l'industrie.
M. Reynolds: D'après moi, au Canada, ces normes vont devenir des normes minimales. Elles représenteront des normes en dessous desquelles on ne pourrait qualifier un produit de biologique.
Maintenant le fait d'imposer ou... C'est là le défi - comment concrètement doit-on administrer ces normes. Comme je l'ai dit, la mise sur pied du Conseil consultatif canadien de la production biologique ne s'est pas fait sans peine, mais c'était sans doute la bonne façon de procéder. C'est en fait encourageant. C'est davantage le milieu qui s'autoréglemente, combiné à un organisme de dernier recours. Il n'est pas possible de créer un Conseil consultatif canadien des produits biologiques qui aurait des inspecteurs qui iraient sur le terrain faire respecter les normes; il faut qu'il puisse s'adresser à quelqu'un pour dire l'agriculteur A ne respecte pas les normes et il utilise quand même le mot «biologique». Nous avons besoin d'aide dans ce cas-ci. C'est bien comme ça que se présenteront les choses n'est-ce pas? Cela n'est pas facile.
Je pense qu'Agriculture Canada doit être prêt à le faire; Santé Canada s'occupe de faire adopter de saines méthodes de fabrication et ils doivent être prêts à dire à un fabricant qu'il doit respecter ces normes. Ces personnes peuvent s'occuper de l'aspect administratif, et si elles sont satisfaites de ce qu'elles font, nous le serons aussi, sauf en cas de plainte.
M. Reed: Vous avez fait allusion à des aliments pour bébés qui seraient certifiés biologiques. Ce produit existe à l'heure actuelle et il vient au départ des États-Unis, est-ce bien cela?
M. Reynolds: Oui.
M. Reed: Qui certifie les aliments pour bébés?
M. Reynolds: Dans ce cas-ci, je crois que l'organisme initial était l'OCIA. Ils ont également un autre organisme qui s'appelle FVO, qui veut dire Farm Verified Organic (produits agricoles certifiés biologiques). Il existe une autre association aux États-Unis qui s'appelle Oregon Tilth. Il existe aux États-Unis plusieurs organismes qui n'appliquent pas nécessairement tous les mêmes normes.
M. Reed: C'est ce qui pourrait se produire ici.
M. Reynolds: Oui, c'est une possibilité. Les normes que propose à l'heure actuelle Agriculture Canada et les avant-projets qui ont déjà été publiés constituent des normes assez strictes, je dois le dire. Je crois savoir qu'elles sont très proches des normes OCIA, qui sont des normes raisonnables.
En d'autres termes, il faut prévoir une période de trois ans. Il n'y aura pas d'étape de transition. Vous pouvez appeler vos produits écologiques, vous pouvez dire qu'ils ont été cultivés sans pesticides, mais vous ne pouvez pas les appeler biologiques tant qu'un inspecteur n'aura pas dit dans trois ans, oui les intrants que vous utilisez sont conformes aux normes. Peu importe que l'inspecteur soit reconnu par la FVO ou par la OCIA, parce que tous ces gens savent ce qu'ils font. Il suffit simplement qu'ils connaissent bien les normes canadiennes.
M. Reed: Est-ce que le gouvernement des É.-U. s'occupe de ces normes? Est-ce qu'il appuie ces organisations?
M. Reynolds: Il semble qu'ils ne vont pas se contenter d'appuyer ces organisations mais qu'ils vont leur demander d'établir les normes; elles vont représenter un plafond et non un plancher, si vous me comprenez. Au moins, il ne sera pas possible de dire mon produit est non seulement un produit biologique canadien qui respecte les normes canadiennes mais il est également ceci pour telle raison et il est donc peut-être meilleur. Aux États-Unis, cela ne sera pas permis. Je crois qu'au Canada la question n'est pas encore tranchée mais qu'une personne peut se conformer aux normes canadiennes, tout en respectant d'autres normes plus spécialisées.
Les normes canadiennes visent a) à susciter la confiance des consommateurs et b) à faciliter le commerce. Je ne sais pas si ces objectifs ont été bien choisis mais voilà quelles sont les deux raisons pour lesquelles on apposera sur un produit l'étiquette produit biologique canadien. Le consommateur peut constater lui-même qu'il s'agit d'une norme que tout le monde peut voir. Il n'est pas nécessaire de rechercher un inspecteur OCIA; ils peuvent, en fait, saisir le gouvernement en cas de besoin.
M. Reed: Lorsque vous achetez de l'huile à moteur, il y a une estampille sur laquelle on peut lire «conforme ou supérieur à».
M. Reynolds: Oui, c'est en fait ce que cela voudrait dire. Ce serait, je crois, «est conforme ou supérieur à». On pourrait faire figurer la norme canadienne pour les produits biologiques et je crois que l'on pourrait également mentionner que le produit respecte la norme OCIA. C'est à l'entreprise de prendre ce genre de décision commerciale si elle veut augmenter la valeur de son produit, quelle que soit la norme qu'elle ait à respecter. Il pourrait y avoir deux ou trois étiquettes différentes, pourvu que le produit respecte tous les critères mis en place par ces différents organismes de certification. Si c'est un produit canadien, il faut qu'il soit conforme ou supérieur aux normes biologiques canadiennes. Voilà comment je comprends les choses et je crois en fait que c'est de cette façon que nous devrions procéder au Canada.
M. Reed: Pour ce qui est du marché mondial, il faut penser aux autres normes qu'il faudrait respecter ou dépasser si nous voulons vendre nos produits à l'étranger, parce qu'il n'est pas possible d'ignorer ces contraintes.
M. Reynolds: Tout à fait.
M. Reed: Avec les nouvelles règles du GATT en matière de libre-échange, il faut respecter certaines normes de qualité lorsque l'on importe ou exporte des produits dans un autre pays. Si je vous ai bien compris, vous dites que vous aimeriez que l'on confie à l'industrie le soin d'établir ces normes mais que le gouvernement jouerait un rôle de chien de garde.
M. Reynolds: J'aimerais que le gouvernement joue ce rôle et au cours de l'étape transitoire, j'aimerais même que le gouvernement aide à promouvoir cette nouvelle façon de penser - cette nouvelle façon de gouverner, pour ainsi dire - cela pourrait aller jusqu'à faciliter la mise en route du Conseil consultatif canadien de la production biologique et à essayer d'amener les consommateurs à avoir confiance dans ces produits.
Cela va prendre un certain temps. La plupart des gens qui font partie de cet organisme sont des agriculteurs. Ils n'ont pas beaucoup de ressources financières. Nous faisons ce que nous pouvons, en tant qu'association, pour les aider. Nous leur offrons des salles de réunion dans les foires commerciales que nous organisons. Nous les aidons là où nous le pouvons et lorsque nous le pouvons, mais nous avons également d'autres priorités et nous ne pouvons pas mettre toutes nos énergies dans le secteur des aliments biologiques.
Agriculture Canada a accepté de tenir compte de toutes sortes de considération dans l'élaboration de ce projet de normes. Ses fonctionnaires ont pris grand soin d'éviter de dire: «très bien, les voilà. Lisez ça et tremblez, nous allons embaucher une armée d'inspecteurs et ils vont aller voir tout ça.» Je dois dire qu'il y a deux ans, j'aurais peut-être été plus favorable à ce genre d'attitude, mais pas parce que je voulais une réglementation plus stricte, tout simplement parce que je voulais voir ces normes en place.
Je veux qu'il y ait des normes parce que cela me paraît souhaitable, tant sur le plan des principes qu'en pratique.
M. Reed: Merci.
Merci monsieur le président.
[Français]
Le président: Monsieur Landry.
M. Landry: Monsieur Reynolds, vous êtes directeur de l'Association canadienne des aliments de santé. Depuis que vous êtes là, combien de plaintes avez-vous reçues du public ou d'autres groupes?
Deuxièmement, comment définissez-vous la santé dans votre domaine?
Troisièmement, j'aimerais que vous reveniez sur les coûts des inspections. Vous parliez d'une inspection indépendante et non gouvernementale. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur ce sujet.
[Traduction]
M. Reynolds: Merci.
Pour ce qui est des plaintes, nous n'en recevons pas beaucoup parce que nous sommes une association d'entreprises, et que le public n'a pas directement accès à nous, même s'il y a de plus en plus de fournisseurs qui nous demandent: «Eh bien, qu'est-ce que ça veut dire biologique? Qu'est-ce que vendent ces gens qui prétendent vendre des produits biologiques?» De nos jours, ce n'est pas grand-chose, je dois le dire, mais cela va changer.
Je fais également partie de l'Organic Trade Association, qui a ses bureaux à Springfield au Massachusetts et à qui l'on demande constamment: Qu'est-ce qui est biologique? Qu'est-ce qui est certifié biologique? Aux États-Unis, l'on peut dire que le mouvement biologique est plus avancé qu'ici, non seulement pour ce qui est de l'attitude des consommateurs mais aussi au niveau de la production. C'est pourquoi de nos jours nous ne recevons pas beaucoup de plaintes et on ne nous pose pas beaucoup de questions mais cela arrive de temps en temps.
Un exemple serait l'assemblée qu'a tenue récemment le Conseil consultatif canadien de la production biologique dans le cadre de notre foire commerciale. Le Conseil consultatif canadien de la production biologique avait décidé lors d'une réunion tenue plus tôt un matin qu'il n'allait pas essayer de réglementer le mot «biologique» - il renonçait à faire cet effort. Entre-temps, nous avions parrainé un atelier d'une journée pour les propriétaires de magasins qui vendent des produits biologiques et ces propriétaires demandaient constamment à la personne-ressource de l'atelier: qu'est-ce qui est biologique? Comment savoir si un produit est biologique?
Cette question a pris une telle importance au cours de l'atelier qu'à la fin le présentateur, qui est également membre du Conseil consultatif canadien de la production biologique, est retourné voir ses collègues et leur a dit: «Il faut revoir cette question parce que les gens en bas disent que c'est la grande question - qu'est-ce qui est biologique? - non pas qu'est-ce qui est biologique canadien, non pas qu'est-ce qui est certifié biologique, mais que veut dire le mot «biologique»?
Si cela reflète le moindrement l'intérêt... Ce n'était certainement pas une étude scientifique mais cela reflétait très directement ce qui était souhaité.
Vous voulez une définition de «la santé»? Je préférerais travailler avec l'expression «aliments de santé». D'une façon générale, nous utilisons dans notre association la définition suivante de l'expression «aliments entiers»: des aliments qui sont produits sans que l'on utilise beaucoup de produits chimiques, de pesticides ou d'agents conservateurs; les aliments qui sont, d'une façon générale, moins transformés, en d'autres termes, préparés à la maison, même si nous voyons de plus en plus de produits qui ressemblent beaucoup à ceux que l'on vend dans les magasins conventionnels, de sorte que l'on voit maintenant dans les magasins d'aliments de santé et d'aliments naturels des pâtés chauds de poulet biologiques. Voilà quel serait le sens général de cette expression.
Les aliments de santé peuvent également contenir des suppléments. Notre industrie a beaucoup travaillé dans le domaine des suppléments et en fait, je dirais c'est cet aspect qui a primé pendant un certain nombre d'années. Cette tendance est en train d'évoluer. L'intérêt pour les aliments, pour les aliments entiers et les aliments biologiques se développent de plus en plus. Les consommateurs s'intéressent à ce genre d'aliments et les propriétaires de magasins nous en font part.
Pourriez-vous répéter la troisième partie de votre question?
[Français]
M. Landry: Plus tôt, vous disiez que vous vouliez qu'il y ait un bureau d'inspection indépendant de toute subvention gouvernementale. J'aimerais que vous soyez plus explicite à ce sujet.
[Traduction]
M. Reynolds: Je crois comprendre qu'actuellement, le Conseil consultatif canadien de la production biologique impute au producteur les frais d'inspection, un peu comme ce que font l'OCIA et la FVO.
Autrement dit, si vous voulez qu'un produit soit certifié OCIA, vous appelez le bureau de l'OCIA qui vous envoie un représentant afin de fixer les droits à payer, en général en fonction du chiffre d'affaires brut de votre exploitation. Dans le cas de très petites exploitations agricoles, ces frais sont souvent minimes, mais les producteurs ont sans doute de la difficulté à les payer. Je partage l'avis du témoin précédent.
Pour les grandes exploitations, il y a une société américaine qui commercialise des produits au Canada et aux États-Unis et qui a toujours vendu uniquement des denrées biologiques certifiées. Je sais que les associations, y compris l'OCIA, recueillent des dizaines de milliers de dollars par année grâce à ces droits, simplement pour utiliser le logo de l'OCIA, pour indiquer que les produits sont certifiés par l'OCIA. Pour les exploitations agricoles concernées, ces dizaines de milliers de dollars représentent certainement un excellent investissement.
Quant à ce que nous envisageons au Canada, d'après ce que j'ai pu voir du barème proposé par le CCCPB, qui n'est pas complètement au point, les droits semblent de prime abord très modiques. Évidemment, c'est aussi fonction du volume, et un gros producteur paiera plus, en pourcentage.
Je ne connais pas les chiffres exacts, il est encore trop tôt pour se prononcer. Je ne crois pas que le Conseil consultatif canadien de la production biologique accorde déjà la certification à qui que ce soit. Je ne crois pas que ces droits... Un représentant d'Agriculture Canada serait peut-être mieux au courant que moi des chiffres envisagés. Je ne peux pas m'avancer sur ce terrain pour le moment.
Le président: Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre exposé, monsieur Reynolds.
Au début des années 1950 et 1960, j'étais agriculteur. Je produisais du maïs sucré, des pois et des fèves que je vendais à une usine de transformation. Je me suis toujours émerveillé du contrôle de la qualité assuré par cette usine. Des représentants venaient constamment vérifier la façon dont nous cultivions les produits.
Pour ce qui est de la transformation des produits biologiques pour bébés, croyez-vous que les entreprises de transformation se contenteraient simplement d'acheter un produit certifié par l'OCIA ou par une organisation similaire sur le marché libre? Est-ce qu'au contraire, elles ne préféreraient pas passer elles-mêmes des contrats d'approvisionnement et vérifier elles-mêmes si le produit est salubre ou qu'il s'agit bien d'un produit biologique?
M. Reynolds: Je crois que la plupart des entreprises sérieuses n'auraient aucune hésitation. Et dans le meilleur des mondes, évidemment, aucun règlement ne serait nécessaire. Si chacun assumait ses responsabilités, nous n'aurions pas besoin de réglementation.
M. Hoeppner: Je tenais à faire cette observation, car à la ferme nous disions souvent que si le gouvernement intervient ou vous aide une fois, vous en souffrez un peu; la deuxième fois, vous commencez à perdre du sang; la troisième fois vous en mourez. Est-ce que ça ne vaut pas aussi pour l'industrie biologique? Si vous commencez à trop réglementer, à exercer trop de pression sur les producteurs et pas assez pour au moins...
Le président: Un instant s'il vous plaît. Le témoin suivant est déjà en ligne, mais nous n'avons pas terminé la discussion avec ce témoin-ci. Où sont les techniciens? Avez-vous une idée? Je ne suis pas très ferré dans ce domaine. Je ne sais même pas où sont les commandes et je crains de perdre la communication.
Si le témoin veut bien patienter, nous serons à lui dans un instant.
Une voix: M'entendez-vous?
Le président: Oui, nous vous entendons, mais pour être honnête nous ne voulons pas vous entendre pour le moment. Nous n'en avons pas terminé avec le témoin précédent.
Pouvez-vous rester en ligne à Owen Sound? Nous vous appellerons lorsque nous serons prêts.
Une voix: D'accord.
Le président: Bon, reprenons. Monsieur Reynolds, vous aviez la parole n'est-ce pas? Poursuivez.
M. Reynolds: Je suis d'accord avec vous: il faut se demander si l'étreinte du gouvernement peut être mortelle. Lorsque je parlais de ce qu'à mon avis, on tente de faire ici... Nos parlons en fait d'une nouvelle forme de gestion des affaires publiques. C'est un défi. Il ne faut pas en douter. C'est une gestion qui confie à l'industrie des responsabilités beaucoup plus lourdes.
Comme je l'ai dit à la fin de votre dernière question, dans un monde idéal, dans une société très responsable, nous n'aurions pas besoin de règlements complexes. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal, et il y a parfois des gens d'affaires peu scrupuleux qui exploitent la situation. C'est là le problème, n'est-ce pas?
Malgré le contrôle de la qualité exercé sur les produits du boeuf, il y a encore des choses qui nous échappent à l'occasion. Est-ce qu'elles nous échappent parce que l'inspecteur n'est pas passé ce jour-là? Est-ce parce que l'entreprise a trouvé une façon de contourner le règlement?
Ce sont des questions que le consommateur ne veut sans doute pas avoir à se poser. Il suppose qu'on le protège du début à la fin. Il suppose que ce qu'il achète, surtout dans le cas d'un type de produit qui coûte plus cher, satisfait aux normes.
Vous avez raison. C'est une question très difficile. Ce qui est envisagé... Est-ce que c'est une façon différente de gérer les affaires publiques? D'après les contacts que j'ai eus avec Agriculture Canada jusqu'à maintenant, le ministère est très conscient de cet aspect. C'est pourquoi le processus ne s'est pas déroulé aussi rapidement qu'il aurait pu le faire.
Le ministère aurait certainement pu imposer des normes plus tôt et dire, nous avons des normes adéquates. Nous croyons qu'elles conviennent, et nous allons de l'avant. Cela n'a pas été fait, et à mon avis c'est précisément pour la raison que vous proposez. On ne veut pas intervenir et étouffer l'industrie sous une montagne de lois.
M. Hoeppner: Croyez-vous que le gouvernement peut vraiment mettre un terme à cela? Je songe par exemple au scandale du thon, et à quelques autres cas où tous les règlements possibles et imaginables étaient en place. L'élément criminel réussira toujours à infiltrer l'industrie d'une façon ou d'une autre.
Je crains que l'industrie connaisse une croissance extrêmement rapide. Elle est très organisée et sans doute autoréglementée. Elle en est à un point où notre réputation est bien établie dans le monde pour le type de denrées biologiques que nous produisons. Je ne voudrais pas que les choses ralentissent ou se gâtent.
Lorsque nous envisageons une harmonisation en matière de produits chimiques et des questions de cet ordre avec d'autres gouvernements... lorsque le gouvernement prend les choses en main, les progrès sont très lents. Lorsque la réglementation gouvernementale est en place, il faut en général se présenter devant les tribunaux pour la modifier.
Je songe en particulier à la Commission canadienne du blé, qui nous interdisait d'envoyer les animaux à l'engraissement dans une autre province. Il a fallu qu'un producteur de la Saskatchewan mette des animaux à l'engraissement en Alberta et s'adresse aux tribunaux. De telles mesures détruisent et freinent tous les systèmes. C'est ce que je crains. Nous avons une industrie qui a connu une croissance rapide. Elle offre un bon produit et ses perspectives d'amélioration et d'expansion sur les marchés sont excellentes. Ne lui mettons pas de bâtons dans les roues.
M. Reynolds: Oui, je comprends ce que vous dites. Je sais qu'il y a... là encore ce n'est pas une réponse scientifique ni bien documentée. Nous avons des courtiers qui tentent d'expédier des produits dans certains pays. Ces pays refusent les produits biologiques du Canada, à moins qu'ils ne portent une certification nationale. Ils veulent une estampille de ce genre. En matière de commerce international, je crois que c'est...
M. Hoeppner: Mais est-ce que ce n'est pas leur droit?
M. Reynolds: Ils ne sont pas obligés d'accepter le produit. Ils n'ont pas de garantie. Ils ne sont pas tenus d'acheter le produit et ils ne le font pas. Franchement, je crois que si le dossier est bien mené, nous avons là une occasion d'affaires qui pourrait s'avérer fort positive pour les petits producteurs canadiens...
M. Hoeppner: Est-ce que ce n'est pas en grande partie la responsabilité des entreprises de transformation? Nous avons de nombreuses usines de transformation et les légumes... L'industrie de la conserve réglemente le produit et vérifie qu'il est...
M. Reynolds: Est-ce que ce n'est pas précisément ce que le CCCPB tente de faire?
M. Hoeppner: Sans doute, mais il le fait à la ferme plutôt qu'à l'usine de transformation.
M. Reynolds: En fait, en partie à cause des associations canadiennes dans le secteur des aliments de santé et à cause de notre intervention, il a dû accepter - et nous avons insisté sur ce point - que ce soient les entreprises de transformation, et non pas les producteurs, qui siègent au conseil et qui participent aux décisions.
Depuis que je participe aux travaux du PCUPB, je soutiens qu'il est tout à fait louable que les producteurs élaborent des normes, mais qu'il faut aussi que les gens d'affaires qui vendent ces produits collaborent à la définition et à l'administration des normes, faute de quoi ces normes ne seront d'aucune utilité.
Nous voudrions même que les entreprises de transformation et les producteurs soient plus engagés au sein du Conseil consultatif canadien de la production biologique. Je crois qu'à la longue, nous y parviendrons et qu'à mesure que l'industrie prendra de l'expansion au Canada, les intervenants seront plus nombreux. Plus tard, nous entendrons un représentant de l'OVONA, un autre organisme d'accréditation. Je l'écouterai avec intérêt, mais je sais que...
M. Hoeppner: Est-ce qu'il ne serait pas préférable que les entreprises de transformation et les producteurs établissent les normes plutôt que de recourir à l'intervention d'un tiers - le gouvernement?
M. Reynolds: En effet. À mon avis, il faudrait qu'Agriculture Canada parraine et facilite le processus jusqu'à ce que nous ayons un organisme opérationnel pour administrer les normes. Je crois que cela doit être fait par un tiers. Je crois que c'est la façon de procéder mais, comme c'est une nouvelle forme de gestion publique, j'aimerais qu'Agriculture Canada parraine et encourage la mise au point du processus pour en arriver à quelque chose comme ça. Je crois que nous avons besoin d'un tel soutien administratif et qu'Agriculture Canada a fait preuve d'un grand esprit d'innovation dans le cadre de ce projet.
M. Hoeppner: Les ménages à trois n'ont généralement pas beaucoup d'avenir.
Le président: Merci, monsieur Hoeppner, pour ce grain de sel.
Je peux vous assurer qu'Agriculture Canada n'est aucunement l'intention de dicter à qui que ce soit sa conduite. Agriculture Canada intervient parce qu'il y a des divergences d'opinion et des volontés opposées dans l'ensemble du secteur de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles... Je crois que le comité a appris, entre autres, qu'il y a de véritables divergences d'opinion. Le défi que l'industrie doit relever est de se concerter sur ce qui convient à la majorité, et Agriculture Canada cherche indéniablement à faciliter ce processus.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Monsieur le président, il est 10 h 30. Vous avez dit que...
Le président: Nous pouvons rester jusqu'à 11 h 15.
M. Calder: J'ai plusieurs questions à poser, mais je crois que je vais m'en tenir à une seule.
Monsieur Reynolds, je veux vous demander de regarder dans votre boule de cristal, vous y verrez sans doute quelque chose. Ma question comporte un préambule. À l'avenir, croyez-vous que l'agriculture biologique et l'agriculture commerciale pourront travailler main dans la main? Je pose cette question parce qu'en 2025, il y aura 8 milliards de personnes sur la terre. Nous ne parlerons plus de tonnes à l'acre mais de pourcentage de protéines à l'acre.
Un certain nombre de témoins nous ont dit essentiellement que l'agriculture biologique était une bonne chose, mais je crois qu'elle a surtout servi à éduquer la population. Au début des années 1960, lorsque les consommateurs ont pris conscience de la quantité de produits chimiques qui étaient utilisés dans le sol et partout ailleurs dans le domaine de l'agriculture commerciale, ils en ont conclu que le fermier en salopette qui élevait des poulets dans sa cour avait disparu, et c'était à lui qu'ils voulaient acheter leurs aliments.
L'agriculture commerciale a évolué. Je crois que nous vous avons emprunté quelques idées et c'est pourquoi je demande si on ne pourrait pas se rapprocher. Il y aura beaucoup de bouches à nourrir dans un proche avenir. Si nous voulons bien nous y préparer, je crois que nous devons prendre dès maintenant des mesures.
M. Reynolds: Si vous parlez d'une gestion planétaire de l'agriculture, la façon dont nous cultivons nos produits alimentaires changera. J'ai grandi à une époque où le fermier qui venait livrer les oeufs au magasin de mon père se plaignait amèrement des avions à réaction qui passaient au-dessus de nos têtes. À son avis, c'était à cause d'eux que les poules ne pondaient plus comme autrefois.
M. Calder: Moi aussi, j'élève des poulets.
M. Reynolds: C'était dans les années 1950.
J'ai rencontré ce matin quelqu'un qui m'a dit que selon la tradition juive il faut laisser les champs en jachère la septième année. Dans un autre système agricole, vous laisseriez toujours une partie de vos champs en jachère. C'est ce que nous faisons en agriculture biologique. Nous voulons permettre au sol de se reposer. Nous lui permettons de se reconstituer ou nous plantons des espèces qui nourrissent le sol. Nous ne nous contentons pas d'épandre des engrais alors qu'en réalité nous appauvrissons le sol.
À cet égard, puisqu'il nous revient de cultiver la terre, en effet, je crois que nous devons nous tourner vers l'avenir. En 2025, l'agriculture sera à nouveau unifiée, mais à l'heure actuelle ce n'est pas le cas.
D'une certaine façon, nous sommes en transition. J'aime acheter des fruits et des légumes locaux, moi aussi. Je ne sais pas s'ils ont été traités ou pas, mais j'ai tendance à acheter des produits locaux parce qu'ils sont là, ils sont frais, et je sais qu'ils sont frais. Je peux prendre la voiture pour aller acheter du brocoli à l'étal du maraîcher et je sais qui a produit ce brocoli. Je ne sais pas si des produits chimiques ont été utilisés, mais le brocoli est frais, et c'est ce produit que je veux.
M. Calder: Ce sera donc un processus d'éducation.
M. Reynolds: Je crois que c'est un processus d'éducation, et que nous devons faciliter ce processus.
Le président: Merci.
Monsieur Reynolds, vous avez assisté à une partie du premier exposé. J'ai parlé de différences d'opinion il y a une minute. D'après ce que j'ai compris, notre premier témoin considère que les petits producteurs auxquels vous faites allusion n'ont pas nécessairement besoin de normes, mais que les gros producteurs, les entreprises de transformation et les entreprises de commercialisation sont le moteur de tout ce processus. Que pensez-vous de la valeur de ce processus pour les petits et les grands producteurs?
M. Reynolds: Je crois que cela s'inscrit dans la transition. Bien des gens veulent tout à coup faire un peu de biologique et ils trouvent moyen de vendre ce qu'ils produisent. Ce qui se passe de plus en plus fréquemment, c'est qu'on se retrouve soudainement sur un marché plus vaste. Surtout au Canada, je crois que c'est une excellente occasion d'affaire.
Ce dont je me plains depuis des années auprès d'Agriculture Canada n'a rien à voir avec l'agriculture biologique: nous nous préoccupons beaucoup d'aider les gens à exporter leurs produits, mais nous importons d'énormes quantités d'aliments nous-mêmes. Lorsque je me rends à Agriculture Canada pour discuter de production nationale pour la consommation nationale, je ne trouve d'interlocuteur dans aucun service. Parfois, on ne pense même pas à cet aspect. C'est pourtant la première étape. L'exportation vient en deuxième lieu.
Les petits producteurs n'ont sans doute pas besoin de ces normes aujourd'hui. S'ils veulent commencer à exporter ou s'ils veulent se regrouper pour offrir toutes leurs carottes biologiques à une entreprise d'aliments biologiques pour bébés, il leur faudra sans doute obtenir une certification, mais s'ils unissent leurs efforts, ils peuvent sans doute supporter les coûts de la certification. Ils pourraient finir par avoir suffisamment de terres pour que tous demandent une certification individuelle et cultivent leurs propres produits. En ce sens, nous vivons actuellement une transition.
Les petits producteurs n'ont pas nécessairement besoin de normes aujourd'hui, mais certains en veulent. Les consommateurs, eux, veulent savoir si les produits qu'ils achètent viennent d'un petit producteur ou d'une grande exploitation agricole.
Le président: Si vous n'avez rien à ajouter, je vous remercie. Mes collègues du comité et moi-même avons suivi le débat avec grand intérêt, tout comme les autres témoins qui sont ici aujourd'hui. Je vous remercie de votre contribution.
M. Reynolds: J'ai été avisé à la dernière minute, je vous demande donc d'excuser le fait que je n'avais pas de documentation à distribuer dans les deux langues officielles. Je vais développer un peu mes commentaires et les faire parvenir au comité. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé. Je crois que c'est un processus important. Merci beaucoup.
Le président: Si vous êtes venu au pied levé, vous n'en avez rien montré. Vous devez toutefois savoir que vos paroles ont été enregistrées. Si vous désirez étoffer un peu vos commentaires, vous pourrez transmettre le document au greffier. Merci.
Nous allons faire une pause de deux minutes. Le témoin suivant, M. Hack, attend patiemment.
Monsieur Hack, donnez-nous encore deux minutes. Je vous suis reconnaissant de votre patience.
Le président: Nous reprenons la séance. Notre témoin suivant est M. Hack, président de la Society for Bio-Dynamic Farming and Gardening in Ontario.
Monsieur Hack, je vous remercie de vous présenter aujourd'hui devant nous grâce à la technologie. J'espère que cette façon de procéder est simple et pratique pour vous. Je suis certain qu'on vous l'a déjà dit, mais je tiens à répéter que nous vous voyons et nous vous entendons. Quand quelqu'un ici s'adressera à vous, la caméra sera tournée vers cette personne.
Nous avons environ 35 minutes. J'espère que nous aurons le temps de vous communiquer toutes nos préoccupations. Je vous cède la parole. Vous avez certainement des commentaires à faire. Allez-y.
M. Ulrich Hack (président, Society for Bio-Dynamic Farming and Gardening in Ontario): Merci. Je veux commencer par quelques généralités.
[Difficultés techniques - La rédaction]
Quant à la façon dont la chose est élaborée, cinq points me préoccupent. J'ai écrit àLarry Lenhardt et j'aimerais vous lire les cinq points que j'ai exposés dans cette lettre.
Le président: Un instant, s'il vous plaît, monsieur Hack. Nous avons des difficultés techniques et les interprètes ont peine à vous suivre. Pendant que l'on corrige le problème, je vais simplement apporter une précision à l'intention de M. Landry. Je crois savoir que vous allez citer des passages de la lettre adressée à M. Lenhardt pour présenter ces cinq points.
Si M. Landry est d'accord, M. Hack nous exposera les cinq préoccupations mentionnées dans cette lettre. Vous avez le document en français, monsieur Landry?
M. Landry: Oui.
Le président: Tout est réglé? Pouvons-nous poursuivre?
M. Landry: D'accord.
Le président: Merci. Nous vous écoutons, monsieur Hack.
M. Hack: Premièrement, le système d'accréditation du CCCPB ne peut pas être obligatoire. Il faut avoir la liberté de choisir d'autres organismes d'accréditation existants ou naissants (comme la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique).
Deuxièmement, le terme «biologique» est tellement répandu en agriculture, dans les noms des exploitations, les noms des sociétés, etc., qu'il serait vain d'essayer d'en limiter l'utilisation au moyen d'une loi. Cela aurait pour effet de restreindre injustement l'activité de nombreux agriculteurs et jardiniers qui font effectivement de la culture biologique et vendent leurs produits sur les marchés locaux mais qui n'ont jamais eu l'intention d'obtenir une accréditation. L'accréditation ne sert qu'à préserver la confiance des consommateurs des marchés éloignés (exportation). Comme l'idéal consiste à vendre des produits biologiques sur les marchés locaux, il faut éviter d'imposer des restrictions et des contraintes aux agriculteurs et jardiniers qui pratiquent la culture biologique. L'utilisation restreinte du terme biologique que l'on propose notamment au Nouveau-Brunswick est moralement inacceptable et ne sert qu'à écarter certains producteurs biologiques au profit d'une poignée d'autres. Nous devons unir nos forces et non pas nous nuire mutuellement.
Troisièmement, il faut un système d'accréditation à deux niveaux, sur le modèle du CCCPB de la Colombie-Britannique. Dans un système à deux niveaux, seules les exploitations qui exportent doivent répondre aux critères stricts d'accréditation et respecter toutes les formalités administratives. Un agriculteur qui n'exporte pas ne devrait pas être forcé de remplir toutes sortes de formulaires. En outre, le CCCPB pourrait être financé par ceux qui ont besoin de l'accréditation pour exporter.
Quatrièmement, nous sommes un petit organisme d'accréditation et nous n'aurons peut-être pas les ressources voulues pour embaucher un nombre suffisant d'inspecteurs bien au fait de l'agriculture biodynamique et leur dispenser de la formation de manière à changer d'inspecteur tous les trois ans comme il est recommandé. Il faut que la réglementation prévoie des exceptions dans les cas comme le nôtre.
Cinquièmement, les inspecteurs doivent être autorisés à accepter le gîte et le couvert dans les fermes qu'ils inspectent. En effet, les inspecteurs devraient appartenir à l'industrie biologique et devraient donc pouvoir accepter un repas biologique dans une ferme qu'ils inspectent au lieu de devoir manger ailleurs (des produits non biologiques). Tom Harding a dit qu'il avait souvent pris des repas sur place durant son travail d'inspecteur. Tom Harding est, je crois, président de la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique. La réglementation doit en tenir compte.
Voilà ce dont je voulais parler. Y a-t-il des questions?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hack.
J'ai une question à vous poser. Vous utilisez le terme «agriculture biodynamique». Pourriez-vous expliquer, au moins pour ma gouverne, ce qu'est l'agriculture biodynamique par rapport à un système de production d'aliments biologiques? Y a-t-il une différence?
M. Hack: Effectivement, il y a une différence. La biodynamique a pour principe de base l'agriculture biologique, mais on y utilise aussi certaines préparations à base d'herbes et des organismes cultivés en milieu fermé pour accroître la vitalité de l'aliment. En agriculture biologique, vous pouvez utiliser tellement d'engrais que vous avez encore un problème d'azote dans le sol. En agriculture biodynamique, les règles sont beaucoup plus strictes. L'agriculture biodynamique accorde beaucoup d'importance à la bioécologie et à la qualité.
Le président: Les interprètes ont des ennuis. Est-ce qu'ils ont une ligne directe? C'est quelque chose que nous devons garder à l'esprit. Le problème doit venir des réglages à l'autre bout de la ligne. Ce n'est pas la faute de M. Hack, mais je dois dire qu'on a l'impression d'entendre quelqu'un parler dans une citerne. Il y a un écho, et les interprètes ont beaucoup de difficulté à suivre.
Monsieur Landry, avez-vous des questions à poser à M. Hack?
[Français]
M. Landry: Monsieur le président, vous avez posé une très bonne question au représentant de la Society for Biodynamic Farming and Gardening in Ontario. Je n'ai pas compris la réponse qu'il vous a donnée car je n'ai pu comprendre la différence entre la question que vous avez posée et la réponse qu'il a donnée. J'aimerais que vous élaboriez sur cela.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hack, pouvez-vous répéter votre réponse pour que les interprètes puissent mieux la communiquer à M. Landry?
M. Hack: L'agriculture biodynamique est fondée sur un bon système de culture biologique. L'agriculture biodynamique nécessite une culture en milieu fermé, c'est-à-dire que vous n'ajoutez pas d'engrais de l'extérieur, pour que le système demeure sain. En outre, nous utilisons des herbes pour accroître la vitalité des plantes. L'agriculture biodynamique est née en 1924, parce que les gens avaient l'impression qu'il n'y avait pas assez de vitalité et de santé dans le sol. C'est donc une technique assez ancienne.
Le principal objectif de l'agriculture biodynamique est la vitalité et la qualité du produit.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: J'en appelle au règlement. Nous pourrions peut-être fournir à M. Landry la traduction des propos de M. Hack lorsque les délibérations auront été transcrites.
Le président: Ce n'est pas comme s'il participait à la discussion.
M. Reed: J'en suis conscient.
Le président: Monsieur Landry, est-ce que vous vous opposez à ce que nous poursuivions la discussion avec M. Hack ce matin?
M. Landry: Non.
Le président: Monsieur Hoeppner, vous avez demandé la parole?
M. Hoeppner: En effet.
En ce qui concerne le point numéro trois, monsieur Hack, vous dites qu'il nous faut un système de certification à deux paliers, inspiré du modèle d'une coopérative de la Colombie-Britannique. Est-ce que c'est le système que les producteurs d'aliments biologiques préfèrent généralement, ou y a-t-il aussi un conflit au sujet du type de système?
M. Hack: Dans notre cas, il n'y a pas de conflit.
[Inaudible - Éditeur] ... parce que certains de nos membres sont certifiés pour vendre dans les marchés locaux et un autre pour ceux qui veulent être accrédités sur les marchés internationaux. Certains demandent la certification pour des raisons philosophiques. Ils veulent une certification biodynamique, mais ils vendent seulement sur le marché local, il n'est donc pas nécessaire de les assujettir à la réglementation des marchés internationaux.
M. Hoeppner: Est-ce que ce système a fait l'objet de discussions? Est-il préféré par tous, ou simplement par des personnes comme vous?
M. Hack: Certains membres ont participé à une autre discussion générale, en effet.
M. Hoeppner: Pouvez-vous me dire, monsieur Hack, quelle proportion de votre industrie s'inscrit dans le système de culture biologique? Quel est le pourcentage de l'agriculture biodynamique dans le système actuel de culture biologique?
M. Hack: Pour l'instant, nous sommes une très petite organisation. L'an dernier, nous ne comptions que six agriculteurs certifiés. Nous prenons de l'expansion. Il y a un grand nombre de producteurs d'aliments biologiques dans notre secteur qui s'intéressent à la biodynamique mais qui sont certifiés seulement comme producteurs biologiques.
Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?
Le président: Oui, je crois que oui. Nous allons hésiter un instant et permettre aux interprètes de communiquer votre réponse à M. Landry.
Vous avez la parole, monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner: J'ai une autre brève question, monsieur Hack. Au cinquième point, vous affirmez que les inspecteurs des produits biologiques doivent être autorisés à accepter le gîte et le couvert dans les fermes qu'ils inspectent. Est-ce que c'est bien logique? Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Hack: Le PPPCB de la Colombie-Britannique ne le permet pas. Je crois que c'est une mauvaise décision. À mon avis, il n'est pas bon que l'inspecteur n'ait aucun autre contact avec la ferme que celui de l'inspection.
Nous avons indiqué dans le document que l'inspecteur est impartial; je crois que cela devrait suffire. Il ne faudrait pas lui interdire d'accepter le gîte et le couvert. Je ne soutiens pas qu'il doive l'accepter, mais il devrait avoir le droit de l'accepter. Il ne devrait pas contrevenir aux règlements s'il le faisait.
M. Hoeppner: Êtes-vous en train de me dire, monsieur Hack, que l'inspecteur n'a pas le droit de communiquer avec l'agriculteur lorsqu'il procède à cette inspection?
M. Hack: Oui. En Colombie-Britannique, on est plutôt strict.
M. Hoeppner: C'est intéressant. Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Ur, vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Ur: Non.
Le président: Monsieur Calder.
M. Calder: Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Hack. Vous venez un peu du même coin que moi. J'habite Holstein, en Ontario, dans les environs de Mount Forest. J'étais à Owen Sound le week-end dernier.
J'aimerais revenir moi aussi au point trois. Est-ce que le client qui achète des produits biologiques ne risque pas d'être un peu perdu? De quelle façon pouvons-nous atteindre l'objectif avec un système à deux niveaux? Y aura-t-il le biologique numéro un et le biologique numéro deux? Qu'est-ce que vous proposez?
M. Hack: Non. C'est très simple. Nous avons une catégorie «produit biologique canadien», comme le propose le PPPCB, et cette catégorie nous permet de commercer entre les provinces et sur les marchés internationaux. Les agriculteurs qui ne franchissent pas les frontières de leur province n'ont pas besoin d'adhérer au système du PPPCB. Tous les agriculteurs n'ont pas à y être assujettis. Il faudrait quand même leur permettre d'utiliser le terme «biologique», mais seulement à l'intérieur de leur province.
M. Calder: Pour le consommateur, les choses ne paraîtront pas nécessairement aussi simples.
M. Hack: Je ne suis pas de cet avis. Vous planifiez d'adopter une catégorie «produit biologique canadien». Vous ne pouvez pas demander au petit agriculteur qui n'a que quelques acres de verser des frais d'inspection de 300 $ quand il n'en a pas vraiment besoin. Est-ce que vous voulez l'inciter à interrompre sa production ou l'encourager à continuer à produire comme il le fait?
M. Calder: Ce n'est pas ce que je veux. Je veux simplement que les choses soient claires et simples pour le consommateur. Je crois que c'est ce que le consommateur veut.
M. Hack: Oui, mais je crois que la catégorie «produit biologique canadien» est très simple. C'est certifié, et on peut exporter le produit partout, tandis qu'avec l'autre, on ne va qu'au marché local, on ne s'adresse qu'aux personnes qui font partie de ce segment. Ces personnes pourraient simplement utiliser l'appellation «biologique». Je crois que sur le plan juridique il est difficile de restreindre l'utilisation de l'appellation «biologique», de toute façon.
M. Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: S'il n'y a plus de questions, monsieur Hack, nous vous remercions de votre participation. Vos préoccupations, comme vous le dites, sont très bien exprimées dans la lettre que vous avez adressée à M. Lenhardt et dont nous avons copie. De cette façon, vous nous avez très bien communiqué votre point de vue et celui des membres de votre organisation.
Nous vous remercions de votre collaboration et nous vous souhaitons beaucoup de succès au cours de la prochaine campagne agricole. Je ne sais pas si les travaux ont déjà débuté à Owen Sound. Il fait plutôt froid partout. Mais j'espère que vous aurez une bonne saison.
M. Hack: Merci.
Le président: Monsieur Landry.
[Français]
M. Landry: Je n'ai pu suivre le commentaire de ce témoin-là, monsieur le président, et j'aimerais que cela ne se reproduise pas à l'avenir. C'est très difficile de suivre avec l'interprétation seulement. Je ne suis pas capable de lui poser des questions et d'intervenir sur ce qu'il dit.
[Traduction]
Le président: Nous le comprenons, monsieur Landry. Nous vous remercions de votre bonne grâce aujourd'hui. Je vous demande de patienter encore pendant une réunion ou deux, jusqu'à ce que le système soit parfaitement au point.
Je crois que ce qui s'est passé aujourd'hui - et je ne veux pas rejeter la faute sur le système - c'est qu'on entendait mal au fond de la salle. C'est très difficile pour les interprètes de travailler lorsque le son est de mauvaise qualité. Nous allons corriger la chose, et si le système ne donne pas de bons résultats nous l'abandonnerons, tout simplement. Merci beaucoup de votre collaboration aujourd'hui.
Mesdames et messieurs, je crois que notre prochaine séance aura lieu mardi à 9 heures. Nous y traiterons du recouvrement des coûts. Merci beaucoup. Bon week-end.