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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 octobre 1996

.0907

[Traduction]

Le président: Bonjour à tous. La séance est ouverte. Nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre des témoins nous parler du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.

Vous savez tous que nous avons dû annuler la réunion prévue hier en raison de ce qui s'est produit à la Chambre. Nous devions entendre les explications du secrétaire parlementaire et des fonctionnaires du ministère au sujet du projet de loi ainsi que l'exposé de la Fédération canadienne de l'agriculture. Cette réunion devra avoir lieu plus tard, car nous ne voulions pas perturber l'emploi du temps de nos témoins de ce matin en leur demandant à eux de comparaître à un autre moment.

J'espère que nos témoins comprendront donc que nous n'avons pas pu obtenir les précisions que nous aurions souhaité obtenir du secrétaire parlementaire ni des fonctionnaires du ministère.

Nous savons que vous connaissez bien le projet de loi. Nous nous réjouissons d'entendre vos observations, vos suggestions et vos préoccupations au sujet de celui-ci. Comme vous le savez, le projet de loi a été déféré au comité après l'étape de la première lecture, ce qui n'est pas la pratique courante. Le comité pourra ainsi proposer des amendements de portée plus vaste au projet de loi pourvu que ceux-ci s'y rapportent directement. Nous ne pouvons certainement pas changer le projet de loi du tout au tout. Une fois que nous aurons terminé d'entendre des témoins, nous verrons s'il convient d'y proposer des amendements.

Monsieur Holmes, si c'est vous qui allez vous faire le porte-parole de votre délégation ce matin, je vous invite à nous présenter votre collègue et à nous exposer la position du Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario. Bienvenue.

M. Robert Holmes (président, Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais vous présenter Jack Johnson, de Park Hill, en Ontario. Il fait partie de notre bureau et y occupe aussi le poste de vice-président. C'est grâce à lui que nous avons su que le comité étudiait actuellement le projet de loi et c'est aussi grâce à lui sans doute que je suis ici aujourd'hui. Moi, je n'étais pas au courant que le comité avait commencé à examiner le projet de loi.

.0910

Permettez-moi d'abord de dire, mesdames et messieurs, que nous sommes heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité. Nous nous réjouissons particulièrement de pouvoir répondre dans quelques instants à vos questions. Nous espérons que les réponses que nous vous donnerons vous seront utiles. Nous nous intéressons à tous les aspects du projet de loi C-38, dans la mesure où il s'appliquera à l'ensemble du Canada, mais je tiens à faire remarquer que nous sommes d'abord ici pour représenter les intérêts de l'Ontario et pour vous expliquer ce qui peut faire en sorte que le projet de loi C-38 fonctionne bien en Ontario.

Nous souhaitons que ce projet de loi constitue une amélioration par rapport au projet de loi C-117 et qu'il permette au gouvernement de mettre à jour les programmes destinés aux agriculteurs canadiens, et notamment aux agriculteurs ontariens, pour que ceux-ci répondent bien à leurs besoins. Comme par le passé, l'agriculture évolue constamment en Ontario.

Permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots au sujet de notre organisme. Le bureau a été créé en 1986, au moment de l'adoption du projet de loi C-117. À cette époque, il comptait un président et dix administrateurs. Au cours de l'année, nous avons donné suite à des recommandations en ce sens qui nous avaient été faites, et le bureau ne compte plus qu'un président et quatre administrateurs. Nous avons constaté que cela suffisait à nos besoins. Nous pensons nous acquitter très bien de nos fonctions. Il s'agit d'une bonne mesure qui a été adoptée à des fins d'économies.

En Ontario, le taux de succès du bureau a toujours été de 75 p. 100. Pour revenir aux économies qui ont été réalisées, notre dernier exercice financier s'est soldé par un excédent budgétaire de10,2 p. 100. Cela témoigne de l'efficacité d'un bureau plus petit.

S'il est vrai qu'entre 1986 et 1992, c'est-à-dire dans les premières années d'existence du bureau - et j'aimerais dire en passant que je n'en étais pas membre à l'époque - , certains avaient des plaintes à formuler à son endroit, je crois qu'on peut dire qu'au cours des cinq dernières années, soit depuis 1992, nous nous sommes taillé une réputation enviable au sein de la clientèle que nous desservons. Certains des cas que nous avons réglés, en particulier en Ontario, mettaient en cause des sommes importantes ainsi qu'un grand nombre de personnes. J'ai du mal à croire qu'il y a des organismes aussi gros en Ontario, mais il semblerait que ce soit les organismes de taille moyenne qui soient en voie de disparition et que la tendance soit aux gros organismes ou aux petits.

Nous sommes d'avis que le projet de loi C-38 permettra, une fois qu'il sera adopté, d'améliorer encore davantage la situation et c'est d'ailleurs ce que nous sommes venus vous dire aujourd'hui.

Avant que je ne donne la parole à mon collègue du bureau, Jack Johnson, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la situation sur la scène nationale. Cela me permettra de vous faire part des activités qui ont eu lieu dans notre domaine au cours de la dernière année.

Premièrement, les présidents des bureaux de toutes les provinces se sont réunis à Ottawa les 2 et 3 mai derniers dans le cadre de leur réunion annuelle. La réunion a eu lieu à la direction de l'élaboration de la politique. Les présidents ont d'abord exprimé le désir d'obtenir plus de formation en matière de médiation et ont aussi réclamé plus d'information sur le projet de loi C-38. La formation relative à la médiation qui avait été réclamée nous a été dispensée, et je crois que nous en avons tiré parti. Hier encore, nous recevions d'autres bonnes nouvelles au sujet du projet de loi C-38.

Un peu plus tard le même groupe de personnes s'est réuni à Winnipeg, où deux réunions ont été combinées en une. Il a été question du projet de loi, au sujet duquel certains ont exprimé des préoccupations. Les préoccupations régionales dont on nous a fait part nous ont convaincus que nous avions encore du travail à faire. La question de la reddition des comptes a notamment été soulevée. Aucun problème ne se pose à cet égard dans l'ancien projet de loi, et nous nous sommes demandé si la dissolution des bureaux ne poserait pas certaines difficultés dans ce domaine.

.0915

Lors de notre cession de formation en médiation, nous avons constitué un comité composé de présidents des cinq régions proposées pour être en mesure d'être représenté devant le comité si celui-ci nous demandait de comparaître devant lui. Nous avons donc créé un comité qui est chargé de nous représenter.

Ce comité est présidé par Doug Stevenson, de l'Alberta, avec qui j'ai communiqué deux fois dernièrement. Comme il avait d'autres engagements, il n'a pas pu venir aujourd'hui. Jean-Yves Couillard, du Québec, est coprésident du comité, et c'est lui qui est chargé de diffuser l'information aux autres régions.

Ce comité espère vous rencontrer, mais avant que Jack ne communique avec moi, je ne savais pas que le comité avait commencé à tenir des audiences sur le projet de loi avant de passer à l'étude article par article de celui-ci. Si je ne m'abuse, cette étape commence la semaine prochaine.

Monsieur le président, je sais que mon temps est écoulé, mais j'ai cru que je devrais faire cette introduction. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Jack. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité après l'exposé de Jack.

Je vous remercie.

Le président: Vous avez la parole, monsieur Johnson.

M. Jack Johnson (membre, Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario): Pour faire suite à ce que vient de dire Bob, je me réjouis de pouvoir vous parler du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Permettez-moi de vous faire part de certaines de nos préoccupations au sujet du projet de loi.

J'aimerais d'abord faire remarquer que je suis parmi ceux qui sont chargés d'appliquer la loi que ce projet de loi vise à remplacer. C'est l'expérience que nous avons acquise dans la mise en oeuvre de cette loi qui nous a permis de nous faire une idée de ce qui fonctionne et de ce qui mène à une bonne entente. En bout de ligne, c'est l'objectif de la loi, soit amener le client et les créanciers à s'entendre à l'amiable.

Comme Bob l'a mentionné, dès le début, nous avons eu certaines réserves au sujet du projet de loi. Hier, on nous a appris qu'on comptait tenir compte de certaines de ces préoccupations dans la formulation du règlement pertinent, et nous en sommes fort heureux. J'aimerais cependant vous faire part de certaines de nos préoccupations supplémentaires.

Nous nous préoccupons tout d'abord de la composition du bureau. Comme Bob l'a signalé, l'ancien bureau se composait de 10 personnes et d'un administrateur. Depuis l'an dernier, le bureau ne compte plus que cinq personnes et un administrateur. Nous sommes un groupe uni qui travaille d'arrache-pied à bien servir ses clients par le moyen de la médiation. Nous sommes efficaces et nous l'avons prouvé. Nous avons même réalisé un excédent budgétaire alors qu'on avait réduit nos crédits de 25 p. 100.

Nous avons l'impression de perdre un peu de terrain avec le nouveau projet de loi. Aux termes de la nouvelle loi, on nommera un administrateur et cinq - et peut-être même six - médiateurs. Le comité d'appel comptera cinq membres. Nous craignons seulement que cela n'entraîne des coûts élevés. Nous pensons que les six médiateurs pourraient constituer le comité d'appel, qui doit compter cinq membres.

Certains diront qu'on veut ainsi éviter les conflits d'intérêts, mais comme le quorum au comité d'appel est fixé à trois, il suffirait d'exclure du processus d'appel le médiateur affecté au cas faisant l'objet de l'appel.

Je laisserai à d'autres le soin de trouver le moyen de mettre en oeuvre la suggestion que je viens de vous faire. La raison pour laquelle je la fais, c'est que nous avons constaté que moins nous sommes nombreux, plus nous sommes efficaces et plus nous sommes unis.

Nous craignons que la création d'un groupe plus gros ne nuise à la continuité entre nos membres. Nous sommes maintenant un petit groupe qui travaille à l'unisson. Je crains que nous ne soyons pas aussi efficaces si l'on brise cette unité. Voilà ma préoccupation au sujet de la composition du groupe.

.0920

J'ai aussi des réserves au sujet du service de consultation. Je sais que la création de ce service est toujours à l'étude, mais j'aimerais néanmoins vous faire part de mon opinion sur cette idée.

Nous estimons que le service de consultation devrait faire partie du processus d'examen de l'endettement, car nous avons trop souvent constaté qu'on adresse parfois les gens à un service de médiation alors qu'ils ont plutôt besoin d'un service de consultation, et vice versa. En effet, la gravité du problème qui nous est soumis exige parfois l'intervention de médiateurs plutôt que d'un conseiller. Je crois donc qu'il serait contre-indiqué de dissocier le service de consultation du processus de médiation.

Nous demandons également aux rédacteurs de la loi et de la réglementation de se montrer souples. Notre expérience au sein du bureau et nos discussions avec nos collègues d'autres provinces nous ont permis de nous rendre compte que la situation en Ontario diffère quelque peu de la situation dans d'autres régions. Pour être plus précis, je dirai que nous abordons les problèmes de l'endettement dans notre région de façon beaucoup moins uniforme que dans l'Ouest. Nous réclamons donc de la part des législateurs la souplesse qui nous permettra de tenir compte de la situation particulière de l'Ontario.

Je songe plus précisément à la signature d'une entente. La nouvelle loi précise que l'entente n'a pas nécessairement à être signée au moment de l'étape de la médiation. Nous sommes cependant habitués à ce que ce soit le cas. Nous avons formé nos experts-conseils et les gens qui nous représentent sur le terrain à préparer le client à présenter un plan quinquennal satisfaisant.

Les créanciers avec lesquels nous traitons sont occupés et ne participent parfois à la réunion de médiation que dans un seul but. Lorsqu'ils comparaissent devant nous, ils veulent régler le cas. Ils sont prêts à signer une entente à l'issue de la médiation. Nous ne voyons pas quel avantage il y aurait à ce qu'ils repartent de cette réunion sans avoir signé une entente, puisque nous aurions ensuite à leur demander de revenir le faire.

Voici notre quatrième préoccupation. L'ancienne loi autorisait l'utilisation au Bureau d'examen de l'endettement agricole d'un système comptable uniforme facilement compréhensible. Très souvent, c'était la première fois que l'agriculteur voyait sur papier sa situation financière. Jusque-là, les états financiers qui lui avaient été présentés lui étaient parfois impossibles à comprendre. Nos représentants sur le terrain n'ont ménagé aucun effort pour trouver un moyen de présenter aux agriculteurs des états financiers compréhensibles. Par conséquent, nous aimerions pouvoir conserver le même système.

La nouvelle loi permettra à l'agriculteur d'engager des spécialistes de l'extérieur, qui seront chargés de nous présenter sa situation financière. Comme l'agriculteur est insolvable, où trouvera-t-il l'argent nécessaire à cette fin? Je crains aussi que l'intervention d'une tierce personne ne fasse que compliquer les choses, puisque nous aurons peut-être du mal, ainsi que l'agriculteur, à comprendre l'opinion que se fait le comptable de la situation financière de son client. Nous croyons donc qu'il serait préférable d'adopter une présentation uniforme.

.0925

Notre cinquième préoccupation concerne la promotion de nos services. Notre service est bon. Je suis un médiateur et je sais que le processus fonctionne vraiment et nous permet d'aider les gens. Bien des gens ne savent cependant même pas que nous existons. D'autres croient que le bureau a été démantelé. J'espère donc que la mise en oeuvre du nouveau programme s'accompagnera d'une campagne de promotion pour faire connaître aux gens notre existence et les services que nous offrons tant aux agriculteurs qu'aux créanciers.

Voilà donc quelles sont nos principales préoccupations. Je vous invite maintenant à nous poser des questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup, messieurs.

Permettez-moi d'abord de faire quelques observations au sujet des préoccupations que vous soulevez. Je ne conteste pas leur légitimité, et c'est d'ailleurs pour que vous nous les exposiez que nous vous avons invités à comparaître devant le comité, mais je ne crois pas que la loi fasse spécifiquement mention de la composition du bureau et du moment où l'entente doit être signée. Ces questions seront traitées dans la réglementation. Je voulais simplement le préciser.

Au sujet de la signature d'une entente, par exemple, voici ce qu'énonce l'article 19:

Nous avons évidemment discuté du moment où cette entente devrait être signée avec les intervenants du domaine. Êtes-vous d'avis que la réglementation devrait préciser le moment où l'entente doit être signée, ou croyez-vous qu'il vaudrait mieux faire preuve de souplesse à cet égard comme à d'autres égards?

M. Johnson: Monsieur le président, on nous informait hier à peine que l'entente n'aurait pas à être nécessairement signée au moment de la médiation.

Le président: Mais pensez-vous que le règlement va prévoir que l'entente doit être signée au moment de la médiation ou qu'elle n'a pas nécessairement à l'être.

M. Johnson: Je crois que le règlement prévoira qu'elle ne sera pas signée à l'étape de la médiation.

Le président: Très bien.

Monsieur Hoeppner, monsieur Easter et monsieur Chrétien.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Je me demande, monsieur Holmes, comment se présentent les états financiers que vous soumettent le créancier et l'agriculteur. Y a-t-il concordance entre ces états financiers? J'ai vu plusieurs états financiers établis par le Crédit agricole. Ils sont si vagues qu'on ne donne souvent comme renseignement que la somme qui est due. Il n'y a pas de ventilation des frais de service, des intérêts et des frais juridiques.

Quelqu'un m'a déjà fait la suggestion suivante, soit qu'on fasse appel à un comptable judiciaire qui sera chargé de voir si les comptes sont bien présentés. Pensez-vous que ce serait utile?

M. Holmes: J'ai le plus grand respect pour les spécialistes de la comptabilité agricole de l'Ontario. Je ne pense pas qu'il y ait des problèmes qui se posent au sujet des états financiers des agriculteurs. Les états qui nous sont présentés par les banques et la SCA sont habituellement très détaillés et ont d'abord été vérifiés par un spécialiste et ensuite par notre bureau. Ils nous permettent de bien nous préparer pour la séance de médiation.

En Ontario, nous établissons ce que nous appelons une feuille de préparation, et les deux membres du comité présentent une analyse du cas et font des recommandations pour ce qui est des mesures qui pourraient être prises pour régler le problème. Ces spécialistes doivent pouvoir compter sur une information exacte.

.0930

Il est cependant vrai que l'information change parfois entre le moment où elle est rassemblée et le jour de la tenue de l'audience. Lorsque cela se produit, nous en sommes informés.

Voici un document qui présente la façon dont nous procédons. Nous rencontrons d'abord le spécialiste et ensuite l'agriculteur. Le spécialiste nous indique s'il y a eu changement dans l'information qui nous a été donnée. Ainsi, si une vache est morte, il conviendra de corriger l'inventaire.

Nous nous réunissons ensuite avec l'agriculteur et tous ses créanciers. Comme Jack l'a dit, l'agriculteur présente alors son plan quinquennal à ses créanciers, qui le contestent, et c'est alors qu'il y a la médiation. Il y a d'une part les créanciers qui veulent qu'on les rembourse et, d'autre part, l'agriculteur qui veut sauver son entreprise. Il incombe au président et aux membres du comité d'amener les deux parties à s'entendre et à signer, on l'espère, une entente prévoyant la suspension des procédures.

Comme je l'ai dit, notre taux de succès est supérieur à 75 p. 100. Il arrive parfois qu'on ne peut pas sauver une entreprise agricole. On peut à tout le moins assurer à ces agriculteurs qu'ils seront traités avec justice.

M. Hoeppner: J'ai été surpris de voir comment les choses se déroulaient lorsque j'ai défendu le cas d'un agriculteur du Manitoba. J'ai demandé à la Société du crédit agricole de me fournir un état plus détaillé de ses dettes. J'ai découvert qu'on lui avait demandé 12 000 $ en frais juridiques en raison d'un procès touchant le versement de paiements dans le cadre du RARB. Bien que l'agriculteur ait eu gain de cause, on lui a tout de même demandé de payer des frais juridiques de 12 000 $. J'ai trouvé que c'était excessif, et j'ai vu que ce renseignement n'avait pas été donné au Bureau d'examen de l'endettement agricole.

Les différents bureaux provinciaux d'examen de l'endettement agricole ont-ils tous un fonctionnement qui leur est propre?

M. Holmes: Oui. Nous avons notre propre façon de procéder en Ontario. Nous entendons des affaires qui touchent 200 produits.

M. Hoeppner: Oui.

M. Holmes: Je ne voudrais pas laisser entendre qu'il n'y a jamais d'erreurs. Il y en a. Mais nous n'avons reçu aucune plainte de ce genre au cours de la dernière année.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Je vous remercie, monsieur le président.

Vous siégez aux bureaux d'examen de l'endettement agricole, et c'est donc vous qui avez une expérience de première main du système. Pouvez-vous dire avoir été consultés par le ministère au sujet de la rédaction de ce projet de loi? Certains ont dit qu'il n'y avait pas eu suffisamment de consultations. Qu'en pensez-vous?

M. Holmes: Je crois effectivement qu'on aurait pu nous consulter davantage. Il semblerait que les parties intéressées souhaitaient des changements au projet de loi C-117 depuis 1992. Pendant longtemps, on n'a pas fait suffisamment, et tout d'un coup tout s'est mis à bouger. Il y avait aussi l'inexpérience du bureau qui venait à peine d'être créé... Je siège au bureau depuis maintenant quatre ans et j'ai pu tirer parti des discussions qui ont eu lieu tant au sein de l'ancien bureau que du nouveau.

Quoi qu'il advienne, je peux vous assurer que les gens qui travaillent avec moi croient au processus. Nous voulons qu'il profite aux agriculteurs.

L'ancien projet de loi comportait des lacunes, mais dans l'ensemble il proposait un processus valable. Nous nous y sommes adaptés et nous sommes venus en aide à un groupe d'agriculteurs qui connaissent des difficultés. Ce serait bien si nous ne pouvions parler que de réussites. Il existe cependant trois groupes d'agriculteurs. Ceux qui se trouvent dans le groupe du milieu sont les plus nombreux. Il y a ensuite les agriculteurs superperformants qui se trouvent au haut. Il y a aussi les agriculteurs qui se trouvent au bas de l'échelle, et notre rôle, c'est de venir en aide à ceux-ci, et nous y réussissons dans 75 p. 100 des cas.

M. Easter: Je pose la question parce que le processus d'examen de l'endettement agricole est très important et que certains problèmes se posaient à l'égard de l'ancien projet de loi. Ce que j'aimerais savoir, c'est si les changements proposés dans le projet de loi visent à améliorer le processus d'examen dans l'intérêt des agriculteurs ou s'ils visent plutôt à permettre au ministère de réaliser des économies. Il est difficile d'en arriver à un juste équilibre.

.0935

En vertu de l'article 16 de l'ancien projet de loi, les bureaux d'examen de l'endettement agricole pouvaient intervenir auprès des agriculteurs connaissant des difficultés financières, soit avant que ceux-ci ne deviennent insolvables. Ce projet de loi-ci ne permet au bureau d'intervenir qu'à partir du moment où les agriculteurs deviennent insolvables. Je crains que les agriculteurs en difficulté financière n'hésitent donc à s'adresser au bureau avant de devenir insolvables.

Vous avez dit que votre taux de réussite en Ontario était de 75 p. 100. Vous avez aussi fait remarquer que parfois il est trop tard lorsque vous intervenez. À mon avis, c'est dès que les agriculteurs connaissent des difficultés financières qu'on devrait leur venir en aide, et non pas une fois qu'ils sont devenus insolvables. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Les agriculteurs que vous parvenez à aider font-ils partie du groupe de ceux qui connaissent des difficultés financières ou de ceux qui sont insolvables? Avez-vous une ventilation à nous donner? Déplorez-vous le fait que le nouveau projet de loi ne vous permette d'intervenir qu'auprès des agriculteurs insolvables?

M. Holmes: Vous venez de me poser au moins trois questions. Les agriculteurs que nous parvenons à aider - ceux auxquels s'applique ce taux de réussite de 75 p. 100 - sont ceux qui ont reçu un avis et qui ont présenté une demande en vertu de l'article 20.

Vous m'avez ensuite demandé s'il ne faudrait pas mettre l'accent sur la prévention et intervenir auprès des agriculteurs avant qu'ils ne reçoivent un avis. Oui, depuis que je siège au bureau, c'est toujours l'objectif que nous nous sommes fixé. Nous voulons prévenir les faillites.

Cette année, nous n'avons pas pu annoncer nos services. En raison de cela, c'est l'article 20, au lieu de l'article 16, qui s'est appliqué dans beaucoup trop de cas. Si nous avions pu intervenir plus tôt, ces agriculteurs auraient pu proposer un plan quinquennal qui leur aurait permis de survivre.

Le président: J'aimerais avoir une précision, monsieur Holmes. Pourriez-vous en un mot nous dire comment fonctionnaient les articles 16 et 20 de l'ancienne loi? Je pense que ce n'est pas clair pour tous, moi y compris. Je n'aime pas vous interrompre, mais comme vous faites allusion à ces articles, je crois qu'il vaudrait mieux que vous nous les expliquiez.

M. Holmes: L'article 16 permet à un agriculteur de s'adresser au Bureau d'examen de l'endettement agricole pour lui demander d'analyser sa situation financière. L'agriculteur le fait lorsqu'il se rend compte qu'après cinq ans son exploitation n'est toujours pas rentable alors que celle de son voisin l'est.

La procédure qu'on suit dans ce cas-là est à peu près la même que celle dont je vais vous parler plus tard. Un spécialiste fait une analyse complète de l'entreprise. Le président du bureau ainsi qu'un comité participent également à cet examen. Le président sera neutre. Les membres du comité sont des spécialistes dans le secteur d'activité visé. L'un peut être un spécialiste du porc et l'autre un banquier. Ensemble, ils essayent de voir ce qui cloche dans l'entreprise et préparent un plan quinquennal à l'intention de l'agriculteur. Si l'agriculteur suit ce plan, son entreprise devrait se porter mieux. Parfois ce n'est pas le cas.

L'article 20 s'applique lorsqu'un agriculteur a reçu un avis d'un créancier important - comme la SCA, une banque ou une entreprise de machinerie - qui exige la réalisation de la garantie. L'agriculteur présente donc une demande en vertu de l'article 20 afin que les procédures soient suspendues, ce qui empêche le créancier de réaliser sa garantie jusqu'à l'aboutissement de la procédure prévue en vertu du projet de loi C-117.

Le président: Merci.

Monsieur Easter, vous discutiez toujours.

M. Easter: Je ne sais pas si vous avez terminé ou non de répondre. Trouvez-vous préoccupant que le nouveau projet de loi ne vise que les agriculteurs insolvables? Autrefois, j'ai eu affaire au Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario pour régler un bon nombre de cas. J'ai toujours constaté que, sans doute en raison de l'expérience acquise auprès des créanciers et du pouvoir que lui confère la loi, le Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario parvenait à trouver une entente - par exemple de l'ordre de 80c. au dollar, ou quelque autre proportion - même avant que l'agriculteur devienne insolvable. C'était un répit suffisant pour que l'agriculteur se rende compte qu'il était en difficulté, qu'il risquait d'avoir à vendre une partie de ses terres, et qu'il bénéficiait d'un répit de la part de ses créanciers - et cela lui permettait de rester en activité.

.0940

J'aimerais que vous puissiez me donner une réponse ferme sur cette question de l'insolvabilité.

M. Holmes: Je le peux, mais je ne le pouvais pas avant-hier. Je viens tout juste de recevoir les mises à jour de la direction de la politique. Nous sommes très satisfaits de ce que nous y avons trouvé. Nous n'avons pas encore tout analysé, mais j'ai lu ces documents jusqu'à 11 heures hier soir, et je vois d'un bon oeil ce que j'ai pu y lire. Il semble que nous allons avoir ce service de consultation. Bien que tout ne soit pas entièrement défini, je pense que c'est un élément très important.

Je dirais que Jack en a bien parlé avant la période des questions, quand il a dit qu'il y en avait tellement qui devaient avoir ce... Comment avez-vous dit cela encore?

M. Johnson: Je pense avoir dit que le processus de consultation était très profitable. Nous avons enregistré un excellent taux de réussite. En fait, jusqu'à maintenant, personne n'est passé d'un service de consultation - et je parle d'une consultation en 16 - à la médiation. Nous avons bon espoir qu'il continuera d'en être ainsi. On ne nous a pas dit directement que nous le pourrions, mais nous demandons que cela continue de faire partie de notre processus.

M. Holmes: De plus, monsieur Easter, nous aimerions que ces services, dans le cas de l'Ontario, soient assurés à partir du même bureau en raison des relations que nous avons eues dans le passé. Il a été fait mention de la possibilité de les confier à une autre organisation. Nous croyons fermement, en fait - j'ai d'ailleurs écrit au ministre à ce propos la semaine dernière - qu'en ce qui concerne l'Ontario, il faut maintenir les deux programmes ensemble. Il y a tout lieu de les maintenir ensemble.

M. Easter: Une dernière chose, monsieur le président.

Je sais ce que vous visez en ce qui a trait au processus de consultation. Je sais qu'il est possible pour le gouvernement, dans le cadre de certains des programmes de gestion, d'entrer en contact avec les gens avant qu'ils ne deviennent tout à fait insolvables. Mais l'un des avantages que présente à mon avis le bureau actuel, c'est que dans le processus de consultation que vous vivez vous disposez aussi d'un certain pouvoir pour prolonger les suspensions de procédure au-delà de ce que prévoit la nouvelle loi. Vous pouvez donc ainsi mettre en équilibre les forces en jeu entre les créanciers ou les banques et les institutions prêteuses et l'agriculteur.

Ma question revient à ce que vous dites à propos de la consultation. Dans quelle mesure le fait que les bureaux aient en vertu de la loi un certain pouvoir pour négocier avec les banques et les amener à un règlement contribue-t-il à la réussite de ces consultations? Quand on est en difficulté financière et qu'on se présente à la banque, on n'a pas beaucoup de pouvoir.

M. Holmes: Tout ce que je peux dire, c'est que les banques se sont montrées très coopératives l'année dernière et ont reconnu que parmi ce groupe d'agriculteurs certains sont en mesure d'accepter l'aide, et elles veulent travailler avec eux. Elles veulent fonctionner par l'intermédiaire de notre système. Un grand nombre de nos suggestions concernant les articles 26 et 20 proviennent de banques, de la SCA, mais les banques...

L'année dernière, nous avons tenté d'amener les grandes entreprises d'outillage à orienter aussi des clients qui dépensent trop - vous savez, si l'on veut toucher son argent, il faut avoir un plan d'avenir qui assure une rentabilité afin qu'on puisse acquitter ses factures - pour qu'ils s'adressent aussi à ce service.

Ce service, comme Jack le dit, est très gratifiant, surtout quand on voit une jeune famille qui s'échine à assurer sa subsistance, pour ainsi dire - si je pouvais être ainsi - pour arriver au bout du compte à se remettre à flot. Cela arrive. Je pense que le système a été très avantageux dans le passé, et si l'on voit ce que réserve le nouveau projet de loi... Il faut prendre des mesures pour que cela continue.

[Français]

Le président: Monsieur Chrétien.

.0945

M. Chrétien (Frontenac): J'aimerais obtenir des précisions sur cinq ou six points.

Tout d'abord, vous avez dit qu'en 1976, votre bureau était formé du président et de dix membres du conseil d'administration et que, par la suite, on a diminué le nombre des membres du conseil d'administration à cinq, y compris le président. Cette décision a-t-elle été prise par le conseil d'administration ou par le gouvernement?

[Traduction]

M. Holmes: La décision a été prise par le gouvernement.

[Français]

M. Chrétien: Vous parlez d'un taux de succès de 75 p. 100 pour l'Ontario seulement. Cela peut sembler un bon taux. Comme vous l'avez dit plus tôt, on ne peut les récupérer au complet. Si on n'a que très peu de cas, 75 p. 100, ça peut aller. Les cas qu'on aurait seraient les plus critiques. Pourriez-vous me dire combien de cas vous avez étudiés en moyenne par année de 1976 à 1995? J'imagine que ce taux de 75 p. 100 de réussite représente une moyenne pour les 10 dernières années.

[Traduction]

M. Holmes: Oui. Je ne parlerai pas des trois ou quatre premières années qu'a nécessitées la procédure de développement, mais le taux a certainement été constant, se situant entre 75 et 85 p. 100, au cours des six dernières années, en tout cas des cinq dernières années.

Il me semble que la décision de procéder à une rationalisation, comme vous l'avez mentionné, était souhaitable. En fait, le ministre nous a demandé à la plupart de dire quelles étaient les améliorations qu'on pourrait apporter. Je sais que quant à moi j'ai écrit au ministre et lui ai dit que je pensais que le bureau était trop imposant et qu'un bureau plus petit serait plus efficace. Mon intervention a dû lui plaire, parce que tous les bureaux ont été réduits.

Quant au nombre total de demandes, nous en recevons en moyenne 35 par mois. Je parle ici de la période allant de 1986 ou 1987 jusqu'à 1992 environ. Le secteur agricole a enregistré une amélioration qui s'est répercutée dans les nombres. Il reste quand même suffisamment de gens pour que nous puissions constituer une force importante qui contribue à maintenir sur leur ferme un groupe d'agriculteurs, habituellement de jeunes agriculteurs, qui ont pu lancer leur exploitation à un mauvais moment.

[Français]

M. Chrétien: Je voudrais vous interroger maintenant sur la nomination du président et des membres de votre bureau de médiation. Ils sont nommés par le conseil des ministres. Honnêtement, cela vous satisfait-il? Je suis du Bloc québécois et je ne serai jamais du côté du pouvoir. Donc, je n'aurai jamais à procéder à la nomination du président ou des membres de votre conseil d'administration. Cependant, j'aimerais obtenir de vous une réponse très franche. La façon de procéder à ces nominations vous satisfait-elle? Cela fait sourire mes collègues d'en face, mais j'aimerais quand même une réponse franche.

[Traduction]

M. Holmes: Oui, je crois effectivement qu'il est souhaitable que le ministre de l'Agriculture procède à ces nominations. Il a la responsabilité du programme, et il est certain que ceux d'entre nous qui sont nommés s'estiment, quelle que soit leur allégeance politique, responsables devant le ministre. La plupart des agriculteurs que je connais sont très avisés et instruits et souhaitent voir l'agriculture prospérer, et nous travaillons dans ce but.

.0950

Au cours d'une séance de formation en médiation, il a été mentionné que nous touchons environ 200 $ par jour pour nos services de médiation et que si ces services étaient achetés à une entreprise privée ils coûteraient probablement le double, le triple, ou encore plus. Nous y mettons beaucoup de bonne volonté, et nous insistons certainement sur la communication, et je pense que le mieux est d'en laisser la responsabilité au cabinet du ministre.

[Français]

M. Chrétien: Je ne dis pas que je suis toujours d'accord avec vous, mais je le demande au nom des agriculteurs. J'aimerais que vous m'expliquiez un cas type pour que je comprenne très bien, et aussi pour le bénéfice de certains de mes collègues. Est-ce que c'est l'agriculteur, les créanciers, les voisins ou les coopératives du milieu qui vous demandent d'intervenir et, lorsqu'on vous demande d'intervenir, est-ce parfois beaucoup trop tard?

[Traduction]

M. Holmes: Une très bonne question.

Ce qui arrive au fond, c'est qu'habituellement un banquier, la SCA, ou un important créancier, en discutant du dossier avec un agriculteur, dira qu'il faudrait présenter une demande au Bureau d'examen de l'endettement agricole. L'initiative vient habituellement du créancier. Mais bien souvent, comme dans le cas de l'article 16s, l'agriculteur estimera qu'il peut obtenir un plan d'avenir qui serait préférable à celui qu'il suit maintenant, et ensuite il présentera une demande. L'initiative vient donc de part et d'autre. Toutefois, les cas les plus sérieux semblent être signalés par les créanciers qui se rendent compte que l'agriculteur a besoin d'aide, et ils l'orientent dans l'espoir de l'aider à redresser sa situation. La médiation intervient après.

[Français]

M. Chrétien: Je suis moi-même agriculteur et plusieurs de mes amis agriculteurs, que je côtoie régulièrement, font partie de l'infime minorité des agriculteurs qui savent qu'un bureau comme le vôtre existe. Évidemment, les créanciers le savent, mais pour l'agriculteur, il n'y a pas eu tellement de publicité de faite là-dessus, dans les revues agricoles ou ailleurs.

[Traduction]

M. Holmes: Oui, je le reconnais. Mais il faut se rappeler qu'une interdiction de publicité ou de promotion a été imposée il y a un an. Je pense que l'on visait ainsi à stabiliser les choses. Ce ne sont là que des hypothèses. Il aurait pu ne pas y avoir de projet de loi C-38. Peut-être le gouvernement voulait-il faire disparaître progressivement le programme. Je suppose que c'était une possibilité.

Je ne sais pas où cela nous mène, mais...

[Français]

M. Chrétien: Merci d'avoir répondu à mes questions.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de dire à M. Chrétien que je suis très déçu d'apprendre que les agriculteurs auxquels il a parlé ne connaissent pas ce programme, qui existe certainement au Canada depuis 1986. Je présume que les représentants d'organismes agricoles tels que l'UPA au Québec et certainement la Fédération de l'agriculture de l'Ontario connaissent ce programme.

Vous avez souligné quelque chose auquel il faudra certainement voir.

Madame Ur.

Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé de ce matin.

En ce qui concerne l'administrateur, d'après ce que j'ai lu, il s'agit d'une nomination pour trois ans; donc, aucune imputabilité pendant trois ans, aucun compte à rendre. L'administrateur devient le grand responsable du programme et des médiateurs. Pouvez-vous nous expliquer à qui il devra rendre des comptes?

.0955

M. Holmes: Nos postes vont disparaître. Il n'y aura plus ni président, ni membres du bureau. Si je comprends bien, l'administrateur assumera ces tâches. C'est lui qui recevra les demandes, qui remettra les dossiers à des spécialistes, qui nommera le médiateur et qui mènera tout.

En ce qui concerne l'imputabilité pour un an que vous proposez, je présume qu'il doit rendre continuellement des comptes, mais il n'aura pas, je pense, à présenter un rapport au ministre pour trois ans.

Mme Ur: Est-ce là une période appropriée? Est-ce une amélioration?

M. Holmes: Une absence de trois ans? Je ne sais pas si cette période est appropriée ou pas. Personnellement, j'aime savoir que quelqu'un est responsable.

M. Johnson: Nous craignons, Rose-Marie, que l'administrateur, les membres du bureau et les médiateurs n'aient plus à rendre de comptes à cause de cette nouvelle fragmentation. La loi précise qu'aucun examen ne sera fait pendant au moins trois ans, et cela nous préoccupe beaucoup.

Mme Ur: C'est très beau d'être optimiste, mais, en trois ans, il pourrait se présenter des choses qu'il faudra régler avant la fin de la période de trois ans.

M. Johnson: Je pense que les conseils que nous nous échangions grâce à la présentation d'un bon programme sont perdus.

M. Holmes: En effet.

Mme Ur: Est-ce que les dispositions sur la suspension des procédures sont différentes de ce qu'elles étaient dans l'ancienne loi?

M. Johnson: Essentiellement, non. La suspension demeure tant que l'enquête n'a pas eu lieu, et ensuite, si l'on continue l'action... le principe fondamental de la suspension n'a pas beaucoup changé.

Mme Ur: Lyle a laissé entendre au cours de son exposé que tout maintenant relève du règlement, et non pas tellement de la loi. Une approche préférable ne consisterait-elle pas à diminuer le nombre, de façon à donner plus d'expérience... ne vaudrait-il pas mieux confier un plus grand nombre de dossiers plutôt que de n'en donner qu'un de temps à autre? Ainsi les médiateurs auraient une meilleure formation, serviraient un plus grand nombre d'agriculteurs et seraient plus exposés à des idées. Il n'y aurait pas de long intervalle entre les dossiers, et donc ils auraient un suivi d'information tiré de nombreuses affaires différentes.

M. Johnson: Je partage votre avis. Nous avons constaté qu'au cours de la dernière année, lorsque le groupe était plus petit, plus serré, nous étions plus efficaces. C'est-à-dire que nous nous réunissions plus souvent, nous nous suivions plus attentivement l'un l'autre, et nous étions prêts à accepter des conseils amicaux plus facilement - et de l'administrateur et de nos collègues médiateurs - que cela ne sera le cas à l'avenir. Là encore, ce sera à cause de la fragmentation.

Mme Ur: À votre avis, cette nouvelle loi sur la médiation constitue-t-elle une meilleure approche que l'ancienne loi, qui opposait les agriculteurs aux créanciers? Pensez-vous que cette approche est plus à l'amiable?

M. Johnson: Au départ, il ne ressortait pas très clairement de la loi comment on procéderait pour les nominations. Le règlement reçu hier confirme que les nominations seront faites beaucoup plus par des pairs que nous ne le pensions d'abord possible. Nous avions même entendu dire que la médiation serait donnée à contrat.

À moins que la nouvelle loi ne prévoie à nouveau l'obligation pour l'administrateur et les médiateurs de rendre des comptes et l'obligation de justifier le processus d'appel, je crains qu'il n'y ait un certain froid. Nous n'aurons peut-être pas la même influence que nous avons aujourd'hui parce que nous ne serons pas aussi unis dans nos efforts.

.1000

Plus précisément, je pense que la formation fait partie de la médiation, fait partie du processus. Si nous nous contentons de la médiation, de résoudre le problème de quelqu'un pour ensuite le renvoyer à ses moutons, cela peut signifier qu'il reviendra dans deux ans. Si l'on donne un peu de formation à l'agriculteur dans le cadre d'un effort conjoint au cours de la médiation, par l'entremise de l'équipe de médiation, et pendant tout le processus, alors il pourra s'organiser, et, avec un peu de chance, nous ne le reverrons jamais. On peut du moins espérer que ce sera ainsi.

Mme Ur: J'ai une dernière question à poser.

Je sais qu'il y a eu interdiction au cours de la dernière année, à cause des changements qu'on allait apporter. Comment peut-on faire savoir aux gens que vous êtes là, que vous êtes de retour, que vous êtes en activité? Que pouvons-nous faire différemment?

M. Holmes: Je pense que plusieurs possibilités s'offrent à nous. Dans le cadre de sa publicité d'offre de service, la SCA pourrait inclure quelque chose pour indiquer que nous sommes là. Nous pourrions nous-mêmes faire de la publicité afin de faire connaître le service que nous offrons.

Nous avons essayé plusieurs formules par le passé, certaines avec succès et certaines sans succès. Quant à se rendre à la foire d'automne - nous avons tenté cela à l'époque de l'ancien administrateur - ce fut un échec. Personne ne voulait être vu à un kiosque, à la foire d'automne, en train de parler de ses dettes.

Mme Ur: Exactement. On ne voudrait pas y être vu, j'en suis persuadée.

M. Holmes: Non. Je pense qu'une publicité discrète dans la presse agricole, dans les bureaux de l'OMAFRA, serait plus appropriée. C'est ce que nous avons fait par le passé qui a fonctionné.

Mme Ur: Je pense qu'une approche globale, qui ne précise pas exactement ce dont il s'agit, a beaucoup plus de chances de succès.

M. Holmes: Certainement. On ne devrait pas y aller au hasard comme avec les foires d'automne.

M. Johnson: La fédération, peut-être, qui semble beaucoup s'inquiéter de la nouvelle loi, pourrait...

Mme Ur: Faire la promotion.

M. Johnson: ...faire la promotion pour nous.

Mme Ur: Encore une fois, merci.

Le président: Je ne veux pas limiter la discussion, mais nous avons un autre témoin. Avant de mettre fin aux questions, nous donnerons la parole à M. Hermanson et à M. Calder, et ensuite nous passerons aux témoins suivants.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, de votre présence ici au comité.

M. Chrétien a volé plusieurs de mes questions. Vous avez mentionné que votre charge de travail a considérablement diminué depuis cinq ans, diminué de plus de 50 p. 100. Combien de personnes travaillent maintenant en Ontario au Bureau d'examen de l'endettement agricole comparativement à il y a cinq ans - et je parle du personnel sur place, des spécialistes, des membres du bureau et des membres du comité d'appel?

M. Holmes: Il y a le bureau de cinq personnes - le président et quatre membres - qui peuvent tous présider un comité d'examen; c'est ce que nous appelons les médiateurs. Ensuite, il y a le bureau, où il y a un directeur et deux personnes chargées du travail de bureau, d'assigner les dossiers, de tenir le registre des décisions du bureau d'examen, ce genre de choses.

Il y a ensuite le groupe des contractuels, soit actuellement 32 personnes. Nous retenons les services de médiateurs et de spécialistes à contrat, contrats renouvelables à tous les ans. À tous les mois de novembre, nous effectuons une évaluation, car certains vieillissent, certains veulent partir, et nous avons toujours une liste d'entrepreneurs intéressés. Nous faisons un tri et nous choisissons les meilleurs. Donc, au fil des ans, je pense que nous avons pu obtenir du personnel plus compétent.

Pour répondre à l'autre partie de votre question, j'ai vu quelque part dans mes dossiers qu'environ 400 personnes ont postulé ces fonctions en 1986. Je ne sais pas combien d'entre elles étaient en activité, mais, de toute évidence, il y a eu une volonté délibérée d'attirer le plus grand nombre de candidats, ce qui est sans doute la meilleure façon de procéder, puisqu'on peut choisir la meilleure recrue parmi de nombreux candidats. Nous savons maintenant ce dont nous avons besoin dans les différentes catégories de production. Il est inutile d'engager un expert supplémentaire de la production porcine si nous en avons déjà trop. Au cours du dernier exercice, notre spécialiste de la production de fruits a dû nous quitter, et nous avions donc un besoin dans ce domaine. Nous avons recruté un autre spécialiste des fruits de façon à compléter nos ressources et à pouvoir assurer un service complet.

M. Hermanson: Est-ce que les experts et le personnel sur le terrain ont un salaire annuel, avec remboursement des frais?

.1005

M. Holmes: Non. Ils sont rémunérés à forfait pour chaque cas, le forfait pouvant être rajusté à la hausse ou à la baisse selon le cas. Les panélistes reçoivent environ 150 $ par jour, ou moins pour un cas peu important. Si le cas est très complexe et que le panéliste prend du retard, il peut demander une rémunération supplémentaire.

M. Hermanson: Vous parlez des panélistes.

M. Holmes: Oui, c'est-à-dire de ceux qui siègent avec le membre du bureau.

M. Hermanson: Ce ne sont pas les experts.

M. Holmes: Non, les experts sont rémunérés d'une façon tout à fait différente. Ils travaillent à contrat.

M. Hermanson: Dans votre document, vous dites que vous n'envisagez aucune économie en cas d'adoption du projet de loi C-38. Pourquoi dites-vous cela? Si je comprends bien, les médiateurs feront une soumission pour chaque cas, et il y aura une forme d'évaluation du rendement pour vérifier si le contribuable en a pour son argent. Pourquoi pensez-vous qu'il n'y aura aucune économie?

M. Holmes: Je ne suis pas certain que nous ayons dit qu'il n'y avait pas d'économies. Je crois que nous nous sommes demandé s'il allait y en avoir. Encore une fois, comme l'a indiqué mon collègue, Jack, on va avoir trois petits groupes qui ne seront pas responsables devant le bureau, alors qu'ils le sont actuellement. Il va y avoir trois groupes différents qui composeront le service sous la direction de l'administrateur.

M. Johnson: Si je puis ajouter quelque chose, nous avons actuellement six personnes. Selon la nouvelle proposition, ce nombre sera porté à 11.

M. Holmes: Nous avons constaté que plus notre personnel est occupé, plus son rendement augmente. Et il en va de même pour les panélistes, les experts et les membres du bureau.

M. Hermanson: Je viens de trouver les notes de M. Johnson. On y lit ceci: «La nouvelle loi centralise le pouvoir, mais fragmente la méthode; elle ne permettra pas d'économiser de l'argent et ne présentera aucun avantage pour l'agriculteur ni pour son créancier.» En fait, il s'agit d'une copie d'une lettre de M. Calder, où il est question d'une discussion avec M. Johnson.

M. Holmes: Je suis d'accord là-dessus.

M. Johnson: Oui, c'est ainsi que le bureau résume la nouvelle loi. Nous estimons qu'elle ne nous permettra pas d'économiser de l'argent, parce qu'elle va faire intervenir un plus grand nombre de personnes. Qui dit plus d'intervenants dit plus d'argent.

M. Hermanson: Vous pensez donc qu'il y aura plus d'intervenants en vertu du projet de loi C-38 qu'il n'y en a actuellement au Bureau d'examen de l'endettement agricole.

M. Johnson: Actuellement, nous avons cinq personnes, plus un administrateur. Dans la nouvelle formule, il y aura dix personnes, plus un administrateur, ou même 11, plus un administrateur.

M. Hermanson: Il faudra donc prévoir davantage pour les salaires, le soutien et les experts supplémentaires.

M. Johnson: C'est exact.

M. Hermanson: Vous parlez d'un taux de succès de 75 p. 100. Je crois que cela prête un peu à confusion. Ce «taux de succès» signifie qu'un cas a été réglé avant d'être soumis à un tribunal. Il peut donc arriver qu'un agriculteur perde toute sa terre, mais s'il y renonce volontairement, on considérera que ce cas est un succès. N'est-ce pas?

M. Holmes: Notre méthode de travail est un peu différente de celle des bureaux de l'Ouest. Je pense que notre taux de succès est assez exact. Du moins, je l'espère.

M. Hermanson: Comment définissez-vous le succès?

M. Holmes: Un cas est un succès lorsque nous convenons d'un arrangement qui définit la façon dont un agriculteur doit gérer son exploitation au cours des cinq années suivantes. Parfois, l'arrangement comporte une diminution de l'exploitation, comme vous l'avez mentionné, mais il est préférable d'avoir une exploitation réduite, mais rentable, quitte à devoir prendre un emploi complémentaire à l'extérieur, par exemple, plutôt que de garder toute l'exploitation et de perdre de l'argent. Je pense que la véritable question concernant le taux de succès consiste à savoir si nous avons amélioré le sort de l'agriculteur.

M. Hermanson: Un agriculteur qui a une exploitation de 1000 acres et qui, à l'issue de cette procédure, se retrouve avec une exploitation de 500 acres qui semble viable constitue pour vous un succès. C'est bien votre définition, n'est-ce pas?

M. Holmes: Oui, s'il paie ses factures et qu'il fait vivre sa famille, nous considérons que c'est un succès.

M. Hermanson: Sur la question des nominations par décret du conseil, vous pensez qu'elles ont donné de bons résultats et qu'il n'y a pas eu de problème de favoritisme politique. Dans le monde agricole, on craint que les postes au Bureau d'examen de l'endettement agricole et, éventuellement, ceux des médiateurs nommés en vertu de la nouvelle loi ne soient attribués en récompense de la loyauté en politique plutôt qu'en fonction du mérite. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. Par ailleurs, pensez-vous qu'on pourrait prévoir dans le projet de loi C-38 des mesures susceptibles de prévenir ces craintes chez les agriculteurs? Les organismes agricoles devraient-ils avoir leur mot à dire sur le choix des médiateurs?

.1010

M. Holmes: C'est une question délicate. J'aimerais pouvoir penser que nous sommes là à cause de nos aptitudes, mais votre scénario suscite quelques doutes dans mon esprit. Je pense que si les organismes agricoles avaient leur mot à dire, la situation serait sans doute la même; on ne ferait que déplacer le problème. Il y aurait toujours...

M. Hermanson: Y a-t-il une formule qui permette d'éviter tout favoritisme politique?

M. Holmes: Je pense que les candidats ne doivent être évalués qu'au mérite. S'ils peuvent faire le travail qu'on attend d'eux, ils doivent obtenir les postes.

M. Hermanson: Qui sont-ils? Voilà la question essentielle. Des gens sont venus me dire à mon bureau: «Un tel a été nommé au Bureau d'examen de l'endettement agricole, et c'était le directeur de campagne du candidat libéral défait dans la circonscription de Swift Current - Maple Creek - Assiniboia.»

M. Easter: J'entends dire que les Réformistes sont en train de démettre de leurs fonctions d'anciens Conservateurs.

Des voix: Oh, oh!

M. Holmes: Je crains, monsieur le président, de devoir laisser cette question de côté. Je ne peux pas y répondre correctement.

Le président: C'est une sage décision, monsieur Holmes, que de laisser cette question de côté. On ne peut pas demander à M. Hermanson d'y renoncer, mais peut-être...

M. Hermanson: C'était pourtant une bonne question, Lyle. Qui pourrait y répondre, sinon quelqu'un d'expérience?

Le président: Je vous pose la question suivante, monsieur Hermanson: est-ce que vous prétendez que les gens du Bureau d'examen de l'endettement agricole qui sont ici aujourd'hui ne sont pas aptes ni qualifiés pour faire leur travail?

M. Hermanson: Je dis que certains d'entre eux ont été nommés en fonction de leur engagement politique plutôt qu'au mérite.

Le président: Monsieur Calder, rapidement.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président, de me donner du temps pour poser mes importantes questions.

Je n'ai qu'un sujet à aborder, car tout le reste l'a déjà été. En fait, c'est la synthèse de plusieurs questions.

On parle ici de coût, de méthode et d'efficience. J'insiste sur cette notion d'efficience. Bob et Jack, vous avez parlé dans votre exposé de la construction du bureau. Vous pensez qu'on pourrait réduire la taille du bureau par rapport à son effectif actuel, soit un administrateur et cinq personnes qui s'occupent de la médiation et des appels. On peut faire appel à un certain nombre de médiateurs dans l'éventualité d'un conflit. Mais au cours de la discussion, j'ai entendu dire que les médiateurs et les experts sont choisis en vertu d'une procédure concurrentielle d'attribution de contrats. Il faut donc maintenant parler de coût, de méthode et d'efficience.

Ma question est très simple. Le plus bas soumissionnaire n'est pas toujours le meilleur candidat. Qu'en pensez-vous?

M. Holmes: Je suis tout à fait d'accord. À mon avis, l'administrateur doit tout d'abord étudier le cas avant de déterminer qui, parmi tous les experts, est le mieux placé pour s'en occuper.

Le président: Je voudrais vous demander quelques précisions. Avez-vous par-devers vous les chiffres de l'année dernière correspondant au nombre de cas traités en vertu de l'article 16, c'est-à-dire les cas de personnes en difficulté, par rapport aux cas traités en vertu de l'article 20, qui, dans le contexte du nouveau projet de loi, concerne des personnes réputées insolvables? Avez-vous ces chiffres, et pouvez-vous nous dire quel a été le taux de succès dans chacune de ces deux catégories?

M. Holmes: Monsieur le président, je n'ai pas ces chiffres ici, mais je pourrais les communiquer au comité. Est-ce que je peux vous envoyer tout cela par courrier?

Le président: Pouvez-vous les envoyer au greffier, qui nous les transmettra?

J'ai une autre question à poser. Le nouveau projet de loi semble indiquer clairement qu'on va s'occuper des cas réputés insolvables.

M. Holmes: C'est dans la loi.

Le président: Oui, c'est dans la loi. Dans ce cas, je crois que la répartition à l'échelle nationale était de 68 contre 32: 68 p. 100 de cas relevant de l'article 36, c'est-à-dire des agriculteurs en difficulté, contre 32 p. 100 de cas que l'on peut qualifier d'insolvables. Cela m'amène à supposer qu'à l'avenir la charge de travail du processus de médiation de l'endettement agricole ne représentera que 32 p. 100 de ce qu'elle est actuellement.

M. Holmes: Nous nous sommes posé les mêmes questions et nous avons abouti aux mêmes chiffres.

Le président: Je voudrais faire maintenant un commentaire personnel, qui ne représente pas le point de vue du comité.

.1015

Il nous serait difficile de dire à quelqu'un: «Vos difficultés ne sont pas suffisamment graves, ou vous n'êtes pas suffisamment endetté pour avoir droit à de l'aide, mais si nous avions pu vous rencontrer il y a un an dans le cadre d'une procédure de médiation, vous ne vous seriez peut-être pas retrouvé dans une telle situation». Il serait donc intéressant, pour moi comme pour le comité, de connaître le taux de succès des cas relevant de l'article 20 par rapport au taux de succès des cas qui relevaient, jusqu'à maintenant, de l'article 16. Il est de 75 p. 100 globalement, ce qui me semble un excellent taux de succès, mais il serait intéressant de savoir comment ce taux se répartit.

À moins que vous n'ayez quelques brefs commentaires à faire pour conclure, je tiens à vous remercier d'avoir comparu ce matin devant le comité.

M. Holmes: Je dirais simplement, en conclusion, que nous avons été heureux de pouvoir comparaître devant le comité. Nous espérons que nos réponses ont été pertinentes. Pour votre information, j'ai ici le nom de tous les présidents et de tous les directeurs généraux au Canada, si cela vous intéresse. J'ai ici les détails de la procédure à suivre dans les cas où l'on ne sait pas exactement comment procéder. Pour toute information complémentaire dont vous auriez besoin concernant la situation en Ontario, vous pouvez prendre contact avec notre bureau.

Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'avoir passé un moment avec nous aujourd'hui.

Le témoin suivant est M. Couillard. M. Couillard est président du Bureau d'examen de l'endettement agricole du Québec. Je crois qu'il n'a personne avec lui.

Bonjour, monsieur Couillard. Soyez le bienvenu devant le comité.

M. Jean-Yves Couillard (président, Bureau d'examen de l'endettement agricole du Québec): Bonjour.

Le président: Allez-y.

[Français]

M. Couillard: Monsieur le président, il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui pour présenter la position du Québec. Nous avons fait un peu comme l'Ontario. Nous avons eu une réunion au niveau provincial et au niveau national. Comme M. Stevenson n'est pas ici, nous présenterons chacun des points dont nous avons discuté lors de cette réunion. Pour ce qui est du niveau national, nous le laisserons présenter l'exposé qu'il voudra bien faire. Je crois que l'ensemble du dossier sera présenté soit par l'Ontario, soit par le Québec.

Je voudrais que vous soyez bien à l'aise. Je m'appelle Jean-Yves Couillard et je suis président du Bureau d'examen de l'endettement agricole du Québec. Je suis également agriculteur. J'ai une ferme que j'exploite avec mon épouse et mes deux fils. Il s'agit d'une ferme laitière qui produit 12 000 kilos de matières grasses. J'ai également une ferme céréalière, laquelle a pris plus d'importance que la ferme laitière, parce qu'on cultive actuellement tout près de 2 000 acres. On produit du soja, du maïs, du grain et un peu de blé d'alimentation.

.1020

Nous sommes vraiment dans le marché parce que nous travaillons également avec M. Richardson pour l'exportation de soja et d'un peu de maïs. Donc, cette ferme a pris de l'expansion, comme toutes les autres. Nous avons essayé de le faire le plus sagement possible pour ne pas être obligés de passer devant le Bureau d'examen de l'endettement agricole.

C'est sûr que nous n'avons pas, comme les députés autour de la table, une préoccupation en ce qui a trait au prix du lait. Nous croyons et vous disons tout simplement que l'agriculture d'aujourd'hui est d'une importance capitale pour le Canada et le monde. Les agriculteurs d'aujourd'hui sont obligés de s'acclimater à la concurrence mondiale, ce qui les met souvent dans une situation financière difficile. J'avais moi-même écrit au ministre pour tenter de le convaincre de maintenir et d'améliorer les services financiers destinés aux agriculteurs afin d'enrayer les problèmes auxquels ils avaient à faire face.

En ce qui a trait au budget, vous ferez ce que vous voudrez, mais je pense que, compte tenu de la situation actuelle, vous devez, non pas seulement les maintenir, mais les l'améliorer. Il est certain que nous allons travailler ensemble pour tâcher d'améliorer ce projet et le rendre plus humain.

Pour commencer, nous voudrions vous faire quelques suggestions. Premièrement, nous suggérons l'abolition de l'article 16 de l'ancienne loi. Étant donné que la nouvelle loi est plus restrictive en ce qui a trait à l'admissibilité des agriculteurs en difficultés financières, nous voulons l'assurance que le nouveau programme sera mis en place pour permettre à ces agriculteurs d'obtenir de l'aide financière pour défrayer les coûts de l'embauche d'un expert-conseil spécialisé en gestion agricole afin de relancer leur entreprise.

J'aimerais, non pas en tant que représentant du Bureau, mais plutôt en tant qu'agriculteur, vous démontrer que les mesures préventives sont toujours meilleures que les mesures curatives. Cela est vrai dans tous les domaines. Lorsque vous vous sentez faiblir, que ce soit mentalement ou physiquement, il est temps de consulter des personnes qui peuvent vous aider à maintenir une tranquillité d'esprit en ce qui a trait à votre entreprise ou à autre chose.

Donc, nous croyons que l'absence de l'article 16 est un handicap qu'il faut surmonter d'une façon ou d'une autre. Souvent, l'agriculteur ne voit pas l'ensemble de son entreprise. Il ne sait vraiment pas où apporter des correctifs. Il serait intéressant qu'un ou deux experts-conseils puissent l'aider. Ces experts-conseils pourraient être deux confrères agriculteurs qui, avec leur expérience, pourraient l'aider à découvrir les failles dans son entreprise et la façon de les corriger. L'absence de l'article 16 devient un handicap pour le maintien des agriculteurs qui sont en difficulté.

.1025

Deuxièmement, en ce qui a trait à la responsabilité de l'administrateur, on sait qu'il y aura une commission d'appel. Nous croyons que les responsabilités additionnelles dont sera investi le directeur général sont assez larges.

Nous proposons la création d'un comité national - cela vient du niveau national et non du Québec - composé d'un représentant de chacune des provinces ou régions administratives et responsable des opérations des différents bureaux. Ce comité trancherait les litiges quant à l'application de la loi. On avait discuté de cela lors de la rencontre des présidents à Winnipeg et également à Ottawa.

Nous croyons plutôt que les présidents des comités d'appel de chacune des régions administratives devraient former un comité national qui aurait pour mandat de veiller aux orientations et aux problématiques de la nouvelle loi. Nous nous limitons à cette proposition étant donné que nous croyons qu'il faut toujours être plus près du client, plus près de la base.

Nous croyons également que cela devrait relever du provincial, qui est très, très près des problèmes. S'il y avait de nouvelles orientations, les présidents pourraient se réunir au niveau national pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui auraient fait surface et faire modifier la loi en conséquence. Si vous voulez une agriculture forte au niveaux provincial et fédéral, vous devez rester tout près de la base, des intervenants.

C'est pourquoi nous privilégions le niveau provincial, mais les présidents devraient pouvoir se réunir au niveau national pour étudier les problèmes et les orientations à prendre et apporter les correctifs nécessaires.

Troisièmement, il s'agit de la définition du mot «expert» au niveau du paragraphe 4(4) et de l'article 9. Nous croyons que l'analyse de la situation financière devrait être faite par des experts financiers spécialisés en agriculture. Le terme «expert» tel que défini dans la nouvelle loi est très large et laisse aux tribunaux la possibilité d'interpréter le mot «expert» en fonction de l'obligation faite au Bureau de fournir des services professionnels à l'agriculteur. Cela ne permet pas d'atteindre les objectifs de la loi.

Les experts, selon nous, devraient être des personnes qui connaissent vraiment l'agriculture, spécialement en ce qui a trait à l'évaluation de l'entreprise, des bâtiments et de la machinerie. Un tel expert pourrait alors, avec l'agriculteur, commencer à examiner quelques pistes de solutions. Si le type est un agronome expérimenté, un agro-économiste, il pourra sûrement monter un portrait complet de l'entreprise et l'agriculteur pourrait avoir une meilleure vue d'ensemble de son entreprise en ce qui a trait à ses actifs, son passif et l'état de ses revenus. Il verrait alors ce qu'il possède.

Il pourrait aussi savoir où il en est rendu car, souvent, ses avoirs présentent un bilan négatif lorsqu'il en est rendu à faire une demande au Bureau d'examen de l'endettement agricole. C'est malheureux car il est beaucoup plus difficile, à ce moment-là, de le remettre sur la bonne voie.

.1030

Il est préférable de faire ce portrait-là avant qu'il ne soit en difficulté. Lorsque le producteur l'a en main, il peut voir ce que représente son entreprise et il est plus facile, avec des experts agricoles, d'apporter des solutions.

Donc, on veut une meilleure définition du mot «expert», afin que celui qui ferait l'évaluation de la ferme, des bâtiments et de la machinerie agricole connaisse vraiment ce qui est en cause. On ne peut spéculer qu'un tracteur vaut 65 000 $, 85 000 $ ou 50 000 $.

Ces types-là connaissent cela. Ils vont dans les encans et connaissent la véritable valeur marchande de toutes ces choses-là. C'est plus facile pour eux de monter un vrai portrait de l'entreprise.

Quatrièmement, le déséquilibre des parties est un point très important pour nous.

Vous tous, autour de la table, avez une formation qui sort un petit peu de l'ordinaire. Certains d'entre vous ont sûrement une formation universitaire et, bien que certains agriculteurs aient aussi reçu une certaine formation, ils manquent souvent d'expérience du côté financier. C'est pour cela qu'on parle de déséquilibre des parties.

Supposons qu'il y ait un acheteur pour 14 vendeurs. Dans le cas des vendeurs, vous allez voir qu'il n'y a pas beaucoup d'équilibre. L'acheteur peut les faire courir comme il le voudra en disant à l'un d'eux: «Écoute, l'autre me donne ceci et l'autre me donne cela.» Pour qu'il y ait équilibre, il faudrait que l'acheteur et le vendeur puissent traiter à forces égales. Cet équilibre doit aussi exister au niveau des médiations.

Avec l'expérience acquise dans l'application de la loi actuelle, nous croyons que la nouvelle loi fera que les agriculteurs seront seuls devant leurs créanciers, créant ainsi un déséquilibre des parties au dossier.

Selon l'ancienne loi, avant la rencontre des créanciers, les membres des comités d'examen conseillaient l'agriculteur dans sa démarche et cela, sans préjudice aux créanciers. L'agriculteur, lors de la rencontre avec les créanciers, était alors plus à l'aise et se sentait soutenu dans sa démarche.

Il se créait entre l'agriculteur et les membres du comité, qui étaient choisis parmi ses confrères, une certaine confiance qui, souvent, n'existait pas lors d'une rencontre strictement entre les créanciers et l'agriculteur.

Nous proposons donc que la nouvelle loi prévoie un parrain qui serait un producteur spécialisé, c'est-à-dire une personne en laquelle l'agriculteur pourrait avoir confiance et qui pourrait le conseiller afin de l'aider à passer les étapes de la médiation, cela pour chacun des dossiers.

L'agriculteur spécialisé ne serait pas toujours le même. Au contraire, lorsqu'un agriculteur aurait une difficulté avec des vergers, d'autres producteurs pourraient l'appuyer parce qu'ils auraient acquis plus d'expérience. C'est ce que je veux dire en parlant de trouver quelqu'un qui pourrait appuyer l'agriculteur, qui l'aiderait lors des négociations, qui pourrait faire valoir des bons points qui seraient examinés en ce sens.

Bien que je sois le président du Bureau, c'est à titre d'agriculteur que je vous ai parlé plus tôt en tentant de vous faire comprendre ce qu'on ressent au Québec.

La loi devrait tenir compte du respect humain. Vous savez tous que lorsque vous avez des problèmes financiers importants, cela se reflète sur la famille, un peu partout. C'est la même chose pour l'agriculteur qui a mis 20, 25, 30 ou 35 ans de son labeur et du labeur de sa famille dans cette entreprise-là et qui, tout à coup, se réveille et n'a plus rien.

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Les députés, après un certain nombre d'années, ont un régime de retraite, mais nous, agriculteurs, n'en avons pas. Après tant d'années, on peut se réveiller avec rien. C'est vraiment stressant.

Recommencer une vie lorsque vous, votre femme et votre famille avez mis autant d'efforts... Donc, il faut que la nouvelle loi tienne compte de l'aspect humain afin de permettre à l'agriculteur de bien saisir les problèmes auxquels il fait face et de trouver les solutions nécessaires.

Je ne retrouve pas cet aspect humain dans la loi. On ne parle que de médiation pure et simple. C'est pourquoi j'aimerais qu'on examine quels services pourraient s'y greffer.

On ne parle plus de bureau. Cependant, il faudra quand même en parler puisque l'administrateur devra travailler à partir d'un endroit quelconque.

Pour l'Ontario, on parlait d'un taux de réussite de 75 p. 100. Dans les 25 p. 100 d'autres cas, qu'est-ce qui attend l'agriculteur et sa famille? Le bien-être social? Je ne crois pas qu'on doive se rendre là, en 1996 ou 1997. Je pense plutôt qu'on devrait prévoir quelque chose afin de lui permettre de se restructurer, entre autres par des cours de formation qui lui permettront peut-être d'aller dans des domaines qui lui soient plus familiers.

Pour administrer une ferme, aujourd'hui, il faut avoir des connaissances du côté financier. Ce n'est pas une petite affaire de 10 000 $ ou 15 000 $. Il s'agit plutôt d'une affaire de 100 000 $, 200 000 $ ou 500 000 $ selon les cas, et même davantage.

Je vous dis cela pour vous faire comprendre l'importance de l'aspect humain. Je pourrais vous donner un petit exemple. La ferme pourrait se trouver dans une situation financière précaire et, s'ils doivent acheter un tracteur ou de la machinerie, l'agriculteur et son épouse devront signer les documents nécessaires. Si l'épouse travaille à l'extérieur de la ferme, qu'arrivera-t-il de son salaire si on ne peut faire les remboursements requis? Savez-vous ce qui arrive? L'épouse dit alors tout simplement: «Moi, je quitte la maison; je ne veux pas que mon salaire soit saisi, etc.» Vous voyez ce qui arrive de l'aspect humain dans ces situations. Il survient des séparations. Ce sont des moments très difficiles à vivre. C'est à cet aspect que je voulais vous sensibiliser.

Je voudrais pouvoir vous dire que le côté budget, c'est votre affaire. Je tiens à vous dire que dans le contexte de la mondialisation de l'agriculture, il faudrait, non pas le diminuer, mais l'augmenter. Je suis certain que le ministre de l'Agriculture serait content, parce qu'il pourrait se coucher plus tranquille et que le gouvernement aurait moins de problèmes.

Je m'arrête là. J'ai outrepassé mon mandat lorsque je vous ai parlé de budget. Mais je l'ai fait parce que mon implication dans mon organisation agricole et avec l'UPA date de longtemps.

[Traduction]

Le président: Je vais donner la parole à M. Chrétien, puis à M. Paradis.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Couillard, bienvenue au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Ce qui m'a particulièrement touché en écoutant votre exposé, c'est le coeur qui bat en vous, le respect que vous avez pour l'agriculteur en difficulté financière.

Monsieur Couillard, les statistiques nous révèlent que du 5 août 1986 au 31 mars 1996, en près de 10 ans, 68 p. 100 des demandes sont venues d'agriculteurs en difficultés financières.

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Selon la nouvelle loi, les producteurs en difficultés financières ne seraient pas admissibles à une aide de votre bureau. Vous n'avez pas parlé de cela. Monsieur Couillard, n'auriez-vous pas une suggestion à nous faire en ce qui a trait aux producteurs agricoles en difficultés financières?

Ils ne sont pas dans la merde jusqu'au cou, mais ils risquent de l'être bientôt. Ils ont le pied sur une pelure de banane. Doit-on attendre qu'ils se soient enlisés totalement avant de venir à leur secours?

M. Couillard: J'en ai glissé un mot en vous disant que le retrait de l'article 16 était une lacune de la nouvelle loi. La nouvelle loi ne touche que l'aspect curatif et non l'aspect préventif.

Pour l'agriculture et pour l'agriculteur, c'est une situation qui deviendra de plus en plus difficile. Il est beaucoup plus facile d'apporter un correctif à une situation financière difficile alors que la personne n'est pas à l'agonie.

La loi devrait permettre à ces agriculteurs d'avoir accès aux personnes qui sont capables de dresser un portrait de leur entreprise pour que des correctifs soient apportés par des personnes compétentes.

J'aimerais que la loi prévoie quelque chose en ce sens.

M. Chrétien: Je ne reviendrai pas sur des questions très pointues qui ont trait aux nominations. Nous en avons parlé en privé plus tôt et M. Anderson en a aussi parlé. Dans votre exposé, vous avez insisté fréquemment sur le fait que les gens du Bureau devraient vraiment connaître l'agriculture.

Pourrait-il se glisser, parmi les personnes qui font l'objet de nominations, des gens qui seraient appelées à conseiller des agriculteurs bien qu'ils aient toujours vécu les deux pieds sur l'asphalte, des gens qui n'ont jamais vu de près une ferme, qui n'ont jamais vu une vache de près et qui se permettraient d'aller rencontrer un agriculteur pour lui dire de faire ceci ou de faire cela?

M. Couillard: Je ne voudrais pas me faire le porte-parole des autres provinces. Au départ, mon père et ma mère, comme cela se passe dans bien des familles, voulaient que je devienne un professionnel. Il fallait qu'on soit curé, prêtre ou je ne sais plus trop quoi. C'est ce qu'on a essayé de faire de moi. On m'a envoyé au séminaire. Les responsables du séminaire m'ont renvoyé sur la terre parce qu'ils avaient plus de difficulté avec moi que j'en avais avec eux. C'est dire que j'ai vraiment une âme d'agriculteur. L'agriculture est toute ma vie.

Au Québec, nous avons analysé les unes après les autres les personnes ressources et avons éliminé celles qui n'avaient rien à apporter.

M. Chrétien: Dois-je comprendre qu'au Québec, vous avez éliminé certaines personnes?

M. Couillard: Nous en avons éliminé quelques-unes qui étaient un peu trop âgées ou qui étaient dépassées par le temps. Il fallait des personnes actives, connaissant vraiment l'agriculture et ayant travaillé très près de l'agriculture.

Souvent, il s'agit de conseillers financiers d'organismes agricoles. Ce sont les personnes que nous privilégions le plus. Les plus âgées, celles qui étaient dépassées par le temps, n'avaient plus leur place.

.1045

Un autre critère très, très important, qui fait la crédibilité du Bureau, est celui de la confidentialité. La confidentialité est très importante pour moi. Si on entend quelqu'un parler de certains dossiers et nommer des personne, soyez assuré qu'il ne fera plus partie du Bureau.

M. Chrétien: J'aimerais qu'on prenne un exemple type. Je demeure dans la région de Thetford Mines et, en regardant la liste des témoins venant du Québec, j'ai constaté qu'il y avait une dame agricultrice de Saint-Adrien-d'Irlande.

Puisqu'on dit que, la majorité du temps, ce sont des créanciers qui font appel à votre service, supposons que mon créancier, la Banque Nationale, communique avec vous et dise: «Chrétien, de Garthby, nous doit tel montant. On saisit ses biens et on les vend à l'encan.» Que fait-on? Vient-on secourir l'agriculteur ou le créancier? Comment cela se passe-t-il?

M. Couillard: J'aimerais traiter votre dossier. Normalement, M. Chrétien ferait une demande au Bureau de l'examen de l'endettement agricole. J'aurais préféré que sa demande soit faite en vertu de l'article 16 plutôt que de l'article 20. Cependant, en vertu de l'article 20, le Bureau envoie automatiquement à tous les créanciers un avis de non-réalisation de leurs créances et ouvre un dossier au nom de M. Chrétien pour qu'on puisse le traiter.

L'administrateur, le directeur - parce qu'aujourd'hui c'est encore un directeur - formera un comité. Le président de ce comité est toujours un administrateur du Bureau. Il siège avec deux personnes ressources.

Dans un premier temps, si le dossier est difficile, nous rencontrerons celui qui l'aura monté. Normalement, nous rencontrons l'expert agricole. Au Québec, ce sont toujours les experts agricoles qui dressent un dossier. S'il n'y a pas lieu de procéder ainsi, le président peut directement rencontrer l'agriculteur pour examiner ses installations et ses compétences. Ce n'est que lorsque vous aurez vu son organisation et ses compétences que seront nommées les personnes ressources dans le dossier.

Ces personnes ressources sont toujours des personnes qui, entre autres, sont des producteurs, confrères de l'agriculteur, dont la production est semblable et qui connaissent bien les faits. C'est à l'occasion de cette rencontre que s'établit très souvent un élément de confiance. Normalement, l'agriculteur ou l'agricultrice ne saurait pas à qui se confier.

Cette rencontre est le moment le plus important. Nous tentons de bien connaître sa situation financière, ses projets et examinons avec l'agriculteur des éléments de solution.

Par la suite, souvent, dans un premier temps, nous rencontrons les créanciers garantis. Afin de permettre à la ferme de continuer ses opérations, nous faisons des propositions.

Cela permet aussi aux créanciers de trouver des solutions. On essaie de trouver ensemble la meilleure solution pour que la ferme puisse continuer. Souvent, les créanciers s'aperçoivent que la meilleure solution est de diminuer leurs créances.

En même temps, il faut sécuriser le producteur; il faut trouver quelqu'un qui puisse l'aider dans sa comptabilité et dans sa production. Tous ces éléments réunis font que l'agriculteur peut vraiment arriver à trouver une solution pour sauver sa ferme.

.1050

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Chrétien.

Je vous rappelle que cette salle ne nous est réservée que jusqu'à 11 heures; j'aurais aimé qu'on puisse y rester plus longtemps, et j'espère que nous n'aurons pas besoin de plus de quatre ou cinq minutes en fin de séance pour étudier rapidement le rapport du comité directeur.

Je vais donner la parole à M. Paradis, à M. Hermanson et à M. Landry.

[Français]

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Je vais être assez bref. Je ne sais pas si je dois vous appeler monsieur le président, monsieur Couillard ou monsieur le curé.

Je dois dire que les mesures alternatives de résolution de conflit sont un procédé moderne pour accélérer un peu le règlement. Nous devons nous féliciter d'avoir ces méthodes, qui n'ont pas toute la lourdeur des anciens systèmes, comme l'attente des tribunaux traditionnels, etc. Personnellement, je pense que c'est une bonne chose qu'on ait ces mesures alternatives de résolution de conflit, comme la médiation, etc.

Par contre, vous avez souligné un aspect bien important, l'aspect humain. Bien souvent, comme avocat de campagne, dans une vie antérieure, j'ai eu à rencontrer des agriculteurs aux prises avec des difficultés financières et, vous avez raison de le souligner, c'est peut-être l'aspect primordial.

À l'époque, la première entrevue que je faisais avec l'agriculteur en difficulté avait pour but d'essayer de ramener le mari et la femme ensemble. Premièrement, la femme trouve que son mari est un pas bon. Selon elle, s'ils ont tant de difficultés, c'est parce que la ferme n'est pas bien administrée par l'agriculteur, parce qu'il ne travaille pas assez fort, etc. Les difficultés de couple, c'est la première chose qui se présente.

Donc, je suis d'accord avec vous que l'aspect humain est très important. Il n'y a pas moyen de régler le dossier si, au départ, on prend comme prémisse que la femme part de son côté et le mari du sien. C'est très difficile de régler le dossier financièrement ou juridiquement - appelons cela comme vous voudrez - si, au départ, c'est la chicane dans la famille.

Donc, je vous invite et vous incite à continuer à examiner quelles solutions pratiques on pourrait adopter pour faire en sorte que l'aspect humain soit d'abord pris en considération dans ces dossiers-là.

Je cite comme exemple la Banque de développement du Canada, qui était jadis la Banque fédérale de développement. Elle a mis sur pied de nouveaux systèmes. La banque a une vocation différente et une section pour le capital de risque.

Notre loi devrait peut-être, dans un deuxième temps, s'ajuster à la philosophie moderne ou au monde moderne. La concurrence prend de l'ampleur dans le domaine de l'agriculture, avec l'ouverture des marchés et des barrières. Nos instruments de protection de l'agriculteur doivent aussi suivre un cheminement moderne.

Je voulais vous dire que vous avez très bien souligné cet aspect humain et vous inviter à faire des propositions précises au comité en ce qui a trait à l'aspect humain.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il des commentaires?

[Français]

M. Couillard: La rencontre avec l'agriculteur permettait d'abord de toucher cet aspect-là et de lui apporter une sécurité.

Je dois vous parler du dernier cas que nous avons traité. La femme nous a tout simplement dit: «Vous savez, monsieur Couillard, c'est le troisième burn-out que je fais, et je vais peut-être en faire un quatrième.»

Elle pleurait parce qu'elle aussi avait apposé sa signature. Elle avait, en son nom personnel, une petite compagnie qui fonctionnait mal et les chèques entraient en son nom personnel, mais c'était la compagnie qui payait les dépenses. J'ai d'abord demandé à l'une de vos jeunes avocates, monsieur Paradis, quelle serait la meilleure façon de traiter le dossier. Mais cette dame-là m'a dit: «Vous savez, ça va plus loin; je quitte le foyer.»

.1055

Il faut essayer, lors de ces rencontres-là, d'apporter un élément de sécurité. C'est lors de ces rencontres-là que la confiance s'établit entre les membres du comité et l'agriculteur et l'agricultrice. Si on y va simplement avec la médiation, cet élément n'y sera pas.

Il serait donc intéressant qu'il y ait un parrain, quelqu'un qui puisse aider l'agriculteur et l'agricultrice afin de leur faciliter la tâche lors de la rencontre avec les créanciers. Ce sont des professionnels qui ne font que traiter de dossiers difficiles.

La difficulté vient des garanties. Les créanciers veulent les toucher, mais quand il n'y en a plus, ils sont prêts à laisser l'agriculteur vivre afin qu'il puisse mieux s'en tirer.

[Traduction]

Le président: De très brèves interventions de M. Paradis, puis de M. Hermanson. Il nous reste six minutes, et c'est tout. Je suis désolé, mais l'autre comité attend à la porte.

[Français]

M. Paradis: J'aimerais apporter une précision. Lorsque M. Couillard a parlé de l'une de mes jeunes avocates, il voulait sans doute parler de l'époque où j'étais le bâtonnier du Québec, rien de plus.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Couillard. Vous avez parlé de l'aspect humain dans l'endettement agricole. Je crois que c'est un commentaire important.

Vous dites que les politiciens que nous sommes ne comprennent pas toutes les pressions qui s'exercent sur l'agriculteur parce qu'ils peuvent miser sur une excellente pension. C'est peut-être vrai pour les Libéraux et les Bloquistes, mais les députés réformistes ont renoncé à cette pension. Nous sommes donc dans la même situation que les agriculteurs.

Des voix: Oh, oh!

M. Hermanson: Ils n'aiment pas que j'en parle, mais c'est vrai.

Par définition, un médiateur est quelqu'un qui ne prend pas parti, qui conserve sa neutralité. Vous avez parlé de déséquilibre entre les parties. En vertu de la nouvelle loi, l'agriculteur peut se faire accompagner de ses conseillers financiers. Auparavant, il y avait les gens du Bureau d'examen de l'endettement agricole, l'agriculteur et la banque, avec, éventuellement, les avocats et le personnel de soutien.

Y a-t-il, dans le projet de loi C-38, des éléments qui constituent une amélioration, qui présentent un caractère plus humain? Je n'essaye pas ici de défendre le gouvernement; j'aimerais que vous nous disiez si, à votre avis, le projet de loi C-38 comporte un élément humain, qui, peut-être, fait défaut dans la loi actuelle.

[Français]

M. Couillard: Je ne crois pas que le projet de loi C-38 soit plus humain. Je crois plutôt qu'à l'heure actuelle, pour maintenir cet équilibre dont on parle, il faut maintenir la médiation.

Il faudra que le médiateur soit une personne assez brillante pour poser les questions nécessaires, afin que le producteur qui est dans une situation financière difficile soit capable de découvrir les pistes de solutions qui lui permettront de régler le dossier au lieu de laisser cela uniquement entre les mains des institutions financières et des créanciers.

Le médiateur pourrait - je dis bien «pourrait» parce que cela serait beaucoup plus difficile - , par ses questions, permettre à l'agriculteur de trouver des pistes de solutions. C'est pourquoi nous aimerions qu'une personne en qui il a une grande confiance puisse l'accompagner.

Lorsque vous vivez ces moments difficiles, c'est très stressant. J'ai de l'expérience en ce domaine. J'ai déjà accompagné des agriculteurs devant la Commission d'appel. Souvent, pendant que je négociais pour lui, l'agriculteur pleurait. Je faisais une pause pour examiner avec lui si je faisais cela comme il le fallait. C'est vraiment très, très stressant. À l'heure actuelle, on parle de médiation, mais aussi de négociations. C'est un peu différent.

.1100

[Traduction]

Le président: Monsieur Landry.

[Français]

M. Landry (Lotbinière): Merci, monsieur Couillard, d'avoir comparu devant le comité. J'aurais une question d'ordre technique à vous poser. Si vous ne pouvez me répondre tout de suite, je vous laisserai mon adresse pour que vous puissiez m'envoyer ces données.

Compte tenu du nombre de demandes que vous avez reçues, combien ont acheté une ferme agricole. Avez-vous ces données?

M. Couillard: Non.

M. Landry: Pourriez-vous me les faire parvenir?

M. Couillard: Certainement.

M. Landry: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Je voudrais demander à M. Couillard s'il peut également nous envoyer le même renseignement. C'est sans doute semblable à ce que nous venons de demander. Nous l'avons fait pour l'Ontario. Combien y a-t-il eu de demandes faites en vertu de l'article 16 et de l'article 20? Quel est le taux global de succès? Quel est le taux de succès pour les demandes soumises à votre bureau en vertu de l'article 16 et en vertu de l'article 20 de l'ancienne loi?

Cela étant dit, monsieur Couillard, il ne nous reste malheureusement plus de temps. Merci d'avoir comparu devant le comité ce matin.

Je signale aux membres du comité que nous n'avons pas le temps d'étudier le rapport du comité directeur. Je suis désolé, mais l'autre comité est là.

Il y a eu un changement dans le programme des séances. Celle qui était prévue pour hier devrait avoir lieu mercredi prochain.

Monsieur Chrétien, nous parlerons mercredi prochain du rapport d'activité du groupe spécial de l'ALENA.

M. Easter: Monsieur le président, nous avons une séance à huis clos sur le groupe spécial de l'ALENA. Pouvez-vous demander aux employés du service commercial de vous remettre un exemplaire du rapport du groupe spécial de l'ALENA? Il est déjà disponible aux États-Unis. J'en ai un exemplaire, mais la loi canadienne ne me permet pas de le communiquer. Je l'ai obtenu d'une source américaine. Mais comme il est déjà largement diffusé aux États-Unis, il faudrait que le comité puisse en prendre connaissance. Pouvez-vous le demander?

Le président: Nous pouvons le demander.

M. Easter: Ce serait utile pour la discussion.

Le président: Une dernière intervention de M. Hermanson.

M. Hermanson: Il se pourrait que nous soyons amenés à approuver ce rapport; il avait été convenu, je crois, que, le cas échéant, nous pourrions réserver du temps de séance pour étudier les conclusions du groupe spécial et la réaction du ministre. Cela n'apparaît pas dans le rapport.

Le président: C'est ce que nous avons convenu; donc...

M. Hermanson: Cela devrait figurer dans le rapport.

Le président: D'accord.

La séance est levée.

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