[Enregistrement électronique]
Le mercredi 9 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Monsieur Pickard, vous êtes accompagné par des fonctionnaires du ministère et vous devez nous parler du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Je vous cède la parole.
Je signale que la sonnerie va retentir à 17h45 pour un vote à 18 heures. Nous pouvons donc siéger jusqu'à 17h52 ou 17h53, puisque nous n'avons qu'un couloir à franchir.
Les fonctionnaires ont déjà indiqué qu'ils souhaitent revenir après le vote... Non, ils n'ont rien dit de tel.
Nous vous écoutons, monsieur Pickard.
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président. Il me semble que les fonctionnaires ont souri en vous entendant.
Le président: En effet.
M. Pickard: Ce sourire ne signifiait pas nécessairement un vote de confiance.
Je suis accompagné par Lois James, gestionnaire de la politique d'adaptation au ministère, de Julie Mercantini, agent principal d'élaboration des politiques, et de Diane Fillmore, conseillère juridique.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de venir vous parler du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Cette nouvelle mesure législative abroge l'actuelle Loi sur l'examen de l'endettement agricole et la remplace par un service simplifié de médiation pour les agriculteurs insolvables, afin de répondre aux besoins actuels et futurs de l'industrie. Il y a dix ans, la Loi sur l'examen de l'endettement agricole a été adoptée en réponse aux problèmes d'endettement que connaissait à cette époque le secteur agricole. La loi créait des bureaux d'examen de l'endettement agricole dans chaque province, de façon à aider les agriculteurs et leurs créanciers à conclure des ententes satisfaisantes de part et d'autre.
Cette loi, qui est toujours en vigueur, comporte deux articles: l'article 16 prévoit qu'un bureau d'examen de l'endettement agricole effectue un examen financier pour les agriculteurs qui connaissent des difficultés financières, et leur permet de solliciter de l'aide lorsqu'ils veulent recourir à la médiation avec certains créanciers; l'article 20 prévoit une suspension des procédures pour un maximum de 120 jours et un examen du bureau avec les créanciers de l'agriculteur.
La loi est actuellement administrée par des fonctionnaires dans les services des bureaux d'examen. On compte en outre dix présidents et environ 20 membres des bureaux, qui sont tous nommés par décret du conseil et qui assurent les services d'examen. Il y a également des experts sur le terrain qui font des évaluations financières à titre contractuel.
Le projet de loi sur la médiation en matière d'endettement agricole résulte de consultations menées dans l'ensemble du pays auprès des agriculteurs, de leurs créanciers et des autorités provinciales. Au cours de ces consultations, on a constaté qu'il fallait apporter de nombreux changements pour rendre la loi plus efficace d'une part, et aider les agriculteurs insolvables, d'autre part. Le projet de loi C-38 prévoit donc les mêmes avantages pour les agriculteurs insolvables, à savoir la suspension des procédures, l'examen et la médiation.
En vertu de la loi, un créancier garanti qui a l'intention de réaliser sa sûreté contre l'agriculteur qui n'honore pas ses obligations financières doit lui faire parvenir un avis d'intention dans les 15 jours qui précèdent la réalisation de la sûreté. La loi permet à l'agriculteur insolvable de solliciter alors une suspension de 30 jours des procédures. Au cours de ces 30 jours, les créanciers de l'agriculteur ne peuvent saisir ses biens ni exercer de recours juridique contre lui. Pendant la suspension des procédures, la situation de l'agriculteur fait l'objet d'un examen et ses créanciers sont invités à participer à une procédure de médiation visant à régler les dettes de façon satisfaisante pour les deux parties.
Cet arrangement peut prendre environ 30 jours. S'il nécessite plus de 30 jours, il peut y avoir trois autres prolongations de trente jours chacune, ce qui donne un total de 120 jours de suspension.
Les détails entourant l'avis d'intention et la suspension des recours n'ont pas changé, car les agriculteurs et les créanciers sont généralement satisfaits de la procédure de suspension actuelle. Elle laisse aux agriculteurs le temps nécessaire pour organiser la médiation et pour trouver avec leurs créanciers une solution à leur endettement. Cependant, on a recommandé un certain nombre de changements administratifs à apporter à l'application de la loi. Pour effectuer ces changements, il a fallu refondre la loi, et par conséquent, abroger l'ancienne loi. Je voudrais vous présenter brièvement ces changements.
La médiation, qui est le fondement même de la procédure administrative prévue dans la loi, est consacrée dans la nouvelle mesure législative. Le mot «médiation» n'apparaissait pas une seule fois dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole. Comme il est consacré dans la nouvelle mesure législative, le médiateur n'a pas pour rôle de conseiller l'agriculteur ou de négocier en son nom ou en celui du créancier, mais il doit plutôt veiller à ce qu'une véritable procédure de médiation impartiale soit employée dans tous les cas.
Le projet de loi C-38 vise les agriculteurs insolvables; l'intention du législateur est donc de mettre une fois de plus l'accent sur la médiation. Si un agriculteur connaît des difficultés financières sans toutefois être insolvable et qu'il peut encore rembourser ses dettes, il aura peut-être besoin de conseils financiers pour remettre son exploitation sur la bonne voie, et non pas de médiation.
Il existe d'autres programmes fédéraux et provinciaux pour aider les agriculteurs en difficultés. En fait, nous allons mettre en oeuvre un nouveau service de consultation agricole destiné aux agriculteurs qui connaissent des difficultés financières; ce service proposera des examens financiers et du counselling personnel dans des conditions identiques à celles prévues à l'article 16 de la loi actuelle. Nous allons aussi l'améliorer en y ajoutant un service d'aiguillage qui permettra de référer les agriculteurs à d'autres programmes et services publics ou privés. Le service de consultation agricole, qui ne nécessite aucune autorisation législative, sera lancé au moment de l'abrogation de l'ancienne loi.
Il n'y aura pas de nominations par décret du conseil dans la nouvelle Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Actuellement, on compte 32 membres des bureaux qui sont nommés par décret du conseil, mais on en a déjà compté une centaine. Désormais, les médiateurs devront avoir une formation en médiation et une expérience en agriculture et en finances. Ils seront engagés par contrat pour faire de la médiation dans des cas individuels. On s'attend à ce qu'un bon nombre des membres actuels des bureaux deviennent médiateurs en vertu de la nouvelle loi.
Il existe une autre différence importante qui va aider à alléger le processus: on abandonne l'exigence législative d'un groupe de trois personnes pour chaque réunion de médiation. En vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, il faut un président et deux experts à chaque réunion. Dans bien des cas, les deux experts ne sont pas indispensables. C'est une dépense superflue.
En vertu du projet de loi C-38, on peut faire appel, au besoin, à des experts dans les cas plus complexes ou dans les situations particulières qui justifient un groupe composé de pairs. Les décisions concernant l'octroi, la prorogation ou la fin d'une suspension de recours seront prises par l'administrateur du service de la province.
Les agriculteurs et les créanciers qui contestent la décision concernant la suspension peuvent désormais porter cette décision en appel devant un comité d'appel. C'est ce qu'a fortement recommandé le secteur agricole et nous avons fait en sorte d'acquiescer à cette demande. Il y aura une procédure informelle d'appel en vertu de laquelle trois ou quatre membres du comité seront tenus d'instruire la cause et de rendre une décision en quelques jours. Les membres du comité seront nommés par le ministre et devront avoir de l'expérience en matière agricole et financière. Certains des membres actuels des bureaux d'examen ont indiqué qu'ils souhaitaient devenir membres du comité d'appel en vertu de la nouvelle loi.
Vous avez reçu cette semaine un certain nombre de documents. On y trouve un aperçu du nouveau service de consultation agricole qui va être mis sur pied en même temps que le service de médiation en matière d'endettement agricole. On y trouve aussi un aperçu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, qui décrit plus en détail les modalités d'application de la loi. Il y a aussi un document de travail sur les futurs règlements et lignes directrices. Les mêmes documents ont été transmis aux bureaux d'examen de l'endettement agricole, à la Fédération canadienne de l'agriculture, à la Société du crédit agricole et à l'Association des banquiers canadiens.
Les recommandations concernant les règlements vont être prises en considération, dans la mesure du possible, lors des révisions qui vont précéder la rédaction définitive des règlements au Bureau du Conseil privé et au ministère de la Justice. Le projet de loi sur la médiation en matière d'endettement agricole devrait aider le gouvernement à assurer un service plus harmonieux et moins coûteux. Le financement des services de consultation prévus dans la nouvelle loi viendra du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural, dont la création a été annoncée dans le budget de 1995, et qui vise à aider le secteur agricole à réussir sa transition vers une économie de marché plus efficace et plus concurrentielle.
On estime à 4 millions de dollars le coût annuel d'un nouveau service de médiation en matière d'endettement agricole et de consultation agricole. Le projet de loi C-38 et le service de consultation agricole ont été élaborés après d'intenses consultations, au cours des 18 derniers mois, auprès des organisations agricoles, des institutions de crédit, des bureaux d'examen de l'endettement agricole, des membres des groupes, des experts financiers, des administrations provinciales et du Conseil canadien de la gestion d'entreprise agricole.
Au cours de ces consultations, des organismes et des particuliers ont proposé d'alléger la loi actuelle, de la rendre plus efficace et plus conviviale, et je m'en réjouis. Cette formule de médiation ou de résolution différente des conflits, comme on l'appelle souvent, est devenue la formule privilégiée pour aider les parties à conclure des arrangements satisfaisants. Le projet de loi C-38 consacre dans la législation cette formule fondée sur un médiateur unique.
En vertu du projet de loi C-38, en plus du service de consultation agricole, les agriculteurs canadiens insolvables ou qui font face à des difficultés financières continueront à bénéficier de la protection de la loi actuelle et pourront recourir à une solution plus efficace pour conclure un accord satisfaisant avec leurs créanciers, grâce aux services d'experts financiers qui vont les aider à envisager différentes options de rétablissement de leurs finances, et grâce à un service d'aiguillage qui les aidera à se prévaloir d'autres programmes et services.
Je suis prêt à répondre à vos questions concernant le projet de loi C-38. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Pickard. Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Monsieur le président, le secrétaire parlementaire sait sans doute que j'ai de très sérieuses réserves concernant cette mesure législative. Je l'ai même attaquée à la Chambre. Mes réserves portent sur deux ou trois points.
Le président du comité a invité les présidents des bureaux d'examen du Québec et de l'Ontario, lorsqu'ils étaient ici l'autre jour, à nous donner la répartition des cas concernant des agriculteurs insolvables et des cas de difficultés financières. Nous aimerions prendre connaissance des renseignements dont vous disposez à ce sujet.
Le 17 juin dernier, à la Chambre des communes, le secrétaire parlementaire a déclaré:
- Ces changements, et le fait que seuls les agriculteurs insolvables pourront se prévaloir de la
nouvelle loi, permettront d'économiser plus d'un million de dollars par an. Le programme qui a
coûté estimativement 3,5 millions de dollars en 1995-1996, ne coûterait plus que 2,2 millions
de dollars par an.
Je sais que le ministère a proposé un service de consultation agricole. Cette proposition semble intéressante et donne l'impression de pouvoir résoudre les problèmes. Mais j'ai moi-même connu des difficultés financières. J'ai été en contact avec des agriculteurs et des comités de crise, je connais les difficultés auxquelles ils doivent faire face. Je sais par expérience que ces propositions ne sont pas suffisantes. On ne peut pas parler de difficultés financières dans le monde agricole, à moins d'en avoir fait soi-même l'expérience. Les mentalités s'en trouvent transformées. Ceux qui éprouvent des difficultés financières ne parviennent même plus à réfléchir correctement. Ils prennent des décisions stupides qu'ils ne prendraient pas normalement.
J'estime que le fait de se prévaloir de l'article 16 de la loi précédente constituait en lui-même un traitement de choc. Le fait de s'entretenir avec ses pairs ou avec des personnes du secteur agricole sur la possibilité de vendre un terrain dans le but de conserver le reste de l'exploitation, constituait une procédure très efficace. Monsieur le président, je suis très préoccupé par la suppression de cet article.
Si vous pouvez me répondre, j'aimerais connaître ce qu'on a économisé jusqu'à maintenant en sauvant des exploitations agricoles de la faillite; veillons à ne pas considérer cette question comme une simple question de dépenses.
Est-ce que vous pouvez me répondre maintenant? J'aurais encore une autre question à vous poser.
M. Pickard: Très volontiers.
On peut mettre l'accent sur ce que va économiser le gouvernement et la nouvelle loi comporte effectivement des mécanismes susceptibles de rendre le système plus rentable. C'est notamment le cas de la diminution des effectifs par rapport aux anciens bureaux. Il y avait un président et deux membres du bureau qui se déplaçaient et rendaient des décisions afin d'aider les agriculteurs. La nouvelle démarche vise à amener l'agriculteur insolvable ou qui connaît de graves difficultés à amorcer un processus de médiation.
Si l'agriculteur est insolvable, cela signifie qu'il ne peut pas payer ses factures et qu'il a besoin d'un service de médiation. Nous avons prévu que des spécialistes vont s'entretenir avec les créanciers dès qu'une demande aura été présentée par la banque ou par les créanciers. Il y a tout d'abord une période de 15 jours pour le recouvrement de la dette. L'agriculteur a ensuite un délai de 30 jours pour demander une suspension des recours. Autrement dit, le projet de loi lui permet de demander l'intervention d'un médiateur.
Dans ce cas, le médiateur peut demander à un expert de soumettre la demande à une analyse financière complète. L'expert va rencontrer l'agriculteur et prendre connaissance de tous ses états financiers. Il va également rencontrer la banque et compléter les états financiers avant de présenter un rapport au médiateur. Le médiateur est alors habilité à travailler avec l'agriculteur et avec l'institution financière pour élaborer des plans à plus long terme permettant de pallier l'insolvabilité; ils vont s'efforcer de contourner l'impossibilité de rembourser les dettes, ils vont élaborer de nouveaux plans de façon que l'agriculteur puisse progresser avec les conseils financiers très fiables de l'expert et grâce au travail de médiation entre lui et l'institution financière qui a exposé le problème.
Voilà pour l'insolvabilité. Il y a ensuite les périodes de suspension de 30 jours, comme pour les bureaux d'examen de l'endettement agricole aujourd'hui. Mais ici, il s'agit de médiation.
Revenons-en à la personne qui n'est pas insolvable et qui, dans votre exemple, invoque la protection de l'article 16. La même protection se retrouve dans la Loi sur la médiation en vertu du processus de consultation, au cours duquel un médiateur rencontre l'agriculteur pour regarder... Cela n'est pas un médiateur. Excusez-moi. C'est quelqu'un d'autre qui propose un plan quinquennal, définit une orientation financière, analyse toute l'exploitation, conseille l'agriculteur et le met en contact avec des organismes susceptibles de l'aider à poursuivre l'exploitation grâce aux programmes dont il peut se prévaloir. Donc, on retrouve, dans le nouveau système, les mêmes protections et les mêmes droits qu'à l'article 16 de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole.
M. Easter: C'est là que nous ne sommes pas du tout d'accord. Tous ceux qui ont négocié avec les banques en vertu de la loi précédente savent parfaitement que lorsqu'on négocie pour quelqu'un qui éprouve des difficultés financières, les banques sont prêtes à s'asseoir et à négocier plus équitablement parce que la loi confère des pouvoirs au débiteur. Nous savons tous que les banques, quant à elles, ont d'énormes pouvoirs dans ce pays.
Les cas d'insolvabilité ne posent pas de problème lors des négociations avec la banque, car celle-ci sait déjà qu'elle se trouve en difficulté, puisque de toute façon, elle va subir une perte. Mais lorsqu'un agriculteur éprouve des difficultés, son actif équivaut généralement à son passif, et la banque essaie de saisir son actif parce qu'il éprouve des difficultés. S'il n'existe aucun recours pour l'empêcher d'agir ainsi - l'agriculteur n'a plus aucun pouvoir, aux termes de la loi, pour s'opposer à l'action de la banque. Voilà ce qui me préoccupe.
M. Pickard: Vous devez savoir qu'il existe deux mécanismes distincts. Il y a le processus de médiation et le processus de consultation. Le processus de médiation intervient lorsque la banque essaie de saisir les biens de l'agriculteur ou de le poursuivre. En vertu de la nouvelle loi, l'agriculteur a quinze jours pour présenter sa demande. Une fois cette demande présentée, il dispose d'un premier délai de trente jours pour aller de l'avant. Quelqu'un est nommé gardien des biens de l'agriculteur et s'assure que la banque n'entreprend aucune poursuite. L'agriculteur et le groupe de médiation peuvent demander la reconduction de ce délai de trente jours à trois reprises.
Aux termes de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, la période est de 120 jours. Dans le projet de loi sur la médiation, on retrouve ce même délai de 120 jours. Voilà ce dont il est question dans le processus de médiation.
Dans le processus de consultation, il s'agit d'aider et de conseiller l'agriculteur. Celui-ci n'est pas insolvable. Il peut arriver que l'on passe du processus de consultation, où on essaie de conseiller l'agriculteur, de structurer son exploitation et de lui conseiller la meilleure route à suivre, alors qu'il est toujours en mesure de rembourser ses dettes... S'il a besoin d'un service de médiation, parce que les banques sont après lui, il s'adresse à une partie différente de la loi. Il va recourir à la médiation, et bénéficiera alors de toutes les mesures de protection qui figurent actuellement dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole. Ces mesures interviennent à chaque fois qu'on recourt au processus de médiation, lorsque les banques essaient de s'en prendre à l'agriculteur.
Au cours du processus de consultation, on essaie de donner à l'agriculteur un peu d'avance sur les banques, on l'aide à rectifier la situation, à prendre une meilleure orientation, à envisager des arrangements financiers à plus long terme par des plans quinquennaux, compte tenu de l'ensemble des dispositions de la loi. Donc, je crois que nous essayons de faire face à ces deux types de situations.
La nouvelle loi présente un avantage supplémentaire pour la communauté agricole, dans la mesure où l'agriculteur a accès à un plus grand nombre de conseils professionnels susceptibles de l'aider à parvenir aux arrangements financiers dont il a besoin. La formule est également avantageuse pour les petites entreprises, car leur situation est différente de celle des banques. Les banques peuvent intervenir pour récupérer leurs créances, mais ce n'est pas le cas des marchands d'engrais ou d'équipement agricole.
En l'occurrence, il pourra y avoir consultation de toutes les personnes en présence. On va préserver la solvabilité d'un plus grand nombre d'agriculteurs, ce qui devrait améliorer la situation dans les collectivités rurales pour les petites entreprises.
Le président: Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le président, j'aimerais féliciter Jerry, qui connaît bien le projet de loi C-38 et avec lequel nous sommes heureux de travailler au comité.
Je voudrais également féliciter Wayne pour sa compétence en agriculture. Il nous dit qu'il a eu personnellement des difficultés financières et qu'il travaille avec des agriculteurs qui ont également des difficultés financières. Je pense donc qu'ils sont tous deux très qualifiés pour travailler ici, cet après-midi, sur le projet de loi C-38.
Monsieur Pickard, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Cela ne veut pas dire que je suis entièrement d'accord sur le projet de loi C-38. J'ai sept ou huit questions à vous poser et j'aimerais avoir des réponses très brèves.
Premièrement, un créancier non garanti pourrait-il demander l'ouverture d'un dossier pour un agriculteur?
[Traduction]
M. Pickard: Je vais demander à mes collaborateurs de vous fournir des détails. Tout dépend du statut du processus. S'il est question de consultation, il n'y aura pas de médiation à cette étape et, au cours du processus de consultation, on a affaire à un agriculteur qui n'est pas insolvable mais qui éprouve des difficultés financières. Quelqu'un va intervenir pour lui donner des conseils financiers. Aux différentes étapes de ce processus, je ne pense pas qu'un dossier puisse être ouvert pour qui que ce soit.
Dans la procédure de médiation, les experts vont considérer l'ensemble de la situation de l'exploitation agricole. Tous les créanciers vont s'entretenir avec le médiateur pour essayer de résoudre cette situation.
Je voudrais maintenant demander aux fonctionnaires du ministère de nous dire dans quelle mesure un créancier aura accès à l'information du dossier. C'est une question dont je ne suis pas certain moi-même.
Mme Lois James (gestionnaire de la politique d'adaptation, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Puis-je vous demander une précision? Vous m'excuserez, mais j'ai peut-être manqué un détail de votre intervention à cause de la traduction. Vous avez demandé si un créancier non garanti pouvait demander l'ouverture d'un dossier pour un agriculteur. Je n'ai pas bien compris, d'après la traduction, s'il s'agissait de déclencher une procédure de saisie aux termes de la loi, ou de consulter le dossier que détient l'administrateur au bureau de l'examen de l'endettement agricole. J'aimerais avoir une précision à ce sujet.
[Français]
M. Chrétien: Cette semaine ou la semaine dernière, lors d'un comité sur le projet de loi C-38, j'ai demandé si c'était habituellement l'agriculteur lui-même ou les créanciers qui demandaient d'avoir accès à cette aide, et on m'a répondu que, la plupart du temps, c'étaient plutôt les créanciers qui demandaient l'intervention de cette loi C-38 que nous allons adopter bientôt.
Je demande donc si un créancier non privilégié qui aurait de la difficulté à se faire rembourser pourrait demander au gouvernement ou à la commission chargée d'appliquer le C-38 d'intervenir.
On ne demande pas à la commission d'aller vérifier auprès des autres créanciers mais d'intervenir pour qu'il puisse se faire payer et éventuellement saisir l'agriculteur s'il ne se fait pas payer.
[Traduction]
Mme Julie Mercantini (agent principal d'élaboration des politiques, Division de l'adaptation, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Revenons un instant à la question de l'avis de l'intention de réaliser la sûreté qui s'applique à tous les créanciers garantis. Le créancier garanti doit envoyer un avis d'intention et, normalement, l'agriculteur déclenche alors le processus. D'après la loi, il n'est pas prévu qu'un créancier s'adresse au bureau au nom d'un agriculteur. Normalement, on ne s'attend pas à ce qu'un créancier non garanti vienne dire à l'administrateur du programme qu'il a des problèmes avec un agriculteur, puisqu'il s'agit d'un processus de médiation volontaire.
M. Pickard: J'irais même un peu plus loin. Lorsqu'une institution financière ou un créancier veut agir contre un agriculteur qui se trouve dans cette situation, il dépose un avis d'intention. Dès le dépôt, l'agriculteur est protégé pour une période de 15 jours. Au cours de cette période, il envisage différentes options et peut demander la protection prévue au projet de loi C-38. C'est la première intervention de l'agriculteur; c'est le seul qui puisse invoquer le projet de loi C-38.
Ainsi, il présente une demande à l'administrateur du secteur. L'administrateur désigne un expert financier qui va étudier tous les aspects financiers du cas. Il désigne également un médiateur qui, une fois que toute l'information financière aura été réunie, va assurer la médiation entre l'agriculteur et tous ses créanciers pour élaborer un nouveau plan. Ce processus peut durer 120 jours, au besoin par tranche de 30 jours.
[Français]
M. Chrétien: Ce sont des renseignements qui m'éclairent grandement.
Je voudrais aussi rappeler que M. Pickard a dit tout à l'heure que le comité serait formé d'un président et de deux experts et que, plus tard, les deux experts seraient superflus et le président pourrait siéger seul. Est-ce que c'est exact?
[Traduction]
M. Pickard: Ce n'est pas exact. Je vais revenir sur toute la structure pour que tout le monde comprenne bien.
Il existe un administrateur dans chaque province; c'est le responsable ultime du programme dans la province, et c'est lui qui prend les décisions finales. Il va y avoir aussi un certain nombre de médiateurs. Ils seront choisis pour leurs connaissances et leurs aptitudes à la médiation et à l'analyse des situations financières. On va également désigner des experts. Dans une structure provinciale, il pourrait y avoir une dizaine de médiateurs et 10 ou 20 experts, au maximum. Ils ne seront payés que lorsqu'ils auront commencé à travailler sur un dossier.
Lorsque l'administrateur reçoit une demande et l'approuve, il désigne immédiatement un expert qui va consulter les dossiers financiers, et un médiateur qui va s'occuper du cas. Le processus s'enclenche et le médiateur essaie de conclure un arrangement entre l'agriculteur et ses créanciers. S'il y parvient dans un délai de 30 jours, il présente alors un rapport à l'administrateur, qui clôt le dossier. Si l'arrangement n'est pas conclu et que les parties estiment avoir besoin d'un délai supplémentaire, ils peuvent en demander un jusqu'à concurrence de 120 jours.
Lorsque la décision finale est prise, si c'est la médiation qui a été choisie, aucune autre mesure ne suivra. Mais s'il n'y a pas de résolution et que l'agriculteur ou l'institution financière estime que l'intervention du médiateur n'a pas été bénéfique ou que d'autres mesures devraient être prises, on a prévu une procédure d'appel pour protéger l'agriculteur ou l'institution financière. Autrement dit, si l'agriculteur n'accepte pas la décision prise par l'administrateur, il peut se pourvoir en appel.
Le secteur agricole a jugé cette voie de recours essentielle. Il a exigé l'instauration d'une procédure d'appel.
Jusqu'à cette étape, on a pu consulter toute l'information pertinente recueillie depuis le début par l'expert et le médiateur, de même que tous les renseignements supplémentaires apparus dans l'intervalle jusqu'à la décision finale. Mais la procédure comporte un droit d'appel.
C'est là qu'intervient le comité d'appel, formé de trois personnes ou plus. Le comité d'appel ne devrait pas intervenir dans un grand nombre de cas, mais s'il y a appel, il sera entendu par un groupe de personnes qui ne se limitera pas au médiateur et à l'expert financier.
Donc, ce comité d'appel pourra en fin de compte trancher la question à partir des renseignements dont il dispose, si l'agriculteur n'est pas satisfait de la décision de l'administrateur.
Est-ce que cela répond à votre question?
[Français]
M. Chrétien: J'aurais encore deux petites questions, et je vais vous demander de répondre plus brièvement parce que nous allons manquer de temps et que le président va nous interrompre.
Vous avez, tout au long de votre exposé, insisté beaucoup sur la médiation. En feuilletant le volume de notes du greffier, j'ai remarqué que vous alliez donner 40 heures de cours en médiation aux personnes qu'on va nommer. C'est justement sur ces nominations que j'accroche terriblement. En effet, j'ai regardé la liste de ceux qui siègent à ce comité au Québec. J'en connais quelques-uns qui sont très compétents. Quant à certains autres, si j'étais moi-même dans une mauvaise situation financière, je douterais de leur efficacité. Croit-on sincèrement et honnêtement que ces personnes, après 40 heures de cours, ce qui représente à peine un crédit et un tiers, pourraient devenir d'habiles négociateurs?
[Traduction]
M. Pickard: Tout d'abord, nous essayons de trouver des gens qui ont une formation professionnelle en médiation. Les gens seront nommés médiateurs selon leurs compétences et leurs habiletés en médiation, cela ne fait aucun doute.
Si nous ne trouvons personne avec ces compétences et ces habiletés, nous devrons les former, mais au départ, la formation n'est pas notre principale préoccupation. Nous essayons tout d'abord de trouver des gens qui ont les compétences et les habiletés nécessaires.
Deuxièmement, pour la protection, nous avons dix médiateurs dans la province. Nous en avons dix pour une raison très évidente. Certains sont peut-être très bons en médiation tandis que d'autres ne le sont peut-être pas, de sorte que si nous en avons dix, ils sont embauchés selon le besoin. Nous irons chercher ceux qui sont les meilleurs médiateurs pour faire la médiation dans le secteur agricole. Par conséquent, il y a un second obstacle en ce sens que certaines personnes pourraient être des médiateurs, mais si elles ne sont pas des médiateurs efficaces, nous ferons plutôt appel à celles qui pourront mener efficacement le processus de médiation.
[Français]
M. Chrétien: J'ai une dernière question. Est-ce que vous avez de la difficulté, au ministère, à trouver des personnes qui connaissent très bien l'agriculture, qui sont habiles en médiation et qui sont en ce moment très proches du Parti libéral? Est-ce que vous avez de la difficulté à en trouver au Québec, par exemple?
[Traduction]
M. Pickard: Je peux vous dire que jusqu'à présent, il y a eu beaucoup de critiques à l'égard des personnes qui ont été nommées aux comités d'appel par décret.
Les nominations ne se feront plus par décret. Elles se feront dorénavant en fonction des compétences et habiletés en médiation. Il ne sera pas nécessaire d'être membre du Parti libéral, la décision sera prise selon les compétences d'experts.
Même si certains aimeraient peut-être que l'on exige une affiliation avec le Parti libéral, il n'en est pas question.
[Français]
M. Chrétien: En terminant, monsieur le président, je voudrais dire que je viens de voir les récentes nominations, dans ma circonscription, au bureau de médiation à l'assurance-emploi, et le nom du nouveau président d'élection.
Si on continue dans la même veine pour les médiateurs, ou encore pour le président qu'on nommera au Québec en vertu de C-38, puisque je le connais très bien, vous risquez encore une fois d'être critiqués pour les nominations.
[Traduction]
M. Pickard: Les médiateurs sont nommés, mais on s'expose toujours aux critiques. Je pense que c'est quelque chose qu'on ne pourra jamais éviter lorsqu'on nomme des gens à un poste. On peut recevoir des plaintes très graves concernant 50 p. 100 des nominations.
Ce qui est intéressant, c'est que toute forme de gouvernement reçoit habituellement un pourcentage très élevé du vote, ce qui signifie qu'un pourcentage élevé des gens dans une région vote pour un gouvernement. Donc, si celui qui a été nommé est Libéral, cela va être critiqué, mais ce sera la même chose si cette personne est très active au sein du Parti conservateur.
Je me rappelle une nomination en Californie qui a vraiment dérangé beaucoup de gens. Je pense que la nomination de Ed Broadbent a dérangé beaucoup de gens. Donc, lorsque les gens sont nommés par décret, il est impossible d'éviter la critique. J'espère que les gens qui seront nommés seront des experts, des professionnels. C'est ce que nous cherchons vraiment. Les affiliations et les recommandations politiques n'entrent pas en ligne de compte.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Je ne sais pas pourquoi je dois parfois être d'accord avec M. Easter, mais je dois en quelque sorte le féliciter pour les quelques déclarations qu'il a faites.
Jerry, je pense que les intentions de votre projet de loi sont très bonnes, mais j'ai eu certains problèmes et je pense que vous allez gaspiller beaucoup d'argent. Si j'étais le gouvernement, j'éliminerais totalement cette partie du projet de loi et je dirigerais tous ces fonds vers le numéro 16, aux agriculteurs qui ont des difficultés financières. D'après mon expérience, lorsqu'un agriculteur devient insolvable, il ne peut plus négocier lui-même; il ne peut plus réfléchir logiquement. Il doit pouvoir faire appel à des conseillers juridiques qui peuvent négocier pour lui.
J'ai vu des situations où la famille avait négocié une entente assez acceptable, mais par la suite le mari blâmait sa femme et la femme son mari ou les enfants. Cela sépare les familles plutôt que de les unir. Dès qu'on arrive à un point d'insolvabilité, je pense que la seule solution consiste à s'adresser à un conseiller juridique qui négocie au nom de l'agriculteur car, comme M. Easter l'a dit, un agriculteur dans une telle situation n'est pas vraiment en mesure de voir les choses telles qu'elles sont la plupart du temps. C'est pourquoi je dis que vous prenez à mon avis la mauvaise direction.
Si vous voulez dépenser cet argent, dirigez-le plutôt vers ceux qui ont des problèmes financiers et essayez de les rendre viables. Mais dès que les gens deviennent insolvables, cela leur fait très mal. Ils ne savent pas s'ils auront assez d'argent pour nourrir leur famille, payer le loyer et faire face à toutes sortes d'autres dépenses.
J'ai vu des gens qui avaient de graves problèmes financiers - ils étaient insolvables - qui sont allés chercher de bons conseils juridiques, ce qui a permis à la famille de rester ensemble. Je pense que c'est ce qui est le plus important ici. Lorsqu'on commence à négocier en raison d'insolvabilité, on se retrouve avec l'un des situations les plus difficiles dans la vie d'une famille. Je ne pense pas que ces fonds devraient servir à aller chercher des médiateurs professionnels. Je ne pense pas qu'ils soient suffisamment professionnels pour que les agriculteurs soient satisfaits après la médiation. À mon avis, les agriculteurs doivent être en mesure de s'adresser à des experts juridiques qui pourront négocier en leur nom. C'est mon opinion.
Comme M. Easter l'a dit, je pense que vous aurez de meilleurs résultats si vous pouvez empêcher un plus grand nombre d'agriculteurs de devenir insolvables et les aider à retrouver une position financière saine et viable. C'est pourquoi je dis qu'il faut rejeter le projet de loi et repartir dans l'autre sens, car lorsqu'on devient insolvable, il faut aller chercher une aide juridique de toute façon. On ne peut pas s'en sortir sans les compétences juridiques. Lorsqu'on commence à liquider des actifs, à se défaire de sa résidence et toutes ces choses, il faut aller chercher des conseils juridiques.
M. Pickard: Ce que vous dites est très juste. Peut-être pourrais-je revenir un peu en arrière et parler un peu du projet de loi, pour vous aider à y voir un peu plus clair.
Si un agriculteur est insolvable, il est certainement en mesure d'utiliser tous les conseils qu'il peut obtenir d'un conseiller juridique ou de quelqu'un d'autre. Un médiateur n'est qu'un intermédiaire entre l'agriculteur et le créancier. Le médiateur recevra un rapport d'expert sur l'évaluation financière complète de cette exploitation agricole. Le médiateur pourra ensuite prendre cette évaluation et travailler avec l'agriculteur, le conseiller juridique de l'agriculteur, le reste de la famille et d'autres experts-conseils de l'agriculteur. Il peut s'entourer de tous ces gens pour travailler avec lui. Il va tenter de conclure une entente avec tous les créanciers. Il va tenter de déterminer de nouvelles modalités et des ententes afin qu'ils soient remboursés.
Le processus vise donc à mettre en place un médiateur qui puisse tenter d'éliminer certains obstacles qui empêchent l'agriculteur de payer ses factures. Il s'agit d'un processus en vue de mettre en place de nouveaux plans, de conclure des ententes à long terme et de prévoir différents types de paiements... tous ces aspects. Tout ce que doit faire le médiateur, c'est de conseiller l'agriculteur et de travailler dans son intérêt et dans celui du créancier pour rendre l'exploitation agricole solvable.
Nous avons mis un tel processus en place. Ce que nous voulons, c'est donner à cet agriculteur la possibilité de travailler avec les institutions financières, mais il a toujours à sa disposition l'ensemble des ressources que vous qualifiez d'extrêmement importantes et qu'il peut utiliser à tout moment. C'est le cas.
Donc à ce moment-ci, nous savons que les banques sont prêtes à intervenir contre lui. Nous voulons donc un gardien qui empêchera les institutions financières de prendre des mesures tant que le processus de médiation n'est pas terminé. Il a donc une protection de 120 jours avec un gardien en place pour s'assurer que les créanciers ne viennent pas saisir sa propriété. Nous avons un médiateur qui travaille à résoudre le problème. Le médiateur peut aller chercher tous les conseils financiers ou juridiques dont il a besoin. Tous ces concepts sont prévus dans le cadre du projet de loi et ils s'imbriquent les uns dans les autres.
Le président: Il va vous falloir raccourcir vos réponses, monsieur Pickard, sinon vous devrez expliquer aux hauts fonctionnaires pourquoi vous devrez revenir devant notre comité.
Des voix: Oh, oh!
M. Pickard: Je pense qu'ils m'appuieront.
Le président: Ce ne sera pas de ma faute.
Soyez bref, monsieur Hoeppner, car il y a encore trois autres intervenants.
M. Hoeppner: Je sais que M. Pickard a le coeur à la bonne place, mais vous ne comprenez pas l'ampleur des pressions que les agriculteurs doivent subir lorsqu'ils se retrouvent dans cette situation d'insolvabilité. Lorsque les négociations ajoutent encore davantage à ces pressions, cela peut éventuellement conduire au suicide, et je sais que cela est déjà arrivé. Ils ne peuvent tout simplement pas supporter un choc aussi grand.
C'est pourquoi je dis qu'il est absolument nécessaire qu'ils aillent chercher une aide professionnelle et quelqu'un pour négocier en leur nom. La pression est incroyable. On peut parler aux agriculteurs qui sont toujours viables et on peut négocier avec les créanciers, mais j'ai vu des créanciers parler à des gens qui sont insolvables et qui ont des ressources naturelles, du gravier ou autre chose, et dire: «Nous allons attendre encore 20 ans, mais nous aurons notre argent».
Et puis, ils n'ont pas besoin de ce genre de négociation. Les banques et les fournisseurs de machinerie sont très puissants. Ils ont accès aux meilleurs conseils juridiques et ils savent qu'ils ne sont pas pressés. Ils peuvent attendre s'ils le veulent.
Je veux donc vous mettre en garde. Je comprends vos intentions, mais si j'étais à la place du gouvernement, je prendrais tous ces fonds et je m'assurerais que ces gens ont accès à de bons conseils juridiques et qu'ils peuvent réparer les dégâts et avoir une vie décente par la suite.
M. Pickard: Je comprends ce que vous dites, Jake, mais je pense qu'il est important de souligner que tous ces éléments sont en place. Permettez-moi de souligner de nouveau le fait que nous tentons de passer à un processus de médiation qui aidera l'agriculteur, plutôt que d'avoir un comité qui prend une décision sans cette interaction qui permet, dans ce cas-ci, grâce à la médiation, d'aider un grand nombre d'agriculteurs insolvables à redresser leur situation. Nous espérons que c'est ce qui se produira dans ce cas-ci.
Le président: Monsieur McKinnon, brièvement.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Jerry, j'aime bien ce que vous avez dit aujourd'hui, et je sais que Jake soulève des préoccupations humaines légitimes.
L'ouest du Manitoba - ou en fait une bonne partie du Manitoba - a presque connu une dépression pendant une bonne partie de la dernière décennie. La situation qu'il vous a décrite correspond de façon générale assez bien à la réalité pour tout le sud-ouest.
Ma préoccupation est donc la suivante. Il y a des institutions financières qui ont modifié leurs ententes avec un client, en ce qui a trait à une ligne de crédit. Un acheteur de bétail a peut-être acheté à un prix élevé, les prix chutent, et il se retrouve avec un produit qui ne vaut plus ce que lui a coûté son prêt. En réalité, ce qu'il faut faire, c'est attendre que le cycle change et que le contraire se produise de nouveau. Avec un peu de temps, cela se reproduira. S'il est trop endetté, il ne pourra s'en sortir.
Ce que je me demande ici, c'est s'il est possible d'avoir du counselling avant la médiation. Si le client n'a absolument aucune chance de s'en sortir, peut-on parler de post-médiation? Lorsque tout est fini et qu'il a tout perdu, qu'est-ce que nous faisons pour le client?
M. Pickard: Si on regarde tout le processus, il y a la pré-consultation qui s'éloigne de la médiation pour revenir au processus de consultation. Lorsqu'un agriculteur demande de l'aide en consultation, il n'est pas nécessaire d'avoir de la médiation à ce moment-là, car il n'est pas insolvable. Il peut payer ses factures. Il se peut cependant qu'il ait des problèmes dans six mois, un, deux ou cinq ans, et à ce moment-là nous enverrons un expert-conseil pour examiner les ententes financières et faire des recommandations pour mettre en place un plan quinquennal, négocier avec les institutions financières pour organiser les finances de la propriété. Tout cela est en place; mais ça ne se fait pas par la médiation, car la médiation n'est pas nécessaire dans un tel cas.
Le président: Monsieur Collins.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): J'aime ce que vous avez dit, mais le problème c'est que nous attendons qu'un désastre se produise avant de prendre des mesures. Il me semble que si j'étais éducateur, je voudrais consacrer davantage de temps au processus de consultation pour ne pas devoir prendre des mesures en cas de désastre.
Je comprends ce que Wayne et Jake veulent dire, car ça s'applique en réalité à tout l'Ouest canadien. Il suffit de regarder. Il y a énormément d'agriculteurs qui se suicident; et ce n'est pas parce qu'ils s'enrichissent.
J'aime bien ce que vous dites, au sujet d'un membre plutôt que de trois. Je ne pense pas que l'on ait besoin de trois membres. Je pense que l'on peut y arriver avec une seule personne si c'est la bonne. Ce qui me préoccupe c'est qu'en fin de compte... C'est ce que je voudrais vraiment souligner, il faut voir ce que nous pouvons faire. Je pense que nous avons tous la responsabilité... Vous savez, si nous mettons en place un mécanisme et qu'ils ne veulent pas en profiter, alors qui est à blâmer? Il y a des limites à ce que je peux faire. S'ils ne veulent pas s'en prévaloir, c'est leur problème. Mais on doit les assurer que s'ils veulent se prévaloir de ce mécanisme, ils obtiennent de bons renseignements. Il n'y a rien de plus frustrant que de suivre un processus et d'en ressortir si amer que l'on ne veut plus jamais y revenir.
Lorsqu'on passe par ce processus, il y a une seule chose... Vous avez mentionné le processus du comité d'appel. J'ai un petit problème avec cela. Nous avons parlé des 120 jours, des 38 obstacles. On arrive enfin au processus d'appel. Le comité d'appel compte trois membres. Est-ce exécutoire?
M. Pickard: Oui. Lorsqu'on en arrive à la décision finale, ce n'est pas le comité qui prend la décision. Il y a un médiateur qui a examiné la situation et qui a fait un rapport. Ce rapport est envoyé à l'administrateur. C'est lui qui rend la décision.
Si l'agriculteur n'est pas satisfait de la décision, il a une autre possibilité, et c'est le comité d'appel. Il peut alors présenter toute l'information à ce comité d'appel et ce dernier peut prendre cette information ainsi que tout nouveau renseignement et rejeter la décision qui a été prise par l'administrateur. C'est donc une autre possibilité pour l'agriculteur... C'est un palier supplémentaire qui n'existe pas à l'heure actuelle.
Le président: La décision du comité d'appel est-elle exécutoire?
M. Pickard: Oui, le projet de loi prévoit que les décisions seront exécutoires.
M. Collins: Exécutoires pour les deux parties?
M. Pickard: Oui.
M. Collins: Le prêteur peut-il recourir au même mécanisme? S'il n'est pas satisfait...
M. Pickard: Il pourrait porter la décision en appel.
M. Collins: C'est ce que je voudrais savoir.
M. Pickard: Il peut aller en appel. Mais le but ici en réalité consiste à mettre en place des mécanismes pour obtenir des résultats positifs plutôt que de rendre un jugement.
J'aimerais revenir à l'aspect prévention de la question, qui concerne le rôle de l'expert-conseil dont on a parlé tout à l'heure. Nous sommes maintenant allés au-delà de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole et nous offrons les services de consultation plus tôt au cours du processus en espérant ne pas être obligés d'en arriver à la médiation. Il y a donc également un élément de prévention.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): Vous avez dit tout à l'heure dans vos observations liminaires, Jerry, que vous vouliez un processus simplifié, rationalisé, etc. Les témoins nous ont dit qu'à leur avis, en combinant le comité d'appel et la médiation, cela permettrait de rationaliser et de rentabiliser le processus. Le coût du processus ne semble pas diminuer au terme de ce nouveau projet de loi. L'ancienne loi préconisait l'approche des pairs. La nouvelle loi semble préconiser l'approche bureaucratique. Je pense que l'approche des pairs fonctionnait. Et d'après le résumé de leur exposé, c'est ainsi, semble-t-il, qu'ils voulaient procéder. C'est ce qui nous a été présenté la semaine dernière.
Mon temps est limité, mais une chose qu'ils ont dite, c'est que la clé du succès est le processus lui-même. En confiant à chaque personne un plus grand nombre de cas et en la gardant plus active, cela permettrait de limiter le nombre de sorte que ces médiateurs pourraient être constamment tenus au courant de ce qui se passe concernant ces cas. Si le nombre était plus important, on aurait alors toutes sortes de personnes qui ne connaîtraient pas bien le processus parce qu'il y aurait des moments où elles ne pourraient s'occuper de certains dossiers. Les témoins étaient donc d'avis qu'il pourrait y avoir un nombre beaucoup moins élevé de médiateurs. Il ne semble pas que ce soit la rationalisation que nous sommes censés envisager.
M. Pickard: Pour revenir à la question des pairs et aux gains d'efficacité dont nous parlons ici, avec les bureaux d'examen de l'endettement agricole que nous avons à l'heure actuelle, les trois membres prennent connaissance de l'information et c'est habituellement un président qui prend la décision. La plupart du temps, dans le cadre de cette structure, les deux autres personnes n'ont pas à intervenir. Cela a maintenant changé en ce sens que nous avons dorénavant une personne qui a une formation professionnelle pour faire une analyse financière. On pourrait parler d'expert dans le domaine financier. Cette personne va chercher toute l'information. Ensuite, un médiateur de formation professionnelle travaille avec l'agriculteur et avec les créanciers pour en arriver à une entente satisfaisante et faire progresser le processus. C'est donc un professionnel qui s'occupe activement du dossier qui négocie une entente.
À ce moment-là, si on arrive à une entente, le rapport est renvoyé à l'administrateur et ce dernier y répond. Or, les médiateurs professionnels pourraient fort bien être ces mêmes personnes qui siègent à nos bureaux d'examen à l'heure actuelle. Si ces personnes ont les compétences voulues, elles pourraient participer au processus. Nous avons des gens qui siègent au Bureau de l'endettement agricole qui ont déjà demandé d'être médiateurs. C'est donc le même groupe de gens, des pairs qui travaillent avec des pairs. Je pense que c'est très vrai.
Il y a peut-être d'autres personnes qui auront besoin d'une formation spécifique. Si certains membres des comités n'ont pas de compétences mais qu'ils peuvent être formés et ainsi acquérir ces compétences, ils pourront eux aussi figurer sur cette liste. Voilà.
Ensuite, lorsque l'on...
Le président: Brièvement, monsieur Pickard, nous devons aller voter.
M. Pickard: La dernière chose que je voulais dire, c'est que le comité d'appel en fin de compte, qui donne une autre possibilité... Si l'agriculteur n'est pas d'accord avec la décision qui a été prise, il peut s'adresser au comité d'appel, et avoir ainsi une autre chance.
Le président: Mesdames et messieurs, nous devons clore la séance.
Je tiens à remercier Jerry et les hauts fonctionnaires d'être venus témoigner devant notre comité aujourd'hui. Je pense que bon nombre de préoccupations ont été exprimées et je sais que vous serez à notre disposition si nous avons besoin de vous réinviter à comparaître devant notre comité.
La séance est levée.