[Enregistrement électronique]
Le jeudi 24 octobre 1996
[Traduction]
Le président: À l'ordre. Je tiens à rappeler à ceux qui viennent d'arriver que la réunion devait commencer à 9 heures. Je sais que d'autres réunions ont lieu, mais, à l'avenir, je vous demanderais de penser à vos collègues. Nous avons tous des horaires chargés, mais je vous prierais d'arriver avant le début la réunion. Le comité doit entendre des témoins ce matin.
Cela dit, je vous souhaite à tous la bienvenue. Nos premiers témoins ce matin sont MM. Doug Stevenson et Bob Hadley, du Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta. Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-38, la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Je demanderais aux témoins de se présenter et ensuite de faire leur déclaration.
Je vous souhaite de nouveau, messieurs, la bienvenue.
M. Doug Stevenson (président, Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta): Bonjour. Je m'appelle Doug Stevenson, et je suis le président du Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta. Je suis accompagné de Bob Hadley, le directeur général.
Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à lui exposer nos vues sur le projet de loi concernant la médiation en matière d'endettement agricole. Grâce à notre expérience au sein du bureau d'examen de l'endettement agricole, nous sommes en mesure de vous donner une idée de l'accueil réservé à la nouvelle loi et de ses résultats.
En tant qu'agriculteur et ancien membre d'un établissement de crédit agricole pendant 15 ans, j'ai assisté à de nombreuses réunions du bureau d'examen de l'endettement agricole et je suis heureux de voir que ce processus utile est maintenu. À mon avis, le recours à la médiation par le biais du bureau d'examen de l'endettement agricole a aidé l'industrie agricole à prendre le pas sur la plupart des autres secteurs de l'économie et à trouver des solutions novatrices à des problèmes difficiles. Nous pouvons tous en être fiers.
La médiation a pour but de permettre aux parties en cause de conclure un arrangement ou une entente qui sert les intérêts de tous les intervenants en ayant recours aux services d'un tiers impartial qui dirigera la discussion. Le projet de loi sur la médiation en matière d'endettement agricole abonde dans ce sens. Il prévoit un processus de médiation plus souple et permet aux participants d'exercer un plus grand contrôle sur le processus et, nous l'espérons, de trouver des solutions novatrices aux problèmes.
Mon exposé comporte deux volets; je vous parlerai d'abord de dispositions précises du projet de loi, et discuterai ensuite de l'impact qu'aura cette mesure législative sur les participants.
Pour ce qui est des dispositions précises, je crois comprendre que le comité permanent a déjà reçu des documents de discussion du ministère. Des réserves ont été émises au sujet des règlements, des lignes directrices et des recommandations qui ont été formulés. Je n'ai pas l'intention de passer en revue les documents, mais de mettre l'accent sur les articles qui influeront de façon directe sur la médiation.
L'article 9, qui traite de l'examen financier - et en particulier le paragraphe 9(3) - , indique que l'agriculteur peut faire établir un plan de redressement par la personne de son choix, et que l'administrateur peut conclure une entente à cette fin avec la personne désignée. Notre crainte ici, c'est que la personne choisie n'ait pas les connaissances ou les compétences voulues pour établir un plan de redressement, et que le plan soumis aux fins de la médiation soit ni acceptable ni réalisable. De plus, si l'agriculteur refuse de modifier le plan établi, le processus de médiation risque d'en souffrir.
Nous recommandons que l'expert financier, peu importe qu'il ait conclu une entente contractuelle avec le ministère ou qu'il ait été choisi par l'agriculteur, réponde à des normes minimales de compétence, qui peuvent être définies dans les lignes directrices. Cette formule n'a pas pour objet d'éliminer qui que ce soit du processus de médiation, mais vise à faire en sorte que l'agriculteur bénéficie de l'aide d'un expert financier.
À l'article 10, où il est question de la nomination d'un médiateur, l'alinéa 10(1)c) dispose que l'administrateur doit fournir un exemplaire du rapport financier à tous les créanciers dans le cas d'une demande faite en vertu de l'alinéa 5(1)a), ou d'une demande de suspension des recours. Ce qui veut dire que le propriétaire d'un dépanneur à qui l'agriculteur doit 100 $ peut obtenir un état détaillé de la situation financière de l'agriculteur, qu'il ait ou non l'intention de participer à la médiation. Deux questions se posent. Premièrement, la confidentialité des renseignements sera-t-elle assurée? Deuxièmement, les agriculteurs auront-ils recours au programme une fois qu'ils prendront connaissance de cette exigence?
Notre recommandation - et le bureau de l'Alberta l'a proposée - , est identique à l'amendement qui a été déposé aujourd'hui même par le ministère. L'alinéa 10(1)c) se lirait comme suit:
fournit un exemplaire du rapport au médiateur et aux personnes qui participeront à la médiation.
Nous passons maintenant à l'article 15, les comités d'appel. La médiation a pour objet de permettre aux parties en cause de prendre des décisions et de conclure des arrangements et des ententes librement. L'idée d'introduire un mécanisme d'appel dans le processus suscite chez moi certaines inquiétudes.
Le comité d'appel, semble-t-il, ne pourra examiner que certaines décisions prises par l'administrateur. Cette démarche ne fonctionnera que si elle est assortie de lignes directrices précises. Toutefois, elle ne fera qu'alourdir le processus. À mon avis, la majorité des appels seront déposés par les créanciers et porteront d'abord sur l'admissibilité de l'agriculteur à présenter une demande et ensuite sur la suspension des procédures. Donc, au lieu d'un comité d'appel, je propose qu'on mette sur pied un petit comité national formé d'un représentant de chaque région administrative, qui serait responsable de l'élaboration des politiques et de l'application de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.
Passons maintenant à l'article 16, qui traite de la nomination d'un gardien, premier élément de confiance dans toute médiation. Si l'on ne peut parvenir à un processus équilibré, la décision dans ce cas-ci devrait alors être prise par l'administrateur. Je recommande que si aucun créancier ne nomme un gardien, alors l'administrateur devrait avoir le pouvoir de nommer l'agriculteur en vertu de l'alinéa 16(1)a), si l'agriculteur a la compétence requise pour être gardien de son actif, ou toute autre personne compétente de son choix en vertu de l'alinéa 16(1)c). Si le créancier nomme une personne en vertu de l'alinéa 16(1)b), l'administrateur peut choisir de désigner cette personne si l'agriculteur ne s'y oppose pas. Sinon, il peut nommer toute autre personne en vertu de l'alinéa 16(1)c), sauf l'agriculteur.
L'article suivant est un ajout. Il a été rédigé par Paul Pomerleau, un avocat de Montréal qui, je crois, doit comparaître devant le comité. Je ne veux aucunement voler ses idées, mais je suis tellement d'accord avec un des points qu'il soulève que je tiens à le souligner. Il est question ici de l'article 24, qui traite de la confidentialité des documents et des renseignements qui sont communiqués.
M. Pomerleau affirme que le dépôt d'une demande de suspension des recours en vertu de l'article 5 équivaut à un aveu d'insolvabilité qui peut avoir de graves conséquences sur le plan juridique. Pour assurer la confidentialité des renseignements communiqués et l'efficacité du processus de médiation, il propose ce qui suit:
- La demande déposée en vertu de l'article 5, inventaire, les états financiers, le plan de
redressement et le rapport des résultats de l'examen de la situation de l'agriculteur, dont un
créancier aurait obtenu copie en vertu de l'article 10 ou autrement, ne peuvent être utilisés,
allégués ou mis en preuve au soutien d'une requête déposée contre l'agriculteur en vertu de la
Loi sur la faillite ou l'insolvabilité ou de tout autre recours judiciaire.
- Cette disposition permettrait de protéger ces renseignements financiers, et je crois qu'il s'agit là
d'un facteur important.
Aux termes de la nouvelle loi, l'administrateur aura davantage de responsabilités, ce qui devrait donner lieu à un programme mieux structuré et mieux adapté aux besoins. Chaque cas devra peut-être faire l'objet d'une analyse plus poussée, selon l'accueil que réserveront les agriculteurs et les créanciers à la loi. Il importe que l'administrateur connaisse bien le processus de médiation, la communauté agricole de même que l'industrie du crédit, puisqu'il sera responsable à la fois de l'administration et du fonctionnement du programme.
En ce qui concerne l'expert, il devra posséder des compétences additionnelles, notamment dans le domaine financier, et être en mesure aussi d'encadrer et de préparer l'agriculteur en vue de la médiation. Il devra amener l'agriculteur à faire preuve de flexibilité si les créanciers n'acceptent pas le plan de redressement qu'il a établi.
En ce qui concerne les médiateurs, le fait de n'avoir qu'un seul médiateur exigera de ce dernier qu'il connaisse bien le processus de médiation. L'impartialité n'est pas seulement un principe de la médiation, mais un principe consacré par la loi. Le médiateur doit donc se concentrer sur le processus, et ne devrait pas être incité à prendre part aux discussions mêmes.
Cette proposition, à mon avis, ne change pas grandement les choses pour les médiateurs de l'Alberta. C'est une formule que nous utilisons déjà depuis quelques années. La nouvelle loi se veut une continuation de ce qui se fait déjà en Alberta.
Pour ce qui est des créanciers garantis, la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole aura sur eux un impact positif. Ils auront un plus grand rôle à jouer dans le processus, ce qui devrait encourager leur participation.
La nouvelle loi aura également un impact important sur les créanciers non garantis, quoique difficile à définir puisqu'ils auront accès aux rapports financiers en vertu de la loi, qu'ils participent ou non à la médiation - bien entendu, si aucune modification n'est apportée. Dans certains cas, cette démarche aboutira à une solution, dans d'autres, à des poursuites judiciaires.
Ces dispositions, si elles ne sont pas modifiées, entraîneront des conséquences qui sont difficiles à cerner et qui risquent d'avoir une portée considérable. Si je dis cela, c'est parce que la communauté agricole est très unie. Le fait de distribuer des rapports financiers à n'importe qui au sein de la communauté agricole constitue, à mon avis, une pratique très dangereuse.
La nouvelle Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole fournira à l'agriculteur le même degré de protection dont il bénéficiait en vertu de l'ancienne Loi sur l'examen de l'endettement agricole. Elle lui permettra d'exercer un contrôle sur la situation. Cette démarche obligera l'agriculteur à mieux se préparer et à assumer ses responsabilités plus tôt dans le processus. Il aura accès à des conseils financiers plus précis et pourra compter sur l'aide d'experts qui lui permettront de mieux comprendre sa situation, ses intérêts de même que le processus de médiation. Ce qui devrait avoir un impact positif non seulement sur la recherche d'une solution, mais sur la médiation elle-même.
En conclusion, je crois que le processus de médiation encourage les parties à unir leurs efforts en vue de trouver une solution à leurs problèmes. La nouvelle Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole permettra aux agriculteurs de se protéger contre les poursuites judiciaires et de négocier une entente plus acceptable pour eux et pour leurs créanciers.
Les changements que nous proposons de même que les réserves que nous formulons visent à améliorer ou à peaufiner le processus, non pas à le discréditer. J'espère que c'est dans cette optique que le comité interprétera notre intervention.
Le président: Merci beaucoup, Doug.
Monsieur Calder.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci beaucoup, monsieur le président.
Doug, Bob, je m'excuse de mon retard ce matin. Ils ont tendance, ici, à nous affecter à plusieurs comités à la fois.
J'ai deux questions. D'abord, le processus de médiation dont il est question ici repose essentiellement sur le rapport financier qui est mentionné au paragraphe 9(4), si vous avez vu le projet de loi. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord ou non avec cette démarche.
Voilà pour la première question. La deuxième porte sur...et vous y avez fait allusion lorsque vous avez parlé de l'article 16, où il est question de la nomination d'un gardien de l'actif de l'agriculteur. Si vous jetez un coup d'oeil sur cette disposition, vous allez constater que le paragraphe 16(1)b) l'emporte sur les alinéas a) et c), parce que l'alinéa a) dispose ce qui suit:
l'agriculteur qui a la compétence requise pour être gardien de son actif, sauf si une proposition est faite en vertu de l'alinéa b);
L'alinéa b) se lit comme suit:
toute autre personne compétente proposée par un ou plusieurs créanciers garantis
c'est-à-dire, la banque. Autrement dit, ce que dit l'alinéa b) ici, qui l'emporte sur les alinéas a) et c), c'est que les banques peuvent nommer les gardiens si elles le désirent.
Ce qui nous amène à la situation suivante: si la communauté agricole a des difficultés, les banques ne vont probablement pas s'impliquer dans le processus, parce qu'il est très difficile de vendre une ferme lorsque le marché est faible. Mais qu'arrive-t-il si l'agriculteur a des problèmes lorsque le marché est fort? Elles peuvent nommer un gardien et vendre la ferme très rapidement, afin de récupérer leur actif.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Stevenson: D'abord, concernant les renseignements financiers, j'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que le rapport financier servait de base à la médiation. C'est ce que je pensais lorsque j'assistais, en tant que créancier, aux réunions du bureau d'examen de l'endettement agricole, et c'est ce que je pensais aussi lorsque j'ai commencé à assumer mon rôle de médiateur. Mais je peux vous dire tout de suite que le rapport financier ne sert pas de base à la médiation.
Nous parlons d'équité, de confiance. Si ces facteurs sont absents, toute discussion sur les problèmes financiers devient inutile. En fait, je dirais que dans 60 à 70 p. 100 des cas de médiation que je préside - et je crois que ce pourcentage a atteint 80 ou 90 p. 100 au cours de la dernière année - , nous n'examinons même pas le rapport financier. Dans la plupart des cas, nous parlons de questions beaucoup plus profondes. Bien que le rapport financier soit important lorsqu'on aborde le plan de redressement, il faut d'abord régler ces autres questions.
En ce qui concerne le rapport financier, ce qui me préoccupe avant tout, ce sont les créanciers non garantis. Je viens de participer à une médiation où nous avions 66 créanciers non garantis à qui l'on devait environ 1,2 million de dollars. Nous avons passé une heure et demie à discuter de la question de savoir s'ils verraient ou non le rapport financier. C'est tout ce que nous avons fait avec les créanciers non garantis. Il n'y a pas eu de médiation.
Le projet de loi dit que ces créanciers devraient avoir accès au rapport financier. S'ils participent au processus de médiation, ils participent également à la solution, donc oui, je crois qu'ils devraient en avoir une copie. Toutefois, ils ne devraient pas y avoir accès avant le début de la médiation.
M. Calder: D'accord. Passons maintenant à la deuxième partie de la question, le gardien de l'actif.
M. Stevenson: En ce qui concerne le gardien de l'actif, oui, il s'agit là d'un autre facteur très important du processus de médiation. Encore une fois, il est question ici de confiance, qui est l'élément prépondérant de la médiation. Si l'agriculteur voit arriver sur ses terres des experts-comptables envoyés par la banque pour effectuer l'inventaire de son actif, il va perdre toute confiance dans le processus. De même, si la banque ne fait pas confiance à l'agriculteur et pense qu'il se débarrasse de certains biens, il y a perte de confiance. Par conséquent, à mon avis, si les deux parties n'arrivent pas s'entendre, il faudrait alors leur enlever alors tout pouvoir de décision. C'est l'administrateur qui devrait trancher.
J'ai dit qu'aux termes de l'alinéa 16(1)b), l'administrateur devrait être en mesure de choisir la personne désignée par le créancier, si l'agriculteur ne s'y oppose pas. Le projet de loi actuel ne permet pas à l'agriculteur de formuler une objection. En modifiant la disposition, on pourrait rétablir l'équilibre, ce qui, je crois, permettrait de répondre à votre préoccupation. Il s'agit d'une préoccupation importante.
Le président: Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Monsieur Stevenson, vous êtes le président du Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta. Vous êtes un agriculteur et également un ancien prêteur aux agriculteurs, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Stevenson: C'est exact.
[Français]
M. Chrétien: Rappelez-moi en quelle année vous avez été nommé au poste de président.
[Traduction]
M. Stevenson: Il y a environ un an de cela.
[Français]
M. Chrétien: Il y a un an, donc par le gouvernement libéral qui était alors au pouvoir.
[Traduction]
M. Stevenson: C'est exact.
[Français]
M. Chrétien: Je voudrais revenir sur l'article 16. J'ai sursauté plus tôt lorsque vous avez présenté votre point de vue sur le projet de loi C-38 en disant que l'agriculteur ne pouvait être nommé gardien. Mon collègue, Murray Calder, a soulevé sensiblement le même point de vue.
Cela m'étonne, car la semaine dernière, ou plutôt il y a deux semaines, nous avons reçu ici des témoins sur le projet de loi C-38 et un témoin, dont je ne me rappelle malheureusement pas le nom mais qu'on pourrait retracer, nous disait que dans la majorité des cas, c'était l'agriculteur qui était le gardien de ses actifs jusqu'à la toute fin, sauf s'il refusait ou encore en cas d'incapacité.
Là, vous attirez particulièrement mon attention sur l'alinéa 16(1)b), où on dit:
b) toute autre personne compétente proposée par un ou plusieurs créanciers garantis dont le nom est joint à la demande; C'est donc dire que le prêteur garanti, le créancier garanti, pourrait évincer l'agriculteur comme gardien de sa ferme, de son troupeau d'animaux, pour en nommer un autre à la demande d'un créancier. Est-ce exact? Et si c'est exact, quel est votre point de vue?
[Traduction]
M. Stevenson: Je vous remercie de votre question.
Si je vous comprends bien, vous pensez que je considère que l'agriculteur ne peut pas être le gardien. En Alberta, c'est pratiquement toujours le cas. Habituellement, il est entendu dès le départ que l'agriculteur est la personne la plus compétente pour assumer le rôle de gardien. Cependant, le projet de loi permet au créancier de s'y opposer et s'il s'y oppose, l'agriculteur ne peut plus être le gardien de l'actif.
Pour que le nouveau programme soit équilibré, il faudrait, puisque le créancier peut s'opposer à ce que l'agriculteur soit nommé gardien, que l'agriculteur puisse de son côté indiquer qu'il est contre le gardien nommé par le créancier; en cas de désaccord, il faudrait que ce soit l'administrateur qui tranche, car cela n'aidera pas le processus de médiation. Le problème existe déjà. Il ne faut pas l'aggraver. Je crois toutefois qu'en fait, dans 80 ou 90 p. 100 des cas, l'agriculteur demeurera le gardien.
[Français]
M. Chrétien: Dans 90 p. 100 des cas.
[Traduction]
M. Stevenson: Je demanderai à Bob de répondre à cette question. Il connaît un peu mieux les chiffres que moi.
M. Bob Hadley (directeur général, Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta): Monsieur Chrétien, je vous donnerai un bref aperçu de l'usage en vigueur en Alberta en ce qui concerne la Loi actuelle sur l'examen de l'endettement agricole.
En vertu de la loi actuelle, les créanciers ont le droit de demander qu'un gardien autre que l'agriculteur soit nommé, comme le prévoit le nouveau projet de loi, bien que le libellé diffère légèrement. En Alberta, selon notre interprétation du libellé de l'ancienne loi, nous considérions avoir le pouvoir d'accepter ou de rejeter cette recommandation. Par suite d'un avis juridique, j'ai appris ces dernières semaines que nous n'avions probablement pas ce pouvoir mais disons que nous nous en sommes tirés à bon compte ces dix dernières années.
Donc, lorsque des créanciers nommaient des personnes autres que l'agriculteur comme gardien, nous contestions la nomination et rejetions leur requête à moins qu'ils arrivent à nous prouver à notre satisfaction, que l'agriculteur n'avait pas la compétence voulue pour assumer ce rôle, que certains agissements de sa part indiquaient qu'il n'était pas la personne pouvant être logiquement responsable de la vérification de l'état de l'actif.
Dans le nouveau projet de loi, une légère modification du libellé des dispositions élimine cet aspect. Elle prévoit désormais que s'il existe une proposition de nomination, la personne proposée peut être nommée ou l'administrateur peut décider de nommer quelqu'un d'autre comme gardien, mais pas l'agriculteur. Par conséquent, en tant qu'administrateurs de la loi, nous devons décider si nous acceptons la personne proposée par le créancier et si nous ne l'acceptons pas, nous devons nommer une personne de notre choix et assumer les frais de la personne nommée. Cela a donc des incidences financières sur le programme.
Si les créanciers voulaient que la nomination d'une personne autre que l'agriculteur devienne pratique courante, nous craignons qu'ils puissent le faire simplement en nommant quelqu'un d'autre dans chaque cas, en nous obligeant à accepter la personne qu'il propose ou à nommer une personne de notre choix, dont nous devrons alors assumer les frais. C'est donc l'application de cet aspect qui nous préoccupe.
Pour revenir à la question posée plus tôt, le gardien ne peut pas vendre l'exploitation agricole car son rôle se limite à vérifier l'état de l'actif agricole. Il n'en reste pas moins qu'il doit être extrêmement désagréable et exaspérant pour un agriculteur d'apprendre qu'on ne lui fait pas confiance et qu'on a nommé quelqu'un d'autre à sa place pour compter ses canards et ses poules et pour rapporter à l'administrateur comment il gère son actif. Ce n'est pas une façon constructive d'arriver à une solution.
[Français]
M. Chrétien: En relisant l'article 25, on s'aperçoit que personne n'est responsable ou tenu responsable de ses gestes. C'est l'imputabilité. Les personnes chargées de l'application de la présente loi n'encourent aucune responsabilité personnelle pour les faits, actes ou omissions accomplis de bonne foi.
On est tout le temps de bonne foi, bien sûr. Il est difficile de prouver qu'on a été de mauvaise foi dans l'exercice de nos fonctions dans le cadre de la présente loi, sauf qu'on peut être négligent ou encore effectuer un travail un peu plus rapidement, soit parce qu'on s'est couché trop tard la veille, soit parce qu'on a des problèmes personnels.
Vous qui êtes fraîchement nommé, cela vous fait-il plaisir de voir que vous pourriez commettre des erreurs et que vous n'en seriez nullement tenu responsable?
[Traduction]
M. Stevenson: Je vois la chose un peu différemment. Ce sont les participants qui font le travail et qui décident du contenu. Toutes les propositions de fond proviendront de l'agriculteur ou du créancier. Je suis responsable de la médiation. Il est rassurant de savoir que si je fais une erreur au cours du processus, je n'en serai pas tenu responsable. J'aimerais que vous considériez où se situe la responsabilité si nous ne nous occupons pas du contenu de la médiation.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur le président, d'après vous, le projet de loi C-38 est-il plus avantageux pour les créanciers ou pour les agriculteurs endettés? C'est une bonne question.
[Traduction]
M. Stevenson: Il y a deux aspects à cette question. Je pense que la médiation est plus avantageuse pour l'ensemble des parties que le processus actuel d'examen de l'endettement agricole. Je pense qu'il s'agira d'un meilleur processus de médiation, et c'est essentiellement ce que vise le projet de loi. J'ai effectivement certaines inquiétudes quant à l'application proprement dite de la médiation. Je devrai attendre de voir comment le processus se déroulera et quelle sera la réaction des créanciers et des agriculteurs.
Je n'aime pas le processus d'appel. Je ne crois pas qu'il ait sa place dans le cadre de la médiation. Il risque de susciter des différends. Si l'agriculteur et le créancier assistent à la réunion et l'agriculteur, parce qu'il a remporté un appel, considère avoir un avantage sur le créancier, cela ne facilitera pas le processus de médiation.
Il n'y aura peut-être pas d'appel. C'est ce que j'espère et c'est à mon avis ce qui se produira. Je pense que la médiation sera plus efficace en vertu de la nouvelle loi. Je pense qu'il nous faudra attendre de voir comment cela se passera.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur Stevenson, vous me semblez compétent. Vous portez même deux chapeaux. Vous avez un passé qui est garant dans la fonction qui nous intéresse, mais essayez de me répondre le plus honnêtement possible. Wayne, écoutez bien la question, ainsi que la réponse. Avez-vous un préjugé favorable aux agriculteurs ou plutôt un préjugé favorable aux créanciers?
[Traduction]
M. Stevenson: La vérité, c'est que j'ai un préjugé favorable envers le processus. Je suis agriculteur depuis aussi longtemps que je suis créancier. Je considère que ce processus aide les gens à régler leurs problèmes. Si j'avais un parti pris envers l'une ou l'autre partie, je ne pourrais pas assumer le rôle de médiateur.
Le président: Monsieur Hadley.
M. Hadley: M. Stevenson ne le dirait probablement pas lui-même mais depuis qu'il a été nommé, en octobre 1995, à la présidence de notre bureau - il est le deuxième président avec qui j'ai travaillé - il a commencé, de sa propre initiative, aux environs de novembre ou janvier 1996, à suivre une formation intensive en médiation à la faculté de droit de l'Université de Calgary. Il a terminé les 170 heures exigées pour devenir un médiateur accrédité. Il a suivi cette formation de sa propre initiative, après les heures de service et l'a payée de sa poche. Il a sans doute été séduit par le processus de médiation ou a décidé de s'y consacrer. C'est tout à son honneur. Je tiens donc à appuyer ses propos lorsqu'il déclare qu'il croit à la médiation... Je n'ai jamais vu quelqu'un s'intéresser à ce point à un domaine et travailler avec tant d'acharnement.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord m'excuser auprès des témoins et auprès de mes collègues du Bloc pour mon retard de ce matin. Comme l'a indiqué mon collègue Murray Calder, c'est l'une de ces journées où on est pris de tout bord tout côté.
M. Easter (Malpèque): Vous êtes dur à prendre.
M. Reed: C'est exact.
Une voix: Vous avez couru après.
Une voix: C'est le cas de le dire!
M. Reed: Tout ce que je peux vous dire, monsieur Easter, c'est que la prochaine fois je ferai plus attention. Je n'ouvrirai pas la bouche.
J'aimerais savoir comment cette réorganisation influera sur votre capacité à assumer la charge de travail. J'aimerais savoir quelle a été la charge de travail par le passé. Y a-t-il des tendances qui se dessinent en ce qui concerne le nombre de cas dont vous êtes saisis en Alberta?
M. Stevenson: Cela sera difficile à dire en vertu du projet de loi. À l'heure actuelle, l'expression «Bureau d'examen de l'endettement agricole» a une certaine connotation négative, en ce sens que les gens font appel au processus lorsqu'ils sont en difficulté. La nouvelle appellation, soit «médiation en matière d'endettement agricole», a une connotation un peu plus conviviale et pourrait inciter davantage de gens à y recourir.
À l'heure actuelle on constate une augmentation des demandes. Nous sommes très occupés.
M. Reed: Il n'est sans doute pas vraiment juste de comparer la charge de travail que vous allez devoir assumer en vertu du nouveau régime avec celle que vous avez dû assumer par le passé, simplement parce qu'il y a une nouvelle série de conditions, si vous voulez, qui doivent être réunies pour permettre aux agriculteurs de présenter une demande. Est-ce exact?
M. Stevenson: Je suppose que vous me demandez comment notre clientèle réagit.
M. Reed: Oui.
M. Stevenson: Les agriculteurs en général - et j'en suis un moi-même - ne s'aperçoivent qu'ils ont des difficultés financières qu'une fois qu'on le leur dit, habituellement sous la forme d'un avis d'intention ou d'une lettre de la banque. Je ne crois pas que cela changera. Je pense qu'en vertu de la nouvelle loi proposée, les gens vont se réveiller et constater qu'effectivement, ils ont des difficultés financières et ils ont intérêt à trouver une façon de les régler, en faisant appel à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.
Vous êtes probablement autant capable que moi de prévoir le climat économique dans le secteur agricole. Je prévois que dans l'industrie du bétail, nous allons constater une augmentation des demandes, surtout de la part des éleveurs-naisseurs. Je pense que les parcs d'engraissement sont arrivés à la fin du cycle. Ils ne devraient pas connaître de problème. Il est possible que les producteurs céréaliers... Comme le prix et la qualité des céréales diminuent, nous allons recevoir aussi des demandes de la part de producteurs céréaliers.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Reed: Je suppose que l'application de ce projet de loi reflète la situation du secteur agricole, en ce sens que le nombre d'agriculteurs qui font face à des difficultés fluctue à un certain moment. Je voulais simplement savoir quelle était la situation en Alberta.
M. Hadley: De 1986 jusqu'à 1990, c'est-à-dire sur quatre ans, nous avons reçu une moyenne de 50 demandes par mois. En 1992, 1993, 1994, ce nombre a commencé à diminuer progressivement et est tombé à 20 ou 25 par mois. En 1995, nous n'avons reçu qu'une dizaine de demandes par mois en moyenne en Alberta. En 1996, nous recevons en moyenne 20 demandes par mois. Donc cette année le nombre a vraiment doublé par rapport à l'année dernière.
Cette situation est en grande partie attribuable au fait que le printemps dernier, les banques ont examiné les marges sur les prêts d'exploitation et se sont rendu compte que ces prêts étaient destinés à des éleveurs de bétail. Le prix du bétail était en train de dégringoler tandis que le prix du fourrage pour bétail augmentait considérablement. Après avoir évalué la marge, elles ont demandé aux agriculteurs en question de rembourser une partie de ces prêts d'exploitation pour réduire l'écart entre le montant impayé et la valeur du bétail. Comme tout cela s'est produit en mai et en juin, c'est-à-dire à une époque où le bétail ne se vend pas, ils n'avaient tout simplement pas l'argent pour rembourser. Cette situation a duré tout au long de juin, juillet et août de cette année, et les demandes que nous recevons proviennent clairement des éleveurs de bétail.
Nous ignorons ce qui se passera une fois la nouvelle loi en vigueur. En Alberta, par le passé, les demandes présentées au Bureau d'examen de l'endettement agricole provenaient pour la plupart, même celles visées par l'article 16 de la loi actuelle, d'agriculteurs insolvables. Ils ne seront donc pas abandonnés par la nouvelle loi. Ils sont en retard dans les paiements qu'ils doivent verser à certains de leurs créanciers. Ils pourront continuer à se prévaloir de cette nouvelle loi, sans suspension des procédures, s'ils le préfèrent, ou avec suspension, si nécessaire. Notre capacité à les servir ne diminuera pas.
Toute la publicité qui risque d'accompagner l'adoption du projet de loi peut faire augmenter le nombre de demandes. Cela dépend surtout du moment où elle entre en vigueur. Si la loi est promulguée et entre en vigueur en janvier ou en février, lorsqu'un grand nombre de prêteurs procèdent traditionnellement à leur examen annuel des prêts et ont de mauvaises nouvelles pour les agriculteurs, et si parallèlement nous annonçons l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi miracle, nous pourrions être submergés de demandes. Nous serions effectivement très occupés.
Le président: Monsieur Easter.
M. Easter: Vous venez d'aborder un point qui me préoccupe, monsieur Hadley. Ma crainte, c'est qu'on abandonne les agriculteurs qui ne sont pas considérés insolvables. L'entrée en vigueur de la loi incite sans doute jusqu'à un certain point les banques, l'ensemble des intervenants du système, y compris les agriculteurs, à conclure un règlement. Sans cela, il y a toujours cette mesure de protection, l'existence de la loi, si elles envoient un préavis aux agriculteurs. Mais je crains que la loi n'ait pas suffisamment de poids pour inciter les créanciers à conclure un arrangement.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Stevenson, lorsque vous dites que dans ce genre de cas l'état financier n'a pas vraiment beaucoup d'importance. L'important, c'est que les prêteurs aient l'assurance que l'agriculteur - dans les limites du raisonnable, même s'il ne se conforme pas exactement à la lettre d'entente - prendra les mesures que, selon le nouveau scénario, il est en mesure de prendre.
Cet aspect de la loi m'inquiète beaucoup. Par ailleurs, comment pourrons-nous consacrer 2,4 millions de dollars au service de consultation si d'autres compressions sont prévues, sans compter le risque que cette somme ne soit plus disponible à un certain moment. On ne sait jamais. Cela devient plus difficile si ce n'est pas prévu par la loi. Je me demande donc ce que vous pensez de la disparition de l'article 16 de l'ancienne loi.
M. Stevenson: Je pensais que le service de consultation s'adresserait aux agriculteurs qui ne sont pas insolvables bien que pratiquement pour ne pas dire toutes les demandes présentées en vertu de l'article 16 dont je me suis occupé seraient admissibles parce que les agriculteurs étaient insolvables. Ils étaient tout simplement moins insolvables, si je peux m'exprimer ainsi, que ceux visés par l'article 20. Par conséquent, je ne crains pas vraiment que certains soient exclus du processus.
M. Hadley: Monsieur Easter, en fait il est possible que la nouvelle loi nous permette de mieux servir la clientèle dont le sort vous inquiète, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas insolvables. Je dis cela parce que je sais que nos collègues en Ontario ont fait une campagne assez active pour tâcher d'inciter les agriculteurs à présenter leur demande plutôt en vertu de l'article 16, alinéa a) ou de la partie qui ne prévoit aucune négociation avec les créanciers mais simplement la fourniture d'aide ou de conseils pour planifier ce genre de choses. Ils ont toutefois eu de la difficulté à le faire parce qu'il fallait quand même présenter une demande en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole et que cela avait une connotation négative.
Je pense que si on établit un service de consultation distinct, il nous sera possible de le promouvoir en tant que service distinct. Il pourrait être administré dans le même bureau mais il s'agirait d'une entité distincte, comportant un numéro de téléphone distinct, un formulaire d'application distinct, de façon à éliminer la connotation négative qui se rattache au problème de l'endettement. Cela pourrait en fait encourager plus de gens à faire appel à nos services.
M. Easter: J'ai aimé la proposition que vous avez faite à propos de l'alinéa 16(1)b), mais, monsieur Hadley, vous avez mentionné que si vous nommez un gardien en vertu de l'article 16 de l'ancienne loi, vous devez en assumer les frais. Est-ce exact?
M. Hadley: Si nous ne nommons pas l'agriculteur ou la personne proposée par le créancier, nous devons alors nommer quelqu'un d'autre avec qui nous passerons un contrat pour qu'il devienne le gardien et nous devrons en assumer les frais.
L'aspect intéressant de la chose en ce qui concerne les créanciers, et nous voulions nous assurer que vous étiez au courant de cet aspect également, c'est que si le créancier propose quelqu'un d'autre comme gardien et que l'administrateur accepte sa proposition, le créancier est censé assumer les frais du gardien. Or, l'expérience en Ontario et en Saskatchewan, où ce genre de cas s'est produit assez souvent, a permis de constater que ce sont des frais d'administration et de recouvrement qu'ils peuvent transmettre, ce qu'ils font d'ailleurs, aux agriculteurs. Donc...
Le président: En fin de compte, le créancier ne paie pas vraiment.
M. Hadley: À la fin du processus, s'il reste de l'argent dans les poches de l'agriculteur, c'est lui qui paie. S'il n'a plus rien, la banque en absorbera peut-être le coût, seulement s'il n'y a vraiment pas moyen de l'obtenir de l'agriculteur.
M. Easter: Qu'arrive-t-il aux créanciers non garantis? Je suis d'accord avec vous au sujet du préavis, car on risque simplement de crouler sous les jugements quand les créanciers non garantis apprendront que l'on est en train de négocier, pour ainsi dire. C'est un problème. De ce que je sais des cas traités par le Bureau d'examen de l'endettement agricole, ce sont en réalité les créanciers non garantis qui, dans une grande mesure, ont assuré l'exploitation sans interruption de la ferme quand la banque et les autres créanciers garantis ont resserré le crédit.
Que proposez-vous: que ces renseignements ne soient pas divulgués à ceux qui n'assistent pas à la réunion? Je veux que l'on se comprenne bien à cet égard.
Allons encore plus loin: que prévoit le projet de loi à l'étude pour les créanciers non garantis? Si le processus de médiation aboutit à un arrangement quelconque qui prévoit un remboursement au créancier non garanti, quand bien même ce ne serait que 70c. par dollar, c'est probablement mieux que rien.
M. Stevenson: L'expérience m'a appris que la première chose que font les créanciers non garantis lorsqu'ils arrivent à la réunion est de s'informer de leur situation, de demander s'il est possible de récupérer la créance. Leur deuxième préoccupation est l'obtention de renseignements financiers. Les deux ont beaucoup en commun.
La Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole répond vraiment à cette préoccupation. Elle représente une amélioration, du point de vue du créancier non garanti. Par contre, si trop de renseignements sont divulgués au sein de la collectivité, je crains que la protection de leur caractère confidentiel ne nous échappe. Cela marquerait la fin de la médiation et du programme.
Voici comment je conçois le processus. Si les créanciers non garantis se présentent à la réunion de médiation, on leur remettra des renseignements financiers qu'ils pourront examiner. Personnellement, je préférerais qu'ils ne puissent pas les emporter à la fin. L'autre choix, je suppose, est de les laisser faire. Les créanciers non garantis obtiendraient les renseignements financiers avant la médiation.
M. Easter: Monsieur le président, c'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Monsieur Chrétien, avez-vous une courte question à poser?
[Français]
M. Chrétien: Non. Avec M. Easter, tout a été complété. Je vous remercie.
[Traduction]
M. Easter: Les grands esprits se rencontrent!
Le président: Monsieur McKinnon.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Certains témoins que nous avons entendus auparavant, une fois que le processus était terminé, ont fait des commentaires au sujet du taux de réussite de ceux qui continuent de faire de l'agriculture. Qu'auriez-vous à dire à ce sujet, en ce qui concerne l'Alberta?
M. Stevenson: Je ferai une observation, puis je laisserai Bob vous fournir des données précises.
Nous insistons surtout sur la conclusion d'arrangements entre toutes les parties qui permettent à l'agriculteur de continuer d'exploiter sa ferme à court terme. Que je sache, il n'y a pas eu d'étude visant à déterminer si ces personnes continuent réellement d'exploiter leur ferme à long terme. J'hésiterais à me fonder là-dessus pour mesurer le succès, car bien souvent ces agriculteurs veulent négocier un arrangement qui leur permettra de quitter le secteur de l'agriculture en conservant un peu d'estime de soi, conscients qu'ils ont fait du bon travail.
La poursuite de l'exploitation agricole n'est donc pas un bon indice du succès du programme. Il est plus important, en bout de ligne, que l'on fasse ce qu'on aime faire et qu'on en soit fier.
M. McKinnon: La loi, telle que je l'interprète, comporte peut-être un certain élément de motivation subtile en vue de soutenir les agriculteurs et de les convaincre de demeurer dans le secteur. Ce n'est pas son seul objectif, bien sûr, comme vous l'avez fait remarquer.
Venant moi-même d'une région rurale du Canada, je crois que, partout au pays, nous sommes aux prises avec des problèmes de dépeuplement et de désinvestissement. Si vous avez des recommandations à faire à cet égard, j'aimerais beaucoup les entendre, bien que je ne sois pas forcément prêt à les entendre aujourd'hui.
Le président: Avant de terminer, l'un d'entre vous a-t-il d'autres observations qu'il aimerait faire au comité?
M. Stevenson: Je suis vraiment ravi d'avoir pu prendre part à pareil processus. Le travail de médiation a été extrêmement stimulant et révélateur. Ce que j'ai entendu ici m'a aussi ouvert les yeux.
Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus. Sur une note plus personnelle, j'aimerais dire qu'au fil des ans, j'ai moi-même beaucoup travaillé, non pas à de la médiation en matière d'endettement agricole, mais à ce que je qualifierais de processus de négociation, qu'il s'agisse de négociations salariales avec des conseils scolaires ou de la conclusion de marchés avec l'office ontarien chargé de la commercialisation des légumes. Je comprends fort bien l'enthousiasme qui, de toute évidence, vous anime. La participation à de tels processus est très intéressante et enrichissante. Je tiens à vous féliciter, vous et votre organisme, car, de toute évidence, vous y mettez l'enthousiasme et l'effort voulus.
Encore une fois, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation du comité et d'avoir partagé votre point de vue avec nous.
M. Stevenson: C'est nous qui vous remercions.
Le président: Les prochains témoins sont des porte-parole du Syndicat national des cultivateurs.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous le savez, vous avez été invités à commenter le projet de loi C-38, soit la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter. Ainsi, nous saurons tous qui vous êtes exactement et le rôle que vous jouez au sein du syndicat.
M. Chris Tait (vice-président, Syndicat national des cultivateurs): Je m'appelle Chris Tait. Je suis vice-président du Syndicat national des cultivateurs.
M. Reg Joyce (administrateur, Syndicat national des cultivateurs): Moi, je suis Reg Joyce, membre du conseil d'administration du syndicat.
M. Tait: J'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous avoir invités à témoigner.
Le Syndicat national des cultivateurs est la seule organisation agricole nationale à laquelle les membres adhèrent de leur propre initiative et qui représente les producteurs canadiens des principales denrées. Le syndicat a tout intérêt à ce que les producteurs soient justement rétribués pour leur travail et leurs produits. À son avis, l'existence d'un régime adéquat d'examen de l'endettement est essentielle pour les producteurs qui éprouvent des difficultés d'ordre financier.
Depuis plus de 10 ans, le syndicat est très actif auprès des agriculteurs en difficulté qui demandent son aide. C'est ainsi que le syndicat a créé, dans la plupart des régions du Canada, des comités d'aide qui épaulent les agriculteurs visés. Le syndicat continue d'offrir de l'aide à ceux qui lui en font la demande. Ce volet de son travail lui a permis de bien connaître les besoins des agriculteurs avec lesquels il travaille.
Des représentants du syndicat ont pris part aux consultations tenues par Agriculture et Agro-alimentaire Canada en 1995 au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan au sujet de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Le syndicat était aussi présent à la dernière séance de consultation qui a eu lieu à Ottawa, en décembre 1995.
Au cours des 20 dernières années, le revenu agricole net réalisé a régressé, comme le révèlent les chiffres que voici. Ainsi, en 1974, les agriculteurs canadiens ont déclaré des rentrées de 9 milliards de dollars et un revenu net réalisé de 3,3 milliards de dollars. Les frais d'exploitation étaient de 4,9 milliards de dollars. Vingt ans plus tard, c'est-à-dire en 1995, les rentrées ont totalisé 26 milliards de dollars, et le revenu net réalisé est passé à 2,9 milliards de dollars, tandis que les frais d'exploitation ont plus que quadruplé, atteignant 21 milliards de dollars. L'endettement de nombreux agriculteurs ne vient pas tant d'une mauvaise gestion que d'une baisse du revenu net du milieu agricole.
En ce qui concerne plus particulièrement la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, le Syndicat national des cultivateurs s'inquiète du budget projeté. Il croit comprendre que le budget réservé à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole était, par le passé, de 12 millions de dollars, quoique la somme habituellement dépensée se situe plutôt aux alentours de 4 millions de dollars. Au cours des consultations tenues par Agriculture Canada, en 1995, on a appris que le budget n'était plus que de 4 millions de dollars. L'idée de réduire le budget était manifestement celle du ministère plutôt que des intervenants consultés.
Le plafonnement des fonds à 4 millions de dollars limite considérablement la capacité de la nouvelle entité de s'adapter aux besoins des agriculteurs. Si le cours des denrées chutait tout à coup, le nombre de producteurs ayant besoin de conseils financiers ferait un bond. Si l'on veut que la loi projetée réponde aux nouveaux besoins des fermiers, il faut prévoir des fonds en conséquence.
Nous remarquons que, dans le cadre du nouveau programme, on projette d'ajouter de nouveaux services, par exemple l'inauguration d'une ligne téléphonique d'aide aux agriculteurs en cas de stress, en fait que l'on prévoit faire plus avec les mêmes ressources, voire avec moins de ressources. Selon nous, c'est impossible. Le syndicat recommande que le budget de tout programme de remplacement soit maintenu à 12 millions de dollars.
Quant aux frais d'utilisation, les représentants d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada ont proposé d'imposer des frais à l'utilisation de certaines composantes du nouveau service. Le syndicat s'oppose à l'imposition de frais d'utilisation. Il est, d'après nous, irréaliste de demander à un agriculteur éprouvant déjà des difficultés financières - ou sur le point d'en avoir - de payer des frais d'utilisation pour demander de l'aide. Nous recommandons que le nouveau programme ne contienne pas de dispositions visant l'imposition de pareils frais.
Quant à l'élimination de l'aide pour les personnes en difficulté financière, le syndicat proteste contre toute mesure visant à limiter l'aide offerte en vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole aux agriculteurs déjà insolvables. Aux termes de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, les agriculteurs en difficulté de même que les agriculteurs insolvables pouvaient demander de l'aide. Nous remarquons que, pendant cinq ans, soit de 1989 à 1993, plus de 70 p. 100 des agriculteurs qui ont demandé l'aide prévue dans la loi éprouvaient des difficultés financières.
Les Bureaux d'examen de l'endettement agricole prévus dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole s'occupaient des agriculteurs en difficulté et les aidaient souvent à conclure avec leurs créanciers un arrangement auquel ils ne seraient probablement pas parvenus par eux-mêmes.
Selon Agriculture Canada, les agriculteurs en difficulté n'ont pas besoin d'être visés par la loi puisque le programme qui accompagnera celle-ci s'en occupera. Il nous est difficile de le croire. Le programme n'a pas encore été conçu. Nous n'avons donc aucune idée de ce qu'il comprend. Il serait certes préférable de préciser dans la loi qui pourra s'en prévaloir.
Si on limite l'application de la loi aux seuls agriculteurs déjà insolvables, le groupe visé est beaucoup trop restreint. Les personnes en difficulté qui ne sont pas encore insolvables demandent de l'aide parce qu'elles en ont besoin. Souvent, une aide opportune peut empêcher leurs problèmes de s'aggraver et de coûter beaucoup plus cher. Le syndicat remarque, avec intérêt, que nul n'a demandé, durant les réunions de consultations auxquelles il a assisté, que l'article 16 soit retranché de la loi. Le syndicat recommande que le projet de loi à l'étude soit modifié pour faire en sorte que les agriculteurs qui éprouvent des difficultés financières puissent, eux aussi, demander de l'aide.
Sur le plan de l'arbitrage, le syndicat a la ferme conviction qu'il faut faire appel à un arbitre indépendant, lorsque la médiation échoue. La Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole ne prévoit rien à cet égard. Le syndicat recommande que le projet de loi à l'étude soit modifié en conséquence.
Quant au sursis des procédures, le syndicat appuie la disposition du projet de loi qui prévoit un sursis de 120 jours.
De plus, les agriculteurs en difficulté ont besoin de petits montants à des fins bien précises, par exemple pour élaborer un plan d'entreprise, pour engager un avocat, pour obtenir du counselling concernant le stress et pour négocier avec les créanciers. Ces petits montants réservés à des fins bien précises ne représenteraient que quelques centaines ou quelques milliards de dollars de plus. Par contre, ils donneraient aux agriculteurs la chance de sauver leur ferme et de poursuivre leur exploitation.
Le syndicat recommande que de petits montants soient mis à la disposition des agriculteurs en difficulté pour payer des services essentiels, comme un conseiller juridique et la rédaction d'un plan d'entreprise.
De plus, il faudrait que cesse de courir l'intérêt dû à un établissement de prêt dès qu'il fait part de son intention d'intenter une poursuite. Les répercussions favorables sur l'agriculteur seraient doubles: d'une part, il disposerait d'un fonds à partir duquel payer une partie de ses frais de défense et, d'autre part, les établissements de prêt seraient moins enclins à entamer des poursuites. Au contraire, ils seraient peut-être mieux disposés à négocier.
On pourrait limiter la période de gel des intérêts, à 120 jours peut-être. Les banques ne peuvent se plaindre que cela leur imposerait un fardeau inéquitable: elles ont réalisé plus de 5 milliards de dollars de profits en 1995. Les agriculteurs canadiens, quant à eux, ont touché des revenus de 2,9 milliards de dollars. Le syndicat recommande le gel, jusqu'à concurrence de 120 jours, des intérêts dus à l'établissement de prêt qui poursuit en justice un agriculteur.
Pour ce qui est de la prestation de services, les agriculteurs en difficulté ont besoin d'un accès rapide et libre de toute entrave aux services d'endettement agricole. Un moyen de le leur offrir serait d'établir une ligne téléphonique libre appel et d'en faire connaître l'existence à grands renforts de publicité. Les agriculteurs pourraient téléphoner et, sans s'identifier, discuter en termes généraux de leur situation et des services qui leur sont offerts. Ce premier contact est extrêmement difficile pour l'agriculteur, car c'est peut-être la première fois qu'il admet connaître des difficultés financières et risquer de perdre sa ferme. Le syndicat recommande qu'un bureau de premier contact soit établi et qu'on puisse y accéder à l'aide d'un numéro libre appel ayant fait l'objet de beaucoup de publicité.
En ce qui concerne les autres activités fédérales qui influent sur l'endettement agricole et l'insolvabilité, si l'on se fie à la demande de services d'endettement agricole fédéraux aux termes de l'ancienne loi comme de la nouvelle, le gouvernement du Canada a intérêt à aider les agriculteurs à régler leurs problèmes d'endettement et d'insolvabilité. Si tel est le cas, il faudrait que le gouvernement se penche sur les autres mesures qui influent, directement ou indirectement, sur les revenus, les profits et l'endettement des agriculteurs.
Il ne faudrait pas que le gouvernement oublie, dans le cadre de son examen de la nouvelle Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et de son budget de 4 millions de dollars, qu'il a retranché 1 milliard de dollars, dans son budget de 1995, des programmes d'agriculture et des programmes de transport connexes. Il est allé chercher ce montant dans les poches des agriculteurs, déjà durement mis à contribution.
Sur le plan de la mise en marché et de la gestion méthodiques des approvisionnements, la politique en la matière a une influence directe sur le bien-être pécuniaire des agriculteurs. Dans la mesure où il a permis à cette politique et aux organismes qui la mettent en oeuvre de s'affaiblir, le gouvernement a réduit la capacité des agriculteurs d'obtenir un rendement équitable sur le marché. Il faut qu'il se fixe comme priorité de protéger les organismes et les programmes contre toute érosion additionnelle.
Sur le plan des compressions budgétaires fédérales, toute analyse des problèmes d'endettement des agriculteurs serait incomplète si l'on ne tenait pas compte de l'incidence qu'ont les compressions budgétaires fédérales sur les programmes agricoles. Dans le seul budget de 1995, le gouvernement a retranché 1 milliard de dollars de ses programmes agricoles et des programmes de transport connexes. Ainsi, dans le budget fédéral de 1995, les 560 millions de dollars qui étaient auparavant affectés à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ont disparu, tout comme le fonds d'aide au transport des provendes et le fonds d'aide au transport dans les provinces Maritimes.
Pour ce qui est des producteurs céréaliers de l'Ouest canadien, l'abrogation de la LTGO équivaut à une augmentation des frais de transport de 20 $ par tonne. Certaines années, les paiements versés en vertu de la LTGO équivalaient presque au revenu agricole net de la Saskatchewan. L'abolition de ces programmes réduit la capacité des agriculteurs canadiens de faire face à la concurrence internationale, alors que des pays comme les États-Unis continuent de subventionner leur réseau de transport.
Quant au filet de sécurité sociale, l'établissement d'un programme qui aiderait véritablement les producteurs à stabiliser leurs revenus contribuerait à réduire le nombre d'agriculteurs aux prises avec de graves difficultés financières. Le programme CSRN actuel ne remplit pas ce rôle. En Alberta, par exemple, environ 60 p. 100 des comptes de stabilisation du revenu net contiennent moins de 2 000 $.
En guise de conclusion, je précise que les hausses récentes du cours des céréales ont été plus que contrebalancées par la baisse des prix du bétail et la croissance excessive du coût des intrants. Selon Statistique Canada, le revenu agricole net a diminué de 5 p. 100 entre 1993 et 1995, au Canada. Simultanément, l'endettement a augmenté de 9 p. 100, passant de 23,5 à 25,6 milliards de dollars. On ne peut invoquer la prospérité des agriculteurs ou l'absence de besoins pour justifier la réduction du financement des services offerts en cas d'endettement agricole.
Les récentes mesures prises par le gouvernement fédéral ont entraîné une baisse draconienne des revenus et des profits des agriculteurs. Il ne faut pas aggraver les problèmes qui en découlent en réduisant la portée et l'efficacité des services d'endettement agricole fédéraux. En limitant l'aide aux personnes déjà insolvables, la loi projetée laissera les agriculteurs à la merci des banques, au moment même où ils tentent d'éviter la faillite, de restructurer leur exploitation et de conserver leur ferme. Les conseils opportuns prodigués par les employés du Bureau d'examen de l'endettement agricole présents sur place, avant l'insolvabilité, ont permis à de nombreux agriculteurs de restructurer leur exploitation et d'éviter la saisie.
Voilà qui conclut ce que le Syndicat national des cultivateurs m'a demandé de vous soumettre respectueusement.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Tait.
Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien: La subvention de la LTGO, qui a été abolie dans le Budget de 1995-1996, était de l'ordre de 560 millions de dollars par année.
Je suis surpris en lisant votre paragraphe puisque lorsque je me battais ici, à la Chambre des communes, comme un diable dans l'eau bénite pour lutter pour que le ministre des Finances revienne sur sa décision, j'ai reçu très peu d'appuis, notamment des gens de l'Ouest, et aujourd'hui, à deux ou trois reprises, vous avez fait allusion à ces coupures dans votre exposé. Je trouve que c'est un peu tard. Si j'avais eu un appui tangible, j'aurais travaillé avec plus d'ardeur et plus longtemps.
Cependant, je voudrais revenir au paragraphe, à la page 5 en français, où vous parlez de la Commission canadienne du blé. À la Chambre des communes, on n'a pas le droit de souligner les absences, seulement les présences, mais si nos amis réformistes étaient présents ici, ils n'auraient sûrement pas été d'accord avec vous lorsque vous avez dit que la Commission canadienne du blé a réussi à soutirer 265 millions de dollars de plus par année grâce au monopole qu'elle possède et à son agressivité sur les marchés extérieurs qu'elle n'aurait pu en retirer si le marché avait été libre.
Pourriez-vous prendre quelques minutes pour me concrétiser ou me vulgariser ce que vous avez dit? Je pourrai en parler aux députés réformistes lorsque je les rencontrerai.
[Traduction]
Une voix: Vous commencez à parler comme un Réformiste.
Le président: Puis-je demander un éclaircissement? C'est peut-être l'interprétation, mais, monsieur Chrétien, avez-vous bien dit que selon vous, les membres du Parti réformiste auraient été d'accord, s'ils avaient été ici?
Oh, c'est entendu, ils n'auraient pas été d'accord.
[Français]
M. Chrétien: Si les membres du Parti réformiste avaient été ici, ils auraient sursauté.
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
Le président: C'est très clair maintenant!
Poursuivez, monsieur Tait.
M. Tait: Tout d'abord, je vous remercie pour les observations que vous avez faites sur la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. En tant qu'organisation, nous avons mené le genre de lutte que nous pouvions mener, mais il est très difficile de motiver les gens qui manifestent très clairement leurs intentions au moment des élections, lorsqu'ils votent pour un gouvernement fédéral qui a passé ce point sous silence. L'élimination de la LTGO ne figurait pas dans le programme électoral.
Au bout d'un certain temps, lorsque les gens s'aperçoivent que les représentants qu'ils ont élus les trahissent et lorsqu'ils découvrent qu'un programme caché est envisagé, ils se sentent démoralisés. Il devient alors de plus en plus difficile de les mobiliser. Nous avons obtenu l'appui que nous pouvions. Je ne regrette rien. Je pense que nous avons fait du mieux possible et je suis heureux de voir que certains députés de la Chambre se sont inquiétés des coupures effectuées.
Au sujet de la Commission canadienne du blé plus particulièrement, ce sont des universitaires indépendants qui ont procédé à son évaluation, laquelle n'a pas été sérieusement contestée. Aucune partie de cette recherche n'a été discréditée, si bien que ces 265 millions de dollars sont une réalité à laquelle on ne peut échapper. Je suis sûr que cela ne plaît pas au Parti réformiste, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas vrai.
Je vais vous donner l'exemple du marché continental de l'orge en 1993, pendant les quelques mois au cours desquels le gouvernement conservateur a instauré un double marché de l'orge: le prix de l'orge de brasserie de qualité a chuté de 50 $ la tonne. Lorsqu'il a été replacé sous l'égide de la Commission, il a augmenté de 50 $ la tonne, il est donc revenu... Les chiffres sont à mon avis fort éloquents. Je crois que les agriculteurs canadiens de l'Ouest s'en rendent compte et nous espérons que le gouvernement s'en rend compte également.
[Français]
M. Chrétien: Je voudrais, monsieur le président, si m'en donnez encore l'occasion, poser quelques questions, notamment au sujet d'une recommandation. Je dois vous signaler que j'ai moi-même un préjugé plus que favorable envers la classe agricole, mais il y a une recommandation, à la page 4, en français, qui me fait hésiter, quoique les banquiers soient capables de se défendre eux-mêmes.
Vous proposez que le syndicat recommande le gel, jusqu'à concurrence de 120 jours, des intérêts dus à une institution bancaire qui intente des poursuites en justice contre un agriculteur.
J'aurais des réticences évidentes à appuyer cette recommandation et je vous dis pourquoi. Il pourrait y avoir abus, car 120 jours divisés par 30, cela fait 4 mois, donc le tiers d'une année. Dans certains cas, on pourrait accumuler des sommes importantes en intérêts. Il pourrait y avoir des agriculteurs qui utiliseraient ce système pour économiser, pendant ce maximum de 120 jours, des frais d'intérêts. Ce serait, je crois, injuste pour les créanciers.
[Traduction]
M. Tait: Il s'agit certainement d'une proposition qui donnerait à l'agriculteur un certain pouvoir et je ne pense pas que ce soit malheureux. À long terme, les avantages économiques s'accroissent si les agriculteurs sont plus nombreux et si le nombre de terres agricoles augmente.
Je vais maintenant céder la parole à Reg.
M. Joyce: Je pense que s'il traite avec une banque, l'agriculteur aura la possibilité de garder un peu d'argent, car, tant qu'il aura de l'argent, la banque fera tout pour le récupérer. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
À ce sujet, on peut ajouter que lorsque l'agriculteur emprunte de l'argent, il s'engage en fait dans un partenariat. La banque lui donne de l'argent, il donne son travail, etc. Tous les deux sont là pour faire de l'argent. Par conséquent, les deux devraient subir les conséquences de toute perte éventuelle.
Nous savons que les banques ne seraient pas d'accord, mais en même temps, cet argent ne leur coûte rien. Comme on dit, l'argent est la seule création de l'homme. Les banques créent l'argent; par conséquent, elles détiennent le pouvoir, le gouvernement et tout le reste.
L'agriculteur fait pousser les plantes, etc. Ce faisant, il crée de l'argent. Même s'il fait faillite, il a quand même fait de l'argent pour le gouvernement grâce à la récolte qu'il a produite.
Les banques peuvent attendre jour après jour, semaine après semaine et refuser, tant que l'agriculteur a encore de l'argent. Une fois qu'il n'a plus d'argent, les banques vont probablement conclure un arrangement ou une entente. C'est cependant trop tard pour l'agriculteur. La banque s'empare de tout son argent.
Lorsque vous signez ce premier billet, vous vous engagez non seulement à rembourser l'argent que vous empruntez, mais aussi à verser de l'intérêt. Les banques n'ont pas à saisir en forclusion, elles n'ont pas à prendre vos biens. Tout ce qu'elles ont à faire, c'est saisir en forclusion en fonction du dernier billet signé. C'est ce qu'elles font. L'agriculteur doit alors intenter des poursuites, et vous connaissez autant que moi les chances qu'il a de gagner.
[Français]
M. Chrétien: Vous dites que votre syndicat a été consulté par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il y a toujours un point qui me chicote et vous l'avez peut-être vu plus tôt lorsque ma première question a été posée au président de l'Alberta au sujet de l'endettement, à savoir quand il avait été nommé. Par déduction, on comprend beaucoup de choses.
Donc, vous avez été consultés sur le projet de loi que nous étudions ce matin. Votre formation syndicale est-elle régulièrement consultée pour suggérer une liste de membres qui pourraient siéger au Bureau de l'endettement agricole?
[Traduction]
M. Tait: La réponse est non. En ce qui concerne la consultation, nous sommes heureux de voir que ce processus de consultation a été au moins un peu plus honnête et ouvert que d'autres processus du ministère. Les résultats reflètent raisonnablement ce qui a été débattu, même si ce n'est pas entièrement.
Nous sommes donc heureux que l'on nous demande de participer, mais nous aimerions également que les propos des participants aux réunions soient consignés. Par exemple, le fait que l'on s'aiguille vers l'élimination des demandeurs en vertu de l'article 16 ne correspond pas aux propos tenus par les agriculteurs aux réunions. Pourquoi se donner la peine de prévoir un processus de consultation si les choses sont décidées d'avance?
Par ailleurs, il semble que le budget ait été plafonné à l'avance. Les agriculteurs aimeraient savoir s'il y avait un programme, si le projet de loi était déjà rédigé avant les consultations.
[Français]
M. Chrétien: Avant que le gouverneur en conseil ne procède à la nomination de gens qui vont siéger au Bureau d'examen de l'endettement, on ne vous invite pas à suggérer trois noms? Vous n'êtes pas consultés? C'est bien ce que j'avais compris.
[Traduction]
M. Tait: À mon époque, non, tel n'était pas le cas.
[Français]
M. Chrétien: C'est donc dire, en exagérant quelque peu, qu'on pourrait se retrouver avec un bureau de direction qui serait complètement collé du côté des créanciers, très peu favorable à la classe agricole et même qui ne la connaisse pas.
[Traduction]
M. Tait: Je pense que cela peut être un risque. Nous remarquons que dans la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, le gouvernement propose que les médiateurs soient des personnes impartiales et qu'aucun conflit d'intérêts ne soit possible. Je pense que le gouvernement n'hésiterait probablement pas beaucoup à nommer une personne favorable aux banques, alors qu'il hésiterait probablement beaucoup à nommer une personne favorable aux agriculteurs.
À mon avis, le gouvernement s'apercevrait immédiatement qu'il y a conflit d'intérêts s'il nommait un agriculteur comme médiateur, car ce dernier favoriserait les agriculteurs; par contre, il n'aurait pas ce genre d'inquiétude, s'il nommait une personne issue des milieux financiers qui, de toute évidence, favoriserait les institutions financières. C'est donc un souci pour nous.
[Français]
M. Chrétien: Je constate que le budget de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole va passer de 12 à 4 millions de dollars. Bien sûr, le travail antérieur était très bien fait, bien administré. Les 12 millions de dollars étaient utilisés à bon escient. Croyez-vous qu'en divisant par trois le budget, on va pouvoir donner un meilleur service, comme on le prétend?
[Traduction]
M. Tait: Diviser le budget par trois? Je ne suis pas au courant.
[Français]
M. Chrétien: À la page 2, vous dites que vous croyiez comprendre que le budget réservé à la Loi sur l'examen de l'endettement agricole était de 12 millions de dollars... D'accord. Je reprends ma question. Vous ajoutez qu'il se situait plutôt à 4 millions de dollars. Croyez-vous qu'avec 4 millions de dollars, on pourra donner un service aussi bon que par les années passées?
[Traduction]
M. Tait: Non, nous ne le pensons pas, surtout lorsqu'il est question d'élargir le programme. Nous ne sommes malheureusement pas bien informés à ce sujet, car le programme complémentaire n'a pas encore été mis au point. Personne n'a d'information à ce sujet.
Il reste toutefois que le ministère de l'Agriculture a déclaré que le nouveau programme visait à atteindre les agriculteurs avant qu'ils n'aient de difficultés financières. Nous parlons donc d'un tout nouveau palier administratif, d'un tout nouveau domaine, qui pourrait être très précieux.
Le ministère a également fait mention d'un service d'écoute téléphonique pour agriculteurs stressés. Nous parlons ici de tout un éventail de nouveaux services qui, à notre avis, coûteront plus que 4 millions de dollars; nous ne pensons pas qu'il faille faire des économies à cet égard. Les agriculteurs ont subi des coupures assez importantes ces dernières années et je crois qu'il faudrait concevoir un programme et en évaluer raisonnablement le coût, au lieu de prévoir un très petit budget et ensuite concevoir un programme qui doive s'y adapter.
À notre avis donc, 4 millions de dollars n'est pas une somme acceptable. Nous ne croyons pas que le gouvernement puisse atteindre les objectifs qu'il s'est fixés avec un tel budget.
[Français]
M. Chrétien: Ma dernière question a trait à la situation de l'industrie agroalimentaire de 1974 à 1995. Quoique travaillant presque quotidiennement au dossier de l'agroalimentaire et de l'agriculture, j'ai sursauté en compilant vos chiffres. Je les ai allongés ici, les uns sous les autres, en faisant une colonne, 1974 et 1995. C'est très dramatique.
Vous dépensez des sommes astronomiques, qui augmentent de jour en jour, alors que vos revenus ont diminué un petit peu, passant de 3,3 milliards de dollars à 3 milliards de dollars ou presque, alors que les coûts d'exploitation ont augmenté en flèche. Dois-je comprendre qu'il serait très difficile de prévoir la situation agricole autour de 2000-2010?
[Traduction]
M. Tait: Je pense que vous avez raison. D'autres éléments entrent en jeu. Les travaux extérieurs représentent maintenant quelque chose comme 60 p. 100 du revenu agricole net. Si les agriculteurs ne subventionnaient pas l'industrie comme ils le font, la crise serait, à mon avis, beaucoup plus grave.
Par exemple, en Colombie-Britannique, les revenus extérieurs représentent 79 p. 100 du revenu net. Dans certaines provinces, ces revenus sont plus bas. Il reste que les agriculteurs subventionnent énormément l'industrie. Beaucoup d'exploitations disparaîtraient si vous n'aviez pas de gens suffisamment consciencieux pour travailler dans le domaine de l'agriculture et continuer à payer pour faire ce qu'ils aiment faire - ce qui représente d'ailleurs, je pense, un travail très important.
Le fait que l'industrie agricole n'attire plus personne est l'autre facteur qui, à mon avis, causera des problèmes. Il y a deux ans, l'âge moyen des agriculteurs a atteint son plus haut niveau, 49 ans. Notre industrie fait partir les jeunes en foule. Je m'attends à ce que d'ici 20 ans, la moyenne d'âge se rapproche des 60 ans. Nous assisterons alors à des départs à la retraite et des regroupements en masse dans un Canada rural très changé ce qui, à mon avis, n'est pas du tout souhaitable. Cela est très étroitement lié à une situation d'endettement et à un problème de revenu.
Le président: Merci, monsieur Chrétien.
Avant de céder la parole à M. Easter, j'aimerais un éclaircissement. Monsieur Tait, nous avons demandé cet éclaircissement au ministère, mais je crois - comme vous le dites, je ne peux le confirmer aujourd'hui - que le budget prévu pour la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole s'élève à 4 millions de dollars. Je vais me le faire préciser, mais je crois également que 2,4 millions de dollars sont mis de côté pour le service de consultation. Si ces chiffres sont exacts - et je le répète, il faut nous les préciser - et que seulement 4 millions de dollars ont été dépensés pour ce service dans le passé, fait que vous mentionnez dans votre exposé, on se retrouve donc avec plus de fonds que par le passé, pour ce qui est du service de consultation et de la médiation en matière d'endettement agricole.
Je le répète, je sais que des fonctionnaires du ministère sont présents, il est impératif de se faire préciser ces chiffres budgétaires, ces chiffres prévus, cet argent mis de côté en cas de besoin. Nous devons nous le faire préciser le plus rapidement possible.
Ceci étant dit, je cède maintenant la parole à M. Easter.
M. Easter: Merci, monsieur le président. Je suis d'accord avec vous que ces chiffres doivent être précisés. C'était l'une de mes questions, mais Jerry n'est pas là.
Dans tous les cas, bienvenue, Reg et Chris. Certains présents ici vont m'accuser de partialité, mais je crois que cela doit être consigné au compte rendu. Je félicite le Syndicat national des cultivateurs pour les efforts qu'il a déployés dans le contexte de la crise agricole. Je suis convaincu qu'il n'existe pas d'autres organisations qui, au fil des ans, aient consacré bénévolement autant de temps pour faciliter le règlement de la crise agricole. Je crois que c'est grâce à une telle approche qu'il y a des gens qui font toujours de l'agriculture, alors que cela n'aurait peut-être pas été le cas autrement.
Dans votre mémoire, vous soulevez une de mes préoccupations. Vous en avez également parlé. Il s'agit de l'article 16 qui ne figure pas dans la loi - il s'agit de ceux qui ne sont pas encore insolvables - le ministère veut s'occuper de tels cas dans le cadre du service de consultation agricole, c'est-à-dire grâce à son service d'écoute téléphonique ou quel que soit le nom que vous donniez à ce service... le premier contact. Je pense que c'est à cela qu'il servira.
Des témoins précédents, certains membres du Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Alberta et certains membres des autres bureaux d'examen de l'endettement agricole croient que la plupart des agriculteurs qui se présentent devant eux, qui ne sont pas en fait encore insolvables, pourraient être jugés insolvables et que cet article 16 pourrait être considéré comme prévu à l'article 20. Monsieur le président, une question se pose ici. Qu'est-ce qu'une difficulté financière? Êtes-vous en difficulté financière si vous omettez un versement de 30 jours?
Pouvez-vous nous préciser votre pensée à propos du fait que la loi ne permet plus de s'occuper de ceux qui ne sont pas encore insolvables? C'est ma plus grande préoccupation. Comment montrer aux agriculteurs qu'en vertu de la loi ou d'autres moyens, nous avons la compétence voulue pour obliger les prêteurs et les créanciers à arriver à un accord de manière que ces agriculteurs restent dans le domaine de l'agriculture?
M. Tait: À notre avis, comme je l'ai dit, l'article 16 de la loi est très important. D'après nos chiffres, chaque année, à l'exception de 1986, la majorité des agriculteurs qui ont eu recours au système du Bureau d'examen de l'endettement agricole étaient des demandeurs en vertu de l'article 16. De toute évidence, il s'agit de personnes en difficulté financière.
Il faut donc s'occuper du cas de ces agriculteurs. Je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit l'un des témoins précédents, à savoir que nous devrions aider les gens à sortir de l'industrie. Nous devrions aider les gens qui sont en difficulté à prendre le contrôle de leurs opérations et à rester dans l'industrie; je pense que c'est ce que la plupart des gens demandent.
Sur les 17 000 agriculteurs qui ont eu recours à la loi depuis 1986, seulement 7 846 étaient insolvables. Par conséquent, dans leur vaste majorité, ils étaient en difficulté financière; je ne vois pas comment un programme, qui n'est pas encore mis au point, pourrait offrir le genre de protection dont ces gens ont besoin. Je pense qu'ils ont besoin d'une loi, et je ne sais pas pourquoi on semble chercher à les sortir du cadre de la loi.
M. Joyce: Je suis de l'Ontario et la situation dans le sud-ouest de cette province est véritablement unique. Les agriculteurs ont accès à énormément de revenus d'appoint en travaillant dans les usines, etc. Je viens de Chatham où la société International Harvester compte 1 500 employés dont 600 environ sont des agriculteurs. Lorsque les choses vont mal au point de vue monétaire, l'épouse et certains membres de la famille de l'agriculteur travaillent, ce qui permet d'aplanir quelques difficultés. Par contre, l'agriculteur à plein temps doit s'adresser au Bureau d'examen de l'endettement agricole.
M. Easter: J'ai une autre question. Vous avez recommandé dans le mémoire, Chris, de modifier le projet de loi de manière à prévoir l'arbitrage si la médiation échoue. Dans le projet de loi, il est question d'un comité d'appel. Cela se rapproche-t-il de votre recommandation en matière d'arbitrage et, dans la négative, pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quel processus faudrait-il envisager entre le recours à la médiation et l'arbitrage? Quel est le dernier...?
M. Tait: De notre point de vue, l'arbitrage indépendant serait utile, puisqu'il est réaliste de croire que la médiation ne peut qu'échouer, et nous ne voyons pas comment un processus d'appel servirait nécessairement l'intérêt des agriculteurs. L'arbitrage présenterait un avantage, puisqu'il pourrait permettre d'envisager la situation de manière indépendante et d'entamer un processus de prise de décision exécutoire. De notre point de vue, ce serait préférable.
M. Joyce: L'arbitrage s'impose absolument si l'on veut, au bout du compte, parvenir à une solution raisonnable. Il ne reste que l'arbitrage dans les cas où aucun accord n'est possible. L'ancienne Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers prévoyait un juge. Cela fonctionnait très bien et était très peu coûteux. La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies prévoit la même chose. Elle existe toujours. En fait, on y a eu recours à Chatham dans le cas d'une société qui avait fait faillite et qui ne voulait pas payer ses employés. Grâce à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, les employés en question ont récupéré leur argent.
M. Easter: J'aimerais que l'on me précise un point. Je connais bien la Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers - on en a parlé abondamment au cours de l'avant-dernière législature - mais la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies est-elle une loi de l'Ontario ou une loi nationale?
M. Joyce: C'est une loi nationale qui est parallèle à la Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers.
M. Easter: Quand y a-t-on eu recours dernièrement?
M. Joyce: Il y a trois ans, à Chatham.
Le président: Je vous remercie, messieurs, d'avoir pris le temps de venir participer à ce débat sur le projet de loi C-38. Si vous avez une conclusion, nous nous ferons un plaisir de l'entendre.
M. Tait: J'aimerais simplement souligner que le nombre des cas traités par les bureaux de l'examen de l'endettement agricole a atteint un sommet en 1991, soit 3 665 cas. En 1995, ce chiffre a été ramené à 1 100. C'est probablement la raison pour laquelle ce processus est démodé et qu'il n'est plus utile. Je remarque, toutefois qu'en 1986, lorsque ce processus a débuté, 1 096 cas seulement ont été traités. En d'autres termes, nous avons traité en 1995 plus de cas qu'en 1986, lorsque le processus a démarré. Je pense que le besoin est aussi pressant aujourd'hui.
Je crois que d'ici quelques années, nous allons être témoins des résultats - ou de la tragédie - d'un bon nombre des restrictions imposées par le gouvernement fédéral en 1995. Ce n'est ni le moment de faire un changement radical ni le moment de prendre des mesures d'austérité radicales.
J'aimerais remercier de nouveau le comité de nous avoir invités à comparaître.
Le président: Merci beaucoup, messieurs.
La prochaine séance du comité - nous avons trois séances la semaine prochaine - aura lieu mardi à 9 heures avec M. Pomerleau sur le projet de loi C-38. Les fonctionnaires d'Agriculture Canada reviendront pour d'autres débats et pour répondre aux questions sur le projet de loi C-38. Mercredi, des fonctionnaires d'Agriculture Canada seront parmi nous à 15 h 30 pour parler du projet de loi C-60 sur l'agence d'inspection des aliments. Nous avons l'intention de passer à l'examen article par article du projet de loi C-38, jeudi matin.
Nous avons donc trois séances la semaine prochaine: mardi matin, mercredi après-midi et jeudi après-midi. M. Chrétien et moi-même tenons à ce que tout le monde arrive à l'heure.
La séance est levée.