Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 octobre 1996

.0908

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons nos travaux ce matin. Je souhaite la bienvenue à tous.

Réglons d'abord quelques questions de régie interne. La réaction du gouvernement au premier rapport du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire sur les normes de certification pour la production d'aliments biologiques a été déposée à la Chambre hier. Le greffier vous en distribuera des exemplaires prochainement.

Je crois également qu'on a distribué à vos bureaux hier la demande présentée au ministère sur le budget affecté à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et le Service de consultation agricole. Vous devriez donc avoir ce document sur vos bureaux.

Vous avez tous reçu le budget supplémentaire. Il y est fait mention de l'agriculture et de l'agroalimentaire et j'aimerais en discuter avec le comité directeur à la fin de notre réunion.

Je crois comprendre qu'il se pourrait qu'il y ait un vote peu après 10 h 15; la sonnerie retentira pendant 30 minutes. Il se pourrait donc que nous soyons interrompus. Mais nous verrons cela en temps et lieu.

J'aimerais seulement passer en revue le programme parce qu'il arrive parfois que nous n'ayons pas à la fin de la réunion autant de gens qu'il y en avait au début. Nous nous réunirons demain à 15 h 30 avec des fonctionnaires d'Agriculture Canada. J'imagine que M. Pickard mènera la discussion sur le projet de loi C-60 relativement à l'agence d'inspection des aliments.

.0910

Jeudi, à 9 heures, nous entamerons l'étude article par article du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.

Ce matin, nous continuons notre examen du projet de loi C-38, en commençant par une présentation de M. Paul Pomerleau. Monsieur Pomerleau, je vais vous laisser vous présenter et vous pourrez ensuite procéder à votre témoignage. Bienvenue au comité.

[Français]

Me Paul Pomerleau (avocat, Beauchamp, Pomerleau): Je m'appelle Paul Pomerleau. Je suis un associé du bureau Beauchamp, Pomerleau de Montréal. Notre étude d'avocats est spécialisée en droit agricole et je me suis joint à cette équipe il y a un peu plus de cinq ans. Mon associé, Jean-Claude Beauchamp, fait du droit agricole depuis au moins une quinzaine d'années. Le droit agricole, représente au moins 80 p. 100 des activités de notre bureau. Nous faisons aussi du droit commercial, mais beaucoup moins. Personnellement, je m'intéresse très fortement à la question. J'ai fait une maîtrise en droit sur l'agriculteur face à l'endettement, l'insolvabilité et la faillite. J'ai donné de nombreuses conférences à des banquiers et des syndics de faillite sur ces questions.

Il me semble important de dire immédiatement que notre bureau ne représente aucune institution financière. Nous ne représentons que des petites, moyennes et grandes entreprises agricoles et certains transformateurs, des abattoirs, etc. Cela va peut-être un peu teinter mes commentaires, mais je vais essayer de rester le plus neutre possible.

Notre bureau intervient devant votre comité pour donner le point de vue des juristes. Je vais tenter de m'éloigner des questions d'opportunité, que je laisse entre vos mains. Par exemple, je ne parlerai pas de l'opportunité de remplacer un comité de trois membres par un médiateur. Par contre, si vous voulez m'entendre là-dessus, il me fera plaisir d'en parler. Mais ce n'est pas le sens de mon intervention.

Je crois que vous avez déjà reçu un petit document très bref, très schématisé de ce qui nous semble le plus important comme commentaires sur le sujet. Je vais commencer immédiatement par la définition d'«agriculteur» que l'on retrouve à l'article 2 du projet de loi.

La nouvelle définition d'agriculteur inclut un concept nouveau. On dit:

En droit civil - c'est le cas du Québec et pas des autres provinces, mais il y a peut-être quelque chose de similaire - , «entreprises agricoles» et «activités commerciales» sont un peu incompatibles. Même si le nouveau Code civil a changé un peu la situation, c'est sûr et certain que la formulation nous apparaît plus ou moins bonne. La jurisprudence de toutes les autres provinces, pour interpréter l'ancienne loi, la Farm Debt Review Act ou, en Saskatchewan, la Saskatchewan Farm Security Act, utilise généralement une expression qui dit: a realistic involvement in farming. On ne fait donc pas référence à la commercialisation que le producteur agricole ou l'agriculteur fait de ses produits.

Cela dépend toujours de ce que le législateur veut faire. Veut-il restreindre la portée de la loi ou l'étendre? C'est sûr qu'en parlant du critère «à des fins commerciales», on suppose que chaque fois qu'il y a vente de produits sur les marchés, il y a une fin qu'on pourrait qualifier de commerciale. Dans ce sens-là, probablement que les producteurs agricoles, en grande majorité, vont pouvoir se prévaloir de la loi.

.0915

Nous déplorons qu'il semble y avoir un manque de cohérence entre cette définition d'«agriculteur», que l'on retrouve dans beaucoup d'autres lois, et ce que la jurisprudence dit. La jurisprudence parle de realistic involvement in farming. Dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, à l'article 48, on parle encore de l'agriculteur, et le projet de loi qui est actuellement à l'étude veut faire allusion à une personne dont la principale activité et la principale source de revenu est l'agriculture.

Si vous retenez une définition différente de celle-là, les tribunaux vont automatiquement déduire que vous voulez dire autre chose. Il faudrait qu'on s'aligne d'une façon ou d'une autre et qu'on essaie le mieux possible de mettre la même définition dans un certain nombre de lois.

En ce qui a trait à l'alinéa 5(1)b), qui porte sur la demande, il est prévu que l'agriculteur peut faire une demande en vertu de l'alinéa 5(1)a). Je n'en parle pas dans mon document et je m'en excuse; c'est une inspiration tardive. On prévoit l'examen de la situation financière et la médiation entre l'agriculteur et ses créanciers garantis seulement, sans toutefois prévoir la suspension des procédures pendant la médiation, pendant l'examen de la situation financière.

Nous croyons que cet alinéa sera très peu utilisé; s'il est utilisé, il sera possiblement la source de nombreux litiges et problèmes. Il sera peu utilisé parce qu'on voit mal ce qui pourrait intéresser un créancier garanti - et j'exclus évidemment la Société fédérale du crédit agricole et les sociétés provinciales qui sont beaucoup plus compréhensives généralement - à s'asseoir de plein gré avec le producteur agricole dans le cadre de cet alinéa.

Pourquoi le ferait-il dans ce cadre-là alors qu'il ne le ferait pas dans un autre cadre? Il n'y a rien qui les force à s'asseoir. Il n'y a pas de suspension des procédures qui les incite à essayer de trouver une solution rapide, et le dépôt d'une demande en vertu de l'alinéa 5(1)b) risque de tendre davantage le climat entre le débiteur et le créancier.

L'article de la loi actuelle qui correspond peut-être un peu à cela est l'article 16, en vertu duquel l'agriculteur pouvait demander un examen de sa situation financière; où il avait l'option de demander l'aide du Bureau d'examen de l'endettement agricole pour l'aider à trouver un terrain d'entente avec ses créanciers. Il avait cette option. Avec l'alinéa 5(1)b) actuel, il n'a pas l'option; c'est automatique. Donc, une liste des créanciers doit être donnée, une rencontre aura lieu et une tentative de médiation aura lieu.

C'est certain que l'ancien article 16 permettait de faire un examen préventif de la situation financière de l'agriculteur dans un climat plus calme. Même si sa situation était difficile à ce moment-là, elle n'était pas encore catastrophique. L'intervention du Bureau, à ce niveau-là, était beaucoup plus discrète et beaucoup plus préventive.

On suggère de donner à l'agriculteur qui aura obtenu l'examen de sa situation financière, le choix d'avoir recours au médiateur ou de ne pas y avoir recours. Si sa situation se détériore par la suite, il pourra opter pour 5(1)a), soit obtenir la suspension des recours.

Je ferai un petit commentaire rapide sur les alinéas 6a) et 6b) du projet de loi. Ils sont une copie intégrale des critères traditionnels d'insolvabilité que l'on retrouve dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

.0920

J'ai toujours déploré - c'est la première fois que je le fais publiquement - que l'on utilise intégralement les mêmes critères parce que la situation de l'agriculteur est bien différente. L'alinéa 6a) nous dit:

a) il est incapable de s'acquitter de ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;

En agriculture, vous le savez, les cycles de rémunération sont longs. Par exemple, dans les grandes cultures, généralement, le producteur fait ses semences au début de l'année et récolte à la fin de l'année. Pendant toute la période intermédiaire, il est techniquement insolvable au sens de cette définition-là, puisque généralement, il a accumulé des dettes importantes à court terme. Ses liquidités seront généralement très faibles et ce n'est qu'au moment de la récolte qu'il commencera à percevoir des paiements par anticipation et quelques paiements de ses acheteurs.

Donc, l'alinéa 6a) permet à pratiquement tous les agriculteurs de se prévaloir de la loi. Ce n'est pas un critère qui va exclure des producteurs, puisque dans de nombreuses productions, l'agriculteur est, à un moment ou à un autre, incapable de s'acquitter de ses obligations au fur et à mesure de leur échéance. Cela n'en fait pas un débiteur insolvable. C'est quelqu'un qui reste quand même éminemment solvable, mais il vient un temps dans l'année où il a très peu de liquidités.

Ce problème-là a été soulevé en droit français, il y a environ deux ans. Des auteurs, dans la Revue de droit rural français, ont suggéré de modifier cette définition par quelque chose qui se lirait comme suit:

Il faudrait peut-être adapter cela à la sauce canadienne, car cela me semble beaucoup plus intéressant que les critères traditionnels d'insolvabilité.

C'est à l'alinéa 7(1)b) qu'on traite de la suspension des recours. La Loi sur l'examen de l'endettement agricole reconnaît un caractère beaucoup plus automatique à la suspension des procédures. C'est-à-dire qu'on ne dit pas textuellement, comme c'est le cas dans votre projet de loi, que l'administrateur doit prononcer la suspension. Qui dit «prononcer la suspension» dit un effort de réflexion, une décision généralement écrite, etc.

Il y aura probablement, dans certains cas, des délais. Je ne dis pas que ce seront des délais d'une semaine. Ce seront sûrement des délais d'une heure, de deux heures, de trois heures, mais juridiquement, cela peut poser des problèmes.

Il y a eu récemment une décision dont je parle dans mon petit document. C'est la décision Dietz c. Banque de Montréal. Il s'était écoulé quelque deux heures entre la demande de suspension des procédures, donc la demande en vertu de l'article 20 de la loi actuelle, et la transmission d'une décision écrite par l'administrateur. Pendant ces deux heures-là, les huissiers avaient eu le temps de charger sur des camions des tracteurs, une batteuse, etc., et la cour a dit qu'une fois qu'ils étaient chargés, ils étaient saisis et on ne pouvait pas les décharger.

Donc, il me semble très important que la suspension des recours soit automatique dès qu'il y aura réception de la demande en vertu du nouvel alinéa 5(1)a). Dès qu'il y a réception de cette demande-là, il doit y avoir automatiquement suspension des recours, que les tiers, créanciers, huissiers ou autres en aient été avisés ou pas.

.0925

Je vous suggère donc un nouveau paragraphe 7(3) qui se lirait comme suit:

(3) Dans le cas d'une demande faite en vertu de l'alinéa 5(1)a), la suspension des recours prend effet dès réception de la demande de l'agriculteur au bureau de l'administrateur.

Cela même si les créanciers ou leurs représentants n'ont pas encore été avisés formellement de la présentation de cette demande.

Mes autres commentaires concernent la levée de la suspension des recours. On en parle à deux endroits précisément dans la loi. C'est au sous-alinéa 11(2)a)(i) et à l'alinéa 14(2)a). Par exemple, à 11(2)a)(i), on nous dit:

(i) l'agriculteur ou la majorité de ses créanciers [...] refusent de participer à la médiation ou de continuer d'y participer de bonne foi,

L'administrateur peut alors mettre fin à la médiation et à la période de suspension des recours. C'est certain que dans des cas où il n'y aura que quelques créanciers, ceux-ci vont pouvoir très facilement mettre fin à la période de médiation et à la période de suspension, tout simplement en avisant l'administrateur qu'ils n'ont aucune intention de négocier, aucune intention de se présenter.

De la façon dont 11(2)a)(i) est rédigé, dès qu'une majorité de créanciers ne veut pas participer, le processus est complètement contourné et il y a presque automatiquement fin de la période de suspension des recours.

Au bureau, nous faisons beaucoup d'examens d'endettement agricole. L'année dernière, nous avons eu au minimum une quinzaine de dossiers. En pratique, la période de suspension des recours est l'incitatif majeur pour asseoir les créanciers puisque souvent, lorsqu'il n'y a aucune pression, ils n'ont pas l'intention de négocier, surtout les créanciers garantis. Pourquoi négocier une réduction de la dette, un rééchelonnement de la dette, une réduction en capital ou en intérêt alors qu'ils sont pleinement garantis?

La période de suspension des recours permet à l'agriculteur, dans certains cas, de regarder d'abord attentivement sa situation, de faire de la planification à court, moyen et long termes, d'envisager des changements de récoltes, des changements de structure organisationnelle, etc. S'il n'y a pas de période de suspension, on n'y arrive pas. C'est impossible. Donc, si une majorité de créanciers peut mettre fin à la période de suspension simplement en n'y participant pas, ce sera peine perdue. On va pouvoir contourner l'effet de la loi.

Donc, on suggère qu'au sous-alinéa 11(2)a)(i), on supprime «ou la majorité des créanciers visés au sous-alinéa 10(1)b)(ii)». Il faut quand même que l'agriculteur, puisque c'est lui qui bénéficie de la protection, participe à la médiation. Il ne peut profiter d'une période de suspension sans évidemment participer au processus.

Le même commentaire s'applique à l'alinéa 14(2)a).

J'aurais un commentaire rapide sur le paragraphe 15(5), qui traite du comité d'appel. C'est peut-être plus un commentaire pour que la version française corresponde à la version anglaise. Il faudrait remplacer «Les décisions du comité d'appel sont définitives» par l'expression «Les décisions du comité d'appel sont finales et sans appel», ce qui correspondrait tout à fait à la formulation anglaise.

Je reviens un peu en arrière. À l'alinéa 12b), qui traite de la suspension des procédures et de la portée de la suspension des procédures, on nous dit:

12. Par dérogation à toute règle de droit, les créanciers de l'agriculteur ne peuvent, pendant la période de suspension des procédures:

b) ni intenter ni continuer une action ou autre procédure, judiciaire ou extrajudiciaire, pour le recouvrement d'une dette, la réalisation d'une sûreté ou la prise de possession d'un bien de l'agriculteur.

.0930

L'expression «d'un bien de l'agriculteur» soulève quelques questions. La première version de la loi nous parlait d'un bien appartenant à l'agriculteur. Par exemple, les gens qui consentaient des crédits-baux disaient: «Je suis encore propriétaire de l'équipement, donc je peux revendiquer.» La loi corrective de 1991 a changé cela par «un bien détenu par l'agriculteur». Donc, ce n'était plus l'appartenance juridique du bien qui était retenue, mais l'appartenance physique, la possession physique. Alors, les crédits-bailleurs, les leasers étaient suspendus et ne pouvaient pas venir chercher leur équipement pendant la période.

Maintenant, on revient à un texte qui dit «d'un bien de l'agriculteur». Et là c'est encore moins clair que dans les deux autres versions qui existaient avant. On ne sait plus du tout si c'est l'appartenance juridique ou la possession physique qui est visée. Il faudrait que l'on prenne position d'un côté ou de l'autre. Il est certain que l'expression «d'un bien détenu par l'agriculteur», donc la possession physique du bien, devrait être retenue puisque le but de la loi est notamment de permettre à l'agriculteur de continuer les opérations alors qu'il est en situation difficile, et également d'obtenir un arrangement.

Si un crédit-bailleur, leaser, peut venir chercher des équipements pendant la période de suspension des recours, et ce sera souvent un tracteur ou une batteuse, si on empêche ainsi l'agriculteur de faire sa récolte, on va simplement accélérer sa chute et la faillite de l'entreprise agricole.

L'article 21 concerne le préavis des créanciers garantis. La disposition correspondante de l'article 22 de l'ancienne loi est la disposition qui est dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole qui a fait l'objet de plusieurs décisions par les tribunaux. Il y en a eu au moins 20 ou 25 sur la question de l'interprétation de la portée du préavis. C'est la question des préavis prévue en vertu d'autres lois fédérales ou provinciales qui a posé le plus de problèmes.

Par exemple, les problèmes qui se posaient en vertu du Saskatchewan Farm Security Act étaient que les créanciers devaient donner un préavis pour l'exercice d'un certain recours. En vertu du paragraphe 244(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, les créanciers garantis doivent donner un préavis d'exercice des recours. En vertu de l'article 2757 du Code civil du Québec, les créanciers garantis doivent donner un préavis.

Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on envoie ces préavis l'un après l'autre? Est-ce qu'on les envoie en même temps? Est-ce que les délais s'écoulent en même temps ou concurremment? Ce sont des questions qui ont été soulevées très souvent. La nouvelle version, qui ajoute les mots «procédure, judiciaire ou extrajudiciaire,» permet peut-être de clarifier partiellement la situation.

Il y aurait cependant moyen de faire mieux et peut-être d'être plus clair. Vous avez notamment à l'article 12 du projet, le début d'un paragraphe qui dit:

12. Par dérogation à toute autre règle de droit...

À l'article 21, on ne le dit pas. Qu'est-ce que ça signifie? Est-ce que ça signifie que l'article 21 doit être interprété en essayant de le concilier avec d'autres règles de droit? C'est possible.

La première chose à faire, à l'article 21, c'est de commencer aussi par:

21. Par dérogation à toute autre règle de droit...

C'est la première chose qu'il faut faire.

.0935

Évidemment, l'idéal, et j'en parle à la page 4 de mon document, serait d'ajouter:

21. Par dérogation à toute autre règle de droit, tout créancier garanti d'un agriculteur doit, avant de lui donner tout préavis requis en vertu de toute autre loi fédérale ou provinciale...

Ainsi, la question serait claire. Mais est-ce que c'est ce que vous voulez? Je ne le sais pas. Est-ce que vous voulez que l'agriculteur puisse bénéficier d'un préavis de 60 jours en vertu du Code civil, puis de 15 jours en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, puis de 10 jours en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité? Ça peut paraître excessif. Disons que si je représentais une banque, j'insisterais probablement beaucoup plus sur cette question. Comme je représente généralement les producteurs agricoles, le fait d'avoir des délais plus longs ne m'apparaît pas dénué de bon sens. Mais il faut peut-être tempérer ici.

L'autre question que je soulève sur l'article 21, c'est que l'ancienne loi prévoyait la nécessité d'envoyer le préavis sur une formule qui était annexée à la loi. Le créancier devait indiquer quelle était la garantie qu'il voulait exercer et sur quels biens. Je ne tiens pas particulièrement à cette formule, et je pense que, de toute façon, les tribunaux ont reconnu qu'il suffisait que les créanciers utilisent une mise en demeure qui indique que l'agriculteur peut se prévaloir de la protection de la loi.

Ce qui me semble important, c'est de parler de la garantie que le créancier entend exercer pour donner encore plus de sérieux à ce préavis et pour que l'agriculteur qui reçoit le préavis soit très sérieusement alerté sur ce qui va se produire par la suite s'il ne se prévaut pas des dispositions de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Il serait donc intéressant d'ajouter qu'il doit indiquer, et j'en parle à la fin de ma présentation, les mots suivants: «lui donner un préavis en y indiquant la sûreté qu'il entend mettre à exécution et qu'un agriculteur admissible peut présenter une demande en vertu de l'article 5 de la présente loi».

La troisième question soulevée par l'article 21, c'est le délai. Le délai de 15 jours nous paraît raisonnable, d'autant plus qu'il s'agit de 15 jours ouvrables. Ce n'est pas indiqué dans le projet de loi, alors que c'était spécifié dans l'ancienne loi. On y disait qu'un jour était un jour ouvrable. Maintenant, on ne sait plus si c'est le cas. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on s'interroge sur le moment où on commence à comptabiliser ces 15 jours. Est-ce qu'on commence à comptabiliser les 15 jours à compter de l'envoi du préavis ou à compter de la réception du préavis? Ce n'est pas indiqué. Je pense donc qu'il serait utile, pour éviter des litiges, de le spécifier.

Je suggère donc que le paragraphe 21(2) se lise comme suit:

(2) Le préavis doit être donné à l'agriculteur, conformément aux règlements, au moins quinze jours ouvrables à compter de sa réception par l'agriculteur avant la prise par le créancier garanti de toute mesure visée au paragraphe (1).

Je tiens aussi à soulever la question de la confidentialité. L'article 24 de votre projet de loi en parle quand même assez abondamment, mais il y a une question qui nous semble mise de côté dans la version actuelle et qui n'était pas non plus dans l'ancienne version. C'est que le dépôt d'une demande de suspension des recours équivaut à un aveu d'insolvabilité puisqu'en vertu de la loi, pour s'en prévaloir, il faut être insolvable. Qui dit insolvabilité dit faillite, puisqu'en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, dès que le débiteur dépose un acte de faillite et avoue son insolvabilité, il peut être mis en faillite facilement par tout créancier qui détient une créance de 1 000 $ minimum. Il n'est pas difficile de trouver un créancier qui a une dette de 1 000 $ minimum.

Évidemment, l'aveu a des conséquences potentielles extrêmement graves. C'est encore plus vrai si la demande est déposée en vertu de l'alinéa 5(1)b) puisqu'il n'y a pas suspension des procédures.

.0940

Prenons l'hypothèse où l'agriculteur dépose une demande en vertu de l'alinéa 5(1)b); il n'y a pas de suspension des procédures. Tous les créanciers garantis sont avisés que leur débiteur a avoué être insolvable, mais cela va prendre trois, quatre, cinq heures tout au plus avant qu'un avocat le moindrement débrouillard dépose une pétition de faillite ou une requête en vue d'une ordonnance de mise sous séquestre, si évidemment l'agriculteur est une personne qui ne peut pas se prévaloir de l'article 48 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Celui-ci prévoit qu'une personne physique qui s'occupe exclusivement de l'agriculture ne peut pas être mise en faillite.

Mais prenons l'hypothèse d'une compagnie, ABC Farming Inc. Celle-ci pourra être mise en faillite rapidement, et il sera peut-être un peu trop tard pour déposer une demande de suspension des procédures à ce moment-là, puisque de grands dommages auront déjà été causés.

La politique au bureau est d'expliquer cette chose à nos clients. Nous les mettons en garde avant qu'ils déposent une demande en vertu de l'article 20. Nous leur suggérons de commencer d'abord par l'article 16, qui est une demande tout à fait discrète et secrète. On examinera votre situation financière, votre actif, vos passifs, votre possibilité de rentabilité, et vous n'avouez pas votre insolvabilité, puisque l'article 16 était dans la section de l'agriculteur en difficultés financières et non dans celle de l'agriculteur insolvable.

De nombreux agriculteurs hésitent actuellement à se prévaloir des dispositions de la loi en raison de ce problème-là. Je suggère donc d'insérer un paragraphe qui se lirait comme suit:

24(4) La demande déposée en vertu de l'article 5,...

qui est la demande de suspension des recours ou de médiation,

Ça va très loin, 24(4). C'est peut-être audacieux.

On pourrait peut-être remplacer l'expression «agriculteur insolvable» par «agriculteur en sérieuses difficultés financières», puisque cela n'a pas la même connotation qu'«insolvabilité». L'insolvabilité fait un lien direct avec la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Dans votre projet de loi, vous avez donné certains pouvoirs discrétionnaires à l'administrateur, qui pourrait devoir juger ou décider si un agriculteur est effectivement en sérieuses difficultés financières. Cela ne comporterait aucun avis d'insolvabilité; la décision serait purement administrative et les renseignements seraient protégés en vertu de ce que vous avez déjà prévu. Le paragraphe 24(4) que je suggère serait peut-être inutile si on utilisait simplement une autre terminologie.

Au niveau des sanctions et des recours, ce sont les articles 22, 27 et suivants du projet de loi. C'est probablement la plus belle innovation de ce projet de loi. L'ancienne version ne comportait aucun recours, aucune sanction en cas de non-respect des dispositions de la loi par les créanciers. On avait essayé d'introduire un recours possible en vertu du Code criminel, d'y aller par l'injonction, par des dommages et intérêts, etc., mais souvent le mal est fait et c'est difficile d'y remédier.

Devant l'absence de sanctions ou de recours contre un créancier, les tribunaux étaient portés à évaluer l'importance du préjudice subi par l'agriculteur: celui-ci n'a pas eu de préavis, mais il n'a pas subi tellement de préjudices; donc, le créancier n'est pas tenu d'envoyer le préavis.

.0945

Beaucoup d'avocats canadiens - probablement 90 p. 100 - , surtout des régions urbaines, ne connaissent pas l'existence de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole. Ils oubliaient souvent de signaler dès le début des procédures que celles-ci n'étaient pas précédées d'un préavis.

Lorsque c'était soulevé un peu tardivement, après une défense, par exemple, la cour disait: «Puisque vous avez fait une défense, vous avez renoncé à votre droit en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole.» C'est très grave. Ce que vous insérez va vraiment faire du bien et va permettre de remédier à cette situation.

Maintenant, j'irais peut-être un peu plus loin. D'abord, à des fins de cohérence, je regrouperais les articles 22 et 27 à la fin de la loi. Ce serait donc les articles 27 et 28. Les deux articles se suivraient. Deuxièmement, on dit au paragraphe 22(1) :

J'ajouterais «de nullité absolue, et cette nullité pourrait être soulevée en tout état de cause». C'est la version que je suggère, puisqu'on ne se demanderait plus s'il y a eu préjudice ou pas. Si vous voulez que votre loi soit appliquée sévèrement, il faut absolument prévoir que tout acte posé en contravention avec la loi sera nul. Si une action est entreprise avant le préavis, on ne pourra pas débattre le préjudice; l'action sera nulle, le créancier devra envoyer son préavis et, plus tard, intenter une nouvelle poursuite. C'est la même chose s'il fait une saisie. On n'aura pas à évaluer le préjudice. On va carrément annuler la saisie, et le créancier devra se plier aux exigences de la loi.

L'article 27 prévoit aussi une forme de sanction de nature pénale, une contravention à la loi passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 50 000 $ et d'un emprisonnement maximal de six mois.

D'après nous, ce recours sera difficile à exercer puisqu'il faudra probablement démontrer qu'on avait l'intention de contourner les dispositions de la loi. Ensuite, les tribunaux vont appliquer cette disposition avec une certaine réserve. Il serait très surprenant qu'on emprisonne le directeur du crédit de la Banque Royale ou un avocat pour avoir omis d'envoyer le préavis. Il y aura une sévère réprimande. On va leur taper sur les doigts, leur dire qu'ils n'avaient pas le droit de faire cela. On va annuler l'acte, mais c'est tout.

Ce qui fait mal, en ce bas monde, ce sont les sanctions pécuniaires: une amende, des dommages exemplaires, des dommages punitifs. Il me semble normal que ce soit la personne qui a subi un préjudice ou les actions du créancier qui reçoive l'indemnité. Une amende maximale de 50 000 $, c'est bien, mais ça ne corrige rien, puisque l'agriculteur ne reçoit pas les 50 000 $. Si au moins il recevait le montant de l'amende de 50 $, 100 $ ou 200 $, ce serait quand même mieux. Mais non, c'est la Couronne qui va recevoir l'amende.

.0950

Alors, on suggère d'ajouter un article qui se lirait comme suit:

Et j'ajoute un autre paragraphe qui pourrait se lire comme suit:

Ces dispositions me semblent avoir beaucoup plus de chances d'être appliquées dans la vraie vie. Les tribunaux, devant l'idée de dommages exemplaires, pourront être plus conscients de la portée grave du non-respect des dispositions de la loi. Il est peut-être possible de maintenir la contravention pénale, mais je suggère d'ajouter la possibilité d'obtenir des dommages exemplaires, d'avoir recours à l'injonction ou à une action en dommages et intérêts.

Si vous me le permettez, je vais terminer ma présentation sur une note beaucoup plus générale. Je vais peut-être un peu m'éloigner du projet de loi, mais je vais rester dans le domaine de l'insolvabilité.

Il y a une chose fondamentale ou sacrée quand on parle du droit. C'est qu'il doit être clair et cohérent de manière à assurer que la maxime souvent citée: «Nul n'est censé ignorer la loi» garde son sens. L'État a évidemment la responsabilité de s'assurer que les sources du droit, c'est-à-dire les lois, les règlements, les décrets, les politiques, les décisions, etc., aient une cohérence quasi parfaite, et ce n'est pas toujours le cas au Canada.

C'est vrai surtout en matière d'agriculture. Par exemple, en matière de financement, d'endettement, d'insolvabilité et de faillite agricole, quatre sujets qui forment un tout, on utilise des mots différents pour désigner une même chose. On a des définitions multiples d'«agriculteur» et d'«agriculture» qui ne sont jamais pareilles.

Dans la Loi sur le crédit agricole, on définit le farmer d'une façon X, on le définit d'une façon Y dans le projet de loi ici, on le définit d'une façon Z dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et d'une autre façon encore dans la Loi sur les banques, où on parle de financement à l'article 427. Il faudrait être plus cohérent à ce niveau-là.

Il faudrait aussi que tout ce qui touche l'endettement et l'insolvabilité se retrouve un peu dans le même cadre. Il faut se reporter à la Loi sur l'examen de l'endettement agricole pour la protection minimale, qui est la suspension des recours, et à l'article 48 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour éviter la faillite. Il faut se reporter aux lois provinciales pour savoir ce qui est saisissable ou insaisissable. Il y a aussi un problème constitutionnel que je ne veux pas soulever, mais il faut se référer à la Loi sur les banques pour savoir, par exemple, comment vendre les biens de l'agriculteur qui est en état de cessation des paiements, etc. Donc, ce n'est pas tellement cohérent.

.0955

Évidemment, il ne faut pas simplifier pour simplifier. La semaine dernière, j'étais en Tunisie où j'assistais au Congrès mondial de droit agraire. Un de mes collègues utilisait l'expression «unité dans la particularité» en parlant du droit agricole, car il est important que le droit agricole fasse un tout, même s'il faut lui reconnaître ses particularités.

Il est un peu paradoxal d'avoir, en droit de l'agriculture au Canada, autant de sources d'obligations juridiques. Nous avions recensé l'an passé 80 lois fédérales et provinciales qui s'appliquaient aux entreprises agricoles québécoises et 500 règlements. Évidemment, cela pose un problème. Il y a un problème plus grave: des lois d'intérêt général ne reconnaissent pas les particularités de l'agriculture. Il faut donc s'y attaquer.

Je termine ici ma présentation.

[Traduction]

Le président: Le timbre nous appelle à la Chambre.

Merci beaucoup, monsieur Pomerleau.

Plusieurs de nos membres doivent apparemment nous quitter sous peu. Comme M. Chrétien doit partir dans cinq minutes, nous passerons rapidement à lui. Je crois que M. Hermanson doit partir au plus tard à 10 h 10, nous commencerons donc par M. Chrétien, suivi de M. Hermanson et de M. Easter.

Comme vous avez fixé vos propres limites de temps, j'imagine que vous allez les respecter.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Maître Pomerleau, je vous rappellerai qu'au Canada, plus de 60 p. 100 des agriculteurs doivent aller chercher à l'extérieur une source de revenus. Sans cette source de revenus, la majorité de ces agriculteurs ne pourraient même pas conserver leur ferme. Est-ce que cela peut changer votre définition d'un agriculteur?

Me Pomerleau: La définition dont je parle dans mon texte dépend évidemment de ce que vous voulez faire. J'adopte une position de juriste, quelque chose de clair. Il est certain qu'une grande partie des producteurs agricoles doivent aller chercher ailleurs une partie de leurs revenus.

Si l'intention du législateur dans ce projet de loi est d'écarter par exemple le gentleman farmer, il faudrait penser à une autre définition. Je ne sais pas vraiment ce que vous voulez faire avec cette définition, si vous voulez restreindre ou étendre l'accessibilité de la loi. Si vous voulez l'étendre, votre définition est tout à fait correcte car elle couvre au moins 95 p. 100 des producteurs agricoles.

M. Chrétien: Maître Pomerleau, vous avez parlé tout à l'heure d'un détail technique de la loi. Après seulement deux heures, les créanciers avaient réussi à faire charger dans des camions-remorques, je présume, des tracteurs, des batteuses, enfin des instruments de la ferme; une fois ces valeurs chargées, on ne pouvait lever la saisie, si j'ai bien compris. Je suis resté très étonné et j'espère que dans la nouvelle loi, on pourra corriger cela.

Me Pomerleau: Je pense qu'il faut consacrer le caractère automatique de la protection.

M. Chrétien: Donc, il faudrait, selon vous, que soit inscrit le mot «automatique».

Me Pomerleau: Oui, oui. Ce serait beaucoup plus clair.

M. Chrétien: Dans le projet de loi actuel, on parle très souvent de créanciers, à l'occasion de créanciers garantis. Lorsqu'on écrit dans le projet de loi «les créanciers», est-ce que ça comprend tous les créanciers, garantis ou pas?

Me Pomerleau: Oui.

M. Chrétien: Est-ce qu'il ne serait pas préférable qu'on inscrive constamment «les créanciers garantis»?

.1000

Me Pomerleau: Cela me semblerait redondant. Pour ma part, je n'ai jamais vu soulever cette question-là depuis 1986, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la loi, l'ancienne loi étant déjà libellée avec «créanciers» seulement, mais je pense qu'on pourrait clarifier cela en ajoutant une définition qui dirait que le mot «créanciers» comprend les créanciers ordinaires et les créanciers garantis.

M. Chrétien: Très bien. Il y a une semaine, un témoin insistait grandement sur l'aspect humain, sur les moments extrêmement difficiles que vit un agriculteur dans le cas d'une faillite de sa ferme ou autre. Étant donné que vous vous occupez de ces questions, est-ce que vous avez vu des situations où cela a entraîné un divorce ou, à l'extrême limite, un suicide dans la famille? Est-ce qu'on pourrait ajouter, dans cette loi, un paragraphe à un article pour apporter des correctifs mentionnant des relations d'aide de la part de personnes compétentes pour conseiller, pour apporter une aide quelconque?

Me Pomerleau: Il est certain que toute situation d'insolvabilité, que ce soit d'un agriculteur ou d'un commerçant, d'une personne physique, d'un consommateur, entraîne des conséquences très importantes sur l'environnement social de la personne qui est en difficulté.

Je dois dire que les producteurs, les agriculteurs sont des personnes étonnamment fortes. Il ne nous est pas arrivé très souvent, au bureau, de voir des situations où les personnes étaient affectées d'une façon si grave que c'était irrémédiable. Mais je songe quand même à quelques clients qui ne se sont jamais remis de leurs déboires en dix ans.

M. Chrétien: Un dernier point, monsieur le président, concerne la question de gardiennage. Est-ce que vous avez, au cours de votre travail professionnel, connu des problèmes lorsqu'il a été question de nommer un gardien à la ferme?

Me Pomerleau: En fait, généralement, 99 p. 100 du temps, cela a été l'agriculteur. Cela a donc posé très peu de problèmes. Je peux cependant vous citer un cas à problèmes que j'ai actuellement: le bureau a donné comme directive à la personne de conserver son actif, ce qui suppose qu'elle doit faire sa récolte alors qu'elle n'a pas les moyens financiers de la faire.

Comme ce genre de cas est assez exceptionnel puisqu'en général, il y a très peu de problèmes, je me demande si cela entraînerait la levée de la suspension des procédures.

M. Chrétien: Monsieur Pomerleau, je vous remercie d'être venu.

Me Pomerleau: Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Hermanson.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci, monsieur le président, et bonjour. Soit dit en passant, votre cravate me plaît. J'ai pensé qu'il fallait que je le mentionne.

Il y a quelques questions que j'aimerais aborder. L'une d'entre elles concerne la levée de la suspension des procédures. À la lecture de l'amendement que vous proposez, il semble que vous disiez que l'agriculteur peut refuser de participer. Il s'ensuivrait bien entendu que les poursuites contre lui seraient maintenues, mais que le créancier ne serait pas autorisé à ne pas participer de bonne foi.

Des témoins qui ont comparu devant notre comité ont laissé entendre - et j'ai soulevé la question - que cela n'a pas d'importance. Les créanciers se montrent généralement prêts à coopérer pour ne pas ternir leur réputation dans le milieu agricole puisqu'ils doivent transiger régulièrement avec les membres de cette collectivité, qu'il s'agisse du fournisseur de carburant ou de la banque locale.

Cet argument est-il valable ou vous en tenez-vous encore au vôtre? Vous avez de l'expérience et avez eu à traiter de nombreux cas de ce genre. Le fait que la majorité des créanciers puissent refuser de coopérer pour pouvoir récupérer leur garantie constitue à vos yeux un véritable problème.

M. Pomerleau: Chaque cas est différent, mais il arrive parfois que les créanciers garantis viennent de la ville et ne comprennent pas l'objet d'un projet de loi. Ils sont habitués à tout faire rapidement. Parfois, ils ne comptent pas beaucoup d'agriculteurs au nombre de leurs clients, et ils ne sont pas prêts à participer à une telle discussion sur la médiation.

.1005

Donc, oui, dans la majorité des cas, mais pas toujours, les créanciers garantis sont bien connus du milieu. C'est pourquoi je m'en tiens à ma proposition.

M. Hermanson: D'accord. Mon autre question concerne la confidentialité. Dans vos amendements, vous faites valoir de très bons arguments à cet égard.

Un témoin précédent nous a dit être d'avis que les créanciers, qu'ils se présentent ou non aux audiences de médiation, ne devraient pas tous avoir accès au rapport financier. Actuellement, aux termes de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, seuls les créanciers qui se présentent... Serait-ce un deuxième point qui vous inquiète, tout comme la question que vous avez soulevée ce matin?

M. Pomerleau: Tout dépend. Quand les rapports financiers sont vraiment peu reluisants, c'est une bonne chose que les créanciers y aient accès. Autrement, s'il existe encore une possibilité que les créanciers puissent récupérer leur argent, ce n'est pas toujours une bonne chose de leur remettre l'état financier. Je préconiserais de leur remettre simplement un court résumé.

M. Hermanson: En réalité, à quoi sert votre amendement, l'ajout d'un paragraphe 24(4)? Une fois que les créanciers sauront qu'une demande a été présentée, même s'ils ne s'en servent pas comme prétexte pour saisir les biens, les banques demanderont que les prêts soient remboursés. Elles le feront en se fondant sur l'accord signé par l'agriculteur avec la banque; certains des prêts qui peuvent être appelés... vous savez, ils peuvent être minimes. Donc, quelle différence cela va-t-il faire? En quoi cela protégera-t-il l'agriculteur? Une fois que l'institution de crédit en entend parler, elle n'a pas besoin de se servir de la demande comme preuve contre l'agriculteur.

M. Pomerleau: Eh bien, c'est la meilleure preuve qu'elles puissent obtenir de l'insolvabilité de l'agriculteur. Vous avez raison de dire que les banques peuvent demander le remboursement de leur prêt très rapidement, mais c'est plus dur d'envoyer quelqu'un devant le tribunal de la faillite. Vous devez prouver que la personne contre laquelle vous présentez une requête en faillite est vraiment insolvable. Ce n'est pas facile, et les juges sont très clairs là-dessus. Vous devez en établir la preuve au-delà d'un doute raisonnable. Si les institutions peuvent montrer au tribunal que l'agriculteur reconnaît qu'il est insolvable, ça y est, il tombe en faillite.

M. Hermanson: Merci. Je dois me presser.

Le président: Merci, monsieur Hermanson.

Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour un travail bien documenté, et ensuite pour votre cravate. Trouver dans cette ville quelque chose qui plaît à l'honorable député d'en face est vraiment un tour de force.

Le président: Nous n'aimons pas la vôtre, cependant.

M. Easter: Au sujet des paragraphes 11(2) et 14(2), vous avez parlé de pressions exercées... qu'il serait possible de contourner le processus de médiation en utilisant ces paragraphes, et vous avez proposé d'en supprimer une partie du libellé.

À votre avis, comment cela se compare-t-il avec la loi actuelle? Aux termes de celle-ci, les créanciers ne peuvent se dérober. J'ai constaté, mais je ne peux mettre de l'ordre dans mon esprit, qu'il existe beaucoup de différence entre la nouvelle loi et l'ancienne.

Me Pomerleau: Il existait dans l'ancienne loi deux articles, l'article 16 et l'article 20. L'article 16 avait un but préventif; l'article 20 était plus draconien. Nous avons maintenant supprimé l'aspect préventif de la loi, mais nous n'y avons rien mis qui ressemble à l'ancien article 20.

.1010

Je vais continuer en français si cela ne vous dérange pas.

M. Easter: Faites. Nous avons l'interprétation.

[Français]

Me Pomerleau: L'alinéa 5(1)a) actuel prévoit la suspension des recours, l'examen de la situation financière et la médiation entre l'agriculteur et tous ses créanciers. L'alinéa 5(1)b) prévoit seulement l'examen de la situation financière et la médiation avec les créanciers garantis, que l'on peut étendre aux créanciers non garantis si on obtient l'assentiment de l'administrateur.

L'alinéa 5(1)b), comme je le disais plus tôt, a peu d'intérêt puisque c'est une rencontre avec quelques créanciers garantis alors qu'il n'y a aucune pression sur ces créanciers garantis. Je préférerais que l'article 5 soit unique et ne vise que la suspension des recours, quitte à ajouter un paragraphe qui ne parlerait que de l'examen de la situation financière. Donc, je ferais revenir l'aspect préventif dans votre loi parce que cela m'apparaît plus prometteur au niveau des discussions qui seraient encore possibles.

On pourrait donner à l'agriculteur qui aura obtenu l'examen de sa situation financière l'option d'aller plus loin et de demander l'aide d'un médiateur pour arriver à un arrangement avec ses créanciers garantis. Il faudrait qu'il ait l'option de le faire et que ses créanciers garantis n'obtiennent pas automatiquement un avis dès qu'ils déposent une demande d'examen de sa situation financière. Il ne s'agit pas de cacher quoi que ce soit aux créanciers garantis, mais simplement d'essayer de maintenir temporairement un climat créancier-débiteur plus serein.

De toute façon, quand on est rendu à ce point, il y a généralement des arrérages, mais ils ne sont pas toujours très importants et le banquier n'est pas toujours alerté. Mais il est certain que le banquier perdra confiance si l'agriculteur admet qu'il est insolvable et dépose une demande en vertu de la loi. Je ne sais pas si j'ai répondu clairement à votre question.

[Traduction]

M. Easter: Je m'intéressais davantage au côté discrétionnaire de la levée de la suspension des procédures, mais le sujet que vous abordez m'amène à ma deuxième question. Nous pourrons peut-être revenir à la levée de la suspension.

L'une des choses qui inquiètent certains d'entre nous aux termes de ce projet de loi, c'est la perte de l'article 16 de l'ancienne loi et le passage au Service de consultation agricole. Ce sera formidable si ce service fait ce qu'il est censé faire, mais étant donné qu'il ne dispose d'aucun pouvoir législatif comme tel... Il en existe un aux termes de la Loi sur la médiation concernant l'insolvabilité, mais dans les cas où les agriculteurs se retrouvent aux prises avec des difficultés financières, il n'existe aucun pouvoir législatif pour régir la suspension des recours, etc. Vous avez dit plus tôt au cours de votre présentation que c'est vraiment la suspension des recours qui incite les créanciers à négocier; autrement, pourquoi le feraient-ils?

Étant donné que vous travaillez dans ce domaine, quel impact aura le fait pour le Service de consultation agricole de ne pas disposer d'un pouvoir législatif? Sera-t-il possible d'en arriver à des règlements qui ne permettront aux agriculteurs que de survivre pour une courte période après la tenue des consultations avant de tomber sous le coup des dispositions d'insolvabilité? Voilà ce qui m'inquiète.

Si je regarde les cas dont je me suis occupé - et ils sont nombreux - je crois qu'il faut dès le départ obtenir le meilleur règlement possible. Autrement, si le règlement n'est que satisfaisant à 70 p. 100, deux ans plus tard vous vous retrouvez à la case départ et le problème est encore plus grand. Voilà ma préoccupation.

.1015

[Français]

Me Pomerleau: Je suis d'accord avec vous. Il est certain que le recours à la loi doit régler le problème. On ne doit pas reporter le problème d'un an, deux ans ou trois ans. Il arrive assez fréquemment, lorsqu'il n'y a pas assez de suivi, qu'on passe à côté et que le plan proposé ne règle rien.

Je souligne d'ailleurs, et c'est triste, qu'un certain nombre de consultants, à mon avis, ne font pas leur travail. Je parle de consultants extérieurs engagés par le Bureau d'examen de l'endettement agricole, qui sont très pressés de faire l'examen de la situation financière pour aller chercher leurs 2 500 $ ou 3 000 $. Ils n'apportent rien de neuf. Ils suggèrent toujours les mêmes types de solutions et les adaptent rarement à chaque situation, et finalement s'attardent peu sur la situation particulière de chaque agriculteur.

Je crois cependant qu'il faut maintenir une forme d'examen préventif de la situation financière sans avis aux créanciers. Pourquoi sans avis? Parce que les avocats et ceux qui sont chargés de redresser les affaires d'une entreprise agricole profitent généralement de cette période pour favoriser une réorganisation financière, une réorganisation de la structure organisationnelle de l'entreprise. Il est certain que, quand on a une petite entreprise qui génère peu de revenus et qui est engagée dans une seule production, ce n'est évidemment pas la même chose. Mais lorsqu'on a une entreprise qui fait, par exemple, de la production porcine ou la culture des graines, dont certains secteurs d'activités sont rentables et d'autres sont déficitaires, et lorsqu'on a un portrait d'ensemble de la situation qui est faite avec l'aide du Bureau d'examen de l'endettement agricole, cela nous permet, sans que les créanciers soient stressés, de favoriser la vente de certains équipements ou de certaines terres, ou d'abandonner une activité pour une autre plus rentable à court, moyen ou long terme. C'est pour cette raison que je crois qu'il est impératif que vous mainteniez une disposition comme celle de l'article 16.

[Traduction]

M. Easter: Concernant les paragraphes 11(2) et 14(2), je crois que vous laissez entendre que l'administrateur, constatant que rien ne bouge du côté des créanciers, pourrait prématurément permettre la levée de la suspension des procédures. Est-ce ce que vous voulez dire?

[Français]

Me Pomerleau: Non, je préférerais, s'il n'y a rien qui bouge, que l'on respecte la période de suspension des procédures pour son terme, c'est-à-dire 30 jours, par hypothèse. Il faut au moins que la première période de 30 jours soit respectée et que, comme l'ancienne loi le disait - et ce n'est pas clair dans la nouvelle loi - , si l'administrateur constate qu'il n'y a pas de volonté de régler les choses, l'on ne renouvelle pas la période de suspension pour une autre période 30 jours, puis une autre et une autre encore. Ne pas renouveler et y mettre un terme, ce sont deux choses complètement différentes. Je suis plutôt en faveur de ne pas renouveler, mais il ne faut pas mettre un terme prématurément. Cependant, si les créanciers sont de mauvaise foi - et la mauvaise foi est difficile à apprécier - et décident de ne pas participer, il faut, du jour au lendemain, y mettre un terme.

.1020

Les créanciers peuvent signifier cette intention d'une façon extrêmement expéditive. Si un fermier dépose une demande en vertu de 5(1)a) et qu'il a une dizaine de créanciers qui ont une certaine agressivité vis-à-vis du producteur - ça arrive de temps à autre, parce que le producteur essaie de tirer un peu plus de son côté - , ces créanciers peuvent convoquer une réunion pour que, finalement, six sur dix d'entre eux signent une lettre disant qu'ils ne participeront pas à la médiation. Ils envoient cette lettre au Bureau et l'administrateur, en vertu de la loi actuelle, n'a pratiquement pas d'autre choix que de prononcer la levée de la suspension.

[Traduction]

M. Easter: Maintenant, je comprends où vous voulez en venir, monsieur le président. Merci.

Le président: Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Monsieur Pomerleau, merci beaucoup d'être venu ce matin. Jusqu'à présent, je trouve votre exposé très éclairant.

Dès qu'un agriculteur reconnaît qu'il est aux prises avec un problème financier - en particulier dans les types de marchés que nous avons de nos jours - si les banques pensent que l'agriculteur est dans le pétrin, elles peuvent regarder le marché. Si ce dernier se prête à un transfert des éléments d'actif, elles peuvent tenter de procéder le plus rapidement possible pour ne pas rester coincées avec quelque chose qu'elles ne peuvent transférer. C'est un fait.

D'après votre exposé, je constate que vous dites essentiellement - et c'est vrai - que l'examen de la situation financière relèvera de l'alinéa 5(1)b) et le rapport des résultats du paragraphe 9(4). Le problème que cela me pose concerne l'alinéa 16(1)b), qui permet essentiellement à la banque de nommer son propre gardien, parce que l'alinéa b), de la façon dont il est libellé, avec l'ajout à la fin de l'alinéa a), remplace les alinéas a) et c). L'alinéa 14(2)d) va annuler la suspension des recours si les agriculteurs tentent de les invoquer.

Le président: Permettez-moi de vous interrompre un instant. Je crois qu'un amendement qui répondra à certaines des préoccupations que soulève l'article 16, sera présenté plus tard, monsieur Calder.

M. Calder: Très bien, alors. Essentiellement c'est ce que je voulais vous signaler, parce que je crois que tout ce processus est fait de confiance et d'équité. C'est 80 p. 100 du problème, et je crois qu'avec l'alinéa 16(1)b), l'agriculteur devrait avoir la possibilité de s'opposer à un gardien nommé par les banques.

Le président: Ce point sera éclairci, monsieur Calder.

Nul besoin donc d'en discuter, puisqu'il y a un amendement. Plusieurs témoins et plusieurs députés ayant soulevé par le passé cette préoccupation, on y répondra dans un amendement qui sera déposé ultérieurement.

Avez-vous d'autres commentaires, monsieur Calder.

M. Calder: Non, ça va.

Le président: Monsieur Pomerleau.

Me Pomerleau: Aux termes des lois provinciales, le code de procédure civile, c'est habituellement le débiteur qui est le gardien. Il vous faut une très bonne raison pour ne pas lui confier ce rôle. Je crois que ce serait la même chose ici. Il vous faudrait avoir une très bonne raison pour nommer quelqu'un d'autre.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président.

Bienvenue. Je crois que j'aimerais que vous me représentiez si jamais j'ai des problèmes financiers.

Vous m'avez impressionné quand vous avez fait valoir qu'aux termes de ce projet de loi, une fois qu'un agriculteur coopère, il admet plus ou moins qu'il est insolvable. N'est-ce pas à son détriment de coopérer? Ne serait-il pas plus sage pour lui de s'adresser à un tribunal de la faillite? Il est en si mauvaise posture qu'il ne peut qu'essayer de récupérer quelques éléments d'actif. Il ne va probablement pas être viable.

.1025

[Français]

Me Pomerleau: L'expérience à notre étude nous a montré qu'au Québec - et je vais juste parler de l'expérience du Québec - , il y a très peu d'agriculteurs qui ont passé à travers un processus similaire à celui-là et qui ont finalement fait faillite. Cela veut donc dire qu'on en sauve beaucoup, même si leur situation paraît particulièrement pénible ou critique.

Il est certain que, dans ce genre de loi, je préférerais un cadre un peu plus judiciaire. Les Français, entre autres, ont copié l'actuelle loi et en ont tiré beaucoup de choses. Ils ont adopté une loi sur le règlement à l'amiable des différends pour les producteurs agricoles qui a été calquée un peu sur notre Loi sur l'examen de l'endettement agricole, mais eux ont judiciarisé un peu plus l'intervention et l'application de plans de règlement. En France, le juge peut imposer un plan aux créanciers dans certains cas, par exemple lorsque la viabilité de l'entreprise est démontrée. Cela peut aller très loin et c'est un peu comme l'ancienne loi sur les arrangements entre les cultivateurs et leurs créanciers qui datait des années 1930 et qui a été abrogée.

Mains est-ce que c'est souhaitable? Est-ce qu'il est préférable pour l'agriculteur de passer par un processus plus judiciaire? C'est un peu ce que vous me dites. Est-ce que c'est une source de règlement plus sûre? Ce n'est pas certain.

Votre collègue qui est assis à votre droite a parlé tout à l'heure des liens qui régissent les créanciers et les débiteurs en agriculture, et il est vrai que c'est un monde particulier. Souvent, les créanciers vont préférer subir une perte importante plutôt que d'avoir la responsabilité de mettre un producteur agricole en faillite ou dans une situation financière extrêmement grave. Des règlements incroyables arrivent en agriculture, des règlements à l'amiable, dans le cadre de cette loi-là ou dans le cadre d'un concordat privé. J'ai vu, par exemple, 15 p. 100 de la dette payable sur 10 ans, et j'ai vu cela pour des créanciers ordinaires alors qu'il y avait une dette de plusieurs centaines de milliers de dollars.

On ne voit jamais ce genre de choses dans le domaine commercial, mais les liens étroits qui existent entre la communauté agricole et les créanciers font en sorte qu'il est souvent très gênant pour un créancier de refuser un accord. Je préfère donc utiliser la Loi sur l'examen de l'endettement agricole plutôt que d'aller directement faire une proposition concordataire ou faire carrément faillite, parce qu'il y a d'autres solutions.

[Traduction]

M. Hoeppner: Si je soulève ce point, monsieur, c'est que je me suis aperçu que c'est là que le problème commençait à se poser, lorsque la partie XI de la loi antérieure s'appliquait. Beaucoup de ces gens commençaient à se réorganiser ou à faire des compressions si bien qu'ils devenaient rentables. Par contre, s'ils attendaient d'arriver à ce point, il était très difficile pour un bon nombre d'entre eux d'opérer une restructuration et donc de devenir rentables. Habituellement, ils devaient prendre cette décision une année ou deux plus tard et de toutes façons, abandonner l'agriculture. Ces deux années causaient beaucoup de souffrances humaines.

J'ai déjà dit au cours de ces discussions qu'à mon avis, nous concentrons notre attention là où ce n'est pas utile. Nous ne devrions pas nous attarder sur la partie XI ou l'article 16, mais tout faire pour qu'ils ne deviennent pas insolvables.

Je m'aperçois en fait que ce sont les créanciers garantis qui s'en sortiront assez bien grâce à l'article 20, alors que plus de créanciers non garantis en feront les frais. C'est la raison pour laquelle je me demande s'il sera vraiment avantageux de faire participer les agriculteurs au processus prévu par cette nouvelle loi.

[Français]

Me Pomerleau: D'une façon générale, je crois que oui, parce que l'expérience nous montre qu'il y a quand même un certain nombre d'arrangements qui finissent par se conclure. Je ne dirais pas que tous ces arrangements-là ont été obtenus grâce à la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, parce que ce n'est pas vrai.

.1030

Il ne faut pas croire que c'est grâce à l'intervention du bureau qu'on règle tous les problèmes, mais disons que la période de suspension des recours permet de réfléchir. Le temps permet aussi de calmer les gens. C'est donc quelque chose qui est particulièrement utile.

Par contre, je pense que le fait d'aller directement en proposition concordataire en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité n'est pas une mauvaise façon d'arriver à un règlement puisque, dans certains cas, nous allons recommander au bureau de privilégier plutôt une approche du genre proposition concordataire lorsque le nombre de créanciers ordinaires est élevé. C'est-à-dire qu'avec un certain nombre de créanciers ordinaires que nous «contrôlons», nous allons pouvoir forcer un arrangement avec tous les autres créanciers. C'est une façon de faire, mais on a le choix. J'ai l'option de me prévaloir de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole ou d'aller dans une avenue beaucoup plus traditionnelle, qui est la proposition concordataire. Je préfère avoir cette option plutôt que de ne pas l'avoir.

Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut intervenir au niveau préventif. C'est ce qui est le plus important et c'est là qu'il se fait le moins de travail. Il faudrait donc mettre l'accent sur cela.

En Europe, on a mis sur pied des comités composés de producteurs et de représentants des groupements. La Fédération canadienne de l'agriculture, par exemple, pourrait siéger sur ce comité-là avec des gens d'Agriculture Canada, etc. On met donc sur pied des comités consultatifs où les gens qui se sentent en difficulté financière peuvent aller consulter. C'est tout simplement une procédure administrative bona fide et on peut ainsi favoriser les discussions entre les gens, favoriser des solutions par l'écoute de ce que les autres ont fait et obtenu, et favoriser ainsi un règlement intéressant.

Je ne sais pas s'il est possible de faire cela au Canada car la situation est très différente, mais c'est une solution que j'ai trouvée moi-même intéressante.

[Traduction]

M. Hoeppner: La suspension des procédures est d'une durée de 60 jours, n'est-ce-pas? Si l'on prend le cas de l'industrie céréalière, on sait que parfois, ces créanciers engagent ces procédures juste après ou avant la récolte, pour être sûrs d'avoir accès à la plupart des produits... Serait-il utile dans le cas de l'industrie céréalière de prévoir 30 ou 60 jours de plus de manière que les agriculteurs...?

Le président: J'aimerais préciser qu'il s'agit d'un maximum de 120 jours.

[Français]

Me Pomerleau: Il serait peut-être intéressant d'ajouter une notion, non pas de délai, mais de période de l'année pendant laquelle les créanciers ne peuvent pas exercer leurs garanties, mais je ne crois pas que, constitutionnellement, cela respecte les pouvoirs provinciaux, parce que property and civil rights est de compétence provinciale, alors que insolvency est de compétence fédérale. Il y aurait peut-être un problème constitutionnel, mais je pense qu'il serait intéressant de prévoir que, pendant la période de mai à novembre, par exemple, l'agriculteur ne peut faire l'objet d'une saisie. Il pourrait être intéressant de penser à quelque chose comme cela.

Au niveau provincial, je crois qu'il existe quelque chose comme ça dans beaucoup de provinces. Au Québec, dans le cas de procédures pour les pêcheurs, par exemple, on ne peut pas saisir leurs bateaux pendant une certaine période qui correspond à la période où ils sont à la pêche et où ils obtiennent leur revenu. On dit d'ailleurs qu'avant de pendre le bateau, il faut laisser au pêcheur la chance de rectifier la situation. Ce pourrait donc être intéressant d'envisager quelque chose, mais il faudrait y réfléchir un peu plus.

.1035

[Traduction]

M. Hoeppner: C'est ce qui m'inquiète. Le travail agricole est en grande partie saisonnier et il est donc très préjudiciable de l'interrompre pendant la bonne saison.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. J'imagine que plus personne ne souhaite poser de questions.

J'ai quelques observations à faire, monsieur Pomerleau. Vous nous avez certainement fait une analyse détaillée du projet de loi à partir de votre expérience et de votre expertise et nous vous en remercions beaucoup. Nous apporterons quelques amendements au projet de loi à des fins de clarification et pour d'autres raisons.

J'ai toutefois une question à vous poser et je ne veux pas que vous vous trompiez sur mes intentions. Si plusieurs des propositions que vous avez faites dans le cadre de votre exposé ne peuvent pas, pour quelque raison que ce soit, être englobées dans le projet de loi... Vous parlez de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et du partenariat que représente le Service de consultation agricole, qui, vous n'êtes pas sans le savoir, est un programme du ministère. Les producteurs et les exploitants agricoles s'en tireront-ils mieux à l'avenir et le processus dans son ensemble en sera-t-il amélioré?

[Français]

Me Pomerleau: Je crois qu'il est fondamental que l'aspect préventif revienne. Je ne pense pas que l'on tire un bénéfice quelconque en évacuant cette question. Il est certain que l'ajout des sanctions et des recours est une amélioration majeure, et la clarification du préavis par rapport aux autres préavis fédéraux provinciaux me semble aussi très positive.

[Traduction]

Le président: Le programme du Service de consultation agricole sera certainement mis à la disposition des producteurs dès qu'ils commenceront à avoir des difficultés. N'avez-vous jamais pris part au processus à cette étape qui, en vertu de la loi antérieure, correspondait à l'article 16? J'espère que le Service de consultation agricole sera mis en branle comme il le faut - je devrais dire «sera utilisé» plutôt que «sera mis en branle» - à titre préventif, caractéristique que nous n'avons peut-être pas assez soulignée dans le passé.

[Français]

Me Pomerleau: Il faut dire que la grande majorité des avocats ne connaissent même pas l'existence de cette loi. Vous pouvez donc imaginer que beaucoup de producteurs et d'agriculteurs ne connaissent pas non plus l'existence de la loi.

Par conséquent, l'existence même de ces comités d'aide devra être publicisée assez largement pour qu'on réussisse à en tirer quelque chose et pour que les producteurs en profitent. Il est important, lorsqu'un producteur ou un agriculteur éprouve des difficultés financières, de dédramatiser la situation au maximum. Il faut qu'il puisse trouver une forme d'aide qui va être non seulement financière, c'est-à-dire analytique, mais qui va aussi lui faire comprendre que sa situation, bien que difficile, n'est pas nécessairement irréversible et même quelquefois très normale. En effet, beaucoup d'entreprises passent par des cycles difficiles, des périodes difficiles, et il faut être capable d'expliquer cette question aux producteurs.

Quand les producteurs viennent me voir au bureau, j'examine leur situation financière. Si je constate qu'ils sont en état de faillite et qu'ils vont probablement devoir passer par là, je laisse de côté les papiers et les chiffres et je leur explique ce que c'est que la faillite. Et souvent les gens sortent du bureau en se disant qu'ils vont effectivement faire faillite mais que ce n'est pas la fin du monde.

.1040

Il faut donc que les comités consultatifs qui seront mis sur pied - et ça existe déjà sous une autre forme - englobent cette aspect-là. Il faut aller plus loin que l'aspect financier. Il y a l'aspect humain dont on déjà parlé. Je pense qu'avec les comités et la loi, on peut arriver à faire quelque chose de positif.

En terminant, je dirais qu'il faudrait faire de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole un tout cohérent. Idéalement, il faudrait que certaines dispositions qui apparaissent dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité disparaissent et aillent dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, et qu'on fasse de cette loi-là quelque chose qui colle à la réalité des entreprises agricoles.

Les entreprises agricoles qui passent par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité font face à des syndics qui n'ont jamais vu une poule ou une vache. Elles font face à des syndics qui ne savent pas quoi faire avec une cargaison de tomates et qui vont souvent, malheureusement, commettre des erreurs, mais des erreurs de bonne foi dont ils ne sont pas responsables. Je pense qu'il est temps qu'on essaie de réfléchir globalement sur tout ce problème. Ce n'est peut-être pas le moment maintenant, mais j'espère que d'ici cinq ou six ans, on aura eu le temps de la faire, car une réflexion là-dessus est importante et urgente.

Pour l'instant, il y a très peu de problèmes graves qui se sont posés dans les faits, mais ça va arriver inévitablement. Il serait donc préférable de mettre en place une structure adéquate pour y faire face plutôt que d'être pris avec une structure comme la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui n'est pas adéquate pour les producteurs.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pomerleau. Nous avons ce matin passé plus de temps avec vous que prévu, mais nous vous remercions de vos observations et de votre participation. Merci encore beaucoup d'être venu parmi nous aujourd'hui.

[Français]

Me Pomerleau: Merci.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons également des fonctionnaires du ministère ce matin. Je vais leur demander de se présenter. Je n'ai pas entendu la sonnerie d'appel. Peut-être n'y en aura-t-il pas. Je ne sais pas ce qui se passe, mais nous allons poursuivre jusqu'à 11 heures; si nous ne terminons pas avec les fonctionnaires aujourd'hui, je proposerais alors de continuer lorsque nous passerons à l'examen article par article, prévu pour jeudi.

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard (Secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Si j'ai bien compris, la sonnerie va se faire entendre à 15 h 30 et non pas maintenant...

Le président: Nous aurons terminé d'ici là.

M. Pickard: ...par conséquent, je ne crois pas que nous serons interrompus.

Le président: Merci. Je vais demander à Lois James, gestionnaire de la politique d'adaptation de la Direction générale des politiques, à Julie Mercantini, agent principal de l'élaboration des politiques, et à Diane Fillmore, conseillère juridique des services juridiques, de venir à la table avec M. Pickard.

M. Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes certainement très heureux de pouvoir aider le comité à propos de tout aspect du projet de loi. La Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et le Service de consultation agricole sont très importants pour nous et nous pensons qu'ils les sont aussi pour les agriculteurs.

C'est avec plaisir que je vais pouvoir vous donner aujourd'hui quelques explications au sujet du projet de loi C-38, par suite des questions fort nombreuses qui ont été soulevées ces dernières semaines.

Nous avons débattu du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, qui abrogera la Loi sur l'examen de l'endettement agricole. Nous avons également eu quelques discussions sur le Service de consultation agricole, programme complémentaire qui sera mis en oeuvre en même temps que la LMEA, mais qui ne fait pas partie du projet de loi. La LMEA et le Service de consultation agricole seront financés à même le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural.

.1045

Ces deux services pourront utiliser jusqu'à 4 millions de dollars par an. Pour la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, il est prévu de dépenser environ 2,2 millions de dollars; le Service de consultation agricole coûtera le reste, soit 1,8 million de dollars. Ce financement supplémentaire prévu pour le Service de consultation agricole témoigne bien de l'importance que nous attachons à ce service.

En réponse à un point qui a été soulevé, je dirais que pour l'instant, il est important que les intervenants connaissent bien la loi et soient au courant des services offerts, ainsi que l'a souligné M. Pomerleau. Sur cette somme de 1,8 million de dollars, nous avons affecté quelque 250 000 $ à la publicité et aux programmes d'information qui seront mis en place.

Les groupes de l'industrie agricole ont demandé que le Service de consultation agricole soit distinct de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Ils aimeraient que l'on en fasse une promotion active et positive, ce qui ne serait pas possible si un tel service était lié aux situations d'insolvabilité. Le Service de consultation agricole encouragerait plus d'agriculteurs à demander de l'aide suffisamment tôt, avant qu'ils ne connaissent de graves difficultés financières ou qu'ils ne deviennent insolvables. Le Service de consultation agricole servira donc de la mesure préventive dont nous avons tant parlé cette dernière heure.

L'industrie a également demandé au comité d'appel de donner aux agriculteurs et aux créanciers la possibilité d'interjeter appel de la décision de l'administrateur et de prolonger la suspension des procédures, en cas de besoin. En cas de suppression de la suspension des procédures, par exemple, et si, de l'avis de l'agriculteur, il est toujours possible de parvenir à un arrangement satisfaisant, l'agriculteur peut interjeter appel auprès du comité d'appel. Le comité examine alors le dossier, y compris toute information supplémentaire présentée par l'agriculteur et les créanciers, et rend sa décision finale au sujet de la suspension des procédures.

Les créanciers peuvent également interjeter appel au sujet de l'octroi, de la prolongation ou de la levée d'une suspension. Le résultat de la médiation, qu'il se traduise par un arrangement ou non, ne peut faire l'objet d'un appel auprès du comité d'appel. Le processus de médiation est volontaire et le résultat ne peut pas faire l'objet d'un appel.

En vertu de l'actuelle Loi sur l'examen de l'endettement agricole, les médiateurs sont nommés par décret. En vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, ils ne sont plus nommés par décret ni par les ministères. Les médiateurs seront choisis au moyen du processus des marchés concurrentiels du gouvernement. Les postes seront annoncés dans les journaux locaux, par l'entremise des associations professionnelles, etc., et n'importe qui pourra poser sa candidature.

Ceux qui ont les qualifications requises recevront un contrat permanent. Dans toute province donnée, la liste des médiateurs aux fins de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole pourrait aussi inclure d'autres soumissionnaires recevant une offre à commandes. L'administrateur choisira une personne pour chaque cas, selon son expérience du produit, ses connaissances financières, sa langue et son emplacement géographique. Il n'y aura des frais que si l'on doit appeler un médiateur pour traiter d'un cas particulier.

Ces dernières semaines, on a évoqué à plusieurs reprises l'aspect humain de la loi qui facilitera la vie des agriculteurs. J'aimerais dire clairement que les agriculteurs, en vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et dans le cadre du Service de consultation agricole, auront accès à une aide semblable, voire même supérieure, à celle dont ils bénéficient en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole.

En vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, les agriculteurs insolvables auront toujours un spécialiste en matière d'agriculture qui sera chargé de l'examen de sa situation financière; ils auront un avantage de plus, à savoir qu'ils pourront retenir les services de leur propre conseiller financier pour la préparation d'un plan de redressement. Ils continueront à recevoir de l'aide d'une tierce partie, neutre, pour tout arrangement avec les créanciers.

.1050

Dans le cadre de ce nouveau processus, les agriculteurs recevront beaucoup plus d'aide par l'entremise du médiateur. En vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, chaque réunion de comité regroupait trois spécialistes. En vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, ces spécialistes peuvent participer aux négociations, selon les besoins, pour les cas plus compliqués.

Les agriculteurs peuvent également maintenant interjeter appel des décisions relatives à la suspension des procédures auprès d'un comité d'appel indépendant. Il y a quelques années, tous les agriculteurs qui sont passés par le processus d'examen de l'endettement agricole ont fait l'objet d'un sondage pour évaluer leur satisfaction. Les agriculteurs se sont déclarés plus satisfaits lorsqu'ils avaient recours aux services d'un spécialiste de l'agriculture pour l'examen financier.

Les agriculteurs se sont déclarés moins satisfaits par rapport au processus du comité de trois spécialistes. Les services des spécialistes financiers continueront à faire partie intégrante des services fournis en vertu de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole et dans le cadre du Service de consultation agricole. Grâce à ce service, les agriculteurs en difficulté financière bénéficieront de plus d'aide que celle dont ils disposaient en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole.

Ils continueront à obtenir les services d'un spécialiste pour l'examen financier et, dans le cadre du Service de consultation agricole, l'expert-conseil pourra également préparer un plan de redressement sur cinq ans. À cet égard, le Service de consultation agricole joue un rôle plus préventif.

En tant que gouvernement, nous aidons de manière responsable les agriculteurs à envisager l'avenir avant que les problèmes ne s'aggravent. Selon le temps dont a besoin le spécialiste pour terminer l'examen financier et selon les désirs de l'agriculteur, l'expert-conseil peut également accompagner l'agriculteur aux rencontres avec les créanciers afin d'examiner les difficultés financières et proposer des solutions de rechange.

La question des demandes d'examen présentées en vertu de l'article 16 de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole a également été soulevée à plusieurs reprises et j'aimerais m'attarder pendant quelques instants sur les agriculteurs qui présentaient de telles demandes.

Nous avons toujours dit que l'article 16 visait les agriculteurs en difficulté financière. Les bureaux d'examen de l'endettement agricole qui nous ont parlé ces dernières semaines ont expliqué que les agriculteurs qui, techniquement parlant, sont insolvables, mais qui veulent de l'aide pour la médiation entre eux et un ou deux créanciers et qui veulent un examen financier, mais qui ne veulent pas la suspension des procédures, doivent actuellement présenter leur demande en vertu de l'article 16 de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole.

En vertu de la nouvelle Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, ces agriculteurs insolvables qui, auparavant présentaient une demande en vertu de l'article 16, la présenteraient maintenant en vertu de l'alinéa 5(1)b), lequel permet d'offrir les services d'un spécialiste pour l'examen financier. Les services de médiation avec les créanciers seraient également fournis, mais aucune suspension ne serait signifiée. Ainsi, bien des agriculteurs qui présentent des demandes en vertu de l'actuel article 16, les présenteraient probablement en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Ces agriculteurs qui répondent à la définition des demandeurs visés à l'article 16, qui ne sont pas insolvables, mais qui connaissent des difficultés financières, pourront demander de l'aide auprès du Service de consultation agricole.

Nous présentons également aujourd'hui trois amendements pour mieux expliquer l'esprit du projet de loi C-38; le premier vise l'article 10, lequel exige la distribution des rapports confidentiels des agriculteurs à tous les créanciers figurant sur la demande, soit les créanciers mineurs non garantis, ainsi que les créanciers majeurs non garantis et garantis. Une distribution aussi vaste de l'information rendra la confidentialité difficile, ce qui pourrait finir par ébranler l'intégrité du programme.

Actuellement, en vertu de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, le rapport financier n'est distribué qu'aux personnes participant aux séances de médiation. Cet amendement limiterait la distribution du rapport financier de l'agriculteur aux créanciers participant aux séances de médiation, ce qui permettrait ainsi de rendre cette nouvelle loi compatible avec la loi antérieure.

.1055

Le deuxième amendement vise l'article 16 dont l'interprétation a jeté la confusion. Cet amendement explique clairement que lorsqu'un créancier propose un gardien, l'administrateur peut nommer cette personne proposée ou choisir de nommer un gardien indépendant. Cela répond en particulier aux préoccupations soulevées devant le comité permanent la semaine dernière et à celles soulevées par M. Calder.

Le troisième amendement est une correction mineure apportée à la version française de l'alinéa 17(2)b) pour la rendre conforme à la version anglaise.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je pense que cet exposé aborde brièvement certaines des questions présentées aujourd'hui. Avec l'aide de nos hauts fonctionnaires, je serais heureux de répondre à toute question que vous souhaiteriez poser.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pickard.

Monsieur Collins.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Monsieur le président, merci beaucoup.

Jerry, j'aimerais que vous reveniez sur l'un des points qui a été soulevé et dont nous venons juste de parler de manière que nous ne tombions pas dans le piège qui consiste à essayer de régler des situations catastrophiques. Comment allons-nous procéder en matière de prévention? Pouvez-vous simplement le redire, car je pense que c'est véritablement là le point crucial du problème. Si nous pouvons les aider à l'avance, peut-être aurons-nous réussi quelque chose.

M. Pickard: De toute évidence, si nous mettons de côté ce 1,8 million de dollars pour la prévention, ou le service de consultation, c'est que nous croyons, ainsi que l'a proposé M. Pomerleau aujourd'hui, qu'il est très important de trouver une nouvelle voie qui nous permette d'arriver à l'agriculteur lorsqu'il connaît des premières difficultés, sans pour autant être insolvable.

Il est très important de comprendre que de gros problèmes finiront par surgir si nous ne réglons pas tout de suite la situation, soit au moment où l'agriculteur commence à connaître des problèmes, alors qu'il se trouve dans une position où il peut faire ses paiements et écarter les créanciers, parce qu'il est solvable.

Nous avons donc mis en place un processus qui permet à un tiers d'examiner l'aspect financier de l'opération, de faire des recommandations, d'examiner les possibilités et les programmes offerts pour corriger la situation, de prévoir les achats et les débours de capitaux, de conclure des ententes dans le cadre d'un plan d'une année, de deux ans, de cinq ans et d'essayer de créer une opération commerciale, de lui offrir un plan, de lui donner de bons conseils et de mettre à sa disposition des spécialistes qui connaissent les possibilités et les programmes, de manière à rationaliser l'aide susceptible de lui être apportée. Nous nous occupons en fait de l'agriculteur qui n'est pas insolvable, mais qui a besoin d'aide à ce moment-là - il peut devenir insolvable; la banque peut commencer à frapper à sa porte - nous allons nous occuper de lui.

Pour être sûrs que les avocats, les comptables et tous les intervenants soient au courant de ce programme, nous avons prévu de faire la publicité de ce programme. Ainsi, tout le monde sera au courant de l'existence d'un tel programme qui vise à aider l'agriculteur qui connaît des problèmes financiers, qui vise à aider l'agriculteur qui n'en est peut-être pas à l'étape des difficultés, mais qui a besoin de mesures correctives, qui a besoin d'aide pour prospérer davantage, cela faisant également partie du programme. Je pense que c'est ainsi que l'on peut répondre très clairement aux questions que vous vous posez à propos de la prévention.

Le président: Nous ne pouvons rester dans cette pièce que jusqu'à 11 heures, c'est-à-dire encore deux minutes. Nous n'allons pas poursuivre les questions aujourd'hui, si bien que je vais demander aux fonctionnaires de revenir. Nous allons maintenant lever la séance et leur demander de revenir jeudi matin à 9 heures pour terminer cette partie de nos débats; ensuite, j'espère que nous pourrons passer à l'examen article par article du projet de loi C-38.

Je rappelle aux membres du comité de direction que nous avons une séance dans deux minutes, dans la pièce 307. Nous nous réunirons de nouveau en tant que comité avec les fonctionnaires à 15 h 30 à propos du projet de loi C-60 sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

M. Easter: Puis-je vous poser une question avant de lever la séance? C'est une question qui porte sur le processus.

Le président: Oui.

.1100

M. Easter: Je me demande si nous allons pouvoir procéder à l'examen article par article jeudi. Vous avez soulevé plusieurs questions et demandé aux témoins de revenir pour nous présenter des statistiques sur l'insolvabilité par opposition aux difficultés financières. Aurons-nous cette information à ce moment-là?

Le président: Nous avons reçu une lettre de l'Ontario qui, je crois, a été distribuée. Je ne sais pas si nous avions demandé cette information à d'autres entités.

M. Easter: Nous l'avions demandé au Québec, à l'Ontario et, je crois, au ministère.

Le président: Nous l'avons demandé au Québec, mais nous n'avons pas encore reçu de réponse, d'après le greffier. Je crois qu'il faudra régler la question jeudi. Si je comprends bien, d'autres personnes souhaitent apporter d'autres amendements avant ceci. Nous en sommes donc à cette étape et nous nous en occuperons de cette façon.

M. Pickard: Je ne veux pas me mêler du processus, mais le ministère dispose de toutes les statistiques relatives aux cas de solvabilité et d'insolvabilité, etc., et nous pourrions probablement transmettre ces statistiques à tous les membres du comité dès aujourd'hui.

Le président: Nous les souhaitons pour ce qui est des demandes visées à l'article 16 par opposition à celles visées à l'article 20. En d'autres termes, si vous pouviez nous justifier par province les chiffres relatifs aux pourcentages pour l'article 20 par opposition à l'article 16, et les pourcentages de réussite, je crois que ce serait bien.

À mon avis, la remarque de M. Easter est pertinente. Je n'ai pas l'intention de précipiter les choses et nous traiterons de toutes les questions le plus complètement possible avant de passer à l'examen article par article. Si nous n'arrivons pas à procéder à cet examen d'ici jeudi, tant pis.

M. Pickard: Nous vous transmettrons cette information aujourd'hui et vous demandons de bien vouloir la distribuer aux membres du comité.

Le président: Transmettez-la au greffier et nous nous occuperons du reste. Merci.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;