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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

.0900

[Traduction]

Le président: Bonjour à tous. Nous allons commencer.

Nous poursuivons aujourd'hui nos audiences sur le projet de loi C-60, Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je vous demanderai, messieurs, de vous présenter. Je crois comprendre que vous avez un exposé à faire. Vous pouvez nous le présenter, puis nous passerons à la période habituelle des questions et commentaires.

.0905

M. Larry Leng (président, Alliance de la fonction publique du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. Tout à fait à ma droite, il y a Neville Vincent, adjoint administratif par intérim du président de la Section de la santé et du bien-être de l'alliance. À ma droite se trouve Bill Pynn, président national de la Section de l'environnement. À ma gauche, Steve Jelly, adjoint administratif auprès du Comité directeur de gestion de l'alliance, et je suis Larry Leng, président national du syndicat agricole.

Au nom des 3 000 membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada dont le poste sera transféré à l'Agence canadienne d'inspection des aliments en vertu du projet de loi C-60, j'aimerais remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de nous avoir invités à comparaître ce matin.

Plutôt que de vous lire notre mémoire, j'aimerais prendre quelques minutes pour en résumer les principaux points. Ensuite, mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Dès le départ, j'aimerais préciser que l'AFPC et ses trois éléments, agriculture, santé et bien-être social, et pêches et océans, qui représentent des membres dont le poste sera transféré à la nouvelle agence appuient officiellement la centralisation des services de salubrité des aliments sous une seule agence d'inspection des aliments.

Nous avons adopté cette position parce que nous croyons qu'une agence distincte du gouvernement, mais lui rendant compte, peut être structurée de façon à donner la souplesse nécessaire pour protéger et améliorer le commerce d'exportation, sans pour autant mettre en péril la santé et la salubrité de notre chaîne alimentaire.

Cela dit, nous croyons que le processus utilisé jusqu'à maintenant, de même que le libellé précis de la loi dont s'est servi le gouvernement dans sa rédaction du projet de loi C-60, est loin d'être optimal. Le gouvernement du Canada pourrait se servir de la création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour amorcer un débat sérieux avec les Canadiens et les Canadiennes sur la qualité des aliments canadiens et importés et sur le type et les niveaux des services d'inspection qui, selon eux, doivent être offerts au Canada.

Pourtant, au cours des huit mois qui se sont écoulés depuis le budget du 6 mars, le gouvernement n'a rien fait pour favoriser un tel débat public, préférant plutôt limiter sa consultation aux producteurs, aux provinces et, dans une moindre mesure, au sein du syndicat en cause. À notre avis, cette situation est extrêmement malheureuse, tout particulièrement à la lumière des graves échecs du système d'inspection des aliments qui sont survenus au Royaume-Uni, en Australie et au Japon au cours de la dernière année.

Tout en reconnaissant que le processus du présent comité est nécessaire et souhaitable, il ne faudrait pas le considérer comme remplaçant le débat public fondamental dont on a un urgent besoin. C'est particulièrement le cas parce que le projet de loi C-60 passe sous silence un certain nombre de questions qui auront une incidence sur les services d'inspection au Canada au cours des prochaines années.

À cet égard, l'AFPC est très préoccupée du fait que la création d'une nouvelle agence servira à saper la responsabilité du gouvernement en matière d'inspection et de transfert pour ce qui est de l'inspection, de la surveillance et de l'application de la salubrité des aliments à l'industrie. Par exemple, nous constatons que le gouvernement du Canada a adopté le HACCP. Pourtant, il n'a pas encore fait savoir, que ce soit à la Chambre des communes ou ailleurs, qu'il croit que le HACCP convient lorsqu'on s'en sert avec les systèmes d'inspection et de vérification du gouvernement ou lorsqu'on s'en sert de façon autonome.

Officiellement, l'AFPC croit que le HACCP n'est pas une panacée. À notre avis, le gouvernement a l'obligation de s'assurer que l'introduction d'un système se fondant sur le HACCP est correctement évaluée et vérifiée. En outre, et c'est tout aussi important, le HACCP doit être appuyé par d'autres programmes, tels que l'assainissement préparatoire et l'inspection appropriée qu'effectuent les inspecteurs du gouvernement et qui comprennent l'inspection carcasse par carcasse et oiseau par oiseau.

En d'autres mots, on doit considérer le HACCP comme un système complémentaire à l'inspection gouvernementale effectuée par des personnes compétentes, et non pas comme un système de remplacement. Tout mécanisme qui prévoit moins que cela est inacceptable pour les consommateurs et l'AFPC parce qu'il mettra la santé du public en danger.

À cet égard, nous croyons que le projet de loi C-60 devrait être modifié de façon à garantir que les fonctionnaires de l'agence puissent mettre en application ou contrôler les diverses lois dont l'agence est chargée. Je souligne qu'à cet égard notre proposition n'est pas unique. Bien au contraire, la législation aux États-Unis exige précisément que les services d'inspection du gouvernement américain soient assurés par des fonctionnaires.

Si cette modification n'est pas apportée, la nouvelle agence aura le pouvoir de déléguer ses fonctions d'inspection et d'autres fonctions au secteur privé. En fait, la question des compagnies productrices assurant leur propre service d'inspection a fait l'objet de discussions lors d'un forum international sur l'équivalence de l'inspection des aliments tenu à Washington, D.C., le mois dernier. Lors de ce forum, les représentants gouvernementaux d'un certain nombre de pays ont indiqué qu'ils aimeraient avoir la souplesse de déléguer les services d'inspection aux compagnies productrices et à d'autres tierces parties.

.0910

Ici encore, officiellement, l'AFPC croit que cette approche est fondamentalement mauvaise. Nous adoptons cette position parce que l'inspection par la compagnie est, de par sa propre nature, un conflit d'intérêts.

Toujours dans le contexte du projet de loi C-60, un dernier commentaire s'impose en ce qui a trait à la salubrité des aliments. Bien que le projet de loi C-60 cherche à intégrer des fonctions actuellement exécutées par les ministères de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, de la Santé et des Pêches, le projet de loi dit que le ministre de la Santé est chargé de l'élaboration des politiques et normes relatives à la salubrité et à la valeur nutritive des aliments vendus au Canada et de l'évaluation de l'efficacité des activités de l'agence relativement à la salubrité des aliments. À notre avis, ce mécanisme de contrôle du système est tout à fait justifié et heureux.

J'aimerais maintenant parler de la structure de la nouvelle agence telle que proposée dans le projet de loi C-60.

Bien que nous n'ayons rien contre le fait que la nouvelle agence sera dirigée par un président et un vice-président qui rendront compte au ministre, à notre avis le comité consultatif qui est proposé est inadéquat et insuffisant. Pour être plus clair, à notre avis le mandat et la représentation du comité consultatif sont déficients à de nombreux égards. Premièrement, en créant un comité consultatif plutôt qu'un conseil d'administration, le gouvernement limite les pouvoirs de surveillance de l'agence.

Deuxièmement, le comité consultatif ne peut intervenir que lorsque le ministre lui soumet une question. À ce titre, le comité consultatif restera très impuissant. Nous croyons que le comité consultatif devrait avoir le pouvoir de conseiller le ministre et l'agence sur toute question qu'il considère importante ainsi que sur toutes les questions que lui soumet le ministre. De même, nous croyons que votre comité devrait avoir la possibilité de soumettre des questions au comité consultatif.

Troisièmement, la composition du comité consultatif laisse beaucoup à désirer. Étant donné que le gouvernement a l'intention de se servir de l'agence comme d'un moyen qui, tel qu'il est indiqué dans le budget de 1996, «facilitera la transition à une plus grande participation des provinces, conduisant à un système vraiment national», nous croyons que la loi devrait veiller précisément à une représentation provinciale adéquate au sein du comité consultatif. De même, nous constatons que le gouvernement n'a pas inclus les syndicats dans la liste des secteurs qui peuvent compter des représentants au sein du comité consultatif. Nous supposons qu'il s'agit là d'un oubli et que votre comité modifiera le projet de loi C-60 en conséquence.

Tout compte fait, l'AFPC croit que le comité consultatif devrait être remplacé par un conseil d'administration qui aurait pour mandat d'examiner les activités de l'agence et de conseiller cette dernière et le ministre, peu importe qu'on lui en fasse ou non la demande. En outre, nous croyons que le comité devrait être structuré de façon à garantir une participation équilibrée qui inclue la représentation syndicale et une plus grande représentation des gouvernements provinciaux que ne le propose le projet de loi C-60.

Avant de conclure, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'environnement de la négociation collective envisagée dans le projet de loi C-60 et des relations entre l'agence et les autres ministères du gouvernement.

Dans les premiers entretiens qu'ils ont eus avec nous, les ministères en cause ont indiqué que le contexte de la négociation collective et des relations de travail était ouvert. Cela dit, les ministères ont avancé trois options, à savoir le statu quo, le Code canadien du travail et le statut d'employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L'AFPC a été très claire sur le sujet dès le départ en disant que les fonctionnaires fédéraux actuels seront gravement désavantagés lorsque leurs postes seront transférés à la nouvelle agence, à moins que le statu quo ou le Code canadien du travail ne soit adopté comme structure de relations de travail pour la nouvelle agence.

Pendant que le projet de loi C-60 était rédigé, le gouvernement a rejeté cette position parce qu'il craignait que le Code canadien du travail ne pourvoie pas à la désignation des fonctionnaires. Le gouvernement est déterminé à légiférer sur le statut d'employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ce qui est tout à fait inapproprié. Autrement dit, pendant que le gouvernement acceptait de procéder à des consultations, il ne tenait tout simplement pas compte des positions légitimes qu'avançaient les syndicats. Par ailleurs, le gouvernement a pris cette position même si l'AFPC avait indiqué verbalement et par écrit qu'elle était prête à discuter un processus de désignation applicable à la nouvelle agence, et l'a fait, à notre avis, malgré le fait que le statut d'employeur distinct ne soit pas dans l'intérêt du gouvernement ou de tout autre intervenant, y compris l'industrie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Leng.

Nous allons commencer par M. Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Monsieur Leng, il me semble que vous aimeriez que le projet de loi soit mis en suspens le temps de débattre bon nombre de ces questions que vous avez soulevées. Vous ai-je bien compris?

M. Leng: Nous sommes certainement d'avis que la direction prise ne donne pas vraiment à l'agence la souplesse qu'elle devrait avoir, et nous avons l'impression que le gouvernement veut faire adopter rapidement le projet de loi. Il devrait y avoir davantage de consultations. Nous avons certainement présenté des observations au ministre et aux hauts fonctionnaires dans une lettre. Plutôt que d'être un employé distinct... Cela ne leur donne certainement pas la souplesse nécessaire. Cela devrait plutôt relever du Code canadien du travail. Il nous semble qu'au départ c'est l'option qu'ils envisageaient, mais qu'ils aient eu peur à mi-chemin et qu'ils aient arrêté.

.0915

Je peux vous donner des exemples des raisons pour lesquelles nous estimons que c'est si... Ils relèveraient toujours du Conseil du Trésor. Nous pourrions passer une année à essayer de négocier des conditions qui soient bonnes pour l'agence et pour les employés, et à la suite de ce processus le Conseil du Trésor pourrait rejeter tout le système. À notre avis, nous ne devrions pas consacrer des ressources pour faire cela, d'un côté comme de l'autre.

Pour ce qui est du principe du HACCP, nous pensons qu'il devrait y avoir un débat public comme celui qui a eu lieu à Washington. Ils ont invité les pays, les groupes de consommateurs et les syndicats à participer. Nous sommes allés là-bas. Je pense que c'était un bon processus. Dans sa hâte à faire adopter ce projet de loi à la Chambre des communes, il semble que le gouvernement ne prend pas certains des autres éléments au sérieux, ou peut-être qu'il les prend au sérieux, mais il ne prévoit pas le temps nécessaire pour débattre la question comme il se doit, à notre avis.

M. Reed: Il y a quelque chose dans votre déclaration qui m'a frappé, et c'était la question de savoir si ce devrait être un comité consultatif ou un conseil d'administration qui devrait relever du ministre. Je suppose qu'il y a une différence de principes.

Le processus d'inspection au Canada a toujours été parmi les meilleurs du monde et jouit d'une excellente réputation. En effet, nos exportations dépendent de l'excellence du travail que font vos gens. Je suppose que les choses changent toujours et qu'elles vont continuer à évoluer. Il y a peut-être des choses que vous faisiez il y a dix ans et que vous ne ferez plus dans un an, mais vous pourriez faire les choses différemment, etc. Il m'a toujours semblé qu'en fin de compte le ministre devait être responsable devant la population par l'intermédiaire de la Chambre. À votre avis, cela serait-il possible si c'était un conseil d'administration plutôt que le ministre qui était imputable?

M. Leng: Je pense que le conseil d'administration serait un conseil consultatif. Mais comme nous le disons dans notre mémoire, il devrait être possible, pour votre comité ou quelqu'un d'autre, de leur demander d'examiner certaines questions.

En fin de compte, le ministre doit être responsable devant la Chambre des communes. À mon avis, il n'est pas possible que tout un conseil soit responsable. Ce devrait être le ministre, mais il devrait y avoir un conseil d'administration qui puisse conseiller le ministre.

M. Reed: Vous avez également parlé du fait que seuls les employés du gouvernement devraient faire l'inspection. Est-ce que vous craignez que l'inspection ne soit faite en partie par le secteur privé? Qu'est-ce qui vous préoccupe exactement?

M. Leng: Oui, vous avez raison. C'est ce que je crains, c'est certain. Lorsque nous étions à Washington, nous avons écouté la proposition de l'Australie. Au départ, ils n'avaient qu'un vétérinaire dans l'usine, et le reste de l'inspection était effectuée par le personnel de l'usine. Ils sont passés à un vétérinaire et un inspecteur. Cela n'est certainement pas souhaitable.

Pour l'inspection des produits destinés au marché australien, les inspecteurs ont été embauchés par l'usine et sont par la suite devenus des employés de l'usine. Je ne sais pas si vous êtes au courant des problèmes qu'ils ont eus là-bas, mais une petite fille est décédée à la suite d'un empoisonnement alimentaire. J'ai ce rapport dans mon bureau.

En fait, il nous semble que certains témoins du secteur de la transformation de la volaille que vous avez entendus - et il semble que ce soit le cas, d'après certaines rencontres que j'ai eues avec le ministère - voulaient utiliser les employés de leur usine pour faire l'inspection carcasse par carcasse, oiseau par oiseau, et n'avoir qu'un inspecteur pour faire de la surveillance à un moment donné.

Je ne pense pas que cela soit souhaitable. Même si le système a été mis en place il y a 20 ou 25 ans, les mêmes maladies existent toujours et, dans certains cas, sont même plus fréquentes. Nous sommes d'avis qu'il y a réellement un conflit d'intérêts. Lorsque les producteurs voudront accélérer leur production, ils laisseront passer certaines choses, qui sont peut-être à la limite, et cela se fera sans qu'un inspecteur puisse s'en apercevoir et surveiller la situation.

M. Reed: Qu'est-ce qui fait que vous craignez que cela ne se produise au Canada?

M. Leng: C'est parce que c'est ce qui est arrivé dans d'autres pays. Cela n'est pas le cas en ce moment-ci au Canada parce que nous faisons toujours l'inspection. Je crains que si nous envisagions cela et...

.0920

Vous avez dit que nous avons un des meilleurs systèmes du monde, et je suis d'accord. Si tout va bien, pourquoi changer quoi que ce soit? Le HACCP est une bonne chose, mais en outre je crois que nous avons besoin de ce système pour effectuer certains des autres essais. Je pense que c'est important, mais il ne faut pas que cela remplace l'autre type d'inspection.

[Français]

Le président: Monsieur Landry.

M. Landry (Lotbinière): Il me fait plaisir de rencontrer les témoins ce matin. J'ai quelques questions à leur intention, dont la première est très simple.

Est-ce que vous croyez qu'en fusionnant ces trois ministères en un seul, on pourra parvenir à une certaine harmonisation ou si, au contraire, il ne sera pas possible de vivre en famille?

Deuxièmement, est-ce que ce remaniement a un impact direct sur l'Alliance de la Fonction publique du Canada?

Ma troisième question porte sur les propos que vous teniez au début de votre exposé. Vous disiez que le projet de loi passait sous silence plusieurs points de vue. J'aimerais que vous précisiez votre pensée à cet égard, que vous m'expliquiez plus en détail tous ces points de vue qui peuvent être passés sous silence dans le projet de loi C-60.

Ce sont mes trois questions.

[Traduction]

M. Leng: Je n'ai pas compris la deuxième question.

Pour ce qui est de la première, c'est-à-dire si les trois ministères peuvent être harmonisés, à mon avis, oui, c'est possible. Je suis certainement convaincu qu'ils cherchent à trouver le moyen d'y arriver, mais seul le temps nous dira ce que cela donnera, et cela dépend de la rapidité avec laquelle ils le feront. Je pense qu'il faut qu'ils y réfléchissent bien.

Si un de mes collègues veut faire d'autres commentaires sur la façon dont il voit l'harmonisation des ministères... Mais il est certain qu'en ce moment les ministères examinent de très près les laboratoires. Nous attendons une mise à jour à ce sujet. Certains laboratoires du ministère de l'Agriculture ont été transférés au ministère de la Santé. Donc, je pense que seul le temps nous dira si cela sera un succès, mais oui, dans certains cas l'harmonisation est possible.

Pour ce qui est de votre deuxième question, que je n'ai pas comprise... Qu'est-ce que c'était? Y a-t-il un impact direct? Seulement de la façon dont on passe à une agence. De toute évidence, avec l'agence, les services des autres ministères seront regroupés dorénavant sous le ministère de l'Agriculture. Mais pour ce qui est d'un impact grave, je ne vois pas. Nous nous réjouissons certainement de la création d'une agence d'inspection alimentaire au Canada, mais nous ne pensons pas que cela pourrait avoir un impact important pour nous.

La seule chose qui nous préoccupe, c'est les 44 millions de dollars qu'ils disent qu'ils pourront épargner d'ici à la fin de 1998. Je ne sais pas exactement comment ils vont y arriver. J'espère que ce ne sera pas en réduisant le personnel de première ligne. Il y a eu tellement de coupures jusqu'à présent; je pense que nous en arrivons à un point où toute autre réduction pourrait être très dangereuse.

Pour ce qui est de la troisième question, lorsque vous avez dit que le projet de loi ne représentait pas un certain nombre de points de vue, pouvez-vous préciser ce que vous vouliez dire?

[Français]

M. Landry: Au début de votre exposé, vous disiez que le projet de loi passait sous silence beaucoup de choses, beaucoup de points de vue. J'aimerais que vous me disiez quelles sont ces choses qu'il passe sous silence. C'est ce que je veux savoir. Je reprenais les propos que vous aviez formulés tout à l'heure.

[Traduction]

M. Leng: Très bien, je comprends. Il est certain que si nous regardons tout le processus de négociation collective, nous ne savons plus très bien où nous nous en allons avec cela. De toute évidence, le ministère nous dit qu'il veut avoir une transition tout en douceur avec la nouvelle agence. Je pense que c'est ce que nous voulons tous. Le ministère a dit qu'il reporterait certaines choses et respecterait la convention collective qui a été négociée entre l'agent de négociation et le Conseil du Trésor. Ensuite, après une certaine période, il voudra négocier avec nous pour apporter certains changements.

À l'heure actuelle, il y a sept comités qui ont été mis sur pied au ministère, et nous avons des représentants à chacun de ces comités. Ils parlent de questions comme les ententes du Conseil national mixte, car aux termes du projet de loi elles ne seront pas en vigueur et de toute évidence elles doivent être reportées ou renégociées. Je crois comprendre qu'à ce moment-là elles seront reportées.

Il est certain, si l'on regarde le projet de loi qui est proposé, qu'aux termes de la garantie d'emploi de deux ans ils songent également à un incitatif au départ à la retraite et à une prime de départ anticipé au cas où il serait nécessaire de réduire les effectifs, et le projet de loi ne le permet pas. Il est certain que nous en discutons avec le ministère, et, de toute évidence, s'il y a rationalisation nous devrons nous adresser au Conseil du Trésor. Nous ne savons pas si le Conseil du Trésor le permettra ou non. Il y a donc certaines questions, comme celle de la classification, qui devront être négociées. Il y a de nombreuses questions qui nous préoccupent, car on ne nous a pas donné de détails.

Est-ce que cela répond à votre question?

.0925

[Français]

M. Landry: Oui. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cummins.

M. Cummins (Delta): Merci, monsieur le président.

Dans votre mémoire, dans les paragraphes 17 à 20, vous parlez d'un processus d'inspection carcasse par carcasse, oiseau par oiseau. Vous concluez au paragraphe 20 que la nouvelle agence aura le pouvoir de déléguer l'inspection et d'autres fonctions au secteur privé.

Je ne sais pas si cette partie de votre mémoire concerne le système d'inspection qui est déjà en place sur la côte Ouest dans le secteur de la transformation du poisson. Par exemple, je crois comprendre qu'une partie de cette inspection est effectuée à l'heure actuelle à l'interne dans les usines de transformation du poisson, qui assurent un contrôle de la qualité, et que le système actuel surveille le processus de près. À votre avis, est-ce que cela pourrait changer, et souhaitez-vous que cela change? Est-ce ce dont vous parlez dans ces paragraphes? Voulez-vous changer le système qui existe à l'heure actuelle?

M. Leng: Nous ne voulons pas changer le système qui existe à l'heure actuelle. Je ne peux beaucoup parler de l'inspection du poisson, car cela relève d'un autre ministère, et mon collègue ici vient tout juste d'être élu et ne sait pas trop si c'est le cas ou non. Naturellement, si le système en vigueur là-bas fonctionne...

Ce dont nous parlons ici, c'est l'inspection de la volaille, l'inspection du boeuf, du porc, de l'agneau et dans certains cas de la viande chevaline, des lapins, etc., où on fait une inspection carcasse par carcasse. Nous sommes d'avis que ce système devrait demeurer en place en plus du HACCP. D'autres pays insistent pour que soit mis en place le HACCP, et les États-Unis vont obliger leurs usines à adopter ce système d'ici à l'an 2000. Le Canada a décidé d'adopter volontairement ce système à l'heure actuelle.

Je crois que le HACCP est un bon système, mais il s'agit d'un autre point de vérification pour nous assurer que nous avons un produit alimentaire très sécuritaire sur le marché en vue de promouvoir nos exportations. Je pense que tout système qui prévoirait moins que cela ou tout changement important pourrait mettre nos exportations en danger. Nous avons vu ce qui est arrivé au Japon, en Australie et un peu en Nouvelle-Zélande lorsqu'ils ont fait des réductions et se sont retrouvés avec de graves problèmes. Nous ne voulons pas que cela se produise au Canada. Ultimement, cela nous coûtera également nos emplois et détruira l'économie du Canada dans le secteur de l'agriculture.

Donc, nous disons qu'il ne faut pas éliminer cela. Il faut également mettre en place le HACCP. Il faudra envisager cela à un moment donné. C'est ce que nous craignons pour le moment.

M. Cummins: Je comprends votre préoccupation. Vous pourriez peut-être me parler de nouveau de cette question un peu plus tard.

Je suis convaincu que dans les conserveries, particulièrement sur la côte Ouest et, je présume, sur la côte est également, il y a en place un système maison d'inspection et de contrôle de la qualité qui est surveillé de près par l'agence actuelle. Ce système semble bien fonctionner. Je ne pense pas que l'industrie ou le gouvernement sur la côte Ouest souhaite que cela change. J'espère que ce n'est pas à cela que vous faisiez allusion ici.

M. Leng: Je ne voulais certainement pas parler du secteur des pêches. Je vais demander à mes collègues du ministère des Pêches de vous donner une réponse à ce sujet.

En outre, il y a moins d'inspections dans certaines des usines qui ne font que de la transformation, et pour les autres viandes rouges également. Vous savez peut-être que nous avons ce qu'on appelle le programme FOIL - fréquence d'inspection - c'est-à-dire que l'inspecteur n'y va parfois qu'une seule fois par jour et, dans certains cas, tous les deux ou trois jours. Donc, je ne voulais pas parler de cette question en particulier à ce moment-ci.

Le président: Monsieur Hoeppner, vous avez le reste du temps de M. Cummins.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci.

Je voudrais parler un peu de la participation du gouvernement provincial. Vous dites qu'il n'y a pas suffisamment de participation du gouvernement provincial. Pourriez-vous nous en parler davantage? Qu'est-ce qui devrait à votre avis être changé? Je suis fermement convaincu que les provinces ont été laissées de côté; alors j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Leng: Le problème, c'est qu'on ne nous a pas expliqué comment serait composé ce conseil d'administration ou cet autre comité, selon le nom qu'on décidera de lui donner. On mentionne quelques groupes, mais à notre avis, si nous voulons avoir un seul système d'inspection au Canada, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les provinces devront participer. Il doit y avoir un représentant des groupes de consommateurs, un représentant du ministère et un représentant des syndicats. Il faut un conseil bien équilibré qui puisse examiner toutes les questions. Je ne pense pas que l'Alberta puisse parler au nom du Québec ou de l'Ontario. Je ne pense pas que Terre-Neuve puisse parler de la situation en Colombie-Britannique. Je suis donc d'avis qu'il devrait y avoir une bonne représentation.

.0930

M. Hoeppner: Abordez-vous la question de l'harmonisation de la réglementation des différentes sections? Il me semble que c'est un problème s'il n'y a pas d'harmonisation. Comment pourrions-nous à votre avis corriger cela?

M. Leng: Je pense qu'il est possible d'harmoniser en s'assoyant avec eux pour en discuter. Essentiellement, l'inspection comme telle est la même, que ce soit pour les maladies ou pour l'hygiène publique. De toute évidence, il faut établir une norme pour les usines et certaines autres choses. Il faut que cela se fasse avec le temps, et cela doit être fait en collaboration avec les provinces.

M. Hoeppner: Nous avons entendu des témoignages selon lesquels le gouvernement fédéral avait construit trop de laboratoires au pays et que ces derniers ne pourraient sans doute pas être utilisés, ou utilisés dans la mesure où ils devraient l'être. Avez-vous examiné des comparaisons de coûts entre le système d'inspection de la viande au Canada et celui d'autres pays? Pouvez-vous nous dire s'il est encore possible de réduire les coûts? Nous savons que pour la viande rouge nous devons faire concurrence aux marchés étrangers. Si le coût d'inspection est transmis au producteur, quelqu'un sera durement touché.

M. Leng: Je pense que nous sommes très concurrentiels. Nos coûts sont moins élevés. Si vous prenez l'industrie... Je peux vous donner des exemples, car je suis allé en Nouvelle-Zélande et en Australie. En Nouvelle-Zélande, le recouvrement des coûts pour les usines est de 120 p. 100; 100 p. 100 pour les salaires de tout le personnel et 20 p. 100 pour les négociations et la formation. En Australie, lorsque j'étais là-bas, le coût pour les usines était de 70 000 $ pour un inspecteur et de100 000 $ pour un vétérinaire. Si on regarde le recouvrement des coûts au Canada, nous sommes extrêmement concurrentiels. Les usines sont tout aussi efficaces qu'aux États-Unis et, dans la plupart des cas, elles sont plus efficaces qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, d'après ce que j'ai vu là-bas.

M. Hoeppner: Pourriez-vous nous parler de la prolifération des laboratoires? Qu'en pensez-vous? Comment faudrait-il les restructurer? Faudra-t-il s'en défaire? Qu'allons-nous en faire?

M. Leng: Je suis très mal placé pour le dire, parce que je ne sais pas ce que coûtent les laboratoires. Je pourrais sans doute dire qu'étant donné la façon dont l'inspection... Comme les consommateurs exigent de plus en plus de tests, il faudra des laboratoires. Quant à savoir s'il y en a beaucoup trop, je ne peux vraiment pas répondre pour l'instant, mais je ne le pense pas. Je sais que quand on doit effectuer des tests il faut agir avec célérité, parce qu'il faut obtenir des résultats très rapidement, surtout dans les usines, si des animaux sont gardés en chambre froide et qu'il faut les mettre en vente.

M. Hoeppner: Nous avons discuté de ce qui profite vraiment au consommateur par rapport à ce qui profite vraiment au producteur, car il faudra en quelque sorte départager les deux. Comment concevoir un modèle qui fonctionne?

M. Leng: Voilà une bonne question. C'est un sujet de préoccupation, et je sais que même à Washington on en a discuté. Il me semble qu'il revient à l'agence, sans doute en consultation avec des groupes de consommateurs et avec l'industrie, d'en arriver à une formule qu'on estime équitable.

M. Hoeppner: Vous n'avez étudié aucune formule en particulier?

M. Leng: Aucune en particulier. Il ne fait aucun doute que je vise à assurer la sécurité du public. La classification A était privatisée, ce qui n'est pas un avantage pour le consommateur. À certains égards, elle en est peut-être un, mais ce n'est pas un véritable avantage pour le consommateur. Quant à l'inspection de la viande destinée aux consommateurs, non seulement au Canada, mais aussi sur le marché d'exportation, c'est à l'avantage du pays.

Certaines de ces choses peuvent être dissociées. La difficulté, c'est que chaque fois qu'on impose le recouvrement des coûts à quelqu'un, l'intéressé regimbe contre ces nouveaux frais qu'il n'accepte pas de payer. À mon avis, il bénéficie d'une inspection gratuite depuis des années. On a simplement fini par s'aligner sur ce que font d'autres pays. On essaie par le recouvrement des coûts de faire payer aux usines ce dont elles bénéficient.

M. Hoeppner: Est-ce que j'ai encore le temps? J'aimerais continuer.

Le président: À la prochaine ronde.

Monsieur Leng, à propos de ce que vous dites au sujet du comité consultatif, au paragraphe 10.(3), on dispose qu'un ministre peut nommer toute personne ayant une formation ou une expérience pertinente, «notamment, des personnes appartenant soit aux secteurs de l'agriculture, des pêches, de la transformation ou de la distribution des aliments ou de la santé publique, soit à des groupes de consommateurs, soit encore à des gouvernements provinciaux ou municipaux». Il est donc très clair que le ministre a la possibilité de nommer des représentants de gouvernements provinciaux. Comme vous le dites, il n'est pas spécifiquement fait mention des syndicats - je le reconnais - mais on n'exclut certainement pas la possibilité d'une représentation provinciale au comité consultatif.

Je tenais à le préciser. Rien ne dit que les gouvernements provinciaux ne peuvent pas être représentés au comité consultatif.

M. Leng: Je suis d'accord avec vous. Rien ne l'interdit. Il y aura 12 membres au comité. Mais on ne dit nulle part qu'il y aura des représentants provinciaux. La possibilité existe, vous avez raison. Mais, pour notre part, nous voudrions avoir l'assurance que tous seront inclus. Voilà ce que nous disons, et non pas que nous ne le pouvons pas.

.0935

Le président: J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Cummins.

J'en déduis de ce qu'a dit M. Cummins que dans le cas de l'inspection du poisson sur la côte ouest on a mis en place un système de l'analyse des risques et de la maîtrise des points critiques (HACCP).

Monsieur Leng, si ce système est en place dans le cas de l'inspection du poisson et qu'il fonctionne - et j'ai assez confiance que s'il est en place il fonctionne, et du reste il fonctionne de toute évidence, puisque personne n'en conteste la validité - et s'il en résulte des efficacités, que la salubrité est assurée et qu'il est tenu compte de tous les autres sujets de préoccupation, avez-vous des objections à ce qu'on fasse encore plus appel à ce genre de système d'inspection dans d'autres secteurs au Canada?

Vous demandez pourquoi vouloir changer quelque chose qui fonctionne bien; or, justement, si le système est en place et qu'il fonctionne, s'il ne cause pas de difficultés, alors pourquoi ne pas l'étendre?

M. Leng: Il existe certainement des secteurs où on pourrait l'implanter, et je n'ai aucune objection à cela. Je pense qu'il faudrait le faire.

Ce que je veux, c'est que dans les usines, pour ce qui est des maladies dont des animaux peuvent être atteints, ils ne remplacent pas les inspecteurs du gouvernement qui effectuent des inspections carcasse par carcasse, volaille par volaille. Je ne m'oppose pas à ce qu'on étende le système HACCP; je pense qu'il faudrait le faire. Mais ce devrait être un ajout, et il contribuera grandement à améliorer la sécurité que le système garantit aux consommateurs et au marché d'exportation.

Le président: Je me suis toujours posé la question. Je sais que notre système fonctionne et qu'il fonctionne très bien, mais j'ai vu des usines de conditionnement de la volaille où l'inspecteur voit défiler de 150 à 200 oiseaux à la minute. Je doute pour ma part qu'un inspecteur puisse inspecter individuellement chaque volaille.

En définitive, est-ce que la fonction de l'inspecteur ne consiste pas à surveiller l'ensemble du système pour s'assurer de la qualité du produit en bout de ligne? Quand vous parlez d'inspection carcasse par carcasse et volaille par volaille, voulez-vous dire que vous pensez que l'inspecteur devrait concrètement inspecter chaque carcasse? Nous ne le faisons pas maintenant, et tout fonctionne très bien.

M. Leng: Je pense que nous faisons une inspection carcasse par carcasse et volaille par volaille. Sans qu'on les manipule, une grande partie de l'inspection se fait visuellement. Chaque inspecteur surveille telle ou telle partie de l'animal pour y dépister d'éventuelles maladies.

Ce qui me préoccupe, c'est que si on supprime cette tâche pour la confier à des employés d'usines, les usines n'ont pas l'intention d'embaucher davantage. Ils veulent appliquer leur système avec les pareurs de carcasse qu'ils ont, et je ne pense pas que cela fonctionnera.

Ils ont accéléré la cadence, passant de 26 à 120 volailles à la minute, et c'est pourquoi nos inspecteurs ont besoin de pauses fréquentes. Je peux vous assurer que certaines de ces usines n'accordent pas ces pauses à leurs employés. Il est bien certain qu'après 45 minutes d'inspection à ce rythme on commence à chanceler. C'est pourquoi il faut constamment assurer le roulement des inspecteurs, afin qu'aucun symptôme de maladie ne leur échappe.

Le président: Il faut reconnaître qu'il existe une communauté d'intérêts entre l'usine et les inspecteurs. L'usine, tout comme le service d'inspection, a intérêt à assurer la qualité, l'innocuité, la salubrité, etc., du produit final.

M. Leng: Je suis évidemment d'accord avec vous. Aucun propriétaire d'usine ne veut saboter son entreprise. Je suis le premier à le reconnaître.

Mais pour avoir longtemps travaillé dans les usines, je sais que quand il faut absolument produire, on commence à prendre des raccourcis. Ils rencontrent leurs contremaîtres ou contremaîtresses tous les lundis matin et veulent savoir pourquoi les coûts augmentent. Ils veulent les voir descendre. Ce sont eux qui vont essayer de couper au plus court, pas les propriétaires d'usines. Eux ne veulent pas saboter leur entreprise.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole? Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur le numéro 29, à la page 7. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le comité consultatif devrait avoir le pouvoir de conseiller le ministre et l'agence sur toute question qu'il considère importante. Je pense aussi qu'il est très important que le comité consultatif ne soit pas impuissant. À quoi sert-il si seul le ministre peut lui soumettre une question?

En vérité, c'est le secteur qui a des préoccupations et qui devrait en faire part au ministre. N'êtes-vous pas d'accord là-dessus? Est-ce ce que vous nous dites?

M. Leng: Oui, je suis d'accord avec vous, mais il n'y a rien de mal à ce que l'industrie s'entretienne avec l'agence quand elle a des sujets d'inquiétude que le comité consultatif pourrait examiner. Je ne voudrais pas les exclure; c'est certain.

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Je ne pense pas qu'il faille exclure le moindre groupe. On m'a toujours dit que deux têtes valent mieux qu'une. Il y a plein de gens qui ont de bonnes idées et des sujets de préoccupation, et certains ont des inquiétudes que d'autres n'ont peut-être pas.

M. Hoeppner: Ce qui me préoccupe - et peut-être que je me trompe - c'est que si le ministre est le seul à pouvoir soumettre des questions au comité consultatif, on a alors affaire à un comité consultatif politique, et non pas à un comité consultatif de l'industrie. Je m'y opposerai avec véhémence.

M. Leng: Oui, et c'est bien ce que nous disons. On devrait pouvoir soumettre au comité des questions provenant d'ailleurs - de votre comité, par exemple, ou de tout autre groupe - et non pas simplement du ministre. Je suis parfaitement d'accord avec vous.

M. Hoeppner: Mon autre question a trait à l'harmonisation avec les provinces. Avez-vous les directives ou la réglementation applicables en matière d'inspection provinciale des viandes et les avez-vous comparées aux vôtres? Les deux systèmes diffèrent-ils beaucoup?

M. Leng: Je n'ai pas les directives. Chose certaine, je suis allé dans des usines inspectées par les autorités provinciales et dans d'autres inspectées par les autorités fédérales. L'une des grandes différences, c'est qu'habituellement le seul moment où il y a un inspecteur dans une usine provinciale, c'est au moment de l'abattage. Il va sans dire que pour une partie du commerce d'exportation, c'est le pays importateur - et le Japon en est un exemple - qui demande une inspection continue.

Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de différences, mais il est certain que les usines comme telles doivent faire plus pour respecter les normes fédérales, en raison du commerce d'exportation. Mais l'inspection de base est essentiellement la même.

M. Hoeppner: Dans certaines communautés rurales, il arrive que de petites installations de conditionnement provinciales ne peuvent pas se doter de parcs pavés ni respecter les normes qu'impose la loi fédérale. Comment pensez-vous que nous puissions y remédier?

M. Leng: Je pense que les provinces et le gouvernement fédéral doivent en discuter.

En fin de compte, il faudra peut-être libérer des fonds si l'on veut améliorer la situation. Cela s'est fait dans d'autres provinces. Je sais qu'en Alberta on a versé beaucoup d'argent à différentes usines pour assurer le respect des normes. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais c'est un objectif vers lequel nous devons tendre, soit avoir un système d'inspection et une même norme.

M. Hoeppner: D'après les prévisions du gouvernement, d'ici à 1998-1999 nous aurons économisé quelque 44 millions de dollars. Pensez-vous que ce soit possible, ou est-ce voir la vie en rouge comme les libéraux?

Une voix: C'est une belle vision.

M. Leng: Je suis un peu sceptique.

Les autorités ministérielles doivent savoir mieux que moi où elles pensent pouvoir réaliser ces économies. D'après les documents que j'ai consultés, ce qui me préoccupe, c'est qu'on dit que cela équivaut à 400 années-personnes. Nous avons déjà tellement réduit le personnel d'inspection de première ligne que si nous devons supprimer encore 400 postes, nous serons en difficulté.

M. Hoeppner: Vous ne voyez pas comment on pourra s'y prendre pour réaliser ces économies de 44 millions de dollars?

M. Leng: Eh bien, ils doivent bien penser à quelque chose, sinon ils n'en parleraient pas, je suppose.

Nous sommes disposés à travailler avec eux pour voir où on peut économiser. Une fois les trois services fusionnés, il y aura probablement des chevauchements, mais je peux vous dire qu'il n'y en a pas énormément.

Peut-être qu'avec la collaboration des provinces, si elles s'y mettent aussi, on pourrait réaliser ces économies de 44 millions de dollars.

M. Hoeppner: Il est très important de convaincre les gens à l'extérieur d'Ottawa que c'est possible, parce que si nous ne le faisons pas, nous allons être en difficulté à un moment ou l'autre.

M. Leng: Oui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hoeppner.

Monsieur Leng, si vous voulez ajouter quelque chose, n'hésitez pas à le faire maintenant. Dans le cas contraire, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu. Vous avez très bien exposé vos inquiétudes et présenté votre position ce matin. Le comité va continuer de siéger pendant la journée, et nous prendrons quelques jours pour réfléchir à la question et discuter davantage entre nous de ce que nous devrions faire eu égard à ce texte de loi. Merci pour votre participation. Nous vous souhaitons bonne chance.

M. Leng: Merci de nous avoir invités à comparaître. Nous sommes impatients de collaborer avec l'agence et le comité dans l'avenir.

Le président: Merci.

La Fédération canadienne de l'agriculture devait comparaître, je crois, vers 10 heures. Je n'en vois pas les représentants encore, et c'est pourquoi nous allons maintenant faire une brève pause jusqu'à leur arrivée.

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Le président: Nous allons peut-être attendre quelques minutes. Il y a quorum, mais les membres du Bloc québécois ne sont pas ici. Comme ils ont laissé leurs affaires, ils vont certainement revenir. Nous allons donc les attendre un peu, et s'ils ne reviennent pas nous poursuivrons.

Entre-temps, je vais m'excuser auprès de M. Crawford. J'avais pris son nom en note. Il voulait poser une question aux témoins précédents, puis j'ai fini par l'oublier. Apparemment, il les a rattrapés dans le couloir et leur a posé personnellement sa question, mais cela ne figurera pas au compte rendu, et je m'en excuse. Rex, je n'ai pas fait exprès. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.

Une voix: Monsieur le président, peut-être M. Crawford pourrait-il nous expliquer, en attendant, quelle était sa question. Cela pourrait nous intéresser.

Le président: Il peut le faire s'il le veut.

M. Crawford (Kent): Ils ont dit qu'ils inspectaient 120 volailles à la minute. J'ai été inspecteur en chef pour une entreprise et j'essaie de me rappeler la cadence que nous suivions pour l'inspection des volailles. C'est impossible. Ils doivent utiliser un système de courroie, et je pense que c'est bien ce qu'ils font, qu'ils utilisent une courroie. Visuellement, on ne peut pas inspecter 120 volailles à la minute; c'est impossible.

Le président: L'ont-ils reconnu?

M. Crawford: Non. Il a dit qu'ils inspectent chaque volaille individuellement. C'est impossible.

Le président: Très bien. Je pense qu'il vaudrait mieux commencer.

Madame Sally Rutherford, de la Fédération canadienne de l'agriculture, peut-être pourriez-vous présenter votre collègue et présenter votre exposé. Soyez la bienvenue à nouveau au comité, Sally. Vous êtes une figure bien connue, et nous sommes heureux de vous accueillir.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Je m'appelle Sally Rutherford. Je suis la directrice générale de la Fédération canadienne de l'agriculture, et je suis accompagnée par Jennifer Higginson, analyste de la politique auprès de la Fédération qui s'occupe du dossier de l'Agence fédérale d'inspection des aliments.

Jack Wilkinson, président de la Fédération, ne pouvait pas comparaître aujourd'hui et m'a priée de vous présenter ses excuses. Comme un bon nombre d'entre vous le savent, c'est l'époque de l'assemblée annuelle pour les organisations agricoles, et les présidents sont répartis un peu partout dans le pays aujourd'hui. Il est donc un peu difficile d'essayer de tout faire.

J'aimerais d'abord dire que je me sens un peu intimidée. On m'a dit quand je suis arrivée que la terre s'était arrêtée de tourner pour moi - et c'est flatteur. Par ailleurs, on m'a dit que les témoins précédents n'avaient plus grand-chose à dire et étaient partis tôt. Tout juste avant, là où j'étais, à une réunion du Conseil du Trésor sur le recouvrement des coûts, M. Bulmer m'a dit qu'il espérait que j'avais eu l'occasion de voir son mémoire, parce qu'on l'avait acclamé à tout rompre. Je ne sais pas quel accueil on me réservera, mais nous verrons.

J'ai dit à Art Olson, qui était aussi là, que j'allais venir lui faire la vie dure comme à l'habitude, et que cela faisait partie du jeu. Mais, à vrai dire, c'est avec le plus grand sérieux que nous allons vous présenter nos observations.

Le mémoire compte essentiellement deux parties... en fait trois, je dirais. Dans la première on trouve des observations assez générales sur le principe d'une agence unique d'inspection des aliments; dans la deuxième on traite du financement; et dans la dernière il est question de différents articles du projet de loi qui nous causent quelques préoccupations. Selon le temps dont nous disposerons, je pourrai certainement vous les présenter aussi.

Comme vous le savez, la FCA est un organisme cadre représentant la majorité des familles agricoles du Canada. Il s'agit de gens qui ont des exploitations agricoles d'un bout à l'autre du pays et qui produisent pratiquement tous les produits imaginables. C'est pourquoi ils seront tous, d'une façon ou d'une autre, touchés par la nouvelle agence fédérale d'inspection des aliments. La façon dont cette agence sera créée et son fonctionnement les préoccupent.

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Je crois que peut-être à titre de députés vous devenez également plus conscients de l'impact sur vos commettants de programmes comme le programme de recouvrement des coûts, ainsi que de l'impact d'agences spéciales sur la situation financière des intéressés.

Maintenant que nous entrons dans une ère où les rôles du gouvernement et de l'industrie changent, tant l'État que l'industrie doivent être disposés à créer de nouvelles relations. On ne pourrait en douter. Rien ne peut se faire à sens unique. Dans bien des cas, la définition de nouvelles activités et la continuation et l'amélioration des activités en cours dépendront du degré de confiance mutuelle et de la capacité de collaborer.

De plus, nous croyons que la complexité des règles sur le secret et une tendance toujours très forte à contrôler sont autant d'éléments qui entravent les efforts véritables de collaboration. Consultation, négociation et partenariat sont des mots qui ne signifient pas la même chose pour le gouvernement et le secteur privé. Pour réussir à changer les rôles et à établir de nouvelles relations, il nous faut reconnaître l'existence de ces différences et déployer de vrais efforts pour les atténuer. J'espère que la réunion que tient aujourd'hui le Conseil du Trésor permettra de régler certains problèmes; enfin la réunion ne porte pas simplement sur l'établissement des lois, par exemple, mais sur toute la façon dont le gouvernement compose avec les nouveaux organismes et les nouveaux rapports.

Le projet de loi dont il s'agit ici constitue un bon exemple de cela. La FCA est d'accord, depuis le début, pour rationaliser les efforts visant à réduire le coût et à accroître l'efficacité du système. Le processus de consultation sur la structure de la nouvelle entité rationalisée était bon, dans la mesure où on s'en est servi. Du point de vue de l'industrie, une des principales faiblesses tient au fait qu'il n'existe, même au moment où le projet de loi franchit les diverses étapes d'examen au Parlement, aucun plan d'entreprise véritable avec analyse des coûts et projections réalistes des revenus que l'État partagerait avec les parties qui sont en fait les actionnaires.

À mesure que les régimes de recouvrement des coûts deviennent des éléments de la vie commerciale, le gouvernement doit comprendre que, comme dans tout autre contexte d'affaires, ce sont ceux qui paient qui décident. Quand l'industrie est obligée de payer des droits d'usager, elle estime non seulement être un intervenant, mais aussi un actionnaire.

De ce point de vue, il est assez difficile de faire des commentaires sur le projet de loi C-60. Ce dernier, comme toute autre nouvelle mesure législative, est une loi habilitante. La plupart des détails se trouveront dans les règlements, qu'il ne nous sera pas donné d'examiner. Le financement de l'agence ne nous semble pas très clair non plus.

Entendre affirmer, par exemple, qu'il n'y aura pas de nouveaux droits pour le recouvrement des coûts pendant la première année d'existence, soit du 1er avril 1997 au 31 mars 1998, alors que l'industrie sait que toute une nouvelle batterie de droits sera imposée le 1er avril 1997, suscite au mieux un certain scepticisme et, au pire, de la méfiance.

Le fait que la loi crée un organisme d'inspection des aliments autonome sans qu'il soit dit clairement qu'il aura des comptes à rendre à des intervenants/actionnaires nous donne à réfléchir. Sur quoi nous demande-t-on notre avis?

Il faut noter que dans les consultations menées l'an dernier au sujet de la forme que prendrait le nouvel organisme, la FCA n'a pas choisi l'option finalement retenue. En fait, la fédération a rejeté l'idée d'un organisme autonome, ses préférences allant à un organisme directement relié au ministère de l'Agriculture, pour une question d'obligation redditionnelle. Une expérience récente, avec un organisme similaire, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ne fait que renforcer la FCA dans ses craintes.

La FCA est heureuse que le projet de loi exige la création d'un comité consultatif, car cela constitue un élément essentiel du texte. Il est plutôt décourageant de noter que les responsabilités de ce comité ne sont pas énoncées dans le projet de loi. Pour que ce comité soit efficace, il doit avoir pour mandat de procéder chaque année à un examen du rendement de l'agence et à un examen de son barème de droits.

Le comité consultatif mixte des programmes de gestion, créé pour superviser la refonte du programme canadien des médicaments vétérinaires, est un exemple d'un comité consultatif qui remplit bien son rôle. Il s'appuie sur les règlements pour établir un lien entre les droits et le rendement. Les responsabilités confiées au comité pourraient servir de modèle au comité consultatif de l'Agence d'inspection des aliments. La reddition des comptes en serait améliorée.

Les agriculteurs devraient être solidement représentés au sein de tout comité consultatif de la nouvelle agence.

Le financement de l'agence est sans doute l'aspect le plus controversé en ce qui concerne la création de celle-ci. Il est donc paradoxal que ce soit aussi la question sur laquelle nous ayons le moins de renseignements à étudier. Nous savons combien on se propose d'économiser, mais nous ne savons pas vraiment combien on a l'intention de dépenser, ni pourquoi cet argent sera dépensé.

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Quant à la somme de 44 millions de dollars que l'ACIA devrait économiser grâce à une combinaison de réduction, d'évitement et de recouvrement des coûts, on l'obtient en se fondant sur l'idée que les trois ministères réaliseront une économie de 10 p. 100 dans leurs dépenses totales. Il est donc évident - et il n'a pas fallu faire de longs calculs pour arriver à cette conclusion - que le budget global de l'agence pour la deuxième année sera de 440 millions, moins, nous l'espérons, 44 millions d'économies, ce qui donnera 396 millions. Si l'on suit cette logique, l'agence disposera d'un budget de 440 millions la première année.

La FCA aimerait s'assurer que tous les membres du comité comprennent que, s'il est vrai que l'agence ne cherchera pas à réaliser des économies pendant sa première année d'exercice, il n'en restera pas moins que l'industrie agricole déboursera 52,5 millions de dollars en droits, au titre du recouvrement des coûts, 13,6 millions de plus que durant l'exercice 1996-1997 - on m'a dit ce matin que dans un exposé qu'il a présenté hier le ministère a dit qu'il s'agissait plutôt de 20 millions de dollars - des services d'inspection, d'après le plan d'alignement commercial élaboré par la direction d'AAC. Cela représentera 27,5 p. 100 du budget de la Direction générale de la production et de l'inspection. Ces coûts sont très élevés et reviendront chaque année.

Rien d'étonnant, donc, à ce que nous nous inquiétions quand on nous dit que l'agence cherchera à économiser 44 millions de dollars en réduisant, en évitant et en recouvrant des coûts. Nous espérons que les membres du comité n'oublieront pas que l'industrie agroalimentaire canadienne doit rester vigoureuse et compétitive.

Le nombre sans cesse croissant des mesures de recouvrement des coûts inquiète beaucoup les producteurs agricoles. La FCA juge qu'il serait utile et opportun de calculer la facture totale du recouvrement des coûts que paie le secteur agricole et d'en évaluer les conséquences pour les producteurs.

À présent que nous avons exprimé nos deux grandes préoccupations à l'égard du projet de loi, j'aimerais parler plus expressément d'articles du projet de loi qui nous préoccupent.

Article 2 - il y a d'autres articles qui découlent de cette disposition, toute une série qui figure à la page 5, où on dit que le «ministre» est la personne chargée par «le gouverneur en conseil de l'application de la présente loi» - on nous a dit qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, que ce libellé suit les lignes directrices du Conseil du Trésor sur la façon dont on doit faire les choses.

Pour être honnêtes, peu nous importe ce qu'on doit faire pour simplifier ou rationaliser les choses. L'industrie dans son ensemble, à mon avis, voudrait que le ministre de l'Agriculture soit responsable de cette loi. Le fait qu'on veuille respecter les lignes directrices d'efficacité du Conseil du Trésor pour que ce dernier n'ait pas à communiquer avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire chaque fois qu'on a besoin d'une modification législative ne suffit pas pour expliquer pourquoi le ministre n'est pas nommé dans le projet de loi.

L'article 21 propose la constitution de personnes morales fédérales-provinciales; cela faciliterait la rationalisation de la prestation de services d'inspection des aliments par les gouvernements fédéral et provinciaux; mais il convient aussi de prendre en compte l'effet que cela risque d'avoir sur l'obligation de l'agence de rendre compte aux utilisateurs du système. Nous craignons que la création de nombreuses personnes morales dans chaque province n'affaiblisse l'obligation de rendre compte aux utilisateurs.

Cela ne veut pas dire que cela ne serait pas efficace, mais pour l'instant il n'existe aucun système redditionnel, ou, s'il existe, il n'est pas évident pour l'utilisateur. C'est une chose qui deviendra toujours plus importante, puisque le gouvernement a décidé de prélever des droits de service et de procéder à des programmes de recouvrement des coûts. Il s'agit là, tout compte fait, d'un nouveau système d'imposition qui n'a rien à voir avec le revenu gagné ou généré; et les gens voudront avoir un système de reddition des comptes beaucoup plus clair et transparent que celui qui existe actuellement. Nous sommes inquiets du fait qu'aucun système semblable n'est prévu dans le projet de loi.

Il y a une liste d'autres articles qui touchent la désignation du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Les deux autres dispositions, les articles 70 et 71, portent directement sur les indemnisations. La FCA a fait partie du groupe de travail qui a examiné le programme d'indemnisation pour animaux détruits, et elle est très heureuse des recommandations formulées à l'issue du processus de consultation, des recommandations qui ont été intégrées dans ce projet de loi. Nous nous inquiétons du fait, cependant, que la loi actuelle attribue au gouverneur en conseil plutôt qu'au ministre la responsabilité d'ordonner le versement de l'indemnité. Nous sommes d'avis que cette responsabilité doit continuer d'appartenir au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

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Versement d'une indemnité pour les choses dont on a ordonné la destruction et pour les traitements exigés par la Loi sur la santé des animaux: à l'heure actuelle, la loi et le programme autorisent le versement d'une indemnité pour les animaux et pour les traitements. Il y a d'autres frais, tels que ceux entraînés par la mise en quarantaine, qui sont directement attribuables à la loi. Le programme devrait donc les couvrir aussi. Cela favoriserait la déclaration rapide des maladies, ce qui est l'objectif du programme. Nous proposons que cette indemnisation soit prévue dans le projet de loi.

Passons à l'article 94, qui porte sur l'entrée en vigueur de la loi. Le manque d'information financière et l'absence de l'obligation de rendre compte ont fait l'objet de commentaires dans notre mémoire et ailleurs. Nous pensons donc qu'avant l'entrée en vigueur de la loi il faudra que soit pris l'engagement de fournir certains éléments d'information essentiels aux intervenants/actionnaires.

La loi ne doit pas entrer en vigueur tant qu'un plan d'entreprise et un budget n'auront pas été dressés et que la Chambre ne les aura pas approuvés.

Bref, les agriculteurs du Canada sont heureux d'avoir pu vous communiquer leurs observations sur ce dossier important. Nous sommes heureux des efforts déployés par le gouvernement pour rationaliser ces programmes. Nous savons pertinemment qu'il fallait réformer le système et assurer la rationalisation du système d'inspection, tout particulièrement entre les paliers municipal, provincial et fédéral. Nous savons qu'à bien des égards il s'agit là d'un élargissement du plan d'alignement, puisqu'on essaie de déterminer ce dont l'industrie a besoin, et ce qu'elle désire vraiment.

Je crois qu'il importe de rappeler qu'il est essentiel, non pas simplement pour le producteur agricole primaire, mais également pour tous les intervenants, d'assurer la sécurité des produits alimentaires canadiens, non pas simplement pour la santé et la sécurité des Canadiens, qui est certainement l'objectif fondamental, mais aussi pour des raisons simplement commerciales. Sans ces systèmes, nous ne pourrons pas avoir un secteur commercial sain. Nous avons donc besoin de ces services.

Une des grandes lacunes du projet de loi, c'est qu'on n'y définit pas ce qu'on entend par bien public et bien particulier; cependant, c'est de ces notions que doit s'inspirer l'agence dans ses activités, son fonctionnement et son financement. Même si ces notions ne semblent peut-être pas très pertinentes, la façon dont les droits seront prélevés pour financer les activités de l'agence devient un élément fondamental de ce que sera en fin de compte cette agence.

Si les clients abandonnent le service en grand nombre parce qu'ils considèrent qu'il ne vaut pas le coup, ce que l'agence peut vraiment faire sera remis en question. Si l'on ne définit pas clairement ce qui constitue le bien public, le rôle du gouvernement fédéral dans la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens et ce que le gouvernement est disposé à financer à même les deniers publics, cela également remettra en question le rôle et le fonctionnement de l'agence.

Encore une fois, je le souligne, il est très difficile de commenter les dispositions précises du projet de loi. Dans bien des cas, il s'agit de dispositions d'ordre juridique qui constituent l'agence, mais qui, très franchement, ne portent pas sur ce qui nous intéresse et nous préoccupe.

Cela dit, je répondrai avec plaisir à toute question.

Le président: Merci, Sally. Nous allons commencer par M. Reed.

M. Reed: Merci, monsieur le président.

J'aimerais peut-être cerner deux points. D'abord, vous avez parlé des fonctions du comité consultatif. Vous avez parfaitement raison. On devrait certainement définir ses fonctions de façon à ce que le ministre sache à quoi s'attendre de ce comité.

Ensuite il y a la question du ministre même. Évidemment, je pense que nous sommes tous convenus qu'en dernière analyse c'est le ministre de l'Agriculture qui devra rendre des comptes à la Chambre des communes. Vous l'avez déclaré à plusieurs reprises très catégoriquement, et je comprends pourquoi cette question vous touche de près. Mais je me demande si vous n'exagérez pas un peu. Je me permets de vous faire remarquer que dans une vie antérieure, comme député provincial, je me souviens que nous avions un ministère de l'Énergie, un ministère des Ressources naturelles, un ministère de l'Agriculture, etc. Depuis lors, on a changé les noms. On a réuni ensemble l'Énergie et l'Environnement - il s'agit de l'Ontario - et il semblerait que l'Environnement et les Ressources naturelles seront peut-être fusionnées dans l'avenir, etc.

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Bien que je convienne que pour l'instant c'est le ministre de l'Agriculture qui devra rendre des comptes, avec le temps les choses pourraient changer dans l'avenir, et il se pourrait que les ministères et les responsabilités des ministères évoluent. On pourrait par conséquent prévoir une nouvelle affectation des responsabilités ministérielles.

C'est simplement une idée. Cela ne se produira pas cette année, mais bien après mon départ il se peut qu'un changement soit nécessaire.

Mme Rutherford: À vrai dire, je comprends ce que vous voulez dire. Toutefois, de notre point de vue, cela n'a pas d'importance. La question va plus loin que ce simple projet de loi. C'est toute la question du gouvernement responsable, des projets de loi, des règlements et des directives ministérielles qui sont adoptés actuellement et des ordonnances ministérielles de fixation de prix.

De notre point de vue, il s'agit peut-être du commencement de la fin si tout fonctionne si incroyablement bien, si incroyablement efficacement, qu'il n'est plus nécessaire d'apporter le plus petit changement en adoptant, une fois par année, un projet de loi cadre. L'industrie serait considérablement rassurée si ce projet de loi relevait d'un ministre en qui nous avons confiance, qui a cette responsabilité maintenant. À notre avis, ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas nommer le ministre dans le projet de loi. Oui, je comprends, il faut rationaliser, mais il faut également trouver un équilibre entre le bien public et le bien particulier. Il faut également, à mon avis, trouver un équilibre entre ce qu'il faut dans un projet de loi pour la population et pour les intéressés - ce qui leur donnera vraiment l'impression que ce projet de loi est pour eux - et un bout de papier qui accorde aux responsables du Conseil du Trésor et du Cabinet du premier ministre, ou du Bureau du Conseil privé, quinze minutes de plus pour trouver une solution. C'est vraiment une question aussi fondamentale.

M. Reed: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Monsieur Landry.

M. Landry: À la page 3 de votre mémoire, on lit:

J'ai cru comprendre que vous aviez dit dans votre exposé que ces coûts étaient passés de 13,6 à 20 millions de dollars. J'aimerais que vous m'expliquiez cette différence de l'ordre de 7 millions de dollars.

[Traduction]

Mme Rutherford: Essentiellement, il s'agit de la différence entre 13 et 20 millions de dollars. J'ai parlé de 20 millions de dollars. Flowers Canada a fait un exposé lors d'une réunion ici à Ottawa hier. On y a présenté le plan d'alignement commercial qui figure dans ce total. On y a parlé de 20 millions de dollars plutôt que de 13,6 millions de dollars. Là encore, cet exemple explique nos préoccupations.

Les chiffres changent d'une semaine à l'autre, ce qui se comprend à certains égards. Quand on prépare le plan d'entreprise les chiffres se précisent. D'autre part, nous sommes ici à examiner ce projet de loi, cette semaine, mais qu'avons-nous sauf une boîte? Vous aimez cette boîte ou vous ne l'aimez pas, mais vous n'avez aucune idée de ce qu'on y trouvera; donc il est très difficile de se prononcer.

.1020

[Français]

M. Landry: J'ai une autre question concernant le premier paragraphe de la page 2, où l'on dit:

Est-ce que ce projet de loi C-60 vous donne confiance ou vous cause des inquiétudes? Et si vous avez des inquiétudes, quelles sont-elles?

[Traduction]

Mme Rutherford: Comme je l'ai mentionné, ce n'est pas particulièrement ce qui se trouve dans ce projet de loi qui nous met mal à l'aise. Le modèle retenu n'était guère notre premier choix. L'an dernier, on a présenté plusieurs options à l'industrie, notamment celle-ci. Il a été question également d'un groupe qui continuerait à relever directement du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, modèle que nous préférons parce que, justement, il comporte l'imputabilité directe. Vu le libellé actuel du projet de loi, c'est notre principale préoccupation.

Le gouvernement a choisi une voie différente, et nous apprendrons à nous accommoder de ce modèle - mais peut-être jamais à l'aimer. Aucune des dispositions du projet de loi ne nous crée des problèmes particuliers, à l'exception de celles qui figurent à la fin de notre mémoire. Nous déplorons en fait tout simplement la pénurie de détails sur lesquels nous prononcer.

La grande question pour l'industrie dans son ensemble, c'est comment fonctionnera cette agence. C'est vraiment l'aspect le plus important, puisque son fonctionnement aura une incidence directe sur les exploitants, sur leurs entreprises. Les gens ne savent pas vraiment à quoi s'en tenir, et c'est ce qui commence à les rendre nerveux, pas uniquement le projet de loi et cette agence, mais toutes les autres choses et tous les autres concepts aussi.

Comme je l'ai dit, après avoir assisté à une réunion du Conseil du Trésor où les participants ont commencé à lancer d'autres concepts de gouvernement, j'ai certes matière à réfléchir. Franchement, si j'étais députée, je serais très nerveuse à l'idée de déterminer en quoi consisterait ma tâche dans cinq ans. Qu'est-ce que vous pourrez vraiment revoir à la fin, et combien de choses se feront par décision arbitraire au niveau de la fonction publique?

Nous nous inquiétons vraiment de savoir comment fonctionnera l'agence dans l'avenir. En théorie, elle fonctionnera sans lien de dépendance. Lorsque nous comparaîtrons devant ce comité pour vous parler et parler au ministre responsable, même si l'on précisait dans la loi qu'il s'agit bel et bien du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, jusqu'à quel point sera-t-il responsable et quelles seront les voies hiérarchiques?

Il faut bien reconnaître que dans le cas de cette agence et dans le cas d'autres semblables, on n'a probablement pas beaucoup réfléchi à cet aspect. Nous sommes tous sur un terrain nouveau, et il faut mettre au point des systèmes. Nous sommes très inquiets, mais nous espérons que l'on donnera vraiment à l'industrie la possibilité de déterminer ces systèmes, car il est très important que l'industrie, dans son ensemble, soit à l'aise avec ces systèmes.

[Français]

M. Landry: Madame la présidente, votre groupe croit-il à cette économie de 44 millions de dollars?

[Traduction]

Mme Rutherford: À notre connaissance, oui. À certains égards, c'est une question de confiance. On nous a donné des chiffres, et le compte est bon. J'en conclus que les témoins précédents viennent tout juste de vous dire que le compte n'y est pas. C'est une question de jugement, à notre avis. Nous sommes d'un naturel confiant, et si M. Doering nous dit que c'est 44 millions de dollars, nous croyons que ce sera 44 millions de dollars.

.1025

Là encore, le problème vient du fait que les chiffres changent. Il y a quelques semaines,44 millions de dollars représentaient de 10 à 15 p. 100. Un peu plus tard, nous apprenons que le Conseil des viandes du Canada a une lettre dans laquelle il est dit que 44 millions de dollars représentent 10 p. 100, et non pas de 10 à 15 p. 100. Cela change le montant total. Il s'agit de 10 ou15 p. 100 de quoi?

Il y a quelques semaines, on parlait de 13 millions de dollars. Hier, on semblait dire que c'était 20 millions de dollars. Je suppose que les gens commencent à s'inquiéter un peu, car ces chiffres changent, selon le présentateur, ou le jour de la semaine, et on commence à s'étonner.

La question, c'est que c'est nous qui allons payer. Si le gouvernement allait tout payer à même les deniers publics, certains se présenteraient sans doute ici pour dire: il faut réduire, c'est trop, et c'est tout. Mais parce que c'est l'industrie qui devra assumer une large part de la facture, c'est le revers de la médaille, nous allons accorder beaucoup d'attention aux dépenses et au fonctionnement.

Enfin, nous croyons ces chiffres, mais nous ne savons pas vraiment ce qu'ils signifient.

[Français]

M. Landry: Vous venez de dire que c'est l'industrie qui devra payer la note. Est-ce que ce ne sera pas aussi le consommateur?

[Traduction]

Le président: Voulez-vous conclure?

Mme Rutherford: Certainement, ce sera le consommateur. Je viens de laisser John Geci, qui disait à qui voulait l'entendre qu'il voulait que le recouvrement des coûts soit transparent au point qu'on saurait ce que coûte une boîte de soupe à l'épicerie. On verra.

Le président: Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.

Sally, j'aimerais lever le couvercle de la boîte et voir un peu comment cela fonctionne à l'intérieur.

Mme Rutherford: Excellent.

M. Calder: J'ai bien pensé que ce serait votre avis. En ce qui concerne les comptes à rendre aux utilisateurs, j'aimerais proposer que les inspecteurs fédéraux et provinciaux travaillent de concert.

Nous savons que le service d'inspection fédéral est essentiel - il n'est pas permis aux inspecteurs fédéraux des viandes ou des aliments de faire la grève - mais ce n'est pas le cas à l'échelle provinciale. Nous avons vécu cela avec les membres du SEEFPO l'an dernier, lors de la grève des inspecteurs provinciaux des viandes.

Voici ma question - et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si les inspecteurs fédéraux et provinciaux travaillent ensemble dans le cadre de cette même agence et que les inspecteurs provinciaux sont responsables du boeuf et du porc, et les inspecteurs fédéraux de la volaille et du poisson, que les inspecteurs fédéraux ne peuvent pas faire la grève, mais que les inspecteurs provinciaux le peuvent, est-ce que cela ne signifiera pas que l'industrie sera un peu bouleversée? Comment arranger les choses?

Mme Rutherford: Je ne suis pas avocat du travail. Je sais que tenter de tenir compte de nouveaux concepts de gouvernement et de services tout en adoptant les nouvelles contraintes des relations de travail et de la négociation, tout cela sera très difficile. À mon avis, ce serait une farce que de prétendre vous donner une réponse réfléchie, car je ne comprends pas le droit du travail dans ce contexte.

Il ressort clairement toutefois qu'il faut réfléchir à ces questions pour en tenir compte dans l'application de la loi. Il faut prévoir des garanties. Il faudrait par exemple que certains éléments du système d'inspection soient déclarés services essentiels, mais il faudrait inclure cela dans le processus très compliqué de la négociation.

Nous nous préoccupons notamment du fonctionnement des sociétés si les provinces les créent. De qui relèveront-elles? À qui devront-elles rendre des comptes? Comment vont-elles fonctionner? S'agira-t-il d'organismes indépendants? Rien de précis n'est prévu dans le projet de loi qui oblige qui que ce soit à faire quoi que ce soit, et par conséquent ce que les sociétés fédérales-provinciales peuvent vraiment faire n'est pas clair.

.1030

Les questions que vous soulevez sont très importantes pour tout le monde. Je sais qu'elles ont causé des problèmes en Ontario l'année dernière et que certains producteurs ont perdu beaucoup d'argent parce qu'ils ne pouvaient pas mener leurs animaux à l'abattoir. Les problèmes opérationnels de ce genre - car il s'agit bien de problèmes opérationnels - doivent être résolus de façon à éviter de perturber le marché.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames. Je vous écoute avec intérêt. Je suis enthousiasmé par votre exposé, car vous allez droit au but. Ce qui m'étonne, c'est que la FCA s'est toujours occupée de politique, mais votre exposé ne me semble pas teinté de considérations politiques, et je vous en félicite.

Le véritable problème, à mon avis - et vous l'avez cerné parfaitement - c'est que les décisions doivent être prises par ceux qui payent. Comment peut-on en convaincre le gouvernement?

Mme Rutherford: Eh bien, je pense que le message est en bonne voie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, vous avez été mandatés en tant que députée, dans certains cas, par des électeurs qui commencent à se préoccuper des questions de recouvrement des coûts. Nous attendons la prochaine vague pour le 1er avril. Par ailleurs, il n'y a pas que les frais agricoles.

Les gens se rendent de plus en plus compte de ce que les pouvoirs publics leur coûtent. Compte tenu de la réunion de ce matin, comme je l'ai dit, je suis certaine qu'il y a une prise de conscience à ce sujet, et le gouvernement ne pourra pas continuer à l'ignorer.

Les nouveaux organismes devront tenir compte du fait que d'un point de vue politique aussi bien que d'un strict point de vue de gestion, si le secteur privé refuse, par exemple, de payer pour des services de brise-glace dont il ne connaît pas les coûts, la Garde côtière, privée de ressources, devra trouver une solution pour fonctionner différemment. Il s'agit là d'un exemple extrême, mais il est réel et préoccupe les Canadiens.

La plupart des activités du secteur public vont faire l'objet de la même prise de conscience. Nous vivons une situation très volatile, car tout change. Dans la plupart des services dont nous bénéficions, y compris dans cette agence, les idées évoluent, mais la récupération des coûts et les frais de service n'ont pas été élaborés de façon globale. Les deux ont été mis au point de façon séparée, et on essaye actuellement de les amalgamer. Mais le système nécessaire pour y parvenir fait toujours défaut.

Pour tout le monde, y compris pour le secteur agricole, il va falloir du temps pour s'y habituer. Nous savons, par exemple, que d'ici quelques années, une fois qu'on aura pris une certaine expérience et qu'on sera plus à l'aise avec la façon dont les services fonctionnent, le secteur agricole va prendre en charge certains services qui sont actuellement assurés par cette agence, et va les administrer lui-même.

M. Hoeppner: Est-ce que vous voulez dire que les marges bénéficiaires des producteurs sont déjà tellement faibles qu'à un moment donné ils vont trouver que ces services coûtent trop cher? Pensez-vous qu'ils vont refuser d'utiliser votre service d'inspection et qu'ils vont s'adresser ailleurs? Comment pourrait-on réveiller le gouvernement et lui faire comprendre que les utilisateurs n'ont plus de marge de manoeuvre et risquent de tout perdre?

Mme Rutherford: Eh bien, il y aura toujours des élections.

M. Hoeppner: Ah!

Une voix: Qu'on déclenche des élections!

Mme Rutherford: Cela s'en vient. Je pense que la récupération des coûts va constituer un thème important lors des prochaines élections.

Quant aux autres questions que vous soulevez, je pense que cet organisme ne s'occupera pas uniquement d'inspections portant sur la santé et la salubrité. Elle aura aussi d'autres fonctions. Par ailleurs, je pense que personne n'a intérêt à ce que l'on privatise le système d'inspection de la viande et des volailles, tant d'un point de vue de santé et de salubrité que d'un point de vue commercial.

.1035

Dans ce domaine, il est essentiel de maintenir un système gouvernemental de très haute qualité. Le nouvel organisme va assumer un certain nombre d'autres fonctions qui relèvent actuellement de la Direction générale de la production et de l'inspection des aliments à Agriculture Canada; dans bien des cas, les services en question ne sont pas juridiquement indispensables, ou il n'est pas essentiel qu'ils soient assurés par le secteur public. Il s'est trouvé que pour diverses raisons et à cause des changements survenus, le gouvernement en a pris la responsabilité, ou bien, alors qu'on jugeait plus efficace de les confier au gouvernement, on considère maintenant les choses de façon différente, et le secteur privé veut fournir ces services lui-même.

Il va y avoir, je crois, un institut des semences qui va assurer la certification des semences par l'intermédiaire d'un institut privé financé essentiellement par l'industrie privée. Le classement par grade a déjà été privatisé. Mais en plus du système d'inspection des aliments, il y a toute une série de services qui, à notre avis, ne devraient pas être privatisés.

M. Hoeppner: Voilà qui m'amène une autre question à l'esprit. Je remarque avec intérêt que vous avez parlé des élections. Vous nous invitez à nous débarrasser de ces incapables, n'est-ce pas?

Des voix: Ho, ho!

Mme Rutherford: Non, je dis simplement que pour se lancer en campagne électorale, les candidats devront se rendre compte des véritables problèmes qui se posent et des points de vue qu'ils doivent adopter pour bien représenter leur électorat.

M. Hoeppner: J'aimerais aller un peu plus loin.

Une voix: [Inaudible]

M. Hoeppner: Je serais enchanté de pouvoir aller en Arizona l'hiver prochain, plutôt que de venir à Ottawa.

Avez-vous envisagé la question de l'intérêt public et de l'intérêt privé? Où placez-vous la limite entre les deux? Vous savez qui va gagner sur cette question aux prochaines élections.

Mme Rutherford: Je n'en suis pas certaine.

M. Hoeppner: Les producteurs représentent actuellement moins de 3 p. 100 de l'électorat, alors que les consommateurs en forment l'écrasante majorité. Les consommateurs vont dire «Trop, c'est trop». La situation est inégale. On veut en faire payer trop aux consommateurs, et pas assez aux producteurs. Comment rétablir l'équilibre et comment pondérer ces chiffres?

Mme Rutherford: Ce n'est que l'une des questions que nous avons à traiter. La question de l'intérêt public par opposition à l'intérêt privé ne se pose pas uniquement dans le contexte de cette mesure législative, ou dans celui du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. C'est une question qu'il faudrait définir de façon beaucoup plus précise.

Je voudrais en revenir à cette réunion que j'ai quittée et où je dois retourner, à laquelle participent des représentants du secteur des pêches et du secteur de l'informatique. Tous demandent la même chose, c'est-à-dire une meilleure définition de l'intérêt public par rapport à l'intérêt privé, et c'est même le cas de l'Association des consommateurs, qui est représentée à cette réunion.

Je pense que l'on s'entend à peu près sur ce que devrait être l'intérêt public, et l'on considère qu'il faudrait un débat de fond à ce sujet, pour définir ce pourquoi les contribuables devraient payer collectivement, par opposition à l'intérêt privé. Cet organisme ou ce ministère, par exemple, ne peut pas distinguer l'intérêt public de l'intérêt privé sans tenir compte des points de vue qui prévalent dans les autres ministères.

Il faudrait que le gouvernement du Canada précise son point de vue sur l'intérêt privé et l'intérêt public. Nous avons besoin d'un énoncé plus précis que celui qui figure actuellement dans les directives du Conseil du Trésor qui ont été publiées il y a quelques années, et qui servent de point de départ au débat sur ce sujet; on y affirme essentiellement qu'il n'y a pas d'intérêt public. Le message du secteur privé et des consommateurs, c'est que les Canadiens n'en croient rien.

M. Hoeppner: J'aimerais indiquer ici que nous avons actuellement le plus bas prix au monde pour le panier à provision; je ne pense donc pas que le public se fasse avoir ou qu'il paye trop cher pour ces services. Les producteurs payent sans doute plus que leur part actuellement, mais comment trouver les justes proportions? Après tout, nous sommes exportateurs, et si l'on se débarrasse des producteurs primaires en leur mettant tout sur le dos, l'intérêt public va s'en trouver pénalisé à long terme; il n'y aura plus d'intérêt public. Nous allons devoir importer des produits alimentaires au lieu d'en exporter.

Mme Rutherford: C'est pour cela qu'il faut étudier la question de très près.

.1040

Comme je l'ai dit, je n'ai jamais entendu personne dire qu'il fallait privatiser les services d'inspection. Ils répondent à un besoin et, d'un point de vue commercial, il est préférable qu'ils demeurent sous la responsabilité du gouvernement du Canada. Celui-ci appose son estampille sur les produits alimentaires, à la satisfaction des consommateurs, et les producteurs sont prêts à en payer le prix.

Mais au-delà de ce service, la question se complique et il faut se demander ce que les producteurs sont prêts à payer. Le problème, pour les producteurs, c'est que les frais imposés par l'organisme vont s'accumuler tout au long de la chaîne de production. Celui qui ne pourra pas transmettre ses frais au suivant devra les assumer lui-même.

Dans bien des cas, c'est l'agriculteur qui va se retrouver dans cette situation, et c'est bien ce qui le préoccupe. Actuellement, il est impossible de prévoir l'effet cumulatif de tous les frais d'utilisation imposés par les ministères fédéraux, sans parler des frais des services provinciaux et municipaux. La semaine dernière ou la semaine d'avant, on a publié au Manitoba des chiffres qui indiquent qu'avec les changements de politique et l'imposition de frais supplémentaires, le revenu agricole moyen va baisser de 60 000 $ cette année. C'est intéressant, et c'est un argument décisif dans le débat.

M. Hoeppner: C'est même effrayant, car Statistique Canada affirme que 45 à 48 p. 100 du revenu agricole net provient d'activités non agricoles; jusqu'où va-t-on aller pour faire pression sur les producteurs? Dans une telle situation, il est essentiel de définir l'intérêt privé et l'intérêt public, car si on continue de tout mettre sur le dos du producteur, on va devoir faire face à de sérieux problèmes.

Le président: Je voudrais vous demander une précision: vous avez fait référence à un document publié au Manitoba. Voulez-vous dire qu'à cause des changements de politique et du recouvrement des coûts, le revenu brut va diminuer en moyenne de 60 000 $?

Mme Rutherford: Oui, c'est effectivement la diminution du revenu brut.

Le président: Et l'étude dit que cela est attribuable aux changements de politique, et non pas aux prix des denrées agricoles, n'est-ce-pas?

Mme Rutherford: Non, il était question de la situation générale.

Le président: La situation générale. D'accord. J'avais l'impression que c'était seulement le changement de politique et le recouvrement des coûts.

Mme Rutherford: Excusez-moi. Pour l'essentiel, c'était le changement de politique et le recouvrement des coûts, car l'analyse tenait compte également de l'augmentation du prix du transport des céréales.

Le président: Très bien. Monsieur Collins.

M. Collins: Merci beaucoup, monsieur le président.

Vous savez, Sally, que cette question a été étudiée à maintes reprises au cours des 25 dernières années. J'aime bien que les gens me rappellent mon obligation de rendre compte. Je peux vous assurer que lorsque je me suis présenté aux élections, j'en étais conscient, et que je ne prends jamais ce sujet à la légère.

Je me préoccupe de ce projet de loi, car je représente une circonscription rurale de Saskatchewan, sur laquelle il risque d'avoir un effet certain. Je ne pense pas que le gouvernement ait procédé de façon désordonnée, et vous avez dit vous-même que vous y trouviez certains aspects positifs. Je reconnais avec vous qu'il faudrait peut-être préciser les fonctions du ministre de l'Agriculture.

Je voudrais indiquer que nous voulons tous agir dans l'intérêt de tous les Canadiens à l'occasion de ce processus. Si nous pouvons réunir quatre organismes en un seul, ce sera un progrès important. J'ai toujours pensé qu'il y avait trop de lois fédérales dont tout le monde pouvait se mêler et où personne ne tenait les rênes. De ce point de vue-là, le projet de loi est positif.

Vous voyez que le vérificateur général va pouvoir intervenir. Que pensez-vous de cette possibilité? Pensez-vous qu'il va jouer un rôle important pour nous informer de la façon dont la loi est appliquée et de l'orientation qu'on lui donne?

Mme Rutherford: Je l'espère. Je ne pense pas qu'on ait prévu de modalités officielles à cet égard. Ce que je voudrais dire aujourd'hui, c'est qu'il faudrait envisager de mettre en place un système qui rende compte des conséquences des frais de service. Il n'y a rien de tel actuellement dans le mandat ou dans la structure opérationnelle de l'organisme. Peut-être y a-t-il quelque chose dans les documents privés qu'on vous a remis, mais en tant qu'intervenante, je n'ai rien reçu. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer à ce sujet. Il faudrait mettre en place les modalités de fonctionnement.

.1045

En ce qui concerne la restructuration, nous espérons qu'elle aura un effet véritablement positif. Nous avons vu qu'en ce qui concerne l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, on a fusionné les activités de trois ministères, mais ensuite, le budget de l'organisme a augmenté. Il n'est donc pas certain que la fusion envisagée dans ce projet de loi fasse baisser les prix des services.

M. Collins: Disons que ce sont les prix des services qui nous intéressent, et non pas tout ce qu'il y a autour.

Revenons-en à l'origine de cette mesure. J'aimerais vous poser la question suivante: reconnaissez-vous que le coût de la réglementation et du processus financier devrait être assumé par les bénéficiaires du régime de réglementation?

Mme Rutherford: Tout dépend de la réglementation. Il y a des règlements sur l'inspection des viandes. Si l'on estime que l'inspection des denrées alimentaires relève de l'intérêt public en matière de santé et de salubrité, je considère que ceux qui en bénéficient sont les contribuables canadiens, qui en assument le coût par l'intermédiaire de leurs impôts.

Tout dépend de la situation considérée. Le montant des frais de services devrait dépendre de la réglementation.

M. Collins: Je vous pose cette question car votre nom apparaît dans un aperçu sur la révision de la réglementation de septembre 1992.

Mme Rutherford: Oui.

M. Collins: L'une des recommandations du document était précisément celle-là. Je soulève cette question, car d'un côté, nous disons qu'il existe un problème, mais nous avons ici une recommandation présentée par des personnes dont vous faisiez partie, et qui souhaitaient que l'on améliore notre façon d'agir. Ce projet de loi constitue une amélioration à cet égard.

Mme Rutherford: Absolument, mais en 1992, personne ne parlait de créer l'agence dont il est question ici. On ne parlait pas non plus de recouvrement des coûts ou de frais de services comme maintenant. Il n'en était pas question.

Je pense que c'est une grosse partie du problème ici. On va opérer des changements massifs sans que personne n'ait eu la possibilité de réfléchir à tout cela d'un point de vue opérationnel. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne veut pas que ça se fasse et qu'il ne devrait pas y avoir de rationalisation, mais chose certaine, il faut réfléchir très sérieusement à la manière dont on va procéder.

M. Collins: Monsieur le président, si vous permettez, en Saskatchewan - j'ai la certitude que vous le savez - , nous n'avons pas d'agence d'inspection en tant que telle. En Ontario, ça existe. Il y a donc plusieurs groupes distincts qui s'unissent au Canada.

Dans notre effort en vue de démêler tout cela, oui, il y aura parfois des moments difficiles pour vous, mais au bout du compte, vous comprendrez, j'en suis sûr, que nous travaillons dans l'intérêt de la Fédération canadienne de l'agriculture, des producteurs primaires comme Jake du Manitoba et tout le monde.

Est-ce simple? Seigneur! Si c'était simple, nous ne serions pas ici. C'est difficile, mais c'est la situation qui nous attend. Je peux vous assurer qu'au bout du compte, nous aurons bien agi.

Monsieur le président, je n'hésite pas à reconnaître que j'aurai des comptes à rendre. Je pense que le comité a des comptes à rendre aussi. Au bout du compte, nous allons proposer une loi qui sera dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Mme Rutherford: Pour être franche avec vous, ce n'est pas votre obligation de rendre compte qui me préoccupe. Je pense que vous allez rendre des comptes. C'est comme ça que le système marche aujourd'hui.

Ce qui nous préoccupe surtout, c'est qu'il y a des gens qui n'ont pas les mêmes comptes à rendre que vous. Ils n'ont pas à se présenter devant ceux qui vont prendre la plupart des décisions dans ce dossier. C'est ça qui nous préoccupe. Comment va-t-on rendre des comptes de ce point de vue?

Oui, nous avons tout un système où le gouvernement est responsable, c'est lui qui est élu et qui décide, mais l'on falsifie le système ici dans la mesure où l'on confie des tas de responsabilités et de pouvoirs à des bureaucrates et l'on ne peut plus en appeler au Parlement, sauf lorsqu'il y a des élections.

Ça nous fait réfléchir, franchement, parce que ça veut dire que nous ne pouvons plus nous adresser à vous, si par exemple M. Doering décroche le poste et que nous n'aimons pas ce qu'il fait, pour vous demander d'intervenir. Parce que vous allez nous répondre que c'est lui le président de l'agence et que vous n'êtes qu'un comité parlementaire, donc adressez-vous au ministre.

.1050

Donc nous allons au ministre, qui sera peut-être encore le ministre de l'Agriculture, et le ministre de l'Agriculture va nous dire: «Eh bien, oui, mais c'est Ron qui est président de l'agence, et, vous savez, c'est une agence autonome qui a son propre plan d'activités.» Qu'allons-nous faire alors? C'est ce qui se fait aujourd'hui, et nous ne voulons pas que ça se fasse encore à l'avenir. Nous voulons un système où les responsables seront clairement obligés de rendre des comptes, qu'il s'agisse de cette agence-ci ou de tout autre organisme directement lié à l'agriculture ou non. Qu'il s'agisse des transports... C'est égal.

Le président: D'accord. Merci beaucoup, Sally. Nous allons conclure dans un instant. J'ai quelques questions à poser.

Vous dites dans votre mémoire que ce n'est pas le modèle que privilégie la FCA. Si le projet de loi obligeait le ministre à rendre des comptes plus directement, contrairement à ce qui se fait maintenant comme vous dites, est-ce que cela se rapprocherait de votre modèle privilégié, si l'on faisait expressément mention du ministre de l'Agriculture?

Mme Rutherford: Oui. Si nous ne nous sommes pas étendus sur le contenu du projet de loi, c'est que nous l'acceptons à peu près tel qu'il est.

Le président: D'accord.

Mme Rutherford: Comme nous le disons dans le mémoire, si nous ne préférons pas ce modèle, c'est à cause de la reddition de comptes. Donc s'il y a moyen d'augmenter l'obligation de rendre compte, nous serions beaucoup plus tranquilles.

Le président: D'accord.

On a longuement parlé ce matin de la question du recouvrement des coûts avec d'autres témoins. J'y ai réfléchi personnellement. Je pense que je sais ce que vous allez répondre, mais si le comité organisait une table ronde avec le Conseil du Trésor, Agriculture et Agroalimentaire Canada, la FCA, et peut-être aussi le Conseil des viandes du Canada et le Conseil canadien des transformateurs d'oeufs et de volaille, pour discuter de l'effet général de ces mesures et de la façon dont le Conseil du Trésor va procéder au recouvrement des coûts, et ainsi de suite, est-ce que la FCA accepterait de participer à cette table ronde?

Mme Rutherford: J'ai déjà lancé une initiative de ce genre, et je serais heureuse d'en discuter avec vous si nous pouvons nous entendre sur une date qui nous conviendra à tous.

Le président: Je peux vous assurer qu'on en discutera au comité de direction de notre comité dans un avenir très proche. Je ne peux pas dire au comité de direction quoi faire, mais je vais proposer au comité de direction d'organiser une rencontre de ce genre avant les Fêtes.

Mme Rutherford: Merci, et merci beaucoup de nous avoir entendus.

Le président: Merci beaucoup, Sally. Encore une fois, vous nous avez dit clairement ce que vous pensez, et vous avez sans doute stimulé notre réflexion sur ce projet de loi. Merci d'avoir été des nôtres ce matin.

Chers collègues, demain à 15 h 30, nous allons recevoir les fonctionnaires d'Agriculture Canada qui vont répondre aux préoccupations, difficultés, idées et réflexions sur le projet de loi C-60 dont les témoins nous ont fait part. Nous en aurons ainsi terminé avec les témoins et les mémoires.

On espère que cette séance aura lieu demain, après quoi nous aurons quelques jours - pas beaucoup de temps mais assez - pour réfléchir à tout cela avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-60 la semaine prochaine.

Jeudi de cette semaine - je sais que nous avons tous reçu un avis, mais le greffier discutera avec vous de la possibilité d'un changement d'horaire pour la séance de jeudi - nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi C-38, la Loi sur la médiation entre les agriculteurs insolvables et leurs créanciers.

La séance de demain aura lieu à 15 h 30, à la salle 112-N de l'édifice du Centre. Je sais qu'on ne se réunit pas là habituellement, donc ne revenez pas à l'édifice de l'Ouest.

La séance est levée.

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