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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 décembre 1996

.0909

[Traduction]

Le président: Bonjour, tout le monde.

Nous reprenons aujourd'hui l'étude article par article du projet de loi C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.

À la fin de notre dernière réunion, nous discutions d'un amendement qui avait été proposé par le Bloc québécois à l'article 16, soit à la page 10 du projet de loi.

J'espère que vous avez toujours votre liasse d'amendements. Si vous ne l'avez pas rapportée, le greffier en a deux ou trois autres exemplaires ici. Quelqu'un en aurait-il besoin?

M. McKinnon (Brandon - Souris): Je crois que j'ai ce qu'il faut ici.

Le président: Si vous avez la liasse qui vous a été remise l'autre jour, c'est la bonne. C'est à la page 10 de la liasse, le gros chiffre en noir.

.0910

Si je me souviens bien, on discutait de savoir si cet amendement revenait à la même chose ou était mieux que celui que propose le parti ministériel à l'article 11. Je ne pense pas me tromper en disant que c'est ce dont nous débattions, il s'agissait de savoir quel serait le meilleur pour apporter les changements que nous souhaitons tous, si je ne me trompe. Il est donc question de l'amendement du Bloc.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Vous avez une excellente mémoire, monsieur le président. Lorsque nous nous sommes quittés, la semaine dernière, nous étions à l'article 16 et nous étions sur le point de prendre une décision, à savoir lequel des deux amendements, celui du parti ministériel ou celui présenté par le Bloc québécois, semblait le meilleur.

Après avoir relu attentivement les deux amendements, j'en arrive à la conclusion que nous, du Bloc québécois, préférons que ce soit l'agriculteur lui-même qui soit nommé gardien des biens, alors que le parti ministériel souhaite que ce soit le gardien, mais avec des conditions.

Si vous voulez regarder, monsieur le président, avec la grande sagesse qui vous est coutumière, je vais vous lire la version française. Nous proposons que l'article 16 soit modifié par substitution aux lignes 3 à 13, page 10, de ce qui suit:

a) lorsqu'une personne compétente a été proposée par un ou plusieurs créanciers garantis dont le nom est joint à la demande, soit cette personne, si l'agriculteur ne s'y oppose pas, soit toute personne compétente autre que celui-ci;

Ici on dilue la primauté donnée à l'agriculteur.

À l'alinéa b), on dit:

b) dans le cas contraire, soit l'agriculteur, s'il a la compétence requise, soit toute autre personne compétente.

Quant à notre motion, si on revient à la page 10, version française, à l'alinéa a), elle dit:

a) soit l'agriculteur lorsque celui-ci a la compétence requise pour être gardien de son actif;

Bien sûr, si l'agriculteur est un impotent ou un incapable psychologiquement et moralement, on ne doit pas le nommer gardien. C'est ce que nous disons ici.

Pour ce qui est de l'alinéa b), on dit:

b) soit toute autre personne compétente proposée par un ou plusieurs créanciers garantis dont le nom est joint à la demande lorsque l'agriculteur n'a pas la compétence requise pour être gardien de son actif;

Ici, cela se ressemble, bien sûr. Et à l'alinéa c), on dit:

c) soit toute autre personne compétente de son choix...

La différence entre les deux, monsieur le président, est que la motion du Bloc québécois donne une plus grande priorité à l'agriculteur.

Je voudrais vous rappeler en terminant que nous, du Bloc québécois, avons donné depuis le tout début notre accord au projet de loi C-38. Cependant, il faudrait que vous soyez généreux et que vous ne teniez pas pour acquis que toutes les motions venant de l'opposition, que ce soit du Parti réformiste ou du parti de l'Opposition officielle, sont mauvaises en soi. Je tiens mordicus à ce que l'agriculteur ait la préséance pour être gardien de sa ferme.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Monsieur le président, il semble que l'on vienne de nous remettre un autre amendement. À première vue, j'ai l'impression que le parti ministériel retire son amendement précédent et en propose un autre.

Il a probablement fait cela sans consulter le Bloc, ce qui est regrettable à mon avis. Je conviens avec M. Chrétien que l'amendement du Bloc était supérieur au premier amendement du parti ministériel. Il semble maintenant que le nouvel amendement fait de l'agriculteur le premier choix comme gardien, ce qui n'était pas le cas dans l'amendement précédent. Celui-ci semble un peu plus long que l'amendement du Bloc et je me demande simplement pourquoi le parti ministériel le propose et estime qu'il est supérieur à celui de M. Chrétien.

.0915

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Si vous me le permettez, monsieur le président, lors de la dernière réunion du comité, jeudi dernier, nous avons examiné l'objet de l'intervention du Bloc et suivi la discussion. Nous voulions en effet réaliser ce que demandait le comité. C'est pourquoi le gouvernement a examiné très attentivement l'amendement du Bloc.

Nous sommes tout à fait d'accord avec M. Chrétien que l'agriculteur doit passer en premier. C'est la raison pour laquelle la deuxième partie de l'amendement du Bloc nous dérangeait un peu. Il s'agit de la partie b):

Cela complique les choses pour l'administrateur. Il doit en fait accepter toute autre personne compétente proposée par le créancier. S'il n'est pas d'accord et décide de faire autrement, il lui faudrait prouver pourquoi il n'accepte pas la personne proposée par les créanciers. Nous pensions que cela représentait une faiblesse dans l'amendement du Bloc.

Nous avons essayé ainsi de laisser à l'administrateur la possibilité - sans y être obligé - de prouver que la proposition du créancier n'est pas bonne, non pas qu'il ait à justifier quoi que ce soit... mais afin qu'il ait la possibilité de nommer la personne qu'il juge la mieux placée et de ne pas être obligé de considérer d'abord la personne présentée par les créanciers. D'autre part, il pourrait y avoir deux ou trois personnes présentées par différents créanciers, ce qui pourrait gêner le processus.

Nous avons jugé que l'administrateur devrait être en mesure de nommer quelqu'un parmi les personnes présentées ou venant d'une source indépendante s'il le juge préférable. Cela lui donne plus de latitude et c'est je crois ce que demandait le comité lors de sa dernière réunion.

L'agriculteur doit passer en premier. S'il n'est pas compétent ou s'il ne souhaite pas le faire, l'administrateur peut décider de quelqu'un d'autre. Il n'est pas forcé de suivre une liste et de choisir la personne présentée par les créanciers.

M. Hermanson: Monsieur le président, le Bloc a en fait utilisé le libellé qui était dans le projet de loi et il semble donc que le gouvernement ait changé d'avis à ce sujet.

M. Pickard: En considérant b), manifestement, nous avons estimé -

M. Hermanson: L'administrateur n'est pas forcé de choisir d'abord le gardien proposé par les créanciers. Il a la liberté de...

M. Pickard: Exactement.

M. Hermanson: ... trouver quelqu'un qui...

M. Pickard: Est neutre.

M. Hermanson: ... qu'il juge préférable, quelqu'un de neutre. Dans ce cas, je pense donc que puisque l'agriculteur doit passer en premier, l'amendement proposé par le parti ministériel est en fait supérieur à celui de M. Chrétien parce qu'il va même plus loin dans le sens de l'agriculteur.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Peut-être que je me trompe mais à la lecture de l'amendement du gouvernement, j'ai l'impression que l'intention est que l'alinéa a) stipule que l'agriculteur a la compétence pour être gardien, mais d'après le libellé anglais de l'amendement, si l'on remplace les lignes 7 à 14, on supprime la ligne 7 et il n'est plus question de l'agriculteur. Il faudrait dire, ligne 8...

M. Hermanson: Vous parlez de la ligne 6.

M. Easter: D'accord, je me trompais.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Jerry, si vous regardez votre amendement, vous verrez que l'agriculteur a la priorité.

[Traduction]

M. Pickard: Oui.

[Français]

M. Chrétien: Si vous ne prenez pas l'agriculteur, l'administrateur choisit lui-même, sans consultation avec un créancier. Il est libre comme l'air. Vous pensez que c'est la meilleure solution?

.0920

[Traduction]

M. Pickard: Des personnes peuvent être présentées par n'importe quel des créanciers mais nous ne voulons pas que l'administrateur soit forcé de dire «Nous n'avons pas accepté votre créancier pour les raisons suivantes». Nous voulons qu'il soit totalement libre de ses mouvements et que, s'il ne veut pas accepter la proposition du créancier, ladite personne n'ait pas priorité sur une autre personne que suggérerait l'administrateur.

M. Hermanson: Sauf le gardien.

M. Pickard: Excusez-moi, vous avez raison.

Vous comprenez qu'il y a une différence? Nous donnons toute liberté à l'administrateur, après l'agriculteur. Si l'agriculteur n'a pas la compétence ou ne veut pas le faire, l'administrateur est entièrement libre de nommer la personne qu'il souhaite plutôt que d'être obligé de suivre la proposition du créancier si celui-ci insiste. Je veux que l'administrateur ne soit pas obligé de se justifier vis-à-vis du créancier et de lui expliquer pourquoi la personne que le créancier avait proposée n'a pas été nommée.

[Français]

M. Chrétien: La semaine dernière, monsieur Pickard, on disait que dans 95 p. 100 des cas, l'agriculteur lui-même était le gardien. Dans les 5 p. 100 qui restent, soit un sur 20, dans combien de cas est-ce que l'agriculteur récupère ses biens et recommence ou continue à exploiter sa ferme?

[Traduction]

M. Pickard: Je n'ai pas de statistiques à ce sujet malheureusement. Peut-être que certains des fonctionnaires le savent.

Lorsque l'agriculteur n'assume pas la responsabilité de gardien lui-même, avons-nous des statistiques permettant d'indiquer s'il gagne ou perd face au Bureau d'examen de l'endettement agricole et s'il peut reprendre le contrôle de son exploitation?

Mme Lois James (directrice, Politique d'adaptation, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Le seul chiffre que nous ayons, c'est que dans 75 p. 100 environ des cas on parvient à s'entendre entre les différentes parties, qu'il s'agisse de liquider certains des biens, de permettre à l'agriculteur de continuer à exploiter la propriété, de réorganiser les choses ou que sais-je encore.

Mais nous n'avons pas de statistiques permettant d'indiquer combien d'agriculteurs finissent par rester propriétaires de l'ensemble de leur exploitation ou d'une partie de cette exploitation et peuvent rester agriculteurs. Sur les 75 p. 100 des cas où l'on parvient à signer une entente, le pourcentage est assez élevé mais nous ne pouvons vous répondre plus précisément. Depuis 10 ans qu'existe ce programme, on n'a pas gardé ce genre de statistiques.

[Français]

M. Chrétien: Ma question ne porte pas sur les ententes qui sont signées entre les créanciers et l'agriculteur, mais plutôt sur le gardiennage. On dit que, dans 95 p. 100 des cas, c'est l'agriculteur qui est responsable de surveiller et de continuer, au besoin, d'exploiter sa ferme. Confirmez-vous, comme le disait Gerry, que dans 95 p. 100 des cas, c'est l'agriculteur lui-même qui est le gardien de ses biens?

Vous êtes d'accord avec moi. Pour ce qui est des 5 p. 100 qui restent, êtes-vous d'accord?

[Traduction]

Mme James: Oui, c'est environ 95 p. 100. Nous n'avons pas le chiffre exact, mais cela atteint 95 p. 100, en effet.

[Français]

M. Chrétien: D'accord. J'aimerais savoir si vous avez des statistiques qui démontrent que, dans 5 p. 100 des cas, ce n'est pas l'agriculteur lui-même qui est responsable de la surveillance de ses biens.

Combien d'agriculteurs, parmi ces 5 p. 100, vont finalement s'entendre avec les créanciers et recommencer à exploiter normalement leur ferme? Si vous me dites que dans les 5 p. 100 de cas dont on parle, depuis 20 ans, cela a été une faillite totale, désastreuse, à ce moment-là, je pourrai peut-être changer mon fusil d'épaule. Cependant, si dans certains cas, l'agriculteur a des chances raisonnables, selon les statistiques, de récupérer sa ferme, ma position demeurera la même.

[Traduction]

M. Pickard: Monsieur Chrétien, nous n'avons pas ce chiffre en main et je ne suis pas certain que nous puissions l'obtenir. S'il y a moyen d'obtenir un chiffre là-dessus, nous l'obtiendrons.

La décision en l'occurrence ne porte pas sur la question de savoir si l'agriculteur est dans une meilleure posture. Du point de vue du gouvernement, dans cette proposition d'amendement, il s'agissait de tenir compte de ce que nous ont dit les gens autour de cette table: «l'agriculteur doit passer en premier». C'est exactement ce que vous-même avez dit. C'est donc un aspect de l'amendement du gouvernement.

.0925

Le deuxième élément, c'est que nous ne voulions pas obliger l'administrateur à expliquer pourquoi la personne désignée par le créancier n'a peut-être pas été acceptée. Nous voulons que l'administrateur puisse nommer, sans aucune contrainte, la personne qu'il juge la plus compétente dans les circonstances. Et aussi, bien sûr, une personne qui servirait au mieux les intérêts de l'agriculteur. Nous estimons que c'est un autre élément qui favorise l'agriculteur, en réalité.

Le président: Je voudrais une précision avant d'accorder la parole à M. Hermanson.

En comparant l'amendement du gouvernement que l'on a distribué il y a quelques minutes, au texte proposé par M. Chrétien - vous me reprendrez si je me trompe, messieurs les fonctionnaires - , je constate que le l'alinéa a) serait identique dans l'amendement du gouvernement et dans celui de M. Chrétien, sauf que dans le texte du gouvernement, on ajoute le mot «soit». Est-ce bien cela, Lois?

Mme James: C'est bien cela, oui.

Le président: La différence entre l'alinéa b) proposé par le gouvernement et celui proposé par M. Chrétien est que dans ce dernier, on ajoute les mots «lorsque l'agriculteur n'a pas la compétence requise pour être gardien de son actif».

Mme James: C'est exact.

Le président: À l'alinéa c), le texte de M. Chrétien ajoute «dans le cas où ni l'alinéa a) ni l'alinéa b) ne s'appliquent».

Mme James: C'est bien cela.

Le président: Donc, la principale différence entre les deux est l'ajout du mot «soit» à l'alinéa a) avant les mots «l'agriculteur lorsque celui-ci a la compétence requise pour être gardien de son actif»

Mme James: Je voudrais apporter une précision sur l'objectif visé. La principale différence est qu'aux termes de l'amendement proposé par M. Chrétien, le fait que ni l'alinéa a) ni l'alinéa b) ne s'appliquent à l'alinéa c) établit un ordre de priorité. Il y a premièrement l'agriculteur, s'il a la compétence requise. Dans le cas contraire, il faut alors que ce soit la personne désignée par le créancier garanti, si cette personne est compétente. Et ensuite, ce ne peut être une autre personne, une tierce partie indépendante, que si ni l'agriculteur ni le créancier garanti n'a la compétence requise. Cela établit donc un ordre de priorité, tandis que le gouvernement donne le choix entre b) ou c), selon les circonstances.

Le président: M. Hermanson, et ensuite M. Easter.

M. Hermanson: Je voudrais tirer au clair deux ou trois petites choses. Si nous adoptons l'amendement du gouvernement, si l'agriculteur est le gardien ou si l'administrateur choisit un gardien autre que la personne recommandée par le créancier, l'agriculteur paie les dépenses du gardien. C'est ainsi que j'interprète cette disposition. Si le créancier choisit le gardien, il est clair que c'est le créancier qui paie les dépenses du gardien, mais on ne dit pas clairement ici qui paie les dépenses dans le cas où la personne désignée gardien est le choix de l'agriculteur ou de l'administrateur. Le législateur a-t-il oublié de préciser qui paiera le coût? Où précise-t-on dans cet article que les créanciers paient les dépenses du gardien?

Le président: Julie, pouvez-vous éclairer notre lanterne, s'il vous plaît?

Mme Julie Mercantini (agent supérieur d'élaboration des politiques, Division de l'adaptation, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Si le créancier désigne un gardien et que cette personne est effectivement nommée gardien, le créancier paie les dépenses de ce gardien.

M. Hermanson: C'est clair.

Mme Mercantini: Si l'administrateur nomme une tierce partie neutre, au lieu de la personne désignée par l'agriculteur ou par le créancier, alors l'administrateur ou le gouvernement paie les dépenses de ce gardien neutre.

M. Hermanson: Où cela est-il précisé?

Mme Mercantini: C'est au paragraphe 16(3).

M. Hermanson: Au paragraphe 16(3)? Non, celui-là dit «Les frais de la personne nommée au titre de l'alinéa 1b) sont à la charge du créancier garanti ou des créanciers garantis qui l'ont proposée». Ce n'est pas l'administrateur.

.0930

Mme Mercantini: Désolée. On vient de me le faire remarquer. Un amendement du gouvernement propose de modifier le paragraphe 16(4), en remplaçant la ligne 23, page 10, par ceci: «du sous-alinéa 1b)(ii) sont à la charge de l'adminis-».

M. Hermanson: Très bien.

Mme Mercantini: C'est là qu'on précise que le créancier doit payer les frais du gardien qu'il désigne.

M. Hermanson: Et si c'est l'agriculteur qui est le gardien?

Mme Mercantini: Nous ne payons pas l'agriculteur pour être le gardien. Nous ne le faisions pas aux termes de la loi précédente. Cela n'a jamais été en cause. La situation demeurera inchangée. Il n'en est pas fait mention dans la loi. Il est bien entendu que l'agriculteur n'est pas payé pour être le garder de ses propres actifs.

M. Hermanson: L'administrateur n'est-il pas coincé? Il doit décider s'il veut nommer un gardien. Si l'agriculteur n'a pas la compétence requise pour être le gardien, l'administrateur doit décider entre choisir la personne désignée par le créancier et faire payer les frais par le créancier ou bien rendre une autre décision et, à même les deniers publics, payer les frais qui seraient engagés par le gardien. Est-ce équitable de placer l'administrateur dans cette situation? Est-ce ainsi que les choses se passent actuellement? Cela a-t-il donné satisfaction?

Mme Mercantini: C'est satisfaisant. Sa décision n'est pas fondée sur le coût. Elle est fondée sur ce qui convient le mieux dans chaque cas.

M. Hermanson: À l'heure actuelle, est-ce habituellement l'administrateur qui choisit le gardien? Si l'agriculteur n'a pas les compétences requises, l'administrateur choisit-il la personne désignée par le créancier, ou bien nomme-t-il une personne de son choix? Quelle est la préférence actuellement?

Mme Mercantini: Je m'excuse, je ne saurais vous le dire. Je ne sais pas ce qui se passe en pratique. Il faudrait le demander...

M. Hermanson: Jerry, le savez-vous?

M. Pickard: Non, je l'ignore. Mais très franchement, je suis convaincu que le processus est conçu de manière à s'assurer que l'administrateur aura à coeur les meilleurs intérêts de la communauté agricole - tout comme dans le cas du Bureau d'examen de l'endettement agricole. Je suis convaincu que l'on fait ce qui convient le mieux pour la communauté agricole, tout comme le font les bureaux d'examen de l'endettement agricole. La question de savoir qui paie les frais du gardien n'est pas en cause dans cette affaire. On s'en remet au jugement de l'administrateur, et ce dernier doit choisir la solution qui lui semble la meilleure.

M. Hermanson: Quels sont les coûts qui sont généralement associés au travail d'un gardien? Qu'est-ce qu'on envisage normalement? Je suppose qu'il n'y a pas d'exemple typique, mais pouvez-vous nous en donner une idée? S'agit-il de quelques centaines de dollars, ou bien d'un montant plus important?

M. Pickard: C'est un peu comme de demander quel est le coût moyen d'une ferme ou à combien s'élève l'actif moyen d'une exploitation agricole. Cela varie énormément d'une ferme à l'autre. Évidemment, l'actif, l'ampleur des activités et le type d'activité varie. Tout cela entre en jeu pour établir l'étendue de la tâche du gardien.

M. Hermanson: Ce facteur influence-t-il la décision de l'administrateur quant à savoir qui a la compétence requise pour être gardien, qu'il s'agisse de la personne que le créancier souhaite installer à ce poste, ou d'une autre personne choisie par l'administrateur, si l'agriculteur n'a pas la compétence requise?

M. Pickard: Dans un monde idéal, on pourrait se montrer désabusé face à tout. Je ne veux pas dire que tout soit parfait, mais il me semble que quelqu'un ayant cette responsabilité fera ce qu'il y a de mieux pour le milieu agricole. Je n'en doute pas un instant. Cette personne n'a rien à gagner ni à perdre. Elle n'a pas d'enjeu personnel. Il ne s'agit pas de faire des économies. C'est une fonction dont le milieu agricole a réellement besoin. Par conséquent, toute cette structure a été mise en place afin que nous puissions aider les agriculteurs qui ont un problème d'endettement.

Ce que veut le gouvernement, c'est d'offrir de l'aide de façon proactive. Étant donné la nature même de ce projet de loi et des mesures que nous prenons, nous essayons d'aider le milieu agricole à régler des problèmes et nous savons qu'on s'en occupe effectivement en examinant la question de l'endettement à son tout début et en faisant ce que nous pouvons dès le départ.

Je pense que tout cela nous ramène à la question de savoir pourquoi nous prenons ce type de mesure. C'est pour protéger le milieu agricole. C'est pourquoi je ne prendrais pas une attitude négative et ne serais pas assez désabusé pour parler des ficelles qu'il faut tirer. J'examinerais le caractère général... Si une personne se trouve dans une situation comme celle dont vous parlez ici, prendrait-on cette décision? Je dirais que oui; on ferait tout ce qu'on peut pour aider le milieu agricole.

.0935

M. Hermanson: Y aura-t-il des règlements ou directives pour que l'administrateur sache quand il devra accepter la personne que le créancier propose comme gardien ou désigner lui-même cette personne? Il a la possibilité de faire l'une ou l'autre chose ici. L'agriculteur, s'il est réputé ne pas être compétent, est exclu. Que peut-on faire à partir de ce moment-là? Est-ce l'administrateur qui décidera de son propre chef qui sera nommé gardien?

M. Pickard: Dans ces cas-là, l'administrateur doit examiner toutes les circonstances et prendre une décision. Nous aurons des administrateurs compétents pour occuper ces postes. Ils vont tenir compte de tous les facteurs nécessaires et ils vont décider.

On peut toujours contester la décision que quelqu'un a prise et dire que de temps à autres, ils ont pu commettre une erreur de jugement. Par ailleurs on peut examiner la feuille de route des titulaires de ces postes et voir quel genre de décisions ils ont prises, et je pense qu'on peut avoir véritablement confiance que ces personnes feront de leur mieux pour que le système fonctionne le mieux possible.

M. Hermanson: Il n'y aura donc pas de directives? Le haut fonctionnaire qui vous accompagne dit qu'il y en aura.

Une voix: Non, non.

Le président: Madame James.

Mme James: Il y a aura certainement des directives pour établir qui est compétent et qui est jugé non compétent et dans quelles circonstances. Quand on essaie de voir dans chacun des cas si l'agriculteur est compétent... nous élaborons des directives en fonction de cela. Puis c'est la même chose, en ce qui concerne les créanciers.

Actuellement, de façon générale, sur la question de savoir si l'agriculteur est compétent, nous examinons ceux qui sont disposés et capables, et «capables» signifie physiquement disponibles et compétents pour agir. L'autre question est celle de la confiance, qu'il faudrait aussi examiner. Dans certains cas, quand on examine la situation à ce niveau, il faut voir s'il existe encore une certaine confiance entre le créancier et l'agriculteur. C'est donc un autre facteur déterminant qu'il faudrait examiner.

M. Hermanson: Je crois comprendre cela, mais...

Le président: C'est votre dernière observation, monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Quand on examine l'alinéa b)(i) ou (ii), on voit que c'est l'administrateur qui décide. Est-ce que je vais opter pour la personne nommée par le créancier garanti, ou est-ce que je vais faire appel à une autre personne compétente que je choisis. Y a-t-il des directives quand vient l'heure pour lui d'opter pour le candidat du créancier ou une personne de son propre choix?

Mme James: Oui, il y aura des directives pour ces cas-là. Par exemple, supposons que trois ou quatre créanciers soumettent chacun un candidat. Il nous faudra certainement des directives pour aider les administrateurs à décider s'il y a lieu de s'adresser à un de ces candidats ou à faire appel à une tierce partie indépendante. Nous fournirons donc certainement des directives, et nous assurerons ainsi une certaine uniformité à l'échelle de tout le pays.

M. Hermanson: Ces directives seront-elles publiées dans la Gazette du Canada?

Mme James: Nous n'envisageons pas en faire des règlements; ce seront des directives. Donc, non, il n'y aura pas de publication dans la Gazette du Canada.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter: Je pense que vous, monsieur le président, et Mme James avez apporté un éclaircissement à ce sujet, mais il est bien clair que la motion du gouvernement vise à accorder à l'agriculteur la priorité en ce qui a trait au poste de gardien. Le passage clé dans l'amendement que propose le gouvernement, c'est «si l'alinéa a) ne s'applique pas». Il est clair dans ce nouvel amendement du parti ministériel, que l'on accorde la priorité à l'agriculteur.

À propos de ce dont on vient de parler, êtes-vous au courant de cas où en vertu de l'ancienne loi, un gardien autre que l'agriculteur aurait été nommé et que l'agriculteur n'aurait pas pu reprendre sa ferme et survivre? Pour ma part, je doute qu'il y ait eu des cas de ce genre.

Quand un gardien est nommé par un créancier, c'est une entreprise extrêmement coûteuse. Si l'exploitation est déjà en difficulté financière, et même si le créancier paie pour, il n'y a pas grand chance que l'entreprise puisse survivre à titre d'exploitation si le propriétaire demeure aux commandes. Quand on en arrive là, tout ce qu'on cherche à faire au fond, c'est de protéger les éléments d'actif afin qu'il reste quelques fonds pour la famille et les créanciers.

.0940

Êtes-vous au courant de cas où un gardien autre que l'agriculteur a été nommé et où la famille est effectivement parvenue à conserver sa ferme? Je doute qu'il y ait des cas de ce genre.

Mme James: Je n'en connais pas personnellement, mais nous pouvons certainement vérifier auprès de nos administrateurs qui ont réglé des cas de ce genre au cours des dix dernières années.

Comme vous l'avez dit, la question est de savoir si l'intégralité de l'exploitation agricole pourra être maintenue. Dans certains cas, l'agriculteur en conservera une partie. Ce serait le cas, bien sûr, en Saskatchewan, où la loi protège la section sur laquelle est bâtie la résidence de l'agriculteur. Pour le reste, je n'en connais pas personnellement d'exemple.

M. Easter: Quoi qu'il en soit, l'important, monsieur le président, c'est que l'amendement du parti ministériel est beaucoup plus clair... Je sais qu'on respecte l'objet de l'amendement proposé par M. Chrétien, mais le nouvel amendement du parti libéral indique très clairement que c'est l'agriculteur qui a priorité au moment de la nomination du gardien.

Le président: Nous allons mettre fin au débat sur l'article 16 en donnant la parole à M. Chrétien s'il la désire. Nous allons ensuite mettre l'amendement aux voix.

[Français]

M. Chrétien: Avant d'émettre des commentaires, je voudrais obtenir une précision pour m'assurer que j'ai bien compris. Si le gardien était l'agriculteur lui-même, il ne serait pas rémunéré, mais si c'était quelqu'un d'étranger à la ferme, il serait rémunéré?

[Traduction]

Mme James: C'est exact.

[Français]

M. Chrétien: Cela n'a pas de sens. Je vous donne des cas bien précis. Prenons, par exemple, un acériculteur qu'on nomme gardien en septembre. En ce qui a trait aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre, il n'y a aucun problème puisqu'il n'y a pas d'ouvrage à la cabane à sucre et sur la ferme sucrière.

Cependant, si on le nomme au mois de janvier, février, mars et avril et qu'on ne le paie pas, on a de sérieux problèmes. C'est durant cette période qu'il doit travailler 20 heures par jour, sept jours par semaine. Durant cette période, il y a du travail. Il n'a pas seulement à surveiller pour qu'on ne lui vole pas un érable. Il faut qu'il produise, qu'il entaille, qu'il fasse bouillir son eau, qu'il la mette dans des barils et qu'il surveille pour ne pas se faire voler ses barils de sirop.

Là, on a de graves problèmes. D'abord, il n'acceptera pas de travailler sans rémunération pendant quatre mois, à raison de 90 heures par semaine. C'est la même chose pour le producteur de l'industrie laitière qui travaille dix heures par jour, sept jours par semaine. Les vaches, il faut aussi les traire le samedi et le dimanche. On ne le paiera pas, alors que si c'est le voisin, on va le payer 15 $ ou 20 $ l'heure? Cela n'a pas de bon sens.

[Traduction]

Le président: Monsieur Chrétien, si je peux apporter une précision, peut-être confondez-vous le fait d'être nommé gardien et le fait de diriger l'exploitation agricole. L'agriculteur va encore vraisemblablement être aux commandes, quoi qu'il arrive.

Ce dont il est ici question, c'est du fait que le gardien est celui qui surveille les éléments d'actif, mais il ne dirige pas nécessairement l'exploitation agricole. L'agriculteur le ferait quoi qu'il arrive, si bien que la question est de savoir à qui on confie la responsabilité de garder les éléments d'actif. Je n'aime pas ce mot «garder». À mon avis «surveiller» est préférable, et il faudrait parler de surveiller les éléments d'actif. Et cette personne c'est l'agriculteur, et on a clairement dit que c'était la solution à privilégier, ou, si ce n'est pas le cas, on retient d'autres options.

À moins qu'il y ait d'autres questions ou observations, je pense que nous avons débattu à fond de l'amendement dont nous sommes saisis -

Oui, monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: J'aimerais mieux comprendre. Si je possédais une exploitation agricole ou une ferme laitière, qu'on nommait M. X gardien et que je continuais à exploiter la ferme et à traire les vaches soir et matin, lorsque j'irais vendre mon lait tous les deux jours, qui empocherait le chèque? Les créanciers?

[Traduction]

Le président: Je pense qu'il faut expliquer la différence entre l'exploitant - si je peux m'exprimer ainsi - et le gardien et définir quel est le rôle du gardien. Le rôle du gardien, si je peux dire, ce n'est pas de traire les vaches.

Est-ce que l'un des conseillers juridiques...

[Français]

Mme Mercantini: Les fonctions du gardien sont décrites à l'article 17. Ses responsabilités se résument à dresser un inventaire de l'actif de l'agriculteur, à vérifier périodiquement l'état de l'actif et à informer l'administrateur de tout acte ou omission qui pourrait porter atteinte à la conservation de l'actif.

.0945

On voit donc que les fonctions du gardien ne sont pas d'assurer la gestion de la ferme. Ce n'est pas lui qui trairait les vaches, qui ferait la récolte ou qui prendrait les décisions en ce qui a trait à la production de la ferme.

M. Chrétien: J'aimerais avoir des éclaircissements. Au Québec, on a vécu une situation semblable et cela a fait la une des journaux il y a quatre ou cinq ans. On avait nommé un gardien et on avait vu, dans un reportage télévisé, l'état lamentable des animaux. C'était le propriétaire qui devait nourrir les animaux avec ce qui lui restait. Mais, comme il n'avait rien, les animaux n'avaient rien à manger et à peu près rien à boire. La Société protectrice des animaux a été appelée. C'était vraiment dommage. Le gouvernement fédéral, de par la loi existante, n'est peut-être pas directement impliqué, mais des situations semblables risquent de se produire.

[Traduction]

Le président: J'aimerais ajouter quelque chose. Je pense que M. Easter l'a bien résumé il y a un instant. Le rôle du gardien est de veiller - et c'est bien simple - à ce que l'on traite les vaches, à ce que le bétail soit nourri et à ce qu'on s'occupe des cultures. Le rôle du gardien, ce n'est pas de faire lui-même le travail, mais de veiller à ce qu'il soit fait. Il peut très bien être fait par l'agriculteur ou par quelqu'un d'autre. Mais le rôle du gardien c'est de veiller à ce que le travail se fasse.

Pouvons-nous passer à l'amendement? L'amendement dont nous traitons porte le numéro 10 dans la liasse que vous avez, et c'est l'amendement présenté par le Bloc.

L'amendement est rejeté

Le président: Maintenant, nous allons étudier deux amendements. Et je crois savoir que celui qui vient tout juste d'être distribué au comité est celui dont nous avons discuté.

Quelqu'un veut-il proposer l'amendement du parti ministériel? Proposé par M. Collins. Nous en avons déjà beaucoup débattu. Est-ce que j'oserai mettre tout de suite l'amendement aux voix? Plaît-il au comité d'adopter l'amendement à l'article 16?

L'amendement est adopté avec dissidence

L'article 16 tel que modifié est adopté

Le président: Monsieur Hermanson, vous avez la parole.

M. Hermanson: Le gouvernement a-t-il officiellement retiré son autre amendement?

Le président: Il ne l'a pas présenté. Il ne l'a pas soumis au comité.

M. Hermanson: Je pensais qu'il avait été présenté à la dernière séance.

Le président: Il n'a jamais été proposé. Le seul qui l'a été c'est celui du Bloc.

Nous avons un amendement à l'article 17 à la page 14 de la liasse et cet amendement ne porte que sur la version française. On modifie le libellé en français. Quelqu'un veut-il proposer cet amendement? C'est un amendement du parti ministériel pour modifier le libellé.

Oui, monsieur Easter.

M. Easter: Les hauts fonctionnaires peuvent-ils nous apporter des précisions à ce sujet?

Le président: Oui.

M. Pickard: Le but de cet amendement est de faire en sorte que la version française corresponde à la version anglaise, afin d'assurer la conformité des deux.

Le président: Le libellé de la version anglaise de l'alinéa 17(2)b) est le suivant «verify periodically the presence and condition of those assets; and». L'amendement apporte une précision à la version française. Est-ce bien cela?

.0950

M. Pickard: Pour qu'il ne soit pas simplement question de la présence des éléments de l'actif mais de leur état aussi. C'est une petite nuance. On veut s'assurer de vérifier non seulement la présence des éléments de l'actif mais aussi leur état.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: J'aimerais obtenir une précision sur le rôle du gardien. Dans le passé, le gardien, dans seulement 5 p. 100 des cas, n'était pas l'agriculteur. L'objectif du gardien, je présume, est de voir à ce que les objets ne disparaissent pas, qu'ils ne soient pas volés ou que des pièces maîtresses des appareils ne disparaissent pas. Mis à part la surveillance pour le vol ou le changement d'un pneu, quel est le rôle du gardien? Quel est le rôle du gardien dans ces 5 p. 100 de cas?

[Traduction]

M. Pickard: Il est bien certain que la raison du poste de gardien, c'est de s'assurer que l'exploitation... comme on l'a souligné tout à l'heure, et vous avez du reste soulevé la question. S'il se pose dans cette exploitation un problème qui risque de nuire au troupeau laitier, le gardien devrait s'assurer que des mesures appropriées sont prises pour que l'exploitation soit exploitée dans des conditions raisonnables.

La question que vous avez posée tout à l'heure - ou c'est peut-être M. Hermanson qui l'avait posée - au sujet du montant... il y aura diverses fonctions, selon que l'agriculteur est compétent pour maintenir l'exploitation ou non. Il pourra même se produire des cas où les lieux ont été désertés, où l'intéressé est parti et le gardien a à jouer un plus grand rôle. C'est simplement pour s'assurer de la présence des éléments de l'actif et pour garantir que tout est bien surveillé pendant cette période. Les conditions peuvent varier considérablement.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Pickard, plus tôt, je donnais l'exemple d'un troupeau dans un état vraiment lamentable qui n'avait rien à manger. La nourriture que les animaux devaient manger était de qualité exécrable. L'administrateur pourrait, dans un cas semblable, ordonner qu'on achète de la nourriture pour nourrir temporairement le bétail, même si les créanciers savent qu'ils vont tout perdre en nourrissant le troupeau pendant tant de mois et qu'ils vont perdre davantage.

[Traduction]

M. Pickard: De toute façon, on ne peut pas permettre que des conditions inhumaines s'installent et perdurent. Il apparaît évident que la responsabilité du gardien dans ce cas serait de prendre des mesures pour s'assurer que le problème est corrigé, quelle que soit la situation.

Le président: Plaît-il au comité d'adopter l'amendement à l'article 17, qui ne concerne que le libellé de la version française du projet de loi?

L'amendement est adopté

L'article 17 tel que modifié est adopté

Le président: Je ne vois aucun amendement pour les articles 18, 19 ou 20... Monsieur Hermanson.

Article 20 - Nouvelles demandes faites en vertu de l'alinéa 5(1)a)

M. Hermanson: Monsieur le président, une brève question au sujet de l'article 20. C'est à propos de la possibilité de présenter une nouvelle demande dans le cas où on n'a pas pu la première fois en arriver à un arrangement. L'alinéa 20.(1)b) dispose que:

Est-ce que l'administrateur est le même que celui qui s'est déjà occupé du dossier? Ou si c'est le nouvel administrateur, est-ce que celui-ci doit examiner le dossier, puisqu'il ne le connaît pas? Comment cela se passe-t-il?

.0955

Le président: Je pense que ce devrait être l'administrateur qui s'en occupe alors. On ne pourrait pas faire appel à nouveau à un ancien administrateur, qui pourrait ne même plus être vivant, qui pourrait ne plus travailler comme administrateur, par exemple. Je ne devrais pas essayer d'interpréter cette disposition, mais je pense que la demande serait présentée à l'administrateur en fonction.

Est-ce que je fais erreur, mesdames et messieurs les hauts fonctionnaires?

Mme James: C'est juste.

M. Hermanson: Alors est-ce que l'administrateur choisi est tenu d'examiner le dossier? Comment cet administrateur décide-t-il de faire droit ou non à une nouvelle demande? C'est la seule chose que je ne comprends pas.

Mme James: On examinerait la demande présentée, on étudierait le dossier, et compte tenu de tout un ensemble de facteurs on rendrait une décision. Peut-être que l'intéressé présente une nouvelle demande parce que les rapports entre les créanciers et l'agriculteur se sont détériorés et qu'on a décidé qu'il fallait renégocier. Ce pourrait être un cas où l'administrateur dirait; d'accord, je vois que vous avez fait ce qu'il y avait à faire, mais peut-être pas le créancier; ou il se peut encore que de nouveaux créanciers qui n'étaient pas là pour négocier deux ans auparavant se manifestent et créent des difficultés à l'agriculteur. Quelles que soient les circonstances, chaque cas serait certainement unique et présenterait des conditions particulières.

La raison d'être de cette disposition, les deux ans, c'est d'empêcher que les gens, surtout en invoquant l'alinéa 5(1)a), se servent de cette disposition de la loi dans le cas où ils auraient pu obtenir une suspension. Si on peut présenter une demande aussi souvent qu'on le veut, une fois la période de suspension échue, au bout de 120 jours, et qu'on en est arrivé à un arrangement, quelques mois plus tard on pourrait présenter une nouvelle demande. C'est pour éviter qu'on s'en serve à mauvais escient ou qu'on en abuse -

M. Hermanson: Je le comprends bien. Ce que je ne comprends pas cependant, c'est si en vertu de ce projet de loi l'administrateur est tenu ou non d'effectuer un examen en profondeur. Peut-on décider en cinq minutes qu'une demande n'est pas acceptable; qu'on ne va pas l'examiner davantage? Peut-on retarder les choses de cinq mois, le temps d'établir si l'on va accueillir la demande? L'administrateur dispose-t-il d'indications à cet effet?

Mme James: Encore là des directives seront élaborées pour aider à déterminer ce qui est acceptable ou non dans ces cas. Cela ne se trouverait pas dans la réglementation, et ce n'est du reste pas le genre de choses qu'on précise par voie réglementaire. Des directives seraient élaborées.

Les articles 18, 19 et 20 sont adoptés

Article 21 - Préavis des créanciers garantis

Le président: Nous avons un amendement, le numéro 15 de la liasse, un amendement présenté par le Bloc québécois. Quelqu'un veut-il proposer cet amendement?

[Français]

M. Chrétien: Oui, je le propose, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous l'expliquer?

[Français]

M. Chrétien: J'aimerais qu'au paragraphe 21(2), on ajoute une disposition qui ferait que le préavis soit envoyé selon les bonnes normes, soit 15 jours avant. Mais il faut avoir la garantie que l'agriculteur l'a reçu.

Donc, le nouveau paragraphe se lirait comme suit:

(2) Le préavis doit être donné à l'agriculteur, conformément aux règlements, et reçu par ce dernier au moins quinze jours ouvrables avant la prise par le créancier garanti de toute mesure visée au paragraphe (1).

J'ajouterais aussi un troisième paragraphe:

(3) Le fardeau de la preuve que le préavis a été reçu par l'agriculteur dans le délai visé au paragraphe (2) revient à la personne tenue de le donner.

On a déjà vu dans le passé des préavis qui ont été envoyés selon des moyens reconnus, mais parfois selon une méthode douteuse, et l'agriculteur n'en a pris connaissance que quelques jours avant, voire le matin même de la saisie. Donc, il faudrait que ce soit clairement stipulé dans le projet de loi.

Cette insistance, je vous le rappelle, a pour objet de protéger l'agriculteur lui-même. Mon objectif n'est pas de protéger les créanciers, mais bien les agriculteurs.

[Traduction]

Le président: Monsieur Culbert.

M. Culbert (Carleton - Charlotte): Monsieur le président, j'aimerais obtenir une précision des témoins qui comparaissent ce matin.

.1000

Au paragraphe 21(2), on trouve l'expression «conformément aux règlements». À votre avis, est-ce qu'il n'est question là que de donner un préavis comme on le mentionne dans le paragraphe précédent, ou est-ce qu'il existe une manière définie pour livrer cet avis ou ce message dans les délais prévus?

M. Pickard: Aux termes du règlement, il y a une méthode prescrite - il faut que ce soit adressé au domicile des gens, que ce soit par livraison en main propre ou par envoi recommandé ou prioritaire, ou fac-similé.

J'ajouterai en guise d'explication qu'il y a eu des cas où les gens n'en recevaient pas la livraison à domicile. Ils refusaient, pour l'une ou l'autre raison, d'ouvrir la porte au livreur. Pour obvier à une situation de ce genre, nous avons prévu la possibilité d'un envoi recommandé qui sera censé avoir été reçu s'il n'y a pas de réponse après 21 jours ouvrables, ce qui équivaut à quatre semaines plus une journée, pour s'assurer que la livraison a bien eu lieu. Après cela, le compteur tourne pour les 15 jours ouvrables.

L'intention est d'accorder une période de sept semaines pour donner le préavis et mettre en place tous les dispositifs. On a essayé de prolonger considérablement cette période. Ce que signifie «conformément aux règlements» est clairement énoncé.

M. Culbert: Au cas où l'agriculteur voudrait se soustraire à cette procédure, il pourrait donc éviter de recevoir ce préavis.

M. Pickard: Dans des cas de ce genre, l'Association des banquiers canadiens a exprimé l'inquiétude grave - à juste titre, je pense - que les gens ne recevraient pas le message.

Aux termes de la loi, on a prévu, pour les envois recommandés, une période de 21 jours ouvrables pendant lesquels on peut parvenir à faire livrer le préavis. On a jugé qu'une période de quatre semaines pour la livraison à domicile du courrier recommandé était appropriée, après quoi il y a une période de trois semaines, soit sept semaines en tout pendant lesquelles, si quelqu'un est difficile à atteindre, vous disposez de presque deux mois pour lui faire parvenir les documents et lui donner la possibilité de s'adresser à l'administrateur. On a donc prévu un très long délai afin de donner toutes les chances au message d'atteindre son destinataire.

M. Culbert: J'ai une certaine expérience des affaires et je me demande ce qui se produirait si, dans ce genre de situation, le porteur d'une lettre recommandée refusait de la livrer?

M. Pickard: Les lettres recommandées - on essaierait toujours encore... Vous vous rappelez peut-être que lorsque l'Association des banquiers a comparu, elle a demandé d'afficher...

Le président: Mais elle n'a pas comparu.

M. Pickard: Oh, de quel groupe s'agissait-il alors...? L'un des groupes...

Le président: Je n'en sais rien, mais l'Association des banquiers a adressé une lettre au comité.

M. Pickard: Ils l'ont donc fait par lettre? Excusez-moi. Je me rappelle avoir lu la lettre dans laquelle ils préconisaient que l'on plante des écriteaux sur la propriété. Cela me paraît une méthode bien archaïque, qui me rappelle l'époque où on marquait de la sorte les maisons où se trouvaient des gens atteints de certaines maladies.

Il me semble qu'il faut une longue période de temps pour s'assurer de la livraison du préavis, en cas de résistance absolue à celui-ci. Je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit d'autre, sinon prévoir l'expiration au-delà d'une certaine période.

M. Culbert: Enfin, pour revenir sur l'amendement de M. Chrétien, si nous devions approuver cette modification à «reçu par lui au moins 15 jours ouvrables», nous lui donnerions, en fait, la possibilité de ne pas vouloir recevoir le préavis, et nous l'encouragerions de la sorte à se dérober à toute cette situation.

M. Pickard: C'est exact, nous encouragerions la résistance aux créanciers.

M. Culbert: Merci, monsieur le président, merci, monsieur.

Le président: Avant de donner la parole à M. Easter, je voudrais vous demander, monsieur Pickard, un renseignement à titre personnel. Vous disiez que la méthode de livraison prescrite est par courrier recommandé...

M. Pickard: Par courrier recommandé, poste prioritaire ou télécopie au domicile de l'agriculteur.

Le président: Bon, mais je voudrais une précision: il faut accuser réception d'une lettre recommandée en apposant sa signature.

.1005

M. Pickard: C'est exact.

Le président: En est-il de même pour le courrier prioritaire?

M. Pickard: Oui.

Le président: Et quelle est la méthode pour savoir si l'agriculteur a reçu la télécopie?

M. Pickard: Si vous envoyez un message par télécopieur, cela constitue préavis, mais il est vrai qu'il n'existe pas de preuve à part le fait qu'il y a des transmissions téléphoniques, et vous ne savez pas ce qui a été transmis, donc il y a effectivement doute. Pour justifier cette période de 21 jours, il faudrait donc faire suivre l'envoi par télécopie d'une lettre recommandée. En l'absence de réponse, il faudra alors passer aux autres modes d'envoi, par exemple le courrier prioritaire.

Le président: Ce que je crains, c'est que si l'envoi par télécopie au domicile est considéré marquer le début de la période de 15 jours de préavis, il en serait de même si on déposait l'enveloppe entre la porte d'entrée et la double porte extérieure, et le destinataire pourrait ignorer l'une et l'autre.

M. Pickard: Sur ce point je suis d'accord avec vous.

Le président: Je vous envoie donc un message par télécopie à votre bureau, ou je dépose l'enveloppe à votre porte: vous êtes censé signer pour l'un, et si vous ne signez pas pour la lettre recommandée, le délai de 15 jours ne commence pas à courir.

M. Pickard: C'est exact.

Le président: Mais la télécopie... Je me fais ici l'avocat du diable, mais à mes yeux il y a une différence: vous avez à signer pour deux de ces modes d'envoi, mais pour l'un d'entre eux vous expédiez le document par télécopie, peut-être dans le vide, même si le destinataire est censé avoir un télécopieur. Votre message part, ou votre télécopieur indique qu'il n'est pas parti, mais il pourrait toujours encore arriver dans un télécopieur qui depuis un certain temps n'est plus en usage.

M. Pickard: Vous avez tout à fait raison.

Le président: Monsieur Easter, est-ce que vous aviez une observation à faire?

M. Easter: Oui, la manière prescrite doit figurer au règlement, ce qui constitue un problème, comme le sont souvent les règlements. La loi précise un minimum de 15 jours. Les 21 jours dont vous parlez, il n'est dit nulle part dans...

M. Pickard: Non, les 21 jours sont ajoutés. Il est donc prévu ici que si la lettre recommandée n'arrive pas à destination, il y a une période de 21 jours... À propos, ce sont 21 jours ouvrables, soit quatre semaines ou environ un mois pour que la livraison soit effectuée. Notre intention est précisément de compter très large, afin de donner toute la possibilité au préavis de parvenir au destinataire.

M. Easter: Mais ceux qui n'ont jamais été en difficulté financière ne comprennent pas ce que signifie vraiment «donner toute la possibilité». Nous ne parlons pas ici d'un porteur officiel chargé de vous livrer en main une lettre. C'est très beau, une lettre recommandée, et on vous donne un mois, mais je pourrais vous citer toutes sortes de gens en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan, dont l'entreprise agricole se trouve à 30 milles du bureau de poste et qui ne vont chercher leur courrier qu'une fois par mois, par exemple en période de semailles ou de récoltes.

Si vous êtes en difficulté financière...

Une voix: [Difficulté technique]

M. Easter: Soyez sûr qu'Elwin, quand il s'agit de recevoir un chèque, ne manque pas d'aller chercher son courrier.

Des voix: Oh!

M. Hermanson: Je règle mes factures à temps.

M. Easter: Mettez-vous à la place d'une personne criblée de dettes: cette personne est terrifiée, elle ne sait pas ce qui va lui arriver, l'anxiété lui fait commettre des actes qu'elle ne ferait pas autrement. Elle commence par essayer de se dérober à ce qui va lui arriver, à vouloir à tout prix que tout reste comme avant. Le courrier n'est pas sa priorité, je peux vous l'assurer.

La proposition de M. Chrétien me plaît, mais la difficulté que j'y vois... La discussion a fait ressortir que si une personne ne signe pas à la réception du préavis, ce dernier est censé ne pas avoir été reçu, et cela va susciter d'autres difficultés. Je voudrais que nous trouvions une meilleure façon de nous assurer que l'agriculteur reçoit le préavis et sache qu'il l'a reçu et qu'à partir de ce moment-là le délai de 15 jours commence à courir, car je connais des cas où, quand l'huissier s'est présenté, les gens ne savaient honnêtement pas ce qui leur arrivait.

.1010

Monsieur le président, je n'ai pas la réponse sur-le-champ mais je voudrais que nous puissions faire ce que M. Chrétien propose sans que se crée un autre problème.

Mme James: J'en conviens avec vous. C'est une chose extrêmement difficile et tout comme les gestionnaires actuels des bureaux d'examen de l'endettement agricole, nous avons peiné pour trouver une solution. Tout règlement éventuel qui sera pris le sera pour que la personne ait toutes les chances possibles d'être mise au courant, de savoir quand le compte à rebours commence, c'est-à-dire les 15 jours, et on fera le nécessaire pour avoir la preuve qu'elle a reçu le préavis et est parfaitement au courant de la situation.

Comme l'a dit M. Pickard, l'Association des banquiers canadiens craint - et je suppose qu'elle cherche à trouver une façon de faire - que les gens use d'une grande ingéniosité et je suppose que les gens qui sont talonnés redoublent d'ingéniosité. Par le passé, on a vu des cas où les créanciers étaient dans la quasi-impossibilité de donner un préavis parce qu'ils ne trouvaient jamais personne sur place quand ce préavis était envoyé officiellement. Dès que le porteur du document se trouvait à la porte d'entrée, les adultes de la maisonnée sortaient par la porte-arrière, de sorte qu'il lui était impossible de donner officiellement le préavis. Ce genre de chose pouvait se répéter pendant des mois.

Nous souhaiterions, et votre aide nous serait utile, élaborer des règlements qui permettraient de veiller à ce que les agriculteurs reçoivent le préavis afin qu'ils soient parfaitement au courant de la situation et que nous ayons la preuve qu'ils l'ont reçu et que nous puissions compter 15 jours à partir de ce moment-là. D'un autre côté, il nous faut parvenir à déjouer les gens ingénieux qui peuvent trouver le moyen de faire traîner les choses encore plus longtemps. Nous vous serions reconnaissants de nous aider. Voilà pourquoi nous avons proposé ce libellé.

Les règlements vont être pris en bonne et due forme mais nous ne savons pas encore exactement comment ils seront libellés. Toute l'aide que vous pourriez nous apporter sera vivement appréciée pour que les deux côtés soient protégés et pour faire justice à chacun.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président.

Je pense que le projet de loi proposé par le gouvernement est inadéquat. Je pense que l'amendement de M. Chrétien permettrait de résoudre le problème en partie et je peux voter pour cet amendement, mais il se peut qu'il faille une quatrième clause pour tenir compte de ceux qui refusent d'accepter le préavis.

Je pense que si on ajoutait un sous-alinéa portant que si en présence de témoins un agriculteur refusait d'accepter un préavis, ce préavis pourrait être réputé avoir été reçu. Cela pourrait résoudre le problème des responsables et ce dont s'inquiètent les banques sans toutefois rendre les agriculteurs vulnérables, comme le faisait remarquer M. Easter.

Je vais appuyer l'amendement de M. Chrétien car je pense qu'il est important que certains faits, certaines protections figurent dans le projet de loi, mais je m'opposerai à ce que d'autres dispositions soient proposées par nous-mêmes - bien qu'à l'étape du rapport nous puissions faire certaines propositions - mais le gouvernement voudra peut-être proposer quelque chose pour les quelques rares cas où un agriculteur refuse de reconnaître les faits qu'on veut lui faire reconnaître.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Plus tôt, on a pris des renseignements sur «lettre recommandée», «poste prioritaire» et «télécopieur». Mais il existe aussi le huissier et ce n'est pas tellement onéreux. Dans ce cas, l'agriculteur n'est pas tenu de signer. C'est le huissier qui le lui signifie en inscrivant l'heure, la date, etc., et par la suite, sauf erreur, et on me corrigera si on a des conseillers législatifs ici, après deux ou trois visites à la ferme, on peut coller l'avis à la porte du réfrigérateur ou encore, si ma mémoire est bonne, près du bol de toilette. C'est une façon de procéder.

[Traduction]

Le président: Avez-vous songé à présenter les choses dans un ordre en particulier?

Des voix: Oh, oh!

.1015

[Français]

M. Chrétien: À ces endroits, on est sûr et certain que, même s'il se passe un mois avant que l'agriculteur n'aille chercher son courrier, il ne se passera pas plus d'une journée avant qu'il n'ouvre la porte du réfrigérateur ou qu'il ne visite le petit coin.

[Traduction]

Le président: Jerry.

M. Pickard: Je vais répondre à M. Chrétien. Il a souligné trois moyens transmission, mais il existe également la livraison en main propre, qu'il n'a pas rappelée quand le président a demandé quels moyens de transmission étaient utilisés. Pour ma part, j'ai préconisé au départ la livraison en main propre, c'est-à-dire par un huissier ou quiconque serait porteur d'un message personnel, au domicile même de l'intéressé.

[Français]

M. Chrétien: C'est peut-être celui qu'on appelle communément le huissier chez nous. L'appelez-vous comme cela?

[Traduction]

Le président: Absolument.

M. Pickard: Oui.

M. Easter: Monsieur le président, notre conseillère juridique pourrait-elle nous donner une interprétation de l'article 2 proposé par M. Chrétien. Que veut dire «et reçu par ce dernier»? Je voudrais savoir ce que sous-entend ce libellé, quel problème pourrait se poser pour le créancier si nous l'adoptions? Je voudrais ajouter une remarque à ce qu'a dit M. Hermanson. Ce pourrait être une autre façon: censé avoir été reçu si le shérif l'a livré, ou quelque chose de cette nature. Mais quelle interprétation donne-t-on à ce que M. Chrétien propose au paragraphe 2.

Mme Diane Fillmore (conseillère juridique, Services juridiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Quant à moi, j'interpréterais les termes «et reçu par ce dernier» comme voulant dire que le service est personnalisé, que l'on ne va pas recourir à la poste ou à autre chose, même après un certain délai. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il serait très possible de contourner cela. Comme je l'ai dit, je ne vois pas d'autre signification à ce libellé «et reçu par ce dernier» et pour moi cela signifie que le préavis sera donné en main propre.

M. Easter: Et s'il y en a une grande quantité? S'il y en a une grande quantité, cela signifie que la politique agricole a échoué, qu'il y a beaucoup de saisies. Je ne vois vraiment pas d'inconvénient à ce que le shérif ou encore l'huissier... S'il faut en venir là, c'est une chose hors de l'ordinaire car il s'agit essentiellement de la saisie d'une exploitation, et c'est ce à quoi les créanciers en arriveraient. Envoyez une lettre par la poste, c'est plutôt facile. Quand il s'agira de décider de saisir l'exploitation, ou d'engager des procédures, car c'est de cela qu'il s'agit, il faudra peut-être faire intervenir le shérif.

Mme Fillmore: Si c'est la décision, soit, mais je pense que «reçu par ce dernier» impose un véritable fardeau, car cela signifie que le shérif doit trouver la personne concernée. Même si c'est un shérif qui apporte le préavis, je pense qu'il est facile de le déjouer.

On pourrait peut-être prévoir dans le règlement qu'après trois visites infructueuses de la part du shérif, on peut en conclure que la personne n'est pas disponible. Je ne sais pas. À défaut de cela, il serait possible d'éviter d'accepter le préavis en s'absentant tout simplement.

M. Easter: Monsieur le président, je pense qu'on pourra reprendre cela à l'étape du rapport mais personnellement, ce paragraphe ne me convient pas tout à fait car je ne vois pas de solution. Du point de vue de la marche de nos travaux, si nous ne finissons pas aujourd'hui, nous pourrions peut-être y revenir.

Le président: Je m'en remets à vous, les membres du comité.

Monsieur Collins, avez-vous une remarque à faire?

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Monsieur le président, je prie le ciel de nous venir en aide si pour chacune des questions nous mettons autant de temps que pour celle-ci. C'est très mal parti.

.1020

Le mécanisme est prévu. Je pense qu'il est raisonnable. Je viens d'une localité agricole et je pense que la plupart des agriculteurs sont des gens responsables. Il y en a qui éprouvent des difficultés, mais on ne peut pas prévoir chaque cas de figure pour celui ou celle qui essayerait de se dérober aux conséquences de sa situation. Je pense qu'il faut faire preuve d'équité. Il y a des gens qui ont prêté jusqu'à la limite de ce qui était possible et qui sont arrivés au bout du rouleau. Ils demandent tout simplement que l'on prévoit un mécanisme dans ces cas-là.

Ce serait très bien de pouvoir faire figurer dans la loi tous les cas d'espèce pour tenir compte de ces situations déplorables, mais il faut être réaliste. Vous avez prévu un mécanisme, 15 jours de préavis. Je pense que c'est juste. Si j'essayais de me dérober, je suis sûr qu'on ne tarderait pas à venir cogner à ma porte. Qu'on ne vienne pas me dire que les gens ne ramassent pas leur courrier.

Le président: Monsieur Collins, avez-vous terminé?

M. Collins: Monsieur le président, en toute justice à l'égard des rédacteurs, il ne faut pas s'attendre à ce que chaque cas figure dans la loi. Il faudrait prévoir certains cas dans les règlements pour disposer d'une marge de manoeuvre. Il se peut qu'Elwin en ait parlé avec les gens de sa région, je n'en sais rien. Je suis prêt à me pencher là-dessus au besoin, mais je pense que l'essentiel se trouve ici et est tout à fait acceptable. Je préférerais que nous décidions immédiatement et que nous ne réservions pas cet article.

Le président: Je pense que les membres du comité, des deux côtés de la table, ont exprimé leurs inquiétudes. Les fonctionnaires ont dit qu'on peut très bien prévoir ces cas-là dans les règlements et que cela sera fait. Les membres du comité pourraient envisager - et je dis bien envisager, car je ne veux rien imposer - de s'en tenir là car les opinions comme les inquiétudes ont été exprimées clairement. J'ai toutes les raisons de croire que les fonctionnaires vont en tenir compte dans les règlements, mais je m'en remets à vous, membres du comité.

Je vais vous permettre de faire encore quelques observations mais après, il faudra que nous prenions une décision sur l'amendement ou que le comité se prononce. Monsieur Culbert.

M. Culbert: Oui, très rapidement, monsieur le président.

Si vous vous reportez à l'alinéa 21(1)b), qui précède immédiatement le paragraphe 21(2), vous pouvez lire; «doit...lui donner un préavis». Voilà une chose. Il faut que le préavis soit par écrit. C'est comme cela que j'interprète cet article. Le paragraphe 21(2) lui-même fait allusion au préavis. Il dispose: «doit être donné... conformément aux règlements».

Monsieur le président, vous demandiez précisément ce que signifiait conformément aux règlements. On pourrait ajouter ceci: «ou suivant une méthode qui garantit que l'agriculteur recevra le préavis». Peu importe ce que l'on choisira, ce pourrait être par traîneau tiré par des chiens, dans la mesure où il y a une certaine latitude et où l'on comprend l'objectif, comme l'a expliqué mon collègue Wayne. Il faut que ce préavis, écrit, soit reçu.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. McKinnon: Je pense que c'est Bernie qui a dit que le processus était beaucoup plus élaboré désormais. Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue assis à ma gauche, à propos du processus. Il faut que l'on sache si les choses se sont véritablement produites ou si elles seront supposées s'être produites. Je demande aux fonctionnaires d'envisager les cas où il faudra supposer, comme M. Chrétien ou M. Hermanson l'ont expliqué. Merci.

M. Hermanson: J'ai une remarque à faire. Ce projet de loi a été renvoyé au comité avant la deuxième lecture précisément pour que nous puissions arrêter certains de ces détails-là, et je trouve singulier que M. Collins pense qu'il n'est pas important que nous le fassions.

M. Collins: Jamais de la vie, monsieur le président.

M. Hermanson: Je pense que le gouvernement libéral qui a saisi le comité de ce projet de loi avant la deuxième lecture souhaitait que nous procédions à ce travail-là. Je pense que le peaufinage de cet article est une des tâches les plus utiles que peut accomplir le comité et je me félicite que nous procédions à un examen approfondi de cet article. Je pense qu'il est grand temps que nous participions au processus législatif.

Le président: Je m'en remets aux membres du comité, mais nous sommes saisis d'un amendement et il nous faut prendre une décision. Si vous voulez revenir sur la question par la suite, nous ferons le nécessaire quand nous examinerons l'article lui-même.

Monsieur Easter.

M. Easter: J'oublie ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de l'expression «conformément aux règlements». S'agit-il de directives ou de règlements? Y aura-t-il publication?

.1025

Mme James: Il s'agit de règlements.

Il faut préciser qu'il y a une publication anticipée des règlements. Ils sont publiés dans la gazette. Si les membres du comité le souhaitent, nous pourrions nous-mêmes - , ou encoreM. Pickard - envoyer directement à chacun d'entre vous copie de ces règlements afin que vous puissiez faire vos commentaires, si vous le souhaitez. Ensuite nous pourrions veiller à ce que vous les receviez à l'avance, afin de faire vos commentaires.

Le président: Bien. Je pense que c'est maintenant clair.

Nous sommes maintenant saisis de l'amendement du Bloc québécois concernant l'article 21 du projet de loi.

L'amendement est rejeté

L'article 21 est adopté avec dissidence

Les articles 22 et 23 sont adoptés

Article 24 - Renseignements protégés

Le président: Il y a un amendement du Bloc québécois concernant l'article 24. Quelqu'un propose-t-il l'amendement? Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Oui. On accepte l'article 24 dans sa totalité sauf qu'on y ajouterait un quatrième paragraphe. Là aussi, c'est en vue de protéger l'agriculteur au maximum.

J'en donne lecture rapidement:

(4) Malgré toute loi fédérale ou règle de droit, les documents suivants ne peuvent être utilisés, allégués ou mis en preuve lors d'un recours judiciaire pris en vertu d'une loi autre que la présente loi:

a) une demande déposée en vertu de l'article 5;

b) l'inventaire de l'actif d'un agriculteur préparé en vertu du paragraphe 9(2);

c) les états financiers relatifs à l'exploitation de l'entreprise agricole d'un agriculteur préparés en vertu du paragraphe 9(2);

d) un rapport rédigé en vertu du paragraphe 9(4);

e) un plan de redressement en vue d'un arrangement financier entre un agriculteur et ses créanciers préparé en vertu de la présente loi.

Donc, l'objectif est de protéger l'agriculteur qui est déjà mal pris, qui est enlisé dans la boue jusqu'au cou ou presque et d'empêcher que ces cinq éléments reviennent contre lui, sauf selon les dispositions du projet de loi C-38 qu'on pourrait éventuellement adopter.

[Traduction]

Le président: Quelqu'un a-t-il des commentaires ou des questions au sujet de cet amendement? Monsieur Easter.

M. Easter: Je voudrais poser une question aux fonctionnaires du ministère. L'amendement de M. Chrétien ne porte-t-il pas sur une question déjà résolue dans la première partie de l'article 21?M. Chrétien donne certains détails sur des sujets très techniques, mais n'en est-il pas déjà question dans la première partie de cet article?

Mme James: En effet.

M. Easter: Merci. Je m'oppose donc à l'amendement.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: M. Easter a posé une question très pertinente. Quelqu'un a répondu, mais l'interprète a dit que la réponse était inaudible.

Qui a répondu et pourrait-on répondre de nouveau?

[Traduction]

Le président: Je vous en prie, monsieur Pickard.

M. Pickard: La réponse est oui. C'est déjà dans l'article.

[Français]

M. Chrétien: À quel endroit?

[Traduction]

M. Pickard: L'article dit:

.1030

Lorsqu'on dit dans le projet de loi «les renseignements», on inclut naturellement ceux qui sont contenus dans les points a) à e) énumérés dans l'amendement proposé. En vertu du projet de loi, il ne sera pas permis de communiquer à quiconque l'inventaire, les états financiers, le rapport ou le plan de redressement d'une entreprise agricole. Par conséquent, votre amendement n'apporte aucune protection supplémentaire à un agriculteur ou à une collectivité. La question est déjà traitée dans le projet de loi même.

Une voix: Le vote.

Mme James: Il s'agit du paragraphe 24(1).

[Français]

M. Chrétien: Monsieur le président, c'est à mon tour.

[Traduction]

Le président: Soyons bien clairs. Il y a un instant, M. Easter a demandé aux fonctionnaires, si j'ai bien compris, si les points contenus dans cet amendement de M. Chrétien étaient déjà inclus dans l'article 21.

Une voix: C'est au paragraphe 24(1).

Le président: Vous avez dit 24(1)? Je pensais que vous aviez dit qu'il s'agissait de l'article 21.

Alors la réponse, monsieur Chrétien, est que le paragraphe 24(1) tient compte de vos préoccupations. Avez-vous d'autres commentaires?

[Français]

M. Chrétien: Oui, bien sûr. J'aimerais une précision, monsieur Pickard.

Vous dites au paragraphe 24(1) qu'on ne peut divulguer les renseignements. Beaucoup de choses ne doivent pas être divulguées, mais elles sortent quand même dans le grand public.

Mon amendement précise que les documents énumérés aux alinéas a), b), c), d) et e) ne pourraient, en vertu d'une loi autre que celle que nous sommes en train d'étudier, servir à poursuivre l'agriculteur.

Je comprends ce que vous dites. Cela ne peut être divulgué, mais si c'est divulgué, peut-on s'en servir? Voilà la question.

[Traduction]

M. Pickard: On vous affirme donc que «les renseignements», autrement dit, ce que vous proposez aux alinéas a) à e), est déjà prévu au paragraphe 24(1). Aucun renseignement ne peut être communiqué. Ce que vous proposez donc dans votre amendement est superflu, car c'est déjà prévu dans la loi.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Plus tôt, dans la réponse que vous avez donnée à Wayne Easter, vous avez dit «ne peut pas être divulgué».

Je comprends de cela qu'on ne peut divulguer les renseignements, mais s'ils étaient divulgués, on pourrait s'en servir comme preuve devant une autre cour de justice, lors d'une poursuite par un troisième voisin ou un autre créancier, par exemple et en vertu d'une loi autre que le projet de loi C-38.

[Traduction]

M. Pickard: Le libellé que j'ai lu disait «ni sciemment en permettre l'examen ou l'accès». Aucun accès ou renseignement signifie aucun accès.

Mme Fillmore: Y compris devant les tribunaux ou ailleurs... Ce serait une infraction à la loi, si quelqu'un communiquait sciemment de tels renseignements sous quelque forme que ce soit et n'importe où.

Le président: Ça va, monsieur Chrétien?

[Français]

M. Chrétien: Oui.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Si l'amendement de M. Chrétien était adopté... une fois terminé le processus de médiation, et à supposer qu'il ait été infructueux, rien dans cet amendement n'empêcherait les créanciers de chercher à obtenir les preuves ou les documents dont ils ont besoin pour procéder à une forclusion ou une mise en faillite ou à toute autre mesure. Ai-je bien compris? Cet amendement ne ferme pas la porte une fois terminé le processus de médiation, n'est-ce-pas?

M. Chrétien voudrait peut-être répondre. Cette disposition s'appliquerait-elle seulement lors d'une forclusion, serait-ce le seul cas où votre paragraphe (4) s'appliquerait?

Le président: Il s'appliquerait à tout le processus.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Hermanson, je dis que d'autres personnes, peut-être éventuellement des créanciers garantis ou non garantis, pourraient poursuivre l'agriculteur à la cour civile ou à la cour supérieure pour autre chose que ce qui est prévu dans le projet de loi C-38. Ce serait une poursuite quelconque, peu importe la raison.

.1035

Je voudrais que ces documents soient mis sous scellés et ne puissent servir contre l'agriculteur. Voilà le but de l'amendement proposé par mon parti, toujours en vue de protéger l'agriculteur. Si l'objectif est de protéger un peu l'agriculteur et beaucoup les créanciers, il faudra voter contre l'amendement. Quant à moi, je voterai en faveur.

[Traduction]

Le président: Diane.

Mme Fillmore: Je pense vraiment que le paragraphe 24.(1) est beaucoup plus général. Un problème d'interprétation peut survenir si vous avez une disposition plus précise qui suit, car alors on peut mettre en doute le sens de la version plus générale du paragraphe 24.(1), qui a une portée beaucoup plus grande. Cette disposition continuerait de s'appliquer aussi après la fin du processus. Les renseignements qui ont été recueillis et présentés dans le cadre du processus prévu ici ne pourraient être utilisés à aucune autre fin, ni communiqués à personne.

M. Hermanson: On pourrait cependant réunir de nouveau les renseignements en question dans le cadre d'une procédure de mise en faillite ou de forclusion.

Mme Fillmore: Il n'y a pas de doute - c'est certain.

M. Hermanson: Il faudrait simplement repartir à zéro.

Mme Fillmore: Oui, il faudrait les obtenir par d'autres moyens.

M. Pickard: Il continuerait d'être interdit de diffuser les renseignements recueillis en vertu de la nouvelle loi; ils seraient tenus confidentiels.

M. Hermanson: Bien, c'est ce que je pensais.

L'amendement est rejeté

L'article 24 est adopté avec dissidence

Article 25 - Responsabilité personnelle

Le président: Nous sommes saisis d'un amendement. Quelqu'un propose-t-il l'amendement? Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: À l'article 25, page 13, je propose qu'on retranche de la ligne 23 les mots «n'encourent aucune» et qu'on les remplace par les mots «engagent leur».

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur Chrétien, si nous adoptons cet amendement, l'administrateur pourra être poursuivi en justice par une personne mécontente de la médiation, soit le créancier ou l'agriculteur. Est-ce le but recherché dans votre amendement?

[Français]

M. Chrétien: Non, pas vraiment. Ils engageraient leur responsabilité personnelle pour les faits - actes ou omissions. Cela pourrait éventuellement être le cas si quelqu'un faisait son travail d'une façon nonchalante. Personne n'est à l'abri de cela, sauf peut-être les députés, monsieur Hermanson, qui peuvent dire n'importe quelle connerie à la Chambre des communes.

On en a eu un cas hier. On a invité la vice-première ministre à répéter à l'extérieur ce qu'elle avait dit sur le parquet de la Chambre des communes, ce qu'elle a refusé de faire. Mais il faudrait poursuivre un administrateur qui ferait son travail d'une façon malicieuse.

[Traduction]

Le président: Madame Ur.

Mme Ur (Lambton - Middlesex): Monsieur le président, je pense que cela restreindrait certainement le nombre de personnes qui voudraient accepter cette tâche. Si l'on met en oeuvre un article de cette nature, vous pouvez être certain que ce serait probablement l'une des dernières fois que j'enverrais une demande pour occuper un tel poste. Je trouve donc cela un peu difficile à accepter. Je n'ai rien contre M. Chrétien, mais son amendement limiterait beaucoup le nombre de candidats.

M. Reed (Halton - Peel): Je suis d'accord avec Mme Ur à cet égard. Cela va à l'encontre de... Je ne connais aucune disposition législative qui fait en sorte qu'une personne encourt une responsabilité personnelle dans une telle situation.

.1040

On peut bien démettre une personne de ses fonctions si elle commet un acte terriblement répréhensible...

Une voix: Ou on peut la révoquer.

Des voix: Oh, oh!

M. Reed: Oui, on peut la révoquer. Mais c'est une toute autre histoire que de lui faire encourir une responsabilité personnelle. Je ne peux tout simplement pas accepter cela.

Le président: Monsieur Pickard.

M. Pickard: C'est justement le noeud du problème. Il est absolument certain, comme l'a ditM. Chrétien, que la loi précise bien «de bonne foi», c'est-à-dire que la personne agit de bonne foi et fait donc son travail comme il faut.

Nous espérons bien que personne ne commettra d'omission ou d'erreur mineure pouvant amener quelqu'un à penser qu'une poursuite en justice pourrait être la solution, mais je crois qu'il serait presque impossible de trouver des gens qui accepteraient de travailler dans des circonstances telles que chacun de leurs actes pourraient entraîner des poursuites en justice pour eux.

Vous avez entièrement raison, madame Ur. Nous trouvons incroyable qu'on puisse placer quelqu'un dans une telle position.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Monsieur le président, cet amendement me semble en effet plutôt sévère et je ne pense pas pouvoir l'appuyer, mais je me demande quelle protection la loi prévoit dans le cas d'un administrateur qui ne commettrait pas de bourdes involontaires, mais qui serait particulièrement incompétent ou prendrait une mesure manifestement incorrecte. De quel recours le créancier ou l'agriculteur disposerait-il et quelles seraient les répercussions possibles sur le ministère, si un administrateur faisait une gaffe monumentale, intentionnelle, ou encore commettait une mauvaise action?

M. Pickard: C'est clairement prévu par l'utilisation de l'expression «de bonne foi». S'il s'agit d'une gaffe intentionnelle, il y a là un problème.

M. Hermanson: Je comprends.

M. Pickard: Par contre...

M. Hermanson: Je me demande seulement ce qui se passe, si c'est le cas.

M. Pickard: Je vais poursuivre, si vous le permettez, merci.

Nous espérons certainement que les gens que nous nommerons, que les personnes qui poseront leur candidature et posséderont les compétences requises pour devenir administrateur ne seront pas incompétentes, mais si l'on constate que quelqu'un ne peut pas faire le travail correctement, on pourra le remplacer. Je dis franchement que c'est ce qui se passerait.

Les personnes en question doivent cependant aussi agir de bonne foi. Par conséquent, ces personnes doivent faire le travail correctement, posséder les compétences nécessaires et agir de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. Ce sont des mesures de protection raisonnables que nous insérons dans une description de poste.

M. Hermanson: Si un administrateur conclut une entente secrète avec un créancier, est-ce qu'il engage sa responsabilité ou celle du gouvernement?

M. Pickard: Il n'agit pas de bonne foi.

M. Hermanson: Que se passe-t-il s'il agit de mauvaise foi? Je ne m'interroge pas sur ce qui se passe s'il agit de bonne foi, mais que se passe-t-il s'il agit de mauvaise foi?

M. Pickard: Pour une telle action, il risque certainement de perdre son poste. Il s'expose peut-être à d'autres mesures, mais il risque son poste, car il contrevient à la loi. Il n'agit pas de bonne foi.

M. Hermanson: Est-ce que le gouvernement pourrait être poursuivi?

Mme Fillmore: L'administrateur pourrait être poursuivi personnellement s'il échappe à la protection de l'article 25. S'il n'agit pas de bonne foi, il pourrait être poursuivi à titre personnel.

M. Hermanson: D'accord. C'est ce que je voulais savoir. Merci.

Le président: Monsieur Easter, vous vouliez intervenir.

M. Easter: Je dirais simplement que dans le but d'éviter à M. Chrétien une avalanche de lettres d'amour des membres actuels de la commission, qu'il pourra afficher sur son réfrigérateur...

Une voix: Ou dans sa salle de bain.

M. Easter: ... si cet amendement est adopté, je m'oppose à son adoption.

L'amendement est rejeté [Voir Procès-verbaux]

L'article 25 est adopté

Le président: Je ne vois pas d'amendement concernant les articles 26 et 27.

M. Hermanson: Je déclare que je m'oppose à l'article 26.

Le président: Dans ce cas, nous allons les traiter l'un après l'autre.

L'article 26 est adopté avec dissidence

.1045

L'article 27 est adopté

Article 28 - Examen par le ministre

Le président: Nous avons un certain nombre d'amendements sur l'article 28. Vous trouverez dans la liasse l'amendement no 18. C'est le premier dont nous allons traiter. Qui présente cet amendement du Bloc québécois?

[Français]

M. Chrétien: Oui, moi-même, monsieur le président. À l'article 28, il n'y a pas de modification majeure si ce n'est au premier paragraphe. J'aimerais lire ces quelques lignes si vous m'en donnez l'occasion.

Le paragraphe 28(1) modifié se lirait comme suit:

28. (1) Le plus tôt possible au cours de la troisième année...

donc la troisième année au lieu de quatrième année

La modification majeure serait trois ans au lieu de quatre ans. Au lieu de «quatrième année», on dirait «troisième année».

[Traduction]

Le président: Si je comprends bien, d'après cet amendement, le premier examen intervient après la deuxième année. Dans la formulation actuelle du projet de loi, c'est après la troisième année. La formulation actuelle ne fait pas référence aux examens ultérieurs, alors que l'amendement précise qu'il y a un examen non seulement après la deuxième année, mais tous les trois ans par la suite. Je voudrais demander aux fonctionnaires si c'est là une bonne interprétation de l'amendement.

[Français]

M. Chrétien: Vous avez entièrement compris.

[Traduction]

Le président: Je voudrais poser une question aux fonctionnaires. Dans la formulation initiale du projet de loi, on prévoyait un examen après la troisième année, mais il n'était plus question d'examen par la suite. Cet amendement prévoit des examens après la seconde année, puis tous les trois ans par la suite.

Est-ce bien cela, Lois?

Mme James: Oui, c'est exact.

Le président: Bien; nous connaissons donc tous la signification de cet amendement.

Y a-t-il des questions ou des commentaires sur l'amendement?

M. Pickard: Le ministère accepte sans problème l'amendement du Bloc. Au départ, nous avons opté pour un examen au bout de trois ans, parce que cela permettait de recueillir davantage de preuves qu'en deux. Il s'agissait d'avoir suffisamment d'information pour que cet examen soit efficace. Néanmoins, si le comité estime qu'il doit intervenir au bout de deux ans plutôt que trois, cela ne pose aucun problème au ministère.

M. Hermanson: Je voudrais savoir pourquoi M. Chrétien prévoit des examens tous les trois ans. Pourquoi fait-il une telle recommandation?

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Hermanson, vous avez compris que, même si nous, députés, faisons un travail très sérieux et souvent très ardu, les projets de loi que nous étudions article par article et que nous votons à la Chambre des communes ne sont pas toujours parfaits. En devançant cela d'une année, on pourra évaluer la loi une année plus tôt et apporter les correctifs qui s'imposent.

Ces correctifs pourraient être apportés par la suite à tous les trois ans au lieu de tous les quatre ans. À cet égard, le gouvernement en place pourrait, après deux ou trois ans, décider de son propre chef de proposer des amendements à la loi.

Comme vous savez que c'est très ardu, ce serait plus facile de l'inclure immédiatement plutôt que de revenir dans deux ans ou trois ans pour apporter les correctifs nécessaires. Tel est le but de l'amendement.

[Traduction]

L'amendement est rejeté

.1050

Le président: Nous avons un autre amendement, le numéro 19 dans la liasse, proposé par le Parti réformiste. Qui propose l'amendement? Monsieur Hermanson, voulez-vous intervenir?

M. Hermanson: Monsieur le président, je propose que le projet de loi C-38 soit modifié à l'article 28 par substitution, aux lignes 29 à 37, page 14, de ce qui suit:

Le plus tôt possible au cours de la quatrième année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité de la Chambre des communes habituellement chargé des questions relatives à l'agriculture procède à l'examen détaillé de celle-ci et des conséquences de son application. Il dispose ensuite d'un délai raisonnable pour exécuter son mandat et faire déposer son rapport devant la Chambre des communes.

Nous voulons modifier le projet de loi pour exonérer le ministre de la responsabilité de cet examen, même si, à mon avis, le ministre responsable de l'Agriculture va procéder à un examen permanent, et en tout cas bien avant le troisième anniversaire.

Il nous semblerait préférable que ce soit ce comité qui examine la loi, conformément à une procédure courante. Je sais que le Comité des finances de la Chambre des communes examine périodiquement la Loi sur les banques, par exemple, même si le gouvernement l'examine évidemment beaucoup plus souvent. Nous proposons donc que ce comité examine la loi au bout de trois ans, étant entendu qu'il comprendra des députés de toutes les régions du Canada, qui connaîtront mieux que quiconque les modalités d'application de la loi et de la procédure de médiation en matière d'endettement, et qui sauront si le service de consultation répond bien aux attentes.

J'ai donc le plaisir de vous demander d'appuyer cet amendement.

Le président: Y a-t-il des questions ou des commentaires sur cet amendement? Monsieur Pickard.

M. Pickard: Monsieur le président, je pense que c'est actuellement le ministre qui est habilité à faire ces examens, qui sont ensuite déposés à la Chambre des communes. Le comité a accès à ces documents et peut traiter de toutes les questions évoquées par M. Hermanson. Il peut étudier tous les documents déposés à la Chambre. Il peut donc étudier et commenter les documents concernant les examens effectués par le ministre.

En confiant ces examens au comité, on lui imposerait un surcroît de travail. Je ne suis pas certain que nous ayons toutes les facilités pour faire ces examens, mais indépendamment de cela, il s'agit d'une tâche supplémentaire pour le comité. Je ne suis pas certain qu'il y ait lieu de retirer ces examens des attributions du ministre.

Je m'oppose donc à l'amendement en tant que tel, mais je voudrais que tous les membres du comité sachent bien que toute l'information concernant les examens effectués par le ministre est à leur disposition. Nous pouvons l'étudier, nous pouvons convoquer des témoins et parler de chaque examen. Nous pouvons faire des recommandations. Le comité peut donc intervenir sur toute l'information qui découle de l'examen.

M. Hermanson: M. Pickard a raison, mais mon amendement a pour objet d'obliger le comité à effectuer cet examen, comme d'autres comités sont tenus par la loi d'étudier certains autres documents.

Je reconnais, monsieur Pickard, que nous pouvons... Le comité peut faire tout ce qu'il décide de faire, mais selon la proposition du gouvernement telle qu'elle figure dans ce projet de loi, nous ne sommes pas tenus d'entreprendre un tel examen. À mon avis, nous devrions être tenus de le faire. Voilà ce que je voulais dire.

L'amendement est rejeté

Le président: Il y a un amendement du Parti libéral. Monsieur Easter.

M. Easter: Il s'agit de l'amendement que le greffier vient de distribuer, et non pas de celui qui figure à la page 20. Je l'ai soumis au greffier la semaine dernière.

Je propose que le projet de loi C-36 soit modifié à l'article 28 par substitution, à la ligne 35, page 14, de ce qui suit:

(2) Dans le cadre de son examen, le ministre étudie l'opportunité d'étendre les fonctions des administrateurs de sorte que tout administrateur soit tenu, à la demande d'un agriculteur en difficulté financière, d'effectuer un examen détaillé de la situation de l'agriculteur et de proposer toute mesure jugée utile afin d'alléger les difficultés financières de l'agriculteur ou d'y mettre fin.

Vient ensuite le paragraphe 3, qui correspond à l'actuel paragraphe 2:

Le ministre fait déposer dès que possible...

... etc.

.1055

Monsieur le président, je présente cet amendement dans le but... Le problème, c'est que le service de consultation pour les agriculteurs n'a pas encore été désigné, et on ne peut donc l'appeler par son nom. L'amendement vise à assujettir ce service de consultation, quel que soit le nom qu'on lui donne, à un processus de révision, au même titre que les dispositions de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, de façon que la majorité des agriculteurs qui font appel au service de l'endettement agricole mais qui ne sont pas insolvables aient l'assurance que cette structure s'acquitte de la tâche qui lui est confiée et qu'en outre, elle soit suffisamment durable.

Pour compléter l'explication, monsieur le président, je fais cette proposition parce que nous avons beaucoup parlé du service de consultation agricole au sein de ce comité pour savoir s'il devait avoir le même mode de financement et les mêmes fonctions que les bureaux d'examen de l'endettement agricole en vertu de l'article 15 ou 20 - je n'en suis pas sûr.

En tout état de cause, c'est ce que dit Mme James dans une lettre qu'elle m'a adressée, et qui montre bien, je crois, la nécessité de l'amendement que je propose. Mme James écrit - et je cite:

Ce qui me préoccupe, c'est l'éventualité où ce service ne répondrait pas à ses objectifs ou devrait être abandonné par décision du Conseil du Trésor, par exemple. L'amendement a pour effet de soumettre ce service à l'examen du ministère et du comité, ce qui nous permettrait de nous prononcer sur son avenir.

Le président: Je vous signale qu'un autre comité a besoin de cette salle, et nous allons devoir la libérer dans deux minutes. Nous n'aurons évidemment pas fini, puisque nous avons encore un amendement à étudier, de même que le reste des articles. Je pense donc que nous allons devoir continuer demain.

Monsieur Hermanson, avez-vous un commentaire à ce sujet plutôt que sur l'amendement?

M. Hermanson: Une petite intervention. Lorsque nous reviendrons sur cet amendement,M. Easter pourra peut-être préciser qu'il s'agit de n'importe quel organisme ou service fédéral, et non pas de n'importe quel organisme ou service. Sans un tel rectificatif, nous risquons de sortir de notre domaine de compétence.

Le président: Nous devons conclure la séance d'aujourd'hui.

Avant de vous laisser partir, je signale que nous n'avons pas de salle réservée pour demain mais que nous allons terminer demain l'étude de ce projet de loi; je vous demande donc de réserver la période nécessaire.

Jeudi, nous allons accueillir des fonctionnaires qui vont nous parler du budget supplémentaire.

Mardi prochain, nous aurons une séance sur le recouvrement des coûts. Nous n'avons pu obtenir une salle que jusqu'à 11 heures; je vous pose donc la question suivante: si nous fournissons des muffins, etc., êtes-vous prêts à commencer la séance à 8 heures, de façon que nous puissions travailler pendant trois heures?

M. McKinnon: Quel jour?

Le président: Le mardi 10 décembre. Nous allons organiser une séance de 8 heures à 11 heures.

Pour le mercredi, nous avons reçu des demandes de comparution de personnes qui veulent nous parler de renouvellement rural. Elles peuvent venir mercredi.

Le seul moment où le ministre peut comparaître devant le comité d'ici à Noël est l'après-midi du jeudi 12 décembre; nous avons donc prévu une séance à 3 h 30. Je tiens à vous en informer.

Nous nous reverrons donc demain et le greffier vous fera savoir à quel endroit.

[Français]

Monsieur Chrétien.

M. Chrétien: Quand allons-nous terminer l'étude article par article du projet de loi C-38? Vous ne l'avez pas dit.

[Traduction]

Le président: Demain.

[Français]

M. Chrétien: Demain?

[Traduction]

Le président: Monsieur Hermanson.

.1100

M. Hermanson: Monsieur le président, nous avions convenu en comité directeur qu'il était essentiel que le ministre comparaisse cette semaine, et que la date du jeudi était tout à fait inacceptable. Vous nous dites maintenant que ce jeudi est le seul moment où le ministre pourra nous rencontrer. Pourtant, les députés de votre propre parti disaient eux-mêmes qu'il n'y aurait sans doute pas grand monde à cette séance.

Le président: Monsieur Hermanson, je le comprends parfaitement. J'ai moi-même présenté très fermement cet argument au personnel du ministre, et j'ai fait d'autres commentaires concernant l'intervention du ministre. Je suis désolé, je n'ai pas pu les faire changer d'emploi du temps. J'ai exprimé la volonté du comité directeur et de ce comité de la façon la plus vigoureuse.

Le greffier m'informe que la première et la seule fois que le ministre peut comparaître devant le comité serait le jeudi 12 décembre en après-midi. Si le comité ne désire pas entendre le ministre à ce moment-là, je crois que nous devons l'en informer, mais à moins d'avis contraire, nous fixerons ce rendez-vous.

Madame Ur.

Mme Ur: Monsieur le président, je ne serai pas ici avant 9 h 30 mardi prochain.

Le président: D'accord.

La séance est levée.

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