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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mars 1997

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[Traduction]

Le président: Silence. Je vous prie de prendre vos places. Comme nous avons le quorum, la séance est maintenant ouverte.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui et qui nous occupera au cours des prochaines semaines, est l'examen du projet de loi C-72, Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.

Permettez-moi d'abord de vous expliquer comment nous comptons procéder pour cet examen. M. Pickard, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture, accompagné des fonctionnaires du ministère, nous donnera d'abord un aperçu général du projet de loi. Mardi prochain, nous entendrons des représentants des syndicats du blé et de la Fédération canadienne de l'agriculture. La semaine d'ensuite, 10 membres du comité se rendront dans l'Ouest canadien. Sur une période de cinq jours, nous entendrons des témoins à Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary et Grande Prairie.

D'ici là, d'autres témoins demanderont peut-être à comparaître devant le comité, et nous ferons de notre mieux dans ce cas pour les entendre après la reprise des travaux parlementaires en avril. Nous voudrons ensuite sûrement obtenir des fonctionnaires d'autres précisions au sujet du projet de loi. Nous passerons ensuite à l'étape législative normale de l'étude article par article du projet de loi.

Je n'ai pas à souligner l'importance de ce projet de loi pour tous les intéressés et notamment pour l'industrie céréalière sur laquelle il aura une incidence à plusieurs égards.

Voilà donc le travail qui nous attend comme membres du comité ainsi que comme participants de l'industrie. Je sais que nous conjuguerons tous nos efforts dans l'intérêt du secteur.

Cela étant dit, je vous remercie encore une fois tous d'être ici ce matin.

J'invite maintenant M. Pickard, secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, à nous faire sa déclaration préliminaire.

Bienvenue, Jerry.

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je vous remercie, monsieur le président.

Permettez-moi d'abord de vous présenter deux fonctionnaires du ministère qui feront un bref exposé sur le projet de loi C-72 et qui répondront ensuite à nos questions s'y rapportant. Il s'agit de MM. Howard Migie et Victor Jarjour.

Ce que nous avons appris au sujet de la Commission canadienne du blé nous a beaucoup intéressés. Depuis plus de 60 ans, la Commission canadienne du blé sert très bien les agriculteurs canadiens. La Commission s'est taillé pendant cette période une réputation enviable pour ce qui est de la qualité du produit qu'elle offre et de sa fiabilité. Elle a aussi pu obtenir pour les agriculteurs canadiens et l'industrie canadienne en général les meilleurs prix possible.

Jusqu'ici, la Commission pouvait compter sur un environnement très positif. Cet environnement a cependant beaucoup changé récemment. Il ne fait aucun doute que la concurrence à laquelle nos producteurs font face sur les marchés mondiaux est beaucoup plus vive. Il y a eu libéralisation des échanges sur les marchés. Il va de soi aussi que les exigences des consommateurs ont changé. Les subventions versées aux producteurs ont, pour leur part, changé. Dans le domaine de la biotechnologie, les nouvelles techniques ont aussi eu un impact énorme. Chaque jour, on met également au point des produits à valeur ajoutée.

Le secteur du grain est donc aujourd'hui bien différent de celui qu'on connaissait par le passé. Pour demeurer compétitifs dans le secteur du grain, il nous a cependant fallu faire preuve d'innovation, d'autonomie et de souplesse.

Comme chacun sait, le rôle de la Commission canadienne du blé, les problèmes perçus dans le secteur du grain ainsi que la modification du système font l'objet d'un débat animé depuis plusieurs années. Les amendements à la loi que propose le projet de loi reflètent les suggestions qui ont été faites afin d'adapter le système à la situation actuelle.

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Il nous faut avant tout faire en sorte que nous puissions toujours compter sur un service fiable et souple. La meilleure pratique de vente constitue également un important aspect du projet de loi. Nous devons veiller à ce que l'industrie soit en mesure d'être concurrentielle dans l'avenir pour pouvoir conserver sa place sur les marchés mondiaux.

Plusieurs étapes ont précédé la préparation du projet de loi. Comme vous le savez, il est l'aboutissement de très longues consultations. Le ministre a nommé un groupe de commercialisation du grain de l'Ouest qui a vraiment favorisé le dialogue entre les céréaliculteurs et les divers autres intervenants du secteur. Ce groupe a vraiment permis de recueillir beaucoup d'information et d'entendre tous les points de vue. Les consultations ont été très ouvertes. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit des consultations les plus approfondies qui aient jamais été menées sur la commercialisation du grain, du moins à l'époque moderne.

Des réunions publiques ont eu lieu au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta afin de faire jaillir des idées sur la façon d'améliorer le système. Les participants à ces réunions ont proposé des solutions de rechange ainsi que des améliorations au système actuel. Les audiences menées à Regina, Winnipeg et Edmonton se sont déroulées sur 12 jours. Le groupe a entendu le témoignage de 69 personnes. Il a également reçu des mémoires de ceux qui ne pouvaient pas participer aux audiences. Au total, 78 mémoires écrits ont été présentés au groupe.

La Commission de commercialisation du grain de l'Ouest a présenté son rapport au ministre Goodale l'été dernier. Il a résumé les propositions de la Commission et les a soumises aux milieux agricoles eux-mêmes pour commentaires. Douze mille personnes et groupes ont fait part de leurs suggestions au ministre et au ministère. Toutes ces réponses ont été soigneusement examinées afin de voir comment elles pourraient donner lieu à une amélioration du système de commercialisation du grain. Le projet de loi C-72 est le fruit de ce travail. Il reflète les suggestions et les recommandations qui ont été transmises au ministère.

J'aimerais maintenant laisser la parole à Howard qui vous donnera un bref aperçu du projet de loi.

Howard.

M. Howard Migie (directeur général, Direction de l'adaptation et de la politique des grains, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je vous remercie beaucoup, monsieur Pickard.

Je suis heureux de pouvoir vous expliquer les motifs qui sous-tendent le projet de loi C-72. Je ne compte pas m'étendre maintenant sur tous les articles du projet de loi, mais nous pouvons remettre au comité, s'il le souhaite, un examen de chacune des dispositions de celui-ci. Je me propose plutôt de vous parler des trois grands éléments du projet de loi.

Le premier, que les gens ont tendance à considérer comme une question de régie, est le rôle du gouvernement ainsi que des producteurs dans les décisions prises par la Commission canadienne du blé.

Le deuxième a trait aux outils qui permettront d'accroître la souplesse de la Commission canadienne du blé.

Le troisième a trait au mandat de la Commission canadienne du blé elle-même.

Parlons d'abord de la question de régie. À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé est une société d'État et un mandataire de Sa Majesté. Le gouvernement du Canada nomme les commissaires dont relève la gestion de la Commission.

Il est ressorti clairement des discussions qui ont eu lieu sur le sujet que les agriculteurs souhaitent participer davantage aux décisions de la Commission canadienne du blé. Pour ce faire, les producteurs doivent donc siéger au conseil d'administration de la Commission et cesser d'être de simples conseillers auprès de ceux qui prennent les décisions. Voilà donc pourquoi le projet de loi C-72 envisage de confier aux administrateurs de la Commission canadienne du blé de véritables pouvoirs décisionnaires et prévoit un mécanisme par lequel les agriculteurs choisiront la majorité des membres du conseil d'administration.

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Dans l'élaboration du projet de loi C-72, nous nous sommes demandé comment nous pouvions nous y prendre pour conserver les avantages financiers qui découlent du fait que la Commission canadienne du blé est actuellement une société d'État et un mandataire de Sa Majesté. Ce n'est pas la garantie touchant le paiement initial qui est en cause étant donné que le gouvernement verse une garantie à l'égard du paiement initial à la Commission ontarienne de commercialisation du blé, par exemple. Or, le gouvernement du Canada n'a pas voix au chapitre pour ce qui est des décisions de gestion ou de la nomination du conseil d'administration de cette commission bien que la valeur de la garantie revête beaucoup d'importance pour la Commission canadienne du blé.

La garantie sur laquelle repose le programme de vente de céréales à crédit constitue un autre avantage financier qui n'est cependant pas étroitement lié au fait que la Commission canadienne du blé soit une société d'État. La Société pour l'expansion des exportations offre des avantages semblables aux exportateurs bien qu'aucun autre groupe d'exportateurs ne puisse compter sur un programme de crédit spécial comme celui qu'offre la Commission canadienne du blé. Un troisième type de garantie offert est très important pour la Commission. Cette fois-ci, cet avantage est étroitement lié au fait que la Commission est une société d'État et un mandataire de Sa Majesté. Cet avantage est apparent lorsque la Commission emprunte des fonds. J'ajouterais que la Commission est un emprunteur très important au Canada qui peut emprunter jusqu'à 6 milliards de dollars par année.

Lorsque la Commission canadienne du blé emprunte des fonds à titre de mandataire de Sa Majesté, c'est comme si le Canada empruntait ces fonds. Ces emprunts sont pleinement garantis comme s'ils étaient contractés par la Banque du Canada, le ministère des Finances ou tout autre organisme dûment reconnu comme mandataire du Canada.

Dans un numéro récent de son bulletin, la Commission canadienne du blé faisait état du fait que les intérêts gagnés au cours de la campagne agricole 1995-1996 s'élevait à 80 millions de dollars. Il s'agit là d'une somme importante bien que les intérêts gagnés soient plus élevés cette année qu'à l'habitude. Le gouvernement du Canada n'offre à aucune société privée le droit d'être mandataire de Sa Majesté. Seules quelques sociétés d'État jouissent de ce privilège.

Si la Commission canadienne du blé comptait un seul administrateur qui ne serait pas nommé par le gouvernement du Canada, elle cesserait d'être une société d'État. Il n'est donc pas possible que la Commission canadienne du blé demeure une société d'État et un mandataire de Sa Majesté, ce qui lui permet d'emprunter environ 6 milliards de dollars par année, si nous souhaitons vraiment que son conseil d'administration se compose en majorité de membres élus par les agriculteurs.

Voici donc ce qui est prévu à cet égard dans le projet de loi C-72. Les emprunts contractés par la Commission canadienne du blé continueraient d'être garantis par le ministre des Finances pourvu que la Commission prenne un certain nombre de mesures. Ces mesures seraient les mêmes que celles que des sociétés d'État que la Société pour l'expansion des exportations doivent prendre. Seules les sociétés d'État de plein titre peuvent jouir de ce privilège. Il importait grandement de trouver une solution à cet égard étant donné l'importance des emprunts contractés et les avantages qui découlent de cette disposition pour les agriculteurs. Nous pensons y être parvenus par le projet de loi C-72.

On peut dire que la Commission canadienne du blé se sert de la carte de crédit du gouvernement. On connaît suffisamment bien un membre de sa propre famille et on lui fait suffisamment confiance pour lui permettre de se servir de sa carte de crédit. Il est assez rare qu'on donne cependant accès à sa carte de crédit à son voisin. Même si la Commission canadienne du blé sera gérée par un conseil d'administration dont la majorité des membres seront choisis par les agriculteurs, le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire du projet de loi C-72, est prêt à continuer à garantir tous les emprunts de la Commission canadienne du blé sans exiger que la Commission lui fournisse des garanties supérieures à celles qui sont actuellement demandées à toutes les sociétés d'État.

Dans le projet de loi C-72, «la direction et l'administration des affaires de la Commission sont assurées par le conseil d'administration». C'est textuellement tiré du projet de loi. Cette formulation est très semblable à celle qu'on retrouve dans la Loi sur les sociétés par actions qui s'applique à la plupart des sociétés privées. Voici ce qui a été ajouté à cet article: «Investi, à ces fins, de tous les pouvoirs conférés à la Commission». Ces mots viennent renforcer la disposition.

On prévoit que la Commission canadienne du blé demeurera une société d'État pendant un an, après quoi certains administrateurs de la Commission seront élus par les agriculteurs conformément à des modalités qui seront établies après l'adoption du projet de loi. Le gouvernement s'est engagé à ce que la majorité des membres du conseil d'administration de la Commission soient des agriculteurs ou des membres élus par des agriculteurs. Plusieurs personnes ont réclamé que le projet de loi comporte cette exigence. À l'heure actuelle, le projet de loi C-72 permet que la majorité des membres du conseil d'administration soient des agriculteurs ou élus par ceux-ci, mais il ne l'exige pas. Il faudra décider jusqu'où on veut aller dans ce projet de loi.

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Bien qu'on se soit largement prononcé en faveur de l'élection des administrateurs, la discussion n'a pas été très étendue sur les qualités exigées de ceux qui se présenteront aux élections ni sur le nombre exact de membres que chaque province devra faire élire. Le Groupe sur la commercialisation du grain de l'Ouest n'a pas vraiment abordé de façon approfondie ces questions.

On a prévu que le conseil d'administration provisoire arrêterait un certain nombre de ces détails. Le projet de loi C-72 prévoit l'adoption d'un règlement portant sur les règles régissant les élections au conseil d'administration de la Commission. Il incomberait ensuite au conseil d'administration de tenir les élections.

Outre les importantes garanties financières que le gouvernement accorde à la Commission canadienne du blé, il existe quelques autres raisons très importantes pour lesquelles le gouvernement canadien doit participer à la direction et à l'administration des affaires de la Commission.

Premièrement, la Commission canadienne du blé est chargée de délivrer des licences d'exportation aux producteurs canadiens. Si le conseil d'administration de la Commission doit se composer d'administrateurs élus par les agriculteurs des Prairies et que la Commission doit continuer de délivrer des permis d'exportation à l'extérieur de la région des Prairies, il s'impose donc que le gouvernement fédéral y soit représenté.

La Loi sur la Commission canadienne du blé prévoit actuellement que le gouverneur en conseil peut donner des directives à la Commission, et le projet de loi C-72 conserve cette disposition à laquelle on a eu rarement recours. À ma connaissance, il n'est arrivé que deux fois au cours des 20 dernières années que le gouverneur en conseil donne des directives à la Commission. La première fois, le gouvernement a imposé un embargo sur les exportations à destination de l'ancienne Union soviétique, embargo qui n'était pas dans l'intérêt des agriculteurs des Prairies mais qui s'imposait tout de même pour d'autres raisons. La deuxième fois, le gouvernement a ordonné à la Commission de délivrer un permis d'exportation de l'orge en Ontario au début des années 80.

Le pouvoir de contrôler les exportations est clairement un pouvoir important conféré à la Commission canadienne du blé. Il ne s'agit pas là d'un pouvoir que le gouvernement délègue normalement à une entreprise privée ou à des entreprises dont le conseil d'administration est contrôlé par le secteur privé, ce qui deviendrait le cas de la Commission canadienne du blé. Il importe donc que le gouvernement conserve certains pouvoirs ou un certain degré d'influence pour ce qui est des permis d'exportation.

Nous avons aussi tenu compte dans l'élaboration du projet de loi du fait que le ministre est responsable de la Commission devant le Parlement. Étant donné que le ministre doit rendre compte au Parlement des mesures prises par la Commission canadienne du blé, il est normal que le ministre souhaite avoir un droit de regard sur la Commission. Il importe que le ministre soit tenu au courant des affaires de la Commission et qu'on lui fournisse des conseils sur celle-ci de manière à ce que lorsqu'un problème surgit comme celui qui se pose actuellement en ce qui touche l'acheminement du blé et de l'orge vers les ports, la Commission canadienne du blé puisse fournir au ministre l'information dont il a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités envers le Parlement et qu'il puisse répondre aux questions qui pourraient lui être posées sur la Commission.

Malgré toutes les raisons qui militent en faveur de la participation du gouvernement aux affaires de la Commission, les arguments avancés pour justifier le fait que les producteurs devraient avoir le contrôle sur les opérations de la Commission ont été tellement convaincants qu'il a été décidé que le conseil d'administration devait se voir conférer des pouvoirs étendus et qu'il ne devait pas être sous la tutelle du gouvernement. Par conséquent, le projet de loi C-72 prévoit que le gouvernement ne nommera qu'une minorité des membres du conseil d'administration. C'est le gouvernement qui nommera cependant le président du conseil d'administration ainsi que le président et le PDG de la Commission. On s'attend cependant clairement à ce que la Commission canadienne du blé, tant dans la façon dont elle exercera ses pouvoirs que dans la façon dont elle commercialisera ses produits, fasse preuve d'une grande indépendance à l'égard du gouvernement.

Je sais que j'ai insisté jusqu'ici sur les raisons qui expliquent pourquoi le gouvernement doit continuer de jouer un rôle au sein de la Commission, mais c'est parce que je sais que de nombreux autres témoins vous expliqueront pourquoi il importe que les producteurs jouent un plus grand rôle que par le passé. Le projet de loi C-72 va d'ailleurs dans ce sens. Nous avons estimé que la meilleure façon d'accorder un rôle accru aux agriculteurs c'est de faire en sorte que la majorité des administrateurs de la Commission soient élus par les agriculteurs et de confier au conseil d'administration les mêmes responsabilités que celles qui seraient confiées à une entreprise privée.

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J'aimerais insister sur trois dispositions particulières du projet de loi C-72 qui portent sur la régie de la Commission étant donné qu'elles semblent avoir été mal interprétées.

La première disposition porte sur la révocation éventuelle d'administrateurs élus. Une disposition du projet de loi C-72 prévoit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, régir la révocation éventuelle d'administrateurs élus. Le règlement doit évidemment préciser que la révocation est justifiée. À titre d'exemple, si un administrateur élu estimait que de l'information dont il dispose doit être rendue publique, y compris de l'information commerciale de nature confidentielle, il est bien évident que le conseil d'administration ne pourrait pas fonctionner comme il se doit. Il faudrait qu'il soit alors possible de révoquer la nomination d'un administrateur élu. Comme les administrateurs occupent leurs fonctions à titre amovible, la possibilité qu'ils puissent être révoqués est clairement prévue.

Une deuxième disposition prévoit que les dirigeants, les administrateurs et les employés de la Commission doivent observer les instructions que reçoit celle-ci sous le régime de la loi. Comme je l'ai dit plus tôt, la Loi sur la Commission canadienne du blé prévoit actuellement que le gouverneur en conseil peut donner des instructions à la Commission. Il le fait très rarement, mais s'il le faisait, les administrateurs seraient tenus de suivre ces instructions même si elles leur apparaissaient contraires aux intérêts des producteurs de blé et d'orge. Comme les administrateurs n'auraient pas pris la décision en question, on a jugé qu'il serait raisonnable de préciser qu'ils ne seront pas redevables des conséquences de la mise en oeuvre de cette décision qui pourrait, par exemple, se traduire par un embargo sur le grain, et que ce serait au gouvernement du jour d'en être redevable.

La troisième et dernière disposition portant sur la régie de la Commission sur laquelle je souhaite attirer votre attention a trait aux limites de responsabilité des administrateurs et à l'indemnisation des dirigeants, des administrateurs et des employés de la Commission. Il importe que la Commission canadienne du blé compte un personnel de qualité, et voilà pourquoi ces dispositions prévoient des limites à leur responsabilité ainsi que l'indemnisation des frais qu'ils peuvent encourir dans l'exercice de leurs fonctions tout comme le prévoit la Loi sur les sociétés par actions en ce qui touche les administrateurs des sociétés d'État et des sociétés privées. En fait, le projet de loi reprend presque exactement le libellé des paragraphes 122(1) et (2) ainsi que du paragraphe 123(4) de la Loi sur les sociétés par actions.

Monsieur le président, permettez-moi de vous entretenir du deuxième élément important du projet de loi C-72, soit des mécanismes qui permettront à la Commission d'être plus souple. Le projet de loi prévoit un certain nombre de mécanismes afin d'accorder plus de souplesse à la Commission canadienne du blé dans la conduite de ses opérations. Le Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest a formulé 13 recommandations au sujet de la régie de la Commission et de sa souplesse. Le projet de loi C-72 permet de mettre en oeuvre les cinq recommandations formulées par le groupe portant sur la régie de la Commission ainsi que les huit recommandations qui portent sur sa souplesse.

Voici les recommandations les plus importantes du groupe qui se reflètent dans le projet de loi et qui visent à accorder plus de souplesse à la Commission canadienne du blé. Permettre à la CCB de faire des achats au comptant; permettre à la CCB d'acheter du grain d'autres sources que les silos-élévateurs et les wagons ferroviaires; permettre qu'on ferme des comptes de mise en commun lorsque le syndicat de producteurs a cessé d'exister; et permettre la cession de certificats de production négociables.

La treizième recommandation du groupe n'a été mise en oeuvre que partiellement dans le projet de loi C-72. Le groupe a recommandé de prévoir un mécanisme qui permettrait à la Commission canadienne du blé de commencer à se capitaliser. Le projet de loi C-72 prévoit la création d'un fonds pour éventualités qui se rapproche d'un compte de capital, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Le fonds pour éventualités se rapporte à deux des pouvoirs de la Commission: celui qui lui permet de faire des achats au comptant et celui qui prévoit que les ajustements aux acomptes à la livraison ne seront plus garantis à partir d'une certaine date.

À l'heure actuelle, lorsque la Commission canadienne du blé souhaite relever les acomptes à la livraison, ce qu'elle a fait il y a quelques semaines à peine dans le cas de l'orge de brasserie, le conseil d'administration prend une décision et transmet une recommandation au ministre. Au total, la Commission doit attendre au moins trois semaines avant d'obtenir l'approbation d'augmenter les acomptes à la livraison. La raison de ce délai, c'est que le gouvernement du Canada encourt ce qu'on appelle un passif éventuel lorsqu'on rajuste les acomptes à la livraison. Il est en effet possible que le gouvernement ait à débourser plus d'argent. Chaque fois que c'est une possibilité, il faut suivre un certain processus. Dans un cas pareil, le ministère de l'Agriculture n'est pas le seul à prendre des risques. Le ministère des Finances le fait également. Le ministère de l'Agriculture doit donc soumettre la question à ses collègues du Cabinet pour leur approbation et ce processus prend habituellement non pas quelques semaines, mais deux ou trois mois.

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Bien que le processus ne prenne dans la plupart des cas que quelques semaines, on a jugé qu'il vaudrait beaucoup mieux que la Commission canadienne du blé prenne sa décision un après-midi et l'annonce en soirée. Le jour suivant, les acomptes à la livraison seraient rajustés en conséquence, ce qui signifierait que les agriculteurs toucheraient tout de suite leur argent. Si la décision de rajuster l'acompte à la livraison visait à amener plus de producteurs d'orge à vendre leur produit, par exemple, cela se produirait tout de suite au lieu que cela prenne plusieurs semaines.

On a estimé qu'il y avait si peu de risques que le rajustement des acomptes à la livraison entraîne un déficit que ce n'était pas une raison pour s'opposer à ce mécanisme qui accorderait plus de souplesse à la Commission. Ce mécanisme permettra d'ailleurs à la Commission de réagir plus rapidement aux fluctuations du marché.

Le deuxième pouvoir qui se rapporte au fonds pour éventualités, est la possibilité d'effectuer des achats au comptant. La Commission canadienne du blé s'est rendu compte que dans certains cas, il serait très avantageux qu'elle puisse s'approvisionner à l'extérieur du système de mise en commun et qu'elle puisse faire appel à un système complémentaire. Certains ont peut-être même dit que ce système pourrait être tout à fait distinct du système de mise en commun.

Le projet de loi C-72 ne prévoit aucune restriction en ce qui touche les achats au comptant. Il incombera au conseil d'administration de décider s'il veut recourir à ce mécanisme comme à un mécanisme complémentaire, ou s'il veut y recourir de façon continue pour l'orge de provende, par exemple.

Quel que soit le cas, le problème qui se pose en ce qui touche les achats au comptant, c'est qu'il est toujours possible que la Commission encoure une perte sur le marché des produits à terme. La Commission canadienne du blé voudra sans doute une protection en ce qui touche les achats au comptant. Comme il est impossible d'avoir une protection parfaite, des profits ou des pertes sont possibles.

L'une des façons de couvrir des pertes possibles provenant d'achats au comptant ou des pertes provenant d'un rajustement des acomptes à la livraison, serait soit de recourir au système de mise en commun actuel ou à un système de mise en commun future en puisant dans les profits provenant des opérations d'emprunt ou en levant des fonds par l'imposition d'un prélèvement.

C'est l'option qui sera retenue par le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé qui déterminera l'importance du fonds pour éventualités qui doit être constituée. Il sera peut-être possible de créer un fonds extrêmement petit. Le conseil d'administration décidera peut-être plutôt de réserver plusieurs millions de dollars pour constituer un fonds pour éventualités.

Je sais que l'Australian Wheat Board, quant à lui, a cri un fonds pour éventualités considérable ce qui, beaucoup le pensent, pourrait également arriver au Canada. Mais en Australie l'objectif était double: d'une part, se préparer à la perte de la garantie d'emprunt, d'autre part, faire des dépenses d'investissement. Ce projet de loi ne vise aucun de ces objectifs.

Le troisième volet du projet de loi C-72, monsieur le président, porte sur les changements de mandat. Le Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest a formulé plusieurs recommandations, l'une d'entre elles étant que les blés biologiques soient vendus hors du système de la Commission canadienne du blé, et que les variétés non enregistrées de blé ne relèvent pas de la compétence de cette dernière. Vous savez sans aucun doute qu'il a été décidé de ne pas appliquer, dans cette loi, les recommandations émanant du Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest, mais de mettre en place un processus visant à prendre ce genre de décisions.

Par exemple, si le conseil d'administration souhaitait voir le blé biologique commercialisé hors de la Commission canadienne du blé, il pourrait formuler cette recommandation et la Commission canadienne des grains devrait certifier qu'il y a un mécanisme en place afin que le blé biologique ne soit pas mélangé, et que la qualité de notre système soit protégée. Le gouvernement pourrait alors décider de cette mesure par décret. Si le conseil d'administration suggérait qu'il s'agissait d'un changement significatif, la proposition pourrait être mise aux voix.

Je voudrais, sur ce, ajouter que des craintes avaient été exprimées à propos du projet de loi C-72, sur la clause de régie qui aurait pu compromettre la capacité des agriculteurs de vendre du blé ou de l'orge de provende hors de la Commission canadienne du blé. Nous avons examiné cette question et avons conclu que le projet de loi C-72 ne modifie pas la situation en ce qui concerne le marché interne des provendes. Les dispositions utilisées pour ce règlement figurent encore au projet de loi, et le gouvernement a clairement l'intention de ne rien y changer, mais si pour une ou raison ou une autre il y avait encore le moindre doute à ce sujet lorsque le comité examinera le projet de loi, ce serait l'occasion idéale de mettre les choses au point dans la loi.

Il y a deux autres articles du projet de loi C-72 que je voudrais mentionner en passant, parce qu'il n'en a pas été question dans la déclaration politique. Il s'agit du premier article du projet de loi qui modifie, entre autres, la définition de la région désignée en n'exigeant pas que la région Creston-Wynndel de Colombie-Britannique en fasse partie. Il n'y a pas de silos dans cette région, et elle ne compte qu'une dizaine de détenteurs de permis. Cette région pourrait toutefois être désignée par ordre de la Commission canadienne du blé si les circonstances futures le justifient.

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Le second article du projet de loi C-72 définit la loi comme liant le Canada et une province. C'est censé être la situation actuelle, qui est contestée par le gouvernement de l'Alberta, et c'est pourquoi le projet de loi C-72 l'énonce clairement.

Il y a une autre disposition du projet de loi C-72 que je voudrais mentionner, à savoir l'article 24, où il est question de l'application de l'Accord de libre-échange nord-américain. À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé relève des dispositions de l'ALENA qui figurent dans la Loi sur la gestion des finances publiques; elle y est assujettie parce qu'elle est une société d'État. Mais dans ce projet de loi, il est prévu que la Commission du blé deviendra une société d'économie mixte, et si nous n'introduisons pas cet article dans la Loi sur la Commission canadienne du blé cette dernière ne serait plus assujettie à cette disposition. L'article relatif à l'ALENA qui figure au projet de loi C-72 contient donc exactement les mêmes termes que la loi à laquelle obéit actuellement la Commission canadienne du blé.

Il y a beaucoup d'autres dispositions du projet de loi que je n'ai pas mentionnées, mais nous avons préparé une explication détaillée, article par article, dont nous pouvons laisser plusieurs exemplaires auprès du greffier du comité, monsieur le président.

En terminant je voudrais souligner que les modifications à la structure et à la gestion de la Commission canadienne du blé sont probablement les changements les plus importants contenus dans le projet de loi C-72. Les dispositions donnant une plus grande souplesse sont importantes, mais moins que les modifications sur la structure et la gestion. Les décisions de gestion de la Commission canadienne du blé seront prises par un conseil d'administration, dont la majorité des membres pourrait être élue par les agriculteurs des Prairies.

Les avantages financiers que retire actuellement la Commission canadienne du blé en vertu de son statut de société d'État ont été conservés, et le partenariat entre les producteurs de blé et d'orge des Prairies et le gouvernement fédéral sera beaucoup mieux traduit, avec cette loi, dans la structure et la gestion de la Commission canadienne du blé.

Je vous remercie. Je vous rends la parole, monsieur Pickard.

M. Pickard: Merci beaucoup, Howard. Vous avez très bien présenté les grandes lignes de ce projet de loi.

Il ne nous reste plus qu'à répondre à vos questions, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Pickard.

Le premier à avoir la parole est M. Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président. Je vais commencer par la fin, avec le projet d'article 39.1, page 16, à savoir l'achat de blé au comptant. Nous venons de procéder à un vote pour savoir si nous voulions commercialiser l'orge soit sur le marché ouvert, soit par le biais d'un comptoir unique. Pourquoi imposer l'achat de blé au comptant à ces conditions, alors que la Commission du blé peut l'acheter à toute personne ou tout groupe de personnes extérieures au secteur agricole? N'est-ce pas un nouveau système de commercialisation que vous nous donnez?

Le président: Un simple éclaircissement: s'agit-il de l'article 39.1?

M. Hoeppner: C'est le projet d'article 39.1, «Achat de blé au comptant», à la page 16 du projet de loi. Il s'agit de l'article 20.

Je vous le lis:

M. Migie: Permettez-moi d'expliquer. Le groupe d'étude n'a pas recommandé, d'une façon générale, que la Commission ait le pouvoir, sans restriction, de faire des achats de blé au comptant.

M. Hoeppner: N'était-ce pas là un quart de la production de nos producteurs?

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M. Migie: Cette disposition figure plus tard dans les recommandations. Mais lorsqu'on dit que la loi devrait être habilitante, les pouvoirs qui y sont d'ores et déjà sont en fait des pouvoirs habilitants, de bien des façons, sans restriction réelle. Il y a beaucoup de souplesse dans la façon dont la Commission canadienne du blé peut les exercer, et les amendements du projet de loi C-72 procèdent de la même inspiration: ils donnent un outil à la Commission canadienne du blé.

Permettez-moi de vous donner un exemple d'une situation hypothétique, mais qui s'est présentée il y a quelques années. La Commission du blé pourrait se trouver incapable d'honorer un contrat et devrait payer de lourdes pénalités pour n'avoir pu fournir le produit stipulé aux termes du contrat. Il se peut que la Commission n'ait pu obtenir ce produit parce qu'elle n'a pu faire le paiement initial, étant donné qu'il y aurait eu risque de déficit, mais il existait un contrat valide. On pourrait se trouver, théoriquement, dans une situation où il pourrait être de l'intérêt du conseil d'administration et de la Commission du blé de dire que cette dernière préférerait honorer le contrat, plutôt que de faire payer une pénalité aux agriculteurs, et c'est pourquoi elle pourrait, en fait, vouloir acheter une petite quantité de céréales ailleurs, pour honorer les termes du contrat.

Un tel cas ne se présentera pas souvent, c'est certain, mais il est très difficile de prévoir toutes les circonstances où un pouvoir ne serait pas invoqué.

Le principe derrière ce projet de loi, c'est qu'il y aura un conseil d'administration dont la majorité aura été élue par les agriculteurs, et qui prendra les grandes décisions. S'il est dans l'intérêt des agriculteurs des Prairies de faire un achat, le conseil aura l'autorité de le faire au lieu de subir une perte en raison de la rigidité du système. Nous n'envisageons guère l'éventualité où les agriculteurs des Prairies utiliseraient ce pouvoir pour acheter d'énormes quantités de produits d'un autre pays. Telle n'est certainement pas l'intention de la disposition, et il n'y a aucune raison de penser qu'elle puisse être utilisée de cette façon.

M. Hoeppner: Je suis loin d'être convaincu. Ce projet de loi vise probablement à légaliser toutes sortes d'actes commis par la Commission du blé, à ce jour, en contravention de la Loi sur la Commission canadienne du blé, et nous essayons ainsi de justifier les choses après coup. C'est là l'impression que j'en retire.

Je désire revenir au texte proposé pour l'article 3.93, à la page 6. Le paragraphe 3 se lit comme suit:

a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;

Bon, je suis d'accord. Cependant le paragraphe 3.93(3)b) précise:

b) les rapports de personnes dont la profession ou la situation permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment les avocats, les notaires, les comptables, les ingénieurs ou les estimateurs.

J'ai demandé à mes conseillers juridiques d'étudier cette disposition et, à leur avis, elle comporte plusieurs échappatoires. Ils sont d'avis que vous ne pourrez jamais intenter des poursuites contre qui que ce soit, peu importent les circonstances, puisque ce genre de disposition ne permet pas au tribunaux d'intervenir.

Je connais assez bien le secteur agricole, et si je dis à la Commission canadienne du blé ce qu'elle devrait faire et que c'est mal, la Commission ne peut pas intenter de poursuites.

M. Migie: Comme je l'ai mentionné, nous croyons que ceux qui travaillent pour la Commission, ou les directeurs, ont besoin d'une certaine protection. Pour ce qui est du libellé, nous nous sommes inspirés de la Loi sur les sociétés par actions, et de l'alinéa 123(4)b) où l'on parle de ceux qui s'appuient de bonne foi sur:

b) les rapports des personnes dont la profession permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment les avocats, comptables, ingénieurs ou estimateurs.

Il existe une disposition semblable dans la Loi sur la question des finances publiques; ces dispositions existent déjà dans d'autres lois. En fait, certains sont d'avis que les directeurs ont besoin d'une plus grande protection contre des poursuites ou une plus grande protection de leur bien-être personnel. Nous avons décidé de ne pas avoir un texte plus détaillé ou poussé que ce que l'on retrouve actuellement dans les lois qui touchent les sociétés d'État et les sociétés assujetties aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions. Nous n'avons pas rédigé de nouveau libellé. Il s'agit là des dispositions que l'on retrouve normalement et qui visent à assurer une certaine protection aux directeurs.

.0950

M. Hoeppner: Permettez-moi de vous poser une question. Comme agriculteur, feriez-vous appel aux services de commercialisation d'une société qui assure ce genre de protection à ses employés alors que l'agriculteur n'a aucune protection?

M. Migie: Il est vrai que ces dispositions visent à protéger les directeurs contre toute poursuite. Après tout, leurs biens personnels sont en jeu. Ils ont besoin d'être protégés contre divers types de poursuites. Si, à titre de directeurs, ils agissaient de bonne foi, en fonction des déclarations qu'on leur a faites ou... Ces dispositions leur donnent une plus grande souplesse; si les directeurs se fiaient à des rapports reçus par des professionnels et qu'ils ont fondé leurs décisions de bonne foi sur ces documents, on leur garantit qu'à ce moment-là ils auront l'aide nécessaire. Ainsi les directeurs et ceux qui se trouvent dans la même position seraient protégés.

M. Hoeppner: Passons maintenant au paragraphe 3.94:

De plus, si un tribunal pénal ou administratif impose une sanction monétaire, ayant eu des motifs raisonnables de croire que les actions de ces employés étaient illégales, ces sanctions seront payées à même la caisse de la Commission. Si l'agriculteur intente des poursuites, c'est lui qui finit par payer pour les pots cassés de toute façon.

M. Migie: N'oubliez pas que la Loi sur les sociétés par actions - et ce n'est pas la seule loi - a le même libellé: une société indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs ou employés ou leurs prédécesseurs... C'est le même libellé. C'est le genre de protection qu'il faut accorder à ces gens si on veut s'attendre à ce qu'ils se portent volontaires pour occuper le poste de directeur d'une commission, pour qu'ils prennent le genre de décisions qu'on s'attendra d'eux à la Commission canadienne du blé.

Tout ce que fait la loi, c'est de prévoir une protection comparable à celle qui est offerte dans les sociétés privées ou aux sociétés d'État en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

M. Hoeppner: Mais dans les sociétés privées comme les lignes aériennes Canadien, le conseil d'administration a démissionné parce qu'on aurait pu le tenir responsable de sa gestion.

Or, les administrateurs dont on parle ici ne seront aucunement tenus responsables de quoi que ce soit, et s'il y a erreur, ce sont les agriculteurs comme moi qui devront payer.

M. Migie: Mais même si on leur offre une protection juridique, ils risquent toujours de faire l'objet de poursuites. Le projet de loi ne prévoit qu'une protection. Il reviendrait aux administrateurs de prouver qu'ils ont agi de façon responsable, et si cela est clairement démontré, leur protection serait assurée.

M. Hoeppner: Mais si je me reporte au paragraphe 3.93, je constate que quiconque semble être le moindrement compétent du point de vue professionnel, peut donner ses conseils, et que si les conseils sont moins que judicieux, c'est encore moi qui paierai les pots cassés. La glace est très mince.

M. Migie: Je ne connais pas la situation de la société que vous avez mentionnée, mais on retrouve en gros le même libellé et la même protection dans la plupart des grandes sociétés. Il n'y a rien d'extraordinaire là-dedans, et ce que nous proposons à l'égard de la Commission canadienne du blé se retrouve dans les textes des sociétés d'État ou des sociétés qui relèvent de la Loi sur les sociétés par actions. Si nous ne faisions pas autant que les autres, nous accorderions aux employés ou aux dirigeants de la Commission moins de protection que la normale.

M. Hoeppner: Pourquoi ces changements par rapport à ce qui se fait actuellement?

M. Migie: C'est parce que la Commission est actuellement une société d'État. La Commission canadienne du blé n'a pas besoin qu'on lui prévoie des dispositions spéciales, mais cela ne sera vrai que pendant une année. Qu'arrivera-t-il après l'élection d'un dirigeant? Après l'élection, la Commission canadienne du blé ne sera plus une société d'État ni ne représentera Sa Majesté. Autrement dit, elle aura un autre statut, statut qui sera déterminé par la Loi sur la Commission canadienne du blé, étant donné que la Commission ne sera plus assujettie aux dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Nous avons dû nous tourner vers les dispositions de l'ALENA et les intégrer au projet de loi, étant donné que la Commission canadienne du blé est une entreprise mixte. En effet, elle n'est ni une société privée, ni une société dont les propriétaires sont des agriculteurs, et pourtant elle n'est pas une société d'État. Elle se trouve donc dans une zone grise, là où le gouvernement intervient tout de même dans une certaine mesure, tout en ayant un conseil d'administration dont les administrateurs proviennent en majorité du secteur privé et qui déterminent son orientation. Il nous fallait donc intégrer à la Loi sur la Commission canadienne du blé certaine dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques pour pouvoir offrir à ces gens le même type de garanties.

M. Hoeppner: Je ne suis pas nécessairement convaincu de tout cela.

Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Hoeppner.

.0955

M. Hoeppner: Expliquez-moi pourquoi vous proposez d'inclure le paragraphe 3.94, dans lequel il est prévu que la Commission «indemnise ceux de ses dirigeants (...) ou leurs prédécesseurs». Pourquoi la loi s'appliquerait-elle aux anciens dirigeants?

M. Migie: Cette disposition se retrouve dans toutes les autres lois, puisque l'on y renvoie aux dirigeants, administrateurs ou à leurs prédécesseurs. Autrement dit, si quelqu'un quitte la société après un mandat de trois ans, et qu'il fait l'objet de poursuites civiles intentées deux ans après son départ, nous accordons à l'intéressé la même aide financière qui lui permet de se défendre. Il est possible que des poursuites soient intentées à l'égard d'un conseil d'administration dont certains des membres ont changé depuis. Pourquoi n'auraient-ils pas droit à une aide juridique et à des protections comparables?

M. Hoeppner: Je ne saurais le dire. Je voudrais savoir quand tout cela sera en vigueur, car la loi fera toute la différence au monde pour les administrateurs actuels ou passés. Mes conseillers juridiques à moi m'ont assuré que je serais fou de laisser adopter ce projet de loi-ci.

M. Pickard: Monsieur Hoeppner, la loi entrera en vigueur dans un an, et il se peut fort bien que dans dix ans, certains administrateurs qui ont rempli leur mandat et qui ont démissionné ou qui ont été renvoyés du conseil d'administration aient été remplacés par d'autres administrateurs. Or, la loi, elle, n'aura pas changé et elle se doit de protéger les anciens administrateurs, les anciens dirigeants, même s'ils ont quitté leur poste plusieurs années auparavant.

M. Hoeppner: Pourriez-vous le préciser dans l'article du projet de loi, car il est très imprécis, tout comme le sont plusieurs autres dispositions?

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Hoeppner, vous avez cité l'exemple de certains administrateurs qui s'étaient retirés d'un conseil d'administration d'une société canadienne, et il vaudrait peut-être la peine que nous fassions des vérifications. Je ne sais si la Loi sur les sociétés par actions s'applique ici aussi, mais je croyais avoir compris que ces gens-là recevraient l'indemnité, même s'ils avaient démissionné du conseil d'administration. J'avais l'impression que ces dispositions s'appliquaient à toutes les entreprises au Canada. J'aimerais bien que quelqu'un fasse une recherche là-dessus.

M. Easter, puis M. Chrétien.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, on pourrait résoudre le problème de M. Hoeppner en laissant en place les commissaires au lieu d'opter pour un conseil d'administration. On pourrait les garder, puisqu'ils sont nommés parce qu'ils ont de l'expérience dans la commercialisation.

Messieurs, merci de votre témoignage. Il ne fait pas de doute pour moi que la Commission canadienne du blé est dans une grande mesure la pierre angulaire de la politique agricole au Canada et que les décisions qu'elle prend sont de la plus haute importance.

Avant d'énumérer mes questions, j'aimerais savoir comment fonctionnera le système: comment optimisera-t-il les bénéfices pour les producteurs et comment tirera-t-il le maximum du marché international? Pour l'instant, les commissaires sont nommés parce qu'ils ont de l'expérience dans la commercialisation, mais on leur demande aussi de gérer les affaires du conseil d'administration. Ces commissaires voyagent de par le monde et connaissent bien certains pays, car ils connaissent ceux à qui s'adresser pour vendre du blé canadien. Comment fera la nouvelle structure pour s'occuper de cette partie-là du système? Voilà ce que je voudrais savoir avant de vous poser mes questions.

M. Migie: La loi crée un poste de président-directeur général et un conseil d'administration. Le conseil intérimaire agira pendant un an, et c'est à ce moment-là que l'on planifiera la nouvelle structure de la Commission canadienne du blé. Cela ne se trouve pas dans le projet de loi. Dès lors que les membres du conseil d'administration sont élus, ils peuvent être changés ou confirmés dans leur poste. On peut trouver au sein de ce conseil des vice-présidents qui ont un rôle semblable à celui d'un commissaire et qui s'occupent de certaines régions du monde, et on peut y trouver des vice-présidents exécutifs qui ont un rôle de commercialisation à temps plein et une compétence dans ce domaine, et qui peuvent être nommés par la Commission canadienne du blé.

.1000

Actuellement, la loi n'exige pas de celui qui est nommé qu'il ait une expérience en commercialisation. On pourrait se retrouver avec cinq commissaires dont l'un pourrait avoir des compétences en gestion et trois des compétences en commercialisation, ou bien la composition pourrait être tout autre.

Je vous rappelle que ce projet de loi-ci est habilitant, et que le gouvernement fait les nominations. Traditionnellement, depuis quelque temps déjà, le gouvernement nomme des gens qui possèdent ces compétences, mais cela n'est pas prescrit par la loi.

La nouvelle structure de la société pourrait être telle que les vice-présidents assument les mêmes rôles mais mettent l'accent sur la commercialisation. Ce sera au PDG et au conseil d'administration - d'abord intérimaire puis permanent - de décider.

M. Easter: Mais, monsieur, c'est là la fonction la plus importante du conseil d'administration actuellement. Et nous devons nous assurer que cette fonction ne disparaîtra pas avec la nouvelle structure.

Au fond, la Commission canadienne du blé est édifiée sur trois grands piliers. J'aimerais savoir quelle incidence aura ce projet de loi sur les trois grands piliers sur lesquels s'appuie la Commission canadienne du blé. Le premier pilier, c'est la vente par guichet unique. Le deuxième, c'est la mise en commun des prix. Le troisième ce sont les garanties gouvernementales et le crédit. Quelles seront ces répercussions?

Vous avez mentionné les garanties du gouvernement et le crédit, de sorte que vous pouvez vous dispenser de répondre à cette partie-là. Mais j'aimerais savoir quelles sont les répercussions.

M. Migie: Rien n'a changé à la vente par guichet unique. Les mêmes contrôles s'appliquent envers l'exportation dans le projet de loi. Rien n'a été touché, et c'est une question de principe.

Les dispositions qui touchent les achats au comptant donnent beaucoup de souplesse et de marge de manoeuvre, mais il vous faudrait toujours maintenir le monopole de l'exportation. Les achats au comptant peuvent vous donner beaucoup plus les coudées franches. Mais je répète que la vente au guichet unique ne change pas avec le projet de loi.

Dans le cas de la mise en commun des prix, il y a une petite modification. Le projet de loi porte que les rajustements ne seront plus nécessairement garantis après un certain point. Ce n'est pas obligatoire, mais c'est possible. J'ai déjà dit que les risques étaient très faibles qu'il y ait une perte sur les rajustements, mais cela a des conséquences sur la mise en commun des prix. Le gouvernement garantit le paiement initial une fois le montant fixé, mais c'est ensuite à la Commission canadienne du blé de s'occuper des rajustements par elle-même. Contrairement à ce qui se fait actuellement, la Commission n'aura plus besoin d'obtenir un décret en conseil pour modifier diverses dispositions de paiement.

M. Easter: La garantie porte donc sur le paiement initial et non pas sur les rajustements.

M. Migie: Le projet de loi permet cette possibilité.

M. Easter: Je comprends.

Mais revenons à la mise en commun des prix et au système de mise en commun. Reportez-vous à l'article 20, c'est-à-dire au paragraphe 39.1 qui est proposé. Il prévoit des achats au comptant. Or, le Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest nous avait recommandé... Je crois me rappeler qu'il recommandait 25 p. 100, c'est-à-dire que l'on nous avait recommandé de ne pas descendre à moins de 25 p. 100 du total des livraisons agricoles.

Voici ce qui me préoccupe dans le système de mise en commun par rapport aux achats au comptant. Nous disons vouloir protéger la mise en commun des prix, mais supposons qu'un conseil d'administration, dans sa grande sagesse, décide de jouer pendant une année sur le marché au comptant. Supposons que l'on parle de la totalité, de 100 p. 100, et non pas du minimum de 25 p. 100, dont on avait parlé au départ, je crois. On pourrait ainsi perdre tout le système de mise en commun en une seule année. Peut-on se prémunir contre cette éventualité?

M. Migie: D'abord, ce témoin avait recommandé qu'au moins 25 p. 100 des livraisons fassent l'objet de transactions au comptant, ce qui veut dire qu'on peut aller jusqu'à un maximum de 100 p. 100.

J'ai déjà dit que la Loi sur la Commission canadienne du blé était une loi habilitante à bien des égards. Pour l'instant, du moins en théorie, le gouvernement du Canada pourrait fixer le paiement initial à 1 $ la tonne, et pourrait ainsi renverser complètement le système de mise en commun.

.1005

Mais ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi. La capacité de faire des négociations au comptant signifie que le conseil d'administration peut décider, aux termes de la loi, que dans le cas de l'orge de provende - dans la mesure où l'orge reste sous la tutelle de la Commission canadienne du blé, ce qui reste à déterminer - on pourrait avoir recours aux négociations au comptant. Mais la décision reviendrait au conseil d'administration, dont la majorité des membres est élue par les agriculteurs.

Mais je suppose que vous avez raison. Il se pourrait toujours qu'un conseil d'administration décide de favoriser les négociations au comptant beaucoup plus que la mise en commun des prix dans le cas de l'orge de provende, par exemple. Pour l'instant, ces pouvoirs sont autorisés, et il revient au conseil d'administration de prendre les décisions.

M. Easter: Mais il y a toute une différence entre un conseil d'administration et le gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada, de même que l'opposition élue, sont chargés de l'intérêt public au Canada.

Soyons honnêtes: dans le cas d'un conseil d'administration, il s'agit avant tout d'un concours de popularité. Ne nous leurrons pas. Cette popularité dépend souvent de celui qui fait la meilleure publicité et qui mène la meilleure campagne. Il y a beaucoup d'argent dans l'industrie des céréales, si l'on pense à Cargill, à Bunge, etc. Si ces gens décident de faire élire leurs représentants au conseil d'administration, il n'y a rien qui les en empêche.

C'est donc une situation entièrement différente. Il n'y a pas les mêmes protections dans la loi, puisque les principes fondamentaux d'un système de mise en commun qui offre ce genre de protection n'existe pas. Dans un système de mise en commun, tout le monde fait les mêmes bénéfices, quel que soit le lieu de résidence ou la date d'expédition.

Je voudrais trouver un moyen d'écarter ce danger-là.

Combien de temps me reste-t-il?

Le président: Vous pouvez poser une autre question.

M. Easter: Howard, vous avez dit que la garantie gouvernementale et le crédit existent. Au fur et à mesure que le système évoluera, et je comprends les différences qui interviennent, qu'est-ce qui nous assure que la garantie du gouvernement restera dans la loi? Je n'en suis pas absolument certain, je veux m'assurer que cette garantie existe.

M. Migie: Victor est en train de relire l'article, mais en fait, il précise que le ministre des Finances accorde une garantie une fois qu'un certain nombre de conditions ont été remplies. On ne dit pas que le ministre des Finances peut garantir, on dit que cette garantie existe une fois les conditions remplies.

À l'heure actuelle, le ministre des Finances peut opposer un refus à n'importe quelle société d'État qui se présente. Il n'est pas forcé d'accorder un pouvoir d'emprunt à la Commission du blé ou à n'importe quelle société d'État. Cela existe toujours. L'option demeure. Toutefois, une fois la décision prise, la Commission du blé sait, et c'est encore plus important, le prêteur sait, que c'est garanti par le ministre des Finances.

M. Victor Jarjour (directeur, Division des céréales et des oléagineux, Direction des services aux marchés internationaux, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): L'article 11 du projet de loi, qui modifie l'article 19, commence à la page 9, le passage important se trouve à la page 10. Le projet d'alinéa 19(5) précise:

M. Easter: D'accord.

Monsieur le président, s'il y a un autre tour, j'aurais d'autres questions.

Le président: Merci, monsieur Easter.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Je voudrais revenir sur la formation du conseil d'administration. Le gouverneur général en conseil nommerait le président de la commission, et les agriculteurs seraient en majorité au conseil d'administration qui serait élu. On n'a pas défini aussi clairement les circonscriptions ou les provinces d'où proviendraient ces agriculteurs nommés au conseil d'administration par leurs pairs. Est-ce que vous pourriez me décrire le conseil d'administration type qu'on verra une fois que le projet de loi aura été adopté?

.1010

[Traduction]

M. Migie: Un conseil d'administration serait nommé par le gouvernement fédéral pour une période d'un an. Voilà l'intention. Ce conseil pourrait être constitué de 11 à 15 membres. Pendant cette période d'une année, on établirait les règles pour l'élection des membres du conseil par les agriculteurs des Prairies. Ces règles seraient alors intégrées à la réglementation.

Pendant cette année, si par exemple le projet de loi était adopté à temps pour la prochaine campagne agricole, on envisagerait de nommer un nouveau conseil d'administration. Le gouvernement nommerait ce conseil et une de ses tâches serait de recommander un processus électoral. En cas d'élection, il ferait des recommandations en ce qui concerne une carte électorale avec des districts ou encore des élections à la grandeur des Prairies. Cela pourrait être une combinaison des deux formules.

On pourrait envisager des élections chaque année si l'on nommait, par exemple, 9 sur 15 membres élus par les producteurs. On pourrait en élire trois tous les ans et leur donner un mandat de trois ans.

Voilà des décisions qui n'ont pas encore été prises, car on n'a pas encore eu l'occasion d'en discuter beaucoup. Lorsque le projet de loi a été rédigé, le gouvernement ne possédait pas tellement d'éléments pour travailler sur ce dossier.

[Français]

M. Chrétien: C'est justement ce qui me déplaît: vous me répondez toujours au conditionnel et avec des hypothèses. On n'a rien décidé. J'aimerais que vous me disiez que le directeur général sera embauché par le conseil d'administration, tandis que le président et le vice-président seront nommés d'office par le gouvernement. Vous parlez de 11 à 15 représentants, ce que je trouve acceptable. Nous pouvons toujours vivre avec 11, 12, 13 ou 15 représentants. Mais combien de représentants seront élus par les agriculteurs? Vous me dites que ce sera la majorité. Est-ce que ce sera la majorité par la peau des fesses ou une grosse majorité?

[Traduction]

M. Migie: C'est une préoccupation pour plusieurs groupes. Vous allez certainement les entendre. Une politique a été annoncée qui parle d'une majorité. Pour l'instant, nous disposons d'une année après l'adoption du projet de loi pour régler tous ces détails.

L'autre solution est de préciser dans le projet de loi qu'un certain nombre des membres doivent être élus par les producteurs. Il peut s'agir d'un pourcentage ou d'un nombre précis - sept personnes - ou encore d'un pourcentage minimum. Ensuite, comme je l'ai dit, il faut déterminer qui est autorisé à se présenter. Est-ce qu'un avocat des Prairies peut se présenter aux élections même si les seuls qui ont le droit de vote sont les agriculteurs? Qui sera autorisé à voter? Est-ce que le vote se fera par province, par région, ou même dans l'ensemble des Pairies?

Malheureusement, lorsque nous avons élaboré le projet de loi, nous n'avions pas les recommandations qui ont par la suite fait l'objet de discussions. Le groupe lui-même a reconnu la nécessité de prévoir une période d'un an, et, pendant cette période, une sorte de conseil d'administration «intérimaire» serait en place. Ensuite, au terme d'élections, il y aurait une passation des pouvoirs. Cela permettrait de décider s'il convient de nommer 11 ou 15 personnes, combien de gens doivent être élus par les producteurs, combien doivent être nommés, etc.

En attendant, le projet de loi prévoit que le président du conseil d'administration et le président-directeur général seront nommés par le gouvernement.

[Français]

M. Chrétien: Puisque la Commission canadienne du blé a une incidence sur l'ensemble du Canada, est-ce que vous avez prévu l'élection, non pas d'une majorité, mais d'au moins un représentant provenant de la région à l'est des trois provinces centrales?

.1015

[Traduction]

M. Migie: Il y a eu des discussions au sujet d'un des administrateurs nommés au conseil. Supposons que le conseil soit constitué de 15 personnes, et que 10 d'entre elles soient élues par les producteurs des Prairies. Il reste donc cinq personnes à nommer. Une possibilité serait de nommer quelqu'un de l'Ontario ou du Québec.

Il serait très difficile d'imaginer de faire voter les producteurs de l'Ontario et du Québec pour des postes à la Commission canadienne du blé. Toutefois, dans un conseil d'administration, on recherche souvent des candidats qui possèdent une expertise particulière, par exemple dans le domaine financier, ou encore des gens qui ont une connaissance approfondie de l'Ontario et du Québec. La Loi sur la Commission canadienne du blé s'applique à l'ensemble du pays, dans une certaine mesure, c'est-à-dire que les permis d'exportation s'appliquent à tout le pays.

[Français]

M. Chrétien: Vous disiez qu'en Australie existe une commission semblable à la nôtre. Existe-t-il des commissions semblables dans d'autres pays producteurs de céréales et, si oui, pourriez-vous les nommer?

[Traduction]

M. Migie: En fait, l'Australie est le seul pays que je connaisse qui s'en rapproche.

Y en a-t-il un autre, Victor, à votre avis?

M. Jarjour: Non; dans le secteur céréalier, les deux meilleurs «vendeurs» sont certainement la Commission canadienne du blé et la Commission australienne du blé. Si on prend d'autres produits, comme le secteur laitier, la Commission des produits laitiers de la Nouvelle-Zélande fonctionne à peu près comme les Commissions canadienne et australienne du blé.

[Français]

M. Chrétien: Cette question paraîtra peut-être très simpliste à l'ensemble de mes collègues, mais je ne l'ai pas encore cernée. Vous avez dit à plusieurs reprises dans votre exposé que le gouvernement devait nommer un certain nombre de représentants au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé pour qu'elle demeure une société de la Couronne, une société d'État. Pourriez-vous encore une fois vulgariser cette question afin que je la comprenne plus aisément?

[Traduction]

M. Migie: La Loi sur la gestion des finances publiques définit une société d'État. Une des exigences, c'est l'existence d'un conseil d'administration dont tous les membres sont nommés par le gouvernement. Il aurait donc été possible de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques pour changer la définition d'une société d'État.

Cette possibilité ayant été écartée, nous avons pris la définition de société d'État telle qu'elle figure dans cette loi. Cela ne nous permettait pas de prévoir un conseil d'administration élu. Les membres de ce conseil devaient forcément être nommés par le gouvernement, sinon il ne s'agirait plus d'une société d'État.

[Français]

M. Chrétien: La Commission canadienne du blé a la carte de crédit - pour reprendre votre expression - du gouvernement canadien et, à cet égard, a une marge de crédit de l'ordre de 5 ou 6 milliards de dollars. J'ai entendu parler de 6 milliards une fois et de 5 milliards une autre fois. Imaginons un scénario très négatif. Vous payez comptant les produits aux agriculteurs et les prix s'effondrent. Est-ce que vous êtes en droit de récupérer auprès des agriculteurs les montants versés d'avance ou si c'est la Commission canadienne du blé qui absorbe cette chute dramatique des prix?

[Traduction]

M. Migie: Le programme de paiement initial reste inchangé, puisqu'en cas de chute des prix des céréales, que ce soit à cause de subventions à l'exportation ou pour une autre raison - les prix chutent au milieu de l'année de récolte - le gouvernement du Canada garantit le paiement initial et verse la différence, tout comme il le fait pour l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario en cas de chute des prix.

C'est un programme à part qui dans le cas de l'Ontario va continuer. En ce qui concerne la Commission du blé, la loi prévoit que nous continuons à fournir cette garantie en ce qui concerne les prix. Toutefois, lorsque la Commission du blé emprunte 6 milliards de dollars et offre ce genre de garantie, il pourrait y avoir des pertes financières lorsque la Commission du blé cesse d'être une société d'État.

.1020

Le ministère des Finances parle périodiquement de ces possibilités. C'est une préoccupation que nous ne devons pas oublier, un aspect que nous devons continuer à surveiller. La Commission canadienne du blé a une excellente réputation en ce qui concerne la gestion, mais quand on travaille dans les marchés des contrats à terme, de très grosses pertes sont toujours une possibilité. Par conséquent, cette garantie est particulièrement importante pour le bon fonctionnement de la Commission canadienne du blé.

Le président: Avant de donner la parole à M. Benoit, j'aimerais rappeler aux membres du comité que le greffier a distribué certaines informations. Il s'agit d'une déclaration faite par le ministre à l'occasion d'une conférence sur l'industrie le 21 janvier 1997. J'aimerais répéter certains passages. Il s'agit de la marge de manoeuvre dont le comité pourrait disposer au cours de l'exercice auquel nous nous livrons actuellement.

À un moment donné, il fait observer qu'un certain nombre de groupes d'agriculteurs semblent souhaiter une loi plus précise, une loi qui fixe la date à laquelle les administrateurs seront élus, en confirmant que le nombre d'administrateurs ainsi élus constitueront une majorité, et en rendant ces pouvoirs irréversibles sous réserve d'amendements futurs. Il dit ensuite que pour lui ces idées ne sont pas un problème.

Dans le même paragraphe, il dit ensuite que si les arguments présentés au comité législatif confirmaient que les agriculteurs préféreraient une loi plus précise, une marge de manoeuvre plus étroite en ce qui concerne l'élection des administrateurs, il serait prêt à examiner attentivement des amendements dans ce sens.

Dans cette déclaration du 21 janvier 1997, le ministre nous fait donc savoir, à nous et à l'industrie, qu'il pourrait changer d'avis.

Je vais m'écarter un instant de la pratique suivie d'ordinaire par le comité. Au début de la séance, j'ai dit que ce matin il y avait plusieurs personnes dans la salle, des gens qui ne sont pas assis à la table, mais qui s'intéressent à ce projet de loi et à ce secteur.

Vous apprécierez, en particulier, que je vous signale la présence de M. Alf Gleave, qui est assis au fond de la salle. M. Gleave a été membre de ce comité de 1968 à 1974; il était le porte-parole du NPD pour l'agriculture. Il était à l'époque député de la circonscription de Saskatoon - Biggar, et il est ici aujourd'hui pour observer notre conduite. Il est lui-même surveillé de près par... derrière lui vous voyez Vic Althouse.

Monsieur Gleave, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes heureux de voir que ce secteur incroyable qui nous passionne tous continue à vous intéresser. N'hésitez pas à revenir nous voir.

Monsieur Benoit.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président.

Bonjour, messieurs; je vous souhaite la bienvenue.

Monsieur Migie, vous avez dit que la majorité des administrateurs seraient élus. On vous a posé des questions à ce sujet, et vous n'avez pas fait marche arrière. Pouvez-vous me montrer où, dans ce projet de loi, on dit que la majorité des administrateurs seront élus?

M. Migie: Ce n'est pas dans le projet de loi, mais le gouvernement a annoncé cette politique. Le projet de loi permet cette procédure, mais ne l'exige pas. Comme je l'ai dit, c'est une question dont le comité pourrait discuter.

M. Benoit: À quelle politique faites-vous allusion? Il s'agit seulement de la déclaration publique? C'est tout? Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans le projet de loi?

M. Migie: Dans ce cas, il faut décider du nombre de personnes.

M. Benoit: C'est très facile d'ajouter cela; il suffit de parler d'une majorité.

M. Migie: Effectivement, c'est possible. Tout le projet de loi, et c'est également ce qui a été recommandé par le groupe, est conçu comme une mesure habilitante. Par conséquent, le projet de loi offre cette possibilité.

M. Benoit: Ne faudrait-il pas au moins préciser que la majorité doit être élue? Pensez-vous que cela devrait figurer automatiquement dans le projet de loi?

M. Migie: Cela figure dans la politique. C'est assez comparable à certains égards. Je vais vous donner l'exemple du paiement initial. Il serait ridicule de parler d'un certain nombre de dollars par tonne, mais la loi n'empêche pas cela. C'est une mesure habilitante, et on suppose que les gens sont raisonnables.

M. Benoit: Au cours de vos discussions avec le gouvernement, avez-vous entendu dire que cela figurerait dans les amendements du gouvernement? Vous n'avez pas entendu cela?

.1025

Le président: Je vous ai cité ce que je viens de lire, monsieur Benoit. Comme le ministre l'a dit, le comité a probablement une certaine flexibilité. Comme je l'ai dit au début, nous sommes en face de certains défis, mais également de certaines possibilités, et c'est à nous d'en tirer le meilleur parti possible.

M. Pickard: Monsieur le président, j'aimerais faire observer que ce projet de loi n'a pas été adopté en deuxième lecture et que pour l'instant, en principe, il n'a pas été approuvé. Autrement dit, les membres de ce comité et tous ceux qui viendront témoigner en groupes et en leur nom personnel... nous avons une plus grande marge de manoeuvre que nous n'en aurions normalement à la deuxième lecture. Par conséquent, nous sommes disposés à écouter ces recommandations, et c'est justement une des raisons de proposer ce projet de loi sous cette forme, de ne pas passer à la deuxième lecture, ce qui permet d'entendre de nouvelles idées.

Le ministre a lui aussi indiqué clairement qu'il étudierait attentivement toutes les recommandations et suggestions qui ressortiraient de ce comité. En fait, le ministre essaie de donner à tout le monde la possibilité de faire des recommandations sous forme d'amendements, et de votre côté vous pourrez étudier ces amendements comme bon vous le jugerez.

M. Benoit: En théorie, le fait que ce projet de loi soit soumis au comité avant la deuxième lecture permet une plus grande ouverture. En réalité, je n'ai pas vu grand changement. Par contre, on a limité le débat. C'est donc plus un inconvénient qu'un avantage, et nous avons eu l'occasion de constater que cela ne fonctionnait pas. C'est une préoccupation dans ce cas également.

Il y a certainement des éléments fondamentaux qui devraient figurer dès le départ dans le projet de loi, et il y a également d'autres éléments. En ce qui concerne les achats au comptant, monsieur Migie, vous avez dit que le groupe avait recommandé les achats au comptant, mais vous n'avez pas mentionné qu'il avait recommandé également un marché international de l'orge ouvert. C'est une différence cruciale. Le fait que le conseil puisse faire des achats au comptant sur ce marché fermé, lorsqu'il est le seul à contrôler l'exportation de l'orge, c'est tout à fait différent d'une situation où il y a des achats au comptant dans un système international ouvert de mise en marché. La Canadian Cattlemen's Association, entre autres, est venue me dire que cela introduirait une telle incertitude sur le marché du grain fourrager que cela pourrait être très dangereux pour leur secteur.

Je m'insurge quand je vous entends dire que tout cela correspond à ce que le groupe a vraiment proposé. C'est une situation tout à fait différente.

M. Migie: J'aimerais répondre. En fait, il y a deux éléments dans les propositions du groupe. Dans leurs recommandations sur les institutions, les gens de la Commission canadienne du blé ont discuté des pouvoirs et de leur exercice. Et c'est dans ce cadre qu'ils ont fait une déclaration générale sur la possibilité d'autoriser le conseil à faire des achats au comptant.

Comme je l'ai dit, en ce qui concerne le mandat du conseil, le gouvernement n'a pas suivi leurs recommandations. En ce qui concerne la commercialisation du blé, par exemple, ils auraient voulu quelque chose au sujet des transactions au comptant. Cela n'a pas été retenu. La seule exigence, c'est que 25 p. 100 soient utilisés.

M. Benoit: Est-ce que cela aggrave les incertitudes sur le marché du grain fourrager? J'aimerais que vous répondiez à cette préoccupation des éleveurs de bétail. En effet, dans le secteur du grain fourrager, nous n'avons pas de marché d'exportation ouvert, et cette option d'achat au comptant donnerait au conseil un pouvoir tout à fait effrayant qui pourrait introduire une grande incertitude sur le marché.

Ne pensez-vous pas que tout cela pourrait provoquer une grande instabilité sur le marché?

M. Migie: Je ne sais vraiment pas dans quelle mesure la Commission canadienne du blé utilisera ce pouvoir. Cette décision sera prise par une majorité qui aura été élue par les agriculteurs. Ils utiliseront peut-être ce pouvoir, mais lorsque la Commission du blé a parlé devant le groupe, elle a insisté sur le fait que ce pouvoir serait utilisé très périodiquement, pour minimiser certaines pertes; ce serait simplement une option supplémentaire.

Vous vous souviendrez peut-être de l'époque où M. Beswick était commissaire: ses opinions en ce qui concerne le pouvoir de faire des transactions au comptant allaient beaucoup plus loin, et auraient inquiété les éleveurs encore beaucoup plus.

M. Benoit: Il envisageait également un marché de l'orge ouvert du côté des exportations.

M. Migie: Je ne me souviens pas de cela.

.1030

M. Benoit: Vous ne cessez de dire que ce conseil élu aura tous ces pouvoirs, mais si on y réfléchit, pour commencer, nous ne savons pas si la majorité de ses membres seront élus. Ce que nous savons, c'est qu'on impose à ce conseil tellement de restrictions qu'on peut s'interroger sur les pouvoirs qui lui restent. On peut renvoyer un administrateur, même un administrateur élu, sans donner de raison. Les administrateurs remplaçants seront nommés par intérim. J'aimerais vraiment savoir quels seront les pouvoirs de ce conseil.

Deuxièmement, en ce qui concerne le pouvoir de changer la structure du conseil, nous savons que cela est très limité. Le mandat du conseil ne peut pas être changé. Par exemple, si ce groupe décidait de mettre fin au pouvoir d'achat à guichet unique du conseil en ce qui concerne le grain fourrager, pendant que d'autres pourraient également acheter le grain des agriculteurs pour l'exportation, cela serait impossible.

Et même des changements bien moins importants... à cause des démarches qui doivent être suivies, étant donné que la Commission canadienne des grains, un organisme contrôlé par le ministre, doit approuver tous les changements, quels qu'ils soient... cela donne au ministre un contrôle total. De toute évidence, il est absolument impossible de changer véritablement la structure du conseil.

Dans ces conditions, de quel pouvoir ces administrateurs disposent-ils? Même si le ministre donne suite à sa déclaration selon laquelle la majorité des membres seraient élus, ce qui n'est pas précisé dans la loi, de quel pouvoir disposent-ils? En fait, ce pouvoir est si limité qu'il faut absolument changer cela.

Le président: Pour être juste, il faut laisser M. Migie répondre, après quoi nous passerons à M. Collins, au second tour.

Monsieur Migie.

M. Migie: Le conseil d'administration a tout le pouvoir nécessaire pour gérer la Commission canadienne du blé et décider de la façon d'utiliser les outils dont celle-ci dispose. Nous venons de citer des exemples en ce qui concerne les transactions au comptant. C'est un conseil d'administration...

M. Benoit: Avec toutes les restrictions...

Le président: Laissez M. Migie répondre, s'il vous plaît.

M. Migie: ...qui dispose d'un grand pouvoir.

En ce qui concerne le mandat, vous avez raison: les recommandations du groupe n'ont pas été retenues; elles ont été remplacées par un processus. Toutefois, le rôle de la Commission canadienne des grains se limite aux domaines dans lesquels elle possède de l'expertise. Il ne s'agit pas d'approuver les choses par oui ou par non; il s'agit de déterminer si notre système de contrôle de la qualité fonctionne convenablement. C'est donc quelque peu limité.

J'aimerais revenir sur la question de l'élection des administrateurs. D'après cette disposition, il faudrait adopter des règlements. Il est difficile d'imaginer des règlements qui n'énonceraient pas les conditions voulues pour congédier un administrateur. Comme je l'ai dit, cela ne pourrait se faire que pour de bonnes raisons. S'il y a un doute, comme je l'ai dit, il faut que cela figure dans la réglementation pour que les conditions soient bien claires.

Il serait difficile d'imaginer un congédiement sans une bonne raison, mais cela devrait être précisé, car dans le cas des administrateurs nommés il est certain qu'ils ont été nommés à titre amovible et qu'ils peuvent être congédiés. En ce qui concerne les administrateurs élus, le processus est différent, et il serait énoncé dans la réglementation, pour que les gens n'aient pas l'impression qu'une personne a été congédiée simplement parce que le gouvernement en place n'aimait pas...

M. Benoit: Ce serait très facile à préciser dans la loi.

Le président: Monsieur Benoit, d'autres personnes souhaitent... j'essaie d'être équitable et de donner du temps à tous.

Monsieur Collins.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne la rémunération des membres du conseil, je peux vous dire que dans ma profession précédente j'étais rémunéré, et c'était tout à fait normal. Si je faisais partie d'un conseil, je trouverais également cela normal. Il faut avoir une certaine protection. Ces gens qui feront partie du conseil prendront un engagement considérable.

Je reviens très rapidement sur ce que M. Easter a dit. Au nom de nous tous de ce côté-ci, il a dit que nous tenions tous beaucoup à la Commission canadienne du blé. C'est une position à laquelle nous n'avons absolument pas l'intention de renoncer. C'est donc l'élément le plus important.

En ce qui concerne les administrateurs, on a parlé d'une période de trois ans. Pensez-vous qu'on va faire une rotation, pour éviter que tout le conseil ne change d'un seul coup? Certains se sont inquiétés de cette possibilité.

En ce qui concerne ce que Wayne a mentionné, j'ai voyagé en Saskatchewan, et j'ai pu constater que les gens considéraient que 25 p. 100 sur le comptant était un maximum, et non pas un minimum. Ils ne voulaient pas que cela puisse être mis en doute.

En ce qui concerne l'interruption différée des paiements, c'est une disposition qui n'a pas été appliquée très fréquemment, mais ils veulent que cela reste, que le gouvernement du Canada maintienne ces dispositions. Comme elle n'a pas été invoquée tellement souvent, pourquoi la conserver?

.1035

Comme le président l'a dit, ce que le ministre a déclaré laisse une certaine marge, et de mon côté j'ai l'intention, et je suis certain que c'est également l'intention de ce comité, de m'assurer que les agriculteurs sont le mieux représentés possible, que la majorité des membres du conseil seront là à titre de représentants des agriculteurs. C'est un engagement que nous devons prendre, et je suis certain que nous allons mettre cela dans la loi.

Toutefois, il faudrait éviter de tout graver dans la pierre, pour ensuite être forcés d'en défaire une partie. À mon avis, c'est la raison pour laquelle on a voulu ménager cette marge dès le départ.

Pourriez-vous répondre à une partie de ces questions?

M. Migie: Au sujet de la période de trois ans - il pourrait y avoir trois périodes de trois ans, ce qui ferait neuf ans - et vous avez raison quand vous dites qu'il n'est pas du tout souhaitable de voir un grand nombre de membres quitter le conseil la même année. Cela aurait pour conséquence... Il y a toujours des élections quelque part chaque année. Il faudrait fixer les détails, ou encore, si cela devait figurer dans le projet de loi, il faudrait décider très rapidement.

C'est la raison pour laquelle on a pensé à un délai, un délai qui permettrait au conseil d'administration de faire des consultations, et le processus pourrait tout de même être mis en place bien avant le début des élections l'année suivante. Si on décide d'avoir des élections, c'est certainement une transition souhaitable.

Quant aux 25 p. 100, c'est le groupe qui a recommandé un minimum de 25 p. 100. Toutefois, je sais que certains ont pris cela pour un maximum, mais dans l'esprit du groupe c'était un minimum.

Toutefois, cela n'a pas été accepté par le gouvernement. Le projet de loi laisse aux agriculteurs une large part de responsabilité en ce qui concerne leurs choix électoraux. Le processus électoral doit être bien conçu pour encourager les gens à se présenter, pour attirer les meilleurs candidats possible.

En ce qui concerne les ajustements, la garantie, il faut faire des compromis. En apparence, il n'y a pratiquement aucun risque, et pourtant la Commission du blé pourrait être beaucoup plus rapide. Comme je l'ai dit, elle pourrait prendre une décision un l'après-midi, l'annoncer le même soir, et le lendemain commencer à envoyer des chèques aux agriculteurs, ou encore relever un prix pour attirer plus de produits, si c'est ce dont ils ont besoin.

Tout cela peut se faire avec très peu de risques, et peut-être même sans qu'il en coûte quoi que ce soit aux agriculteurs, à condition que le conseil continue à agir comme par le passé. Si nous conservons ce système, je crois qu'il y aura des délais d'au moins trois semaines.

Le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le gouvernement doivent simplement considérer que c'est une augmentation du passif éventuel du Canada dans le système actuel. Le projet de loi simplifie le système et évite de toujours devoir obtenir l'approbation du Cabinet. C'est en fait un compromis: est-ce que cette marge de manoeuvre vaut le petit risque supplémentaire que cela représente?

Le président: Monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz (Yellowhead): Bonjour, messieurs.

Monsieur Migie, plus vous nous expliquez les dispositions du projet de loi C-72, et plus il semble qu'il n'y a pas vraiment de changements au conseil d'administration. Une fois que disparaissent les fioritures, on s'aperçoit que le fonctionnement et la direction de la Commission ne changent pas vraiment. Pour autant que je voie, c'est pareil.

Je voudrais revenir sur la direction des affaires de la Commission, parce que c'est ce qui fait jaser les producteurs des Prairies. Cela, et la possibilité d'autoriser les ventes aux États-Unis.

Dans le premier cas, une fois que les agriculteurs ont élu les membres du conseil d'administration, le ministre a-t-il encore un pouvoir discrétionnaire quant à leur nomination au conseil?

M. Migie: Voulez-vous dire le pouvoir de ne pas les nommer?

M. Breitkreuz: Oui.

M. Migie: Il est prévu dans la loi qu'on décide à un moment donné si l'on élit les membres du conseil. Une fois élus, ils seront nommés.

La question se pose à propos de la révocation, cependant. Toutefois, ce n'est pas la même chose que le pouvoir de refuser une nomination. Je pourrais vérifier le texte, mais il n'y a pas de pouvoir de refuser de nommer un membre élu... Le pouvoir discrétionnaire existe quand vient le moment de choisir si l'on élit un membre. Dans ce cas, une décision expresse doit être prise. Quand ce sera fait, la Commission canadienne du blé ne sera plus une société d'État ou une mandataire de Sa Majesté, et une foule de dispositions prennent effet. C'est très clair.

.1040

Dans la politique annoncée, il est clairement prévu qu'il y aura élection des membres, et rien ne prévoit que le membre puisse être jugé inadmissible. Il y a en revanche dans le règlement administratif une disposition qui prévoit la révocation d'un administrateur élu lorsqu'il y a motif valable.

M. Breitkreuz: De la façon dont je vois les choses, le ministre peut refuser de nommer un administrateur élu...

M. Migie: Je vais vérifier pour être sûr.

M. Breitkreuz: ...et de le révoquer sans motif valable.

Une fois que le conseil d'administration aura été constitué et qu'il commencera à prendre des décisions, le ministre a-t-il le droit de les renverser?

M. Migie: Le ministre n'a pas ce droit. La loi actuelle, qui est prorogée, précise que le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet... Ce serait quelque chose d'officiel, pour ainsi dire. Le gouvernement pourrait donner au conseil d'administration une directive que celui-ci devrait exécuter.

Comme je l'ai dit, à ma connaissance, on n'y a eu recours que deux fois, et encore, dans des circonstances extraordinaires. Il en ira de même par la suite. Rien n'autorise le ministre à donner une directive de ce genre au conseil ou de lui imposer ses volontés, parce que c'est le conseil d'administration qui porte l'entière responsabilité de la gestion de la Commission canadienne du blé.

M. Breitkreuz: Mais un décret du conseil pourrait avoir préséance.

M. Migie: Pourrait. Comme je l'ai dit, il y a une disposition qui existe. On l'a invoquée pour l'embargo sur les céréales et aussi une fois, je crois, parce que la Commission, au début des années 80, avait refusé un permis d'exportation d'orge de l'Ontario. On n'y a eu recours que très rarement, mais le pouvoir existe.

Si la Commission canadienne du blé a une telle autorité, c'est qu'elle jouit d'un pouvoir qui n'est pas normalement délégué à un conseil d'administration où le gouvernement n'a pas la majorité, c'est-à-dire celui d'administrer les permis d'exportation à l'extérieur des régions des Prairies où des élections se tiendront. C'est une des principales raisons.

M. Breitkreuz: Je dois donc comprendre qu'il y aura un conseil d'administration élu dont, je l'espère - nous n'en sommes pas certains - la majorité des membres seront des agriculteurs.

Une voix: Élus par des agriculteurs.

M. Breitkreuz: Et rémunérés par les agriculteurs des Prairies. Pourtant, le gouvernement peut annuler une décision du conseil.

M. Migie: Il est possible que le gouverneur en conseil prenne effectivement un décret. C'est déjà prévu, et cela a toujours été le cas. Ce pouvoir a rarement été exercé, mais il existe.

M. Hoeppner: Et c'est le principe de la direction par des agriculteurs démocratiquement élus qui en prend pour son rhume.

Le président: Ce que je dirais à M. Breitkreuz, c'est que si des producteurs souhaitaient renoncer à la garantie gouvernementale du paiement initial, il y aurait peut-être moyen de trouver autre chose. Autrement dit: les producteurs accepteraient-ils de renoncer à la garantie gouvernementale?

Avez-vous d'autres questions, monsieur Breitkreuz?

M. Breitkreuz: Je dirai seulement qu'ils ont enfin obtenu le droit de tenir un vote. Remarquez, on peut toujours s'interroger sur les questions qui ont été posées à l'occasion du vote, mais c'est au moins un pas dans la bonne direction. Je vois mal comment ils pourraient se prononcer sur la question précise de la garantie dont vous venez de parler.

Le président: Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.

Je vais aborder la question du point de vue des provinces de l'Est, comme M. Chrétien l'a fait. J'aimerais savoir quelles provinces sont visées, étant donné que l'Ontario produit du blé aussi.

Vous dites que le règlement d'application de la Commission canadienne du blé s'appliquerait dans une certaine mesure. C'est ce que vous avez dit. Qu'est-ce qui n'est pas couvert, et est-ce que cela touche l'Ontario?

Le conseil d'administration sera composé de 11 ou de 15 membres. Combien d'entre eux seront élus? J'imagine qu'ils viendront de l'Ouest. Quel effet cela aura-t-il sur l'Est du pays? Pourrait-il arriver que l'Ouest du pays limite les ventes de céréales venant de l'Est?

.1045

M. Migie: La première partie de votre question porte en fait sur le territoire sur lequel la Commission exerce son autorité, c'est-à-dire le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et le district de Peace River, en Colombie-Britannique. Aujourd'hui, il y a un autre district, et cela ne s'applique pas à l'Ontario. L'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario a son propre conseil d'administration. Il n'a jamais exprimé le souhait de faire partie du système de la Commission canadienne du blé. Rien n'est prévu en ce sens.

Toutefois, la Commission canadienne du blé exerce un pouvoir sur les permis d'exportation et va au-delà du territoire désigné. Mais pour le reste, cela ne s'applique qu'au blé utilisé dans le territoire désigné et, par extension, à l'orge. Son pouvoir s'applique donc en gros à la région des Prairies.

Il existe une disposition, cependant, celle sur les permis d'exportation, dont la portée est nationale. C'est la seule qui soit en cause. Normalement, l'Office de l'Ontario n'a pas de mal à obtenir un permis d'exportation. À ma connaissance, il n'a jamais eu de difficulté, mais cela pourrait arriver.

Une fois, au début des années 80, il y a eu un problème à propos de l'orge. Comme je l'ai dit, c'est une raison pour laquelle le gouvernement fédéral veut disposer d'un certain pouvoir, au cas où il le faudrait, parce qu'il est un peu curieux que...

Les élections ne vont se tenir que dans la région des Prairies. Il n'a pas été question d'en tenir à l'extérieur du territoire désigné. Mais on a jugé qu'à cause de ce pouvoir, de portée nationale, et du fait que la majorité des membres du conseil d'administration seraient choisis par les producteurs des Prairies... il y a ce pouvoir tenu en réserve - si vous me passez l'expression - ou ce pouvoir du gouverneur en conseil, et non pas seulement du ministre, permettant de donner une directive au conseil.

M. Calder: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Plus on avance dans les explications et l'élaboration des objectifs du projet de loi C-72, plus je suis dgu, notamment à la suite de la réponse que vous venez de donner à mon collègue du Parti réformiste, à savoir qu'une décision du conseil d'administration pourrait être renversée par le gouvernement. Si j'ai bien compris votre réponse, c'est douteux. Vous n'êtes pas sans savoir que présentement, et cela depuis plusieurs années, la grogne règne. Nous avons attendu très longtemps avant d'apporter des correctifs à la Commission canadienne du blé et je me demande si les correctifs qu'on propose dans le projet de loi C-72 sauront apaiser la grogne. Si cette grogne n'était le fait que de 10 p. 100 des gens, on pourrait passer par-dessus, mais il semblerait qu'elle est beaucoup plus répandue. À tout le moins, on devrait obtenir les résultats du référendum sous peu. J'espère qu'on aura des résultats ventilés, pas nécessairement par circonscription fédérale, mais au moins par province et précisant les résultats obtenus en Colombie-Britannique, qui y participera.

Croyez-vous, monsieur Migie, que les correctifs que vous apportez présentement à la Commission canadienne du blé vont mettre un terme à la grogne et aux exportations illégales? La Commission canadienne du blé ne fait même pas respecter la loi présentement; il semblerait qu'à tous les jours des camions circulent aux frontières et qu'on fait semblant de ne pas les voir. Vous dites que ce sera majoritaire chez les agriculteurs. Quand Leon Benoit vous demande à quel endroit on le précise dans la loi, vous répondez que ce n'est écrit nulle part, mais que c'est un énoncé de principe du gouvernement.

.1050

Le gouvernement peut perdre ses élections au printemps et il se peut que le gouvernement suivant oublie les principes du gouvernement précédent. Quand on a du courage, on l'inscrit dans la loi.

Je reviens ma question: est-ce que vous croyez que ces correctifs vont mettre un frein à la grogne, que le défi à la loi qui existe encore au moment où on se parle va stopper et qu'enfin vous allez faire respecter cette loi qui interdit les ventes illégales?

[Traduction]

M. Migie: La disposition capitale ici, c'est celle qui donne aux agriculteurs la possibilité d'élire la majorité des membres du conseil d'administration. Nous avons tout lieu de croire que le conseil, composé majoritairement d'agriculteurs, prendra des décisions qui permettront à la Commission d'être plus à l'écoute des producteurs.

Le projet de loi C-72 ne se penche pas sur la question du mandat, que de nombreux agriculteurs ont soulevée. Le monopole des exportations reste tel quel. La Commission n'aura plus ce carcan qui l'empêche d'évoluer et elle pourra se servir de ses nouveaux pouvoirs pour répondre aux souhaits des agriculteurs mécontents. Ce sont les agriculteurs qui détermineront eux-mêmes l'avenir de la Commission canadienne du blé. C'est la majorité d'entre eux, s'exprimant lors d'un scrutin, qui décidera comment ces instruments et ces pouvoirs devront être employés.

Rien ne garantit que cette loi fera changer d'avis la minorité de réfractaires. Ce n'était pas le but recherché. On voulait répondre au voeu de l'immense majorité des agriculteurs. Ils n'avaient pas voix au chapitre, ou alors seulement de façon indirecte. Dorénavant, leur voix sera forte. Le conseil d'administration dispose de grands pouvoirs.

Quant au fait que la majorité des membres du conseil d'administration sera élue par les agriculteurs, c'est bien ce que dit l'énoncé de principe du gouvernement. On pourrait le spécifier dans la loi, si vous y tenez.

[Français]

M. Chrétien: Comment pouvez-vous expliquer qu'on ne fasse pas présentement respecter la loi?

[Traduction]

M. Migie: Il y a des réfractaires. Ils pensent pouvoir se tirer mieux d'affaire. Le conflit entre marché ouvert et commercialisation collective existe depuis la création de la Commission canadienne du blé. Cela dure depuis des années. Parfois l'opposition est forte, parfois elle s'estompe.

J'hésite à faire la comparaison avec les produits laitiers et la volaille, mais il y a certains éleveurs qui préféreraient vendre sans passer par l'Office canadien de commercialisation du poulet, et il y en a d'autres qui sont tout disposés à suivre le régime collectif. Dans le cas du blé, certains agriculteurs ont choisi de ne pas respecter la loi et d'exporter sans permis, mais l'idée est la même.

Actuellement, pour exporter, le producteur de blé doit passer par la Commission même s'il n'a pas voix au chapitre devant les décisions que prend le conseil. C'est quelque chose que le projet de loi corrige. Dorénavant, les agriculteurs auront la majorité au conseil d'administration, mais il en restera quelques-uns qui trouveront que le projet de loi C-72 est insatisfaisant.

.1055

[Français]

M. Chrétien: Un référendum se tient présentement. Mon collègue Jerry serait peut-être en mesure de me le confirmer. Est-ce que vous croyez être en mesure de nous donner le résultat de ce référendum? Si oui, quand pourra-t-on l'obtenir région par région ou province par province?

[Traduction]

M. Pickard: Il est difficile de prévoir dans quel sens les choses iront. Ce que l'on essaie ici, selon moi, c'est de trouver une place pour tous les points de vue. Vous avez exprimé celui des gens à qui vous avez parlé. C'est ce que font le Parti réformiste et le Parti libéral - et Dieu sait ce qui arrivera après le référendum. Pour le moment, on veut écouter les divers avis sur la Commission et chercher à les faire entendre au comité et au ministre pour donner suite à ces recommandations.

On essaie donc ici de rassembler tous les sujets de préoccupation que vous avez soulevés et que vous allez entendre au cours des prochaines semaines dans le but d'améliorer le texte de loi, si c'est possible.

Ce que je réponds à tout ce que vous avez exprimé comme sujets d'inquiétude, c'est que vous disposez ici d'un processus pour améliorer ce que vous avez entre les mains. Qu'il s'agisse des chiffres, des recommandations, du processus d'un an cri par le conseil, qui examinera les recommandations sur la tenue du vote, le moment où il se tiendra, la composition du conseil après le vote, le nombre de membres du conseil - toutes ces questions pourront faire l'objet de recommandations et d'amendements ou au bout de l'année par ceux qui sont chargés de les étudier.

Je vous réponds que vous avez ici un processus destiné à rassembler le plus d'information possible de manière à pouvoir formuler des recommandations sous la forme d'amendements que vous proposerez.

[Français]

M. Chrétien: Mais, monsieur Pickard, aurons-nous les résultats province par province?

[Traduction]

M. Migie: Si vous parlez du vote sur l'orge, la consultation est terminée. On devrait connaître les résultats pour la région des Prairies d'ici à la fin de mars, mais on ne les a pas encore.

Le président: Monsieur Chrétien, à propos de la question que vous avez posée, à propos des changements et des mesures et de la réception - si vous me passez le mot - des amendements proposés pour la Commission, êtes-vous en train de demander aux fonctionnaires s'ils ont une idée de la façon dont ces changements seront reçus dans les différentes provinces? C'est cela que vous demandez? Ou demandez-vous ce que sera la réception dans l'Ouest dans son ensemble?

[Français]

M. Chrétien: Pouvons-nous avoir les résultats province par province plutôt qu'un résultat global?

[Traduction]

Le président: Si vous parlez précisément du vote sur l'orge, comme M. Migie l'a dit, je crois savoir - et je crois qu'il l'a dit clairement - qu'il s'agira d'un résultat pour tous ceux qui ont le droit de voter dans le territoire désigné; un seul résultat.

[Français]

M. Chrétien: D'accord, merci.

[Traduction]

Le président: M. Culbert, puis M. Benoit.

M. Culbert (Carleton - Charlotte): Merci, monsieur le président. Je voudrais aborder les choses sous un angle un peu différent, celui de l'administration et de la gestion.

Tout d'abord, en termes généraux, je dirais que le projet de loi C-72 ne dit rien à propos du fonctionnement de la Commission canadienne du blé, mais trace plutôt le cadre de son fonctionnement. Je me trompe? C'est essentiellement ce dont il s'agit ici. Le conseil, évidemment, dispose de ses propres règlements administratifs et de son propre règlement d'application.

.1100

Je pense à une sorte d'organigramme. De façon un peu confuse dans ce projet de loi, il y a le ministre, le gouverneur en conseil, les commissaires, le président de la Commission, le président du conseil, le conseil consultatif, les administrateurs, le président du conseil consultatif et le vice-président du conseil consultatif. Avez-vous une idée de ce que serait l'organigramme? Je parle ici du point de vue de l'administration. Si j'étais administrateur là-bas, j'aimerais pouvoir me situer. Qui nomme ou élit tous ces gens-là? Évidemment, je sais qui élit le ministre et le gouverneur en conseil. Ce n'est pas cela qui m'intéresse, mais le reste.

M. Migie: En fait, le projet de loi C-72 porte sur deux situations bien différentes. C'est de là que vient la confusion, je crois. D'ici un an, on s'attend à ce qu'il y aura un conseil d'administration dont les agriculteurs éliront une partie des membres. Ensuite, le comité consultatif actuel cessera d'exister après l'expiration de son mandat. Il disparaîtra donc de l'organigramme.

Il y aura un ministre, responsable de la Commission canadienne du blé, un conseil d'administration dont la majorité des membres seront nommés par les agriculteurs, et un président qui est aussi membre du conseil. C'est le gouvernement qui nommera le président.

Pendant la période de transition, environ un an, la Commission continuera d'être une société d'État assujettie à toutes les règles usuelles. Le gouvernement nommera un conseil d'administration provisoire - tous les postes. Le gouvernement a déclaré que la majorité serait quand même composée d'agriculteurs, mais c'est lui qui les nommerait pour la première année.

Le comité consultatif continuera d'exister jusqu'à la fin de son mandat, parce qu'il serait curieux de ne pas avoir de représentants élus dans ces fonctions, et les règles normales de conduite des affaires internes s'appliqueraient pendant la première année. Le projet de loi comporte donc deux structures. La première, pour un an, où la Commission reste une société d'État, mais au lieu d'avoir entre trois et cinq commissaires nommés par le gouvernement, elle aura au bout du compte un conseil d'administration plus vaste et sera dirigée par un président.

Au bout de l'année, ce qui est prévu, c'est un conseil d'administration élu par les agriculteurs où il y aura un certain nombre de membres nommés par le gouvernement, mais uniquement une minorité.

M. Culbert: Monsieur le président, serait-il possible d'avoir un organigramme ou un ordinogramme qui nous explique cette évolution? Certains changements entreraient en vigueur au moment de l'adoption du projet de loi, tandis que d'autres ne prendraient effet que dans un an. Si nous pouvions avoir un ordinogramme qui nous le montre, cela faciliterait la tâche des membres du comité pendant l'étude du projet de loi. Cela nous aiderait beaucoup.

L'autre chose dont je voulais parler, monsieur le président, c'est la protection, en quelque sorte, dont les membres du conseil bénéficient. Cela me semble être la pratique normale. Il faut ici se référer à l'alinéa 3.93(1)a). Je cite:

a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission;

Si vous vous reportez au nouveau paragraphe 3.93(3), on lit ceci:

Cela correspond à peu près à ce que l'on retrouve dans la plupart des entreprises privées. Qui aujourd'hui voudrait siéger à une commission et faire des recommandations sans ces dispositions? Rares seraient ceux, chez les agriculteurs en tout cas, qui accepteraient sans cela.

.1105

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Culbert.

Nous avons la salle pendant quelques minutes encore. Je vais donner brièvement la parole à M. Benoit et à M. Hoeppner. Si nous pouvons conserver le quorum, nous pourrions nous occuper du rapport du sous-comité. Ce serait bien de pouvoir s'en charger avant de lever la séance.

Leon.

M. Benoit: Merci, monsieur le président.

J'ai des questions sur deux autres points. D'abord, au sujet d'une question qui a déjà été soulevée, la disposition qui abroge l'alinéa 46b) de la loi actuelle. C'est là qu'il est précisé que la Commission n'a pas de pouvoir sur les grains qu'elle ne commercialise pas, et c'est ce qui ouvre la voie à l'exercice par la Commission de son pouvoir sur le commerce interprovincial.

Vous avez déjà dit que votre avocat est tout à fait convaincu que cette disposition ne changera pas ce qui existe dans la loi. Mais un important groupe d'agriculteurs a fait examiner la chose par ses avocats. Eux se disent convaincus qu'il y a un changement et que cela pourrait donner à la Commission le pouvoir de réglementer le commerce interprovincial des grains.

Le commissaire Hehn, devant la Western Canadian Wheat Growers Association réunie en congrès, a déclaré que ce n'était qu'une «erreur administrative» et que la disposition devrait être supprimée. Les groupes d'agriculteurs en ont dit autant.

Avez-vous des observations à faire là-dessus, monsieur Migie?

M. Migie: Nous avons bien eu une rencontre avec un certain nombre de céréaliers et de dirigeants agricoles et fait circuler le règlement d'application invoqué pour conférer ce pouvoir. Ils ne se sont pas servis de cette disposition de la Loi sur la Commission canadienne du blé pour obtenir ce pouvoir. C'est la principale raison pour laquelle nous avons jugé que le projet de loi ne changerait rien à la situation.

Depuis, certains ont dit que même si le projet de loi C-72 ne change peut-être rien à la situation, pourquoi ne pas le dire en toutes lettres? C'est une chose que le comité pourrait faire. Pour nous, l'abrogation de cette disposition ne change rien à l'affaire, puisque ce n'est pas celle d'où découlait le pouvoir. Mais si un doute reste, le comité pourra le dissiper.

M. Benoit: J'espère que c'est le cas, parce que cela inquiète certaines personnes.

En ce qui concerne l'indemnisation - il s'agit des articles 3.94 et 3.93 - vous avez dit que le libellé était identique à celui de la Loi sur les sociétés par actions.

M. Migie: Oui, quasiment.

M. Benoit: «Quasiment». Où est le changement?

M. Migie: Nous disons «la Commission indemnise», et l'autre texte dit «la Commission peut indemniser».

M. Benoit: J'ai noté un autre changement, à moins que cela ne figure ailleurs et ne m'ait échappé. Dans ce projet de loi, on a ajouté les employés à la liste. Or, les employés ne figurent pas en compagnie des dirigeants et des administrateurs dans la Loi sur les sociétés par actions.

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M. Migie: Victor, avez-vous les deux lois, la Loi sur la gestion des finances publiques et la...

M. Jarjour: J'ai les deux, oui. De fait, le libellé provient de la Loi sur la gestion des finances publiques, et non pas de la Loi sur les sociétés par actions, même s'il y a une grande similitude entre les deux.

M. Benoit: On parle aussi des employés? Qu'on en parle dans un cas et pas dans l'autre...

M. Migie: Nous allons vérifier et voir pourquoi cela a été ajouté si cela n'y figurait pas. C'est peut-être parce qu'ils sont les employés d'une société d'État, mais nous allons voir.

M. Benoit: J'ai une question à propos de cette indemnisation. La loi pourrait-elle mettre les ex-commissaires à l'abri de toute poursuite éventuelle, leur donner une protection dont ils ne jouissent pas actuellement?

M. Migie: J'aimerais renvoyer la question à nos avocats. Je vais me renseigner et je vous répondrai.

M. Benoit: J'aimerais obtenir votre réponse par écrit.

M. Migie: Entendu.

Le président: Enchaînons, Jake, pour que nous puissions examiner le rapport du comité de direction.

M. Hoeppner: Ce ne sera pas long, monsieur le président.

À l'alinéa 3.93(1)a) on dit ceci: «avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission». Pourquoi ne dit-on pas «au mieux des intérêts des agriculteurs»? Pour moi, c'est tout autre chose.

M. Migie: La Commission est en fait la Commission canadienne du blé.

M. Hoeppner: Cela ne désigne pas les agriculteurs.

M. Migie: C'est vrai, et cela découle de la loi, du règlement d'application et des règlements administratifs de la Commission.

M. Hoeppner: Eh bien, je voudrais pousser plus loin et vous signaler quelque chose. Vous dites que par règlement la Commission a le droit de fixer le paiement initial à un dollar la tonne.

M. Migie: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Le pouvoir d'établir le prix n'est pas donné par la loi. En théorie, donc, par esprit de contradiction, vous pourriez établir un prix ridiculement bas, mais ce n'est pas ainsi qu'on s'est servi de la loi dans le passé.

M. Hoeppner: J'aimerais vous citer une décision rendue en appel. J'ignore si vous êtes au courant de l'affaire entre la Commission canadienne des grains et Econ Consulting. La Cour fédérale a maintenu en appel la décision de première instance qui donne le droit de poursuivre un organisme du gouvernement au motif du devoir en common law et de récupérer toute perte purement financière dans les cas où la loi avait justement pour but d'éviter la perte financière subie.

La Loi sur la Commission canadienne du blé précise très clairement que la Commission a le devoir de recouvrer les avantages pécuniaires découlant du blé et que, si elle ne le fait pas, elle doit en assumer la responsabilité. C'est ce que vous essayez de faire disparaître.

M. Migie: Mais on parle ici des personnes et de leur responsabilité personnelle.

M. Hoeppner: Où est la différence?

M. Migie: Un administrateur qui risque sa maison et ses économies, c'est bien différent d'une entreprise condamnée à verser un dédommagement. Le risque est bien plus grand pour un administrateur, qui pourrait perdre sa chemise faute de cette protection. Mais il se pourrait quand même que la personne morale ait à acquitter ces frais.

M. Hoeppner: Ce serait les agriculteurs encore une fois. Ils paieraient pour cela eux-mêmes.

M. Migie: Oui, collectivement.

Le président: Monsieur Hoeppner, pourriez-vous me fournir un éclaircissement? Vous êtes un agriculteur actif. Si vous en aviez l'occasion, est-ce que vous aimeriez devenir administrateur d'une future commission canadienne du blé?

Dans l'affirmative, est-ce que vous aimeriez recevoir une certaine protection personnelle si vous preniez des décisions, avec la prudence dont vous faites preuve, au nom des agriculteurs et de la Commission canadienne du blé collectivement ou au nom des agriculteurs simplement? Ou seriez-vous satisfait d'être tenu personnellement responsable pour absolument toute décision que vous pourriez prendre?

M. Hoeppner: Si j'étais élu au conseil d'administration et si en tant que groupe le conseil faisait un acte criminel, je devrais être tenu responsable.

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Le président: Oui. Nous sommes tous d'accord avec cela, être responsable pour les activités criminelles...

M. Hoeppner: Mais ce n'est pas ce qui est écrit ici. On dit criminel ou...vous êtes protégé dans les deux cas.

Le président: D'accord. Comme on l'a dit, c'est peut-être quelque chose qu'il faut clarifier...

M. Hoeppner: Je n'ai jamais vu une société où quelqu'un peut commettre un crime et ne pas être tenu responsable, et ce n'est pas ce qu'on lit dans ce projet de loi.

Le président: Vous avez signalé que certains désirent avoir un éclaircissement à ce sujet. Comme je l'ai dit au début de la réunion, il se présente à nous des défis et des possibilités lorsqu'on obtient le projet de loi après la première lecture. Nous allons certainement nous réunir de diverses façons avec plusieurs personnes au cours des prochaines semaines.

Cela dit, je pense que nous avons eu une discussion assez fructueuse ce matin.

Je tiens à remercier MM. Pickard, Migie et Jarjour de s'être joints à nous ce matin. Je suis convaincu que nous aurons à nous revoir au fil de nos travaux. Merci, messieurs.

Si nous pouvions maintenant passer au dixième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, il s'agit d'un rapport qui nous a été acheminé par le comité directeur plus tôt cette semaine. Il s'agit en partie des voyages du comité dans l'Ouest.

Le premier point, l'ébauche de communiqué de presse, a été approuvé par le comité directeur mardi et a été publié. Le reste est assez clair. Nous savons qu'il y aura d'autres demandes de la part de particuliers ou de groupes qui désirent comparaître devant le comité, et le comité directeur s'est entendu l'autre jour pour que l'on fasse preuve d'une grande souplesse et que nous nous montrions aussi justes que possible pour donner l'occasion au plus grand nombre de personnes possible de venir exprimer leurs points de vue.

Pouvez-vous jeter un coup d'oeil sur ce rapport? Les six premiers points traitent essentiellement des voyages du comité. Le septième point concerne ce qui a été mis de l'avant par le comité directeur. Il y avait une indication du comité directeur disant que nous demandons pour le printemps une mise à jour du ministère de l'Agriculture et du ministère de la Santé concernant la somatotrophine bovine et son évolution, quelle qu'elle soit.

Y a-t-il des commentaires sur le rapport du comité directeur, ou des directives pour la présidence?

M. Reed (Halton - Peel): Je propose l'adoption du rapport.

Le président: Tous ceux qui sont en faveur de l'adoption du rapport?

La motion est adoptée

Le président: Je vous remercie.

Chers collègues, je vous donne rendez-vous mardi matin à 9 heures, où nous entendrons la Fédération canadienne de l'agriculture et les Syndicats du blé des Prairies.

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