[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): Veuillez vous asseoir à la table. Je vais lire la liste des noms des témoins et j'espère que je n'oublierai personne: George Hickie, Bill Rees, Henry et Joyce Neufeld, Fred Harrison, Norm Colhoun, Kyle Korneychuk, John Burton. Curtis Kuchinka a un carton; il a donc dû se faire inscrire.
Pour que tout le monde sache bien comment nous procédons, je précise que pour ne léser personne, comme on vous l'a déjà dit, vous disposez chacun de cinq minutes. Je vous préviendrai lorsqu'il ne vous restera plus qu'une trentaine de secondes. Nous entendrons tout le monde avant de passer aux questions et aux commentaires.
Cet après-midi, le premier groupe commencera à 13 h 30. Nous pourrons donc dépasser un peu l'heure de midi tout en laissant suffisamment de temps aux membres du comité pour déjeuner. Dialoguer avec des particuliers, au lieu d'entendre des groupes, nous paraît également très utile.
Au nom du comité, je tiens donc tout d'abord à vous remercier d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui. Nous sommes prêts à écouter attentivement vos commentaires sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Je me contenterai de suivre l'ordre de la liste que j'ai devant moi. Nous allons commencer par M. Hickie.
M. George Hickie (à titre individuel): Je m'appelle George Hickie. Je suis céréaliculteur/éleveur de bovins de la région de Waldron, à environ 100 milles d'ici. Je vous expliquerai tout d'abord pourquoi je suis en faveur de la Commission du blé, puisque le projet de loi C-72 porte exclusivement sur la commission.
Je suis partisan de la Commission canadienne du blé car elle est mon office de commercialisation. Elle me reverse tous les profits qu'elle réalise sur mon grain. Guichet unique de vente de mon grain depuis de nombreuses années, la commission m'assure un avantage financier sur le marché. La Commission canadienne du blé jouit du respect et de la confiance du monde entier. Nos clients savent que lorsqu'ils font affaire avec la commission, les conditions du contrat passé avec elle seront toujours respectées. Cela nous a permis de vendre plus de grain à des prix légèrement supérieurs.
Grâce à la Commission canadienne du blé, chaque céréaliculteur perçoit le même prix, à qualité égale, pour son grain. La répartition des livraisons est faite de manière juste et équitable. Une exploitation de céréaliculture et d'élevage demande beaucoup de travail. Pendant les six mois d'été, ma journée de travail commence à l'aube et se termine rarement avant la tombée de la nuit, et bien souvent, plus tard. Tout cela est très stressant. Il ne me reste ni le temps ni l'énergie nécessaires pour m'occuper de la vente de mon grain à l'étranger. Je ne suis que trop heureux d'en laisser la responsabilité à la Commission canadienne du blé.
Pour en revenir au projet de loi C-72, il faudrait maintenir la période de mise en commun actuelle qui va du 1er août au 31 juillet, pour une campagne agricole complète. La formule de mise en commun semi-annuelle ou trimestrielle serait coûteuse et peu efficace. Cela éliminerait d'ailleurs une des principales raisons de la mise en commun qui est d'assurer aux agriculteurs un prix égal pour un produit de valeur égale, pendant la période d'un an.
Si la Commission canadienne du blé achetait le grain au comptant aux agriculteurs ou à quiconque, cela remettrait totalement en cause le principe de la mise en commun et du partage auquel la commission est attachée. On créerait ainsi des inégalités entre les céréaliculteurs. Si c'est ce que nous voulons, il existe déjà un marché libre pour la plus grande partie des grains que nous produisons.
On a envisagé de permettre à un agriculteur de vendre au comptant, au moment de son choix, un certain pourcentage du blé ou de l'orge qu'il destine à l'exportation. Cela m'inquiète beaucoup car cela autoriserait la spéculation au sein même du processus de commercialisation de la Commission canadienne du blé et serait contraire au principe même du processus de mise en commun.
Je vois là une tentative pour donner satisfaction à la petite minorité d'agriculteurs qui voudraient transformer la Commission canadienne du blé pour en faire un organisme presque impuissant, qui fonctionnerait d'une manière peu différente du marché libre. Je ne vois aucune raison valable de le faire. Après tout, ces agriculteurs n'ont que l'embarras du choix. Le canola, le lin, l'avoine, le seigle, les lentilles, les pois et l'orge fourragère destinée à la consommation domestique sont autant de produits qui sont vendus exclusivement sur le marché libre.
La majorité d'entre nous qui préférons vendre notre grain par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé ne pouvons compter que sur l'orge d'exportation et le blé de mouture. Nous ne pouvons pas vendre d'autres céréales par l'intermédiaire de la commission. La cause de la justice est bien mal servie lorsque les désirs d'une petite minorité prévalent sur ceux d'une majorité importante.
On a beaucoup discuté de la commercialisation mixte. Je suis tout à fait d'accord avecM. Goodale lorsqu'il dit que cette formule n'est pas réaliste. Dans un tel système, la Commission canadienne du blé perdait en effet ses pouvoirs et sa capacité de vendre notre grain à un prix supérieur, comme elle l'a fait dans le passé. Elle ne serait plus qu'un courtier en grains parmi beaucoup d'autres. La commission souffrirait d'un gros handicap, car elle n'a pas son propre système de ramassage du grain. Elle risquerait également d'être exploitée par ceux qui ont le temps et l'argent suffisants pour spéculer. Un système de commercialisation mixte serait le plus sûr moyen de détruire la Commission canadienne du blé.
En conclusion, je déclare que je préférerais confier la vente de mon canola et de mon avoine à la Commission canadienne du blé. Actuellement, c'est impossible.
Je voudrais faire une dernière remarque. Chaque boisseau de grain canadien vendu aux États-Unis est subventionné indirectement par les contribuables américains, ce qui m'inquiète beaucoup, car tôt ou tard, ces contribuables vont se rendre compte que... Nous allons avoir des problèmes si nous poursuivons nos expéditions transfrontalières de grain. C'est un risque que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre, et j'espère que nous utiliserons exclusivement la Commission canadienne du blé pour toutes les ventes faites hors de notre pays.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hickie. Je donne maintenant la parole à M. Rees.
M. Bill Rees (à titre individuel): Je suis producteur de grain biologique. Je vis à Stockholm, en Saskatchewan. Je suis également directeur de la section 6 de l'OCIA. Je serai très bref.
En tant que producteur de grain biologique, je n'ai pas besoin des avantages qu'offre la Commission canadienne du blé, à supposer qu'il y en ait. À mon avis, les producteurs biologiques de la Saskatchewan sont parvenus à la situation enviable qu'ils occupent actuellement sans l'aide et le soutien du gouvernement fédéral ou provincial. Je ne prétends pas que ce soit mauvais pour les autres producteurs, mais je parle exclusivement au nom des producteurs biologiques.
À mon avis, il conviendrait d'avaliser la recommandation du groupe qui proposait que les producteurs biologiques et le blé et l'orge biologiques soient soustraits à l'application des règlements de la commission. Ce serait une bonne décision.
Je sais bien que certains ne seraient pas d'accord et ils ont droit à leur opinion. En conclusion, je dirais simplement que les producteurs biologiques de la Saskatchewan ne sont pas nombreux, qu'il est facile d'avoir accès à eux, et que si vous voulez que la décision soit prise de façon démocratique, il suffit de prendre contact avec les présidents et directeurs des différentes sections pour voir s'ils acceptent ou rejettent ma recommandation. Je suis prêt à accepter leur décision. Si leur réaction est positive, je recommanderais à nouveau que les produits biologiques soient soustraits et que cela soit confirmé par un décret.
Le président: Merci, monsieur Rees.
Nous allons maintenant entendre Henry et Joyce Neufeld.
M. Henry Neufeld (à titre individuel): Merci. Joyce et moi sommes agriculteurs dans la région de Swift Current et nous vous remercions de nous accorder quelques minutes pour présenter nos vues sur les changements envisagés pour la Commission canadienne du blé. Nous avons retenu quelques points dont nous voudrions parler, mais il ne nous sera bien entendu pas possible de les approfondir.
Joyce va vous en lire la liste et, pour terminer, je ferai quelques commentaires.
Mme Joyce Neufeld (à titre individuel): Nous sommes heureux de pouvoir vous faire part de certaines des réserves que nous inspire le projet de loi C-72. Compte tenu du temps dont nous disposons, nous n'en évoquerons que quelques-unes.
Sur le plan de l'organisation, on peut se demander si la Commission canadienne du blé est suffisamment liée par l'obligation de rendre des comptes, étant donné sa structure actuelle. De toute façon, si un problème existe, il est peu probable qu'un conseil d'administration élu soit capable de le résoudre. On dit souvent qu'il est impossible d'obliger les politiciens élus à rendre des comptes.
Nous ne sommes pas partisans de créer un conseil d'administration dont une partie des membres seraient élus, pour accroître la responsabilité de la commission à l'égard des agriculteurs. Dans la pratique, c'est toujours le ministre qui a le dernier mot pour tout ce qui touche aux politiques. C'est lui qui a autorité pour choisir le président parmi les membres du conseil d'administration, qui ne sont pas tous élus par les agriculteurs, et c'est lui qui nomme le président. Le gouverneur en conseil peut, par arrêté ministériel, donner des instructions à la commission sur la manière dont elle devra mener ses activités, exercer ses pouvoirs et s'acquitter de ses responsabilités en vertu de la loi.
Aux yeux de certains, le conseil d'administration élu proposé dans le projet de loi C-72 pourrait être la pire des solutions possibles. Le conseil aura l'illusion d'exercer un contrôle et sera certainement blâmé pour tout ce qui se produira. Entre-temps, le ministre, qui détient le pouvoir véritable, pourra tirer les ficelles de la Commission canadienne du blé dans les coulisses.
Je suis certaine que l'ancien ministre de l'Agriculture, Charlie Mayer, aurait été ravi que le projet de loi C-72 soit appliqué sous sa forme actuelle pendant son règne de terreur. Le système actuel qui permet aux agriculteurs de tenir le gouvernement responsable de la Commission canadienne du blé est bien meilleur. Nous préférerions cependant que plus de pouvoirs soient accordés au comité consultatif de la Commission canadienne du blé élu par les producteurs.
L'article 31 proposé qui dit que la période de mise en commun correspondant actuellement à la campagne agricole s'entend maintenant «de la ou des périodes, ne dépassant pas une année, que la commission peut fixer par arrêté», nous inspire également de graves inquiétudes. Il deviendrait possible d'utiliser des périodes de mise en commun de durées différentes, tant qu'elles ne dépassent pas un an. À notre avis, cette disposition encouragerait les producteurs qui ont les moyens financiers nécessaires à conserver leurs grains en espérant que les prix augmenteront au cours de la période suivante. Beaucoup d'agriculteurs seraient cependant obligés de vendre pendant une période de bas prix parce qu'ils ont besoin d'argent pour payer leurs factures. À notre avis, il serait préférable d'utiliser les dates clôtures de contrat plutôt que celles de la période de mise en commun pour régler les problèmes de pénurie.
Passons à l'article 45 proposé: Bien que cet article dispose que, sur la recommandation du ministre, des grains puissent être soustraits à la réglementation de la commission, il ne prévoit pas la possibilité pour les producteurs d'étendre cette réglementation à d'autres céréales ou oléagineux. En tant que producteurs d'avoine et de seigle, il nous semble absolument inadmissible qu'il nous soit interdit d'utiliser pour ces céréales les possibilités de vente à guichet unique offertes par la commission, alors qu'il est très facile de soustraire des céréales à la réglementation. Nous sommes certains que beaucoup de producteurs d'autres grains et oléagineux seraient heureux de pouvoir commercialiser leurs produits par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé. Nous recommandons donc que l'article proposé soit modifié de manière à en étendre l'application à d'autres grains et oléagineux, également sur la recommandation du ministre.
M. Neufeld: Merci, Joyce. Pour conclure, je crois qu'il convient d'expliquer pourquoi nous sommes ici et pourquoi ces changements sont proposés dans le projet de loi C-72.
Le ministre veut nous faire croire que ces changements répondent aux voeux exprimés par les agriculteurs de l'Ouest aux réunions organisées par la Commission de commercialisation des grains de l'Ouest. En tant qu'un des 300 agriculteurs et plus qui ont assisté à la réunion organisée par ce groupe à Swift Current, permettez-moi de faire une mise au point.
À la fin de la réunion, la question s'est posée de savoir qui était partisan du monopole de la vente à guichet unique et de l'augmentation des pouvoirs de la Commission canadienne du blé. Un vote enregistré a donc été tenu. Il n'y a eu que deux votes contre et deux abstentions. Je vous dirai carrément que le rapport du groupe de commercialisation des grains de l'Ouest a présenté une version totalement déformée de ce qui s'est passé à Swift Current. Le rapport officiel est si loin de la vérité que tout ce que je peux dire, c'est que, ou bien les membres du groupe présents à Swift Current dormaient ou bien les réunions tenues dans l'ouest du Canada étaient une pure escroquerie.
Le président: Merci beaucoup, Joyce et Henry, de votre exposé. Nous allons maintenant passer à M. Fred Harrison.
M. Fred Harrison (à titre individuel): Merci, monsieur le président. Ma femme est pasteur à Melville et c'est la raison pour laquelle je loue ma ferme. L'agriculture ne continue pas moins à m'intéresser, et toute ma vie, j'ai été un défenseur de la Commission du blé.
La Loi fédérale modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé affaiblit la commission et devrait être modifiée ou éliminée. Le projet de loi C-72 met en danger la mise en commun des prix, la vente à guichet unique, et les garanties financières du gouvernement, et il empêche les agriculteurs d'accroître les pouvoirs de la commission. Ce projet de loi est donc manifestement inacceptable et il devrait être totalement remanié ou tout simplement éliminé.
Le projet de loi C-72 a été rédigé afin d'incorporer les propositions contenues dans le rapport de la Commission mixte d'experts Canada-États-Unis et du Groupe de commercialisation des grains de l'Ouest. L'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, l'ALENA et le GATT fixent les règles du jeu. La tendance à la privatisation et à la déréglementation totales du commerce mondial a commencé à se manifester sous le règne du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, et elle a été adoptée et encouragée par le gouvernement libéral actuel de Jean Chrétien.
Les changements proposés dans le projet de loi visent à nous soumettre aux dispositions du commerce international. Cette intégration fait de nous les esclaves des sociétés céréalières transnationales qui sont elles-mêmes adaptées aux exigences de la politique américaine en matière de commerce extérieur, ce que confirme l'apparition de grandes sociétés multinationales au Canada.
Earl Butz, l'ancien secrétaire américain à l'agriculture, aurait dit que lorsqu'on a faim, on écoute toujours ceux qui ont du pain à offrir. Le contrôle des aliments est synonyme de pouvoir dans le monde.
La déréglementation du système de transport ferroviaire du Canada est un autre élément du plan. Ce qui confirme la justesse de mon analyse c'est que les compagnies ferroviaires ne font actuellement aucun effort pour assurer le transport des grains.
La semaine dernière, j'ai visité les silos du port de Vancouver et j'ai constaté que ces terminaux n'avaient toujours pas suffisamment de grain pour charger les quelque 40 navires qui attendaient. Pas plus tard que ce matin, j'ai entendu dire à la radio qu'il manquait 800 wagons pour satisfaire aux engagements hebdomadaires. Il est injuste que la Commission canadienne du blé soit critiquée pour la lenteur de l'acheminement des grains car il est bien évident que les grands responsables sont les compagnies ferroviaires.
À mon retour dans les Prairies, j'ai constaté que des centaines de wagons étaient inutilisés. Les anecdotes qui illustrent le manque d'efficience des compagnies ferroviaires abondent - il y a l'exemple de sept wagons traînés par quatre locomotives, celui de locomotives qui attendent dans des gares, pendant de quatre à six jours. Les compagnies ferroviaires essayent de faire du chantage pour augmenter leur revenu-marchandises. C'est la tactique qu'elles ont utilisée pour se débarrasser du tarif du Nid-de-Corbeau.
M. Anderson, ministre des Transports, a récemment déclaré aux médias que nous devrions poursuivre la déréglementation afin d'assurer le rendement des compagnies ferroviaires. L'expérience prouve cependant qu'il n'en sera rien. Le Parlement du Canada a autorisé votre comité à se rendre dans l'Ouest afin d'entendre des témoignages sur le projet de loi C-72. Malheureusement, il semble que les producteurs disposent de bien peu de temps pour contribuer de manière utile au débat. Nous avons l'impression qu'on nous pousse dans une chute pour qu'on nous abatte comme du bétail à la fin du processus. Je n'ai pas l'intention de vous demander d'excuser mon cynisme au sujet de l'utilité d'audiences telles que celle-ci. Le dispositif de privatisation et de déréglementation que j'ai identifié fait de nous des esclaves totalement incapables d'exercer une influence sur ce processus planifié d'avance.
Mon cynisme s'explique par le fait que j'ai déjà comparu devant le groupe de commercialisation des grains de l'Ouest et devant bien d'autres groupes. Lorsque la décision est déjà prise à Ottawa, il ne nous reste pas grand-chose à faire.
Pour résoudre les problèmes que vous avez identifiés, il faut un gouvernement qui a la volonté politique nécessaire pour apporter son soutien aux agriculteurs plutôt qu'aux grosses sociétés. Il est indispensable de rétablir un lien direct entre les agriculteurs et le gouvernement. À l'heure actuelle, un groupe de 50 personnes - dont la plupart sont des conservateurs nommés par l'ancien ministre de l'Agriculture Charlie Mayer - décide de l'orientation de la politique gouvernementale. La plupart d'entre eux sévissent depuis au moins 25 ans. Ils n'ont pas la moindre idée novatrice à offrir et sont totalement inféodés aux objectifs des grandes sociétés. Malheureusement, le gouvernement actuel s'en remet totalement à leurs instructions. Le pire est que les propositions des agriculteurs ne sont pas transmises au gouvernement par les organisations agricoles, ce qui contribue à l'indigence totale des réactions du gouvernement à l'égard des idées exprimées par les agriculteurs.
Le problème, pour le comité, est de reconnaître que le projet de loi C-72 n'aborde et ne résout aucune question fondamentale relative à la commercialisation des grains. N'oublions pas que la commercialisation est un processus qui comprend à la fois la manutention, le transport et la vente des grains. Le projet de loi C-72 traite de la manutention mais non de la commercialisation. Comme le projet de loi n'aborde même pas la question, il est incapable de résoudre les problèmes. Il retarde tout au plus la nécessité de répondre aux questions de fond, qui sont nombreuses.
Quant au gouvernement, à qui accorde-t-il son soutien pour la prise de contrôle de l'industrie céréalière canadienne? Veut-il s'en charger lui-même ou en laisser le soin aux sociétés transnationales ou encore aux entreprises canadiennes?
Le comité est-il d'accord avec M. Goodale, ministre de l'Agriculture, lorsqu'il déclare que l'avenir de la Commission canadienne du blé et le choix du système de commercialisation à utiliser est une question qui concerne les agriculteurs et qui ne devrait être réglée que par eux? Comme dans le passé et comme cela devrait être à l'avenir, il faut que les agriculteurs prennent leur destinée en mains, sans quoi, ce sont les grandes sociétés qui s'en chargeront. Il faut que votre comité mette en place un mécanisme démocratique qui permettra aux agriculteurs eux-mêmes de résoudre le problème. La Commission canadienne du blé ne peut pas survivre si elle est totalement coupée du système.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Harrison.
Nous allons maintenant entendre Norm Colhoun.
M. Norm Colhoun (à titre individuel): Merci, monsieur le président. Je suis producteur ici, à Regina. Je suis opposé à ce que la Commission canadienne du blé joue un rôle coercitif. S'il s'agissait d'un organisme dont les règlements étaient facultatifs, j'en serais un des plus fermes partisans.
Je suis hostile au projet de loi C-72, sous quelque forme qu'il se présente, car il continue à traiter les agriculteurs de l'ouest du Canada comme des citoyens de seconde zone, alors que 70 p. 100 des agriculteurs du reste de notre pays sont libres de ventre leurs produits et le fruit de leurs labeurs au plus offrant.
Je suis particulièrement contre le fait que le projet de loi C-72 ne permettra pas aux agriculteurs de l'ouest du Canada d'exercer un contrôle, et je suis totalement opposé aux articles 3.93 et 3.94 proposés à ce sujet. Andy McMechan et Bill Cairns ont été emprisonnés parce qu'ils avaient trouvé un meilleur marché et des prix plus élevés pour leur orge cireuse. À en croire la Commission canadienne du blé, il n'existait pas de marché pour ce produit. Les articles 3.93 et 3.94 proposés prévoient que les coûts des amendes et des peines imposées aux employés de la commission jugés coupables de ne pas avoir servi les intérêts des agriculteurs, seront assumés par des agriculteurs comme Andy McMechan et Bill Cairns.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Colhoun.
Kyle Korneychuk.
M. Kyle Korneychuk (à titre individuel): Bonjour. Je vous remercie de m'offrir la possibilité de témoigner devant vous. Avec l'aide de ma femme et de mes deux enfants, j'exploite une ferme dans la région de Pelly, dans le nord-est de la Saskatchewan.
Avant de commencer, je tiens à préciser que j'approuve le principe de l'existence de la Commission canadienne du blé. Il faut en effet reconnaître que la commission permet aux agriculteurs de l'ouest du Canada de s'unir pour s'attaquer au marché mondial. Cette option paraît préférable aux agriculteurs de l'Ouest qui ne veulent pas se faire concurrence car elle améliore la livraison, elle permet d'obtenir de meilleurs prix et, sur les marchés d'exportation, elle permet d'espérer obtenir un prix raisonnable.
Pour que le secteur agricole survive au Canada - j'entends par là les agriculteurs, les vendeurs d'engrais, les sociétés de produits chimiques, les marchands de mazout - il faut que les agriculteurs soient correctement rémunérés pour leur travail. À long terme, il n'est pas acceptable que les agriculteurs exploitent uniquement leur ferme au profit des courtiers pour être ensuite obligés d'aller travailler ailleurs afin d'assurer la subsistance de leur famille.
Les changements prévus pour la Commission canadienne du blé me paraissent être la première étape sur la voie de la privatisation de la commission et de sa disparition finale. Pour dire les choses simplement, la majorité de ces changements contribueront à affaiblir la commission. Le pouvoir réel de vente des agriculteurs sera réduit et ce sont les négociants en grains qui en profiteront. Au cas où certains ne le sauraient pas, les courtiers achètent et vendent des céréales pour réaliser un profit. N'oubliez pas que ce profit sort directement de ma poche.
En écoutant les témoins aujourd'hui, posez-vous les questions suivantes: S'agit-il d'agriculteurs? Les changements qu'ils proposent profiteront-ils aux agriculteurs ou à un autre groupe? Représentent-ils les intérêts des agriculteurs ou ceux d'un groupe financé par de non-agriculteurs qui se soucient uniquement des marges de profit, marges qui sont habituellement réalisées aux dépens des agriculteurs?
Je vous demande de bien tenir compte de tout cela afin de permettre aux exploitations familiales de continuer à exister. Sans cela, notre prochain problème social sera de savoir quoi faire de tous ces anciens agriculteurs.
Je voudrais examiner sept points précis qui ont trait aux changements proposés. J'espère avoir suffisamment de temps pour les passer tous en revue.
Premièrement, selon les modifications proposées, il y aura seulement un ou plusieurs sièges au conseil d'administration dont le titulaire sera élu par les producteurs. Cela me paraît insultant pour les agriculteurs. Pour qu'un conseil d'administration élu satisfasse à l'obligation de rendre compte qui incombe à la Commission canadienne du blé, ce qu'il ne fera d'ailleurs pas à mon avis, il faudrait, à tout le moins, que la majorité des administrateurs soient des agriculteurs. Si la commission elle-même et le gouvernement doivent être représentés au conseil d'administration, à raison de trois postes au total, par exemple, et si le conseil comprend de 11 à 15 membres, il faudrait que la loi le précise et indique clairement que trois postes seront occupés par des non-agriculteurs et que les titulaires des autres postes seront élus par les producteurs.
Deuxièmement, le président du conseil d'administration ne devrait pas être nommé par le gouverneur en conseil mais élu par les producteurs du groupe, ou les administrateurs eux-mêmes pourraient élire un des leurs à ces postes. Si le gouverneur en conseil contrôle ces deux postes, il sera impossible de considérer que la Commission canadienne du blé est contrôlée par les agriculteurs.
Troisièmement, la modification actuelle semble indiquer que le gouvernement n'est plus disposé à assumer la responsabilité des garanties ou des prix d'ajustement. C'est inacceptable. L'incertitude des paiements futurs et les retards des ajustements, en attendant que les pénuries possibles soient pleinement protégées, auront pour effet de retarder l'augmentation possible des prix d'ajustement. Cela créera des problèmes de trésorerie pour les agriculteurs. Il faut donc que les garanties par le gouvernement du prix initial et des paiements d'ajustement soient maintenues. Il faut également que le fonds de réserve mentionné soit maintenu. Cela coûtera encore plus d'argent aux agriculteurs. En ne garantissant pas les prix d'ajustement, le gouvernement a accru le coût pour les agriculteurs sans aucun avantage pour lui-même.
Quatrièmement, selon les modifications proposées, la Commission canadienne du blé cessera d'être une société d'État pour devenir une entreprise mixte. On le justifie en disant que puisqu'il y avait des représentants élus au conseil d'administration, la commission ne pouvait plus prétendre être une société d'État. Il y a une solution facile. Il suffirait que les agriculteurs élisent un groupe des leurs qui les représente et que le ministre des Finances désigne des administrateurs parmi les membres de ce groupe. Cela montrerait que le ministre tient à ce que les agriculteurs aient un rôle à jouer et qu'il est désireux d'économiser leur argent en s'assurant que la Commission canadienne du blé demeure une société d'État et continue à bénéficier de taux de prêts de faveur. Toutes les parties seraient ainsi gagnantes.
Cinquièmement, l'article 39 proposé prévoit que la Commission canadienne du blé pourra faire des achats au comptant à un producteur ou à toute autre personne ou tout groupe de personnes, en tout temps et en tout lieu. Cette disposition est inacceptable car elle permet aux négociants en grains... Encore une fois, le profit se fait aux dépens de l'agriculteur. Si cette disposition est retenue, certains profits risquent d'échapper aux agriculteurs. Pourquoi les négociants en grains vendraient-ils leurs produits à la Commission canadienne du blé? Fort probablement, parce que le prix offert par la commission serait plus élevé que le prix payé par les négociants. Ceux-ci savent fort bien que c'est aux dépens des agriculteurs que le profit serait réalisé.
Si la formule de l'achat au comptant est adoptée, il faut qu'elle se limite aux achats aux agriculteurs. Je préférerais que l'achat au comptant ne soit pas inclus dans les modifications proposées car cela compromettra sérieusement le principe de l'établissement en commun des prix.
Sixièmement, les changements proposés prévoient la disparition du Groupe consultatif. C'est une profonde erreur. Le nombre des membres du comité consultatif devrait être augmenté afin qu'ils participent au processus de prise de décision au niveau du conseil d'administration. Il est illogique de penser que les administrateurs seront capables de jouer un rôle majeur dans l'orientation des activités de la Commission canadienne du blé tout en maintenant des contacts étroits avec les membres qui constituent sa base, c'est-à-dire les agriculteurs. S'il y a un point sur lequel la commission aurait pu être critiquée ces dernières années, c'est peut-être sur le fait qu'elle n'a pas maintenu une communication aussi ouverte avec les agriculteurs qu'elle aurait dû le faire. La dissolution du Comité consultatif ne fera qu'exacerber le problème.
Septièmement, ce que nous pouvons accepter est limité par le mandat de la Commission canadienne du blé. Je crois que l'on a déjà parlé de la possibilité d'ajouter d'autres grains. C'est un point intéressant.
Nous vivons une période de changement et de mondialisation... et l'idée dominante est que le changement entraînera la prospérité. Voyons donc un peu ce que le changement et la mondialisation ont récemment apporté à l'agriculture de l'ouest du Canada.
Premièrement, nous n'avons pas de politique de transport coordonnée efficace permettant d'acheminer notre grain jusqu'aux points d'exportation. Dans notre système, ce sont les compagnies ferroviaires qui décident, ce qui ne les empêche pas de se plaindre constamment et de réclamer une plus large déréglementation afin d'accroître la concurrence dans la situation monopolistique qui est la leur.
Deuxièmement, les Américains sont maintenant propriétaires de certains tronçons de lignes canadiennes qui mènent aux installations portuaires.
Troisièmement, il est fort probable qu'un de ces jours une société américaine deviendra propriétaire d'un port canadien et l'exploitera.
Quatrièmement, certains politiciens semblent plus soucieux de servir l'agroindustrie que les agriculteurs.
Pour que cette loi soit profitable aux agriculteurs, il faut qu'elle soit modifiée. Sous sa forme actuelle, elle n'offre rien de la liberté de manoeuvre que lui prêtait le ministre de l'Agriculture lors d'une déclaration publique.
Si c'était vraiment le cas, la loi établirait des mécanismes qui permettraient de soumettre d'autres grains et oléagineux aux règlements de la commission. Elle permettrait aussi aux agriculteurs de décider si les paiements devraient continuer à être garantis. Enfin, elle permettrait aux agriculteurs de décider du type de contrôle et de leadership nécessaires pour renforcer les efforts de commercialisation de la commission.
Le texte de loi que nous avons devant nous est un instrument totalement émoussé qui rompra le contrat social existant actuellement entre l'agriculteur et le Parlement du Canada. Ce contrat sera remplacé par un régime dans lequel le cabinet du ministre et les négociants en grains exerceront une influence directe plus grande. Pour l'agriculteur, cela représente un pas en arrière.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, Kyle.
Passons maintenant à John Burton.
M. John Burton (à titre individuel): La Commission canadienne du blé est un des piliers de l'économie de l'ouest du Canada. Toute érosion de ses pouvoirs ou de ses capacités d'agir efficacement au nom de l'agriculture de l'ouest du Canada sera durement ressentie par les agriculteurs et par l'ensemble de l'économie. Il y a un certain temps que l'effritement des pouvoirs de la commission se poursuit. Il faut que cela cesse. C'est maintenant qu'il faut agir; votre comité peut intervenir en recommandant de ne pas pousser plus loin le projet de loi sous sa forme actuelle. Il est absolument indispensable que tout le blé et l'orge réglementés par la Commission canadienne du blé continuent à l'être.
J'ai l'espoir que le plébiscite sur l'orge sera favorable à l'organisation méthodique de sa mise en marché. Ma seule crainte est que le gouvernement n'ait décidé que les distributeurs qui cultivent de l'orge mais ne le commercialisent pas aient leur mot à dire alors que ceux qui ne produisent pas d'orge et ont un carnet de permis n'aient pas voix au chapitre. Les questions d'inclusion concernent tous les détenteurs de carnet de permis.
M. Goodale a fort habilement pipé les dés afin d'empêcher une organisation méthodique du marché. Je trouve étrange que l'avenir du marché de l'orge soit mis en question, alors qu'on n'envisage même pas de replacer le marché de l'avoine sous le contrôle de la commission, qui avait pourtant très bien fait ce travail, beaucoup mieux que le secteur privé. Pourtant, on ne voit aucun signe de changement. Pourquoi?
D'autre part, de fortes pressions ont été exercées pour inclure le seigle dans le système de la commission. Pourtant, on ne l'envisage pas actuellement. Pourquoi? Il est possible que la commission soit capable de commercialiser efficacement d'autres cultures.
Dans le nouveau système, la Commission canadienne du blé ne sera plus considérée comme une société d'État. Ce changement de statut, ainsi que d'autres éléments du projet de loi, compromettra le principe de l'organisation méthodique du marché, qui a assuré plus de stabilité et d'avantages financiers aux agriculteurs de l'Ouest qu'on ne pouvait l'attendre de toute autre formule.
Il est clair que le gouvernement a succombé aux voix des sirènes qui lui susurrent qu'une structure d'entreprise normale, avec un conseil d'administration, un président et une direction, fonctionnera mieux et permettra aux agriculteurs de mieux se faire entendre. Cet argument est fallacieux car il confond des questions de gestion et des questions de communication et d'interaction avec les milieux agricoles.
La Commission du blé a été bien gérée jusqu'à présent. En revanche, jusqu'à ces dernières années, les rapports de la commission avec les agriculteurs n'ont pas été sans problèmes. Depuis lors, elle a fait beaucoup d'efforts pour surmonter ces difficultés.
Je propose que l'on maintienne le système actuel, qui comporte la nomination d'un nombre approprié de commissaires à la Commission canadienne du blé, ce qui permettra de maintenir l'alliance prévue par la loi entre le gouvernement fédéral et les agriculteurs des Prairies.
Pour surmonter les problèmes réels ou apparents, on pourrait accroître le rôle du comité consultatif. Le projet de loi prévoit sa suppression. C'est une erreur. Je propose au contraire qu'on en renforce le rôle en exigeant du comité - peut-être pourrait-ce alors être un comité consultatif - qu'il approuve la nomination de nouveaux commissaires et fournisse aux membres les ressources nécessaires pour maintenir des communications efficaces entre la commission et les milieux agricoles.
Je constate également avec amertume que le projet de loi comporte une clause selon laquelle à l'avenir, la Commission canadienne du blé devra accepter la prépondérance de l'Accord de libre-échange nord-américain. Je trouve cela particulièrement inacceptable, car les cadres supérieurs du Département de l'agriculture américain n'ont pas caché qu'ils voulaient détruire la Commission canadienne du blé. Cela prouve bien que la commission fait du bon travail. Apparemment, certains milieux des États-Unis ne sont partisans de la libre entreprise que tant qu'un concurrent ne réussit pas mieux qu'eux. Pourquoi donc inclure cette clause dans le projet de loi? Je n'en vois pas la nécessité.
Cet hiver, les problèmes de transport ont été particulièrement graves pour la Commission canadienne du blé et pour les agriculteurs des Prairies. Les services fournis par les compagnies ferroviaires ont laissé à désirer. La situation est scandaleuse. Le ministre de l'Agriculture, M. Goodale, a été obligé de convoquer une réunion afin d'essayer de régler les problèmes. Après la réunion, il se tordait les mains de désespoir devant les caméras et a déclaré qu'il faudrait un certain temps avant de régler la situation, ce qui est bien évident, si on la laisse devenir incontrôlable. Ce qu'il faut, c'est commencer par bien gérer le système.
D'une façon générale, tant qu'il existait, l'Office du transport du grain a bien géré le système. Maintenant qu'il a disparu, nous vivons dans l'univers merveilleux de la déréglementation et du marché libre. Dès que l'occasion s'est présentée, les compagnies ferroviaires ont trahi l'agriculteur.
Je presse le comité d'insérer une clause qui donnera à la Commission canadienne du blé les pouvoirs nécessaires pour contrôler le transport du grain ou de recommander une autre loi afin de réglementer et de gérer correctement le transport du grain.
J'ai une dernière remarque à faire. Ce projet de loi est bizarre. En dépit du fait que la Commission canadienne du blé cessera d'être une société d'État ou un agent de Sa Majesté, le projet de loi comporte toutes sortes de dispositions exigeant l'intervention gouvernementale ou ministérielle. Le gouvernement maintient un contrôle étroit des opérations. À bien des égards, la nouvelle commission ne sera ni chair ni poisson.
Ce qui m'inquiète c'est que beaucoup de ces dispositions apporteront de l'eau au moulin des adversaires d'une organisation méthodique du marché en leur donnant de nouveaux motifs de se plaindre et de réclamer que la commission soit dégagée des contraintes gouvernementales. Le gouvernement sera soumis à des pressions continuelles, ce qui entraînera une érosion continue de l'organisation méthodique du marché.
Il y a de nombreuses années que je suis les événements qui concernent le bien-être de l'agriculture et que j'y participe. J'ai travaillé comme agriculteur, comme agrologue professionnel et comme député. Je sais que de gros efforts sont déployés pour créer des institutions permettant l'écoulement coordonné des grains. J'ai observé la contre-attaque de ceux qui essayent de saboter et de détruire ces institutions pour des motifs purement personnels. Il faut que cela cesse.
Je suis partisan inconditionnel de la Commission canadienne du blé. Le gouvernement et le ministre de l'Agriculture ont montré dans le projet de loi C-72 qu'ils sont prêts à faciliter la poursuite de l'érosion de l'organisation méthodique du marché, ce qui ne peut que se solder par la destruction de la Commission canadienne du blé. Le ministre a lui-même déclaré qu'une fois que le système aura disparu, il ne sera pas possible de le ressusciter. Si les modifications du projet de loi C-72 sont adoptées, je me demande s'il serait possible de revenir à l'ancien système - celui que nous avons actuellement.
Les membres du comité ont une occasion en or de mettre un terme à tout cela. Les décisions que vous prendrez au sujet de ce projet de loi montreront dans quel camp vous vous rangez. Vous ne pouvez pas vous permettre de ménager la chair et le chou.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Burton.
Je donne maintenant la parole à Curtis Kuchinka.
M. Curtis Kuchinka (à titre personnel): Avant de faire mon exposé, je voudrais me présenter. Je m'appelle Curtis Kuchinka. Je représente une petite exploitation biologique du sud-est de la province. Avant de vous faire part des inquiétudes que m'inspire le projet de loi, je tiens à dire que parmi les nombreux commentaires que j'ai entendus ce matin, il y en a beaucoup que j'approuve, mais d'autres pas.
Les deux grandes compagnies céréalières de la province - j'ai noté ce matin qu'elles représentent des produits de grande vente, alors que je représente moi-même un système plus soucieux de l'écologie. C'est sans doute un secteur qui se développe très rapidement dans les Prairies et dans le monde entier.
L'agriculture biologique et la vente de produits biologiques certifiés se développent dans le monde entier. La viabilité de la production organique est prouvée. À mon avis, l'intégrité et l'efficacité des systèmes de certification et de contrôle autoréglementés de la production de grains biologiques ne sont plus à démontrer. Je demande au comité de recommander qu'on reconnaisse le caractère particulier des grains biologiques et qu'on les maintienne hors-Commission.
En vertu de l'article 22 du projet de loi C-72, le blé biologique pourrait être soustrait à l'application du paragraphe 45(2) proposé de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Comme l'indique cet article, sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut soustraire tout type, toute catégorie et tout grade de blé à l'application des dispositions de cette loi.
Il est également précisé plus loin qu'il faudrait un mécanisme de caractérisation des grains de type unique. Ce mécanisme existe pour les grains biologiques.
Je rappelle au comité que les organismes de certification des produits biologiques utilisent des systèmes vigoureux de contrôle de vérification. L'Office canadien des grains pourrait aider à préserver l'identité distincte des grains biologiques en insistant sur l'utilisation de ces systèmes de contrôle de vérification. L'OCG pourrait être un instrument crédible pour les acheteurs étrangers comme pour les producteurs locaux.
Autre problème: Vous connaissez certainement l'existence du Conseil consultatif canadien de la production biologique, le CCCPB, et vous savez aussi qu'il n'existe pas actuellement de normes de production nationales. La difficulté que présente une unification des produits biologiques et des divers autres produits et cultures est comparable à la difficulté du débat fédéral sur l'unité nationale. Les législateurs persistent à dire qu'il faudrait que la CCCPB ait des normes nationales avant d'envisager de nous soustraire à la compétence de la Commission canadienne du blé.
Il me semble que puisque la compétence de la Commission canadienne du blé s'étend surtout aux trois provinces des Prairies, il suffirait d'un conseil consultatif des produits biologiques partiel pour soustraire les grains des Prairies. En théorie, si le CCCBP adoptait des normes dès demain, le gouvernement serait-il prêt à soustraire les grains biologiques au contrôle de la Commission canadienne du blé?
J'encourage donc le comité à recommander au ministre de l'Agriculture de soustraire le blé et l'orge organiques certifiés au contrôle de la Commission canadienne du blé. Le groupe ministériel de commercialisation des grains de l'Ouest l'a déjà recommandé. Et je suis convaincu que la majorité des producteurs biologiques du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta considèrent que leurs grains ont un caractère unique et qu'ils devraient être soustraits au contrôle de la commission.
Je remercie le comité de son attention et je serais heureux de répondre à ses questions.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Merci beaucoup, Curtis.
Murray et ensuite Elwin, vont vous poser des questions.
M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Soyez le bienvenu.
Je voudrais apporter une précision. Je suis un agriculteur de l'Ontario. En tant qu'éleveur de volailles, je participe à la gestion de l'offre. Notre famille pratique cet élevage depuis que la gestion de l'offre est entrée en vigueur et nous en sommes fermement partisans.
Je voudrais comparer les avantages de la commercialisation mixte avec ceux de la vente à guichet unique. Je voudrais revenir sur certains des commentaires que j'ai entendus hier et avoir vos réactions.
Dans un système de commercialisation mixte, la Commission canadienne du blé ne serait qu'une société céréalière parmi beaucoup d'autres. George y a fait allusion et nous l'avons également entendu dire hier. La mise en commun des prix serait limitée, son effet serait dilué et nous nous acheminerions vers un système similaire de type américain qui consiste à «acheter à bas prix et à vendre cher», ce qui sert surtout les intérêts des sociétés céréalières. La réputation de fiabilité dont jouit le Canada comme fournisseur mondial. Il serait difficile, sinon impossible, d'obtenir des garanties du gouvernement. Il serait difficile de maintenir la qualité et l'uniformité des produits canadiens.
La question que je voudrais lancer à la ronde est la suivante: Dans quelle mesure devrions-nous compromettre notre intégrité et notre position mondiale pour essayer d'acquérir une part plus importante du marché américain, compte tenu du fait que, bien évidemment, certains céréaliculteurs américains réagiront vivement à cette tentative?
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Que ceux qui veulent répondre lèvent la main.
Monsieur Harrison.
M. Harrison: Cela concerne ceux qui vendent mon grain. Si je veux acheter un tracteur, j'essaie de faire baisser le prix en m'adressant à plusieurs vendeurs. C'est bon pour l'acheteur, mais pas pour le vendeur. Lorsqu'il s'agit de vendre mon grain, je préfère un monopole, et la plupart des sociétés dans le monde essayent de créer des monopoles afin de contrôler les prix.
Quant à nous attaquer au marché américain, n'oublions pas que les États-Unis sont un des plus grands exportateurs de grains au monde. Je ne crois donc pas qu'ils constituent un marché à long terme pour nous. C'est outre-mer que se trouve le marché.
Aux États-Unis, c'est l'Export Enhancement Program qui dominait tout le reste. Il était avantageux pour les sociétés céréalières d'exporter autant de grain qu'elles le pouvaient. Bien entendu, si j'étais un courtier en grains, j'en ferais de même. Les États-Unis ont donc court-circuité leur propre marché domestique, ce qui a poussé les prix à la hausse. Cela ne représente cependant qu'un petit sursaut du marché.
Si nous essayons d'exporter trop de grain aux États-Unis, les Américains fermeront la frontière. La Commission du blé a procédé de manière très sélective. Elle s'est adressée directement à l'utilisateur final et comme les agriculteurs n'ont pas vu passer notre grain, il n'y a pas eu de gros problèmes. Les difficultés ont débuté lorsque, par intérêt personnel, certains ont commencé à faire passer la frontière à leur grain et ont annoncé bien haut qu'on les payait 8$ du boisseau ou quelque chose d'approchant. Je leur ai alors demandé de produire un bon au comptant. Jusqu'à présent personne ne m'en a jamais présenté un pour prouver que c'était exact.
Quant à l'idée de la concurrence, dans un système mixte, à la place d'une société céréalière, j'achèterais le maximum de grain possible et je l'expédierais, car le bénéfice serait pour moi. Par contre, ce n'est pas un bon système pour l'agriculteur. Si vous livrez votre grain à la Commission du blé, vous avez au moins l'assurance de toucher un prix équitable pendant l'année. Cela vous évite d'être obligé de jouer au plus malin avec votre voisin.
Le canola nous offre un excellent exemple de cette situation. En 1993-1994, j'ai fait une étude sur le marché du canola - qui est vendu sur le marché libre - et j'ai constaté que 45 p. 100 du produit était vendu entre août et la fin octobre. Les agriculteurs peuvent en effet retarder les livraisons jusqu'au 31 octobre et ils peuvent même percevoir des intérêts tant que le ramassage n'est pas fait. Il est donc naturel qu'ils vendent leur canola au cours d'une période où pour 45 p. 100 de la production, le boisseau atteint le prix excessif de 6$ en moyenne. Pour ceux qui peuvent se permettre d'attendre jusqu'à la période de juin suivante, où 12 p. 100 du canola a été vendu, le canola atteignait le prix de 9$ le boisseau.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Merci, Fred. D'autres personnes voudraient peut-être répondre.
Je précise que nous espérons ne pas consacrer plus de dix minutes aux questions posées par Murray. Comprenez bien que ce que nous essayons de faire, c'est de permettre à d'autres personnes d'intervenir.
Monsieur Neufeld.
M. Neufeld: Je suis un ancien courtier en grains et je ne crois pas que la formule d'un marché mixte soit la bonne.
Premièrement, la Commission du blé ne dispose pas d'installations de stockage. Elle n'a pas de silos et elle serait donc obligée de s'en remettre à un agent qui travaille pour une autre compagnie. Je ne vois pas comment cela pourrait marcher.
En tant qu'ancien courtier, je connais quelques-unes des astuces utilisées, selon qu'on travaille pour une société céréalière ou pour la Commission du blé. Ce n'est un secret pour personne, dans cette salle. Vous utilisez une catégorie supérieure; lorsque vous calculez le volume des impuretés, vous vous arrangez pour faire une fleur à vos clients. Aujourd'hui des sociétés se précipitent chez les agriculteurs pour leur dire qu'elles sont prêtes à transporter leurs produits par camion à un tarif vraiment réduit, parfois même gratuitement.
Si cette situation existait, pratiquement plus de grain ne serait livré à la Commission du blé. J'ai bien peur que mon entreprise ne fonctionnerait jamais dans ce genre de système.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Merci beaucoup.
À vous, Kyle, je ne me risquerai pas à utiliser votre nom de famille.
M. Korneychuk: D'accord. Pour essayer de répondre assez brièvement à votre question, j'utiliserai deux approches - économique et politique. Sur le plan économique, nous exportons moins de 10 p. 100 de notre grain aux États-Unis, ce qui ne représente pas un chiffre très important. Sur le plan politique, si vous commencez à exporter du grain là-bas, pensez-vous que les agriculteurs américains vont continuer à regarder passivement défiler les camions canadiens devant chez eux?
Je crois qu'il y a une inconnue politique, mais même sur le plan économique, ce n'est pas quelque chose de très important. Le problème est que comme [inaudible] est si proche, une rapide successions d'opérations est possible. Vous achetez 3$ le boisseau et vous le revendez aussitôt à 3,50$. C'est le problème lorsqu'on est si proche d'un grand pays. C'est un problème ou un avantage, c'est une question de point de vue.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Merci. Monsieur Burton.
M. Burton: Merci, monsieur le président. Je suis suffisamment âgé pour me souvenir de l'époque où mon père vendait son grain par l'intermédiaire de la Commission du blé. Entre 1936 et 1943, celle-ci était un organisme non coercitif. Mon père le faisait parce qu'il avait confiance en la commission, mais il s'est aperçu que cela ne fonctionnait pas bien. Un organisme dont les décisions étaient facultatives n'offrait aucun avantage. Il faut dire que mon père n'a pas non plus obtenu de meilleurs résultats sur le marché libre à l'époque, mais une commission de ce type n'était tout simplement pas la solution.
Je crois que vous avez tout à fait raison de dire, monsieur, que les normes que le Canada impose pour ses grains sont un argument de vente important à l'exportation.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Allez-y, monsieur Hickie.
M. Hickie: J'ajouterai que, dans mon mémoire, j'ai mentionné le fait que la Commission du blé ne pourrait pas survivre dans un système de commercialisation mixte. Une des principales raisons est qu'elle n'a pas de système de ramassage du grain.
Essayez d'imaginer la situation. La commission serait obligée de laisser le soin aux sociétés céréalières d'assurer la manutention du grain et de la représenter alors que chacune de ces sociétés est en concurrence directe avec la commission dans un système de commercialisation mixte. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour comprendre que cela ne marcherait jamais.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Allez-y, monsieur Colhoun.
M. Colhoun: J'ai deux ou trois observations à faire. Premièrement, l'Australie utilise maintenant un système qui semble donner de fort bons résultats et qui dure. Ces dernières années, le Kansas a toujours produit plus de grain que l'ouest du Canada. Il l'a fait dans le cadre d'un système d'acheteurs et de vendeurs multiples, qui semble avoir toujours réussi à obtenir plus de dollars au boisseau pour l'agriculteur que ne l'a fait la Commission canadienne du blé.
Le président: Je vais donner la parole à Elwin car nous approchons de l'heure du déjeuner. Nous reviendrons plus tard à cette question, si l'occasion se présente.
M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais commenter les remarques de quatre des témoins. Ils sont libres d'y répondre, s'ils le désirent, et les autres participants aussi.
Lorsqu'il a parlé des nominations à la Commission du blé, M. Harrison s'est inquiété de ce qui se passerait si on laissait le soin à un ministre tel que M. Mayer de faire les nominations. Je comprends ses inquiétudes.
Le problème dans le cas des Tories, c'est qu'ils avaient tendance à ne pas respecter la légalité, ce qui était précisément le cas de M. Mayer. Celui-ci a institué un marché continental mais il n'est pas passé par le Parlement pour le faire. Il s'est contenté d'un décret, ce qui ressemble beaucoup à ce que propose le nouveau projet de loi, et cela a créé bien des problèmes. Il faut reconnaître que le marché continental fonctionnait fort bien.
M. Colhoun a dit que la Commission canadienne du blé refusait même de commercialiser la production d'un agriculteur, sous réserve de la vendre dans une catégorie différente. Je crois que c'est un problème qui a été négligé dans le projet de loi C-72.
M. Burton a dit que les producteurs d'avoine s'en tiraient mieux financièrement lorsque la vente de l'avoine était réglementée par la commission, que dans la situation actuelle où c'est un grain hors-Commission. Bien sûr, c'est le contraire qui est vrai, car le secteur de l'avoine a connu un énorme développement depuis que cette céréale est hors-Commission. Nous avons aujourd'hui accès à des marchés que la commission a été incapable de nous trouver. La superficie cultivée a augmenté ainsi que les recettes des agriculteurs.
M. Burton a violemment critiqué l'ALENA; pourtant il semble bien que les ventes sont les plus profitables lorsque des accords commerciaux nous lient à d'autres pays. Même les libéraux ont changé d'attitude à l'égard de l'ALENA. Aux dernières élections, ils étaient contre, mais ils ont changé leur fusil d'épaule. C'est lorsqu'il existe des accords commerciaux que nous jouissons d'une certaine protection, qu'il y a des mécanismes de règlement des différends et qu'il est possible d'avoir des échanges commerciaux plus équitables. Au contraire, sans accord, on risque de passer sous le rouleau compresseur des Américains.
M. Kuchinka a demandé que les grains biologiques soient soustraits à la réglementation de la Commission canadienne du blé. Je comprends parfaitement ce qu'il veut dire, car la Commission du blé n'a jamais été très douée pour nous ménager un accès aux marchés à créneau. C'est un peu comme si l'on essayait de tondre sa pelouse avec une faucheuse avec une largeur de coupe de 50 pieds. Je crois que ce que M. Kuchinta réclame c'est de pouvoir avoir accès aux marchés de spécialité grâce aux moyens offerts au petit producteur ou au groupe de petits producteurs, d'aller chercher les acheteurs qui se contentent de conteneurs et qui n'ont pas besoin de livraisons qui exigent des trains de 50 wagons.
Mes commentaires portent sur ces quatre points.
La question à laquelle je voudrais une réponse est la suivante. Depuis quelques années des agriculteurs cultivent de moins en moins de grains «Commission». Nous constatons une augmentation de la production de canola, de lentilles, de pois, de graines de moutarde, etc. La superficie des cultures hors-Commission augmente alors que celle des autres diminue.
C'est pour mes grains «Commission» que j'ai parfois été le moins bien payé en dollars constants; les prix étaient encore inférieurs aux prix pratiqués pendant la dépression lorsqu'il n'y avait pas de blé «Commission». Si je convertis les dollars 1929 et 1930 en dollars 1979 ou en dollars du milieu de la décennie 80, je constate que je m'en suis beaucoup plus mal tiré avec l'aide de la commission que ne l'ont fait mon grand-père et mon père sans son aide. La commission n'est donc pas une panacée. Elle offre un service utile, mais elle ne fait pas de miracles, et j'aimerais avoir l'avis des producteurs là-dessus.
M. Harrison: Si vous considérez ce qui s'est passé pour le blé et pour l'orge, vous verrez que le programme d'exportation dans le cadre de l'ALENA, entre autres, a eu un effet néfaste sur les ventes d'orge. Lorsque les États-Unis subventionnaient l'orge et le blé à 60 et 70$ la tonne, la Commission canadienne du blé a été obligée d'accepter la situation dont elle n'était pas responsable.
Si les Américains avaient versé des subventions comparables pour le soya, ne pensez-vous pas que le marché du canola aurait chuté? Il faut bien reconnaître que nous avons été subventionnés jusqu'à ce que les Américains disposent de fonds inépuisables pour ces grains. Rien à voir avec le marché du canola. Si nous en vendions, c'était parce que le soya n'était pas subventionné par les Américains.
L'idée simpliste selon laquelle vous gagnez plus d'argent sur le marché libre montre que vous n'avez certainement pas écouté ce que je disais à propos du marché du canola. L'écart entre le prix maximum et le prix minimum, cette année-là, a été de 160$ la tonne, et ce sont les agriculteurs qui en ont fait les frais. Si vous êtes obligé de vendre votre grain à l'automne, vous perdez l'occasion de faire une bonne affaire.
Les économistes ont étudié la question. Peut-être faites-vous peu de cas des économistes, mais j'ai une certaine confiance en eux. Ils ont étudié en détail ce système de commercialisation. Les agriculteurs ont beaucoup plus gagné grâce à la vente à guichet unique. Lorsqu'une société exerce un monopole, elle peut tirer plus de profits du marché, ce n'est pas plus compliqué que cela. Pas besoin d'être Einstein pour le comprendre.
M. Hickie: Je voudrais répondre à la question de M. Hermanson. Il est injuste de blâmer la Commission du blé. Le problème tient au fait que notre coût de production augmente constamment. Par exemple, lorsque mon grand-père a commencé à exploiter sa ferme, la vente de son grain lui permettait d'empocher 85 ¢ sur chaque dollar. Il y a 25 ans, j'étais moi-même capable d'en empocher 37 ¢. Aujourd'hui, tout ce qui me reste, c'est neuf cents. C'est le coût de la production qui a déraillé; ce n'est pas le problème de la Commission du blé.
M. Elwin Hermanson: Si vous me permettez de répondre très brièvement, je dirais que je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est vraiment là le problème. C'est à cause de son omniprésence, que le gouvernement a contribué à l'augmentation du coût des factures de production.
M. Burton: Monsieur le président, je crois qu'il est très clair qu'à l'époque où M. Mayer a décidé unilatéralement de soustraire l'avoine à la réglementation de la Commission du blé, celle-ci obtenait des prix beaucoup plus intéressants pour l'agriculteur que le secteur privé. Oui, les marchés de l'avoine se développent et j'estime personnellement que la commission saurait les exploiter beaucoup mieux que les sociétés privées, du moins en ce qui concerne les agriculteurs. C'est le point qui me paraît important.
Dans mon exposé, j'ai contesté la clause du projet de loi qui place clairement la Commission canadienne du blé sous le contrôle de l'ALENA. Cette clause me paraît injustifiée et inacceptable pour de nombreuses raisons.
Je crois qu'il faut que le comité comprenne bien que le département de l'agriculture américain - autrement dit, le gouvernement des États-Unis - fait tout son possible pour détruire la Commission canadienne du blé.
Il m'est arrivé, à l'époque où je travaillais pour le gouvernement de la Saskatchewan, d'avoir à traiter de questions délicates qui intéressaient le gouvernement des États-Unis. À cette époque, cela remonte à quelques années, notre ministère des Affaires extérieures défendait fort justement le droit des Canadiens d'agir à leur gré et de protéger les intérêts canadiens, que le gouvernement fédéral fût d'accord ou non.
Cela ne semble plus être tout à fait le cas et c'est une question qui devrait préoccuper le comité. Dans notre pays, nous voulons gérer nos affaires d'une manière adaptée aux besoins du Canada. Bien sûr, nous travaillons avec d'autres nations et nous aurons besoin de conclure des accords commerciaux à l'avenir, en dehors des nombreuses questions qui relèvent de l'ALENA, mais il est indispensable que nous demeurions maîtres chez nous.
Le président: Monsieur Easter, vous vouliez une précision. Nous passerons ensuite àM. Kuchinka.
M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Je crois, John, qu'il faut veiller à ne pas mal interpréter l'article 24 relatif à la mise en oeuvre de l'ALENA. Cet article a été inclus parce que la Commission canadienne du blé ne sera plus une société d'État et ne sera donc plus assujettie aux dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il faut donc inclure une disposition explicite dans le projet de loi afin d'en assurer la conformité aux dispositions de l'ALENA, ce que prévoit déjà la Loi sur la gestion des finances publiques. C'est une simple question technique. Cela n'enlève rien à ce qui existe déjà, mais explicite dans le projet de loi la situation créée par le fait que la commission cessera d'être une société d'État.
M. Burton: Si je comprends bien, monsieur Easter, si l'on retient ma proposition en faveur du maintien de la Commission canadienne du blé comme société d'État, cet article sera inutile.
M. Wayne Easter: Vous avez tout à fait raison.
Le président: Monsieur Kuchinka.
M. Kuchinka: J'estime que le gouvernement, quel qu'il soit, devrait mieux soutenir l'agriculture écologique. On a dit qu'il s'agissait d'un marché à créneau et il est tout à fait évident qu'il s'agit d'un marché extrêmement rentable. Les agriculteurs réalisent des plus-values de 25 à 150 p. 100, et pourtant le coût des produits que l'on voit sur les étagères des magasins correspond au prix réel de production. De nombreux agriculteurs biologiques ne sont même pas partisans des programmes gouvernementaux, de l'assurance-récolte, du RARB ou d'autres programmes de ce genre. Je crois qu'ils affichent vraiment le coût réel des produits alimentaires.
Les consommateurs sont partisans de cela, et pour nous, être réglementés par la Commission canadienne du blé... je ne vois vraiment pas pourquoi nous pourrions en être partisans.
Le président: Monsieur Neufeld.
M. Neufeld: Si je comprends bien, M. Hermanson a demandé pourquoi je ne cultivais pas de lentilles, de pois ou d'autres produits du même genre, il y a 40 ans. Ma réponse est simple: ce n'était pas possible. Je crois vraiment que c'est mal poser le problème que de dire que si les lentilles étaient réglementées par la commission et si je les vendais par son intermédiaire, les résultats seraient plus mauvais que sur le marché libre. C'est faux. Me demander pourquoi je n'en faisais pas pousser il y a 40 ans équivaut à peu près à demander pourquoi, si des cheveux me poussaient sur la tête il y a 40 ans, il n'y en a plus aujourd'hui.
Des voix: Oh, oh!
M. Neufeld: C'est la seule réponse que mérite cette question.
M. Elwin Hermanson: Je voudrais répondre brièvement - et cela ne va me faire perdre ni le sommeil ni ma chevelure.
Le président: Elwin avait une belle tignasse lorsqu'il est arrivé à Ottawa.
M. Elwin Hermanson: Oui, tout ça, c'est de la faute des libéraux.
On cultivait l'avoine il y a 40 ans. L'argument n'est donc pas tout à fait faux.
Quelqu'un a également dit que les guerres commerciales étaient particulièrement violentes dans le cas du blé et de l'orge. Ces guerres ont surtout visé ces deux céréales parce que c'étaient les grains les plus communément vendus par les offices de commercialisation d'État. En fait, si vous renoncez à ce genre d'organisation, vous perdez une partie de vos munitions pour les guerres commerciales.
Le programme EEP est destiné à stimuler les exportations de blé et, sous les conservateurs, nos programmes avaient le même objectif. Si la vente du canola et de certains autres grains n'a pas déclenché de guerres commerciales, c'est simplement parce que ces céréales n'ont pas été vendues en priorité par des offices de commercialisation d'État. C'est un point que vous devriez considérer.
Le président: Monsieur Neufeld.
Mme Neufeld: Merci. Je voudrais simplement répondre à M. Hermanson.
Je crois vraiment que le comité devrait lui acheter une nouvelle calculatrice, car le prix du boisseau était de 2,95$ à 3$ lorsqu'il était réglementé par la commission. Deux mois après que l'avoine ait été placée hors-Commission, les agriculteurs s'estimaient heureux de pouvoir en tirer 1,70$ le boisseau. Pas besoin d'être grand clerc pour savoir qui a été perdant.
Le président: J'avais donné la parole à Kyle; nous allons donc le laisser faire un bref commentaire, après quoi, nous passerons à Rose-Marie Ur.
M. Korneychuk: Je voudrais répondre à M. Hermanson au sujet du canola et de certaines autres cultures. Je ne crois pas qu'il soit juste de faire des comparaisons avec la commission car celle-ci n'a jamais eu l'occasion de commercialiser ces produits.
Je crois que la véritable question est - et nous essayons d'établir des analogies, de présenter des faits et des conclusions. Peut-être vos données ne sont-elles pas fausses, mais les conclusions le sont. En tant que groupe de politiciens, comment bien faire comprendre votre point de vue? L'analogie que j'essaie d'établir est la suivante: agriculteurs, comment obtenir le meilleur prix? Faut-il essayer de battre tous vos concurrents et vous, faut-il que vous alliez devant le Parlement pour essayer de faire accepter votre point de vue, ou faut-il agir collectivement? Voilà où la Commission canadienne du blé a un rôle à jouer.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton - Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Moi aussi, je voudrais que les choses soient plus claires. Je suis peut-être une femme politique, mais je suis aussi une fermière.
Une voix: Bravo, bravo!
Mme Rose-Marie Ur: J'ai travaillé avec les deux systèmes, celui de l'Office de commercialisation et celui du marché libre. Je peux vous assurer que je passais des nuits plus tranquilles lorsque je travaillais dans le cadre de l'Office de commercialisation.
Ma question s'adresse aux producteurs biologiques qui ont été les premiers à témoigner devant nous ce matin. Quel est le volume et la superficie cultivée en comparaison des produits non biologiques? Avez-vous les chiffres en ce qui concerne le blé biologique?
M. Kuchinka: En Saskatchewan, il y a probablement de 500 à 600 producteurs biologiques.
Mme Rose-Marie Ur: Et la superficie exploitée?
M. Kuchinka: Je n'en ai pas la moindre idée. Sans statistiques devant moi, je ne peux pas répondre à votre question.
Mme Rose-Marie Ur: Quel est le volume à l'acre par rapport à la production non biologique?
M. Kuchinka: Le volume à l'acre?
Mme Rose-Marie Ur: Oui, le nombre de boisseaux à l'acre, par exemple.
M. Kuchinka: Une réduction?
Mme Rose-Marie Ur: Non, les chiffres de production. Quelle est votre production à l'acre par rapport à la culture non biologique? Quel est votre rendement?
M. Kuchinka: D'après tout ce que j'ai pu voir, je dirais que la production biologique est, tout au plus, de 5 à 10 p. 100 inférieure à celle des produits cultivés de manière conventionnelle.
Mme Rose-Marie Ur: Je crois qu'il serait bon que vous fournissiez au fauteuil des renseignements sur la superficie exploitée. Ces statistiques pourraient être importantes par la suite.
M. Kuchinka: Bien.
Mme Rose-Marie Ur: Mon autre question s'adresse au reste du groupe. Êtes-vous partisans d'étendre la réglementation de la Commission canadienne du blé à d'autres produits? Que pensez-vous des achats au comptant?
M. Kuchinka: À qui s'adressait cette question?
Mme Rose-Marie Ur: À tous ceux qui veulent y répondre.
M. Colhoun: Serait-ce obligatoire ou facultatif, Rose-Marie?
Mme Rose-Marie Ur: Les achats au comptant?
M. Colhoun: Le placement de nouveaux produits sous le contrôle de la Commission canadienne du blé.
Mme Rose-Marie Ur: Obligatoire.
M. Colhoun: Je serais alors obligé de m'y opposer.
M. Harrison: Si vous essayez d'intégrer les achats au comptant au système de la Commission du blé, vous essayez simplement de concilier ce système avec celui du marché libre. Nous ne voulons pas du marché libre. Il n'y a donc aucune raison pour nous de vouloir que les achats au comptant se fassent dans le cadre de la Commission du blé. Ça ne tient pas debout.
Une voix: Je suis d'accord.
M. Hickie: Je serais tout à fait d'accord pour que le canola devienne un grain «Commission». Qu'il s'agisse de l'avoine ou des autres céréales que je cultive - comme vous l'avez dit vous-même, je dormirais beaucoup mieux la nuit que je ne le fais maintenant où je suis constamment obligé d'essayer de finasser avec ce système qui est une véritable loterie. Non, j'aimerais bien que le canola soit réglementé par la Commission du blé.
M. Korneychuk: J'aimerais que plus de cultures soient réglementées par la commission.
Je voudrais également dire à M. Hermanson quelque chose que j'avais oublié de mentionner tout à l'heure. Si les agriculteurs estiment ne pas obtenir les prix les plus avantageux de la commission ou s'ils croient pouvoir faire mieux, ils n'ont qu'à se lancer sur le marché libre et à jouer sur les options de vente et d'achat. Si vous trouvez que la commission ne fait pas bien son travail, ce ne sont pas les occasions de gagner de l'argent qui manquent ailleurs.
M. Burton: Dans mon exposé, j'ai mentionné l'avoine et le seigle et j'ai également évoqué la possibilité de voir ce que l'on pourrait faire pour d'autres cultures. Je crois que l'achat au comptant présente de sérieux problèmes. Il y a un an, à la suite d'une situation à laquelle la commission a été confrontée, certaines propositions ont été présentées. Je crois qu'il faut cependant procéder avec beaucoup de prudence si l'on veut éviter d'autres problèmes.
M. Harrison: À propos de la vente de canola, je vous signale que la semaine dernière, à la réunion annuelle de Saskwheat, plus de 80 p. 100 des délégués étaient partisans de faire du canola un grain «Commission». Il a toujours été prévu que tous les grains «Commission»...
Le président: Selon la formulation actuelle du projet de loi, c'est la seule exclusion, mais il faudrait auparavant un vote des producteurs. Je crois que ce que Rose-Marie Ur veut probablement savoir, c'est si ce grain devrait être inclus. Rose-Marie voulez-vous savoir, finalement, si l'exclusion ou l'inclusion devrait faire l'objet d'un vote?
Mme Rose-Marie Ur: Oui.
M. Kuchinka: Il est manifeste... l'opposition à ce que le blé et l'orge soient réglementés par la Commission canadienne du blé, il est bien évident que je ne serai pas favorable à ce que l'on ajoute d'autres produits. C'est pour ces raisons que beaucoup d'autres agriculteurs biologiques ont renoncé à produire des grains «Commission».
Le président: Nous allons bientôt devoir nous interrompre pour le déjeuner et je vais donc demander à M. Taylor, avant de conclure, de faire un bref commentaire.
M. Len Taylor (The Battlefords - Meadow Lake, NPD): J'ai une remarque à faire et une question à poser, mais je serai très bref, monsieur le président.
M. Colhoun a mentionné le cas de Andy McMechan, au Manitoba. Le comité sait que cet agriculteur est allé en prison, mais je ne suis pas certain que tout le monde soit au courant de la situation. Andy n'a pas été emprisonné parce qu'il avait trouvé un autre marché. Une foule de personnes en ont trouvé et n'ont pas été emprisonnées pour cela. Andy a été incarcéré parce qu'il n'avait pas rempli les formalités administratives nécessaires et qu'il s'était réapproprié un tracteur qui avait été saisi légalement. Il devrait être obligatoire pour tout le monde de lire le texte du jugement. Andy est allé en prison parce qu'il ne voulait pas jouer le jeu, et il est bon que nous le sachions tous.
Ma question a trait aux producteurs biologiques. En tant que néo-démocrate et partisan de l'agriculture durable, je suis un fervent partisan du secteur biologique mais je suis aussi pour la Commission canadienne du blé. Je voudrais savoir, en ce qui concerne l'agriculture biologique et durable - je sais qu'il y a des différences, mais aussi des points communs - au fur et à mesure qu'augmente la viabilité de l'agriculture et qu'un plus nombre de producteurs reconnaissent les avantages de la culture biologique, je voudrais savoir si vous seriez prêts à accepter que la Commission canadienne du blé joue un rôle dans la commercialisation des produits biologiques. Que faudrait-il faire pour concilier votre position actuelle et la commercialisation de ces produits par la commission?
M. Kuchinka: C'est très simple: Faire en sorte que ce soit facultatif et laisser le soin aux producteurs biologiques de décider s'ils veulent collaborer avec la Commission canadienne du blé.
M. Colhoun: Je voudrais faire une observation à propos de Andy McMechan. Même le juge Coppleman a dit qu'aucun permis n'était nécessaire. Andy a été condamné pour avoir recouru à un stratagème. C'est pourquoi un appel a été interjeté avec le soutien des Canadian Farmers for Justice et de la National Citizens' Coalition.
Le président: Bill.
M. Rees: En conclusion, vous pouvez voir qu'il n'y a pas de différence dans ce que propose le groupe des producteurs biologiques, et j'ai bien l'impression que les autres représentants des producteurs biologiques que vous entendrez cet après-midi, vous diront la même chose. Si rien ne change, je recommanderai qu'on prenne des dispositions immédiates pour nous soustraire au contrôle de la commission, et j'espère bien que c'est ce qui se fera.
Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs de la clarté et de la brièveté de vos exposés ainsi que de votre coopération. Mes remerciements s'adressent également aux membres du comité.
Indiscutablement, quel que soit le secteur auquel nous appartenons, nous traversons une période difficile de changements. Mais ce qui est encore plus important c'est que des possibilités illimitées s'offrent à nous. Il ne nous reste donc qu'à faire face à ces changements, à surmonter les obstacles et faire profiter de la situation les producteurs individuels ainsi que les membres intéressés de l'industrie. Nous vous remercions de votre apport à ce débat.
Pour que les choses soient bien claires je précise que lorsque le congé de Pâques de la Chambre prendra fin le 7 avril, nous tiendrons d'autres audiences à Ottawa. Il n'y en aura probablement pas beaucoup, puisque nous avons pu rencontrer beaucoup de monde cette semaine. Le comité passera ensuite à un examen article par article du projet de loi dont il rendra compte à la Chambre où d'autres modifications pourront être proposées. Ensuite, après un vote de la Chambre, le projet de loi sera soumis au Sénat.
Nous vous remercions de vos commentaires. Nous allons maintenant lever la séance. Cet après-midi, nous entendrons quatre groupes, ainsi peut-être qu'un particulier qui a apparemment fait cinq heures de route pour venir témoigner. Nous l'entendrons donc aussi cet après-midi.
La séance reprendra à 13 h 30 précises. Je vous remercie.