[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 mars 1996
[Traduction]
La présidente: Mesdames et messieurs, chers collègues, la séance est ouverte. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, conformément à l'ordre du jour, poursuit son examen du projet d'entente entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les demandeurs d'asile.
Au nom de tous les collègues, je tiens à souhaiter la bienvenue à Alex Neve et Lynn Horton, d'Amnistie internationale. Voulez-vous prendre la parole?
M. Alex Neve (questions touchant les réfugiés, Amnistie internationale): Merci beaucoup. Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Amnistie internationale est heureuse de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui et vous faire part de ses préoccupations concernant le projet d'entente entre le Canada et les États-Unis.
Comme on vous l'a dit, je suis Alex Neve et je suis le porte-parole d'Amnistie internationale pour les affaires des réfugiés au Canada. Je suis accompagnée de Lynn Horton, membre du personnel d'Amnistie internationale, qui coordonne notre travail de défense des réfugiés au Canada.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, Amnistie internationale est un organisme de défense des droits de la personne qui est connu et respecté à l'échelle internationale, et c'est précisément à ce titre que nous témoignons devant vous aujourd'hui. Après tout, la défense des réfugiés repose d'abord et avant tout sur la défense des droits de la personne, qui constitue un moyen important et exceptionnel d'éviter les abus avant qu'ils ne se produisent. En cette qualité, Amnistie internationale intervient régulièrement dans les différentes régions du monde pour protéger les personnes qui risquent d'être arrêtées, emprisonnées, torturées ou exécutées de façon arbitraire.
Nous militons aussi à un niveau plus général, au niveau des politiques, afin de veiller à ce que les lois et les pratiques nationales prévoient le jugement équitable des revendications du statut de réfugié, puisqu'il est essentiel que nous ayons tous confiance que les personnes à risque seront repérées et protégées.
Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous sommes gravement préoccupés par le fait que l'entente canado-américaine compromet sérieusement la sécurité des réfugiés. Nous tenons à vous exposer nos préoccupations à cet égard, qui se situent sur deux plans.
Tout d'abord, il est essentiel de comprendre et d'examiner cette entente dans son contexte mondial, et je vous ferai part des préoccupations que nous avons sur ce plan-là.
Il est toutefois essentiel, bien sûr, de tenir aussi compte des conséquences de conclure une entente avec les États-Unis en particulier. Amnistie internationale ne considère pas les États-Unis comme un partenaire sûr en matière de protection des réfugiés. Ma collègue, Mme Horton, vous exposera les préoccupations relatives aux droits de la personne qui nous amènent à cette conclusion.
Quelle que soit l'optique dans laquelle on l'envisage, celle du contexte mondial ou celle d'une entente avec les États-Unis en particulier, la protection des réfugiés, selon Amnistie internationale, est si gravement compromise par cette entente que nous exhortons le gouvernement canadien à ne pas la signer.
Comme je l'ai dit, je commencerai par vous parler du contexte mondial. Cette entente, voyez-vous, ne touche pas que le Canada et les États-Unis, c'est seulement le début de quelque chose de bien plus grand dont vous devez absolument tenir compte, à mon avis, quand vous examinez les détails de cette entente.
L'entente est le billet d'entrée du Canada dans ce que je considère comme le monde très ténébreux d'ententes inter-États de même nature qui se multiplient à une allure vertigineuse, et des liens d'interdépendance et interconnexions imprévisibles et dangereuses se dessinent à l'horizon. À vrai dire, nous sommes sur le point de nous engager sur la fameuse pente savonneuse. Nous exhortons le comité à prier instamment le gouvernement de ne pas s'engager dans cette voie et de prendre plutôt des mesures qui permettraient de protéger véritablement et efficacement les réfugiés.
Amnistie suit ce phénomène de la collaboration entre les États, notamment entre les États européens, depuis déjà un certain nombre d'années. Nous avons à maintes reprises exprimé les préoccupations que nous avons à cet égard du fait que la collaboration ne donne de résultats que si les personnes dont les droits pourraient être violés dans leur pays d'origine reçoivent la protection dont elles ont besoin et qu'elles méritent, peu importe quel est celui parmi les États ayant conclu une entente de collaboration qui reçoit leur demande d'asile.
Les règles du jeu en matière de protection des réfugiés sont loin d'être les mêmes dans les différentes régions du monde. Les procédures sont très différentes et, dans bien des États, elles tombent bien souvent en deçà des normes internationales. Dans bien des États, au lieu de s'améliorer, la situation ne fait que se détériorer - de façon inquiétante - et cela vaut, comme nous l'expliquerons tout à l'heure, pour les États-Unis.
Amnistie internationale a demandé aux gouvernements des États européens, tout comme nous demandons maintenant au Canada et aux États-Unis, de veiller à ce que les règles du jeu soient partout les mêmes avant de s'engager dans des accords de collaboration. Nous proposons qu'une entente internationale établisse les normes de procédure minimales pour le traitement des revendications du statut de réfugié. C'est par là qu'il faudrait logiquement commencer. Des ententes comme celles dont vous êtes saisies pourraient ensuite être conclues et être mises en oeuvre de façon à ne pas sérieusement compromettre la sécurité des réfugiés. Or, nous assistons plutôt à une ruée vers la collaboration, où il n'est absolument pas question d'établir des normes communes ni d'harmoniser la détermination du statut de réfugié de façon à protéger les droits des réfugiés. On s'engage ainsi dans un jeu mortel de roulette des réfugiés où il y a de fortes chances que les réfugiés seront retournés en grand nombre dans des pays où ils étaient justement persécutés.
Ce monde plus vaste que je tente d'expliciter pour vous n'est pas simplement un monde hypothétique. Nous avons appris de nos collègues du sud de la frontière qu'il est fortement question que les États-Unis, avec ou sans le Canada, tenteront de conclure une entente avec le Mexique dans un avenir prévisible. Une pareille entente pourrait facilement avoir des conséquences imprévues.
Supposons que les États-Unis concluent effectivement une entente avec le Mexique. Ils seraient ainsi autorisés à renvoyer au Mexique toute personne que le Canada aurait renvoyée aux États-Unis, à condition simplement que le Canada donne son consentement dans chaque cas. Une fois que la personne se retrouvera au Mexique, pays qui n'a même pas signé la convention des Nations Unies de 1951 relative aux réfugiés... qui sait?
Nous avons également pu lire dans le Toronto Star de la semaine dernière que l'ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne a récemment annoncé que le Canada s'apprête à négocier une entente semblable avec les pays de l'Union européenne. Nous nous retrouverons ainsi au beau milieu d'un enchevêtrement d'ententes qui existent déjà entre pays européens et pays voisins. Nous savons déjà que ces ententes mettent les réfugiés en péril.
Permettez-moi de vous citer un cas réel.
Une réfugiée de Somalie a demandé, avec ses cinq jeunes enfants, le statut de réfugié en Belgique. Les Belges ont renvoyé la famille dans la République tchèque, et les Tchèques les ont renvoyés en Slovaquie. Les Slovaques ont détenu les six à l'aéroport, leur donnant un seul repas par jour, sans qu'ils aient d'endroit où dormir, et leur refusant l'accès à un téléphone ou au service d'un interprète. Le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés est allé trouver la famille, les a interviewés et a déclaré qu'ils étaient effectivement d'authentiques réfugiés. Les Slovaques ont refusé de leur donner l'asile et ont insisté pour qu'ils soient plutôt déportés en Ukraine. Le haut commissariat a protesté vigoureusement. Les Slovaques les ont néanmoins mis dans un train en partance pour Kiev. Le haut commissariat a perdu la trace de la famille, et personne ne sait ce qui leur est arrivé.
C'est là un exemple tragique des répercussions mondiales d'ententes de ce genre. Pour le Canada, la Belgique serait un pays sûr; pour les Belges, la République tchèque est un pays sûr; pour les Tchèques, la Slovaquie l'était aussi; et pour les Slovaques, l'Ukraine était un pays sûr. La sûreté se détériore de façon radicale avec chaque nouveau renvoi jusqu'à ce que, dans le cas dont je vous ai parlé, nous ne sachions pas ce qu'il est arrivé à cette famille somalienne, qui aurait été en sécurité en Belgique.
L'entente que vous étudiez constitue peut-être la menace la plus grave et la plus importante à la protection des réfugiés que nous ayons encore vue au Canada. Nous savons que les États-Unis et l'Europe sont tous deux impatients de collaborer avec le Canada. Le Canada doit user de son influence, tant morale que stratégique, et prendre l'initiative d'élaborer une entente internationale qui éliminerait toute possibilité de mesures arbitraires dans les ententes de collaboration inter-États et qui garantirait que les réfugiés et leurs droits ne seraient pas foulés au pied dans le processus. Il faut agir dès maintenant, avant que nous ne nous engagions sur cette pente savonneuse, car il sera alors trop tard.
Mme Horton vous parlera maintenant des préoccupations particulières que nous avons au sujet des États-Unis.
Mme Lynn Horton (coordonnatrice des programmes pour les réfugiés, Amnistie internationale): Bonjour.
Amnistie internationale a fait part à des représentants du gouvernement américain de ses préoccupations en ce qui concerne le système de détermination du statut de réfugié des États-Unis. Ces derniers ont répondu en disant que la seule question qui se pose est de savoir si le système américain est conforme aux normes internationales. Nous leur avons dit et nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire qu'il ne fait aucun doute que le système américain ne répond pas à ces normes.
Notre organisation soeur du sud de la frontière, Amnesty International USA, examine régulièrement les politiques et les pratiques américaines en ce qui concerne les réfugiés. Elle a repéré divers domaines clés où le système américain ne répond pas aux normes internationales.
Il y a tout d'abord la question fondamentale de la conformité avec l'article 33 de la convention. Vous aurez reconnu qu'il s'agit de l'article sur le non-refoulement.
Rien n'illustre de façon plus frappante la situation qui existe aux États-Unis en matière de protection des réfugiés que le rejet et le rapatriement forcé des réfugiés haïtiens. Des milliers de Haïtiens ont fui la dictature militaire brutale de leur pays au début des années quatre-vingt-dix. Beaucoup ont cherché à gagner la Floride par voie de mer. Les États-Unis ont envoyé des navires de la Garde côtière pour intercepter les bateaux où les réfugiés avaient pris place. Les bateaux ont été détruits. Les demandeurs d'asile ont été pris à bord et renvoyés dans leur pays. Les groupes de défense des droits de la personne, dont AI, ont signalé que beaucoup de ceux qui ont été renvoyés de force ont par la suite été victimes de graves violations des droits de la personne.
Qu'en est-il de l'article 33 dans ce cas-là? La Cour suprême des États-Unis a statué que ni la loi intérieure américaine ni l'article 33 de la convention ne limitent le pouvoir qu'a le président d'intercepter en haute mer les migrants illégaux, y compris ceux qui revendiquent le statut de réfugié, et de les rapatrier. Les États-Unis ont été rondement blâmés dans cette affaire par la communauté internationale et par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, mais en vain.
Les politiques des États-Unis en ce qui concerne les réfugiés d'Amérique centrale montrent aussi à quel point le système américain est déficient au regard des normes internationales. Pendant des années, le gouvernement américain a cyniquement fait fi des normes internationales en matière de protection des réfugiés dans sa façon de traiter les demandeurs d'asile de cette région. Dans les débats sur l'Amérique centrale, les normes internationales en matière de protection des réfugiés se heurtaient à la politique américaine qui consistait à fermer les yeux sur la violation massive et horrifiante des droits de la personne dans ses pays clients, le Salvador et le Guatemala. Encore une fois, c'est comme si les normes internationales n'existaient pas.
Au bout du compte, moins de 2 p. 100 des demandeurs d'asile d'Amérique centrale ont été acceptés par les États-Unis. Le Canada a toutefois accordé sa protection à des centaines et des centaines de réfugiés d'Amérique centrale qui, selon toute vraisemblance, auraient été rejetés aux États-Unis.
De même, le traitement des demandeurs d'asile aux États-Unis est bien souvent loin de répondre aux normes internationales. On y pratique le recours excessif à la détention. D'après AI USA, les gens sont systématiquement détenus sans aucune raison valable ou légitime. Ses représentants nous ont donné bien des exemples à l'appui, mais je ne vous en citerai qu'un seul, celui d'une jeune Togolaise de 17 ans qui a fui le Togo pour éviter d'avoir à épouser un homme qui avait déjà trois femmes dont elle aurait essentiellement été la servante, et pour échapper à une forme particulièrement barbare de mutilation des organes génitaux. Dès son arrivée à un aéroport américain, elle a déclaré que le passeport dont elle s'était servie était faux. Elle n'a pas essayé de s'en servir pour être admise aux États-Unis. Depuis, et cela s'est passé en décembre 1994, elle est en détention.
Toutes les règles de l'equity, comme disent les Américains dans leur jurisprudence, sont en sa faveur. Elle a quelqu'un de sa famille avec qui elle pourrait vivre. L'argent nécessaire à son cautionnement est là. Elle n'a rien dans ses antécédents qui donnent à entendre qu'elle serait une menace pour les États-Unis ou qu'elle prendrait la fuite. Pourtant, on refuse toujours de la libérer sous condition.
Il semble que les pratiques en matière de détention au sud de la frontière se distinguent par leur caractère arbitraire.
Je veux vous parler des conditions dans lesquelles les demandeurs du statut de réfugié sont détenus. Ils peuvent être placés dans des centres de détention pour immigrants du service de l'immigration et de la naturalisation, mais il n'existe que sept ou huit de ces centres dans tout le pays. Ils peuvent également être placés dans des prisons ou dans des établissements à but lucratif exploités à des fins commerciales.
Quand on les met dans des prisons, ils sont mêlés à la population de détenus criminels. Nos collègues américains nous ont parlé des réfugiés qui étaient enchaînés dans des lits dans des hôtels et des personnes qui étaient envoyées dans des prisons locales dans quelque trou perdu où l'on n'observe même pas les normes d'hygiène minimales. Les prisons locales sont très heureuses de toucher l'allocation journalière que leur verse le service de l'immigration et de la naturalisation, mais les réfugiés ne peuvent y trouver personne qui puisse les représenter de façon convenable.
Ils nous ont également parlé de certains réfugiés qui sont logés dans un immense garage désaffecté autrefois utilisé pour la réparation d'autobus. C'est le seul endroit auquel ils ont accès, exemption faite des salles de toilette. Ils n'ont aucune possibilité de sortir à l'extérieur, n'ont droit à aucune lumière naturelle et n'ont accès qu'à des soins médicaux très limités. Ce sont pourtant là des exigences minimales, qui ne sont aucunement respectées.
Cette situation va à l'encontre du droit international, en l'occurrence, de la conclusion 44 du comité exécutif du HCNUR.
Il n'existe donc pas de normes en matière de détention. Nous espérons que vous vous rendrez compte que, pour les Américains, le respect des normes internationales pour le traitement des réfugiés dépend bien souvent de leur commodité nationale.
Un dernier point. Amnistie internationale, des deux côtés de la frontière, une des graves préoccupations au sujet du projet de loi sur l'immigration dans l'intérêt national qui est à l'étude au Congrès. Je n'ai pas le temps de vous détailler ces préoccupations - vous les trouverez énumérées au point trois de notre mémoire - mais, de manière générale, nous considérons que ce projet de loi mine le droit fondamental qui sous-tend la convention de 1951 et toutes les ententes internationales subséquentes, à savoir le droit fondamental de demander la protection.
Selon le HCNUR, ce projet de loi aurait de graves répercussions pour les demandeurs d'asile et conduirait presque certainement à l'abandon par les États-Unis de leurs obligations en vertu du protocole de 1967 concernant le statut des réfugiés. Il s'agit-là d'une déclaration bien sentie, quand on sait toutes les contraintes qui pèsent sur le HCNUR.
En conclusion, nous d'Amnistie estimons que l'entente proposée met la charrue devant les boeufs. Les États-Unis ont beaucoup de chemin à faire avant de devenir partenaires responsables en matière de protection des réfugiés. AI compte sur le Canada pour jouer un rôle de chef de file dans la négociation d'une entente internationale qui permettra de faire en sorte que la protection ne sera pas sacrifiée sur l'autel de la collaboration internationale.
À tout le moins, AI demande au Canada de ne pas signer d'entente en ce sens tant que les États-Unis n'auront pas fait en sorte que leur système de détermination du statut de réfugié réponde aux normes internationales.
Merci d'avoir bien voulu nous entendre.
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Je vous félicite pour votre présentation, surtout en ce qui a trait à la situation aux États-Unis. Je croyais que les conditions de détention étaient meilleures aux États-Unis qu'ici. J'ai visité les centres de Mississauga et de Montréal, et les conditions de détention y sont mauvaises. Mais, selon vous, c'est pire aux États-Unis.
En novembre 1993, le ministre de l'Immigration de l'époque a dit:
[Traduction]
- «...je n'accepterai de signer aucune entente qui ne satisferait pas aux critères selon lesquels les
règles du jeu seraient équitables et conformes à nos normes.» ... «Je ne voudrais pas d'une
entente qui diluerait nos normes. Si nos normes sont plus élevées que celles des Américains en
matière d'immigration, je m'attendrais alors à ce que les Américains relèvent leurs normes pour
quelles rejoignent les nôtres.»
Que pensez-vous de cette déclaration de M. Marchi, l'ancien ministre de l'Immigration, au Toronto Star, le 28 novembre 1993? Signeriez-vous une entente avec les États-Unis dans ces conditions-là?
[Traduction]
M. Neve: Comme vous pouvez sans doute le constater d'après l'exposé que nous vous avons fait ici aujourd'hui, nous sommes certainement d'avis que les conditions qu'a énoncées M. Marchi en novembre 1993 n'ont pas été satisfaites et que cela nous préoccupe énormément. C'est précisément pour cette raison que nous demandons qu'on y réfléchisse bien avant de se précipiter pour signer cette entente, qu'on s'efforce vraiment de revenir en arrière et de prendre des mesures pour que les règles, comme l'a dit M. Marchi et comme nous l'avons dit nous aussi aujourd'hui, soient aussi rigoureuses aux États-Unis qu'au Canada.
Nous proposons, et ce n'est peut-être là qu'un des moyens possibles d'obtenir le même résultat, qu'une entente internationale oblige les états à certaines normes minimales qu'ils seraient tenus d'appliquer systématiquement pour la détermination du statut de réfugié. Tant que cela ne sera pas chose faite, nous sommes bien d'avis, comme l'était sans doute aussi M. Marchi en novembre 1993, que toute mesure qui pourrait être prise compromettrait la sécurité des réfugiés.
[Français]
M. Nunez: Dans votre présentation, vous avez dit que les États-Unis acceptaient seulement 2 p. 100 des demandeurs d'asile venant de l'Amérique centrale, du Salvador, du Guatemala. C'est très peu.
J'étais au Chili, en janvier dernier, et j'ai des contacts avec d'autres pays latino-américains qui croient que c'est plus difficile de venir aux États-Unis ou au Canada en tant qu'immigrant. Il y a là une frontière qui est très difficile à traverser. Selon vous, cette situation va-t-elle s'aggraver? Est-ce cela que vous dites?
[Traduction]
M. Neve: Par souci d'être juste envers les États-Unis, je tiens à préciser que la proportion de
2 p. 100 dont nous avons parlé s'applique à la fin des années quatre-vingts. La proportion est
maintenant passée à environ 5 ou 6 p. 100.
Ce qu'il faut retenir, et c'est pour cette raison que nous avons cité ce cas-là, c'est qu'il est abondamment clair qu'aux États-Unis les considérations politiques ont bien trop souvent un effet déterminant sur les décisions en ce qui concerne le statut de réfugié et que les demandeurs de statut de réfugié sont souvent acceptés ou refusés selon ce qui est opportun ou utile de faire au regard de la politique étrangère des États-Unis.
L'exemple des Haïtiens est peut-être un cas plus récent qui montre encore une fois à quel point les Américains se laissent guider par leur politique étrangère dans le traitement qu'ils accordent aux réfugiés.
Il y a de fortes chances que la situation empire beaucoup si le projet de loi qui est à l'étude au Congrès est adopté. De nombreux éléments de ce projet de loi feraient en sorte, par exemple, que les personnes qui ne seraient pas munies de documents de voyage valides en bonne et due forme auraient beaucoup plus de mal à avoir accès au système de détermination du statut de réfugié aux États-Unis. Un très grand nombre de réfugiés d'Amérique centrale qui voyagent par voie de terre, faisant souvent un long périple par le Mexique et traversant le Rio Grande en quête de sécurité, n'ont bien souvent pas les papiers d'identité et les documents de voyage qui leur permettraient de satisfaire à cette exigence, et il est fort probable qu'ils seraient complètement exclus du système américain. Ce n'est là qu'un exemple, mais il y a certainement de bonnes raisons que la situation empirera de ce côté-là.
M. Nunez: Comment expliquez-vous cette proportion de 2 p. 100, ce faible taux d'acceptation? Quelles sont les raisons qui l'expliquent?
M. Neve: De toute évidence, c'est que les États-Unis refusaient de reconnaître que les gouvernements guatémaltèque et salvadorien en particulier, qui à l'époque recevaient une aide militaire et d'autres formes d'aide des Américains, étaient des États où l'on violait les droits de la personne, car, pour des raisons liées à leur politique étrangère, les États-Unis voulaient donner à la communauté internationale l'impression que tout était bien dans ces pays, ou à tout le moins que la situation était bien maîtrisée et que des réformes étaient en voie d'être mises en oeuvre. C'est précisément pour cette raison qu'ils ne pouvaient pas admettre qu'on donne de ces pays une image contraire qui aurait donné à penser que les préoccupations relatives aux droits de la personne y étaient très graves.
Or, chose certaine, les documents sur les droits de la personne de tous les groupes qui s'intéressent à la question, y compris d'Amnistie internationale, montrent que les préoccupations relatives aux droits de la personne étaient très graves: disparitions, exécutions extrajudiciaires, nombreux actes de torture. Il ne fait aucun doute que la réputation du Salvador et du Guatemala en matière de droits de la personne était sérieusement compromise, mais les États-Unis, encore là pour des raisons liées à leur politique étrangère, refusaient tout simplement de le reconnaître de manière officielle.
[Français]
La présidente: Madame Meredith.
[Traduction]
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je veux être bien sûre de comprendre qui sont ceux que vous considérez comme des réfugiés. Amnistie internationale fait-elle une distinction entre les personnes qui sont menacées par les dirigeants politiques, par l'État ou reconnaissez-vous également comme demandeurs d'asile les personnes qui sont menacées par la pauvreté ou par des conditions économiques? Faites-vous une distinction entre les deux groupes?
M. Neve: Oui, nous en faisons une. Le travail d'Amnistie internationale auprès des réfugiés découle de notre mandat en matière de droits de la personne, et ce mandat consiste à intervenir quand nous considérons que des personnes pourraient devenir prisonniers de conscience, pourraient être soumises à des actes de torture ou risqueraient la disparition ou encore l'exécution judiciaire ou extrajudiciaire. Ce sont là les préoccupations relatives aux droits de la personne qui découlent du mandat d'Amnistie internationale en matière de droits de la personne. Le travail que nous faisons auprès des réfugiés est tel que nous intervenons pour veiller à ce que les personnes qui pourraient être victimes de ces violations des droits de la personne si elles étaient renvoyées dans leur pays soient protégées et qu'elles ne soient pas déportées.
Mme Meredith: Ainsi, vous ne vous opposez pas à ce que les États puissent renvoyer les personnes qui demandent le statut de réfugié pour des raisons, non pas politiques, mais économiques?
M. Neve: Ce n'est pas de cela que nous vous parlons ici aujourd'hui. Nous parlons ici des craintes que nous avons du fait que, quand des mesures comme celles-ci sont conçues... et qu'on n'y fait aucune distinction entre les groupes de réfugiés. L'entente ne distingue pas entre les personnes qui sont d'authentiques réfugiés au sens de la convention de 1951 et celles qui ne le sont pas. Il s'agit d'une entente qui s'applique de manière générale et sans discrimination qui fera en sorte que tous les réfugiés seront soumis aux mêmes risques.
Mme Meredith: C'est simplement que j'ai l'impression d'après ce que vous avez dit, quand vous avez comparé le taux d'acceptation aux États-Unis avec le taux d'acceptation au Canada, que vous considériez peut-être que les Américains, qui ont peut-être un système différent, mettons, du système canadien pour déterminer qui sont les authentiques réfugiés, renvoyaient certaines personnes dans des situations... Je sais que vous avez cité le cas des Haïtiens, mais quand vous citez également le Mexique comme exemple, j'ai un peu de mal à savoir qui sont ceux que vous considérez comme d'authentiques réfugiés. Même si certaines personnes au Mexique ont peut-être des raisons de craindre pour leur sécurité, je crois que la majorité des réfugiés en provenance du Mexique qui demandent asile aux États-Unis sont des réfugiés économiques, et donc pas forcément d'authentiques réfugiés.
M. Neve: Je peux dissiper la confusion à cet égard. En fait, je n'ai pas parlé du Mexique comme d'un pays qui produisait des réfugiés. Si vous me permettez d'entrer dans les détails, je pensais par exemple au réfugié guatémaltèque qui quitte le Guatemala, qui passe par le Mexique et les États-Unis et qui, une fois arrivé au Canada, demande le statut de réfugié et est renvoyé aux États-Unis aux termes de cette entente. Si les États-Unis concluent une entente semblable avec le Mexique, et comme je l'ai indiqué nous croyons savoir qu'il s'agit là d'une possibilité bien réelle, le réfugié en question pourrait ensuite être renvoyé au Mexique, de sorte qu'il y aurait de bonnes raisons de craindre pour sa sécurité étant donné le système qui existe au Mexique pour déterminer le statut de réfugié et étant donné aussi le type de protection qui y est prévu pour les réfugiés et le fait que la personne pourrait très bien au bout du compte être déportée au Guatemala. Je n'ai pas soulevé l'exemple du Mexique, je ne voulais pas parler des ressortissants de ce pays.
Mme Meredith: D'accord.
Vous vous inquiétez également du fait - vous en parlez d'ailleurs dans votre proposition - qu'il s'agirait d'une entente internationale. Vous craignez que, si le Canada conclut cette entente avec les États-Unis, ce serait en quelque sorte un premier pas; nous conclurions ensuite des ententes avec la Communauté européenne et ainsi de suite. Ce matin, j'ai justement posé cette question aux représentants du ministère, car je voulais moi aussi savoir s'il s'agissait d'un premier pas dans la réalisation d'un projet comportant plusieurs étapes. On a répondu catégoriquement qu'il n'y avait pas d'entente, pas de projet d'entente avec qui que ce soit d'autre que les États-Unis. Dois-je comprendre d'après ce que vous dites que les représentants du ministère m'ont induite en erreur ce matin ou que c'est simplement cette entente qui vous porte à faire des suppositions en ce sens?
M. Neve: Non, je ne dis pas qu'ils vous ont induite en erreur. Je n'étais malheureusement pas là ce matin, alors je ne peux pas répondre à cela. Je me reportais plutôt à un article du Toronto Star qui citait Jacques Roy, ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne - encore là quelqu'un qui parle au nom du gouvernement canadien - , qui disait très clairement que le Canada s'apprête à négocier avec les pays membres de l'Union européenne une entente en tous points semblable à celle qu'il projette de conclure avec les États-Unis. C'est dans le Toronto Star du 15 mars. Je peux certainement vous en remettre une copie.
Mme Meredith: J'aimerais bien que vous m'en fassiez parvenir une copie, car il semble que ce soit tout le contraire de ce qu'on m'a dit ce matin, et cela me préoccupe.
Les propositions que vous faites sont, je suppose, les éléments que vous voudriez qu'on retrouve dans une éventuelle entente internationale.
D'après la première de ces propositions, j'ai l'impression que vous croyez que personne ne devrait être renvoyé dans son pays d'origine. Ai-je raison de dire que vous croyez que tous ceux qui présentent une demande de statut de réfugié devraient avoir droit...
M. Neve: Voulez-vous parler du premier point?
Mme Meredith: Oui.
M. Neve: Non. Quand nous parlons du principe fondamental de non-refoulement tel qu'il est défini dans la convention de 1951... On y dit que personne ne devrait être renvoyé dans une situation où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Nous reprenons donc essentiellement la définition de réfugié au sens de la convention telle qu'elle est énoncée dans la convention de 1951 et nous indiquons que la protection que constitue le non-refoulement doit faire en sorte que jamais personne ne sera renvoyé dans une situation où sa vie ou sa liberté serait menacée. Voilà les gens dont nous voulons parler.
Mme Meredith: Je suppose que les pays qui détermineraient que la personne en question devrait retourner dans son pays seraient arrivés à la conclusion que la personne ne serait effectivement pas menacée de ce fait. Vous me dites donc que la définition dont ces pays se servent ou l'évaluation qu'ils font de la sécurité de la personne en cause n'est pas aussi bonne que ce que vous feriez vous-mêmes.
M. Neve: Nous disons que, non seulement l'évaluation ne serait pas aussi bonne que celle que ferait Amnistie internationale, mais que cette évaluation ne répondrait pas aux normes internationales.
L'exemple haïtien, auquel vous avez fait allusion, est un exemple des plus évidents et des plus alarmants du non-respect par les États-Unis des dispositions touchant le non-refoulement. C'est un exemple très clair.
Les Américains ne se sont même pas donné la peine d'examiner un seul de ces cas. Pour des raisons de politique étrangère, et surtout de politique intérieure, ils ont simplement décidé d'intercepter ces réfugiés, même si ceux-ci fuyaient une situation où de très graves violations des droits de la personne se produisaient, des violations qui, de toute évidence, auraient alerté n'importe quel pays signataire de la convention - d'intercepter ces réfugiés et de les renvoyer en tant que groupe, parce qu'ils ne voulaient pas que ce groupe puisse entrer aux États-Unis.
Mme Meredith: Je crois comprendre qu'une fois signée, cette entente ne visera que les personnes qui entreront au Canada ou aux États-Unis à compter de 1996. Ne croyez-vous pas que l'attitude des gens serait différente si les États-Unis avaient eu à répondre de leurs actions vis-à-vis des Haïtiens? Selon vous, pour ce qui est des Guatémaltèques et d'autres, la situation est-elle toujours aussi désespérée qu'au début des années quatre-vingts, et risque-t-elle de causer systématiquement des difficultés au Canada et aux États-Unis.
M. Neve: Je le crois certainement. Nous déplorons d'autant le fait que les États-Unis n'aient pas eu à répondre de leurs actions à la suite de leur simulacre de justice pour les Haïtiens. Ils ontréussi à s'en tirer. Ils ont même eu la bénédiction de leur Cour suprême. Les protestations desautres pays - malheureusement, le Canada n'a pas été l'un des pays les plus virulents pour l'occasion - n'ont pas réussi à faire changer d'avis les États-Unis.
Pour nous, cet exemple démontre clairement que, lorsque les États-Unis, pour des raisonsde politique étrangère ou de politique intérieure, procèdent à leur façon en ce qui concerne les réfugiés - décident de ne pas tenir compte des besoins ou des droits des réfugiés - , la communauté internationale n'a pas le pouvoir ou l'influence nécessaire pour intervenir, et il s'ensuit que les réfugiés sont mis en péril.
Mme Meredith: Si vous déconseillez au Canada de signer cette entente, comment proposez-vous de régler les situations où les personnes, même si elles débarquent aux États-Unis, choisissent de venir au Canada parce que le taux d'acceptation des réfugiés y est des deux tiers plus élevé qu'aux États-Unis? Elles magasinent leur asile; elles choisissent le pays qui est le plus apte à leur donner une réponse positive. Comment le Canada peut-il réagir à ces situations en tant que pays?
M. Neve: Je trouve votre formulation, en elle-même, inquiétante. Si j'étais en fuite par crainte pour ma vie ou pour ma liberté, je voudrais magasiner, je voudrais m'assurer que le pays que je choisis a la meilleure chance de me donner la protection que je recherche si désespérément, sachant, en particulier, que le seul autre pays possible - les États-Unis - garde les gens en détention dans les conditions décrites dans notre mémoire, accorde pour des raisons de politique étrangère un traitement inférieur à certains groupes de réfugiés, comme les réfugiés d'Amérique centrale et les réfugiés haïtiens. Je choisirais le Canada, et j'aurais raison si j'étais en fuite par crainte pour ma vie.
La présidente: Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci.
J'ai fait partie d'Amnistie internationale à Toronto; je sais donc quel travail vous faites dans ce domaine.
M. Nunez: Avez-vous voté contre l'entente?
M. Assadourian: Je tiendrai compte de votre opinion lorsque je vous la demanderai, merci beaucoup.
Des voix: Oh, oh!
M. Assadourian: La Californie a voté l'année dernière sur la proposition 15 - je pense que c'était bien la proposition 15 - interdisant aux immigrants ou aux réfugiés illégaux la fréquentation de l'école et les services de santé. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cette proposition?
De même, la Californie et le Texas - deux États du sud - ont des approches très différentes vis-à-vis des réfugiés. Le Texas a besoin des réfugiés comme main-d'oeuvre à bon marché, mais non la Californie, pour qui les réfugiés coûtent cher. Sont-ce ces raisons d'ordre économique ou idéologique - ayant à voir avec le gouverneur de l'État, les partis, etc. - qui expliquent les approches différentes de ces deux États?
En outre, c'est évidemment une année d'élections pour les États-Unis, et les attaques contre les immigrants et les réfugiés sont à la mode. Nous avons nos propres cibles, en ce qui nous concerne - quelqu'un désire établir une frontière qui nous empêche d'aller au sud et qui empêche les gens du Sud d'aller au Nord.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet de ces trois points?
M. Neve: Ces préoccupations ne concernent pas directement Amnistie, parce qu'elles sont essentiellement d'ordre économique et social, comme l'indiquait Mme Meredith - ce sont des sujets qui ne rejoignent pas directement notre mandat lié aux droits de la personne, ce qui explique que nous n'avons pas fait de recherches poussées...
M. Assadourian: La Convention relative au statut des réfugiés, signée en 1951, n'insistait-elle pas sur la protection de la santé des réfugiés, leur sécurité, etc.?
M. Neve: Certainement. Tout ce que je dis, c'est qu'à Amnistie, dans notre tentative de promouvoir la cause des réfugiés, nous devons nous limiter à notre mandat lié aux droits de la personne.
Ce qui nous inquiète le plus au sujet des situations que vous avez évoquées - la proposition 13 en Californie, ce qui se passe au Texas et en Californie, la législation et les attaques contre les immigrants qui se font de plus en plus nombreuses cette année - c'est le fait qu'elles reflètent une certaine atmosphère aux États-Unis, une atmosphère essentiellement caractérisée par la haine des réfugiés. Dans ce genre d'atmosphère, les problèmes que nous avons décrits - concernant la détention et le non-respect des dispositions sur le non-refoulement, risquent seulement de s'aggraver. À en juger par les faits que vous avez évoqués, l'atmosphère politique aux États-Unis ne nous permet pas d'espérer un environnement plus accueillant, plus généreux et plus respectueux des droits de la personne.
C'est tout ce que je puis dire au sujet de ces faits particuliers; d'autres groupes pourront probablement élaborer sur leurs aspects social et économique. Je crois comprendre que vous entendrez jeudi quelqu'un du U.S. Committee for Refugees; il pourra vous faire une analyse plus claire et plus détaillée de ces événements.
La présidente: Monsieur Dromisky.
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Merci beaucoup. J'ai posé une question ce matin, je l'ai même répétée, afin de savoir si, de l'avis des témoins, il y avait un projet de loi omnibus ou un projet de loi général risquant d'avoir un effet sur cette entente entre les deux pays. Personne ne pouvait citer de loi particulière, mais vous, vous avez fait allusion à la Immigration in the National Interest Act, qui doit être présentée au Congrès. Selon vous, cette loi est-elle une grave atteinte au droit de demander le statut de réfugié aux États-Unis. Pourriez-vous préciser votre pensée à ce sujet? Pourriez-vous nous donner plus d'information, si vous en avez?
M. Neve: Certainement. Nous avons un certain nombre de préoccupations à cet égard. Ce qui retient le plus notre attention, c'est ce qu'on appelle la procédure sommaire d'exclusion pour les personnes qui se présentent aux ports d'entrée américains avec de faux documents ou sans documents. Je suis sûr que vous savez ou que vous pouvez au moins imaginer que c'est une situation très fréquente pour les réfugiés. Ces personnes, presque tout de suite en arrivant, sans l'aide d'un avocat dans la plupart des cas, doivent convaincre un agent d'immigration du bien-fondé de leur demande avant même de pouvoir entrer aux États-Unis et d'avoir plus avant accès au système de réfugiés.
Le travail de nos collègues d'Amnistie internationale plus au sud nous laisse croire que beaucoup de ces personnes, y compris les authentiques réfugiés, risquent d'être rejetées à cette étape. Ce qu'elles vivent à ce moment-là est très difficile et traumatisant. C'est l'arrivée à l'aéroport, la première rencontre avec quelqu'un en uniforme, alors que la personne n'est pas représentée par un avocat qui l'aide et l'encourage à décrire sa situation le plus minutieusement et le plus honnêtement possible. Comment peut-elle se sentir à l'aise et en sécurité si ce n'est pas le sentiment qu'elle a l'habitude d'avoir devant des gens en uniforme? Dans certains cas, la personne a été torturée et est encore traumatisée.
Tous ces facteurs nous font craindre qu'un nombre important de ces personnes soient malheureusement rejetées à cette étape. Le but, comme d'ailleurs la loi l'indique, est de permettre un renvoi presque automatique; ces personnes sont placées à bord du premier vol qui quittera le pays.
M. Dromisky: J'aimerais que vous me précisiez un point, si vous le voulez bien. La mesure s'appliquera à toutes les personnes qui débarqueront aux États-Unis, que ce soit à un aéroport ou un port de mer? La personne pourrait dire aux autorités: «Je n'ai pas de papiers. Je les ai perdus. J'ai dû quitter mon pays précipitamment parce que je craignais pour ma vie, et j'ai pris les enfants et je me suis enfuie à toute vitesse. Je débarque ici, mais je veux vraiment aller au Canada, non pas aux États-Unis». La mesure s'appliquera-t-elle dans son cas?
Que se produira-t-il dans une telle situation? Pourra-t-on arrêter et expulser cette personne, même lorsqu'elle aura indiqué qu'elle se rend vraiment au Canada en passant par les États-Unis?
M. Neve: Ce n'est pas clair pour moi. Il est difficile de dire si l'entente s'applique à un tel cas. Il semble y avoir quelque chose dans l'entente indiquant que lorsque les Américains seront sur le point de déporter quelqu'un qui voudra venir au Canada, ils en aviseront les Canadiens qui, dans certaines circonstances, seront tenus de l'accepter. Cependant, la situation est loin d'être claire à cet égard. C'est définitivement ce qui devrait être précisé.
De la façon dont je comprends l'entente, telle qu'elle set formulée actuellement, il y a un risque réel de renvoi trop rapide, sans surveillance, sans aucune aide juridique. La personne pourrait être renvoyée sans que personne ne sache qu'elle voulait venir au Canada.
M. Dromisky: J'ai encore une brève question au sujet de la situation des femmes. Ce projet de loi aurait-il un impact à cet égard?
M. Neve: Dans le mémoire, Amnistie dit craindre que la nouvelle procédure sommaire d'exclusion aux aéroports ait des conséquences tragiques pour les femmes.
Ce sont souvent les femmes qui ont le plus de difficulté à faire confiance aux gens immédiatement. Souvent, les femmes fuient des situations de violence sexuelle terribles. C'est le genre de choses qui est impossible à faire comprendre, sans aide aucune, à un agent d'immigration en uniforme à l'aéroport. C'est contraire à un endoctrinement culturel subi pendant des générations et interdisant de parler de telles situations.
Un des points sur lesquels Amnistie a insisté dans sa lutte contre la loi aux États-Unis est justement qu'elle risque d'avoir un impact différent sur les femmes revendicatrices du statut de réfugié.
La présidente: Il reste une minute pour le côté ministériel. M. Collins voulait également poser une question.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Oui. Vous n'avez pas semblé trop vous en faire au sujet du problème du magasinage. Si la pratique se répand, où faut-il établir la limite?
Mettez-vous à notre place. Quelqu'un pourrait dire: «cette demande est une demande unique, mais c'est ma quinzième arrivée; j'essaie ici.» À quel moment pourrons-nous dire que cette demande n'est pas légitime? Que devrons-nous faire lorsque quelqu'un cherchera simplement un autre endroit et se trouvera ici par hasard?
J'ajoute un élément à ma question. J'essaie de me mettre à votre place. Je pourrais dire: «entendez-vous et concluez un pacte international; ce sera parfait». Nous ne verrons évidemment jamais ce jour. Comme vous l'avez expliqué, il y a encore beaucoup de pays au monde qui y sont opposés.
Compte tenu de cette situation, ne devons-nous pas de notre côté prendre un certain nombre de mesures? Vous ne les voyez peut-être pas d'un très bon oeil, mais nous devons commencer quelque part - pourquoi pas avec le pays voisin - et voir si nous ne pouvons pas faire avancer le processus. Il y a évidemment des dangers. Vous en avez signalé un certain nombre à juste titre.
J'aimerais savoir ce que vous répondriez à un tel argument.
M. Neve: Je vais d'abord revenir sur votre dernier point.
Nous convenons du fait que si nous cherchons à obtenir une entente internationale, nous constaterons qu'un certain nombre de pays refusent de nous suivre. Si c'est le cas, il faudrait les exclure des programmes de coopération; de tels programmes devraient être entrepris seulement avec les pays prêts à approuver leur engagement vis-à-vis de la protection des réfugiés.
Nous devrions peut-être commencer avec le Canada et les États-Unis. Le Canada ne permettrait pas que sa coopération en matière de réfugiés aille plus loin. Nous pourrions peut-être nous allier les pays de l'Union européenne, mais nous devrions en tout cas veiller à ce que notre coopération soit limitée aux pays qui prennent cet engagement.
En ce qui concerne le magasinage d'asile, c'est une expression à la mode. Elle prête à plusieurs interprétations. Lorsque je répondais à la question de Mme Meredith à ce sujet, j'envisageais le cas d'une personne qui fuyait son pays, passait par les États-Unis, mais avait depuis le début l'intention de venir au Canada. Une telle personne éviterait volontairement de faire une demande aux États-Unis parce que c'est ici qu'elle estimerait avoir la meilleure chance d'être protégée. N'importe qui ici ferait le même choix dans les mêmes circonstances.
Si c'était la raison pour laquelle la personne avait choisi le Canada, je n'y verrais rien à redire.
C'est différent du cas où une personne tente de jouer les deux tableaux: elle fait une demande ici, sa demande est rejetée, elle va ailleurs, fait une autre demande, laquelle est également rejetée. Ce n'est cependant pas ce que vise cette entente. Cette entente va beaucoup plus loin. Elle ne concerne pas que les personnes qui ont déjà présenté une demande.
Nous avons demandé au gouvernement s'il y avait des données sur la portée de ce problème des demandes doubles, comme on dit, au Canada et aux États-Unis. Il ne semble pas y en avoir. Même s'il y en avait, nous pourrions sûrement trouver une façon de régler ce problème particulier, prévoir une disposition concernant les personnes qui ont déjà fait une demande aux États-Unis.
Il ne faudrait sûrement pas risquer de leur interdire complètement de faire une demande au Canada. Cependant, il pourrait y avoir une présomption quelconque que la deuxième demande, une première ayant déjà rejetée aux États-Unis, n'est pas légitime, laquelle présomption tomberait si la personne pouvait prouver une erreur dans le processus suivi aux États-Unis ou donner des raisons pour lesquelles la décision prise aux États-Unis ne devrait pas tenir. Par exemple, les circonstances de la personne ou du pays en cause auraient pu changer entre temps.
La présidente: Merci. Une dernière question de Mme Gagnon.
M. Neve: Le Toronto Star du 15 mars.
[Français]
Mme Gagnon (Québec): Vous semblez diverger d'opinion avec les gens du ministère et la ministre, qu'on a rencontrés ce matin. On nous a dit qu'on n'était pas inquiet, que les États-Unis et le Canada avaient la même protection, qu'il y avait donc probablement harmonisation, qu'ils répondent aux normes internationales et les dépassent même largement. La ministre nous a dit, ce matin, que quelques groupes n'étaient pas d'accord surtout sur le principe de ce projet d'entente. Elle semblait marginaliser quelques groupes qui n'était pas d'accord. Êtes-vous d'accord sur la position de la ministre?
[Traduction]
M. Neve: À notre avis, les États-Unis ne respectent définitivement pas les normes internationales. Pour nous, ce n'est pas simplement dû au fait que le Canada et les États-Unis ont des systèmes différents. Ce n'est pas la façon d'aborder le problème. Comme le ministre et le gouvernement, nous estimons que la seule approche possible consiste à appliquer les normes internationales aux États-Unis.
Comme Mme Horton vous l'a expliqué, les États-Unis sont loin de respecter les normes internationales en ce qui concerne la plupart des questions fondamentales comme le non-refoulement, la dépolitisation du système de détermination, la détention et les droits essentiels des réfugiés à être traités avec dignité et respect, comme de tout le monde.
Voilà qui résume nos vues en ce qui concerne le fait que le Canada et les États-Unis pourraient procéder à peu près de la même façon. La question n'est pas là. Prenons les États-Unis et voyons s'ils respectent les normes internationales.
[Français]
Mme Gagnon: Puis-je demander une précision? Il y avait un deuxième volet à ma question. Elle semblait dire qu'il y avait peu de groupes qui ne semblaient pas d'accord sur cette entente. Êtes-vous d'accord sur cela ou si vous pensez que les groupes qui défendent les droits des réfugiés sont unanimes à s'opposer à cela?
[Traduction]
M. Neve: Plusieurs groupes ont des préoccupations en ce qui concerne l'entente, mais nos préoccupations à nous sont fondamentales et concernent les normes internationales et la protection des réfugiés. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'il y ait une entente quelconque, nous ne sommes pas opposés à ce que le Canada et les États-Unis se concertent. À Amnistie, chez les groupes de défense des droits de la personne, des réfugiés, chez les groupes voués de façon générale à la justice sociale et à la lutte contre le racisme, notre position se fonde sur des principes bien établis et sur une analyse poussée des faits. Beaucoup d'organismes, et non pas seulement ceux qui défendent la cause des réfugiés, dénoncent cette entente.
Demain soir, je participerai à Toronto à un colloque organisé par le bureau de la mairesse de la ville de Toronto, par l'intermédiaire de son comité sur les relations raciales. Ce comité a indiqué clairement qu'il avait des réserves importantes au sujet de l'entente; selon lui, l'entente pose de vrais problèmes quant au racisme en puissance, par exemple.
Un grand nombre d'organismes ont des préoccupations, pour diverses raisons.
La présidente: Je dois vous arrêter là, parce que nous avons d'autres témoins.
J'ai quand même une question. Selon vous, l'article 13 de l'entente offre-t-il la possibilité aux parties de continuer d'apporter des modifications à l'entente et ainsi de répondre à certaines des inquiétudes manifestées par Amnistie internationale et d'autres groupes?
M. Neve: Je vous répondrai simplement en vous disant que nous avons la conviction - j'ai utilisé cette analogie un peu plus tôt - que ce qu'on fait ici c'est mettre la charrue avant les boeufs.
La présidente: Vous êtes cependant d'accord avec l'article 13?
M. Neve: L'article 13 n'est pas suffisant...
La présidente: Très bien.
M. Neve: ...parce que ces problèmes doivent être réglés avant que l'entente ne soit conclue.
La présidente: Merci.
Je remercie Mme Horton et M. Neve de leur participation. J'invite maintenant les représentants du Comité Inter-Églises pour les réfugiés à prendre place à la table.
IL s'agit du révérend Charles Hay, président, et de M. Tom Clark. Vous êtes les bienvenus.
Nous avons reçu votre mémoire écrit. Je vous serais reconnaissante de ne pas nous le présenter de nouveau. Nous en avons tous un exemplaire. Vous avez quand même dix minutes à votre disposition pour nous en souligner les points saillants et nous livrer votre conclusion.
Monsieur Hay.
Le révérend Charles Hay (président, Comité Inter-Églises pour les réfugiés): Merci, madame la présidente. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de comparaître devant vous.
Comme il a déjà été indiqué, le Comité Inter-Églises pour les réfugiés est composé de représentants des dix Églises nationales, y compromis les Églises protestante, anglicane et orthodoxe ainsi que des représentants de la Conférence canadienne des évêques catholiques et des ordres catholiques romaine. Nous suivons la situation des réfugiés à l'échelle mondiale grâce à nos liens avec nos Églises partenaires autant dans les pays qui reçoivent les réfugiés que dans les pays qui les produisent. Nous sommes également attentifs aux politiques du gouvernement canadien touchant les réfugiés et nous essayons d'informer les Églises en ce qui concerne la situation des réfugiés et sur les politiques gouvernementales.
Nous aidons également les Églises dans leurs efforts en vue de parrainer les réfugiés. Les Églises, comme vous le savez sans doute, ont toujours été très actives sur ce plan.
Nous représentons une institution qui se préoccupe du sort des étrangers et des victimes de ce monde depuis 2 000 ans. Aussi, nous estimons que le moins que le Canada puisse faire c'est d'ouvrir ses portes à ceux qui cherchent un asile, que ce sur quoi cette ouverture se fonde est la Convention de 1951 ainsi que le Protocole de 1968 et que le Canada n'a pas à céder à quelque autre compétence que ce soit, son habilité à déterminer qui répond aux exigences établies dans la Convention.
Je serai bref, madame la présidente, comme vous l'avez demandé, quoique cette promesse vienne d'un membre du clergé presbytérien et qu'elle ne doit pas être prise au pied de la lettre.
Le protocole d'entente commence par une affirmation de l'intention du Canada de continuer de protéger les réfugiés conformément à la convention. Le paragraphe 2 l'indique très clairement. En lisant le document, on pourrait être rassuré à ce stade. Cependant, le principal but de l'entente, selon nous, n'est pas de mieux protéger les réfugiés, mais bien de permettre au Canada de rejeter les revendicateurs du statut de réfugié qui transitent par les États-Unis, et ce, sans le recours adéquat prévu dans la convention.
Nous déplorons également le fait que le Canada ne puisse faire en sorte que tous les revendicateurs du statut de réfugié aux États-Unis obtiennent un tel recours. Ce point a été mentionné à plusieurs reprises aujourd'hui; inutile de s'y attarder.
Le Canada a déclaré devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et le Comité des Nations Unies contre la torture qu'au moins deux traités des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme doivent être appliqués conjointement avec la Convention de 1951 relative au statut de réfugié. Ce sont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture. Les deux sont considérés comme s'appliquant au processus de détermination du statut de réfugié, mais ni l'un ni l'autre ne sont pris en considération dans l'entente.
Il n'y a pas de disposition concernant le choix individuel. Ce point a également été mentionné plus tôt aujourd'hui par le professeur Hathaway et d'autres. À notre avis, l'entente établit un principe, le principe du pays de premier débarquement, qui n'a pas de fondement dans le droit international. Nous nous en inquiétons.
Lorsque je dis «nous», j'entends le Comité Inter-Églises pour les réfugiés, qui est lui-même composé de gens qui travaillent quotidiennement avec les réfugiés. Nous exprimons ici le souci réel des Églises, non pas tellement vis-à-vis de cette entente, parce que la plupart d'entre elles n'ont pas eu à y faire face encore, mais plutôt vis-à-vis du bien-être des réfugiés et des procédures adéquates pour la détermination de leur statut.
Nous craignons que cette entente touche les droits individuels, que le Canada puisse expulser des revendicateurs aux États-Unis et que certains revendicateurs du statut de réfugié subissent des conséquences très graves. Malgré tout, nous constatons que les procédures normales pour la conclusion d'ententes reliées directement aux droits de la personne sont contournées.
Je suis un peu hésitant à cet égard. Mon collègue pourra probablement être beaucoup plus affirmatif. Nous croyons comprendre, cependant, que les ententes de ce genre, qui touchent de très près les droits de la personne, sont habituellement soumises aux provinces d'une façon ou d'une autre; on tend habituellement à s'assurer qu'elles sont conformes à la Constitution canadienne; le ministère de la Justice est habituellement prêt à déterminer si ces ententes respectent les traités internationaux. C'est donc une de nos inquiétudes. Et toutes nos inquiétudes ne visent pas les aspects techniques de l'entente, mais partent de notre désir de venir en aide aux réfugiés.
Nous ne voyons rien dans le protocole d'entente qui réponde aux préoccupations soulevées par les premiers paragraphes, en particulier le paragraphe 2. Nos dirigeants religieux, notre Comité Inter-Églises, tous ceux qui travaillent auprès des réfugiés et qui connaissent bien le sujet, sont perplexes quant aux raisons qui amènent le Canada à envisager cette mesure, compte tenu du fait que les règles du jeu sont loin d'être égales entre le Canada et les États-Unis.
Voilà donc pour ce qui est de notre déclaration d'ouverture, madame la présidente. Je tiens à vous dire, cependant, qu'au Comité Inter-Églises pour les réfugiés, je fais figure d'amateur. Tom Clark est vraiment celui qui s'y connaît en matière de réfugiés. Je n'hésite donc pas à faire preuve de lâcheté et à demander que les questions lui soient plutôt adressées.
La présidente: D'accord.
[Français]
M. Nunez: D'abord, je vous félicite pour votre présentation. Ce que vous dites est très important. Vu l'autorité morale des Églises canadiennes, j'espère que vos paroles vont avoir un écho au sein du comité et au sein du gouvernement.
Hier, 64 organisations américaines s'opposant à la signature de cette entente ont écrit au président Clinton. Parmi les signataires, il y avait Amnistie internationale et plusieurs congrégations religieuses.
Avez-vous des contacts avec les Églises aux États-Unis? Quelle est leur position? Travaillez-vous conjointement avec elles dans ces dossiers? Les Églises aux États-Unis ont-elles la même préoccupation que le Comité inter-églises de Toronto?
M. Tom Clark (Comité Inter-Églises pour les réfugiés): Oui et oui.
M. Nunez: Pourrait-on obtenir une copie de la lettre que les organismes américains ont adressée au président Clinton?
M. Clark: Oui, certainement. J'en ai peut-être une dans mon dossier.
La présidente: Si vous l'avez avec vous, vous pourriez la remettre au greffier qui, après la rencontre, en fera des copies pour tout le monde.
M. Clark: Si j'en ai une. Autrement, je vous l'enverrai demain.
M. Nunez: Parfait. Ce matin, je ne sais pas si vous avez entendu la ministre ou d'autres témoins parler du droit pour les réfugiés de choisir un pays. La ministre s'est manifestée contre ce droit mais, par contre, elle parlait du droit des pays d'accepter ou de refuser une demande d'asile. Je pense que c'est logique. Mais vous, est-ce que vous considérez que le demandeur d'asile a le droit de choisir le pays et pourquoi?
[Traduction]
M. Clark: Comme nous représentons des Églises, nous aimons utiliser certains points de référence internationaux. Par conséquent, il nous semble que la personne en question a le droit de demander asile dans d'autres pays, au pluriel. Cela figure dans la Déclaration internationale. Cela figure également dans le système de l'Organisation des États américains et dans celui de la déclaration interaméricaine des droits et devoirs de l'homme auxquels nous souscrivons. Par conséquent, ne serait-ce que sur cette base, une personne a le droit de demander asile dans d'autres pays, au pluriel.
Toutefois, si vous lisez notre mémoire, vous verrez que nous abordons la question d'un angle quelque peu différent. Nous pensons que les personnes en leur qualité d'enfants de Dieu, de citoyens du monde dans le cadre du Traité des Nations Unies qui été ratifié par le Canada, ont certains droits, et de leur côté, les États ou les gouvernements ont des responsabilités en ce qui concerne le respect de ces droits.
Par conséquent, si une personne demande de l'aide au Canada, nous ne devrions pas évoquer le prétexte technique ou mécanique qu'elle est passée par tel ou tel autre pays pour arriver ici pour ignorer son opinion et adopter l'attitude de Ponce Pilate: quelqu'un d'autre va s'en occuper, vos problèmes ne nous intéressent pas.
Nous considérons donc qu'il s'agit non seulement d'un choix pour l'individu, mais également d'une responsabilité de l'État au nom de l'individu, et cette responsabilité est consacrée non seulement par la Convention de 1951, mais comme le Canada l'a déclaré, par les traités sur les droits de l'homme qui accordent certains droits aux êtres humains. Il est possible que le Canada puisse renvoyer quelqu'un aux États-Unis, mais comme vous l'avez dit, tous ceux qui demandent asile, même de bonne foi, ne sont pas toujours de véritables réfugiés et n'ont pas toujours besoin de protection. Cela dit, ils restent des êtres humains et, à ce titre, ils ont droit à une certaine qualité de traitement qui s'applique à tous les êtres humains. Il y a donc quelque chose pour tous les êtres humains, et quelque chose de plus pour les réfugiés.
[Français]
M. Nunez: Vous n'êtes pas avocat, mais croyez-vous que, si jamais cette entente était signée entre le Canada et les États-Unis, on pourrait la contester devant les tribunaux canadiens? Quelles seraient les chances de succès? Viole-t-elle la Charte canadienne des droits et libertés?
[Traduction]
M. Clark: Les avocats vont probablement discuter de ces notions-là au Canada. À mon avis, cela n'est pas conforme au droit international des droits de l'homme et, par conséquent, c'est le genre de choses dont nous allons devoir discuter avec les organismes internationaux qui défendent les droits de l'homme.
Le comité vient de publier une analyse qui montre un écart entre les normes internationales en ce qui concerne les droits de l'homme et la façon dont les tribunaux canadiens fonctionnent. Il est fort possible que les tribunaux canadiens ne trouvent pas de problème. Comme Amnistie en a témoigné, si on peut en juger par les décisions récentes, la Cour suprême des États-Unis a tendance à ne voir aucun problème à des situations de réfugiés assez affreuses.
[Français]
M. Nunez: Ce matin, le professeur Hathaway a fait une suggestion. D'après ce que j'ai compris, il était contre, mais si jamais l'entente était adoptée, il propose qu'elle n'entre pas en vigueur tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas, entre le Canada et les États-Unis, une harmonisation de la protection des réfugiés. Que pensez-vous de cette suggestion?
[Traduction]
M. Clark: Avant que l'une de ces situations ne se produise, le comité a déjà reconnu que c'était probablement un principe à retenir.
En fait, comme nous l'avons dit, nous avions eu le temps de rédiger une autre entente qui aurait eu certains des effets positifs qui ont été attribués à celle-ci, par exemple, améliorer les conditions d'asile dans la région, etc. En un premier temps, cette entente aurait institué des conditions plus uniformes, et ensuite, on se serait attaqué aux problèmes véritables. Je ne suis pas certain que la liberté de choix constitue un problème. S'il s'avère nécessaire d'adopter des dispositions pour faire face à des situations d'urgence et suspendre les possibilités de choix, c'est une option dont nous pouvons discuter, mais n'imposons pas ce genre de choses à tout le monde, en tout temps, lorsque cela ne semble absolument pas nécessaire.
Les traités sur les droits de l'homme contiennent généralement une disposition très explicite qui définit certaines situations d'urgence où certains droits peuvent être restreints. Il me semble que cette démarche est préférable. Le reste du temps, j'ai personnellement l'impression que la liberté de choix est une méthode très peu coûteuse mais très facile à appliquer. Ainsi, s'il est possible d'accorder aux gens la liberté de choix la plupart du temps, nous ne comprenons pas pourquoi on ne le ferait pas, d'autant plus que d'après les gens qui travaillent à la frontière, les gens qui viennent au Canada le font parce que c'est là qu'ils ont choisi de demander asile parce qu'ils ont déjà des liens ici, amis ou famille. À part cela, si on envisage certaines situations d'urgence, il faut en discuter et essayer de régler ces cas-là. Il pourrait être constructif d'essayer de faire face aux situations d'urgence que nous avons eues dans la région, car, comme on s'en est aperçu lors de la crise haïtienne, nous n'avons pas ici de mécanisme pour faire face à l'arrivée d'un flot massif de réfugiés.
[Français]
M. Nunez: Vous avez dit que ce projet d'entente ne faisait aucune référence à la convention contre la torture, à la Déclaration universelle des droits de l'homme ou au pacte international relatif aux droits civils et politiques. Par quelle voie pourrait-on faire référence à ces ententes internationales? Devrait-elle être partie intégrante d'une éventuelle entente concernant les réfugiés? Je n'ai pas bien compris ce que M. Hay a dit à cet égard.
[Traduction]
M. Clark: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question.
[Français]
M. Nunez: Si cette entente faisait référence à la convention contre la torture, à la Déclaration universelle des droits de l'homme ou au pacte international relatif aux droits civils et politiques, serait-elle alors acceptable?
[Traduction]
M. Clark: Non, mais ce serait un pas dans la bonne direction. Si j'ai bien compris, vous tenez à ce que l'entente renvoie à tous les traités qui s'appliquent. Elle devrait chercher à exécuter non seulement les dispositions de la convention, mais... Les demandeurs d'asile restent des êtres humains et, comme je l'ai dit, nous devons chercher à leur accorder ces droits d'êtres humains, et également, c'est quelque chose en plus qu'on leur accorde lorsqu'ils sont réfugiés.
Cela serait utile. Comme M. Hay le disait, ce qui est déroutant c'est que l'entente n'aura pas toujours les effets qu'elle prétend avoir. À notre avis, pour que l'entente soit viable, elle doit avoir des objectifs légitimes, elle doit donner des options raisonnables pour parvenir à ces objectifs, et elle doit respecter certaines proportions entre ce qu'on tente de faire et ce qu'on atteint. Nous ne trouvons pas cela dans l'entente.
Nous considérons donc que c'est un problème fondamental pour l'instant. À mon avis, pour le résoudre, il ne suffirait pas d'une référence à un traité.
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith: J'aimerais vous soumettre un certain nombre d'idées. Je ne sais pas s'il y a quelque chose que je n'ai pas compris, mais quelque chose m'échappe.
Si j'ai bien compris les principes des Nations Unies, l'établissement dans un pays tiers est le dernier recours. Ce genre de choses n'est vraiment pas encouragé car ce n'est pas la façon la plus efficace de régler le sort de personnes en détresse.
Nous savons également que les gens dont nous discutons ne sont parrainés ni par le Canada ni par les États-Unis; ces pays ne considèrent pas que ces gens-là ont besoin d'être parrainés. Il s'agit de personnes qui, pour une raison quelconque, et de leur propre chef, ont choisi de quitter leur pays et de demander asile ailleurs.
Si j'ai bien compris, si quelqu'un choisit d'aller au Canada et se trouve à passer par les États-Unis pour y parvenir, c'est une situation que cette entente reconnaît, et ces gens-là ne sont pas concernés. Ils ont 10 jours par voie de surface et 48 heures par air pour traverser les États-Unis à destination du Canada. Quand j'y réfléchis, je me dis que ces gens-là doivent être des gens qui vivent illégalement au Canada ou aux États-Unis et qui, à un moment donné, décident de légitimer leur séjour et de présenter une demande quelque part. Ils peuvent également être ramassés par les autorités américaines ou canadiennes qui s'aperçoivent alors qu'ils sont arrivés en passant par l'autre pays, le Canada ou les États-Unis.
Il ne s'agit donc pas de gens qui ont pris la décision consciente de venir au Canada et qui, en chemin, ont rencontré des obstacles. Il s'agit de gens qui ont décidé de demander asile ou d'aller vivre dans un autre pays, mais qui ont omis de demander asile officiellement dès leur arrivée.
Est-ce que je me trompe?
M. Clark: Là encore, les cas que nous avons étudiés sont des cas de gens qui viennent au Canada en passant par les États-Unis. D'après les groupes américains, la majeure partie de ces gens-là avaient l'intention de demander asile au Canada.
Mme Meredith: Mais s'ils étaient venus aux États-Unis dans l'intention d'aller au Canada, ils auraient eu 10 jours pour traverser les États-Unis et parvenir au Canada. S'ils avaient les moyens d'aller aux États-Unis et l'intention d'aller jusqu'au Canada, j'imagine qu'ils devaient également avoir les moyens d'y arriver en l'espace de 10 jours. Dans ces conditions, je ne suis pas certaine qu'il y ait tellement de gens qui avaient l'intention de demander asile au Canada et qui se trouvent coincés par cette disposition.
À mon avis, cette entente va surtout permettre de ramasser des gens qui, soyons honnêtes, se trouvaient illégalement au Canada ou aux États-Unis et qui essaient d'obtenir asile. Une fois coincés, ils se disent: «Où dois-je demander asile?»
S'ils demandent asile au Canada, mais qu'ils viennent des États-Unis, le Canada peut leur dire: «Votre cas n'est pas conforme aux directives. Il vous a fallu plus de dix jours, vous avez déjà passé huit ou dix mois aux États-Unis» - ou au Canada - «vous n'avez pas sollicité le statut de réfugié. De toute évidence, vous avez passé un certain temps aux États-Unis. Et même si vous n'y êtes pas restés tellement longtemps, pourquoi n'avez-vous pas demandé asile immédiatement?»
M. Clark: Je comprends ce que vous dites, mais nous abordons la question d'un angle quelque peu différent. J'aurais plutôt tendance à demander d'abord quels problèmes l'entente cherche à résoudre. Si les gens qui arrivent aujourd'hui au Canada n'appartiennent pas à la catégorie que vous décrivez...
Mme Meredith: Ce sont précisément ces gens-là que l'entente cherche à attraper, ceux qui sont dans le pays illégalement, souvent depuis un certain temps, et qui décident, pour une raison ou une autre, de légitimer leur séjour.
Pourquoi ne pas avoir une entente qui s'occupe du cas de gens qui ont passé plus de dix jours, de deux semaines, trois semaines, huit mois ou dix ans aux États-Unis et qui décident de venir au Canada se faire reconnaître légalement parce qu'ils pensent qu'ils ont de meilleures chances ici qu'aux États-Unis?
M. Clark: Je vous ferai observer respectueusement que vous définissez un problème hypothétique. L'entente...
Mme Meredith: Je vous ferai observer, monsieur, que les problèmes que vous créez sont également hypothétiques. Le seul cas qu'on ait cité est celui des Haïtiens et ils n'étaient même pas aux États-Unis. C'est le seul cas cité par nos témoins pour démontrer que les réfugiés sont traités d'une façon inhumaine aux États-Unis. Je ne pense pas que ma référence soit beaucoup plus hypothétique que les situations que vous prévoyez aux États-Unis.
M. Clark: Oui. De toute évidence, quand on exige que les réfugiés atteignent la frontière canadienne très rapidement, si c'est bien ce qu'on exige, il faut que je vérifie cela, c'est au minimum un fardeau qu'on leur impose. Ce genre de chose doit être justifié. Si cela n'est pas justifiable sur la base d'un problème qu'on résout, ce n'est pas une exigence légitime.
Mme Meredith: Et si vous prétendez que les gens ont le droit de choisir, et si les gens choisissent le Canada parce que le Canada accepte deux tiers de réfugiés de plus que les États-Unis, ne pensez-vous pas que ces gens-là, lorsqu'ils arrivent en Amérique du Nord, vont essayer d'arriver au Canada le plus vite possible? Cette entente tient compte de cela. Lorsque les gens sont en route vers le Canada, ils peuvent alors demander asile lorsqu'ils arrivent au Canada. Mais s'il leur faut des mois pour atteindre le Canada alors qu'ils sont déjà sur le continent nord-américain, cela devient suspect, et ils auraient dû demander le statut de réfugié aux États-Unis.
Personnellement, je ne vois pas quel mal il y a à cela. S'ils ont vraiment l'intention de demander asile au Canada, si c'est ce qu'ils ont choisi de faire, pourquoi tarder autant à arriver? Est-ce qu'ils font du tourisme en Amérique du Nord? À mon avis, cette entente protège les gens qui souhaitent sincèrement demander le statut de réfugié au Canada.
M. Clark: Oui. Je pourrais probablement trouver l'exemple d'une situation où il ne serait pas plausible de demander asile au Canada. Mais ce qui m'ennuie, c'est que nous avons signé une convention. Nous avons déclaré que nous accorderions notre aide à une personne qui a besoin de protection. Une personne arrive et a besoin de protection, nous devons être en mesure d'accorder cette protection, quel que soit le passé de l'intéressé. En résumé, voilà ce qui m'inquiète.
Comme je l'ai dit, si des situations problématiques surgissent, nous pouvons toujours y faire face; à mon avis, cela vaut mieux que de changer quelque chose qui semble fonctionner de façon satisfaisante en temps normal, c'est-à-dire donner le choix aux gens qui décident de venir au Canada parce qu'ils ont déjà ici des amis, de la famille, ou un autre lien.
Mme Meredith: Mais lorsqu'une personne se trouve aux États-Unis et souhaite venir au Canada parce qu'elle a de la famille ici, cette possibilité est également prévue dans l'accord. On prévoit des exceptions pour les gens qui veulent se joindre à...
M. Clark: Il est certain que cela est prévu dans l'accord dans le cas d'une famille immédiate, mais quand on parle d'«amis ou de famille», cela va souvent plus loin. Les gens pourraient vouloir venir au Canada à cause d'attaches autres que leur famille immédiate, conjoint ou enfant.
Mme Meredith: Je reviens à ce que M. Collins disait: dans ce cas, où doit-on tirer la ligne? À partir de quand décide-t-on que telle raison est suffisante, mais telle autre ne l'est pas? Il faut tirer la ligne quelque part. À mon avis, si ces gens-là ont trouvé protection aux États-Unis depuis plus de dix jours, deux semaines ou trois mois, ils ont trouvé protection, et n'ont pas besoin de demander la protection d'un autre pays. S'ils sont en chemin vers le Canada et qu'ils sont retardés pour une raison ou pour une autre, cet accord prévoit ce genre de chose. Par contre, s'ils ont trouvé protection aux États-Unis, c'est là qu'ils devraient demander asile.
M. Clark: S'ils ont trouvé protection aux États-Unis, il n'y a pas de problème, car ce sont des réfugiés. Le problème...
Mme Meredith: Mais l'important, c'est que pendant les trois ou quatre mois qu'ils ont passés là-bas, ils ont été protégés, et lorsque le moment vient de légitimer leur situation, s'ils ont l'impression que leur excuse n'est pas tout à fait suffisante, ils peuvent décider de demander asile au Canada car nous acceptons deux tiers de réfugiés de plus que les États-Unis. À ce moment-là, ils peuvent décider s'ils ont de meilleures chances d'obtenir le statut de réfugié au Canada.
M. Clark: Je crois que c'est ce dont le professeur Hathaway parlait ce matin. S'ils sont véritablement réfugiés, si les États-Unis refusent de leur accorder protection, nous en tiendrons compte, et je ne vois pas pourquoi ils ne viendraient pas ici demander asile. Le problème se pose lorsqu'on les renvoie aux États-Unis pour des raisons techniques, sans même considérer leur cas.
Mme Meredith: Mais notre système prend cinq ou six ans pour étudier un cas, et cela n'est juste ni pour le système, ni pour l'intéressé. Si les choses allaient plus vite, ce serait peut-être une solution.
M. Clark: Nous sommes parvenus, pour des raisons différentes, aux mêmes conclusions que le professeur Hathaway, c'est-à-dire que si les deux procédures accordaient plus ou moins la même protection, il n'y aurait pas de problème. Les réfugiés, sachant qu'ils seront protégés de la même façon, ne chercheraient pas la meilleure affaire. La solution du professeur améliore la protection dans la région, et c'est ce que nous voulons faire, et elle répond aux préoccupations relatives aux déplacements intéressés des gens.
Mme Meredith: Autrement dit, vous pensez que le Canada doit attendre que le taux d'acceptation aux États-Unis atteigne 72 p. 100, comme au Canada, pour signer une entente quelconque sur cette question.
Les États-Unis ne sont peut-être pas très pressés d'accepter autant de monde que le Canada. Pour être honnête, je pense que beaucoup de gens sont mécontents de notre méthode de détermination du statut de réfugié et pensent qu'on accorde asile à beaucoup de gens qui devraient en fait demander le statut d'immigrant reçu.
À mon avis, c'est à nous de faire quelque chose et non pas à un autre pays d'atteindre notre niveau. Nous devons faire face aux problèmes qui existent déjà, des problèmes qui ont été portés à l'attention du gouvernement, et, certainement, à mon attention. Il faut trouver une solution à ces situations et ceci constitue au moins un début...
M. Clark: Mais je ne comprends toujours pas de quelles situations il s'agit. On ne nous a pas donné de raisons de croire, du moins pas à notre satisfaction, que cette entente est justifiée. Quel est le problème qu'on essaie de résoudre?
Mme Meredith: Des gens m'ont dit... Est-ce que mon temps est écoulé?
La présidente: Le timbre doit retentir à 17 h 15 pour un vote, et j'aimerais donner un peu de temps aux députés de la majorité.
Monsieur Collins.
M. Collins: Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai sous les yeux un document du Comité Inter-Églises pour les réfugiés, et j'aimerais m'y référer. Est-ce votre document?
M. Clark: Oui.
M. Collins: Vous me pardonnerez, mais je lis le paragraphe 3 où vous dites: «À notre avis, les assertions au sujet de cette entente sont frauduleuses.»
Je m'insurge contre cette observation que je trouve franchement acrimonieuse. Vous pouvez penser que certaines révisions s'imposent, mais de là à parler de fraude... Je prends cela très au sérieux.
À mon humble avis, je pense que des révisions sont justifiées. Je suis loin de prendre le travail de ce comité à la légère. Cela dit, quand vous faites ce genre d'observations, je me dis qu'il faut vous donner l'occasion de réfléchir, de revenir en arrière et de reconsidérer.
Madame la présidente, lorsque j'assiste aux séances de ce comité, c'est avec la ferme intention d'écouter toutes les opinions, de quelque côté qu'elles viennent, et je suis désolé de ne pas avoir pu parler au juriste que vous avez entendu ce matin. Cela dit, j'ai de graves doutes quand je lis ce document. Il se trouve que je fais partie d'un des groupes qui est représenté.
J'aimerais que vous développiez les idées qui se trouvent dans ce paragraphe, monsieur.
M. Clark: Prenons la phrase qui suit: «Des personnages officiels ont déclaré que cette entente aurait certains effets et il s'avère que ce n'est pas le cas.» C'est notre opinion.
S'agit-il de fraude, ou non?
M. Collins: Vous dites que les deux phrases vont ensemble. Je ne suis pas certain que la deuxième phrase complète la première. Nous ne sommes pas d'accord. Je suis désolé, il ne s'agit pas de fraude, mais nous ne sommes pas d'accord, quelle que soit la façon dont vous exprimez cela. À mon avis, votre texte est très grave.
M. Clark: Nous avons dit: «Des personnages officiels ont déclaré que l'entente aurait certains effets et il s'avère que ce n'est pas le cas.» Nous avons dit également: «Nous pensons que les assertions au sujet de cette entente sont frauduleuses.»
Il me semble... Je ne sais pas, j'aurais besoin de mon dictionnaire. Peut-être qu'après vérification dans le dictionnaire on pourrait adoucir un peu le terme «frauduleux».
Quant à la phrase «Des personnages officiels ont déclaré que cette entente aurait certains effets et il s'avère que ce n'est pas le cas»... En ce qui concerne l'amélioration des conditions d'asile dans la région, nous essayons d'expliquer les raisons pour lesquelles, à notre avis, cela ne sera pas le cas. D'autres témoins, je crois, sont venus dire que cette entente n'était pas entièrement conforme au droit international.
M. Collins: Permettez-moi de revenir un instant en arrière; ce matin j'ai essayé d'avoir une réponse à cette question; connaissez-vous des cas de gens qui ont cherché la meilleure affaire? J'ai posé la question aux autres, je leur ai demandé s'ils connaissaient des exemples? Je ne sais pas très bien, mais on peut me citer quelque chose que quelqu'un a dit aux États-Unis, ou quelqu'un d'autre, et maintenant, voilà des personnages officiels qui font des déclarations, et on les trouve frauduleuses.
C'est une véritable profession de foi de notre part, si vous me permettez l'expression, lorsque nous lisons ce document. Si vous pouvez me citer des cas de gens qui cherchent à jouer sur plusieurs tableaux, j'aimerais les connaître. Peut-être en a-t-on trouvé. Mme Meredith a dit que certaines personnes tentaient peut-être ce genre de choses.
Je comprends cela, et vous faites partie d'un groupe excellent, vous accomplissez une tâche honorable, mais qu'en est-il de ce processus?
M. Clark: Je peux vous dire pourquoi ils ne cherchent pas à jouer sur tous les tableaux. C'est parce que les agences qui reçoivent les réfugiés et qui leur trouvent un endroit pour vivre lorsqu'ils sont renvoyés aux États-Unis pour attendre, nous disent que ces gens-là viennent au Canada, et n'ont pas demandé asile aux États-Unis et qu'ils n'ont pas l'intention de le faire.
Nous n'avons donc aucune raison d'accepter ce raisonnement. Évidemment, si on nous citait des chiffres, nous pourrions changer d'avis.
M. Collins: D'accord.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions du côté de la majorité?
J'ai moi-même deux ou trois questions à poser puisqu'il nous reste un peu de temps, monsieur Clark.
Pour commencer, j'aimerais savoir si on vous a consultés au cours des deux séries de consultations, celle de Washington et celle qui a eu lieu entre le ministère et les officiels.
M. Clark: Oui.
La présidente: Est-ce que certaines de vos recommandations figurent dans l'accord sous sa forme actuelle?
M. Clark: Oui.
La présidente: Combien de recommandations avez-vous faites et combien ont été retenues?
M. Clark: Il faudrait que je les compte. Certainement pas...
La présidente: Je ne voudrais pas vous mettre sur la sellette, mais est-ce que la majeure partie de vos recommandations ont été retenues?
M. Clark: Pas que je sache. Il existe, toutefois, une entente bien plus ancienne... Effectivement, comme Mme Meredith l'a mentionné, on a fait des efforts pour tenir compte de la famille immédiate dans l'entente actuelle.
La présidente: C'était une des recommandations que vous aviez faites au ministère et au ministre?
M. Clark: Effectivement, dans l'ancienne entente, nous avions signalé cette lacune.
La présidente: Donc certaines de vos recommandations figurent dans cette entente.
M. Clark: C'est possible, oui.
La présidente: Possible. C'est le cas, ou non?
M. Clark: Eh bien, oui, c'est très possible.
La présidente: D'accord.
M. Clark: En fait, on pourrait penser que c'est normal. Mais le problème, c'est que s'il faut apporter 30 changements à l'entente et que 15 changements ont déjà été faits, il est compréhensible que nous soyons toujours ici.
La présidente: Oui, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici pour vous consulter.
M. Clark: Merci.
La présidente: Je tiens à vous remercier d'être venus, et je vous remercie également pour toutes vos observations.
Mesdames et messieurs, la séance est levée jusqu'à jeudi matin.