[Enregistrement électronique]
Le mercredi 30 octobre 1996
[Traduction]
La présidente: Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nous examinons aujourd'hui deux nominations par décret.
Nous recevons, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, M. Kofi Sordzi, commissaire à temps partiel à la section du statut de réfugié du bureau régional de Montréal, et Mme Anita Fuoco Boscariol, commissaire à plein temps à la section du statut de réfugié du bureau régional de Vancouver.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Détendez-vous; ce n'est pas l'inquisition espagnole, contrairement à ce que croient certains. Nous ne sommes ici que pour faire notre devoir dans le cadre du processus démocratique.
Bienvenue également aux membres du comité. Je vous rappelle la décision que j'ai déjà rendue au sujet des nominations par décret. Je serai très stricte quant au genre de questions que vous poserez aux témoins. D'après la décision du Président, elles doivent être...
Oui, monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Puis-je dire quelques mots avant que nous commencions?
La présidente: Non, je vais terminer et je vous céderai ensuite la parole.
M. Nunez: Mais c'est un point préliminaire.
La présidente: J'ai déjà commencé la présentation des témoins. Vous pourrez soulever votre rappel au Règlement à la fin.
M. Nunez: Oui, mais j'aimerais vous laisser savoir que je souhaite que nous discutions de l'interprétation que vous donnez aux articles 110 et 111. Ce que vous lisez est une interprétation de ces articles et non pas les articles tels quels qui, selon moi, sont beaucoup plus larges. L'interprétation que vous en donnez est trop restrictive. Je me demande si nous pourrions en discuter. J'ai quand même l'intention de soulever ce point, probablement lors d'une autre question, parce qu'il ne touche pas seulement les personnes ici présentes, mais toutes nos discussions.
La présidente: Vous pourrez en discuter en premier lieu à une séance du sous-comité si vous le voulez.
M. Nunez: Parfait.
La présidente: Je dois honnêtement vous dire que je ne changerai pas d'opinion, mais nous pouvons en discuter quand même si vous le voulez.
[Traduction]
Je vais vous lire de nouveau la décision rendue par le Président de la Chambre:
- La présidence est d'avis
- - il s'agit du Président de la Chambre -
- que le pouvoir d'examen du comité est étroitement limité aux qualités et compétences requises
pour l'accomplissement des fonctions du poste, et que les questions posées au comité et la
teneur des rapports des comités doivent être strictement pertinentes à ces qualités et
compétences et à l'accomplissement des fonctions.
Nous consacrerons 20 minutes à chaque témoin et nous commençons par M. Sordzi.
[Français]
Je vais commencer par M. Nunez.
M. Nunez: Bonjour, monsieur Sordzi. Vous avez été nommé pour une période d'un an à compter du 3 juin 1996. Vous aviez déjà été commissaire auparavant. J'aimerais vous poser quelques questions à propos de certaines décisions que vous avez rendues et de certaines plaintes que nous avons reçues.
Le juge Pinard de la Cour fédérale tenait les propos suivants concernant la cause Mohamed Zrig contre le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration le 6 juillet 1995:
- Or, une comparaison entre les documents complets et leurs passages cités dans la décision
permet de déceler d'importantes omissions, qu'il s'agisse de ponctuation, de mots ou de
phrases complètes, qui ont pour effet de confondre le lecteur ou même de l'induire en erreur
quant à la véritable source de l'information, quant à l'identité de l'auteur de certaines paroles et
quant à l'existence même de vues opposées à celles reproduites.
M. Kofi Sordzi (membre à temps partiel de la Section du statut de réfugié, Bureau régional de Montréal, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci, monsieur l'honorable député. Il est vrai que j'avais pris plus de 200 décisions au niveau de la Commission.
M. Nunez: J'avais entendu parler de 500 décisions. J'aimerais que vous m'expliquiez, parce qu'entendre 500 dossiers, c'est beaucoup.
M. Sordzi: Merci. Alors, vous me parlez d'une décision particulière dont je n'ai pas la copie devant moi.
M. Nunez: Oui, mais s'il vous plaît, est-ce que...
La présidente: On distribue présentement des copies de la décision, monsieur Sordzi.
M. Sordzi: Vous me dites que cette décision porte sur la cause de M. Zrig.
M. Nunez: Cette personne est originaire du Ghana.
M. Sordzi: Je ne sais pas si la loi nous permet de parler d'une cause particulière, parce que tout est confidentiel.
M. Nunez: Mais la décision est là.
La présidente: Ce serait nous donner beaucoup de liberté et j'ai vu que M. Sordzi était disposé à répondre. J'ai vraiment de la difficulté à comprendre comment nous pourrions discuter de tels cas particuliers tout en respectant les directives que je viens de donner relativement au but de ce comité. Si vous voulez qu'on vote maintenant, je suis prête à tenir un vote sur ma décision.
Il s'agit ici d'un cas particulier et nous ne sommes pas ici pour juger de cas particuliers. Je suis disposée à accepter des questions portant sur le jugement de témoins devant la commission dans des cas généraux, mais pas dans des cas précis.
M. Nunez: J'aimerais qu'il réponde à une...
La présidente: Je ne vois pas la pertinence de faire distribuer ce document aux membres du comité.
M. Nunez: Où est-ce qu'on va se rendre? Ce n'est pas une inquisition ici, madame.
La présidente: Mais c'est exactement la même chose.
M. Nunez: Notre comité a le droit d'examiner les nominations.
La présidente: Mais vous êtes en train, monsieur Nunez...
M. Nunez: Si vous n'acceptez pas ça, je quitte parce que c'est impossible...
La présidente: C'est votre choix, monsieur Nunez.
M. Nunez: Non, non, non. Mais j'aimerais que vous permettiez à l'opposition de poser des questions qui sont très pertinentes au sujet de cette nomination. Il s'agit ici d'une décision qu'il a rendue et d'un jugement très sévère de la part d'un juge de la Cour fédérale.
La présidente: Si on admet qu'il s'agit quand même d'un jugement, de quelle façon ce jugement est-il pertinent au rendement général de M. Sordzi dans l'exercice de ses fonctions?
M. Nunez: Il est pertinent parce qu'il affirme qu'il y a des omissions qu'un commissaire ne peut pas se permettre. Il a confondu le lecteur. Enfin, il y a tellement... J'espère qu'il pourra nous répondre.
La présidente: Monsieur Dromisky.
[Traduction]
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Madame la présidente, je crois qu'il s'agit vraiment d'une indiscrétion au sujet d'un dossier particulier, tiré d'un ensemble de très nombreux dossiers dont s'est occupé le témoin par le passé. Je ne pense pas que nous ayons l'autorisation de la personne en cause dans ce dossier pour discuter de son cas isolément, en rapport avec la compétence du témoin et avec la façon dont ce dossier a été traité.
Nous avons des mécanismes et des procédures à suivre pour ce genre de chose. Autrement dit, il y a une procédure d'appel. Étant donné notre mandat aujourd'hui, je ne pense pas que nous devrions discuter de ses intentions, ici, monsieur Nunez.
La présidente: Merci, monsieur Dromisky. Madame Minna.
Mme Minna (Beaches - Woodbine): Madame la présidente, je crois que M. Nunez peut poser ses questions sans nommer qui que ce soit et sans donner de détails particuliers, pour les besoins du compte rendu. À la Chambre, on ne nous permet pas de donner ce genre de détails. Cela fait partie de nos règles.
M. Nunez peut toutefois certainement poser des questions au sujet des critiques, si j'ai bien compris, se rapportant aux écrits, à la nature du rapport, à sa rédaction, sa clarté, et aux critiques faites par la cour. Cela se rapporte bien à la capacité et au jugement de notre témoin. Peu importe la personne en cause, son origine, son âge et les autres détails au dossier. C'est tout autre chose que les critiques exprimées au sujet de la clarté de la décision rendue. Il faut distinguer entre les deux. Autrement, on risque d'avoir des problèmes.
La présidente: Monsieur Nunez, voulez-vous reformuler votre question?
[Français]
M. Nunez: Oui. Je ne demande pas pourquoi une cause a été rejetée ou acceptée ou pourquoi il a rendu une telle décision. Je parle d'une phrase qui est très sévère à son égard et je pense qu'il devrait répondre à cette question sans mentionner les noms des personnes ou commenter des cas particuliers.
Je déposerai ici d'autres affidavits ultérieurement. Si on ne peut poser ces questions ici, où peut-on le faire?
La présidente: Je crois que nous sommes tous d'accord, monsieur Nunez, que vous avez le droit de poser des questions sur le jugement général des témoins, mais vous n'avez pas le droit de mentionner des noms ou des faits saillants dans chaque cas particulier.
Désirez-vous reformuler votre question? En général, qu'est-ce que vous êtes en train de demander au témoin en ce qui concerne ses compétences pour le poste auquel il a été nommé?
M. Nunez: Sa compétence est strictement liée à ses qualifications comme commissaire. J'ai ici un extrait qui parle de personnes qui réclament le statut de réfugié:
[Traduction]
- 27. Les revendicateurs de statut de réfugié ghanéens craignent beaucoup de comparaître devant
Kofi Sordzi parce qu'il refuse de reconnaître les crimes qui se commettent de nos jours au
Ghana;
- 28. Les revendicateurs de statut de réfugié ghanéens craignent également de témoigner...
[Français]
M. Nunez: C'est un affidavit de M. Nee Okai, qui date du 22 mars 1992...
La présidente: Vous faites encore mention...
M. Nunez: ...fait sous serment.
La présidente: Mais vous faites encore allusion à un cas particulier et mentionnez un nom. Je trouve que nous touchons encore ce que M. Dromisky qualifiait de privacy information
M. Nunez: Ce qui est privé en fait...
[Traduction]
La présidente: C'est un affidavit.
[Français]
M. Nunez: La Cour fédérale est une institution publique. Tout le monde a accès aux décisions qu'elle rend, y compris le nom de la personne et d'autres détails. Les affidavits, c'est la personne qui nous les envoie.
[Traduction]
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna: J'invoque le Règlement, madame la présidente. La confusion règne. En lisant un document, M. Nunez disait que des gens craignaient de comparaître devant le témoin. Je voudrais savoir qui a dit ça, d'où vient ce document. Voilà ma question.
M. Nunez: Je vous montrerai...
Mme Minna: Dites-nous simplement ce qu'il en est, monsieur Nunez. Dites-le à nous tous, pas seulement à moi.
M. Nunez: C'est ce que j'allais faire. Il s'agit...
Mme Minna: Non, c'est un autre document que vous lisiez plus tôt. Je veux savoir quel est cet autre document, le premier que vous avez lu.
M. Nunez: L'autre document était un affidavit...
Mme Minna: Non, celui que vous lisiez. Je le vois d'ici. Je vais...
La présidente: Madame Minna, s'il vous plaît.
[Français]
Voulez-vous poser une question, monsieur Nunez? Le témoin choisira d'y répondre ou pas.
M. Nunez: Oui. Certaines personnes craignent que vous entendiez leur cause parce que vous refusez entre autres de reconnaître que des crimes ont été commis au Ghana. Que répondez-vous à cela?
M. Sordzi: Merci, monsieur Nunez. Vous êtes finalement arrivé à poser une question claire et précise. À propos de l'affidavit dont vous avez parlé...
M. Nunez: C'est moi qui l'ai eu.
M. Sordzi: Tout en gardant la confidentialité qui s'impose, j'aimerais vous lire la décision portant le no A-85-93 que rendait l'honorable juge Joyal de la Cour fédérale qui avait justement statué sur ce que vous avez dit. À la page 2 du texte qui était rédigé en anglais, on peut lire:
[Traduction]
- La Cour ne devrait pas gaspiller trop de temps à donner plus de détails au sujet des piètres
allégations que renferment ces affidavits. En premier lieu, la Cour devrait éviter les tentatives
qu'une personne fait pour apporter au Canada des conflits tribaux qui sont fondés sur des
valeurs ou considérations n'ayant absolument rien à voir avec l'expérience canadienne. Dieu
sait que les collectivités canadiennes font face à suffisamment de conflits internes sans avoir sur
les bras des conflits transplantés. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de
l'administration de la justice au Canada par la voie des tribunaux judiciaires ou administratifs.
La prémisse fondamentale dont dépend le maintien de la crédibilité et de la viabilité de ce
système est que tous les citoyens canadiens qui occupent des charges judiciaires ou quasi
judiciaires laissent derrière eux les affiliations ou préjugés (...) qu'ils pouvaient avoir
auparavant.
Monsieur Nunez, je répondrai à votre question si vous êtes prêt.
M. Nunez: Même si j'étais un ministre tout puissant, je pourrais rester ici tout l'après-midi parce que je trouve que c'est très important. Je ne suis pas d'accord avec vous pour limiter le temps. J'estime que c'est porter peu de respect à une personne que de la faire venir de Vancouver et de ne l'écouter que durant 20 minutes.
M. Sordzi: Basic premise.
La présidente: Notre comité a beaucoup de respect pour tout le monde, monsieur Nunez. Monsieur Sordzi, voulez-vous juste terminer en résumant vos propos?
M. Sordzi: En résumé, il dit:
[Traduction]
- Laisser entendre que M. Sordzi, qui est arrivé au Canada en 1968 et est devenu citoyen canadien
en 1976, ne peut pas, en raison d'une guerre ou d'un conflit ancestral, assumer convenablement,
objectivement et judicieusement les obligations et responsabilités que le législateur lui a
imposées est une aberration.
M. Nunez: En avez-vous une copie? Je vous ai remis une copie de ce que j'ai dit.
[Français]
M. Sordzi: C'est une décision de la cour dont le texte continue. Comme vous pouvez le constater, certaines gens signent des affidavits qui relatent des choses erronées. C'est donc en ce sens que le juge a pris une décision dans une décision datée le 7 avril 1992, en rejetant catégoriquement toute allégation de partialité qui avait été portée contre moi. Tout en respectant la confidentialité, le juge Hugessen, lors d'une décision qui porte le numéro 92-A-2635 dans le dossier M91-11903, avait maintenu ma décision et par la suite, dans la décision 92-A-3851, avait statué sur d'autres allégations portées par un groupe de Ghanéens qui croyaient que je n'étais pas assez objectif.
M. Nunez: N'existe-t-il pas un certain conflit d'intérêts puisque vous êtes originaire du Ghana et que vous entendez des causes du Ghana, où il y a tellement de problèmes? Est-ce que vous avez pensé à cela?
M. Sordzi: Monsieur l'honorable député, quand le Parlement du Canada m'a nommé, il n'a pas émis de restrictions à mon mandat. J'ai été nommé pour entendre des causes et j'étais apte, et je le suis toujours, à décider quelles causes je dois entendre et quelles causes je ne peux pas entendre. Je pense que l'objet primordial, c'est cette responsabilité d'un commissaire de décider quand il y a un conflit d'intérêts entre lui et une cause. C'est l'homme raisonnable, le commissaire ou la commissaire qui décide.
M. Nunez: Vous avez entendu...
La présidente: Le temps qui vous était accordé est écoulé.
[Traduction]
Madame Meredith.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, madame la présidente.
J'hésite un peu même à poser cette question, puisqu'il est évident, à la suite de l'échange entre M. Nunez et le témoin, que celui-ci n'estime pas faire preuve de favoritisme.
J'ai remarqué vos antécédents; vous avez été très actif dans des organismes communautaires et multiculturels. La question que je pose habituellement à des commissaires comme vous est la suivante: avec ce genre d'antécédents, pensez-vous être en mesure de vous distancer de vos relations dans le milieu multiculturel et de considérer vos décisions en fonction de la vérité et l'intérêt du Canada, plutôt qu'en fonction de la sympathie ou de l'empathie que vous éprouvez envers le revendicateur?
M. Sordzi: Merci, madame.
Le Parlement canadien nous a donné un travail à faire et une loi à suivre. D'après cette loi, nous devons étudier un dossier et déterminer si une personne répond aux critères de la convention sur le statut de réfugié. C'est ce que je fais. Je ne prends pas en compte mes sentiments personnels ou de quelconques considérations humanitaires, puisque ce n'est pas mon travail. À moins que le gouvernement modifie la loi et nous donne ce pouvoir, je ne le ferai pas et je n'ai jamais songé à le faire.
Mme Meredith: Vous comprenez donc que vous avez à examiner le dossier des revendicateurs et déterminer s'il cadre ou non avec les critères de la Convention des Nations Unies.
M. Sordzi: C'est exactement ce que je fais.
Mme Meredith: Je présume que vous avez déjà rendu un bon nombre de décisions négatives, sans quoi la discussion que nous venons d'avoir n'aurait pas eu lieu. Sentez-vous qu'on fait pression sur vous pour que vous preniez des décisions positives, ou qu'on vous encourage à le faire? Estimez-vous que c'est vraiment à vous de déterminer si le revendicateur doit ou non obtenir le statut de réfugié?
M. Sordzi: Je vais vous parler de la région de Montréal et de mon expérience là-bas. Il n'y a pas de pression et il n'y en a jamais eu de quiconque, pour qu'une décision soit prise, dans un sens ou dans l'autre. La décision nous revient entièrement.
Personnellement, je trouverais très pénible qu'un vice-président me fasse une suggestion quant à la décision à prendre. Cela ne m'est jamais arrivé et je n'ai jamais entendu parler de cas semblables dans la région de Montréal. J'imagine que c'est partout pareil.
Mme Meredith: Merci.
M. Sordzi: Je vous en prie.
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna: Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir à ce dont nous parlions plus tôt. Il s'agit d'un renouvellement, n'est-ce pas? Depuis combien de temps êtes-vous commissaire, monsieur Sordzi?
M. Sordzi: J'ai été nommé pour la première fois en 1990, pour une période de deux ans, puis de nouveau, en août 1992. En juin dernier, j'ai été nommé pour un poste d'un an à mi-temps.
Mme Minna: Pour revenir à ce dont nous parlions, il est clair d'après votre lecture de l'arrêt de la Cour fédérale que les plaintes ont été réglées par les tribunaux dans certains dossiers précis.
M. Sordzi: C'est exact.
Mme Minna: Au cours de la dernière année, et dans le cadre du processus de renouvellement de votre nomination, dans vos évaluations, vous a-t-on fait des reproches? Vos supérieurs ont-ils constaté certains problèmes, dans le cadre du renouvellement de votre nomination, que ce soit au sujet de ces dossiers ou d'autres choses?
M. Sordzi: Je ne suis pas sûr de comprendre...
Mme Minna: On a recommandé un renouvellement de votre nomination; il doit certainement y avoir un processus d'évaluation de votre travail par votre supérieur. À l'exception des plaintes, d'autres préoccupations ont-elles été soulevées dans le cadre de votre évaluation? Je ne vous demande pas de me la montrer mais de me dire seulement si elle était bonne, mauvaise ou moyenne.
M. Sordzi: En 1994, j'ai eu une bonne recommandation. Les plaintes, comme on les appelle, venaient de particuliers mécontents de mes décisions; la Cour fédérale s'en est occupée.
Mme Minna: Mais vos supérieurs, ceux qui...?
M. Sordzi: Je n'ai jamais eu de problèmes avec mes supérieurs. Je pense qu'ils sont ravis de me revoir.
Mme Minna: Leur évaluation générale était donc positive, de même que le rapport d'évaluation?
M. Sordzi: Oui, c'est exact.
Mme Minna: Bien, c'est tout ce que je voulais savoir.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Dromisky.
M. Dromisky: Merci beaucoup.
Je ne vais pas revenir à toute cette question de votre jugement.
M. Sordzi: Merci.
M. Dromisky: Je ne vais pas porter de jugement sur vous, simplement parce que beaucoup d'autres ont porté des jugements sur votre compétence; si vous n'étiez pas compétent, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.
M. Sordzi: Merci.
M. Dromisky: Voilà qui est fait, passons à autre chose.
Je remarque toutefois, dans votre curriculum vitae, que vous avez oeuvré au sein de nombreux groupes et organisations, et que vous êtes même le cofondateur de certaines d'entre elles. Pensez-vous que ce que vous avez appris dans le cadre de ces expériences, par exemple au sein du groupe de réfugiés auquel vous appartenez, aurait une influence sur votre perception des revendicateurs de statut de réfugié et sur vos décisions, non seulement au sujet des réfugiés mais au sujet des groupes auxquels vous avez été associés au cours des 15 dernières années?
Je ne sais pas si vous pouvez vraiment me répondre de manière précise. En général, avez-vous un penchant pour certains groupes, simplement parce que vous avez travaillé avec un groupe de ce genre, ou parce que vous avez aidé des gens de ce groupe à s'établir au Canada ou parce que vous avez répondu à leurs besoins?
M. Sordzi: Depuis ma nomination, je me suis libéré de mon travail communautaire; je n'ai donc jamais mêlé le travail communautaire et mes responsabilités de commissaire. Par conséquent, je ne peux aucunement sympathiser davantage avec un groupe qu'avec un autre.
Je suis en mesure de porter un jugement sûr. Je savais prendre de bonnes décisions lorsque j'étais dirigeant communautaire et je fais la même chose en tant que commissaire, sans privilégier un groupe plutôt qu'un autre. Le seul critère est le suivant: l'homme ou la femme qui se trouve devant moi correspondent-ils à la définition, oui ou non. C'est tout.
M. Dromisky: Merci beaucoup.
M. Sordzi: De rien.
La présidente: Merci, monsieur Dromisky.
Monsieur Nunez, vous pouvez poser la dernière question, car j'ai vu que vous aviez déjà levé la main, à moins que d'autres membres du comité ne souhaitent interroger le témoin.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez: Depuis que vous avez été nommé en 1990, est-ce que des plaintes ont été portées contre vous?
M. Sordzi: À ma connaissance, il n'y a pas eu de plainte. J'ai même vérifié auprès du bureau de mon vice-président avant de venir ici aujourd'hui et à ma connaissance, aucune plainte n'a été portée.
M. Nunez: Et les affidavits que j'ai mentionnés, vous ne les connaissiez pas?
M. Sordzi: Quant à moi, ces affidavits émanent d'individus qui n'apprécient pas le fait que je suis commissaire. Ce sont des gens qui se recherchent et je ne tiens pas compte de cela. D'ailleurs, la Cour fédérale, qui a une autorité plus reconnue, a statué à cet égard.
Dans une autre décision, un juge a qualifié l'avocat et les gens qui présentaient ces dossiers avec les affidavits comme des pamphleteers, comme on dit en anglais. C'est une chose assez intéressante. Pour moi, ce ne sont pas des plaintes.
M. Nunez: Ah, oui!
La présidente: Monsieur Nunez, c'était votre dernière question. Vous avez posé la même question qu'au début.
Au nom des membres du comité, merci beaucoup, monsieur Sordzi.
M. Sordzi: Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente: Avez-vous quelques mots à adresser aux membres du comité?
M. Sordzi: Je voudrais simplement remercier le comité de son invitation. Ce fut une discussion assez fructueuse. Je vous remercie.
La présidente: Nous vous souhaitons beaucoup de succès et bonne chance dans l'exercice de vos nouvelles fonctions.
[Traduction]
Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant - et je vous prie de m'excuser si j'ai écorché votre nom - Anita Fuoco Boscariol, avocate de métier.
Mme Anita Fuoco Boscariol (Section du statut de réfugié, bureau régional de Vancouver, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Boscariol. C'est ainsi qu'il faut le prononcer.
La présidente: Soyez la bienvenue. Je vais donner la parole en premier à Mme Meredith, car c'est sur son initiative que ce témoin a été invité par le comité.
Mme Meredith: Merci, madame la présidente.
J'ai examiné votre curriculum vitae. Je n'y trouve guère d'expérience dans le domaine de l'immigration si ce n'est en tant qu'avocate, et encore cela représente un dixième de vos années d'expérience. Qu'est-ce qui vous permet de croire que vous avez l'expérience voulue pour jouer un rôle utile à la CISR?
Mme Boscariol: Tout d'abord, étant avocate, je connais bien le droit administratif, les règles de la preuve et les règles de la justice naturelle et de l'équité, autant de choses importantes pour effectuer le travail lié à un tribunal quasi judiciaire ou un tribunal ordinaire.
J'ai présidé le Comité des relations raciales de la ville de Vancouver. J'ai siégé à ce comité pendant cinq ans et j'en ai été la présidente pendant deux ans. Le comité a examiné des dossiers en rapport avec les questions d'immigration.
En outre, j'ajoute que pour rendre des décisions dans un domaine donné, il peut être utile de connaître à fond le domaine en question, mais il arrive fréquemment que les décideurs soient appelés à trancher des questions qui ne relèvent pas de leur spécialité.
Prenons l'exemple des tribunaux. Il arrive souvent que des juges qui se sont spécialisés dans le droit pénal soient appelés à trancher des litiges au civil ou en matière commerciale et des questions qu'ils ne connaissaient pas jusque-là.
J'apporte avec moi une connaissance générale et globale de la procédure judiciaire, ainsi qu'une expérience pratique du travail avec des immigrants. En outre, je rappelle que je suis moi-même immigrante. J'ai grandi dans une communauté et je suis particulièrement sensible aux problèmes auxquels se heurtent les immigrants.
Mme Meredith: Avez-vous été informée de ce poste par la publicité?
Mme Boscariol: Je savais que la commission existait. Je voulais présenter ma candidature pour devenir commissaire. J'ai tout d'abord présenté une demande à la commission il y a trois ans. Le curriculum vitae que vous avez sous les yeux date de cette époque, il n'est pas à jour.
Des responsables de la commission m'ont écrit il y a environ trois ans, peu de temps après ma demande initiale. On m'a dit que mon curriculum vitae serait conservé dans les dossiers. Puis j'ai fini par être rappelée au début de l'année, j'ai été convoquée à une entrevue pour un poste par le biais du comité Fairweather et j'ai ensuite été nommée en août dernier.
Mme Meredith: À votre avis, le fait que votre mari soit président de l'Association libérale de la Colombie-Britannique vous a-t-il aidée à franchir les premières étapes de la sélection pour cette nomination.
Mme Boscariol: Je ne sais pas si cela a joué ou non.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Dromisky): Passons maintenant au parti ministériel.
Mme Minna: Merci, monsieur le président.
J'ai remarqué que vous avez beaucoup travaillé auprès des collectivités autochtones du Canada. Cet aspect de votre expérience m'intéresse vivement. À votre avis, en quoi cette expérience, cet engagement vous seront-ils utiles dans l'étude des dossiers de réfugiés?
Mme Boscariol: Cette expérience m'a appris en tout cas à être très sensible aux différences culturelles. Lorsque j'ai commencé à travailler auprès de collectivités autochtones, par exemple, j'ai remarqué surtout parmi les aînés qu'ils ne me regardaient jamais dans les yeux quand je leur parlais. Lorsqu'on vient d'une culture d'Europe centrale, on pense que lorsqu'une personne refuse de vous regarder dans les yeux c'est qu'elle cherche à se dérober ou autre, mais grâce à cette expérience j'ai appris que c'est en fait un signe de respect pour les membres de cette collectivité. Si l'on s'adresse à une personne que l'on considère comme occupant un poste d'autorité, on ne la regarde pas dans les yeux. Ce serait considéré comme un manque de respect envers cette personne.
Ce n'est qu'un tout petit exemple des expériences vécues qui m'ont permis d'être sensible du point de vue culturel aux diverses façons d'aborder certaines situations.
Mme Minna: Est-ce votre expérience au Comité des relations multiculturelles ou raciales qui explique votre intérêt pour ce poste? Pourquoi avoir choisi ce domaine particulier pour exercer votre profession plutôt qu'un domaine privé plus lucratif? Qu'est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans ce domaine?
Mme Boscariol: Oui, le fait d'avoir fait partie du Comité des relations raciales et d'avoir examiné les questions d'immigration dont était saisi le conseil municipal, par notre entremise, a accru mon intérêt pour ce domaine. Je le répète, le fait d'être moi-même immigrante et d'avoir été élevée dans une communauté d'immigrants contribue également à cet intérêt.
Mme Minna: Merci.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci.
Y a-t-il d'autres questions du côté libéral? Très bien, nous redonnons la parole à M. Nunez.
M. Nunez: Parlez-vous français?
[Français]
Mme Boscariol: Oui, je parle français, mais je préfère parler en anglais; c'est plus facile pour moi.
M. Nunez: Comme vous voulez.
Votre époux, qui est président de l'Association libérale de la Colombie-Britannique, a-t-il contacté des personnes au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ou à d'autres niveaux avant votre nomination?
[Traduction]
Mme Boscariol: Je n'ai rencontré que la personne qui m'a fait passer l'entrevue pour le poste, soit en l'occurrence le vice-président adjoint de la section d'appel.
M. Nunez: Vous n'avez rencontré personne de Citoyenneté et Immigration avant d'être nommée?
Mme Boscariol: Non, il y eu simplement un échange de correspondance. J'ai présenté ma demande par écrit et j'ai reçu des réponses également par écrit.
M. Nunez: Avez-vous écrit au ministre?
Mme Boscariol: Au départ, j'ai envoyé mon curriculum vitae et la lettre d'accompagnement au cabinet du ministre. La seule adresse que j'avais pour envoyer ma lettre était celle du cabinet du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de l'époque, lequel l'a transmise à la commission.
M. Nunez: Avez-vous reçu une réponse du ministre?
M. Boscariol: Non, mon curriculum vitae a été transmis à la commission et toute la correspondance que j'ai reçue ensuite passait par elle.
[Français]
M. Nunez: Avez-vous déjà commencé à entendre des dossiers?
[Traduction]
Mme Boscariol: Oui. Mes premières auditions ont eu lieu en septembre, au départ dans le cadre d'un tribunal de trois membres. Pour corriger ce qu'a dit le président, je précise que je siège à la section d'appel de l'immigration et non à la section du statut de réfugié au sens de la convention. J'ai donc participé au début à un tribunal de trois membres, et depuis quelque temps, je siège seule.
[Français]
M. Nunez: Connaissez-vous la directive de la CISR qui parle des femmes qui présentent une demande de statut de réfugié et invoquent comme motif leur sexe ou d'autres considérations, comme le fait d'être victimes de violence conjugale?
[Traduction]
Mme Boscariol: Je sais qu'il existe des directives mais j'ai une connaissance très superficielle de la section du statut de réfugié car ce n'est pas là que je travaille.
[Français]
M. Nunez: Combien de dossiers avez-vous entendus jusqu'à présent?
[Traduction]
Mme Boscariol: Laissez-moi calculer. Je peux le faire sur mes doigts. Il y en a eu sept.
M. Nunez: Combien en avez-vous acceptées et combien en avez-vous refusées?
Mme Boscariol: Une seule de mes décisions a été menée à terme, de sorte que la plupart des dossiers qui m'ont été soumis n'ont pas encore fait l'objet d'une décision définitive. Le tout premier est sur le point de prendre fin, mais je ne peux pas vous faire part de la décision puisque l'affaire n'est pas encore réglée.
M. Nunez: Quand avez-vous débuté? Le 12 août?
Mme Boscariol: Oui, le 12 août.
[Français]
M. Nunez: Avez-vous suivi une période de formation?
[Traduction]
Mme Boscariol: Lorsque j'ai débuté en août, j'ai participé à des réunions seul à seul avec des représentants des services juridiques pour discuter des questions générales touchant le droit de l'immigration et des articles précis de la loi et des règlements en rapport avec le travail que j'allais faire. À la suite de ces réunions, j'ai d'abord siégé, je le répète, avec deux autres commissaires. Je viens de terminer un cours de deux semaines à Toronto; il s'agissait d'un examen approfondi des renseignements que je dois connaître pour assumer mes fonctions.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci, monsieur Nunez. Mme Meredith est la suivante.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président.
Le fait que vous siégez à une commission fédérale alors que votre mari se prépare à se présenter sous la bannière du Parti libéral aux prochaines élections ne vous place-t-il pas en situation de conflit d'intérêts potentiel?
Mme Boscariol: J'aimerais discuter de cette question de conflit d'intérêts avec le conseiller en éthique ou un représentant de son bureau pour savoir exactement ce qu'il en est. Mon opinion personnelle est que je ne suis pas la prolongation de mon mari. Je suis une personne à part entière, et partant, capable de faire mon travail et de prendre des décisions selon mes compétences, indépendamment de lui.
Mme Meredith: Ne croyez-vous pas que vous pourriez faire l'objet de pressions pour rendre des décisions positives pour qu'il n'y ait pas de retombées négatives sur son choix de carrière?
Mme Boscariol: Jusqu'ici mon expérience m'a appris qu'il n'y a aucune pression pour ce qui est de rendre des décisions. Nous sommes des décideurs indépendants, en théorie comme dans les faits. La teneur des décisions que je rédige et que je rends ne doit rien au vice-président adjoint ou à qui que ce soit d'autre. Je suis un décideur indépendant.
Mme Meredith: Vous ne pensez donc pas être l'objet de pressions externes en vue de vous amener à rendre des décisions plus positives?
Mme Boscariol: Non. Comme vous avez pu le lire dans mon curriculum vitae, j'ai déjà été fonctionnaire. Je suis une professionnelle et je peux départager mon opinion personnelle de mes obligations professionnelles, et d'ailleurs, je le fais constamment.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Dromisky): Monsieur Godfrey.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Je voudrais poser une question de nature générale. Vous êtes une nouvelle venue dans le domaine puisque vous n'avez participé qu'à sept audiences. Qu'est-ce qui vous a étonnée le plus par rapport à vos attentes? Y a-t-il quelque chose qui vous est apparu différent de ce à quoi vous vous attendiez?
Mme Boscariol: De façon générale, le processus est plus ou moins comme je m'y attendais. Mais ce que j'ai sans doute sous-estimé, c'est la difficulté intrinsèque de ce travail. Il est très difficile de rendre des décisions et de les rédiger. Chose certaine, étant donné que j'en avais déjà lues, je n'aurais pas cru que ce serait aussi ardu, mais c'est un défi fantastique. Je l'accepte volontiers, et j'aime énormément ce que je fais.
Mme Godfrey: Croyez-vous que cette difficulté tient au fait que vous êtes nouvelle, et qu'à mesure que vous prendrez confiance...? Ou pensez-vous que cela continuera d'être une tâche difficile?
Mme Boscariol: Non, je pense que les choses deviendront plus faciles et d'ailleurs, mes collègues m'ont dit que c'était le cas. Comme je l'ai déjà dit, c'est le défi qui est difficile à relever, mais cela n'empêche pas que je pense beaucoup de bien de ce poste. Je suis très honorée et heureuse d'avoir l'occasion de travailler dans ce domaine.
M. Godfrey: Merci.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup, monsieur Godfrey.
J'aimerais remercier les témoins et, au nom de la présidente, j'aimerais exprimer une opinion. Je suis très heureux des réponses que vous avez données aux questions parfois épineuses qui vous ont été posées, démontrant clairement en cela à tous les députés que l'on avait pris de bonnes décisions. Vous avez su faire la preuve de votre compétence et de votre intégrité dans les rôles que vous assumez à l'heure actuelle.
Au nom du comité, mes meilleurs souhaits vous accompagnent pour les années à venir, et j'espère que vous continuerez d'être heureux dans vos fonctions de membre de la commission d'appel.
Mme Boscariol: Merci.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup. La séance est levée.