[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 décembre 1996
La présidente: Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se réunit. Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nous étudions des nominations par décret en conseil.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Jean Prévost, membre à temps plein de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Bienvenue, monsieur Prévost.
[Traduction]
Si vous voulez nous lire un exposé, allez-y.
M. Jean Prévost (membre à plein temps, Section du statut de réfugié, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci, madame la présidente. Si je souhaite vous faire un exposé, c'est que ma nomination remonte au 28 octobre et, comme j'ai très peu d'expérience dans ce domaine, j'ai pensé qu'il serait utile que je fasse cet exposé qui, je crois, vous donnera une assez bonne idée de qui je suis et de mes antécédents professionnels.
[Français]
Lorsqu'on m'a abordé pour ce poste, on m'a dit que la Commission de l'immigration et du statut du réfugié s'intéressait à des candidats ayant une formation autre que dans les secteurs juridique, de l'immigration et des activités communautaires, et que l'on s'intéressait à des candidats ayant acquis, au fil des années, une expérience professionnelle leur permettant de bien écouter, de bien analyser la globalité des faits et de formuler des recommandations claires et précises.
De plus, on m'a clairement fait savoir que le candidat devait absolument être un homme d'équipe, un team player, être impartial, avoir du tact, de la maturité, être intègre et posséder beaucoup d'entregent. Je me suis senti attiré par cette description et j'ai fait parvenir mon curriculum vitae à qui de droit.
Donc, je suis un citoyen et non pas un spécialiste. J'ai l'expérience et le vécu nécessaires, les aptitudes et l'intérêt d'apprendre la loi, les règles et la jurisprudence afin de les appliquer de façon équitable et judicieuse. Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Prévost, et bienvenue.
Nous allons commencer par M. Nunez. Je veux rappeler aux membres que les seules questions pertinentes, comme je l'ai déjà dit dans le passé, sont celles concernant les nominations par décret en conseil. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je relise le Règlement de M. Fraser.
Monsieur Nunez, vous avez 10 minutes.
M. Nunez (Bourassa): Vous savez que nous avons une autre interprétation du Règlement.
La présidente: Oui, mais c'est moi qui suis la présidente, pour le moment en tout cas.
M. Nunez: Oui, mais un jour, vous pourrez nous quitter.
Toutes mes félicitations, monsieur Prévost, pour votre nomination. J'ai lu avec beaucoup d'attention votre très bref curriculum vitae. Je dis «bref» parce que les études ne sont même pas mentionnées.
M. Prévost: Les quoi?
M. Nunez: Vos études. Votre formation académique.
M. Prévost: Oui, d'accord.
M. Nunez: Par contre, il est mentionné que vous avez été vice-président du Parti libéral du Canada et directeur des communications du Parti libéral du Canada aux élections fédérales de 1979-1980, que vous avez gagnées, et à celles de 1984, que vous avez perdues.
M. Prévost: Il faut savoir gagner et perdre avec élégance, monsieur.
M. Nunez: Par contre, dans votre curriculum vitae, il n'est indiqué nulle part que vous avez une expérience en matière d'immigration, en matière de réfugiés et en matière de communautés ethnoculturelles.
Comme vous êtes un conseiller en communication et en relations publiques, ma première question sera de vous demander quel rôle le parti a joué dans votre nomination.
M. Prévost: Je vais vous surprendre. On m'a approché, comme je vous l'ai dit tantôt, pour savoir si, oui ou non, ce poste m'intéressait et si j'avais l'intention de présenter ma candidature. La personne qui m'a approché pour ce poste a une grande expérience des tribunaux administratifs. C'est une personne qui a mis sur pied des tribunaux administratifs, qui a fait partie du Tribunal de l'aviation civile, qui est devenue présidente du Tribunal de l'aviation civile et qui est maintenant la représentante du Canada à l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Il a semblé à cette personne que j'étais un bon candidat parce qu'au cours de ma carrière, j'avais fait ceci ou cela, et elle m'a demandé d'y réfléchir et d'envoyer mon curriculum vitae si cela m'intéressait.
J'ai répondu qu'en effet, tout les questions relatives aux relations humaines m'intéressaient et j'ai envoyé mon curriculum vitae. Deux ou trois semaines plus tard, j'ai reçu un coup de téléphone du représentant de la Commission et je l'ai rencontré. J'ai passé trois heures avec lui. Nous avons discuté de toutes sortes de choses, puis je suis parti. Ensuite, on m'a appelé au mois d'octobre pour me proposer le poste. Voilà comment cela s'est fait.
M. Nunez: Avez-vous contacté quelqu'un ou quelqu'une du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration?
M. Prévost: La seule personne avec qui j'ai pris contact, c'est la personne qui m'a interviewé, M. Jean-Pierre Gaboury, qui est adjoint au vice-président de la région d'Ottawa et de la région des Maritimes. Il représentait, à ce moment-là, la Commission Fairweather.
M. Nunez: Mais je parle du ministère.
M. Prévost: Non, c'est tout.
M. Nunez: Depuis 1994, vous êtes membre du comité de sélection des agences de publicité pour chacun des ministères du gouvernement du Canada. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails à ce sujet? Est-ce que vous l'êtes encore ou non?
M. Prévost: Non, non, c'est terminé. Mais je peux vous expliquer si ça vous intéresse.
M. Nunez: Oui.
M. Prévost: Le gouvernement a formé un comité pour qu'on puisse étudier de façon très objective les demandes faites par les agences de publicité.
Le processus fonctionne de la façon suivante. Vous avez deux représentants du ministère des Travaux publics, deux représentants de l'entreprise privée et deux représentants du ministère en question. Chaque ministère a des objectifs, des stratégies et des besoins en communication. Ces besoins-là sont publiés dans les journaux en général, et les agences de publicité surveillent ce genre d'annonces - à Ottawa, c'est l'Advertising and Public Opinion Research Sector - et font parvenir des présentations sur des projets définis. Nous faisons partie du groupe qui établit ce qu'on appelle une short list, ou une liste plus restreinte.
M. Nunez: Mais qui vous a nommé à ce comité?
M. Prévost: Encore une fois, on m'a appelé parce qu'on me connaissait. On connaissait mon background et quelqu'un de l'Advertising and Public Opinion Research Sector m'a appelé en me disant que je leur avais été recommandé. Par qui? Je ne le sais pas.
M. Nunez: C'est quelqu'un du gouvernement?
M. Prévost: Oui, c'est quelqu'un du ministère des Travaux publics qui m'a appelé, parce qu'il me connaissait.
M. Nunez: Mais pourquoi en 1994 et pas avant?
M. Prévost: En 1994?
M. Nunez: C'est marqué là.
M. Prévost: Oui, d'accord. Je ne sais pas. Ils m'ont appelé en 1994. Il est probable qu'avant, on terminait les anciens contrats.
M. Nunez: En ce qui concerne ma question précédente, est-ce que vous avez une certaine expérience en matière d'immigration, de réfugiés et des communautés culturelles?
M. Prévost: Aucune. Comme je vous disais tantôt, lorsqu'on m'a approché, on m'a dit qu'on cherchait des gens qui avaient une formation autre que dans les secteurs juridique, des communautés et de l'immigration. C'est la raison pour laquelle j'ai fait la demande.
M. Nunez: Mais est-ce que vous avez déjà lu la Convention de Genève?
M. Prévost: Oui, je l'ai lue.
M. Nunez: Avez-vous déjà eu une formation ou su vous êtes en période de formation?
M. Prévost: C'est ça. J'ai lu la Convention de Genève.
La présidente: Il a déjà une formation, monsieur Nunez.
M. Nunez: Laquelle?
La présidente: Notre comité.
M. Nunez: Ah, oui! Vous avez rencontré un comité ou une personne?
M. Prévost: Comme je vous le disais, j'ai rencontré une personne, M. Gaboury, qui était le représentant du Comité Fairweather.
M. Nunez: Est-ce que vous pouvez nous donner le nom de cette personne de l'OACI?
M. Prévost: Oui, si vous le voulez. Son nom est Mme Ghislaine Richard. C'est la représentante canadienne.
M. Nunez: La représentante du Canada auprès de l'OACI?
M. Prévost: C'est exact. C'est la représentante canadienne auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale. Leur nouveau siège social vient d'être inauguré à Montréal. Je m'attendais d'ailleurs à votre question et je lui avais demandé la permission de citer son nom au cas où, et elle m'a dit qu'elle en serait heureuse. Voilà.
La présidente: C'est très bien, merci.
M. Nunez: Qu'est-ce que vous avez à apporter à la CISR comme commissaire, puisque vous n'avez pas de connaissances spécifiques en matière d'immigration, de réfugié ou de communautés culturelles?
M. Prévost: C'est une excellente question. J'ai assisté à de nombreuses audiences et je me suis rendu compte que pour être juste et équitable, et surtout pour être capable de rendre un bon jugement, il faut savoir écouter. Il faut être capable de bien analyser les faits, d'aller chercher les points saillants et de rendre des décisions. Je vais vous dire, monsieur, que j'ai fait cela pendant 25 ans de ma vie et que je me sens très sûr et très compétent dans ce domaine. Il faut aussi savoir rédiger, et j'ai fait cela pendant plusieurs années également.
Après ce que j'ai vu, puisque je suis allé en salle d'audience et que j'ai bien fait l'exercice de préparer les causes et de voir si j'étais capable d'analyser la preuve, je peux vous assurer que je serai un très bon commissaire.
M. Nunez: Pour n'avez-vous mentionné aucune formation académique dans votre CV? On ne sait pas ce que vous avez fait comme études ni si vous êtes allé à l'université, parce qu'il n'y a rien d'écrit.
M. Prévost: C'est pour faire un acte d'humilité. Je me disais...
La présidente: Vous l'avez enlevé de votre CV.
M. Prévost: C'est cela. Voyez-vous, j'ai pensé qu'à un moment donné, quand on a 57 ans, les gens ne se souviennent plus des universités auxquelles on est allé ou les baccalauréats qu'on a acquis n'existent plus, et je me suis dit que, vu que j'ai été président de compagnies, vu que j'ai des associés à New York, vu que j'ai fait affaire au niveau mondial et au niveau international, vu que j'ai été directeur de plusieurs compagnies, vous prendriez pour acquis que j'avais un bon background académique.
D'ailleurs, c'est comme ça que les gens font aujourd'hui. La nouvelle façon de faire un curriculum vitae, c'est d'être clair, bref et précis et de dire ce qu'on essaie de réaliser aujourd'hui, et non pas ce qu'on a fait il y a 20 ans. C'est tout.
La présidente: Monsieur Nunez, vous pouvez poser une dernière question.
M. Nunez: Mais êtes-vous allé à l'université, oui ou non?
M. Prévost: Oui, je suis allé à Loyola.
M. Nunez: Très bien.
M. Prévost: Merci.
[Traduction]
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, madame la présidente.
Je suis un peu prise de court puisque, normalement, je signalerais qu'il est très difficile pour quelqu'un qui a eu une expérience extrême avec des groupes d'intérêts et des groupes oeuvrant dans le secteur de l'immigration de prendre des décisions objectives, mais je constate que vous n'avez aucune expérience ni aucune relation passée quelle qu'elle soit avec de tels groupes de pression ou multiculturels. Je trouve cela rafraîchissant, parce que ce sont généralement des gens de cette catégorie qui se présentent à la Commission. Je trouve que c'est une approche nouvelle et rafraîchissante.
La réserve que j'ai tient à vos liens avec le gouvernement. Cela me déplaît que des commissions comme celle-ci permettent au gouvernement d'y nommer leurs amis pour les récompenser de leurs efforts et de leurs activités au profit du parti ministériel, le Parti libéral. Cela me préoccupe donc un peu.
Je trouve qu'il est bon que les commissions soient obligées de se tourner vers la population en général pour trouver des gens qui jetteront un éclairage un peu différent sur le processus décisionnel, mais je veux vous poser la question suivante. Croyez-vous que votre nomination est la récompense de votre rôle auprès du Parti libéral?
M. Prévost: Je dirai ceci: heureusement que nous sommes nombreux à participer à la vie politique du pays. Nous ne le faisons pas par obligation, mais par intérêt. C'est une façon de faire une contribution importante à la société. J'ai fait ce que j'ai fait pour le Parti libéral avec énormément d'enthousiasme. Pour être vice-président d'un parti, il faut en être fier et il faut aussi être fier de ses réalisations.
Si vous étudiez de plus près mon curriculum vitae, vous verrez que je n'ai pas été très actif depuis que nous avons perdu l'élection de 1984. Le groupe auquel j'étais affilié - Pierre Trudeau, Marc Lalonde, André Ouellet et les autres - sont tous partis et nous avons maintenant de jeunes députés et ministres que je n'ai pas connus à l'époque, ou si peu.
Par conséquent, ma nomination a été motivée pour les raisons que j'ai décrites plus tôt. Une personne qui a une grande expérience de ces tribunaux m'a pressenti et m'a donné une description de leur travail, et j'ai jugé que je pourrais jouer un rôle significatif. D'ailleurs, ce pourrait être pour moi le début d'une seconde carrière, et cela me plairait énormément.
Mme Meredith: Je vous remercie de votre réponse franche. J'espère certainement que, comme représentant de la population en général, vous influencerez les décisions en conséquence.
Cela me préoccupe de voir que ces dernières années les représentants de la CISR étaient étroitement associés aux milieux des réfugiés et des immigrants. C'est rafraîchissant de voir qu'on fait maintenant appel à de simples citoyens pour assurer un certain équilibre, pas nécessairement pour présenter systématiquement le point de vue contraire, mais pour mieux équilibrer le processus décisionnel.
Je vous souhaite bonne chance et j'espère que cette seconde carrière vous plaira.
M. Prévost: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une dernière chose. Cette nouvelle carrière fait naître en moi un enthousiasme renouvelé et cela me rappelle ce que je ressentais et la vigueur que j'avais quand je me suis lancé dans la publicité. J'ai l'intention de consacrer beaucoup de temps et d'efforts à cette carrière et j'espère que je ferai du bon travail. Je vous avouerai très franchement que j'ai très hâte.
Merci.
La présidente: Monsieur Dromisky.
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Vous avez répondu à la deuxième partie de ma question lorsque vous avez décrit la façon dont vous percevez ce rôle et...
M. Prévost: C'est sans doute à cause de mes cheveux gris.
Des voix: Ah, ah!
M. Dromisky: Non, non, il ne s'agit pas des commentaires que vous avez faits au sujet des jeunes qui siègent à la Chambre des communes actuellement. Je veux parler du rôle que vous devrez jouer et de la façon dont vous percevez ce rôle. Vous avez déjà dit que vous ressentez énormément d'enthousiasme et que vous y voyez un grand défi à relever.
Vous n'avez pas encore eu le temps de rencontrer de clients, n'est-ce pas?
M. Prévost: Qu'entendez-vous par clients?
M. Dromisky: Les gens qui se présentent devant la Commission.
M. Prévost: Les demandeurs de statut?
M. Dromisky: Oui.
M. Prévost: Non, pas encore. Je compte siéger pour la première fois en janvier. On nous forme et on nous prépare très bien, de telle sorte que quand nous prenons notre place et que nous assumons notre rôle, nous pouvons agir très efficacement. Ainsi, je suis toujours en formation, mais cela me plaît.
M. Dromisky: Y a-t-il des différences entre la façon dont vous imaginiez votre rôle et ce que l'on vous décrit dans le cadre de la formation? Y a-t-il des différences ou des grands contrastes ou des aspects qui vous laissent perplexe?
J'essaie de me faire une meilleure idée de la préparation qu'on vous fait subir pour ce rôle.
M. Prévost: Pour ce qui est de ma préparation, j'ai tenté de la décrire quand j'ai parlé de mes antécédents professionnels.
M. Dromisky: Oui, je comprends cela - on pourrait dire que vous êtes un citoyen du monde, un érudit, étant donné vos antécédents et votre expérience - mais j'essaie d'obtenir davantage de détails sur votre rôle précis en ce qui a trait aux fonctions administratives, au processus décisionnel, etc., et le genre de formation que l'on vous fait subir actuellement. Comme cela se compare-t-il à l'idée que vous vous faisiez du rôle que vous seriez appelé à jouer?
M. Prévost: La façon dont je percevais mon rôle avant d'arriver à la Commission ou la façon dont je perçois mon rôle quand je m'acquitte de mes fonctions?
M. Dromisky: Vous aviez sans doute des idées toutes faites de ce que serait votre rôle. Vous participez maintenant à des stages de formation. L'idée que vous aviez de votre futur rôle a-t-elle changé de quelque façon?
M. Prévost: Je peux voir que c'est un tribunal très sérieux. Les gens que j'ai rencontrés sont extrêmement dévoués à leur tâche et visent à l'excellence et à l'équité. Ils comprennent très bien que la vie de ces personnes dépendra d'eux et ils y sont très sensibles. Toutefois, ils comprennent aussi que les parlementaires légifèrent et que les tribunaux font respecter la loi et ils sont donc très conscients de leurs responsabilités à l'intérieur de ces paramètres.
Comme je l'ai dit, j'ai assisté à un certain nombre d'auditions. Je comprends la gravité du travail que j'aurai à accomplir et je n'en ai pas été surpris. Je viens d'une famille de magistrats. Mon père siégeait à la Cour du Banc de la Reine et j'ai des oncles qui sont jugés à la Cour suprême, etc. La loi elle-même m'est familière ainsi que la nature des tribunaux. Je m'attendais à ce que ce soit un travail très sérieux et je n'ai donc pas été surpris.
M. Dromisky: J'aimerais expliquer, madame la présidente, pourquoi j'ai posé ces questions.
M. Prévost: J'aimerais bien le savoir.
M. Dromisky: C'est tout simplement que les gens que nous avons rencontrés ici dans le passé avaient des antécédents comme ceux dont a parlé Mme Meredith. Ils avaient oeuvré auprès de groupes communautaires, ethniques, des groupes et des organisations multiculturels, ainsi de suite. Ils nous arrivaient avec une certaine expérience qui, qu'ils aient voulu l'admettre ou non, allait avoir une influence directe sur la façon dont ils percevaient leur rôle. Je trouve vos réponses très rafraîchissantes, parce que vous n'avez pas tout cela. Vous avez des antécédents professionnels bien différents. La réponse que vous m'avez donnée était très intéressante. Merci.
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna (Beaches - Woodbine): Merci.
Madame la présidente, j'aimerais faire un commentaire plutôt que de poser une question à notre témoin. Au départ j'allais réagir à ce que disait Mme Meredith, mais je vais maintenant réagir aussi à ce que disait mon collègue, M. Dromisky.
Chacun de nous dans cette pièce appartient à telle ou telle communauté multiculturelle, et nous avons donc tous des idées qui reflètent cela, que nous voulons l'admettre ou non. Ensuite, le fait qu'une personne ait une longue expérience - j'ai moi-même travaillé dans le domaine des programmes d'établissement des immigrants - ne signifie pas qu'elle a des idées préconçues et des positions arrêtées et qu'elle sera donc incapable d'être objective. Il s'agit de gens professionnels et intelligents. Je soupçonne que la possibilité de comprendre la composition de ce pays est un atout plutôt qu'un handicap lorsqu'il s'agit de faire l'analyse des dossiers. Parfois c'est le contraire qui se produit quand on en sait trop et qu'on peut voir plus rapidement où réside le problème.
Je voulais tout simplement dire que j'accepte mal la façon dont sont dépeints à cette réunion les candidats qui appartiennent à ces prétendues communautés multiculturelles. Voilà ce que je voulais dire.
M. Dromisky: Nous le disons sans vouloir être désobligeants.
Mme Minna: Je tenais à faire cette mise au point publiquement, madame la présidente. Merci.
Mme Meredith: Chacun a droit à son opinion.
La présidente: Merci.
[Français]
Comme je voudrais terminer à 17 h et qu'il y encore deux témoins, je vous permets une dernière question.
M. Nunez: J'aimerais que la CISR demande un curriculum vitae standard avec mention de la formation académique. Ces curriculums sont parfois très brefs, parfois très longs, et je pense qu'ils devraient être présentés de façon standard.
Le président: Oui, mais M. Prévost vous a dit que c'était la nouvelle façon de faire. Je vous ferai remarquer que vous avez déjà parlé de cela, monsieur Nunez.
M. Nunez: Deuxièmement, pourquoi vous a-t-on nommé pour deux ans? Est-ce parce que vous n'avez pas beaucoup d'amis au sein du gouvernement? D'autres commissaires sont nommés pour quatre ans.
[Traduction]
La présidente: À mon avis, c'est irrecevable. Merci.
[Français]
Merci beaucoup. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos nouvelles fonctions et bonne chance pour le nouveau défi que vous avez accepté au nom du Canada.
M. Prévost: Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Il me faut l'autorisation des membres du comité. Jeudi nous occuperons deux créneaux horaires et quelqu'un a proposé que nous fassions venir un repas léger, comme des sandwichs. Je tiens à signaler clairement à tous les Canadiens qui nous écoutent que nous mangerons des sandwichs en soirée le jeudi 5 décembre 1996, puisque le comité siégera pendant l'heure du dîner. Est-ce que vous êtes tous d'accord? Nous recevrons des témoins à compter de 15 h 30.
M. Nunez: J'ai un problème parce que je dois partir vers 18 heures. Pourquoi ne siégeons-nous pas en matinée?
La présidente: Nous avons du mal à réserver des salles pour ce créneau horaire, et si nous voulons déposer un document à la Chambre des communes la semaine suivante, la seule solution c'est de siéger toute la journée jeudi. Vous m'en voyez désolée, et je vous ai déjà présenté mes excuses, mais il n'y a pas d'autre possibilité si nous voulons déposer un document à la Chambre avant l'ajournement des Fêtes.
Vous êtes tous d'accord pour que nous fassions venir des sandwichs?
Des voix: D'accord.
La présidente: D'accord. Merci.
Nous invitons maintenant
[Français]
Mme Chantal Tie, directrice exécutive des Services juridiques communautaires du sud d'Ottawa, et M. Michael Bossin, avocat de la Clinique juridique communautaire. Bienvenue. Welcome.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions maintenant les règlements concernant l'établissement des réfugiés se trouvant au Canada sans pièces d'identité.
[Traduction]
Nous entendrons maintenant les témoins. Bienvenue.
[Français]
M. Michael Bossin (avocat, Clinique juridique communautaire): Merci de votre invitation. Nous avons des remarques qui ne sont qu'en anglais. Je vous prie de m'en excuser, mais nous avons reçu l'avis de convocation ce matin seulement.
Comme vous l'avez déjà dit, nous sommes avocats à la Clinique juridique communautaire, à Ottawa. Je voudrais vous présenter ma collègue Chantal Tie.
Comme vous le savez, il y a à Ottawa une grande population de Somaliens dont la plupart sont des réfugiés. Nous avons rencontré de nombreuses personnes qui ont été acceptées comme réfugiés, mais qui ne peuvent pas se procurer de documents d'identité. C'est pourquoi ils ne peuvent obtenir le statut de résident permanent au Canada.
[Traduction]
Nous avons vu ces clients souffrir énormément, surtout ceux qui sont séparés depuis très longtemps de leurs familles.
En février dernier, Chantal et moi-même, nos cliniques respectives et une autre clinique d'Ottawa avons intenté une action auprès de la Cour fédérale au nom de 16 Somaliens qui appartiennent à cette catégorie de réfugiés qui, soit ne peuvent pas obtenir de documentation, soit ont fourni des documents jugés insatisfaisants - pour faire déclarer la disposition en question, le paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration discriminatoire et contraire à la Charte. Ainsi, voilà ce qui motive notre action et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à venir vous rencontrer aujourd'hui.
Les changements proposés au règlement nous préoccupent pour trois raisons: premièrement, ils créeront des difficultés énormes pour certaines personnes; deuxièmement, ils sont discriminatoires et Chantal vous parlera plus longuement de ces deux premières questions; et troisièmement, étant donné la loi actuelle au Canada, la période d'attente de cinq ans qui figure dans les changements proposés au règlement n'est pas nécessaire.
Chantal.
Mme Chantal Tie (directrice exécutive, Services juridiques communautaires d'Ottawa-Sud): J'aimerais d'abord insister sur le fait que la source du problème c'est l'article 46 de la Loi sur l'immigration qui exige que soient présentés des documents d'identité dits satisfaisants. Je crois que le changement proposé au règlement a été déposé parce que le gouvernement est conscient de l'existence d'un problème et c'est la solution qu'il a trouvée. Mes commentaires s'appliquent au problème législatif actuel, l'article 46, autant qu'au fait que les changements proposés viendront aggraver le problème.
L'article lui-même est manifestement discriminatoire - c'est l'argument sur lequel repose notre cause - et ce changement à la réglementation ne remédie en rien à ce traitement discriminatoire. Notre cause concerne uniquement les Somaliens, mais d'autres groupes sont aussi touchés par cette obligation de présenter des documents d'identité. Il n'y a pas de gouvernement en Somalie. Personne ne peut obtenir de documents d'identité. Les dossiers sources n'existent plus et il n'y a plus personne pour reproduire les documents d'identité. Beaucoup des bâtiments ont été détruits avec tous les dossiers qu'ils renfermaient.
En vertu de la Charte des droits et libertés, chacun, y compris les demandeurs de statut de réfugié au Canada, a le droit d'être traité sans discrimination fondée sur l'origine nationale. La Cour fédérale a déjà statué que le fait d'exiger des documents précis avant d'octroyer le droit d'établissement, quand ces documents ne sont pas disponibles dans le pays d'origine constitue de la discrimination. En 1993, la Cour fédérale a dit qu'il y a là discrimination. C'est très clair. Personne ne conteste cela en droit. L'effet serait qu'un Somalien ne pourrait pas obtenir le droit d'établissement. L'effet est donc discriminatoire puisque cette impossibilité est fonction du pays d'origine, du fait que le demandeur est de Somalie.
Cet effet discriminatoire soulève aussi d'autres questions en ce sens que la quasi-totalité des Somaliens sont d'une couleur et d'une race différentes - d'ailleurs j'en ai rencontré très peu pour qui ce n'est pas le cas. Ainsi, nous refusons le droit d'établissement à des gens qui sont noirs.
Quel est l'inconvénient? Il y a discrimination. Nous établissons une distinction entre des gens venant de Somalie qui ne pourront jamais obtenir de documents d'identité, et ceux qui ne sont pas de Somalie. Quelle est la nature du problème ainsi créé? Le problème le plus sérieux sans doute c'est que ces gens sont séparés pendant longtemps sinon en permanence des membres de leur famille. Je vais vous donner un exemple pour illustrer la gravité du problème.
L'un de nos clients est arrivé en 1990. Il a obtenu son statut de réfugié en 1994. En vertu de l'article 46, il n'est pas admissible. Il ne peut obtenir le droit d'établissement parce qu'il n'a pas de papiers d'identité. En vertu de ce programme, il doit attendre cinq ans avant de pouvoir demander l'établissement. Cela nous mène en 1999, en supposant qu'on lui ait accordé le statut de réfugié en 1994. Même en étant généreux si nous admettons qu'il lui faudra un an pour que toutes les formalités d'établissement soient terminées, il obtiendra le droit d'établissement en l'an 2000.
En vertu du changement proposé au règlement, il ne pourra pas obtenir le droit d'établissement pour lui-même et ses personnes à charge à moins qu'elles ne soient arrivées au Canada avec lui. Cela signifie qu'il doit attendre d'avoir obtenu le droit d'établissement avant d'entamer les procédures de parrainage pour faire venir ses enfants qui sont toujours à l'étranger. À ce moment-là, seuls les enfants admissibles peuvent être parrainés. Cela signifie que seuls les enfants de moins de 19 ans au moment où il pourra agir comme répondant, c'est-à-dire en l'an 2000, pourront être acceptés.
Ainsi, il aura quitté sa famille en 1990 pour présenter une demande de statut de réfugié et nous voilà en l'an 2000, dix ans plus tard. Les enfants qui avaient plus de dix ans au moment de la séparation ne pourront plus être parrainés. Ainsi, il sera pour toujours incapable d'être réuni avec ses enfants de plus de dix ans.
Au plus fort de la crise somalienne, la mortalité dans les camps de réfugiés avoisinait 25 p. 100. Ainsi, sur une base annualisée, un quart de la population des camps mourrait de faim, de malnutrition ou d'une autre maladie associée à l'exil et aux réfugiés. Les plus à risque sont les enfants, particulièrement ceux de moins de dix ans.
Advenant que certains des enfants puissent être parrainés et qu'ils décident de le faire, ces derniers pourraient arriver ici... S'il fait traiter sa demande de parrainage à Nairobi, où sont traitées la plupart des demandes émanant de Somaliens, il peut prévoir un délai moyen de traitement entre le moment où il présente sa demande - elle est envoyée à Végréville et retournée à Nairobi qui ouvrira le dossier six à huit mois plus tard... Il lui faudra compter au bas mot deux ou trois ans avant que ses enfants se voient délivrer des visas et puissent venir au Canada. Ainsi, en vertu de cette loi, 13 années s'écouleront avant que cet homme puisse être réuni avec ce qui subsisterait de sa famille.
Ainsi, il y a plusieurs effets discriminatoires, mis à part ceux susceptibles de se produire ici au Canada. Quand un réfugié est au Canada et ne peut obtenir le droit d'établissement, il a un numéro d'assurance sociale spécial. Il lui est très difficile d'obtenir un emploi, impossible d'obtenir des prêts aux étudiants et des bourses, impossible de créer une petite entreprise pour subvenir à ses propres besoins. Ainsi, il y a des effets à long terme pour les réfugiés qui sont ici au Canada, des effets psychologiques, économiques et autres durables.
Voilà les graves problèmes que l'on inflige aux Somaliens. Tous en pâtissent parce qu'il y a un problème avec l'article 46 de la Loi sur l'immigration lequel est lui-même discriminatoire.
En guise de conclusion, j'aimerais rappeler au comité qu'à mon avis cette loi est manifestement discriminatoire et elle est discriminatoire même à première vue. La Cour fédérale nous l'a dit. Je crois que le gouvernement a l'obligation indéniable de ne pas adopter de loi qui soit discriminatoire. Il ne faudrait pas laisser aux groupes vulnérables qui sont les victimes de cette discrimination le soin d'ester devant les tribunaux pour invalider la loi. Les contribuables ont le droit d'attendre de leurs gouvernements qu'ils obéissent à la loi et qu'ils ne les contraignent pas à en appeler aux tribunaux pour que ces derniers les obligent à respecter la loi.
M. Bossin abordera la question de savoir...
La présidente: M. Bossin n'aura que trois minutes, puisque nous voulons réserver du temps pour les questions. Merci.
M. Bossin: J'aimerais parler brièvement de cette période d'attente de cinq ans et commenter les raisons données par le gouvernement pour justifier cette période d'attente de cinq ans qui, à mon avis, n'est pas nécessaire.
Dans sa propre déclaration, le gouvernement dit qu'il souhaite trouver un juste équilibre entre la protection des gens et la nécessité de protéger «le Canada et les Canadiens contre ceux qui voudraient abuser de la générosité du Canada en cachant leur identité pour cacher un passé criminel». Le gouvernement dit qu'il souhaite pouvoir déceler ceux qui ont des antécédents criminels ou qui ont commis des violations des droits de la personne. En outre, ces cinq années permettent aux réfugiés de démontrer qu'ils sont prêts à respecter les lois et les normes de la société canadienne de façon permanente.
Je tiens à signaler que nous avons les mêmes objectifs. Nous ne tolérons pas les abus. Nous croyons que les criminels et ceux qui violent les droits de la personne doivent être refoulés. Est-il nécessaire d'obliger les réfugiés sans document à attendre cinq ans sous prétexte de protéger le Canada contre des individus pareils? Ce changement à la réglementation crée l'impression que si nous voulons accorder le statut de résident permanent à des réfugiés sans document, nous leur fournissons en quelque sorte un bouclier et nous ne pourrons plus jamais les expulser, que nous ne pourrons jamais agir à l'encontre de ceux qui auraient menti, qui seraient des criminels ou qui auraient commis des violations contre les droits de la personne.
Rien n'est plus loin de la vérité. Dans la Loi sur l'immigration, il y a déjà des dispositions qui permettent le renvoi de quiconque tomberait dans l'une de ces catégories, même s'il s'agit d'immigrants reçus. Ainsi, si quelqu'un a menti sur son identité au moment de présenter la demande d'établissement, il sera possible d'ouvrir une enquête et de l'expulser même si cette personne a depuis reçu le statut d'immigrant reçu. S'il s'agissait d'un haut dirigeant d'un gouvernement comme celui d'Afghanistan ou de Somalie où de flagrantes violations des droits de la personne ont été commises, même si cette personne était un immigrant reçu, nous pourrions ouvrir une enquête et puis l'expulser. Si une personne a des antécédents criminels et ne les a pas divulgués, même si elle a le statut d'immigrant reçu, cela ne la protégera pas parce que nous pouvons ouvrir une enquête et l'expulser malgré tout.
Pour ce qui est de nos lois et de nos normes, si nous leur accordons le droit d'établissement et qu'ils commettent ensuite un crime sérieux au Canada, le simple fait d'avoir le droit d'établissement ne les protège pas: nous pouvons toujours faire enquête et les expulser.
Pourquoi donc n'accordons-nous pas le droit d'établissement à toutes ces personnes? La ministre elle-même reconnaît que 80 p. 100 de ces gens sont des femmes et des enfants, alors pourquoi les faire souffrir? Quelle raison y a-t-il à cela? À mon avis, il n'y a aucune raison. Nous pouvons leur accorder à tous le droit d'établissement tout en nous débarrassant des mauvais éléments; nous pouvons toujours faire ce que nous voulons pour nous débarrasser de ceux qui ont menti, de ceux qui ont un passé criminel ou de ceux qui n'ont pas joué franc-jeu. Nous demandons donc pourquoi il faut faire souffrir tout le monde de la même façon, pour quelle raison. À notre avis, il n'y a aucune raison à cela.
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Nunez, vous avez dix minutes pour poser vos questions.
M. Nunez: Je vous remercie de votre exposé qui était très intéressant. Vous connaissez très bien le problème et je pense que vous en avez une expérience pratique.
Vous avez rencontré des demandeurs du statut de réfugié provenant de la Somalie. Vous êtes en mesure, je pense, d'apporter des témoignages très précis, ce que vous avez fait aujourd'hui.
Vous avez soulevé plusieurs problèmes qui préoccupent le Bloc québécois, plus particulièrement en ce qui concerne cette période d'attente de cinq ans et le fait qu'il y a déjà dans le Code criminel et dans la loi C-44 des dispositions pour empêcher l'entrée au Canada des auteurs de certains crimes ou pour les expulser du Canada s'ils ont commis des crimes ici ou n'ont pas révélé tous les informations nécessaires au moment de leur entrée au Canada.
Vous avez très bien analysé la situation. Cependant, qu'est-ce que vous proposez?
[Traduction]
Mme Tie: Je vais répondre. Tout d'abord, je crois qu'il est très important de nous rappeler qu'il ne s'agit pas de gens que nous ne connaissons pas; ce sont des gens à qui il manque un document. J'ai beaucoup d'expérience au niveau de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et même lors de procédures accélérées, la Commission est toujours saisie de la question de l'identité. À vrai dire, lorsqu'on emprunte la procédure accélérée, l'identité de la personne est souvent la seule question qui se pose. Beaucoup de demandeurs ont recours à d'autres façons de prouver leur identité. Le passeport n'est pas la seule façon de prouver son identité.
À vrai dire, jusqu'en 1993, nous n'exigions pas des gens qu'ils aient un passeport pour leur accorder le droit d'établissement; nous avons tout simplement créé nous-mêmes ce problème. Un des demandeurs à qui l'on n'a pas accordé le droit d'établissement a sept frères et soeurs qui sont tous et toutes canadiens et qui peuvent clairement l'identifier et prouver qui ils et elles sont. Il ne s'agit pas de prouver qui vous êtes, il s'agit d'avoir un document secondaire qui dit qui vous êtes. Il y a donc bien des façons de prouver qui on est. Le gouvernement a fait preuve d'inflexibilité en acceptant ces procédures et je crois que le gouvernement doit interpréter l'article de façon beaucoup plus souple afin de permettre aux gens de prouver leur identité d'une autre façon ou d'accepter les autres preuves qui seraient disponibles.
[Français]
M. Nunez: Dois-je comprendre que vous êtes contre tous les règlements?
[Traduction]
Mme Tie: Non.
M. Bossin: Nous ne nous opposons pas au règlement qui stipule que les gens doivent signer une déclaration d'identité. Si jamais on était saisi de renseignements contredisant cette déclaration assermentée, il y aurait alors preuve documentaire.
Le problème, au Canada, c'est que certaines personnes nous arrivent de certains pays et ne peuvent absolument pas obtenir de documents. C'est le pourquoi de ce règlement. Que faisons-nous alors? Il devrait quand même exister certaines garanties, comme cette déclaration assermentée. Nous ne nous y opposons pas. Ce à quoi nous nous opposons, c'est cette période d'attente de cinq ans. Nous n'en voyons pas la raison. Nous n'en comprenons pas le pourquoi.
Mme Tie: Cette période d'attente de cinq ans me pose de graves problèmes. La ministre croit-elle que pendant cette période un criminel de guerre pourrait se faire prendre pour vol à l'étalage et que nous saurions tout d'un coup qui il est? C'est tout à fait irrationnel. Il n'y a aucun lien entre... Croyons-nous que tout simplement parce que cinq années se sont écoulées nous connaissons maintenant très bien cette personne et que nous pouvons lui accorder le droit d'établissement? Je ne vois pas le lien. Je n'arrive pas à comprendre.
[Français]
M. Nunez: Concernant l'article 46 de la Loi sur l'immigration, que vous avez qualifié de discriminatoire, qu'en a dit la Cour fédérale? Est-ce devant la Cour suprême ou seulement devant la Cour fédérale? Qu'est-ce qu'ils ont dit et dans quelle cause?
[Traduction]
Mme Tie: À la Cour fédérale, division de première instance, il y a le cas Menghani où l'on a exigé d'un immigrant potentiel au Canada de présenter un certain diplôme d'école secondaire qui n'était pas disponible en Inde. Il n'a pas pu présenter ce document. Il en a saisi la Cour fédérale, qui a statué qu'exiger d'une personne qu'elle présente un document qui n'est pas disponible dans son pays d'origine constitue une discrimination fondée sur l'origine nationale.
Il est dit, dans la décision de la Cour fédérale, qu'il faut savoir quel est l'objectif. Si l'objectif est de savoir si cette personne est allée à l'école, il y a d'autres façons de le faire. Si l'objectif est de confirmer l'identité de la personne, comme c'était le cas, il y a d'autres façons de faire cela aussi. Voilà où nous voulons en venir.
[Français]
M. Nunez: Mais la cause ne s'est pas rendue à la Cour suprême.
[Traduction]
Mme Tie: Le gouvernement n'en a pas appelé de la décision. Il n'y a pas eu d'appel de la décision et cela a donc désormais force de loi.
[Français]
M. Nunez: Pour ce qui est des passeports, tout le monde les accepte, mais si on va un peu plus loin, qu'est-ce qui est un document acceptable pour vous?
[Traduction]
Mme Tie: Il y a un petit problème, parce que la loi précise bien «autres documents d'identité satisfaisants». Cependant, depuis 1993 lorsque cet article a été adopté, on dirait que tous les cas concernant la Somalie ont été mis en suspens parce qu'il n'y avait aucune politique concernant les Somaliens. Dans notre cas, la moitié de nos demandeurs ont des documents, à notre avis, satisfaisants. Certains de ces documents sont des cartes d'identité de Mogadiscio, et ce sont des originaux. Ils ont des diplômes médicaux, et ce sont des documents originaux. Aucun de ces documents n'est accepté alors que, me fiant à ma propre expérience, on les accepte dans le cas de ressortissants d'autres pays.
L'autre moitié de nos demandeurs, les six autres, n'ont absolument aucun papiers d'identité. Donc, depuis l'adoption de l'article 46 en 1993, nous faisons face à un double problème. Tout d'abord, on ne semble pas appliquer équitablement la loi dans le cas des demandeurs de statut de réfugié qui viennent de la Somalie et qui n'ont pas de papiers d'identité. Deuxièmement, il y en a un grand nombre qui n'ont aucun document du tout. Il y a donc là un problème à deux volets.
[Français]
M. Nunez: Ce règlement s'applique seulement aux Somaliens et aux Afghans Est-ce que vous connaissez aussi des cas de l'Afghanistan? Est-ce le même problème? Comment voyez-vous cela? Est-ce de la discrimination? Est-ce que cela devrait s'appliquer à tous les pays où il y a des problèmes similaires à ceux de la Somalie? Comment voyez-vous la situation?
[Traduction]
M. Bossin: Je crois que les Afghans ont le même problème que les Somaliens. À vrai dire, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens ne peuvent pas obtenir de documents dans leur propre pays. Cas typique, les réfugiés ont peur des autorités de leur pays d'origine et ne peuvent souvent pas demander qu'on leur délivre un passeport, par exemple. Parfois, ils n'ont plus de parenté là-bas. Il y a des conflits dans bien des pays, outre la Somalie et l'Afghanistan, ce qui fait qu'il est très difficile pour les gens d'obtenir des documents. D'une certaine façon, d'après le gouvernement, il s'agit d'un avantage pour les Afghans et les Somaliens. Je crois que les Afghans et les Somaliens se disent: «Non, merci; ce n'est pas vraiment un avantage pour nous puisqu'il nous faut maintenant attendre cinq ans».
Ils ont dressé une liste très arbitraire. À mon avis, la réalité nous apprend que ce genre de situation peut surgir dans n'importe pays demain matin, sans préavis aucun et ces gens se retrouveront dans la même situation, exactement. Je crois qu'on doit étudier rationnellement et cas par cas toutes ces situations et nous demander s'il est possible ou impossible, dans un cas précis, d'obtenir le document en question. Si ce n'est pas possible, on ne saurait faire de la présentation du document une exigence absolue. C'est ce qu'a dit le tribunal dans le cas Menghani. Nous pensons qu'il s'agit d'une injustice fondamentale. À mon avis, il faut aborder tous ces cas avec un esprit ouvert et équitable. Ces règles arbitraires de cinq ans qui s'appliquent à un pays plutôt qu'à tel autre, ne sont pas vraiment raisonnables.
Mme Tie: À mon avis, il est important de se rappeler que parce que les deux groupes en cause ici sont composés de Somaliens et d'Afghans, s'ils se voient accorder le droit d'établissement en vertu de ce règlement, ces gens perdent à tout jamais le droit de parrainer les enfants qu'ils auraient pu parrainer si le droit d'établissement leur avait été accordé à la date où la demande de droit d'établissement a été déposée. Ce droit est perdu à tout jamais s'ils grandissent. Parce que rien ne s'est produit pendant trois ans, ils sont déjà plus vieux.
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith: J'ai quelques questions à vous poser mais j'aimerais mettre en doute certaines de vos réponses.
Vous laissez sous-entendre, à tort ou à raison que ce règlement, cette façon de faire du gouvernement, est discriminatoire précisément dans le cas des Somaliens qui par hasard ont la peau d'une couleur différente et qu'il est interdit à tous les Somaliens d'entrer dans ce pays et de se voir accorder le droit d'établissement. Il me répugne de défendre le gouvernement et je trouve donc ceci très difficile à faire, mais d'après les chiffres qu'on nous a donnés ce matin en 1995, 808 personnes avaient les documents nécessaires et se sont vues accorder le droit d'établissement. En 1994, il y en avait 451. En 1996, il y en a eu 213. À mon avis, vous êtes injuste lorsque vous lancez ce genre d'accusation à l'emporte pièce lorsqu'on sait qu'il y en qui nous viennent de Somalie avec les documents appropriés.
Cela dit, j'aimerais que vous me disiez quel genre de document le gouvernement n'accepte pas. Je crois comprendre, d'après notre rencontre ce matin avec les fonctionnaires, qu'il y a un bon nombre de gens qui nous arrivent de la Somalie et de l'Afghanistan et qu'ils n'ont pas de documents lorsqu'ils arrivent au Canada. Comment arrivent-ils au Canada sans documents de voyage? Il n'y a pas de vol direct entre la Somalie et le Canada, ni entre l'Afghanistan et le Canada. De toute évidence, ces gens-là doivent traverser plusieurs pays avant d'arriver au Canada. Comment font- ils pour voyager sans papiers?
Mme Tie: Il est très commun qu'on se serve de faux documents pour arriver ici et lorsque ces gens-là réclament ensuite le statut de réfugié, ils disent bien qu'ils se sont servis de faux documents.
Mme Meredith: Donc, le fait qu'ils nous arrivent ici avec des faux documents... D'après notre entretien de ce matin, j'avais compris qu'il y en a certains qui arrivent ici avec de faux documents, mais qu'il y en a beaucoup qui arrivent sans documents. Même des faux documents, donneraient aux autorités canadiennes l'occasion de retracer leurs pas pour voir si la personne vient réellement de la Somalie ou d'un autre pays qui connaît des troubles par opposition à un autre endroit. Je comprends donc pourquoi ils s'inquiètent lorsque des gens nous arrivent sans documents, ce qui ne permet pas aux autorités canadiennes de savoir d'où viennent ces demandeurs et s'ils ont des arguments valides pour appuyer leur revendication de statut de réfugié en quête d'un asile.
M. Bossin: Prenons l'exemple de la Somalie: situation typique, vous avez des gens qui voyagent sans documents, par voie de terre ou par mer de la Somalie au Kenya. Ils arrivent donc au Kenya sans document du tout et au Kenya, ils achètent un faux document - peu importe la nationalité, ce qui leur permettra de se rendre jusqu'aux États-Unis ou au Canada. Même si vous pouviez retracer les origines du faux document et savoir où il a été acheté, cela ne vous donnera pas de véritable réponse concernant la nationalité.
Cette question fait surface quand tous ces gens revendiquent le statut de réfugié; on fait souvent subir à ces gens un interrogatoire serré, pour savoir qui ils sont et d'où ils viennent. Il y a toujours moyen de le savoir. J'ai vu des gens subir des interrogatoires sur Mogadiscio, par exemple, et sur toutes sortes d'aspects de la vie en Somalie, des aspects que seul un Somalien pouvait connaître. Il ne s'agit pas d'un passeport, mais après des heures et des heures d'interrogatoire, on peut quand même arriver à savoir si l'individu est bien, oui ou non, ce qu'il prétend être.
Je crois que l'on accepte qu'on se pose des questions concernant la sécurité lorsque quelqu'un arrive à la frontière du Canada, sans document valide. La question que nous nous posons, cependant, est de savoir si la méthode établie à la suite de l'adoption de ce changement de règlement répond vraiment à cette préoccupation.
Personnellement, je ne le crois pas. Je crois que cela ne fait que créer énormément de difficultés à beaucoup de gens et ne change en rien la situation en ce qui concerne les indésirables que nous voulons interdire de séjour.
Mme Meredith: Mais si l'on n'exige pas des documents ou des preuves que les gens sont vraiment ce qu'ils prétendent être, comment saurons-nous qui se sert du prétexte de cette terrible tragédie en Somalie pour entrer chez nous?
C'est une inquiétude personnelle que j'ai. Quelqu'un m'a fait part d'une crainte. Cette personne avait des contacts avec quelqu'un de Djibouti qui avait un passeport de Djibouti - on le lui a montré - mais le détenteur de ce passeport revendiquait quand même le statut de réfugié à titre de Somalien. On m'a dit qu'il y avait beaucoup de cas semblables; il ne s'agit pas d'un cas isolé.
Est-ce donc injuste que le Canada s'attende à ce que les gens présentent un document quelconque? Je suis inquiète de voir qu'on n'accepte pas d'autre document, comme les certificats de naissance, des dossiers ou certificats médicaux ou des dossiers scolaires. C'est le genre de chose qu'une personne peut emporter avec elle dans ses bagages et qui peut servir de preuve. N'accepte-t-on rien de tout cela?
Mme Tie: D'après la deuxième partie de votre question, vous avez entendu dire qu'il y avait 808 personnes en 1995 et 213 personnes en 1994 à qui l'on a accordé le droit d'établissement.
Mme Meredith: Avec documentation.
Mme Tie: Oui. Un certain nombre ont obtenu le droit d'établissement. L'article dit «autres documents d'identité satisfaisants». Mais étant donné l'arriéré de travail, le nombre est presque insignifiant.
Je peux vous dire qu'après avoir contesté la constitutionnalité de l'article en février 1996, nous avons appris qu'un plus grand nombre de personnes avaient reçu le droit d'établissement. Quant aux demandeurs mentionnés dans notre action en justice, tout d'un coup on a commencé à s'occuper de leurs dossiers même si rien ne s'était passé pendant trois ans. Je ne pense pas que ce soit un hasard.
Mme Meredith: Quel genre de pièces d'identité les gens ont-ils que le ministère n'accepte pas?
Mme Tie: Pour chacun des six demandeurs cités dans une de nos demandes, nous avons des certificats de mariage, des certificats de naissance, des pièces d'identité de Mogadishu et des titres de propriété pour la même ville et pour la Somalie en général. Nous avons une grande variété de pièces d'identité dont personne n'a jamais prétendu qu'elles étaient fausses ou falsifiées. Ces documents ont été présentés aux autorités de l'immigration et n'ont pas été acceptés.
Je vous poserais la question, avez-vous votre passeport sur vous maintenant? Si vous deviez fuir le Canada en catastrophe, auriez-vous votre certificat de naissance sur vous?
Mme Meredith: Oui, mais...
Mme Tie: Ah vraiment? Moi, je ne l'ai pas.
Mme Meredith: Non, je n'ai pas mon passeport. Mais j'ai mon certificat de naissance sur moi.
Mme Tie: Est-ce que votre passeport est toujours valable?
La présidente: C'est Mme Meredith qui pose les questions.
Mme Tie: C'est une question générale.
Mme Meredith: Mais je vous demande si ces documents doivent être un passeport ou un document de voyage. J'essaie d'apprendre quelle sorte de pièces d'identité sont valables et lesquelles ne sont pas acceptées?
Vous dites que les certificats de mariage et documents semblables sont inacceptables mais c'est ce genre de papier qui risque de donner des renseignements authentiques sur l'identité d'une personne, plutôt qu'un faux passeport ou un document de voyage.
M. Bossin: La Loi sur l'immigration précise qu'il faut un passeport valable ou «autres documents d'identité satisfaisants». Il s'agit donc d'interpréter cette deuxième expression.
Il y a des cas où les gens ont présenté des certificats de mariage qui ont été acceptés. Mais dans d'autres cas où le certificat de mariage a été présenté, pour une raison ou une autre l'agent n'a pas voulu l'accepter.
Il n'y a pas de directives permettant de définir l'expression «d'autres documents d'identité satisfaisants». Ce qui donne lieu à des incohérences dans l'application de la loi.
Je voudrais aussi répondre à une autre observation que vous avez faite. Effectivement il y aura des gens qui abuseront du système. Votre exemple de la personne de Djibouti qui a fait semblant d'être Somalien est un bon exemple. Mais supposons que cette personne ait été acceptée comme réfugié et ait reçu le droit d'établissement. Ensuite on apprend qu'elle vient de Djibouti. Le Canada peut toujours prendre des mesures contre cette personne. Le fait de l'avoir fait attendre et d'avoir fait attendre tous les autres Somaliens authentiques cinq ans n'a servi à rien du tout.
Alors même dans cet exemple, si la fraude est découverte, même une personne qui a reçu le droit d'établissement n'est pas protégée contre des mesures éventuelles. Je pense qu'il importe de le souligner.
Mme Meredith: Les fonctionnaires ce matin ont dit que la raison pour laquelle ils ont signalé les Somaliens et les Afghans c'était à cause de leur nombre important. Il y a beaucoup de personnes qui arrivent sans pièces d'identité crédibles. Je pense que c'est pour cette raison qu'ils ont choisi ces deux pays d'origine pour ce genre de traitement. Vous pouvez consulter la transcription de notre réunion de ce matin.
J'ai du mal à accepter leur traitement pour plusieurs raisons. D'abord, je crois que cela lance un mauvais message au reste du monde. S'ils font savoir que des pièces d'identité ne seront pas exigées et qu'il y a un programme spécial en place, cela fait comprendre à d'autres pays que c'est peut-être la bonne façon de manipuler le système.
J'estime que la façon la plus simple pour le gouvernement de régler ce cas, c'est de reconnaître la présence de ces personnes et notre désir de les intégrer dans notre société. Il faut donc leur accorder le droit d'établissement, mais cela ne justifie pas l'ouverture d'une nouvelle échappatoire dans la réglementation sur l'immigration qui laisse entendre que le fait d'arriver au Canada ans documents, n'est pas une question sérieuse.
Je vais donc m'arrêter là. Je crois que vous verrez le raisonnement détaillé de cette position dans les délibérations de la réunion de ce matin. Merci.
La présidente: Y a-t-il des questions du côté ministériel? Monsieur Dromisky.
M. Dromisky: Vous avez parlé de discrimination concernant un groupe précis, êtes-vous également d'avis que cela s'applique à d'autres groupes pour des raisons d'ethnie ou de couleur, comme vous l'avez laissé entendre?
Mme Tie: Nous prétendons qu'il s'agit de discrimination fondée sur l'origine nationale, ce qui est interdit par la Charte. Je disais simplement que lorsqu'on considère le groupe en question pour voir qui est véritablement touché, on pourrait affirmer l'existence d'un préjudice important contre un groupe racial également.
Mais nous disons essentiellement qu'il s'agit de discrimination fondée sur l'origine nationale. S'il est impossible d'obtenir un passeport ou des documents dans son pays d'origine, on peut faire l'objet de discrimination. Je parle d'une situation qui est indépendante de la volonté de la personne, qui n'a rien à voir avec elle.
M. Dromisky: Merci.
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna: Je voudrais quelques précisions concernant la partie du projet de loi C-86 qui porte sur le pouvoir discrétionnaire d'accepter des documents. D'après votre expérience, existe-t-il une gamme assez large de documents qui ont déjà été acceptés comme valables, ou s'agit-il plutôt d'une catégorie assez restreinte de documents susceptibles d'être acceptés à la place d'un passeport? J'essaie de me faire une idée de la façon dont on applique cette disposition de la loi et comment dans ce cas précis on n'a pas accordé la même latitude.
M. Bossin: Les fonctionnaires cherchent un document qui indique votre nom et votre nationalité. Il y a beaucoup de documents, comme le permis de conduire, qui n'indiquent pas nécessairement votre pays, cela peut varier. Ce genre de document cause problème.
Il y a aussi les documents établis par les écoles. On peut montrer un certificat scolaire, pour faire confirmer son nom, utilisé dans sa demande de statut de réfugié. Mais le certificat scolaire ne précise pas nécessairement que vous êtes ressortissant d'un certain pays. Les seuls documents qui le précisent sont les certificats de naissance et les passeports. Pour tous les autres, il s'agit d'une zone grise qui met en jeu un élément de discrétion.
J'ai constaté que cela dépend beaucoup du cas individuel. Il y a des fonctionnaires qui acceptent des documents et d'autres qui ne les acceptent pas. Dans le cas de la Somalie, j'ai constaté que pendant un certain temps, tout était suspect. Il y avait une période pendant laquelle, le gouvernement ne savait pas comment il allait traiter toute cette documentation.
Il faut aussi tenir compte du fait que le gouvernement ne veut pas accorder le droit d'établissement sans documents. Certaines personnes vont se procurer de faux documents, parce qu'elles estiment qu'il n'y a pas d'autre façon de prouver leur identité, ce qui est également un problème. C'est ce qui s'est passé dans le cas de la Somalie. Après un certain temps, rien n'était acceptable.
Mme Tie: C'est également relié au fait qu'on ne peut plus obtenir des documents du pays d'origine. Dans presque tous les autres cas, si des réfugiés arrivent au Canada avec de faux documents ou sans pièces d'identité, ils peuvent toujours les obtenir plus tard, en se mettant en contact avec leur pays d'origine. Mais pour les Somaliens, il ne reste personne, il n'y a pas moyen d'obtenir ces documents parce que la Somalie a été complètement dévastée. C'est pour cette raison qu'il y a tant de Somaliens sans documents, ils n'ont pas pu les obtenir une fois arrivés au Canada.
La présidente: Si Mme Bethel n'a pas de questions, j'en ai une.
Dans votre exposé, vous avez mentionné que le nombre de personnes malhonnêtes est quand même relativement restreint. Mais auriez-vous une autre méthode à suggérer pour éliminer ces personnes malhonnêtes? Vous sembliez dire que c'était facile d'expulser toute personne considérée comme un risque pour la sécurité qui a un passé criminel. Je ne pense pas que ce soit tellement facile.
Vous n'avez pas parlé de la révocation du statut etc., ce qui n'est pas chose facile dans notre pays. Il se peut que la Charte des droits et libertés accorde une certaine protection quand il s'agit de révoquer le statut de réfugié ou bien le droit d'établissement. J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions à ce sujet car vous avez laissé entendre que c'était très facile de changer le statut de la personne.
M. Bossin: Le gouvernement a facilité les choses parce que quand les gens commettent un délit, la procédure d'appel est devenue plus difficile.
Franchement, il n'est pas difficile d'ouvrir une enquête, qu'il s'agisse d'un immigrant reçu ou non. Le fait de présenter la preuve d'un délit commis ici ou à l'étranger, c'est la même chose qu'il s'agisse d'un immigrant reçu ou non. Les règles de la preuve sont les mêmes et la procédure est la même. La seule différence concerne le droit d'appel. Mais si vous êtes réfugié au sens de la Convention, vous avez également le droit d'appel, comme si vous étiez immigrant reçu. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de différence.
Mme Tie: Il n'est pas difficile non plus de revenir devant la Commission de l'immigration et du statut du réfugié. Si le gouvernement détermine que l'identité donnée par une personne est fausse et qu'elle a reçu le statut de réfugié sur la foi de ce titre, il n'est pas difficile d'en saisir la Commission. C'est une procédure simple. Vous pouvez demander une audience et signifier un avis à la personne qui doit comparaître. S'il s'agit effectivement d'une fausse identité, on peut révoquer sans difficulté le statut de réfugié.
M. Bossin: Nous faisons remarquer que la loi contient déjà une disposition permettant d'éliminer les personnes malhonnêtes. Si elle ne vous paraît pas assez forte, vous pouvez certainement la renforcer. Mais à mon avis, c'est un pouvoir assez important. Il y a des enquêtes tous les jours concernant les immigrants reçus qui ont donné de faux renseignements ou qui ont commis des délits. On ordonne leur expulsion.
Alors j'estime que la chose est relativement facile, cela se passe tout le temps. Si vous voulez consacrer davantage d'argent à l'application de la loi, cela va se faire encore plus facilement. Il existe des dispositions de la loi qui vous donnent le pouvoir de faire toutes ces choses. Et le fait d'accorder le droit d'établissement à ces personnes n'empêche pas ce genre de procédure.
Mme Tie: Il faudrait aussi signaler tous les cas de criminels de guerre venus au Canada, qui ont reçu le statut de réfugié et dont la présence a ensuite été révélée aux autorités de l'immigration par la communauté somalienne qui ne voulait pas que ses bourreaux restent parmi elle.
La présidente: J'ai encore une question. Est-ce qu'on vous a consulté avant la publication des règlements?
Mme Tie: Nous, personnellement?
La présidente: Oui.
M. Bossin: Puis-je vous offrir mon concours pour répondre.
Il y a effectivement eu des consultations pendant des années avec la communauté somalienne. Nous ne sommes pas nécessairement ici à titre de représentants de la communauté somalienne mais nous n'avons pas été consultés.
Mme Tie: Nous n'avons pas été consultés mais je crois savoir qu'on a consulté la communauté somalienne et ce n'est pas une des solutions qu'elle a proposées.
La présidente: Merci.
Monsieur Nunez, il nous reste encore quelques minutes.
[Français]
M. Nunez: D'accord.
Si j'ai bien compris, l'article 46 pourrait être contesté devant les tribunaux. Est-ce que vous, qui êtes avocats, pourriez également contester ce règlement parce qu'il irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés s'il était adopté tel quel?
[Traduction]
Mme Tie: Oui, on peut aussi contester les changements apportés aux règlements devant les tribunaux. On peut juger de leur valeur.
Je devrais peut-être mentionner qu'il y a actuellement beaucoup de litiges pour déterminer les pièces d'identité qui sont acceptables ou non. Les tribunaux sont actuellement saisis de plusieurs causes sur ce sujet. Dans la plupart des cas, le gouvernement est assez sévère en ce qui concerne l'acceptation de documents. Si je comprends bien, dans une récente décision, la Cour fédérale a dit qu'une déclaration solennelle ou un affidavit serait acceptable. Toutefois, nous n'avons pas encore vu le ministère de l'Immigration en accepter.
[Français]
M. Nunez: Selon vous, est-ce que ce règlement est conforme à la Convention de Genève sur les réfugiés?
[Traduction]
Mme Tie: Ce règlement pose de sérieux problèmes relativement à d'autres conventions internationales, comme celle sur les droits de l'enfant. Il est très difficile de séparer l'enfant de sa famille pour une période qui pourrait excéder dix ans, et ces mesures iraient à l'encontre de nos obligations internationales.
Je crois que la Convention de l'ONU reflète bien le fait que bon nombre de réfugiés arrivent sans documents. On encourage les États membres à fournir des pièces d'identité à ces gens et à promouvoir leur intégration à la société canadienne. Ce règlement ne le fait pas du tout, car il crée une catégorie de personnes qui subissent un traitement différent, et qui ont des difficultés importantes sur le plan psychologique, émotif et économique.
La présidente: Mme Meredith.
Mme Meredith: Merci, madame la présidente. Ma question, en fait, s'adresse à vous. J'aimerais que le comité demande au ministère de nous fournir une liste des documents qu'il juge acceptables.
La présidente: Bien sûr.
Mme Meredith: Nous devons savoir les raisons pour lesquelles certains documents sont acceptables et d'autres non.
Mme Minna: J'en ai déjà fait la demande.
La présidente: On a dit que les hauts fonctionnaire ont de grands pouvoirs discrétionnaires en ce qui concerne l'acceptation des documents. Nous n'allons donc pas recevoir la liste exhaustive à cause de cela.
Mme Tie: Il n'existe aucune directive, alors c'est tout à fait ponctuel, et cela pose un problème. Des hauts fonctionnaires ont envoyé des lettres disant qu'ils n'accepteraient aucun document de la Somalie. Si c'est la décision du ministère, ce qui n'est évidemment pas le cas, parce que certains arrivent... C'est ce que les hauts fonctionnaires ont écrit à nos clients: on n'accepte aucun document de la Somalie sauf un passeport, et c'est dommage s'il n'y a aucun gouvernement pour en délivrer un.
La présidente: Cela a sûrement changé, puisque ces règlements sont entrés en vigueur.
Je voudrais vous remercier d'avoir comparu devant le comité, Mme Tie et M. Bossin.
Merci, membres du comité. Nous vous verrons jeudi à 15 h 30 à la salle 269 de l'Édifice de l'Ouest.
La séance est levée.