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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 avril 1997

.1610

[Traduction]

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger (Ottawa - Vanier, Lib.)): Tout d'abord, je m'excuse de commencer la séance en retard, mais les affaires de l'État ayant préséance, nous avons dû répondre à l'appel de la sonnerie et aller voter.

Voici comment nous allons procéder cet après-midi. Si cela vous convient, nous allons entendre l'un après l'autre les exposés d'une dizaine de minutes de chacun des trois organismes représentés ici aujourd'hui. Ensuite, pendant le temps qu'il nous restera, nous céderons la parole aux membres du comité pour les questions.

.1615

Nous accueillons aujourd'hui Shirley-Ann George, directrice administrative de l'Association canadienne de technologie de pointe, George Boynton, président de l'Association canadienne de l'informatique, et M. Georges Nydam, du Conseil de développement d'affaires du West Island.

Essentiellement, nous essayons de déterminer s'il y a des moyens administratifs, par opposition à des moyens législatifs... de rationaliser le processus de délivrance de permis de travail aux immigrants, si tant est qu'il est nécessaire de le faire. Nous voulons savoir si l'immigration en soi est la solution pour combler les besoins en compétences de l'industrie, compétences qui ne sont pas disponibles à l'heure actuelle. Essentiellement, nous sommes à la recherche d'une solution à court terme.

Voilà essentiellement la toile de fond de nos délibérations. Je demanderais maintenant àMme George de commencer.

Allez-y, je vous prie.

Mme Shirley-Ann George (directrice administrative, Association canadienne de technologie de pointe): Merci beaucoup, je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui.

L'ACTP représente une vaste gamme d'associations oeuvrant dans le domaine de la technologie. Nous comptons plus de 450 membres au Canada, dont certaines entreprises canadiennes qui se sont fait un nom, comme Newbridge, Corel, et Cognos, ainsi que certaines multinationales qui ont fait des investissements considérables au Canada, comme IBM et Ericsson.

Notre rôle est de nous assurer que le Canada demeure un pays compétitif pour les gens d'affaires. Nos entreprises desservent un marché très restreint au Canada, et, de façon générale, plus de 80 p. 100 de leurs revenus proviennent de l'étranger.

Je ne vais pas vous ennuyer en vous donnant tous les détails concernant l'ACTP. Si vous souhaitez en savoir davantage, notamment savoir qui fait partie de notre conseil d'administration, vous trouverez cela dans la brochure qui vous a été remise aujourd'hui.

Si l'on considère les choses dans leur ensemble, il importe de comprendre que nous oeuvrons dans un secteur où il existe un marché international unique, un marché de capitaux mondial unique, où il y aura d'ici peu une main-d'oeuvre internationale unique. La part du Canada représente à peine 2 à 3 p. 100 de ce marché. Collectivement, il nous incombe d'être extrêmement dynamiques pour protéger notre part du marché et, si possible, l'augmenter.

Vous pouvez être sûrs que d'autres pays font, chez vous, une commercialisation agressive pour essayer de vous enlever votre part.

Sur le plan de la concurrence, notre atout, ce sont nos citoyens, les coûts relatifs aux affaires et nos technologies. Nous sommes passionnément Canadiens. Nous voyageons partout dans le monde toutes les semaines. Nous comprenons beaucoup mieux que bon nombre de nos concitoyens que le Canada est effectivement le meilleur pays du monde où vivre.

Nous quitterons le Canada uniquement si nous y sommes forcés, mais si les conditions d'affaires ne nous permettent pas de réussir ici, nous avons des options très attrayantes. Heureusement, les divers pouvoirs publics font d'énormes efforts pour que le gouvernement fasse ce qu'il faut. C'est grâce à ces efforts que la croissance de l'emploi que nous générons se fait en majeure partie au Canada.

Ainsi, le taux de croissance annuelle composé de l'emploi dans le secteur de la technologie a été de 11,2 p. 100 ces cinq dernières années, ce qui est beaucoup plus élevé que dans n'importe quel autre secteur. Nous employons maintenant plus de 400ts000 personnes au Canada.

Nous menons aussi plus de 40 p. 100 de toute la recherche industrielle effectuée au Canada.

Parallèlement, compte tenu de la convergence qui se produit sur les marchés internationaux, le marché des communications mondial pourrait passer de 2 à 8 billions de dollars au cours des dix prochaines années. En supposant que le Canada conserve sa part de marché et son taux de productivité actuels, cela signifie qu'on aurait besoin de 500 000 à un million d'employés supplémentaires.

Il va sans dire que notre plus grand défi est de trouver ces employés pour l'avenir alors que nous n'en avons pas suffisamment maintenant. Si nous ne pouvons combler nos besoins aujourd'hui, nous n'aurons pas besoin de nous inquiéter au sujet de l'avenir en tant que Canadiens, car nous serons forcés de déménager ces emplois ailleurs qu'au Canada.

L'immigration n'est qu'une petite partie de la solution. Même si nous ne pouvons guère faire concurrence aux États-Unis pour attirer des ressources humaines grâce à des incitatifs financiers, le Canada n'en demeure pas moins un lieu d'immigration attrayant pour les citoyens d'autres pays.

Pour vous donner un exemple du genre de personnes que nous cherchons à attirer ici par le biais de l'immigration et de permis de travail temporaires, l'un de nos membres cherche un biochimiste qui est aussi ingénieur civil et qui est en mesure de rédiger des applications de modélisation informatique. De telles personnes sont très rares dans le monde. Cet exemple montre bien que nous ne cherchons pas à faire venir des diplômés de fraîche date, ou même de la main-d'oeuvre qualifiée. Nous recherchons désespérément des personnes hautement spécialisées, qui ont une expérience dans un créneau très restreint, des personnes qui souvent cumulent des diplômes dans plus d'une discipline et qui ont investi sept à dix ans de leur vie pour accumuler ces compétences très enviables sur le marché.

.1620

Il importe de comprendre qu'une fois que nous avons déniché ces quelques personnes clés nous pouvons embaucher une équipe de Canadiens qui travailleront pour elles ou en collaboration avec elles. Il s'ensuit qu'une personne clé peut entraîner dans son sillage de trois à vingt emplois.

Après avoir rencontré M. Bélanger, nous avons consulté nos membres pour leur demander leurs recommandations sur les moyens à prendre pour faciliter le processus d'immigration ou la délivrance de permis de travail temporaires. En l'occurrence, je songe à des pays qui ne sont pas membres de l'ALENA.

Nous avons été très heureux d'apprendre - et je suis convaincue qu'en tant qu'employés du gouvernement vous le serez aussi - que de façon générale les entreprises canadiennes sont satisfaites des services qu'elles obtiennent d'Immigration Canada. Elles estiment que les effectifs, particulièrement les employés ici au Canada, sont très efficaces. Cependant, il y a une certaine dose de mécontentement à l'égard de certains bureaux à l'étranger. Cela tient peut-être uniquement à un problème de perception quant aux modalités en vigueur à l'extérieur du pays.

Entre autres recommandations, on souhaite que l'on accorde davantage de priorité au traitement de ces demandes dans les ambassades et les consulats. Cela vise des choses aussi simples que l'acheminement des documents. Les dirigeants d'une entreprise m'ont expliqué en long et en large qu'ils avaient essayé d'embaucher quelqu'un du Brésil. Or, Immigration Canada a envoyé tous les documents par le courrier ordinaire, ce qui se traduit par des semaines et des semaines de temps perdu inutilement. Si nous pouvions faire une chose aussi simple que d'acheminer ces documents par messageries ou par courrier électronique, cela ferait une différence.

Parfois, le retard dans les autres pays n'est pas attribuable à Immigration Canada. Il est causé par des exigences administratives ou de sécurité. Il serait très utile que les entreprises soient informées de l'état d'avancement du dossier.

Quant à la proposition de prendre des mesures pour accélérer les choses, elle a été très chaleureusement accueillie par nos membres. Que l'on adopte un projet pilote comme celui-là ou un autre, tout effort pour raccourcir les délais revêt une importance cruciale.

Il faut comprendre que nous oeuvrons dans un monde où le cycle de développement du produit peut être plus long que le cycle de vie du produit. D'ailleurs, ce cycle de vie peut être de six mois seulement. Par conséquent, s'il faut attendre six mois de plus l'arrivée d'un employé clé, lorsque le produit sera prêt il pourrait être trop tard. Ce dernier pourrait s'avérer totalement superflu sur le marché. Littéralement, les jours et les semaines comptent. Les solutions qui prendraient des mois et des années ne présentent aucun intérêt pour nous, car elles ne donneront pas les résultats escomptés au moment de leur application. Nous sommes de fervents champions des projets pilotes. Il faut essayer et voir ce qui se passera.

Il faut également envisager certaines suggestions plus novatrices. Comment damer le pion à nos concurrents du monde entier? Il faut, entre autres, permettre aux conjoints de travailler. À l'heure actuelle, les conjoints des personnes qui viennent au Canada munies d'un permis de travail temporaire ne peuvent travailler. Il y a aussi certains problèmes liés à l'embauche d'étudiants étrangers. Il est extrêmement frustrant pour les entreprises de trouver quelqu'un qui possède les compétences qu'elles recherchent et de les voir accepter des emplois aux États- Unis parce qu'ils ne sont pas autorisés à travailler au Canada.

Ce ne sont là que quelques-unes des suggestions qui ont été proposées.

Le Canada n'est pas le seul pays qui fait face à une pénurie de compétences. En tant que pays, nous avons aussi une occasion extraordinaire. Tout pays qui pourra vraiment bâtir une société axée sur l'information est certain de faire partie du premier monde au cours du prochain siècle. Si nous collaborons ensemble pour régler nos problèmes de capital humain, non seulement nous répondrons à nos propres besoins, mais aussi les multinationales du monde entier frapperont à notre porte pour nous demander la permission d'amener leurs emplois au Canada.

Le défi, c'est qu'il s'agit d'un créneau extrêmement mince, et que la porte est en train de se fermer. Le train quitte pratiquement la gare. Si nous ne nous attaquons pas aux vastes problèmes que représente la pénurie de compétences sur le plan des ressources humaines, si nous ne nous efforçons pas d'élargir sensiblement la filière d'entrée de travailleurs qualifiés, ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui, malheureusement, seront témoins, depuis le Canada, de l'expansion d'autres pays qui auront réussi là où nous aurons échoué et qui, plausiblement, seront obligés de quitter le Canada pour dénicher des emplois rémunérateurs ailleurs.

Merci.

.1625

[Français]

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Merci, madame George.

[Traduction]

Je donne maintenant la parole à M. Boynton, pour environ 10 minutes.

[Français]

M. George Boynton (président, Canadian Information Processing Society): Bonjour. Contrairement à ce que vous venez de dire, je croyais que nous ne disposions que de deux ou trois minutes, et non pas de dix minutes.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Vous disposez d'un maximum de 10 minutes.

[Traduction]

M. Boynton: Je serai bref.

Tout d'abord, j'appuie entièrement les propos de Shirley-Ann. Je signale que contrairement à l'ACTP ou l'ITAC - qui n'est pas représentée ici pour l'instant - , l'ACI, l'Association canadienne de l'informatique, représente les professionnels de la technologie de l'information, par opposition aux employeurs.

Notre association compte 6 000 membres, ce qui est peu si l'on considère le nombre de personnes qui oeuvrent dans le monde de la technologie de l'information. Néanmoins, notre association est le plus important représentant des travailleurs de la technologie de l'information.

Nous appuyons ce projet pilote. En dépit du fort taux de chômage au Canada, l'ACI est d'avis qu'il existe effectivement une pénurie de personnel dans ce domaine. Cela vaut certainement pour les secteurs de technologie de pointe, ainsi que pour le projet considérable du millénaire que l'on appelle communément le problème de l'an 2000.

De concert avec nos partenaires, comme le Conseil des ressources humaines de logiciel, et comme également l'ACTP et l'ITAC, nous souhaitons que l'on mette à jour régulièrement les données concernant ce problème pour être en mesure de formuler des solutions à long terme appropriées. Le simple fait de rendre plus efficace le processus d'immigration n'est pas une solution à long terme.

Comment pouvons-nous dépendre d'incursions dans les autres pays? Et quel tort nos voisins causent-ils au Canada en adoptant eux-mêmes cette pratique?

Une politique d'immigration bien gérée devrait être une composante d'une solution globale à la pénurie de main-d'oeuvre. Pourquoi avons-nous ce problème aujourd'hui? Pourquoi souhaitons- nous mettre en oeuvre ce projet pilote?

Notre association favorise l'éducation permanente et élabore des accords de reconnaissance réciproque avec d'autres associations oeuvrant dans le domaine de la technologie de l'information dans le monde. Ces accords mettent en relief la nécessité d'harmoniser les normes internationales en technologie de l'information, ce qui facilitera la mobilité des ressources.

En outre, encourager les employeurs, comme l'a fait le gouvernement provincial du Québec, à investir dans la formation est assurément un autre volet d'une solution intégrale, et j'insiste sur l'expression «solution intégrale». Il n'est certainement pas acceptable que des employeurs qui n'investissent pas dans la formation fassent du maraudage dans des entreprises qui, elles, le font.

D'après certaines études, le professionnel de la technologie de l'information exige au moins de 10 à 15 jours de formation par an pour demeurer à jour dans sa profession. Il semblerait que les employeurs doivent consacrer non pas 1 p. 100, mais peut-être de 3 à 5 p. 100 de leur masse salariale à la formation. La technologie de l'information exige un processus de mise à jour ou de recyclage constant, et l'ACI embrasse ce principe.

En somme, nous appuyons ce projet pilote, mais uniquement en tant que volet d'un train de mesures englobant la formation permanente, pour que nous n'ayons pas le même problème avec ces nouveaux immigrants d'ici deux ou trois ans.

Merci.

[Français]

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): C'est tout?

M. Boynton: Oui.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Notre prochain témoin, M. Georges Nydam, représente le Conseil de développement d'affaires du West Island. Vous avez une dizaine de minutes.

M. Georges Nydam (commissaire industriel, Conseil de développement d'affaires du West Island): Monsieur le président, j'aimerais m'assurer que vous avez tous les deux courts documents que nous avons apportés. Il ne s'agit pas de traductions; le premier document est une version plus complète en français, tandis que le deuxième reprend en anglais les points clés de notre présentation.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Est-ce que les membres du comité ont ces documents? Oui? D'accord.

M. Nydam: Je pense qu'il y a unanimité chez les trois Georges qui sont ici présents. Il semble que ce soit le mot de passe pour entrer ici aujourd'hui.

Je suis le commissaire industriel d'une association qui s'occupe de recrutement international depuis près de trois ans. Nos entreprises ont fait état des difficultés qu'elles ont à faire venir des travailleurs stratégiques dans le domaine technologique. Nous nous devons de souligner que, dans la région de Montréal et surtout dans l'ouest de l'île, nous jouissons d'une collaboration extraordinaire de la part des agents du ministère du Développement des ressources humaines, d'Immigration Québec ainsi que d'Immigration Canada. Grâce à cette collaboration, nous avons pu mettre en place des procédures opérationnelles, peut-être officieuses plutôt qu'officielles, qui rendent de bons services à nos entreprises.

.1630

Je me permets de souligner que la perception qu'ont la majorité des entreprises des politiques de recrutement international du gouvernement, c'est qu'on veut autant que possible l'empêcher ou le réduire au minimum afin de conserver les emplois soi-disant pour les Canadiens. Nos politiques sont perçues comme des contraintes au recrutement international.

D'autre part, les entreprises font valoir le fait que lorsqu'elles recrutent à l'extérieur, c'est parce qu'elles ont besoin de le faire. Le déménagement d'un Canadien de Toronto à Vancouver représente pour une entreprise des dépenses d'à peu près 40 000 $, tandis que la venue d'un spécialiste d'Europe ou d'ailleurs représente un investissement de 80 000 $ à 120 000 $. Les répercussions financières du recrutement à l'étranger font que vous y pensez à deux fois avant de vous lancer là-dedans.

Depuis l'entrée en vigueur du traité de libre-échange, les barrières économiques qui s'exerçaient sur les biens se sont affaissées. Nous cherchons maintenant à diminuer les barrières au mouvement des ressources humaines.

Au sein des entreprises, tout le monde fait état d'une chose: lorsqu'on fait venir un travailleur spécialisé de l'étranger, scientifique ou autre, le résultat très net est la création d'emplois pour les Canadiens qui vont l'appuyer dans son travail. Voici nos recommandations. Nous accueillons positivement les mesures proposées. Effectivement, le fait qu'on essaie de simplifier les procédures est pour nous un signe que le ministère du Développement des ressources humaines change globalement d'attitude. Toutefois, puisque notre base industrielle est très diversifiée, nous jugeons important qu'on étende ces principes à l'ensemble des technologies avancées, soit le biomédical, l'aérospatial et mêmes les technologies de l'information.

Nous souhaitons aussi que le gouvernement étudie la possibilité d'étendre cette approche fast track aux postes stratégiques mais non techniques. Plusieurs de nos entreprises ont maintenant des mandats mondiaux, ce qui veut dire qu'elles s'occupent d'un produit ou d'une gamme de produits partout dans le monde. Les entreprises cherchent donc des candidats possédant des compétences entre autres dans la mise en marché et dans le domaine commercial pour s'attaquer au marché mondial. Il est important qu'on reconnaisse qu'il s'agit d'un poste stratégique.

Nous suggérons aussi que le ministère du Développement des ressources humaines et Immigration Canada mettent sur pied des programmes structurés d'information et de formation aux procédures administratives à l'intention des agents de recrutement au sein des entreprises. Il est surprenant de constater que, bien qu'on nous remette toujours de très beaux documents, on fait très peu en termes de formation de nos gens afin de s'assurer que tout va rondement.

Il est aussi important que le ministère du Développement des ressources humaines coordonne certaines politiques au sein de ces différentes régions, ce que je vous suggère parce que la proposition que le ministère met maintenant sur la table est déjà en place au Québec. Actuellement, certaines entreprises du Québec se prévalent de cette procédure qu'on appelle fast track auprès du ministère du Développement des ressources humaines et d'Immigration Québec. Elles ont conclu des ententes et fait valoir aux autorités qu'il existait une pénurie dans leur domaine. Parmi les entreprises qui en bénéficient figurent Ericsson chez nous, à Montréal, Bombardier et nombre d'autres.

Le problème que nous éprouvons, c'est que les grandes entreprises savent bien comment s'en servir et qu'on s'occupe d'elles, mais que les moyennes et petites entreprises se heurtent à des contraintes parce qu'elles recrutent peut-être une ou deux personnes par année.

.1635

Également, nous souhaitons qu'en plus de ce projet-pilote, Développement des ressources humaines Canada examine un autre projet-pilote visant à désigner certaines entreprises d'une région donnée, par exemple Montréal, comme des entreprises stratégiques à vocation internationale. Ces compagnies désignées stratégiques seraient préqualifiées et soumettraient un projet en besoins en matière de ressources humaines; elles pourraient faire venir rapidement des candidats de l'étranger en attendant l'approbation gouvernementale. Naturellement, l'entreprise garantirait que si le candidat ne répond pas aux critères du gouvernement, le candidat et sa famille seront obligés de partir.

C'est une autre approche que nous voulons examiner. Il faut dire qu'aujourd'hui, les entreprises sont responsables quand il s'agit de recrutement international. Ce n'est pas une question de recruter ce qu'on appelle du cheap labour. Donc, ciblons des secteurs et des entreprises qui se préqualifieront.

Le dernier point que nous souhaitons soulever touche la question des conjoints. Je pense que chez vous, la plupart des ménages ont deux revenus. Dans le monde occidental, c'est de plus en plus la norme: à la fois le mari et la femme travaillent. Malheureusement, nos politiques d'immigration et de main-d'oeuvre n'ont pas évolué avec ces tendances, et on limite les permis de travail temporaire à un seul par famille.

Le Canada exige actuellement la réciprocité pour accorder des permis de travail au conjoint. D'après nous, si le Canada prenait les devants et donnait la permission de travailler aux conjoints de personnes stratégiques qui viennent travailler au Canada, on pourrait considérer cela comme un avantage comparatif.

Prenons la question de l'investissement international. Un étranger qui envisage d'investir en Amérique du Nord, surtout dans le domaine technologique, se dit: Si j'installe mon centre de recherche aux États-Unis, j'aurai un bassin de main-d'oeuvre de 300 millions de personnes dont je pourrai tirer les meilleurs candidats; si je vais m'installer au Canada, j'aurai un bassin de main-d'oeuvre de 30 millions de personnes. Il se dira tout naturellement que ses chances de trouver ce qu'il cherche dans un bassin de 300 millions de personnes sont beaucoup plus fortes que dans un bassin de 30 millions de personnes au Canada.

Le Canada est déjà plus petit que les États-Unis; son marché est plus petit. Si le Canada se donne une politique de main-d'oeuvre ouverte et favorable, on pourra dire aux entreprises: Si vous installez votre centre d'activité ou de recherche à Montréal, à Toronto ou ailleurs, vous aurez un bassin de main-d'oeuvre, non pas de 30 millions ou de 300 millions de personnes, mais plutôt du600 millions de personnes, si on combine le Canada avec l'Europe, les Indes et d'autres régions.

Je pense que c'est ainsi que nous devons envisager notre développement futur au Canada. Merci.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Merci infiniment. Nous allons passer à la période des questions. Monsieur Nunez, vous avez une dizaine de minutes.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Je vais les partager avec mon collègue, M. Pierre de Savoye.

D'abord, je vous remercie beaucoup pour vos trois exposés, qui étaient très intéressants. Je vois que c'est un domaine où vous êtes très compétents. Je vous félicite aussi pour le travail que vous faites, surtout dans le domaine de la formation.

Ma première question s'adresse à M. Nydam. Est-ce que vous pouvez nous expliquer davantage les démarches que vous devez faire auprès d'Immigration Québec? On sait que le permis de travail est toujours accordé par le gouvernement fédéral. Quelles sont les démarches faites par le gouvernement du Québec?

M. Nydam: Il y a quatre ans, la procédure du Québec devenait très lourde parce qu'il fallait avoir à la fois l'approbation du Québec et celle du fédéral pour des permis de travail temporaires.

Il y avait un problème fédéral au niveau des validations et un problème québécois. Nous avons donc regroupé nos entreprises avec Développement des ressources humaines Canada, Immigration Canada et Immigration Québec.

.1640

Nous avons eu l'appui de nos députés. Chez nous, le leader était M. Lincoln, qui a animé ce débat. Au niveau provincial, à cette époque, les libéraux étaient au pouvoir. Ils ont convenu qu'il y aurait une harmonisation entre le fédéral et le provincial. Le premier élément de l'harmonisation a été le retrait du provincial du domaine de la validation. Maintenant, l'approbation du Québec est presque automatique. La validation est faite par le fédéral.

L'autre problème, c'était que les agents de Développement des ressources humaines Canada avaient beaucoup de difficulté à valider des emplois techniques. Lorsqu'on a besoin de quelqu'un qui a une qualité spécifique, il est difficile de mettre cela sur papier. Donc, on a commencé à introduire un principe de communication entre les agents fédéraux et les entreprises. Les entreprises ont invité les agents fédéraux chez elles pour qu'ils puissent comprendre leurs besoins. Les entreprises commençaient à bâtir ce qu'on appelait des plans de développement de ressources humaines dans lesquels elles disaient: Nous allons dans telle direction et nous aurons besoin de tel ou tel type de main-d'oeuvre; nous allons essayer de la trouver au Canada, mais si nous ne la trouvons pas, nous devrons aller ailleurs.

Ce type de communication a bien fonctionné. Dans bon nombre de cas, les entreprises ont convaincu les agents de Développement des ressources humaines Canada qu'il fallait faire venir des travailleurs étrangers sans nécessairement passer par l'ensemble des procédures de validation.

M. Osvaldo Nunez: Dans quels pays recrutez-vous? Je pense qu'il est difficile de recruter aux États-Unis. Les salaires sont plus élevés, etc.

M. Nydam: Il est plus facile de recruter aux États-Unis, parce qu'avec l'ALENA, on a des accords sur les mouvements de spécialistes. Ces mouvements sont très faciles.

M. Osvaldo Nunez: Mais les salaires sont plus élevés aux États-Unis qu'ici.

M. Nydam: C'est cela. Donc, nos entreprises recrutent surtout en Europe. Il existe un processus permettant à nos entreprises de recruter en Europe. Il y a de grandes entreprises de chez nous qui sont allées à Londres pour expliquer à Immigration Canada la nature de leurs besoins afin que l'agent sur place les connaisse bien. Cela accélère la procédure.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Je trouve le sujet particulièrement intéressant et nécessaire. Je dois vous dire qu'avant cette vie-ci, je faisais de la consultation en informatique sur le plan international. Par conséquent, je connais bien CIPS et la Fédération de l'informatique du Québec, ainsi que tous les problèmes dont vous faites état.

Je vais faire certains commentaires et j'aimerais que vous y réagissiez pour leur donner la perspective que vous connaissez.

Lorsqu'on parle de main-d'oeuvre qualifiée qui vient de l'extérieur et de haute technologie, j'ai l'impression qu'on est devant le phénomène de l'oeuf et de la poule. Si on n'a pas ici d'entreprises de haute technologie, forcément, on ne peut pas développer de la main-d'oeuvre ou même en former pour ces entreprises qui n'existent pas. Mais à partir du moment où elles désirent exister, il faut être en mesure de leur amener de la main-d'oeuvre. Si la main-d'oeuvre vient, en principe, cela devrait générer, par voie de transposition de connaissances, de la formation pour nos propre employés.

En même temps, vous parliez de maraudage. Le maraudage n'est pas seulement national. Il est aussi international. Il y a bon nombre de cerveaux canadiens qui, faute de pouvoir trouver des occasions de carrière au Canada, vont entre autres vers les États-Unis ou d'autres pays.

Par conséquent, vous nous suggérez ici d'adopter une politique telle qu'on sera en mesure de dégager nous-mêmes des occasions de carrière en haute technologie et vous dites que le fait d'amener des cerveaux de l'extérieur pourrait même nous aider à garder nos propres cerveaux ici. Mais si, dans tout cela, on n'établit pas de balises, on risque que certaines organisations abusent de la situation.

.1645

Voici ma question. Devrait-on lier l'accès d'une entreprise à la voie rapide à une garantie d'investissement dans la formation des autres employés de l'entreprise? Comme réagissez-vous à cela? Je vois Mme George qui dit non.

[Traduction]

Mme George: Vos observations sont des plus valables. Examinons un échantillon d'immigrants qui sont venus au Canada et qui ont créé des emplois. Prenons l'exemple deM. Michael Cowpland, de Corel, de M. Terry Matthews, de Newbridge, de M. John Millard, qui dirige maintenant Mitel. Leur contribution s'est traduite par quelque 6 000 emplois pour des Canadiens. Il va donc de soi que dans le secteur de la technologie de pointe l'immigration, l'arrivée de cerveaux de l'étranger, peut créer des occasions d'emploi fort intéressantes.

Les véritables défis consistent à lier deux choses et à essayer également de légiférer. Comment mesurer cette formation? Par exemple, j'ai assisté ce matin à un atelier où M. Cowpland expliquait comment se faisait la formation à Corel. Leurs ingénieurs installent sur leurs serveurs une formation sur support vidéo pour leur nouvelle génération de produits. Les employés téléchargent ces renseignements dans un module ou selon leurs besoins. Ce n'est pas le genre de choses que l'on prend la peine de mesurer, le fait que Sam ait consacré 3,2 heures à ce cours de formation tandis qu'il était assis à son bureau.

Le problème, c'est que les mécanismes permettant de mesurer la formation se prêtent mal à notre industrie, car cette formation ne se fait pas de la façon traditionnelle. Si on essaie de lier ces éléments, on crée des obstacles potentiels, des écueils potentiels pour l'avenir.

Il faut que le milieu trouve un moyen de collaborer pour élargir sensiblement le pipeline. Les entreprises qui n'offrent pas de formation adéquate perdent un grand nombre de leurs employés. D'ailleurs, c'est une très mauvaise politique de rétention que de ne pas investir dans la formation. Dans notre industrie, on investit habituellement beaucoup dans la formation, mais très souvent sous une forme non traditionnelle. Il n'existe tout simplement pas de cours. Où trouver un cours sur la prochaine génération de MTA? Cela n'existe pas.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Quelqu'un veut-il répondre brièvement?

M. Boynton: J'appuie également les propos de Shirley. Je ne pense pas que l'on doive nécessairement lier cela à la promesse de créer des emplois.

[Français]

Cependant, je trouve que l'exemple que nous avons au Canada est similaire à celui qu'on avait dans le domaine du tourisme. On ne parle pas souvent des avantages d'être un Canadien. De cette façon, on pourrait peut-être retenir les gens en haute technologie.

Je porte plusieurs chapeaux. Mon rôle à l'ACI en est un de bénévole. Dans la vraie vie, je suis chef d'une PME. Je pense qu'on doit regarder non seulement les besoins des grosses entreprises, mais aussi ceux des PME.

Comme PME, j'ai des besoins que je ne peux pas combler ici facilement. À cause des différences des marchés en Europe, je peux aller chercher des gens là-bas beaucoup plus facilement.

Être obligé de démontrer que j'ai créé d'autres niveaux d'emploi serait pour moi un fardeau inacceptable. Le fait d'avoir embauché quelqu'un ici au Canada - et je sais que je ne fais pas de tort à d'autres membres de la communauté informatique - démontre que je crée de l'emploi; je présume que ces gens vont dépenser de l'argent au Canada. Ce sont mes commentaires.

M. Nydam: Votre commentaire sur le maraudage est valable dans un certain sens; celui sur l'oeuf et la poule est très valable.

Le développement des entreprises technologiques au Canada est un phénomène relativement récent. Il en résulte que nous nous avons peut-être beaucoup de compétences au niveau d'entrée, mais que nous manquons de chefs de file, de dirigeants supérieurs. Quand on recrute internationalement, on cherche ce type d'individus qui ont des connaissances pointues.

.1650

Pensez qu'il y a trois ans, on avait deux entreprises biotechnologiques à Montréal. Aujourd'hui, nous en avons 45 et nous nous attendons à en avoir 200 dans deux ans. Vous voyez comme le taux de croissance est rapide.

Le problème avec lequel nous allons vivre d'ici deux ans, et nous en sommes déjà conscients aujourd'hui, c'est qu'avec ce taux rapide de croissance, nos universités ne pourront plus fournir. Nous avons un climat propice, mais...

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Votre temps est écoulé. On vous reviendra.

M. Pierre de Savoye: Si j'avais pu préciser ma question, on aurait peut-être pu me répondre. Je reviendrai.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Précisez-la rapidement et je vais demander à Mme George d'y répondre rapidement. Je vous donne une minute.

M. Pierre de Savoye: J'ai vu des entreprises faire venir du personnel de l'étranger. Ce personnel a accompli le travail et est reparti ensuite sans qu'il y ait eu de transfert de l'expertise qui avait été apportée. Cela crée deux problèmes.

D'abord, l'entreprise n'a plus ensuite les moyens de progresser. Tantôt, on parlait de petites et moyennes entreprises, et c'est là que ça me touche. Ensuite, on a payé pour obtenir quelque chose dont les retombées sont extrêmement réduites alors qu'on aurait pu avoir des retombées plus larges. C'est le but de ma question, monsieur le président. Est-ce qu'on ne devrait pas exiger de ces petites et moyennes entreprises qu'elles fassent en sorte qu'il y ait de telles retombées?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Madame George, vous pourriez peut-être répondre brièvement. Ensuite, je donnerai la parole à Mme Meredith.

Mme George: Je voulais simplement commenter ce qui vient d'être dit. Il y a une chose que vous devez vous rappeler lorsque vous imposez des entraves au système canadien, et c'est que nous livrons concurrence à d'autres pays pour combler ces emplois. Dans le domaine du transfert de la technologie, ces facteurs entrent en ligne de compte dans la décision, par exemple, d'installer mon équipe de recherche à Washington, D.C., où ces entraves n'existent pas, ou de l'installer au Canada. Faire venir quelqu'un de l'étranger pour travailler ici sans parallèlement prévoir un transfert de technologie est insensé sur le plan commercial, mais on ne peut légiférer contre cela.

Une voix: Mais cela se produit.

Mme George: Oui, cela se produit.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Madame Meredith, je vous prie.

Mme Val Meredith (Surrey - White Rock - South Langley, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté avec intérêt et j'ai constaté que certaines phrases accrocheuses revenaient constamment. J'ai l'impression, peut-être erronée, que l'industrie de la haute technologie s'attend à ce que le gouvernement résolve ses problèmes. Je ne vous ai pas entendu dire que vous aviez l'intention de consacrer énormément de ressources à la formation pour encourager les Canadiens ou les aider à répondre à vos exigences.

On a parlé d'«autorisation d'emploi temporaire». Vous ne le savez peut-être pas, mais les candidats au statut d'immigrant reçu ayant un emploi temporaire ont priorité. Il ne s'agit pas simplement de faire venir quelqu'un au Canada pour y travailler pendant trois ans. Nous sommes en présence de quelqu'un qui entre dans notre main-d'oeuvre active et qui, en fait, ravit les chances de quelqu'un d'autre. Lorsque vous envisagez d'accorder aux conjoints de ces personnes la permission de travailler, c'est la même chose: ces personnes venant de l'étranger vont ravir des emplois potentiels à des Canadiens.

Vous avez dit que tôt ou tard, si nous voulons garder notre place parmi les pays industrialisés, il nous faudra combler ces postes dans l'industrie de pointe. Je me demande pourquoi un pays industrialisé comme le nôtre doit recruter à l'étranger pour combler ces emplois. Quelles lacunes sont responsables de notre incapacité de remplir ces emplois avec des gens de chez nous?

Si je considère les besoins dans votre industrie, je dois en déduire que nous ne sommes pas un pays industrialisé. Les statistiques qui nous ont été fournies montrent que l'année dernière nous avons importé 1 549 professionnels. Environ 800 des États-Unis, presque 300 de l'Inde et158 d'Angleterre. Pourquoi devons-nous aller chercher ces gens à l'étranger? Est-ce que les compagnies que vous représentez et qui ont besoin de ces ressources ont elles-mêmes quelque chose pour remédier à ce problème?

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Qui souhaite répondre en premier?

M. Boynton: En tant que représentant de professionnels de l'informatique, je suis très sensible à vos propos. C'est une des questions que nous nous sommes posées, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, étant donné le taux de chômage élevé. J'essaie de comprendre cette contradiction, ce taux de chômage de 10 p. 100 et cette incapacité apparente de combler tous ces postes.

.1655

Je lis moi aussi les statistiques. Je constate qu'il y a une pénurie, peut-être plus marquée dans certaines régions du pays que dans d'autres, mais il y a des postes à combler. Lors d'une réunion à laquelle j'ai participé il y quelques mois on m'a dit qu'il y avait 20 000 postes à combler dans le domaine de l'informatique. Et pourtant nous continuons à avoir ce taux de chômage élevé. Il y aura toujours des gens qui ont une formation en informatique qui n'arriveront pas à trouver d'emploi parce qu'ils ne savent simplement pas s'intégrer. Il leur manque ces autres compétences qui vont de pair avec les compétences techniques. Ils ne savent pas communiquer. Ils ne savent pas s'intégrer à une équipe.

Le problème de ces gens-là mis à part, il faut se demander de combien d'autres informaticiens nous disposons ou combien d'autres professionnels dans d'autres secteurs de l'économie, disons, sont bacheliers. Je suis bachelier en mathématiques avec spécialisation en économique et je suis informaticien. Il y a beaucoup de diplômés de ce genre qui pourraient être recyclés. Nous ne le faisons pas.

Une voix: Pourquoi?

M. Boynton: Je ne peux pas répondre à votre question. D'après les recherches que j'ai faites, il semble que les universités forment des diplômés d'un bon calibre, mais pas suffisamment de ce calibre-là.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'encourage votre comité à envisager une solution globale qui permette de réduire le taux de chômage en recyclant les diplômés en psychologie, par exemple, qui n'arrivent pas à trouver du travail.

Mme Val Meredith: Dans la région où j'habitais, une grosse industrie pétrolière s'est installée et n'arrivait pas à trouver de main-d'oeuvre qualifiée. Les compagnies ont pris sur elles-mêmes de former sur place une partie de la main-d'oeuvre locale. Elles ont fait venir de gens de l'extérieur, mais elles ont assumé leurs responsabilités d'employeurs.

Je me demande quelle forme d'apprentissage offre votre industrie, quel encouragement elle donne à ceux qui présentent des aptitudes. Dépendez-vous des gouvernements ou des universités financées par les gouvernements pour trouver vos travailleurs, ou vos compagnies assument-elles elles-mêmes une part de cette responsabilité?

M. Boynton: Puisque cela concerne l'ensemble de l'industrie, vous voudrez peut-être répondre.

Mme George: Il ne fait absolument aucun doute que nos professionnels sont hautement qualifiés et qu'il faut au minimum un diplôme universitaire pour travailler dans notre industrie.

Si vous voulez suggérer que notre industrie ouvre ses propres universités - c'est une éventualité envisagée... il faut que les universités ouvrent beaucoup plus grand le robinet de formation, ou il faut que nous fassions nous-mêmes le travail.

Le problème, c'est que même si nous commencions aujourd'hui, d'ici à ce que nous ayons l'équivalent de ces professionnels que nous faisons venir de l'étranger, il faudrait compter au moins sept à dix ans. Nous ne pouvons pas tourner au ralenti pendant sept ou dix ans pour former le personnel qualifié dont nous avons besoin.

Mme Val Meredith: Voulez-vous dire que tous ces diplômés chômeurs n'ont pas les capacités suffisantes pour être formés dans les domaines où vous manquez de main-d'oeuvre?

Mme George: Même s'ils voulaient refaire un cours menant à un diplôme en informatique, est-ce que les universités seraient capables d'absorber ce nombre supplémentaire d'étudiants?

Mme Val Meredith: Est-ce que votre industrie étudie la possibilité d'établir des partenariats avec les universités pour multiplier les possibilités de formation?

Mme George: Je ne connais pas une seule compagnie technologique qui ne travaille pas avec une université. C'est indispensable.

Mme Val Meredith: Comment? C'est ce que j'aimerais que vous me disiez. Je ne me fais peut-être pas bien comprendre. J'aimerais savoir ce que fait votre industrie pour que les jeunes Canadiens et les chômeurs aient accès à vos emplois.

M. Nydam: Je crois que notre problème... notre propre succès nous a dépassés. Nous ne nous attendions pas il y a dix ans à ce que l'informatique prenne un tel essor.

Il y a dix ans, il n'y avait pas d'ordinateurs dans les écoles, ni au secondaire ni au primaire. Aujourd'hui, il commence à y en avoir un peu partout, mais pas suffisamment vite. C'est notre problème fondamental. Notre succès a été tel qu'il engendre des demandes supplémentaires que nous ne pouvons satisfaire.

Madame Meredith, j'aimerais dire une chose. Nous ne demandons pas l'autorisation de faire venir de la main-d'oeuvre non qualifiée. Non. Nous demandons l'autorisation de faire venir de la main-d'oeuvre technique qualifiée pour des emplois que je qualifierais de stratégiques. Nous le demandons parce que le secteur de la technologie au Canada est relativement nouveau, et nous n'avons pas encore fait école.

.1700

Nous nous trouvons actuellement dans une phase d'étranglement. Il nous faut plus de techniciens, et nos compagnies réagissent de manière négative.

Je peux vous citer des exemples simplement pour le West Island. Il y a la compagnie Eicon. Sa spécialité, ce sont les systèmes de communication informatisés. Elle avait du mal à recruter. Elle a essayé de faire venir toute une équipe de recherche d'Irlande, mais elle n'a pas obtenu l'autorisation dans des délais suffisants. Elle a pris 12 membres du service de recherche de Montréal et les a envoyés en Irlande. Aujourd'hui le service de recherche irlandais d'Eicon compte près de60 employés parce que nous n'avons pas pu faire venir six personnes dans des délais raisonnables.

La spécialité de Mitec, ce sont les micro-ondes. Elle a essayé de faire venir au Canada des ingénieurs en télécommunication américains. Cela s'est avéré impossible pour, avant tout, des raisons fiscales. Conséquence: Mitec a décidé de déménager ses activités de recherche en génie aux États-Unis. Il y a maintenant là-bas 30 postes.

Matrox avait du mal à trouver des programmeurs. Elle a décidé d'ouvrir un centre complet de recherche en Floride.

Ne nous faisons pas d'illusion. Lorne Trottier de Matrox, est le premier à vous dire qu'il n'a pas déménagé en Floride simplement pour une question de pénurie. C'est aussi parce que son associé aime jouer au golf. C'est aussi parce qu'il y a plus de candidats au déménagement en Floride que de candidats au déménagement au Canada. Il dit que ce n'est pas sa faute: il n'est pas responsable du climat, et il faut faire avec. Mais en déménageant en Floride il a aussi moins de mal à recruter des gens.

Nous ne demandons pas l'autorisation de recruter à tous les niveaux. Je vois que vous avez avancé le chiffre de 1 500 personnes.

Mme Val Meredith: C'est 1 549, je crois.

M. Nydam: Je trouve très surprenant qu'il y en ait aussi peu. Cela ne fait vraiment pas beaucoup, mais les conséquences pour notre développement économique sont énormes.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Merci.

Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches - Woodbine, Lib.): Merci, monsieur le président.

Certaines de mes questions sur la formation ont déjà été posées par mes collègues, mais j'aimerais faire un petit retour en arrière. Je comprends la nécessité de recruter à l'étranger pour se conformer à l'évolution de l'économie et répondre aux besoins de l'essor rapide d'une nouvelle industrie. Beaucoup d'entre nous sont arrivés d'autres pays après la guerre. Des emplois étaient créés. Le pays a connu un boum économique parce que ces emplois en entraînaient d'autres.

Je comprends tout cela. Aider une industrie en pleine crise de croissance ne me pose pas de problèmes, car cette crise de croissance ne peut être, éventuellement, que génératrice d'emplois et de travail.

Ma question concerne plutôt la formation et les outils de cette formation. Quelles seraient vos suggestions et que fait votre industrie pour s'assurer que les collèges et les universités dispensent la formation répondant à ses besoins?

Quels programmes peuvent être développés conjointement par l'industrie, voire les gouvernements et les universités et les collèges, pour recycler ceux qui peuvent l'être à court terme sans que cela prenne cinq ou dix ans, comme le disait tout à l'heure M. Boynton? Certains diplômés ont peut-être des aptitudes particulières. Que pouvons-nous faire pour ceux qui n'ont pas de travail pour le moment, mais qui en un an ou deux pourraient se trouver un emploi dans votre industrie, à condition d'orienter correctement leur formation?

En troisième lieu, bien entendu, il faudrait qu'à long terme les représentants de la main-d'oeuvre et les employeurs travaillent de concert avec les universités et les gouvernements, si vous voulez, pour entretenir cette main-d'oeuvre et la former en permanence.

.1705

Je comprends, madame George, que vous disiez que ce n'est pas mesurable. Cependant, j'ai fait pas mal d'études, même avant mon élection, dans le domaine de la formation, et il y a une aberration constante dans notre pays, quel que soit le secteur industriel: le bilan de la formation assumée par l'industrie est catastrophique. Je sais que c'est difficilement mesurable, mais il faudra le faire un jour.

Il est évident que je veux créer des emplois et que je veux aider une industrie en pleine expansion. Ce serait stupide de ne pas le faire, compte tenu du taux de chômage élevé et des perspectives de ce secteur. Par contre, nous voulons que ces perspectives soient à long terme et que la main-d'oeuvre nécessaire soit formée de telle manière que d'ici à cinq ans les compagnies ne s'en débarrassent pas pour qualifications insuffisantes, un peu comme on l'a vu dans le passé, et ne traitent pas les gens comme des machines.

Je sais que cela fait beaucoup de questions, mais elles sont toutes liées si on est à la recherche d'une approche globale. Elles s'adressent à vous tous.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Qui voudrait commencer?

Mme George: Vous avez mis le doigt sur des points critiques. À l'aune des méthodes traditionnelles de mesure, il est évident que le Canada ne forme pas autant que ses concurrents.

J'ai dit tout à l'heure, entre autres, que cela nous concerne tous. Cela ne concerne pas seulement les gouvernements, les éducateurs, mais tout le monde, y compris l'industrie, et il faut nous attaquer à ce problème, assumer nos responsabilités et proposer des solutions.

Il y a un certain nombre de projets pilotes en cours réellement intéressants. Il suffit de regarder les chiffres. Dans la région d'Ottawa-Carleton, par exemple, il y a environ 11 300 diplômés qui sortent chaque année des deux universités et du collège. Dans ce nombre, les diplômés de formation technique - et j'inclus dans ce groupe les ingénieurs civils, par exemple, qui ne sont pas forcément immédiatement employables - sont peut-être 1 200 à 1 500. Il y a peut-être 700 programmeurs potentiels immédiatement disponibles. Il y a donc un contingent énorme de diplômés que nous pouvons absorber. Notre compagnie ne peut immédiatement embaucher un diplômé anglais. Comment pouvons-nous les réusiner?

Il y a un certain nombre de compagnies privées intéressantes qui prennent des diplômés en lettres et qui en neuf mois de cours en font, par exemple, des gestionnaires.

Il y a un excellent programme, malheureusement au stade initial de projet pilote, auquel participent Mitel et le CNRC pour les diplômés en génie qui ont énormément de compétences et qui ont la formation appropriée, mais auxquels il manque un petit plus. Ils suivent un cours de six à12 mois. Un ingénieur civil peut être transformé en quelque chose d'immédiatement utilisable par l'industrie. C'est un projet pilote qui vient de commencer.

La campagne d'offre n'a duré que trois jours. Il y avait dix postes et ils ont reçu plus de1 000 demandes de renseignements et plus de 400 candidatures. Le potentiel est énorme.

Je parlais justement à un des vice-présidents du Collège Algonquin ce matin, et ils ont quelques projets pilotes vraiment intéressants. Il y en a un... Malheureusement, le bassin de candidats est très limité pour ce genre de formation accélérée, mais si ce sont les bons candidats, un coursde 16 semaines suffit. Ils ne font que travailler sur des problèmes de l'an 2000, les programmeurs COBOL. Pour ce genre de choses, la formation accélérée est possible.

Il y a quelques années, lors que Newbridge était dans sa dynamique initiale de recrutement, ils avaient tous ces jeunes ingénieurs qu'ils installaient à des postes de gestion alors qu'ils ne connaissaient absolument rien à la gestion. Ils ont mis en place leur propre cours, une sorte de mini-maîtrise en administration condensée en phase avec les besoins de l'industrie. Ils ont eu tellement de succès, eu tellement de compagnies qui les ont suppliés de trouver une petite place à leurs employés, qu'ils ont décidé d'en faire une activité à part entière et que c'est désormais une filiale distincte de Newbridge.

Il y a donc toutes sortes d'excellentes initiatives en cours. Les universités... regardez ce qui se passe à la fois à Carleton et à l'Université d'Ottawa. Elles sont disposées à se réorienter pour nous fournir un plus grand nombre de diplômés. Il y a toutes sortes de problèmes de financement et autres à résoudre.

Il y a des choses qui se font, et ce ne sont pas des solutions à court terme. Le problème de la qualification des ressources humaines est un gros problème. C'est un problème à long terme, et il faudra du temps pour le résoudre. Nous y travaillons, et l'avenir n'est pas désespéré.

Mme Maria Minna: Je crois que M. Nydam voulait...

.1710

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait répondre brièvement?

M. Boynton: J'aimerais simplement vous rappeler que l'Université de Waterloo, l'une des universités les plus connues du Canada, est aussi connue sous le nom d'Université Microsoft.

Notre système d'éducation nous fournit de bons produits. Le problème, c'est que les autres pays nous font ce que nous essayons de faire aujourd'hui aux Européens.

Vous avez raison. Il y a un problème immédiat à gérer. Je peux vous confirmer en tant qu'employeur, en tant que membre de l'ACI, qu'il y a un problème de pénurie. Je n'en connais ni l'importance ni toutes les incidences géographiques, mais je suis certain que des centres comme Toronto et Vancouver doivent en souffrir. Nous n'arrivons pas à combler ces postes actuellement, mais peut-être qu'en nous lançant dans des programmes de recyclage, de reconversion de diplômés de secteurs où la conjoncture n'est pas très favorable, nous aurons la main-d'oeuvre qui nous fait défaut.

Comme vous le disiez, dans le cas de certains programmes, on maintient pouvoir le faire en30 jours, mais il est peut-être plus réaliste... de penser peut-être à neuf mois.

Ce n'est qu'un autre élément du puzzle. Il ne faut pas se retrouver dans ce pétrin dans cinq ans.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Madame Brushett.

Mme Dianne Brushett (Cumberland - Colchester, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis sûre que Mme George est au courant, puisqu'elle a parlé de brefs programmes de neuf mois... Avez-vous entendu parler de l'entreprise, ITI à Halifax?

Mme George: Oui.

Mme Dianne Brushett: C'est une entreprise constituée en société internationale. C'est une société qui s'occupe de programmation de logiciels, de formation et de technologie de l'information. Elle est financée grâce à d'importants fonds provenant des contribuables canadiens. On y forme des diplômés en informatique, des programmeurs, et d'autres encore. Ils doivent d'abord détenir des baccalauréats ès arts ou des baccalauréats ès sciences. Soixante-dix p. 100 de ces diplômés sont recrutés par les États-Unis.

Que faites-vous donc? Pourquoi ne les embauchez-vous pas ici au Canada? Nous les finançons grâce aux deniers publics, et ils quittent le pays. Alors pourquoi ne pas dire, Newbridge, pourquoi ne pas recruter à Halifax?

Mme George: ITI donne des cours ici à Ottawa. Ils en donnent à plusieurs endroits.

Mme Dianne Brushett: C'est vrai, mais ces jeunes doivent aller aux États-Unis. Ils ne peuvent pas trouver d'emplois. Qu'est-ce qui se passe donc ici?

Mme George: Je pense que ce n'est pas parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois au Canada, mais parce que les offres qu'on leur fait aux États-Unis sont plus alléchantes.

Mme Dianne Brushett: Non, on les recrute activement.

Mme George: Oh, ils le font. Croyez-moi, ils recrutent ici...

Mme Dianne Brushett: À Halifax, ils recrutent nos médecins, nos professionnels, aussi vite qu'ils le peuvent, parce que ces jeunes veulent travailler au Canada. J'ai apporté des curriculum vitae ici à Ottawa, parce que je suis curieuse de voir ce que vous essayez de faire. Pourquoi, parce que les contribuables financent ces écoles, et les jeunes quittent le pays.

Mme George: Je crois savoir que ITI est une société privée. Il en coûte 10 000 $ pour suivre un de ses cours.

Mme Dianne Brushett: Le ministère du Développement des ressources humaines finance un bon nombre de ces places.

Mme George; Peut-être là-bas.

Mme Dianne Brushett: Les fonds ont été réunis initialement pour que l'entreprise se constitue en société ici au Canada. L'enjeu est grand pour les contribuables.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Voulez-vous laisser la parole au témoin?

Mme George: D'abord, les gens dont vous parlez, les gens qui suivent le cours d'un an, ne sont pas les mêmes que ceux dont nous parlons quand il est question de faire venir des immigrants. Tout cela se passe à différents niveaux. Il faut bien le comprendre.

Pour ce qui est des diplômés d'ITI, je crois savoir, pour en avoir parlé avec ses représentants - et je ne leur ai parlé que d'Ottawa; je ne sais pas ce qu'il en est à propos d'Halifax - qu'il y a des possibilités pour ces diplômés. Ils annoncent dans leur publicité qu'ils arrivent à trouver du travail pour tous. Leurs concurrents ne sont pas tous en mesure de faire la même chose. Ils annoncent qu'ils obtiennent des offres d'organisations américaines et canadiennes.

Il ne fait aucun doute que les sociétés américaines paient davantage, et selon l'endroit où l'on va, sur le plan fiscal l'écart peut être de minime à très important.

Mme Dianne Brushett: Je le comprends bien, mais moi aussi j'ai été dans le secteur des affaires toute ma vie. Je sais que quand on veut faire venir un immigrant pour lui confier une tâche spécifique, on crée souvent un poste très spécialisé, comme vous l'avez décrit tout à l'heure, un poste de biochimiste qui a un réseau de programmation informatique, puis un savoir-faire poussé en matière de biologie. Or, il n'y a aucun programme dans le monde qui forme des candidats de ce genre, mais il y a quelqu'un qui vise un candidat potentiel dans un pays étranger qu'il souhaiterait faire venir ici. C'est ainsi que ça marche. J'ai été dans les affaires, et cela se fait.

Étant donné le fort taux de chômage au Canada et le fait que les contribuables financent un très grand nombre de ces programmes, nous devrions vraiment recruter nos propres jeunes plutôt que de les pousser vers l'étranger.

Mme George: Croyez-moi, si on pouvait trouver ces candidats au Canada, nous serions ravis de confier ces emplois à des Canadiens.

Mme Dianne Brushett: Eh bien, j'espère que cela paraîtra dans les journaux d'Halifax demain matin.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Je redonne la parole à M. Nunez pour cinq minutes, et nous lèverons la séance vers 17 h 30. Nous avons commencé une demi-heure en retard.

.1715

[Français]

M. Osvaldo Nunez: J'aimerais revenir sur la question de la formation professionnelle. Pour moi, c'est un problème très grave au Canada. Je vois qu'en Europe en général, les entreprises et les gouvernements font beaucoup plus d'efforts. Pourquoi pas ici? Comme entreprises, vous commencez une campagne pour pousser le gouvernement à consacrer plus d'argent à la formation des travailleurs d'ici. Par exemple, le Québec a adopté une loi dernièrement, et on a assisté à l'opposition généralisée des entreprises. J'avais beaucoup de mal à comprendre, parce que c'est une loi qui va favoriser la formation des entreprises.

Après beaucoup de difficultés, la loi a finalement été adoptée, mais on a dû faire tellement de concessions aux entreprises qu'il va falloir du temps pour que cette loi soit appliquée intégralement.

Je ne sais pas qui pourrait répondre à cette question.

M. Boynton: C'est moi qui ai mentionné tout à l'heure l'initiative du Québec concernant ce changement à la loi. Je suis d'accord avec vous que les entreprises - et je pense que mes collègues l'admettent aussi - doivent en faire plus au niveau de la formation.

On parle de différents niveaux de formation. On parle de formation de base, disons des16 premières années d'études. On parle aussi d'une formation continue une fois que quelqu'un a un emploi. On parle aussi de la formation de gens qui ne sont pas dans le domaine de l'informatique aujourd'hui, mais qui veulent devenir des informaticiens ou des informaticiennes.

Oui, il y a beaucoup de formation à faire et je pense que le gouvernement a un rôle à jouer là-dedans. Il doit notamment établir des lignes directrices.

M. Nydam: Dans le domaine de la formation, il y a deux aspects. Premièrement, est-ce que nos étudiants sont prêts à suivre des cours dans des domaines qui sont pertinents aujourd'hui?

Dans l'ouest de l'île, nous avons un défi. Les études en sciences et en mathématiques sont reconnues comme étant les plus difficiles, et le nombre d'élèves qui relèvent ce défi est restreint.

Donc, chez nous, nous avons une initiative conjointe des entreprises et des commissions scolaires qui consiste à intéresser les jeunes à la formation en sciences. On a même un programme pour intéresser les filles à l'informatique. Un des problèmes qu'on constate, c'est que les filles, en général, s'intéressent à l'informatique beaucoup plus tard que les garçons. Dans certains cas, ce retard est difficile à combler. Encore là, les entreprises envisagent ces différents types d'initiatives.

Je vous rappelle qu'on parle ici de questions de formation. Quand on parle de la politique de recrutement international, on ne parle pas des candidats au niveau d'entrée. On parle ici d'employés stratégiques, de gens qui ont des connaissances qui vont pousser l'entreprise à jouer un rôle à l'échelle mondiale. Le nombre de candidats n'est pas énorme. Vous dites vous-même qu'il est de1 500 à travers le Canada. Tout ce qu'on demande, c'est qu'on rende ce processus plus souple au moyen de projets-pilotes.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Je comprends bien ce que vous dites. Nous ne trouvons pas de candidats compétents ici parce que nous n'avons pas été présents dans ce secteur suffisamment longtemps pour acquérir ce savoir-faire.

Mais je comprends aussi que si c'est bien le nombre dont nous parlons - de 1 500 à2 000 personnes - et cela va de pair avec le processus que vous envisagez pour les Canadiens... Vous n'arrivez pas à en trouver. Vous pouvez dire que vous n'en trouvez pas. Vous pouvez présenter de très bonnes raisons expliquant pourquoi vous ne pouvez pas en trouver, et vous allez là où vous en trouverez. Je ne pense pas qu'on ait quelque chose à redire là-dessus.

Le problème, c'est qu'on ne veut même plus avoir à s'assurer qu'il n'y aurait pas des Canadiens en mesure de remplir ce poste. Vous élargissez les paramètres non seulement pour ce secteur, mais aussi pour d'autres, à savoir que vous pouvez embaucher à l'extérieur du pays avant même de vous être assurés s'il n'y aurait pas de Canadiens disponibles.

.1720

Vous changez donc la politique, et peut-être que ce que nous devrions nous demander, c'est pourquoi cela prend tant de temps. S'il ne fait aucun doute qu'on ne peut pas trouver de candidats au Canada, pourquoi les gens mettent-ils tant de temps à aller ailleurs? Peut-être devrions-nous examiner ce qui se passe au sein du ministère, dans le processus, plutôt que de changer une réglementation qui peut avoir des conséquences dans d'autres secteurs, ce que nous ne souhaiterions pas.

Je ne pense pas que nous fassions fi de vos préoccupations; mais c'est peut-être simplement que l'outil qu'on envisage n'est pas approprié. Peut-être faut-il se pencher sur la réglementation et le processus exposé dans les directives et accélérer les choses.

M. Nydam: Madame Meredith, je pense que vous mettez le doigt dessus. Ce qu'on propose, ce sont des modifications aux procédures, à la réglementation, pour améliorer l'efficacité.

Toutefois, il y a une chose que j'aimerais dire: vous semblez vous méfier du secteur des affaires pour ce qui est de la prise de décisions. Je vous ai dit qu'il est plus coûteux de faire venir quelqu'un de l'étranger que d'embaucher un Canadien.

Les sociétés de technologie canadiennes se font peut-être concurrence, mais elles communiquent remarquablement bien les unes avec les autres, et elles savent pertinemment quelles sont les ressources humaines qu'on peut trouver sur le marché canadien. Ainsi donc, quand une société décide de recruter à l'étranger, elle le fait parce qu'elle y a longuement réfléchi.

Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de sociétés qui se disent que si elles peuvent recruter de la main-d'oeuvre à bon marché elles vont le faire aussitôt, parce que ce n'est pas ce qui donne de bons résultats à long terme. Les sociétés prennent maintenant des décisions d'affaires en tenant compte d'une stratégie à long terme. C'est donc une décision réfléchie, et c'est ainsi que nous nous livrons concurrence pour attirer ces ressources ici.

Nous devons faire concurrence à ces entreprises - et c'est pourquoi il y a eu un exode de cerveaux - parce que nous offrons un certain niveau de rémunération. Dans le domaine de la biotechnologie, quelqu'un qui détient un doctorat en toxicologie, par exemple, au Canada peut recevoir, après avoir quitté l'université, un traitement annuel se situant entre 70 000 $ et 80 000 $. Cette même personne gagnerait aux États-Unis 100 000 $ US par an.

Il y a un grand écart entre les niveaux de rémunération au Canada et aux États-Unis. Il n'est que logique que nos étudiants et d'autres en profitent. Il est bien naturel aussi que nos spécialistes qui ont de l'expérience se disent que si les États- Unis leur offrent tant ils vont en profiter.

Le problème que nous avons est double. D'abord, nous pouvons livrer une concurrence directe en offrant les mêmes niveaux de rémunération, mais il faudra alors subir toutes les conséquences qui en découleront pour ce qui est de l'inflation et de tout le reste.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Je laisserai la parole à M. McTeague pour une question rapide, ensuite à M. Pillitteri, et après nous allons conclure.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur Nydam, vous avez dit que dans le domaine de la biotechnologie, il y a beaucoup plus de concurrence, certainement pour les salariés... Ils sont attirés par des emplois aux États-Unis. Puisque vous faites affaire dans le West Island de Montréal et que vous représentez un certain nombre de ces compagnies, combien sont propriétés étrangères et combien sont propriétés canadiennes? Vous pouvez me donner un chiffre approximatif, si vous le voulez.

M. Nydam: Je dirais que c'est environ 50-50.

M. Dan McTeague: Est-ce que ce serait 50-50 pour les compagnies de biotechnologie, surtout les compagnies pharmaceutiques?

M. Nydam: Non, parce que, pour être franc, le domaine pharmaceutique est beaucoup plus traditionnel. Nous avons environ 25 sociétés de biotechnologie, alors que nous n'avons que10 sociétés de produits pharmaceutiques. Les domaines sont différents; la biotechnologie est un secteur beaucoup plus neuf.

M. Dan McTeague: Oui, je comprends que le domaine pharmaceutique ne représente qu'une partie de la biotechnologie.

Si le taux de propriété dans le domaine de la biotechnologie est assez... je pourrais probablement poser la question à n'importe quelle association présente ici. Dans vos domaines, le taux de propriété canadienne est probablement plus élevé. Est-ce exact?

Mme George: Dans le domaine de la technologie de l'information et des télécommunications, par exemple?

M. Dan McTeague: Oui. Je soulève la question dans le contexte des remarques faites au sujet des exclusivités mondiales. Je crois savoir que dans le domaine pharmaceutique il n'y en a qu'une au Canada. Il n'y a pas beaucoup de sociétés qui semblent devoir attirer le genre d'employés expérimentés dont vous avez parlé.

Là où je veux en venir, c'est à la reconnaissance que... Un des nombreux domaines où le Canada a cédé par le passé, c'est celui des brevets pour les produits pharmaceutiques, qui fait l'objet d'une étude par un autre comité en ce moment. Les compagnies pharmaceutiques, et certainement les compagnies de biotechnologie, se sont engagées à offrir plus de formation pour les Canadiens.

.1725

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Sauf le respect que je vous dois, Monsieur McTeague, nous ne sommes pas ici pour discuter de cela. Nous sommes ici pour discuter de... Voulez-vous poser votre question? Sinon, elle restera sans réponse.

M. Dan McTeague: Vous avez accordé cinq minutes aux autres, Monsieur Bélanger.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Il faut s'en tenir au sujet prévu à l'ordre du jour.

M. Dan McTeague: Mais il s'agit justement de cela, Monsieur le président.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Passez à votre question.

M. Dan McTeague: Il est très clair que le secteur des produits pharmaceutiques ne représente qu'une partie de la biotechnologie.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Nous ne sommes pas ici pour étudier de nouveau le projet de loi C-91.

M. Dan McTeague: Je n'ai pas mentionné le projet de loi C-91. J'ai parlé de la question des médicaments brevetés.

Pourriez-vous nous dire, monsieur, combien de postes dans le West Island de Montréal ont dû être dotés par des étrangers? Combien de multinationales dans votre région ont fait venir des employés étrangers depuis quatre ou cinq ans?

M. Nydam: Du côté des nouvelles sociétés dans le domaine de la biotechnologie, c'est Phoenix qui a connu le plus grand succès. Il s'agit d'une société ayant son siège social au Canada. Chaque année Phoenix fait venir quatre ou cinq scientifiques pour occuper des postes clés dans de nouveaux domaines en pleine évolution.

Une autre compagnie qui s'est installée dans la région, c'est Astra Pharmaceutical, qui est suédoise. Astra s'est installée à Montréal, et cette compagnie a une exclusivité mondiale dans le domaine de l'asthme. Jusqu'ici, sur une centaine d'employés, Astra a fait venir au Canada de 10 à15 personnes, dont la moitié environ travaillaient dans la division en Suède qui a mis au point ce genre de produit et continue d'y travailler.

Il y a d'autres entreprises qui se sont installées dernièrement, comme Hyberdon, qui a40 employés, dont seulement deux étrangers.

Methylgene est pratiquement une société canadienne à 100 p. 100. Il y a des compagnies, comme Merck Frosst, qui ne font presque pas de recrutement à l'étranger. Elle existe depuis assez longtemps pour avoir, comme vous l'avez mentionné, des programmes d'alternance travail-études avec différentes universités canadiennes. Ces programmes permettent à Merck Frosst de parrainer certains étudiants prometteurs.

Elle a fait venir au Canada certaines personnes dans des domaines très précis de commercialisation, car elle a des exclusivités mondiales et veut avoir ses experts sur place.

M. Dan McTeague: Je veux demander une précision. Lorsque vous parlez des exclusivités mondiales, vous parlez d'un produit qui est fabriqué au Canada et distribué partout dans le monde.

Mme Nydam: Non, la recherche se fait ici, et le produit est fabriqué ici et ensuite distribué sur les marchés internationaux.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. J'écoute la discussion, et je me suis rendu compte, en souri intérieurement, que je travaille dans un secteur où j'embauche à l'étranger, et j'ai pourtant du mal à trouver des travailleurs qualifiés également.

Je me rappelle que si un secteur cherche des employés à court terme pour combler un vide, en général on n'a pas les meilleurs candidats. On trouve ceux qui n'ont pas pu se trouver un emploi dans leur pays d'origine.

Permettez-moi de reformuler ma pensée. Je veux que vous compreniez ma perspective. Si le secteur industriel prenait l'initiative de créer un partenariat, partenariat qui comprendrait une participation financière, car il faut faire preuve de sérieux... Si on a besoin d'employés ayant des compétences précises, il faut parfois en payer le prix.

Avec votre permission, je vais vous dire ce que nous avons fait dans notre secteur. Nous ne pouvions pas trouver de travailleurs qualifiés. Nous en avons besoin de très peu, et en général ils viennent de l'Europe. Nous avons établi un partenariat avec l'université pour financer un programme de formation. Nous en payons plus de 15 p. 100, et nous obtenons des travailleurs avec les compétences voulues. Il s'agit d'étudiants du 3e cycle. Nous avons réfléchi au problème, car depuis 10 ans ce secteur est devenu assez important, et la pénurie d'employés est si grande que c'est la seule façon de nous assurer d'avoir les employés possédant les compétences dont nous avons besoin.

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J'ai entendu les gens, autour de la table, dire qu'ils travaillent avec les universités, etc. Mais êtes-vous prêts à investir dans un programme de ce genre? Faites-vous une contribution financière pour créer des partenariats avec les universités afin de trouver vos travailleurs qualifiés? C'est là qu'il faut chercher la solution au problème.

M. Nydam: Il y a des compagnies qui font cela. Je peux citer l'exemple d'une petite société qui s'appelle QPS. Elle travaille dans le domaine de la technologie de pointe du réseau de Bragg, qui est un système de communication optique. Il n'y a pas beaucoup de compagnies ni de spécialistes qui travaillent dans ce domaine. QPS consacre 30 000 $ par an, avec la participation de l'École polytechnique de l'Université de Montréal, pour former des ingénieurs de 3e cycle qui seront prêts à travailler dans deux ou trois ans.

Tom a parlé de l'expérience de Merck. Presque toutes les compagnies qui travaillent dans le domaine de la technologie ont tendance à avoir ce genre d'arrangements avec des universités pour donner aux étudiants la formation dont les compagnies ont besoin. On n'en entend pas parler beaucoup, mais cela se fait.

Je vous répète que nous nous attaquons à un problème concernant les emplois de premier échelon. Je ne pense pas que les compagnies aient besoin de plus de souplesse pour des emplois à ce niveau. Ce que nous demandons, c'est une simplification des procédures pour pouvoir combler des postes stratégiques dans les domaines de la technologie. Il s'agit de gens qui ont de 10 à 15 ans d'expérience qu'ils ont acquise ailleurs. Ils ont de l'expérience dans la commercialisation internationale, ce que nous n'avons pas encore ici. Nous avons besoin de ces gens-là pour pouvoir pénétrer les nouveaux marchés. Dans 10 ou 15 ans, nous aurons probablement des employés compétents dans ces domaines, mais pour le moment il y a une lacune à cause de la croissance incroyable des industries technologiques au Québec et au Canada.

Mme George: Permettez-moi de vous donner un exemple. Je ne sais pas si vous allez recevoir Nortel plus tard cette semaine, mais cette compagnie vient d'investir environ un million de dollars dans un programme en télécommunications à l'Université de Toronto. C'est un investissement assez considérable. Il y a d'autres compagnies qui font des investissements également.

Je ne sais pas si la députée d'Halifax se sentira consolée de savoir que certaines compagnies d'Ottawa ont la ferme intention d'aller faire du recrutement à Halifax très bientôt.

Mme Dianne Brushett: Le plus tôt sera le mieux. Merci beaucoup.

Mme George: En tant que mère, je ne sais pas si je serais plus heureuse si mes enfants s'en allaient en Ontario plutôt que dans le Maine, mais il ne fait aucun doute que...

Mme Dianne Brushett: Ce sont nos impôts qui financent l'enseignement donné à nos enfants; donc, il est un peu malheureux de les voir quitter le pays. D'un autre côté, il est question de faire venir des travailleurs étrangers au Canada.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Avez-vous des remarques à faire en guise de conclusion, monsieur Boynton? Nous sommes sur le point de lever la séance.

M. Boynton: J'espère que notre position est claire: nous sommes d'accord avec beaucoup des remarques faites par les députés, à savoir qu'il faut consacrer beaucoup d'efforts à la formation. Je suis également d'accord avec mes collègues du secteur industriel qui disent que nous avons besoin d'employés ayant de l'expérience et une spécialisation dans le domaine de la haute technologie. D'après moi et mon association, il s'agit d'un besoin à court terme. C'est le seul engagement que je suis prêt à faire en ce moment. J'espère que nous trouverons un ensemble de solutions à nos problèmes de recrutement.

Le président suppléant (M. Mauril Bélanger): Je tiens à remercier Mme George, de l'Association canadienne de technologie de pointe, M. Boynton, de l'Association canadienne de l'informatique, et M. Nydam, du Conseil de développement d'affaires du West Island. Je regrette que M. Broadmore n'ait pas pu être des nôtres. Si possible, nous essayerons de l'entendre à un autre moment. Sinon, nous serons obligés de nous passer de sa sagesse.

Je rappelle aux membres du comité que la prochaine réunion aura lieu demain à 15 h 30, dans cette salle. Nous allons entendre des fonctionnaires d'Industrie Canada au sujet de la même question.

Merci. La séance est levée.

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