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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 février 1997

.1530

[Traduction]

La présidente: Nous avons le quorum pour cette réunion du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable ministre de la Défense nationale, M. Doug Young.

Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous aviez une déclaration liminaire.

L'honorable Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Oui. Merci beaucoup.

Je présenterai mon allocution puis je serai heureux de répondre à vos questions; l'amiral Murray et le général Kinsman sauront m'épauler de façon fort compétente, j'en suis convaincu.

[Français]

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous parler plus en détail de l'étude que j'ai suggérée à votre comité de mener sur les défis socioéconomiques qu'on a à relever au sein des Forces canadiennes. J'ai aussi l'intention de vous parler cet après-midi du rapport que je présenterai au premier ministre et au gouvernement du Canada à la fin mars sur le travail de la Commission d'enquête sur la Somalie et, finalement, sur la restructuration de la Réserve.

Je suis ravi que vous ayez accepté, avec les membres de votre comité, d'entreprendre une étude aussi complexe et exigeante. Je sais que cette décision reflète votre engagement envers le bien-être à long terme des membres des Forces canadiennes et de leurs familles. Les problèmes et les besoins des gens ont, il va sans dire, des répercussions sur le moral de notre personnel et de leurs familles.

Ces questions ont un impact sur l'avenir de l'organisation puisqu'elles affectent sa capacité d'attirer et de conserver des gens de haut calibre. Votre étude sera extrêmement importante puisqu'elle nous aidera à améliorer la qualité de la vie militaire. Elle nous aidera aussi à préserver l'efficacité opérationnelle soutenue des Forces canadiennes.

On se préoccupe beaucoup du moral au sein des Forces canadiennes et de la façon dont le ministère et les Forces appuient nos militaires et leurs familles. Naturellement, les membres des Forces doivent composer avec les mêmes stress fondamentaux que les autres Canadiens et Canadiennes, dont la sécurité d'emploi, le revenu et les problèmes familiaux. En raison des impératifs de leur mission, les membres des Forces doivent aussi faire face à des stress qui sont uniques aux militaires, tels les déménagements fréquents au Canada et à l'étranger, le déploiement à très bref délai dans le cadre des opérations, l'éloignement des êtres chers pendant de longues périodes, les nombreux sacrifices personnels et les contraintes imposées à la liberté personnelle et, finalement, le risque d'être blessés ou même tués en service.

Depuis quelques années, ces stress ont été intensifiés par un calendrier très complet de missions opérationnelles à un moment où l'organisation réduisait ses effectifs et son budget par l'introduction de nouvelles technologies et pratiques de gestion, le gel de la solde militaire depuis cinq ans et l'examen minutieux auquel les médias et le public soumettent les Forces canadiennes. Tout cela a un sérieux effet sur le moral de nos gens et de leurs familles.

J'ai visité des bases des Forces canadiennes dans tout le pays et j'ai parlé à des militaires affectés à nos missions à l'étranger. J'ai rencontré un grand nombre d'hommes et de femmes qui composent nos Forces armées. J'ai vu le travail qu'ils accomplissent et j'ai écouté ce qu'ils avaient à dire.

[Traduction]

Madame la présidente, j'ai été fortement impressionné par le professionnalisme des membres des Forces canadiennes. J'ai été impressionné par leur fierté et leur engagement au service du Canada; cependant, j'ai aussi été attristé par leurs frustrations et leurs inquiétudes face à l'avenir. C'est pourquoi j'ai suggéré cette étude. Le temps est venu de trouver la cause de ces problèmes et de recommander les changements nécessaires pour améliorer le moral de nos militaires.

Cet examen des besoins des gens aurait dû être entrepris il y a longtemps. En 1990, le vérificateur général avait déjà signalé que nos politiques en matière de personnel n'étaient pas toujours adaptées à la réalité sociale du Canada et aux stress de la vie militaire. Il nous faut examiner un large éventail des questions comme la solde, la rémunération et les avantages sociaux, la politique de logement, les systèmes de soutien aux familles, ainsi que d'autres aspects qui ont des répercussions importantes sur notre personnel et les familles.

Comme je le mentionnais dans la lettre que je vous ai adressée, vous allez devoir définir la nature de la rémunération, des avantages sociaux et du soutien que le gouvernement devrait fournir aux membres des forces et à leurs familles. Vous devrez d'abord tenir compte du caractère unique des Forces canadiennes, de leur importance vitale pour le pays et de leur responsabilité illimitée dans l'exercice de leurs fonctions.

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Vous devez aussi garder à l'esprit deux réalités importantes. Premièrement, la situation financière. Car il faut modérer les attentes et ne pas créer de faux espoirs. Deuxièmement, les réalités sociales du Canada. Pour mesurer le niveau approprié de rémunération et d'avantages sociaux à accorder à nos militaires, il faut tenir compte d'un facteur important: la situation des autres Canadiens et Canadiennes.

De plus, il faudra examiner ce que font nos alliés. Il serait en effet très utile de comparer la situation des Forces canadiennes à celle d'autres forces.

En comprenant bien tous ces facteurs, vous serez mieux placés pour déterminer les besoins sociaux et économiques des membres des Forces canadiennes et de leurs familles.

Il y a un certain nombre de domaines dans lesquels vos recommandations nous seraient particulièrement utiles. Par exemple, celui de la solde et des avantages sociaux. La solde et les avantages sociaux des militaires devraient-ils être comparables à ceux des fonctionnaires? Ou bien devrait-il s'agir d'un régime entièrement distinct?

Et il y a la question des déplacements et des déménagements. Compte tenu des circonstances uniques du service militaire, le gouvernement devrait-il faire davantage pour aider les membres de forces et leurs familles à composer avec les perturbations causées par des affectations fréquentes? Les militaires reçoivent-ils des compensations adéquates pour les complications financières - et parfois les pertes substantielles - qu'ils subissent, lorsqu'ils doivent déménager vers un nouveau lieu d'affectation? Devrions-nous fournir de l'aide en ce qui concerne l'emploi des conjoints et l'éducation des personnes à charge?

Le logement est une autre question complexe et cruciale. Quel rôle le gouvernement devrait-il jouer pour faire en sorte que des logements adéquats et abordables soient mis à la disposition des membres des Forces canadiennes et de leurs familles? Le comité voudra peut-être examiner si l'Agence de logement des Forces canadiennes, qui a été créée récemment, a le mandat, l'autorité et les ressources financières nécessaires pour accomplir son travail de façon adéquate.

D'autres questions touchent nos divers programmes et installations de soutien, notamment dans des domaines comme les soins médicaux et dentaires, l'aide à l'éducation, le soutien des familles, le conditionnement physique, les loisirs et les services communautaires. Quels sont les besoins dans ces domaines, et quel rôle devrait jouer le gouvernement dans la prestation et le soutien de tels programmes?

Et que devons-nous penser des programmes de soutien aux familles des militaires? Est-ce que nous réussissons à satisfaire les besoins de notre personnel et de leurs familles avant, pendant et après les déploiements pour des missions opérationnelles à l'étranger? Est-ce que nous les aidons à composer avec ces stress de toutes sortes, y compris celui que cause les déploiements répétés?

Finalement, quelle que soit la question que vous décidiez d'étudier à l'égard de la Force régulière, vous devriez vous poser les mêmes questions, et peut-être d'autres, à propos de la Réserve. Avons-nous besoin de programmes supplémentaires pour les réservistes? Y a-t-il des domaines où nos diverses initiatives de financement et de soutien ne s'appliquent pas à la Réserve? Y a-t-il des aspects qui mériteraient une attention spéciale dans le cadre de notre restructuration des forces de réserve?

Madame la présidente, votre étude est un élément important du vaste programme que j'ai établi pour les Forces canadiennes. Celui-ci comprend les changements qui seront décrits dans mon rapport du 31 mars au premier ministre, ainsi, évidemment, que nos initiatives de restructuration de la réserve.

M. Mills (Red Deer): Madame la présidente, puis-je vous demander de me laisser signaler, aux fins du compte rendu, que vous avez refusé la motion?

La présidente: Je m'excuse, mais ce commentaire est irrecevable, monsieur Mills. Je ne vous accorderai la parole que lorsque le ministre aura terminé son exposé.

M. Young: Comme vous le savez, madame la présidente, nous sommes parfaitement conscients des choses qui se sont passées depuis le 10 décembre, lorsque j'ai mentionné pour la première fois la possibilité d'examiner les besoins des gens des Forces canadiennes. À la fin décembre, j'ai annoncé que je présenterai au premier ministre Chrétien des recommandations précises sur l'avenir des Forces canadiennes.

Au Congrès des associations de la Défense, il y a deux semaines, j'ai dit qu'il nous fallait donner un nouvel élan aux forces et au ministère. Nous devons nous assurer que nos militaires sont bien dirigés, bien gérés, qu'ils sont efficaces et efficients.

Les examens sur lesquels se basera mon rapport au premier ministre seront axés sur le système judiciaire militaire et la capacité d'enquête de la police militaire; et sur le leadership et les systèmes de gestion - y compris le développement professionnel et la formation militaire.

Un groupe consultatif indépendant présidé par le très honorable Brian Dickson, juge en chef retraité de la Cour suprême du Canada, étudiera les nombreuses préoccupations et allégations concernant l'administration de la justice militaire et l'efficacité des enquêtes de la police militaire. Le groupe consultatif me rendra compte de ses travaux d'ici le 15 mars, deux mois et demi après qu'il ait reçu son mandat.

En outre, un grand nombre de Canadiens nous feront part de leurs observations - ils le font d'ailleurs déjà - sur de nombreux sujets, dont la gestion et le contrôle des Forces canadiennes; l'éthique et la discipline militaire; le corps des officiers, y compris la sélection, la promotion et le leadership; et la question de la responsabilité et de l'obligation de rendre compte dans les Forces. J'espère avoir une vaste représentation des divers points de vue des Canadiens, à temps pour préparer mon rapport au premier ministre.

Je suis convaincu qu'il nous faut agir le plus vite possible pour faire face aux nombreux défis qui se posent aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes, pour assurer leur bien-être et, ce qui est aussi important, celui du Canada. Voilà pourquoi le gouvernement a demandé à la Commission d'enquête sur la Somalie, après une nouvelle prolongation de ses échéanciers, de présenter son rapport d'ici le 30 juin.

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L'enquête est en cours depuis environ 21 mois et a été prolongée trois fois. Je ne vois pas la nécessité d'y ajouter encore deux, trois ou quatre ans pour entendre des témoignages. Ce qu'il nous faut, ce sont les conclusions et les recommandations qui nous permettront de progresser.

En 1996, nous avons fait de grands progrès en vue de créer une Force de réserve plus efficace et efficiente. Dans cette démarche, nous avons été guidés par diverses études - y compris celles de votre comité - et par notre propre consultation auprès de la communauté de la Réserve.

Comme je vous l'ai signalé en novembre dernier, nous avons l'intention d'augmenter l'effectif de la Première réserve à quelque 30 000 militaires et de remanier la Milice en profondeur. Au cours des prochains mois, nous allons entreprendre de créer neuf brigades de Milice réparties d'un bout à l'autre du pays. Cette nouvelle structure sera en place à la fin de 1999.

Chaque unité de la Milice - et je sais que la question intéresse beaucoup de députés et de Canadiens de toutes les régions du pays - sera évaluée en fonction de six critères soigneusement déterminés. Ces critères ont été élaborés à la suite de discussions avec la communauté de la Réserve et ont été acceptés dans l'ensemble par cette communauté.

Ces six critères de sélection sont les suivants:

(1) la contribution de l'unité aux exigences et aux activités opérationnelles du Commandement de la Force terrestre;

(2) la capacité de l'unité de s'entraîner; (3) sa capacité de recruter et de conserver le nombre de personnes dont elle a besoin pour maintenir un effectif efficace;

(4) la rentabilité - en d'autres termes, la capacité de l'unité de gérer efficacement ses budgets de personnel, d'opérations et d'entretien;

(5) le rendement antérieur de l'unité et les honneurs qu'elle a obtenus en temps de guerre; et évidemment

(6) les rapports de l'unité avec sa collectivité.

L'ensemble de l'évaluation prendra fin en novembre 1998. D'ici là nous aurons terminé l'évaluation initiale de chaque unité et le rapport pertinent lui aura été remis. Je dois signaler que la pleine évaluation devrait se terminer en novembre 1999.

Cela donnera à chaque unité encore un an pour satisfaire aux critères d'évaluation. Ce processus se terminera avec l'évaluation finale des unités et la restructuration en profondeur de la Milice canadienne.

Nous vous fournirons aujourd'hui un feuillet d'information. Je sais qu'un document vous a été fourni hier mais ce feuillet d'information fournit de plus amples détails à ce sujet.

Beaucoup d'autres initiatives sont prévues ou sont déjà en cours, dans le cadre du renouvellement de la Réserve. L'important, c'est que nous prenons les mesures nécessaires pour assurer l'efficacité opérationnelle de la Force totale.

En fin de compte, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les Forces canadiennes ont une tâche à accomplir - une tâche vitale qu'elles accomplissent fort bien, et qu'elles ont très bien accomplie par le passé. Elles doivent avoir la capacité opérationnelle de défendre le Canada et les intérêts canadiens et de contribuer à la paix et à la sécurité internationales.

Cette capacité repose notamment sur le bien-être social et économique de nos militaires et de leurs familles. Autrement dit, sur la qualité de leur vie. D'où l'importance, pour eux et pour nous, de l'étude que vous êtes sur le point d'entreprendre.

J'ai mentionné plus tôt que j'avais visité un grand nombre de bases et plusieurs de nos missions de maintien de la paix et d'autres installations à l'étranger. Je vous encourage à écouter les hommes et les femmes de nos forces armées, comme je l'ai fait, et tout particulièrement d'être à l'écoute de leurs familles. Je suis convaincu que vous permettrez aux membres des Forces canadiennes et à leurs familles de faire connaître leurs opinions sur une multitude de sujets. Il vous sera aussi utile de consulter la collectivité canadienne dans son ensemble - beaucoup de gens ont des opinions sur un grand nombre de ces questions - pour obtenir un vaste échantillon de points de vue sur ces questions.

L'ancien secrétaire américain de la Défense, William Perry disait récemment qu'il n'y avait pas d'investissement plus important que celui qui vise le bien-être de nos gens. Nous devons nous engager de la même façon envers les hommes et les femmes qui portent l'uniforme des Forces canadiennes. Avec votre aide, et celle de vos collègues, nous devons déterminer la meilleure façon d'assurer leur bien-être et celui de leurs familles.

Je tiens à vous remercier de votre engagement envers la cause de l'amélioration du sort des Forces canadiennes. J'ai hâte de travailler avec vous et de lire votre rapport, au nom du gouvernement, plus tard cette année.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je crois que vous et vos collègues êtes maintenant prêts à répondre aux questions des députés.

M. Young: J'en serais fort heureux.

La présidente: Nous commencerons par les députés de l'opposition officielle.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Brien (Témiscamingue): Monsieur le ministre, comme vous avez fait allusion à l'enquête sur la Somalie, vous me permettrez de vous poser quelques questions à ce sujet. Vous dites que ce qui vous intéresse, ce sont les conclusions et les recommandations de la Commission. Comment pouvez-vous penser que les conclusions vont être efficaces si son travail ne peut être complété?

.1545

Vous dites que vous voulez que ce soit fait dans des délais rapides alors qu'on sait qu'en réalité, il y a eu beaucoup de pertes de temps à cause de documents cachés ou disparus, de la difficulté à obtenir des témoignages rapides et du manque de collaboration de plusieurs personnes au ministère.

Finalement, à cause du ministère, on ne peut entendre les gens, ce qui fait qu'on ne connaîtra pas la vérité sur ce qui s'est passé dans l'opération camouflage et falsification de documents. Les six mois que votre ministère leur a fait perdre, pourquoi ne les accordez-vous pas à la Commission pour qu'elle puisse présenter un rapport complet et efficace qui sera utile?

M. Young: Monsieur le député, comme vous le savez, il serait inapproprié que je commente les travaux de la Commission jusqu'à ce jour. On sait qu'ils ont entendu au-delà de 100 témoins et vérifié des centaines de milliers de pages de documents. Ils ont décidé de leur programme de travail pour le meilleur ou pour le pire.

Pour le gouvernement, il est important de savoir ce qu'on va faire pour s'assurer qu'on puisse, dans la mesure du possible, éviter les incidents comme ceux qui se sont produits en Somalie. Il ne fait aucun doute qu'il y aura encore des problèmes à l'intérieur des Forces canadiennes et au ministère de la Défense nationale. Dans une organisation d'une telle envergure, il y aura toujours des problèmes. Comment va-t-on réagir à ce genre de problèmes? Comment allons-nous structurer nos politiques et nos procédures pour nous assurer que des éléments fâcheux comme ceux de la Somalie ne se reproduisent pas?

Pour ma part, lorsque je suis arrivé au ministère, et je l'ai dit à maintes reprises, j'espérais que la Commission, qui avait à ce moment-là obtenu deux prolongations de mandat, serait en mesure de présenter un rapport final le 31 mars. Par la suite, nous avons reçu une requête pour une troisième prolongation et on l'a acceptée, mais le gouvernement a déclaré qu'on devait présenter le rapport final au plus tard le 30 juin.

Permettez-moi de mettre les choses dans leur contexte. Les incidents en Somalie se sont produits en 1993. On est déjà en 1997. Dans un reportage à Radio-Canada, on a démontré qu'étant donné le programme de travail de la Commission, que je ne veux pas commenter mais que ces gens-là avaient évalué, et étant donné l'approche que la Commission sur la Somalie avait adoptée jusqu'au mois de janvier de cette année, on pouvait facilement constater que l'enquête pourrait avoir une durée totale de six ou huit ans.

À mon avis, arriver en l'an 2000 avec une série de recommandations et de conclusions basées sur des événements qui se sont produits en 1993 ou dans la période subséquente aurait très peu de valeur dans le contexte contemporain. Sur le plan historique, cela aurait sans doute pu être très intéressant. En effet, tous les gens qui auraient été impliqués seraient déjà partis ou loin de la situation dans laquelle ils se sont retrouvés à ce moment-là.

Entre-temps, que devait-on faire? Si on voulait vraiment tenir compte des conclusions et des recommandations de la Commission, il fallait quand même réagir dans un délai raisonnable. Si les Canadiens et les Canadiennes et les membres du comité croient, et je suis totalement ouvert à une recommandation de ce genre, qu'à l'avenir, lorsqu'il y aura une commission d'enquête, on devra donner carte blanche à cette commission et lui permettre d'entendre tous les témoins, de vérifier tous les documents, de s'assurer que tous les intervenants soient absolument satisfaits et que le tout est complété selon leurs normes, je suis prêt à écouter ce genre de suggestion.

De notre côté, on a décidé que ce serait un exercice peut-être très intéressant, qui pourrait fournir toute une série de renseignements utiles au plan historique, mais qui aurait eu très peu de valeur sur le plan pratique. C'est pour cette raison qu'on a conclu qu'il était préférable de mettre un terme au troisième prolongement de mandat de la Commission.

M. Brien: Monsieur le ministre, vous mettez l'accent sur les événements en Somalie, mais vous banalisez volontairement le troisième volet de l'enquête, qui portait sur la falsification des documents, les faux témoignages, etc. Vous banalisez cette partie-là en disant qu'il est important de savoir ce qui s'est passé en Somalie pour qu'on corrige cet aspect-là. Faire la lumière sur l'autre aspect, celui de la falsification et de la disparition de documents, ne semble pas vous intéresser, parce que vous dites que c'est normal, que cela va toujours arriver et que c'est donc quasiment acceptable. C'est ce que je conclus de vos propos.

M. Young: En ce cas, vous comprenez mal.

.1550

M. Brien: Je vais terminer ma question.

M. Young: Allez-y.

M. Brien: Deuxièmement, vous exagérez quand vous parlez d'un rapport en l'an 2000. On ne parle pas nécessairement d'un rapport en l'an 2000. Cependant, vous admettrez que votre ministère a fait perdre au moins six mois à la Commission par une mauvaise coopération avec elle. Ces six mois, ils en ont besoin. Cela leur permettrait probablement d'entendre les témoins clés.

Comme vous ne semblez pas vouloir reculer là-dessus, est-ce qu'au minimum, vous ne pourriez pas demander aux membres de ce comité de rencontrer eux-mêmes M. Fowler, Mme Campbell et les témoins qui n'ont pu se faire entendre dans les médias puisque votre souci est d'avoir un rapport complet au 30 juin? À tout le moins, nous pourrions rencontrer ces témoins importants.

[Traduction]

La présidente: Je m'excuse, monsieur Brien, mais les questions qui touchent le comité sont étudiées par le comité et non pas par le ministre. Je vous demanderais de poser au ministre des questions qui touchent son exposé et non pas les travaux du comité; je vous demanderais de poser des questions pertinentes. Merci.

[Français]

M. Brien: Madame la présidente, je vais vous rappeler simplement que ce qu'on va faire sera à la demande...

[Traduction]

La présidente: Monsieur Brien, c'est à moi que vous devriez dire ce que le comité devrait faire, d'après vous.

[Français]

M. Brien: J'aimerais que vous me laissiez terminer. On sait comment cela fonctionne dans les faits. Ce serait à la demande du ministre que nous irions consulter.

Donc, seriez-vous d'accord sur une proposition émanant des députés des deux partis de l'opposition qui demanderait que ce comité entende ces témoins afin qu'ils puissent s'exprimer ici, en public, sur les événements qui se sont produits en Somalie?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Brien, cette question est irrecevable. Elle touche les travaux du comité. Si vous voulez poser une question au ministre sur son exposé, allez-y. Les questions qui touchent les travaux du comité sont abordées lors des réunions du comité directeur du comité, comme vous le savez pertinemment. Avez-vous une question à poser au ministre?

[Français]

M. Brien: Oui, je vais en poser. De toute façon, il y a des éléments de mon préambule que vous voudrez sûrement relever, mais vous avez entendu ma question et j'espère que vous y répondrez quand même.

J'arrive à ce que vous êtes en train de faire. Vous suggérez des alignements très précis pour cette vaste consultation sur les conditions socioéconomiques des militaires.

Pensez-vous sincèrement que ces gens-là vont venir devant nous et nous dire ce qui se passe, se plaindre des relations avec leurs supérieurs, se plaindre de mauvais traitements? Pensez-vous que des francophones viendront dire qu'ils voudraient davantage de services en français? C'est un exemple sur lequel on pourra revenir aussi plus tard.

Vous pensez que ces gens-là vont venir devant nous et qu'on fera notre petit spectacle alors que le lendemain, on va s'en aller pendant qu'eux devront vivre avec les représailles potentielles auxquelles ils s'exposent dans leur milieu? Vous pensez vraiment que les gens vont venir s'exprimer et se plaindre des conditions socioéconomiques dans lesquelles ils vivent, exception faite des aspects techniques? Vous pensez sincèrement qu'ils vont venir témoigner sur les aspects humains, alors qu'on connaît la culture du secret, du silence et même du terrorisme qui existe dans nos Forces armées à l'heure actuelle?

M. Young: Madame la présidente, j'avais espéré que nous aurions une discussion sur ce sujet extrêmement important. Je vois que l'honorable député a parlé de ce qu'il avait conclu de ma présentation initiale.

Évidemment, je sais que l'honorable député et son parti ont très peu de respect pour le système parlementaire canadien. C'est pour cela qu'ils sont en train d'essayer de le détruire. Pour ma part,...

M. Brien: Vous faites bien...

M. Young: ... je veux simplement répéter que jamais, en aucun temps, je ne commanderai quoi que ce soit à ce comité. J'ai été parlementaire pendant presque 20 ans et cela fait longtemps que j'ai appris à vivre dans un contexte parlementaire. Je n'ai pas de leçons à recevoir du jeune député qui, évidemment, ne comprend pas ce qu'il fait à un comité de cette Chambre.

M. Brien: Vous me permettrez...

M. Young: Quelqu'un affirme que j'aurais commandé à votre comité d'examiner un aspect... Ce n'est pas le cas. Je respecte les gens des Forces canadiennes et je sais qu'ils n'ont pas peur de s'afficher. Je suis allé partout dans le pays, et des jeunes, des hommes et des femmes sont venus me dire quel était l'impact de tout cela sur leur vie et combien cela avait été difficile pour eux et leurs familles. Ils éprouvent des difficultés dans certains secteurs de leur vie quotidienne, que j'ai énumérés dans mon discours d'aujourd'hui. J'ai signalé que ces gens-là étaient courageux, qu'ils étaient prêts à mettre leur vie en jeu pour leur pays et qu'ils n'avaient pas peur de venir parler devant un comité parlementaire.

Le règne de terreur dont vous parlez est peut-être une chose qui vous est familière, mais je n'ai aucun doute que si le comité décide de permettre à ces gens d'expliquer des éléments qui, pour eux, sont très importants, vous allez les respecter. Nous aussi, au gouvernement, nous allons les respecter de même que les gens à l'intérieur du système, parce que ce sont des gens qui ont des problèmes qui se ressemblent énormément.

.1555

Une dernière chose, madame la présidente. Ce travail, pour les gens qui sont véritablement intéressés aux bien-être des gens des Forces canadiennes et de leurs familles, est probablement aussi important que n'importe quelle autre chose qu'on pourrait faire. On peut parler de l'équipement, du mandat, du rôle et des responsabilités des militaires, mais ce sont tout de même des hommes et des femmes qui partagent les soucis, les inquiétudes et les problèmes socioéconomiques de tout le monde au Canada. Pendant trop longtemps, on les a laissés de côté. C'est pour cette raison que je suis très fier que vous ayez décidé, par consensus j'espère, de poursuivre ce travail très important.

M. Brien: Madame la présidente, vous me permettrez de soulever une question de privilège.

[Traduction]

La présidente: Je m'excuse, il ne vous reste plus de temps. Vous aurez l'occasion de poser d'autres questions au prochain tour. Vous voulez intervenir sur une question de privilège?

[Français]

M. Brien: Oui, c'est une question de privilège. Dans sa réponse, le ministre a fait allusion à mon jeune âge ou à quelque chose de ce genre, ce que je n'apprécie guère.

[Traduction]

La présidente: Ce n'est pas une question de privilège.

[Français]

M. Brien: J'ai été élu par des citoyens de la même façon que lui.

M. Young: Je parlais de votre manque d'expérience, et non de votre âge chronologique.

M. Brien: Le jugement est plus important que l'expérience.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Brien, vous enfreignez le Règlement. Votre âge n'est pas une question de privilège.

M. Young: C'est une chose que nous lui envions tous.

La présidente: C'est vrai. Tout au moins certains d'entre nous, monsieur le ministre.

De toute façon, monsieur Mills, avez-vous des questions?

M. Mills: Oui.

Madame la présidente, j'aimerais dire dès le début que j'ai beaucoup de respect pour l'habileté politique du ministre, pour les Forces armées canadiennes, tout au moins pour les effectifs aux échelons inférieurs. Je les ai rencontrés à Haïti, en Europe, dans d'autres régions du monde, et je crois qu'ils font un bon travail, qu'ils veulent faire un bon travail, et que les Canadiens veulent être fiers du travail que ces soldats font.

Cependant, cela dit, je crois que les Canadiens disent que nous avons un problème. Je crois que nous convenons tous qu'il existe de fait un problème. Ainsi lorsqu'il y a une enquête comme celle sur l'affaire de la Somalie, cela attire l'attention des gens; cela suscite un intérêt pour les forces armées qui n'existerait pas autrement. Ainsi lorsqu'il semble se passer des choses inusitées... par exemple, lorsqu'un sous-ministre part à la hâte du pays le 23 décembre, ou lorsqu'un des membres de la commission est une très bonne amie de celui qui était alors ministre des Finances, et qu'elle doit quitter ce poste immédiatement, ou lorsqu'on est mis au fait des témoignages des effectifs des échelons inférieurs, des gens qui sont envoyés derrière les barreaux, les gens pensent que vous n'avez pas de mal à vous en prendre aux échelons inférieurs, mais qu'en est-il des échelons supérieurs?

J'ai parlé à un nombre de soldats des échelons inférieurs, et ils ont dit que c'était l'impression qu'ils avaient et que c'était ce qu'ils ressentaient. Cela nuit au moral des forces.

J'étais ici il y a deux ans lorsque M. Fowler a témoigné devant le Comité des affaires étrangères; nous lui avons posé des questions pendant trois heures, il n'a répondu à aucune de ces questions pour la simple raison que le président disait sans cesse que les questions posées étaient irrecevables. Je me souviens que la frustration... Je crois que je suis assez vieux pour dire au ministre que si on avait reçu à l'époque des réponses à nos questions, il n'aurait pas été nécessaire d'avoir une enquête de deux ans sur l'affaire de la Somalie, parce qu'on aurait posé des questions immédiatement aux échelons supérieurs.

Comment le ministre peut-il rétablir le secteur militaire lorsque les échelons supérieurs sont en butte aux soupçons? Vous ne connaîtrez pas les dessous de l'affaire. Peu importe le parti qui était au pouvoir lorsque les gens ont été nommés. Nous voulons que les forces armées soient quelque chose dont nous puissions être fiers. Nous sommes prêts à dépenser 10 milliards de dollars des deniers publics parce que les forces armées sont des Forces canadiennes et qu'elles nous rendent fiers d'être Canadiens.

Pourquoi un joueur politique d'expérience comme le ministre met-il fin à cette enquête alors que le public est convaincu que nous protégeons les militaires des échelons élevés? Lorsqu'un ancien premier ministre, lorsque les trois membres respectés de la commission, membres qui ont été nommés par le gouvernement, jettent le doute sur toute cette affaire, il y a lieu de s'inquiéter; le premier ministre et le ministre se dissocient en fait de cette commission, et tout cela nuit au moral des forces armées, et nuit en fait aux Canadiens. Je suis convaincu que le ministre est conscient du problème. Je ne crois pas que l'on devrait jouer des jeux politiques avec une question aussi importante. Vous savez ce qu'on a dit, et c'est très bouleversant.

La présidente: S'agit-il d'une question?

M. Mills: Oui, c'est une question.

La présidente: Très bien.

.1600

M. Mills: Ces commentaires sont renversants. Le ministre doit les entendre s'il ne l'a pas déjà fait. C'est absolument renversant. Les gens disent que le gouvernement est une institution politique qui a gêné le déroulement de cette enquête; il s'agit donc d'ingérence politique. C'est ce qu'a dit M. le juge Létourneau, qui a été nommé par le gouvernement actuel.

À mon grand désarroi j'apprends que c'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'un gouvernement a interrompu et mis fin aux travaux d'une commission d'enquête indépendante. Et ce n'est pas tout. Le commissaire croit que même s'il restait suffisamment de temps, il ne pourrait pas sommer à comparaître quatre à six témoins importants au lieu des deux qu'on avait déjà songé à convoquer. On nous dit que la commission ne peut pas vraiment préparer son dossier parce qu'elle n'a pas suffisamment de temps.

Vous pouvez dire qu'il s'agit là de mauvaise gestion, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais eux disent qu'il s'agit plutôt d'une tentative faite pour étouffer l'affaire. Cela ne redore certainement pas le blason des forces armées aux yeux des Canadiens, et c'est justement la question dont vous devez nous parler. Comment rétablir la réputation des forces armées quand de tels commentaires sont faits aux médias: on parle d'une tentative d'étouffer l'affaire, on dit que c'est trompeur que c'est injuste; la décision du gouvernement a empêché les intéressés de procéder à une enquête sur ces tentatives de la part des personnes importantes; quand M. Chrétien et M. Young disent que ce n'est pas le cas, ils essaient de tromper le public. C'est ce que ces gens pensent aujourd'hui, et c'est ce que les Canadiens pensent. Ils veulent qu'on règle l'affaire une fois pour toutes, mais qu'on la règle vraiment.

Monsieur le ministre, vous ne semblez pas essayer d'étouffer l'affaire.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): La question!

M. Mills: Clairement...

La présidente: Monsieur Mills, je vous ai laissé présenter un long préambule. Pourriez-vous s'il vous plaît poser votre question au ministre? Vous n'avez pratiquement plus de temps.

M. Mills: Il est évident que vous ne croyez pas vraiment toute cette rhétorique que vous venez de nous présenter. Comment pouvons-nous régler ce problème? Comment pouvons-nous prouver que nous cherchons vraiment à nous attaquer à ce problème? Comment?

M. Young: Je ne veux pas avoir l'air impertinent. Je fais simplement du mieux que je peux. Je n'ai jamais dit, peu importe les tâches qu'on m'avait confiées, que j'étais parfait. Je dois avouer, sauf le respect que je dois à mon honorable collègue, que je suis absolument renversé qu'il laisse entendre, du moins d'après ses propos, que les seuls bons membres des Forces canadiennes sont les effectifs des échelons inférieurs. Je crois que ceux qui acceptent des responsabilités illimitées sont de bonnes gens, et ce à tous les échelons. Je suis plutôt...

M. Mills: Mais Doug, il faut le prouver.

M. Young: Ce qui s'est produit, à mon avis, c'est qu'on a commencé à penser qu'il s'agissait là d'une poursuite - on était à la recherche de particuliers. On répète les mêmes noms sans cesse. Les gens peuvent le faire. Ce que je cherche à accomplir personnellement, et ce sur quoi le gouvernement se penchera de façon active, pour répondre à la question de l'honorable député - c'est ce que nous pouvons faire pour les Forces canadiennes.

En fin de compte, au Canada, ceux qui décident ce sont les Canadiens. Ils m'ont à l'occasion fait connaître assez directement ce qu'ils pensaient de ce que je faisais. Comme je l'ai dit à l'honorable député qui a posé les premières questions aujourd'hui, il y déjà 20 ans que j'oeuvre dans le domaine politique, et j'ai été rejeté comme leader lors d'élections générales, j'ai à l'occasion été élu, parfois comme député de l'opposition, parfois comme député ministériel. Chose certaine, je ne connais pas toutes les vérités.

Pour ce qui est des impressions que l'on a et dont a parlé l'honorable député, j'aimerais signaler que je suis convaincu que les Canadiens qui ont suivi les travaux de la Commission d'enquête comprennent pertinemment ce qui se passait, ce qu'était le processus, et que la commission a eu beaucoup de temps et a déployé beaucoup d'efforts pour faire ce qu'elle jugeait approprié. Ce sont les Canadiens de toutes les régions du pays qui décideront - sur cette question comme sur d'autres - si le gouvernement a pris les bonnes décisions. Cela aura un impact politique sur nous, pour le meilleur ou pour le pire.

.1605

Pour répondre à votre question directement, j'ai été nommé à mon poste en octobre. D'ici le 31 mars, nous ne présenterons pas au premier ministre, au gouvernement - et à tous les Canadiens - un document sans conséquences ou sans importance. Il s'agit d'un document en fonction duquel des gens qui ont, je crois, les mêmes motifs que vous - qui veulent s'assurer que l'on fait tout ce que l'on peut pour les Forces canadiennes - me jugeront, très sévèrement d'ailleurs. Ce rapport représentera les efforts du ministre pour faire tout ce qu'on peut pour améliorer la situation des Forces canadiennes.

Dans le même contexte - et je crois que l'honorable député a raison lorsqu'il dit qu'on se pose des questions sur l'équité du système, à savoir qui sera choisi pour payer les pots cassés - ver la fin du mois de décembre, j'ai demandé à un juge en chef retraité de la Cour suprême du Canada qui est tenu en haute estime, d'étudier le système de justice militaire et de me présenter un rapport d'ici le 15 mars.

M. le juge Dickson a accepté d'effectuer cette étude en deux mois et demi. M. Dickson et ses collègues feront rapport sur la question d'ici la mi-mars. Je présenterai ce rapport, sans même changer une seule virgule ou une phrase, au premier ministre, au gouvernement et aux Canadiens. Ce document sera consulté - je suis convaincu qu'il sera étudié à la loupe - pour connaître les recommandations et les conclusions portant sur la façon d'améliorer le système de justice militaire.

Un sous-comité de ce groupe de travail se penche actuellement sur la capacité d'enquête, les rôles, les responsabilités et la formation de la police militaire. Nous présenterons le rapport de ce sous-comité au premier ministre, au gouvernement et aux Canadiens d'ici la fin du mois de mars.

Madame la présidente, c'est une tâche très difficile. Je ne dis pas que le rapport qui sera présenté au gouvernement et aux Canadiens proposera la solution magique à tous les problèmes réels ou perçus des forces armées; cependant, il démontrera bien que nous sommes prêts à passer de la parole au geste.

J'ai écouté un grand nombre d'intervenants. Je ne ferai pas de commentaires sur les propos tenus par les membres de la Commission d'enquête sur la Somalie. J'attendrai que toute cette affaire soit terminée. Je suis prudent parce que j'évite de me mêler des affaires judiciaires ou quasi judiciaires. Je ne fais pas de commentaires sur la façon dont les membres de la commission agissent, sur leur programme, sur les témoins qu'ils convoquent ou sur les témoignages qu'ils entendent. Les membres de la commission peuvent dire ce qu'ils veulent sur moi ou sur qui que ce soit d'autre. S'ils croient que c'est là leur rôle, grand bien leur fasse.

J'aimerais cependant dire ce qui suit. D'ici la fin mars, les Canadiens pourront se prononcer sur ce que le ministre de la Défense nationale croit qu'on devra faire avec les Forces armées canadiennes et sur ce que M. Dickson et les autres croient qu'on devrait faire du système de justice militaire, et de la police militaire.

J'espère que dans le cadre de cette étude, les politiciens et des intervenants de tous les secteurs pourront faire connaître leurs opinions en profitant des nombreuses occasions qu'on offre aux Canadiens de le faire ou, comme entité politique ou parti politique, en me disant ce qu'ils voudraient que soit l'avenir des Forces armées canadiennes, d'une façon détaillée, pratique et pragmatique pour que les gens comprennent.

Permettez-moi de terminer. Je sais que le Parti réformiste compte des gens - et d'ailleurs une de ces personnes est ici aujourd'hui - qui ont offert des services honorables et distingués au Canada, et pas nécessairement aux échelons les plus bas, pour reprendre l'expression de l'honorable député, mais parfois aux échelons les plus élevés.

Madame la présidente, je tiens à dire publiquement aujourd'hui que je respecte les Forces canadiennes, à tous les niveaux. Il y a des problèmes dans les Forces canadiennes. Il y a eu des problèmes dans le passé. J'ai passé les derniers mois, dès que j'avais un peu de temps libre, à lire des documents ou des livres traitant par exemple de l'époque où Brooke Claxton était ministre de la Défense et donnant la plus récente version du raid de Dieppe. J'ai beaucoup appris. Je sais maintenant que ce qui s'est passé en 1933 ou en 1944 est très différent de ce que je croyais qu'il s'était passé quand j'avais 17 ans.

Sans vouloir faire le difficile, j'espère que le Parti réformiste, avec le bagage de connaissances qu'il possède dans ses rangs, décidera - mais je suis réaliste sur le plan politique et je ne m'attends pas à ce que les réformistes viennent me voir avant le 31 mars pour me dire ce que je devrais faire à leur avis - de réfléchir avant les prochaines élections afin d'élaborer une position très claire et détaillée sur ce que devraient être les Forces canadiennes, la façon dont nos soldats devraient être dirigés et entraînés, les responsabilités au sein des Forces canadiennes et le système de justice militaire.

.1610

Mais surtout, madame la présidente, si le Parti réformiste devait remporter les élections ou participer à un gouvernement, déciderait-il de rouvrir l'enquête sur la Somalie et de revenir à la charge au sujet des personnalités et des incidents dont le député et d'autres membres de son parti nous ont parlé ces dernières semaines?

Nous devons connaître les réponses à ces questions, car cela permettrait d'inscrire le débat dans un contexte très réaliste. Autrement dit, s'intéresse-t-on à ce qui s'est passé, aux raisons pour lesquelles c'est arrivé et à ce qui s'est passé par la suite parce que nous voulons apporter des correctifs, ou bien y a-t-il plutôt quelque part un avantage politique à gagner pour quelqu'un?

Il n'y a aucun doute qu'il aurait été plus facile pour moi d'écarter le conseil que le chef du Parti réformiste nous a donné le 16 septembre, quand il a demandé que le rapport de l'enquête sur la Somalie soit déposé avant les prochaines élections générales. Comme je ne connais pas la date des prochaines élections générales, j'ai recommandé au gouvernement d'accorder une prolongation à l'enquête sur la Somalie, mais de lui demander de faire rapport au plus tard le 30 juin dans l'espoir que nous puissions utiliser l'information amassée grâce aux dizaines de millions de dollars qui auront été dépensés et aux plusieurs années de travail qui auront été consacrées par les commissaires afin de réunir le plus d'information possible et de présenter le tout au public canadien.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Mills, votre temps de parole est écoulé. Vous pourrez avoir de nouveau la parole à la ronde suivante.

Monsieur Hopkins.

M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Merci, madame la présidente.

Je tiens à réitérer qu'il s'agit, à ce qu'il me semble, d'un examen des défis socio-économiques que doivent relever les membres des Forces canadiennes. On fait aujourd'hui des déclarations sur les forces qui ne constituent assurément pas un encouragement à l'endroit de nos militaires.

M. Mills, dans ses observations, a dit que les bas gradés des forces étaient crédibles, insinuant ainsi que les autres ne le sont pas. Et bien, madame la présidente, je tiens à dire publiquement qu'à la droite de M. Mills se trouve un ancien colonel des Forces canadiennes qui a fait une très belle carrière; j'ai d'ailleurs eu le plaisir de participer à une séance d'information donnée par lui en Europe il y a 15 ou 20 ans. Aujourd'hui même, les Forces canadiennes comptent beaucoup de soldats de sa trempe.

Je tiens à consigner au compte rendu et à dire de façon catégorique que l'on ne doit pas profiter du fait qu'une poignée de gens dans une organisation donnée se détournent du droit chemin pour jeter le discrédit sur l'ensemble de l'organisation en question. Je déplore que l'on porte des jugements pareils et surtout qu'on le dise dans une réunion publique comme celle d'aujourd'hui, parce que cela jette le discrédit sur des gens innocents qui font de l'excellent travail au service de notre pays et de la communauté internationale.

Je m'adresse au ministre, par votre intermédiaire, madame la présidente, et je lui dis ceci. Nos jeunes gens qui sont aujourd'hui dans les forces armées doivent relever des défis immenses, compte tenu des tâches qui les attendent aux quatre coins du monde, surtout ceux qui ont une jeune famille, les couples dont l'un des conjoints doit rester à la maison pour s'occuper des enfants, avec l'aide, je dois le dire, de leurs camarades des Forces canadiennes qui constituent un bon réseau d'entre-aide.

En fait, dans ma propre localité de Petawawa, la communauté civile est venue à la rescousse pour aider les familles accablées de stress et d'inquiétude. Dans la vallée de l'Outaouais, il y a des rapports très cordiaux entre les membres des Forces armées canadiennes et la communauté civile, autant dans l'ouest du Québec que dans l'est de l'Ontario.

On entend prononcer le mot «camouflage». Eh bien, à ce sujet, je dirais que dans toute organisation, dans toute audience, il faut établir des priorités. S'il y a des gens qui se signalent et qui devraient témoigner devant la commission, je dis qu'il faut les entendre, mais par contre, on ne peut pas laisser les choses aller ad vitam eternam. Il faut décider qui on doit entendre et puis tenir les audiences.

Je signale que dans notre système de démocratie et de justice chacun jouit de la présomption d'innocence. Quelqu'un, je crois que c'était M. Mills, a dit que nous voulons être fiers de nos militaires. Eh bien, qui dit que nous ne sommes pas fiers d'eux?

Une voix: Absolument.

.1615

M. Hopkins: De nombreux Canadiens voient dans les forces armées une organisation dont on a tout lieu d'être fiers et qui fait honneur à notre pays. Je suis prêt à défendre cette réputation n'importe où, n'importe quand.

Nous voulons que nos soldats nous viennent en aide quand la région du Saguenay est inondée. Nous voulons qu'ils aillent outre-mer, se mêler à la population locale, dans toutes sortes de cultures différentes, pour garder la paix et essayer de bâtir les fondements de la démocratie, comme nous l'avons fait à Haïti. Mais quand une poignée de gens s'écartent du droit chemin, rien ne va plus et c'est toute l'organisation qui en souffre.

Je veux poser une question au ministre, madame la présidente. À son avis, que pouvons-nous faire aujourd'hui pour remonter le moral des troupes, compte tenu de la bonne opinion que les gens ont des militaires canadiens? Qu'est-ce qui est prioritaire, d'après lui, pour relever le moral des troupes, rehausser l'esprit de corps et donner plus d'encouragement à ces jeunes hommes et femmes qui servent bien notre pays?

M. Young: Des deux plus grands problèmes, si je peux m'exprimer ainsi, qui se posent aujourd'hui aux membres des Forces canadiennes et à leurs familles, pour ce qui est de leur travail et de leur rôle, le premier est la perception que l'on a d'eux.

Le député a dit tout à l'heure que la perception des Forces canadiennes était mauvaise, que leur image était terriblement ternie et que nos soldats n'étaient pas à la hauteur des attentes des Canadiens à leur endroit. C'est très dur pour eux. Il n'y a aucun doute là-dessus. Des soldats me l'ont dit d'un bout à l'autre du pays. Les marins et les membres de l'aviation ont peut-être été un peu moins touchés par cela, mais je veux être très franc aujourd'hui, et je dois dire qu'eux aussi ont le sentiment, à cause de l'organisation, que c'est l'ensemble des Forces canadiennes qui sont entraînées dans la tourmente.

Des gens m'ont dit combien la situation était pénible pour leurs enfants, leurs conjoints, leurs familles élargies, parents, amis, etc. C'est la réalité. Il n'y a aucun doute que la situation que le député a décrite est réelle, dans une certaine mesure et que cela cause beaucoup d'angoisse et d'inquiétude pour nos soldats et leurs familles.

Toutefois, je crois qu'il se trompe. On fait beaucoup de bruit à ce sujet et cela attire beaucoup l'attention, mais je crois sincèrement, en me fondant sur ma propre expérience des derniers mois, que les Canadiens conservent énormément de bienveillance à l'endroit des Forces canadiennes. Ils savent qu'il y a des problèmes et ils ne les balaient pas sous le tapis. Ils sont conscients qu'il y a des problèmes, mais ils comprennent aussi dans une grande mesure quel genre de travail font nos soldats, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils seront sans doute appelés encore à faire.

Il y a donc des inquiétudes de ce côté-là, dans cette situation où l'on applique une sorte de supplice lent et continu. À chaque jour il y a une nouvelle affaire, on accable les gens à coup d'incidents qui se sont produits en 1993 et 1994, etc.

L'autre aspect, et j'en arrive à la raison de notre présence ici, du moins en partie, c'est qu'il n'y a aucun doute que les défis sociaux et économiques que doivent aujourd'hui relever les Forces canadiennes causent des inquiétudes. Quand j'ai assumé mes fonctions, j'ai dit que je me déplacerais, que j'irais rencontrer les gens et surtout que je les écouterais. Or il y a un thème qui revient constamment, dans tous les coins du pays, de la part des soldats de tous les grades, c'est que les problèmes dont je vous ai entretenus aujourd'hui sont graves et qu'il faut s'y attaquer.

Ces problèmes sont divers: des écarts énormes entre les échelles salariales et les avantages sociaux, la perte de pouvoirs d'achat avec les années, le blocage des salaires, le fait que l'on n'ait pas respecté les traditionnelles équivalences avec la fonction publique, les compressions d'effectif énormes, la restructuration des forces. Tous ces problèmes socio-économiques touchent les membres des Forces canadiennes et leurs familles exactement de la même manière qu'ils touchent chacun d'entre nous et tous nos électeurs.

Il me semblait donc que c'était un domaine d'étude tout à fait pertinent et, à cause de la nature de la question, j'espérais que ce serait le cas et je suis très content que vous ayez assumé le mandat d'aller voir sur place et de leur demander: «Qu'est-ce qui vous préoccupe? Comment pouvons-nous vous aider? Quelle est la bonne façon de réagir?»

Pour répondre à la question du député, ce sont là les deux dimensions auxquelles nous devons nous attaquer et j'espère qu'avec l'aide du comité, nous pourrons répondre aux questions et aux besoins des gens dans le courant de l'année. J'espère qu'avec l'aide de la Commission d'enquête sur la Somalie, avec l'aide de M. le juge Dickson et de son équipe, et avec l'aide, littéralement, de centaines de Canadiens de toutes les couches de la société qui nous donnent énormément d'information sur ce que devrait être à leur avis l'avenir des Forces, nous serons en mesure d'apporter des améliorations sur ces deux plans au cours de l'année qui vient.

Nous allons essayer de ne pas trop nous traîner les pieds. Pour ma part, j'essaie de donner l'exemple, j'essaie de faire en sorte que les choses se fassent avant le prochain siècle, dans la mesure du possible.

.1620

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Il reste deux minutes à la ronde ministérielle. La parole est à M. Richardson.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Merci, madame le président ou plutôt la présidente.

La présidente: Peu importe.

M. Richardson: Merci beaucoup d'être venu, monsieur le ministre. Je remercie également les deux officiers supérieurs qui vous accompagnent.

Je pense que beaucoup d'entre nous avaient exactement la même perception quant aux besoins d'examiner cette question. La dernière fois que nous nous sommes penchés sur ce genre de question sociale, c'était probablement vers 1970 ou 1972. Notre économie a beaucoup changé depuis ce temps-là.

La façon dont nous avons structuré initialement les Forces canadiennes, les bases, les rôles, etc., tout cela a entraîné une façon différente de faire les choses en fait de prestation des services et d'interaction avec les troupes. L'interaction est différente dans un équipage aérien, dans la marine ou dans un bataillon d'infanterie. Les problèmes sociaux de ce genre, notamment l'interaction avec les plus bas gradés, tout cela est très différent aujourd'hui, comparé à il y a 27 ans. On voit des familles perturbées. Autrefois, nos troupes étaient envoyées en grand nombre en Europe, mais nous étions présents là-bas. Les soldats rentraient chez eux le soir. Les avions rentraient à la base, les navires rentraient au port.

Aujourd'hui, nos soldats sont pour ainsi dire sur un tapis roulant pour aller prêter main-forte aux quatre coins du monde au nom de la paix. Les affectations se succèdent plus rapidement que jamais auparavant. Elles ne durent peut-être pas aussi longtemps, mais les soldats sont loin de chez eux de façon intermittente. Ce sont des jeunes gens, souvent de jeunes mariés, même les sous-officiers supérieurs et les officiers subalternes. Ils endurent, à mon avis, un stress plus grand que s'ils occupaient un poste dans le secteur privé ou dans l'administration publique.

Je pense que nous allons découvrir ce que vous avez déjà constaté, qu'il y a un besoin à combler. Nous ferons de notre mieux. Mais si nous découvrons un besoin - et vous nous avez donné un mandat très large - pouvons-nous revenir vous consulter et vous demander, par exemple, d'examiner un autre élément?

M. Young: Nous essaierons de vous fournir le plus de ressources possibles, mais pour revenir à la toute première question qu'on m'a posée, je ne veux pas m'ingérer dans vos travaux. Je vais essayer de vous appuyer. Si le comité s'adresse à moi et suggère un moyen quelconque pour établir l'accès, je comprends très bien le besoin d'assurer la confidentialité. Je pense que vous pourrez être très utile de cette façon, parce que certains voudront être en mesure de vous faire part de leurs points de vue, et ce n'est pas par crainte de récriminations ou je ne sais quoi. D'après mon expérience, bien des gens ne voudraient même pas partager avec leur conjoint ce qu'ils auraient à dire, parce qu'ils auraient l'impression que ce n'est pas pertinent ou qu'ils auraient l'air de se plaindre. Il y a donc toutes sortes de façons de s'y prendre.

Quant à ce que le député vient de dire, au sujet des changements qui se sont produits, je dirai qu'il n'y a aucun doute - nous traiterons d'ailleurs du rôle opérationnel des Forces canadiennes dans le rapport que je présenterai au premier ministre à la fin mars - que nous, je veux dire le gouvernement et la nation, mettons le système à rude épreuve en décrochant le téléphone à chaque fois qu'il sonne et en acceptant de faire tout ce que l'on nous demande.

Les soldats ne demandent pas mieux. Ils sont opérationnels. Dans l'armée de l'air, la marine ou l'armée de terre, tous les soldats sont prêts à faire tout ce qu'on leur demande de faire. Mais il y a par ailleurs leurs familles et leur propre capacité physique, mentale et psychologique de pouvoir endurer tout cela.

Nous examinerons la question de savoir jusqu'où l'on peut aller et ce que le gouvernement et les Canadiens peuvent attendre des soldats canadiens, d'après le niveau des effectifs, l'entraînement, etc. Mais pendant que nous faisons cela - et c'est là une considération opérationnelle - tout cela est encore une fois étroitement lié à bien des égards à ce que l'on vous demande de faire, je parle des besoins personnels qui sont directement touchés par les nouveaux rôles ou les rôles changeants ou les rôles plus intenses que nous avons accepté d'assumer à titre d'institution au cours des cinq ou six dernières années.

Si je peux me permettre, je voudrais faire une digression. Je ne suis pas certain que les Canadiens aient parfaitement compris l'évolution qui a eu lieu et les rôles que nous imposons maintenant aux Forces canadiennes. Nous avons encore une idée du maintien de la paix qui correspond aux notions des années 50, 60 ou même 70, pendant lesquelles nous nous sommes bâti une très solide réputation internationale, mais il y a eu une évolution vers ce que certains appellent «l'imposition de la paix», qui se fait dans un climat très dur.

.1625

Par exemple, je reviens tout juste de Bosnie et il n'y a aucun doute que l'environnement dans lequel fonctionnent nos troupes et celles d'autres pays qui sont en poste là-bas est très différent et l'était encore davantage il y a un an ou deux, alors que la situation était encore plus explosive qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Nous devons nous pencher sur ces questions, parce qu'elles ont de lourdes répercussions sur nos soldats, les membres des Forces canadiennes et aussi sur leurs familles, répercussions qui ne se limitent pas à leur travail proprement dit. Cela touche toute leur vie domestique, leur famille, leurs enfants, et tout le reste.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Avant de passer à la deuxième ronde, je vais profiter de la prérogative de la présidence pour ajouter mon grain de sel au sujet des possibles réticences des membres des Forces canadiennes. J'ai eu la chance de passer une journée et demie la semaine dernière à bord du HMCS Athabascan et je peux vous dire que les membres de l'équipage n'étaient pas le moins du monde réticents à mon endroit; quand je leur ai parlé des travaux de notre comité, ils m'ont dit sans hésiter le fond de leur pensée.

Vous avez dit que leurs préoccupations ressemblent beaucoup à celles de tous nos électeurs dans l'ensemble du pays, et c'est absolument vrai. Ils m'ont parlé de salaire et de logement, ils m'ont parlé de ce qui arrive quand ils quittent le service et qu'ils doivent se réadapter à la vie civile, ils m'ont parlé de l'éducation de leurs enfants, de tout cela.

Je me rappelle que je me suis surpris en train de dire dans un mess: «vous devrez élire des représentants, car - et je voudrais bien pouvoir le faire - je ne pourrai pas écouter l'un après l'autre tous les matelots de la base de Halifax.» Je pense qu'ils seraient tous disposés à venir nous dire ce qu'ils ont sur le coeur.

M. Young: Madame la présidente, je m'excuse de vous interrompre, mais j'ai un commentaire à ce sujet. C'est encore tiré de ce que j'ai vu et entendu.

Bien des gens me parlent des Forces canadiennes et nous donnent des renseignements sans pour autant être eux-mêmes militaires ou anciens militaires ou même parents de militaires. Beaucoup de Canadiens sont intéressés.

Il serait très utile de recueillir l'opinion d'une grande diversité de gens. Quand on parle de pension et de retour à la vie civile, il y a des gens qui sont des professionnels pour ce qui est d'aider les gens à changer de carrière.

Nous devons aborder toute une gamme d'éléments dont bien des Canadiens aimeraient nous parler. Cela ne nous viendra peut-être pas à l'esprit au départ, parce que nous avons tendance à penser aux soldats eux-mêmes et à leurs familles, mais pour trouver le plus d'appui possible pour vos éventuelles recommandations, il serait utile d'élargir le plus possible l'éventail des interlocuteurs.

La présidente: Merci monsieur le ministre, et j'ajouterais que nous avons bel et bien discuté, comme le savent les membres du comité directeur, de toute cette question de la mise en contexte du rapport afin d'obtenir ce genre d'intervention.

Je vais maintenant donner la parole à M. Leroux pour amorcer la deuxième ronde.

[Français]

M. Leroux (Shefford): Monsieur le ministre, je fais partie du groupe des doyens de ce comité qui sont allés en Bosnie-Herzégovine il y a quelques années pour visiter les deux camps canadiens qui s'y trouvaient. J'ai également visité l'hôpital de Bakovici et je me souviens du déploiement qu'on avait fait. On nous avait dit que c'était extrêmement dangereux de débarquer là, de visiter, qu'il fallait faire attention, etc. Il y avait tout un déploiement de troupes. Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que nous avions été bien accueillis par les troupes canadiennes.

On nous parlait du moral des troupes, mais j'ai appris par la suite que cela faisait seulement deux semaines que nos militaires étaient là. Comment vouliez-vous qu'on évalue le moral des troupes? Il était au plus haut. Donc, dans mon esprit, il y a un doute. Quand on parle des Forces canadiennes, je ne sais plus quoi penser. Je ne suis pas capable de dire si un tel ou telle personne is a crook ou un homme ou une femme compétente. Cela, c'est un problème. Pour nous, de l'opposition, c'est un problème qui est difficile à évaluer.

Monsieur le ministre, je me souviens qu'il y a quelque temps, lorsque la Commission sur la Somalie a été établie par votre prédécesseur, on voulait faire toute la lumière, toute la lumière, toute la lumière. On disait que c'était la première fois que cela se faisait au Canada. C'est également la première fois qu'on met fin abruptement à une commission de ce genre.

Le comité va se promener et je me demande si ce n'est pas une stratégie de diversion. On est proche des élections, le ministre a des choses à implanter dans son ministère et maintenant le Comité de la défense nationale, qui n'a pas siégé de tout l'automne, entreprend une étude. Tant que la Commission siégeait, le comité ne siégeait pas. Donc, il ne s'est pas passé grand-chose ici. On aurait quand même pu faire du travail.

.1630

Je pense aussi au caporal Purnelle, qu'on a accusé. Le caporal Purnelle est l'exemple du jeune militaire qui a osé dire tout haut ce qu'il pensait. Eh bien, il y a un procès. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'on va pouvoir aller dans les différentes bases visiter des gens? Je me souviens d'être allé à Goose Bay. Les francophones qui s'y trouvaient ne recevaient ni les journaux ni aucun autre service en français. Dans les Forces canadiennes, on ne reconnaît pas la Loi sur les langues officielles. Ce n'est pas reconnu. On la pratique, mais on ne la reconnaît pas comme telle.

Il y a des problèmes qui font en sorte que je doute que notre étude va réussir. Évidemment, les ministériels sont d'accord car ils n'ont pas le choix. Quand on est libéral et que c'est le gouvernement libéral qui est au pouvoir, on n'a pas le choix. Mais nous, dans l'opposition on a le choix. Pour ma part, je suis sceptique. Je me demande tous les matins si mon ministre est de bonne foi. Le général en chef est-il de bonne foi? En ce qui a trait à tel ou tel autre, il y a un doute, et je pense que la Commission sur la Somalie aurait pu aider. Malheureusement, elle n'en aura pas le temps.

J'ai rencontré M. Anderson et d'autres. Je les ai rencontrés à plusieurs reprises, de même que le général de Chastelain. Monsieur le ministre, je ne sais que penser de ces personnes-là. C'est ambivalent. On aura une mission et on verra comment cela va se passer. Pour un comité de la Chambre qui arrive quelque part, on va dérouler le tapis. On arrive de loin, ils vont nous entendre venir à 100 milles de distance et ils vont se préparer.

Monsieur le ministre, ma crainte est que les gens aient peur de nous rencontrer. Quant à ceux qui vont venir, je pense que tout sera arrangé d'avance. Donc, j'aimerais que vous répondiez à mes attentes.

M. Young: C'est possible que les hommes et les femmes des Forces canadiennes soient vraiment énervés lorsqu'ils vous voient, mais cela n'a pas été le cas avec moi. J'arrive comme ministre de la Défense nationale et on ne se gêne pas pour me dire exactement ce qu'on pense. Je vais vous donner un exemple en Bosnie.

Le midi, j'étais dans une tente pour prendre un sandwich. On était assis avec une quinzaine de personnes autour d'une table et un jeune soldat, un caporal si je ne me trompe pas, m'a dit: «Oui, tu es rendu ici, mais qu'advient-il de notre paie de temps supplémentaire parce qu'on est dans un endroit hostile». Je vous avoue honnêtement que je ne savais pas que ce problème existait. Je savais ce qu'était le supplément qu'on reçoit lorsqu'on est exposé dans un théâtre où il y a des problèmes particuliers, comme en Bosnie, mais je n'avais pas été avisé qu'on n'avait pas confirmé que ces personnes qui servaient en Bosnie auraient droit à ce supplément.

Je ne l'ai pas trouvé gêné du tout. D'ailleurs, je l'ai trouvé très agressif. Je n'ai pas donné beaucoup de détails de ce qu'il m'a dit. Il m'a expliqué pourquoi lui et ses copains n'avaient pas reçu leur supplément. On a discuté avec eux. Je n'ai jamais eu l'impression, que ce soit à Cold Lake, à Halifax, à Valcartier ou à Comox, que les gens étaient nerveux.

Évidemment, il peut y avoir des circonstances où ils sont un peu plus réservés, notamment dans des discussions au niveau de la chaîne de commandement, etc. Cependant, le mandat que vous avez accepté a trait aux besoins socioéconomiques des Forces canadiennes. Il me semble que c'est un dossier qui est d'un grand intérêt pour tout le monde et qu'ils vont vous accueillir, non seulement avec le tapis rouge, mais avec énormément de points de vue à vous transmettre.

Il me serait impossible d'orchestrer les gens de manière à ce qu'ils vous disent: «Ne vous inquiétez pas, car on est assez bien payés; nos bénéfices sont exactement ceux qu'on veut et il n'y a pas de problème d'hébergement, de déménagement, etc.» Non, non. Je crois que vous allez recevoir des renseignements qui vous seront utiles et qui, je l'espère, seront utiles au gouvernement et que, finalement, ce sera à l'avantage des Forces canadiennes.

.1635

J'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'attention. Vous avez dit que vous aviez souvent de la difficulté, en pensant aux ministres, aux généraux et aux militaires, à savoir who's a crook and who's not. Je crois qu'il serait légitime de dire que les soldats, les matelots et les aviateurs, lorsqu'ils regardent les politiciens, ont peut-être la même inquiétude.

M. Leroux: Tout à fait.

M. Brien: Et on les comprend.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Mills, voulez-vous intervenir dans la deuxième ronde, ou bien le colonel Frazer? Allez-y.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Il faut dire M. Frazer.

Monsieur le ministre, je voudrais vous signaler que j'ai assisté dans diverses bases à la visite d'un ministre et que vous croyez peut-être obtenir la pure vérité, et peut-être l'obtenez-vous vraiment sur certains sujets, mais quand vous dites que les gens vous parlent sans détour, lorsque vous êtes accompagné du commandant ou du SMR ou de l'équivalent qui ne vous quitte pas d'une semelle, vous n'obtenez pas beaucoup de réponses très franches.

M. Young: Je ne les laisse pas marcher sur mes talons, monsieur. Je vais fouiner tout seul. Je suis capable d'aller aux toilettes tout seul.

M. Frazer: Y a-t-il quelqu'un qui vous a parlé de la structure de commandement, de la discipline, de dossiers délicats dans leurs unités? Je ne pense pas que tout cela parvienne jusqu'au ministre de la Défense nationale.

M. Young: Ouvertement.

M. Frazer: Soit dit en passant, j'ai oublié de souhaiter la bienvenue à l'amiral Murray et au général Kinsman. Je suis content de vous revoir tous les deux.

Monsieur le ministre, vous avez dit craindre que l'enquête sur la Somalie ne se prolonge pendant deux, trois, et même plus dans votre exposé vous avez parlé de huit ans peut-être.

M. Young: Non, je n'ai pas dit cela. C'est Radio-Canada qui l'a dit.

M. Frazer: Non, vous l'avez dit ici même, monsieur.

M. Young: Mais en précisant que c'est Radio-Canada qui l'avait dit, pas moi.

M. Frazer: Quoi qu'il en soit, cela a été dit.

Voici, à mon sens, ce qui s'est passé. Ils ont demandé une prolongation de neuf mois, depuis la fin mars jusqu'à la fin de l'année. Et je ne vois aucune raison qui vous empêchait de leur dire, très bien, mais ce sera la dernière prolongation; il n'y en aura pas d'autre. Cela aurait été raisonnable.

Quand vous dites «carte blanche», je trouve que vous refusez de reconnaître qu'ils sont doués de sens commun. Vous ne les auriez évidemment pas nommés à moins que vous ne pensiez pas qu'ils sont dotés d'un jugement raisonnable. Je ne comprends donc pas très bien votre logique là-dessus.

Pour en revenir à la Somalie, vous dites que vous savez maintenant ce qui s'est passé quand Shidane Arone a été abattu; vous savez qui a tiré, vous savez qui l'a tué. Mais savez-vous, monsieur le ministre, ce qui s'est passé au quartier général de la Défense nationale à cette époque, après le 4 mars, après le 16 mars, jusqu'à la fin mars? Je ne pense pas que vous le sachiez. Et nous ne le saurons pas, parce que vous avez mis fin à l'enquête.

M. Young: Je pense que ce qui s'est passé en Somalie est bien connu, je veux dire quant aux incidents proprement dits. Quant à ce qui s'est passé par la suite, on reconnaît généralement que c'était intolérable. C'est pourquoi, plutôt que d'attendre... D'ailleurs, pour être bien sûr qu'il n'y a pas de malentendu entre nous, je sais que le député ne laisse pas entendre que j'ai dit que cela prendrait de 6 à 8 ans. J'ai dit que Radio-Canada avait, dans un reportage très clair, diffusé à la mi-janvier... Je me rappelle que l'on montrait un graphique pour expliquer comment on avait calculé la durée probable de l'enquête.

Je trouve que ce qu'il importe au plus haut point de comprendre, c'est ce qui se passe actuellement au ministère de la Défense nationale et ce qui devrait se passer dans six mois ou dans un an. Je ne suis pas certain que de savoir ce qui s'est passé en 1994 ou 1995, aussi intéressant que cela puisse être, sera particulièrement utile si nous ne le découvrons qu'en l'an 2000.

Nous avons donc décidé de prendre des mesures très énergiques. On a abattu beaucoup de travail. Je tiens à dire que mon prédécesseur et d'autres ne se sont pas contentés de regarder passer les trains au cours des trois ou quatre dernières années. Il y a eu beaucoup de travail de fait et à mon avis il y a eu beaucoup d'améliorations.

Je tiens à dire au député que j'ignore comment c'était il y a 10, 15 ou 25 ans; je n'en ai pas l'expérience personnelle, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'une chose est flagrante, à savoir que ce qui a mal fonctionné dans ce dossier, c'est le système de justice militaire et la capacité d'enquête interne. Je pense que le problème est là. J'ai essayé de trouver les meilleures personnes pour s'attaquer au problème et elles ont accepté de le faire en deux mois et demi.

.1640

Si vous voulez que l'on respecte des gens qui ont accepté un mandat en 1995, sachant qu'ils devaient remettre leur rapport à la fin de décembre 1995... Depuis lors, nous leur avons accordé trois prolongations, à leur propre demande, à trois reprises. Nous n'avons jamais dit non. Nous avons dit oui, oui et encore oui. Mais la troisième fois, en disant oui, nous leur avons dit veuillez remettre votre rapport à la fin juin.

Quand nous avons demandé que l'on examine le système de justice militaire, qui, comme le député le sait pertinemment, est un arrangement très compliqué, complexe et unique, avec toute l'évolution qu'il a subi depuis l'avènement de la Charte des droits, de la période pacifique qui a suivi la guerre froide et tout cela, sans compter les procès sommaires, voici un juge en chef de la Cour suprême à la retraite qui dit oui, nous ferons rapport d'ici au 15 mars, et il est assisté du général Belzile, de J.W. Bird et d'une équipe très solide.

Je tiens à dire, avec tout le respect que je dois au député, que je n'arrive pas à comprendre comment, après que nous ayons accordé trois prolongations, la troisième étant accompagnée d'une date finale de remise du rapport trois mois plus tard, le député peut interpréter cela comme une ingérence politique, alors que trois prolongations, assorties d'un délai de neuf mois pour la remise du rapport - à moins que le député ne voie quelque chose de symbolique dans cette période de neuf mois.

M. Frazer: C'est ce que les commissaires ont demandé.

M. Young: La commission avait déjà demandé des prolongations auparavant. La commission a accepté au départ d'en terminer au plus tard à la fin de 1995. Je ne commenterai jamais leur ordre du jour, leur plan de travail, la façon dont ils devraient travailler, la durée de leurs travaux, qui ils convoquent comme témoins, quelles sont leurs priorités. C'était à eux de décider tout cela.

Madame la présidente, j'aimerais dire sans équivoque que je crois que les commissaires présenteront un rapport utile. Je crois que ce rapport nous présentera quelle est leur perception des enquêtes. Et je crois qu'il sera très utile, comme je l'ai dit à la Chambre et ailleurs, de découvrir ce que les partis et les hommes politiques pensent des commissions d'enquête. Une fois constituées devraient-elles avoir, par exemple, carte blanche? Sinon, cela devient tout simplement de la mise en scène. Je ne peux pas accepter ce genre d'interprétation.

Il incombe au gouvernement de s'assurer que ce genre d'enquête est utile dans un contexte contemporain, et c'est ce que tout compte fait nous devions décider en l'occurrence. Si nous avons réussi à améliorer...

Je ne veux pas que l'honorable député me dise ce qu'il en pense, madame la présidente, mais je dois avouer - et d'ailleurs le Secrétaire Cohen aux États-Unis n'a pas tâche facile dans ses nouvelles fonctions - que je regrette sincèrement ce qu'on a laissé entendre, dans une des questions qu'on a posées tout à l'heure dans un commentaire qu'on a fait, que j'acceptais que ce genre d'incident se produise. Pas du tout. J'ai dit simplement que lorsqu'une institution compte 60 000, 90 000 ou 100 000 membres, il y aura toujours des incidents. L'erreur que nous avons commise c'est dans la façon dont nous avons réagi face à ces incidents; c'est justement ce à quoi nous essaierons de nous attaquer dans le rapport du juge Dickson sur le système de justice militaire.

Pour ce qui est du reste, je devrai m'en accommoder. Je suis convaincu que l'honorable député et nombre de ses collègues étudieront de très près nos recommandations. J'espère qu'ils auront des suggestions à me faire avant que je dépose le rapport. Je serai également disposé à écouter leurs suggestions après le dépôt du rapport.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Calder, vous avez cinq minutes.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur le ministre, j'ai bien aimé écouter ces échanges. Je fais habituellement partie du Comité permanent de l'agriculture, mais je suis venu à cette réunion aujourd'hui et j'ai beaucoup appris.

M. Young: Il y a sûrement des ressemblances.

Des voix: Oh, oh!

M. Calder: J'aimerais poser une question. Pratiquement chaque fois que je lis les journaux je suis fier d'être Canadien. Je sais que le Canada a le respect de tous les pays du monde. C'est probablement pourquoi on fait appel à nous de plus en plus pour assurer le maintien de la paix. Pour être honnête, les autres pays jugent que le Canada n'a qu'un seul intérêt dans ces circonstances, soit maintenir la paix.

Cependant, en 1994 les auteurs du Livre blanc sur la défense ont proposé et obtenu la réduction de nos forces armées qui ne comptent plus maintenant que 60 000 personnes en uniforme. Il semble difficile de concilier une participation toujours plus grande au maintien de la paix et la réduction des effectifs. Pour être honnête, je crois que la multiplication de nos activités exerce des pressions très grandes sur le personnel et leurs familles, il en va de même du fardeau accru de leurs responsabilités.

J'aimerais donc poser deux questions. Que va faire le ministère de la Défense nationale pour concilier ces deux objectifs? De plus, est-il possible de réduire les affectations tout en maintenant le niveau de participation actuel aux activités de maintien de la paix?

.1645

M. Young: Même si votre question porte sur les activités opérationnelles, elle touche certainement la question générale qu'on a demandé à votre comité d'étudier.

Je dois signaler que le roulement sans interruption dont a parlé un député un peu plus tôt nous pose de graves problèmes. Nous ne pouvons pas continuer à assurer le même taux de roulement chez les forces armées, et pas simplement en raison du travail que nos soldats doivent accomplir et des pressions que cela exerce sur le système. Il ne faut pas oublier que nos soldats ne se rendent pas nécessairement dans le même genre de milieu, la formation doit donc être différente. Il faut adapter la formation aux circonstances, à la mission. Pour être honnête, nous n'avons pas suffisamment de temps pour le faire, et les soldats le savent. Ils ne s'en plaignent pas, ils signalent simplement qu'il existe un problème. Lorsque je les rencontre, et je dois le signaler à mon honorable collègue, les soldats me parlent de ce genre de chose très ouvertement, me disant qu'ils doivent avoir plus de temps entre leurs affectations, entre les missions, pour s'assurer qu'ils ont le matériel, la formation et le repos nécessaires.

Je crois qu'il vaudrait mieux que je ne fasse pas part au comité de ma recommandation avant de la communiquer au premier ministre mais je peux cependant vous promettre que je dirai clairement dans mon rapport au premier ministre que c'est au gouvernement, et non pas aux Forces canadiennes, d'établir une politique responsable à l'égard des ressources humaines et des ressources en matériel des Forces canadiennes.

Nous ne pouvons pas être ceux auxquels on fait appel de toutes les régions du monde, chaque fois qu'un problème se pose. On ne peut pas répondre chaque fois: oui, nous viendrons. Ce qu'il y a d'admirable et d'énigmatique dans tout cela c'est que cette situation est attribuable au respect que le monde entier a pour le Canada et les Forces canadiennes. Les autres pays ne font pas appel à vous si vous n'êtes pas à la hauteur, si vos leaders ne sont pas adéquats et si vous n'avez pas le matériel nécessaire. Ils font appel à nos services parce qu'ils savent que pendant des années nous avons fait un travail aussi bon ou meilleur que n'importe quel autre pays aurait pu faire.

Cependant, on ne peut pas continuer à acquiescer à toutes les demandes sans tenir compte de ce dont l'honorable député a parlé; cette question sera certainement abordée dans le rapport que je présenterai: on y discutera de politique, de rôles, de responsabilités et de ressources. Même si nous diminuons les pressions exercées sur les Forces canadiennes en pareilles situations, il demeure critique que lorsque que les Forces canadiennes sont envoyées en mission, elles aient les services de soutien et les ressources nécessaires; c'est d'ailleurs pourquoi nous vous avons demandé d'étudier ces questions dans le cadre de votre examen.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Bertrand.

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): Merci beaucoup, madame la présidente.

Tout d'abord, monsieur le ministre, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'à vos collègues à cette réunion du comité.

Ma question cet après-midi porte sur les forces de réserve. Comme vous le savez, le comité a étudié les structures et rôles des forces de réserve, question que vous avez d'ailleurs abordée dans vos commentaires préliminaires. Notre comité a formulé diverses suggestions quant aux moyens d'accroître l'efficacité des forces de réserve. Le gouvernement et les forces régulières ont tendance à s'attendre à beaucoup plus de la part des forces de réserve maintenant, mais nous avons constaté lors de notre étude que les réservistes ne reçoivent pas la même rémunération ni les mêmes avantages sociaux que les membres des forces régulières. Si je me souviens bien, nous avons recommandé que les réservistes reçoivent la même rémunération lorsqu'ils font le même travail. Pouvez-vous me dire ce que l'on fait pour régler cette iniquité?

M. Young: J'ai signalé entres autres choses dans mon commentaire liminaire que vous devez nous présenter une série de propositions qui incluent les forces de réserve; vous devez étudier la question de l'équité. Je crois qu'il faut absolument assurer un traitement équitable des forces de réserve car vous savez que nous essayons d'augmenter la participation à la milice car nous voudrions qu'elle compte 30 000 membres. C'est ce que nous prévoyons dans notre nouveau système. Je crois que l'étude que doit entreprendre votre comité doit tenir compte de la participation des unités de réserve à cet égard.

J'aimerais cependant vous en dire un peu plus long sur la question parce que je ne crois pas vraiment que le gouvernement du Canada ait fait du très bon travail dans ce domaine à plusieurs égards. Après avoir offert des prix aux compagnies du secteur privé pour les remercier d'avoir permis aux réservistes de jouer leur rôle puis de revenir au travail, les avoir remerciés, et j'entends par là les entreprises, les forces de l'ordre, les municipalités et les gouvernements provinciaux de les avoir bien traités, je constate que le gouvernement du Canada lui ne fait rien à cet égard.

.1650

J'ai demandé à ma sous-ministre de communiquer avec ses collègues afin de veiller à ce que ses homologues dans tous les ministères encouragent les gens à participer aux forces de réserve. J'ai écrit à tous mes homologues et je leur ai dit que nous allions préparer un programme d'information afin de s'assurer que le gouvernement du Canada prendra l'initiative de cette campagne visant à encourager nos fonctionnaires à devenir, s'ils le désirent, des réservistes. Nous avons beaucoup de pain sur la planche, et je crois que nous devrions montrer davantage l'exemple à cet égard.

Je crois également qu'il importe de s'assurer que cet examen est un examen légitime. J'ai parlé aujourd'hui des divers critères. Tout cet effort sera politisé. Évidemment personne ne veut perdre l'arsenal qui se trouve dans sa circonscription. Personne ne veut perdre une unité. Mais il faudra penser au concept de la force totale. Il faudra dispenser la formation et disposer des ressources nécessaires. La formation et les ressources sont des éléments essentiels. Nous y veillerons.

L'amiral Murray et d'autres intervenants - je les rencontrerai sous peu - seront encore plus sensibilisés à l'intérêt que je porte à la réserve. Encore une fois, dans mes déplacements à travers le pays, je reçois une foule de renseignements de gens qui croient - je ne sais pas si c'est une question d'attitude, d'antécédents ou quoi - qu'il doit y avoir un engagement réel et total de la part du gouvernement, du ministère de la Défense nationale et des forces régulières pour assurer que les forces de réserve sont traitées de façon juste et équitable; ils désirent également que ces forces reçoivent le même traitement et le même appui que les forces régulières. Nous allons insister sur la question.

La présidente: Il vous reste 45 secondes, monsieur Bertrand.

M. Bertrand: Pour en revenir à ce que vous avez mentionné, soit l'appui accordé aux forces de réserve, quand on déploie, les réservistes reçoivent-ils le même appui que les forces régulières? Leurs familles reçoivent-elles le même appui que les familles des membres des forces régulières?

M. Young: Il est difficile d'établir une comparaison entre les deux puisque leur organisation est différente et que leurs membres vivent des situations différentes. Comme certains de nos collègues l'ont dit aujourd'hui, nos forces jouissent d'un appui civil communautaire important. Parfois cet appui est offert par les familles des membres des Forces canadiennes, et les membres des Forces canadiennes, des conjoints qui participent à diverses activités qui viennent en aide aux familles qui sont laissées derrière lorsque les troupes sont déployées.

Évidemment il s'agit là d'un défi particulièrement difficile à relever pour les réservistes. Dans bien des cas ils n'ont pas le même genre de réseau au sein de la communauté. Ils ont parfois des modes de vie très différents et vivent souvent dans des régions qui ne sont pas à proximité des services de soutien contrairement à ce qui se produit dans les forces régulières.

Encore une fois, il s'agit de questions que vous devrez étudier, de questions très importantes. Qu'il s'agisse des forces de réserve ou des forces régulières, nous pouvons parler d'un taux de roulement rapide et de n'importe quoi d'autre, mais je n'ai jamais vu auparavant le genre d'attitude qu'on trouve dans les Forces canadiennes, ce désir d'accomplir toute tâche qu'on leur confie.

J'ai parlé du Zaïre. Des jeunes m'ont dit, monsieur le ministre, j'espère que vous avez beaucoup d'assurance-vie, parce que si vous êtes venu ici aujourd'hui nous annoncer que nous allons au Zaïre, vous allez vous faire écraser par la foule de gens qui se précipiteront pour aller se porter volontaires. Les gens se portent vraiment volontaires. Ce n'est pas un pur hasard qu'ils fassent partie des Forces armées canadiennes. La majorité d'entre eux croient sincèrement à l'utilité des missions auxquelles ils désirent participer. Évidemment ce n'est pas toujours facile pour leurs familles.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Brien, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Brien: Monsieur le ministre, vous vous dites préoccupé par les conditions sociales et militaires. Je vais vous parler du cas de Moose Jaw. Le commissaire aux langues officielles a étudié Moose Jaw et Bagotville pour se rendre compte que le ministère de la Défense nationale ne reconnaissait pas la Loi sur les langues officielles.

Il constate, dans le cas de Bagotville, que les services sont quand même offerts, mais que dans le cas de Moose Jaw, les francophones ont de la difficulté à obtenir des services en français dans les domaines de l'éducation, de la médecine, de la culture et des loisirs. Il y a actuellement une bataille juridique à ce sujet, et le commissaire aux langues officielles et le ministère de la Défense nationale attendent que la cour donne une interprétation de la Loi sur les langues officielles et dise ce qui doit s'appliquer.

Je vais vous citer quelques extraits de ce qui a été déposé en cour par le commissaire aux langues officielles. Il parle de:

.1655

D'un autre côté, l'enquêteur du commissaire aux langues officielles a déposé un affidavit à la cour. On peut y lire:

Il y a deux éléments à ma question. Vous avez beaucoup d'expérience et vous en avez parlé plus tôt. Quelle crédibilité les membres de ce comité auront-ils quand ils se rendront à Moose Jaw pour rencontrer ces gens qui savent que des problèmes connus existent depuis 26 ans et que rien n'a été fait? Ces gens auront-ils confiance en nous? C'est d'ailleurs un problème qu'on a soulevé récemment en Chambre, et là aussi rien n'a été fait.

Deuxièmement, de notre côté, pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils viennent s'exprimer alors que l'enquêteur du commissaire aux langues officielles a eu de la difficulté à obtenir des témoignages intéressants? Les gens avaient peur à cause de cette menace qui plane toujours, qui vient de ceux et celles qui contrôlent les carrières des individus à l'intérieur des Forces armées.

Vous savez très bien vous-même qu'il y a des problèmes à cet égard parce que vous avez suspendu toutes les promotions au début du mois de janvier. Donc, il y a là un problème et cela nous ramène à la question de base: les gens vont-ils vraiment parler et quelle confiance vont-ils avoir, compte tenu des problèmes connus au sujet desquels on ne fait rien? On va même devoir se battre en cour avec le commissaire aux langues officielles pour faire reconnaître des services qui devraient leur être donnés.

M. Young: La situation à Moose Jaw a été portée à mon attention aussitôt que je suis arrivé au ministère. J'ai eu une rencontre avec le commissaire aux langues officielles et certains de ses collaborateurs il n'y a pas tellement longtemps pour discuter du cas particulier de Moose Jaw, mais aussi de l'ensemble du problème du bilinguisme à l'intérieur des Forces canadiennes, surtout en ce qui a trait aux services offerts aux francophones.

Vous allez comprendre que, de votre côté, votre crédibilité sera peut-être un peu problématique à Moose Jaw. On sait l'engagement profond du Bloc québécois envers le bilinguisme au Québec, mais ce sera quand même... Ce n'est pas le cas?

M. Brien: Vous avez beaucoup d'arguments, monsieur le ministre.

M. Young: Non, non.

M. Brien: Il ne faut pas exagérer.

M. Young: Je suis toujours intrigué, comme Canadien de langue française du nord du Nouveau-Brunswick, de l'engagement des bloquistes envers le bilinguisme et le fait anglais au Québec.

M. Brien: Heureusement qu'on s'occupe des francophones de Moose Jaw.

M. Young: C'est pour cela que je soulève la question. Je ne me cache pas de ce que je pense de vous et de ce que vous pensez de moi. Ce qui va arriver à Moose Jaw ou ailleurs sera basé sur mon engagement envers le bilinguisme au Nouveau-Brunswick au cours de toute ma carrière politique. J'ai rencontré le commissaire aux langues officielles pour lui faire connaître mon intérêt à ce dossier, et nous allons essayer d'améliorer la situation.

Il n'y a aucun doute - et là-dessus je vais être très sérieux - qu'à l'intérieur d'une institution comme les Forces canadiennes ou la Fonction publique, il est très très difficile de changer la façon de faire les choses. On pourrait être devant un autre comité, je pourrais être ici comme ministre d'un autre ministère et vous pourriez nous apporter des faits démontrant que la situation est difficile. Ce n'est pas toujours une situation qui est respectueuse de la Loi sur les langues officielles, mais on fait du progrès.

En ce qui a trait à la situation de Moose Jaw, comme je vous l'ai dit, on a rencontré le commissaire et on va continuer d'essayer d'améliorer la situation. Si vous me demandez carrément si je suis satisfait de la situation, la réponse est non. Non, je ne le suis pas et j'espère que, lorsque vous aurez terminé votre travail, vous aurez des recommandations à faire, lesquelles pourront améliorer une situation qui perdure. Dans votre cas, vous me parlez de 26 ans. Je vous dirai sans hésitation que dans mon cas, cela dure depuis beaucoup plus longtemps.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur le ministre. On m'a dit que vous deviez nous quitter à 17 heures.

M. Young: Oh je peux toujours répondre à d'autres questions. J'essaie toujours d'être juste.

La présidente: Très bien. Monsieur Mills.

M. Mills: Merci.

J'aimerais faire quelques commentaires. J'apprends avec intérêt ce que va accomplir le juge Dickson en très peu de temps. Comme vous le savez, le juge Létourneau a dit aujourd'hui que s'il avait su avant d'être nommé à la Commission d'enquête ce qu'il sait aujourd'hui sur la façon dont le gouvernement traiterait la commission, il n'aurait jamais accepté la tâche qu'on lui a confiée. C'est assez révélateur.

.1700

De plus, vous dites que toutes les choses qui se sont produites entre la mi-mars et la fin de mars 1993 sont absolument terribles. J'accepterais peut-être ces propos sans sourciller si M. Fowler et Mme Campbell n'avaient pas été nommés à des postes très importants par le gouvernement. Je pourrais croire qu'il s'agit là de commentaires honnêtes - peu importe, c'est le passé, allons de l'avant. Mais lorsque ces gens sont nommés à de pareils postes par le gouvernement, c'est comme si on leur tapait sur l'épaule en leur disant qu'ils ont fait du bon travail.

La présidente: Posez votre question, monsieur Mills.

M. Mills: Je voudrais présenter une motion.

La présidente: Monsieur Mills, vous contrevenez au Règlement.

M. Mills: Je propose que Kim Campbell, Robert Fowler, John Anderson...

La présidente: À l'ordre!

M. Mills: ... John de Chastelain et Barry Armstrong...

La présidente: Monsieur Mills, vous pouvez présenter une motion...

M. Mills: ... soient convoqués à comparaître devant le comité mixte...

La présidente: À l'ordre!

M. Mills: ... des Affaires étrangères...

La présidente: Monsieur Mills, si vous avez une question à poser au ministre...

M. Young: J'ai eu bien tort d'être poli, mais je vous assure que cela ne se reproduira pas.

La présidente: Je sais, monsieur le ministre, je vous présente mes excuses.

Monsieur Mills, vous pouvez présenter votre motion. Vous m'avez dit que vous aviez une question à poser au ministre. Je pense que vous devez des excuses au comité.

M. Mills: Je craignais de manquer de temps, madame la présidente.

La présidente: Vous aurez le temps, de toute évidence, de présenter votre motion, mais vous avez eu tort de nous induire ainsi en erreur en faisant semblant d'avoir une question.

M. Mills: J'en ai beaucoup.

La présidente: Le ministre vous a donné le temps, mais ce temps est maintenant dépassé.

Je remercie le ministre, l'amiral Murray et le général Kinsman de leur participation. Le comité fera de son mieux pour exécuter son mandat.

Je vais demander aux membres du comité de rester. Nous sommes saisis de plusieurs motions, que nous examinerons comme nous en avons l'habitude, avec célérité, j'espère.

Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. Young: Merci à tous.

La présidente: Nous sommes donc saisis de deux motions.

Monsieur Bertrand, vous avez une motion d'ordre administratif.

M. Bertrand: Je propose que le comité autorise les dépenses pour le déjeuner de travail organisé par la présidente en l'honneur des députés du Comité de la défense du Bundestag de la République fédérale d'Allemagne, déjeuner qui a eu lieu le lundi 10 février.

Une voix: J'appuie cette motion.

[Français]

M. Brien: Pouvez-vous répéter cela en français, s'il vous plaît?

.1705

M. Bertrand: Qu'on autorise le paiement pour le dîner qu'on a eu lundi dernier lorsque les parlementaires allemands nous ont rendu visite.

[Traduction]

M. Brien: Très bien.

La motion est adoptée

La présidente: Monsieur Mills, vous avez une motion.

M. Mills: Je propose que Kim Campbell, Robert Fowler, John Anderson, John de Chastelain et Barry Armstrong soient convoqués, dans les plus brefs délais, devant un comité mixte des Affaires étrangères et de la Défense nationale.

La présidente: Je constate tout de suite que votre motion enfreint le Règlement. Il faudrait d'abord présenter une motion afin de demander la formation d'un comité mixte, mais je suis toutefois disposée à autoriser votre motion à être mise aux voix si quelqu'un l'appuie.

M. Frazer: J'appuie cette motion.

[Français]

M. Brien: Il faut un débat sur la motion.

La présidente: Très bien, monsieur Brien. Un moment, s'il vous plaît.

[Traduction]

Pourrions-nous d'abord entendre le motionnaire, monsieur Brien? Patientez un peu.

Monsieur Mills.

M. Mills: Je me fonde, pour cette motion, sur ce qu'a dit le ministre, à savoir que s'il y a quoi que ce soit de suspect dans cette affaire, il souhaite faire la lumière là-dessus. Ce serait là une autre occasion, pour les comités qui ont un intérêt mutuel dans cette affaire, d'aider à élucider cette affaire pour le public canadien. C'est là le motif qui m'anime. Cela nous permettrait de contourner le problème que nous avons avec l'enquête sur la Somalie.

La présidente: Je vous remercie. Monsieur Brien.

[Français]

M. Brien: Merci pour votre grande patience, madame la présidente, et merci de m'accorder la parole avec toute l'indulgence qu'on vous connaît. J'apprécierais beaucoup que vous me laissiez m'exprimer, comme je le fais quand vous intervenez fréquemment.

Il s'agit d'une motion appropriée, parce qu'en tant que membre du Comité permanent de la défense, nous devons être extrêmement préoccupés par ce qui se passe au niveau de la Défense nationale, par tout ce qui entoure la Commission d'enquête sur la Somalie et par ce manque de confiance de la population envers les Forces armées. Ajoutez à cela l'aspect politique du dossier. Il serait intéressant que nous fassions une partie du travail qui ne pourra être fait par la Commission d'enquête sur la Somalie, c'est-à-dire recevoir des témoins clés importants. Comme l'expliquait le juge Létourneau, il y a des motifs, que nous connaissons, qui font en sorte qu'il ne pourra conclure le troisième volet de son enquête.

Cela dit, il serait tout à fait approprié de laisser une chance à ces gens qui sont impliqués et dont le nom a été entendu fréquemment. Certains sont des personnalités politiques qui occupaient des postes importants à ce moment-là - on peut penser à Mme Campbell - , et il faudrait leur donner une occasion de s'exprimer devant le comité.

Je souhaite tout particulièrement que les députés libéraux, qui devraient être soucieux de faire toute la lumière sur cette situation avant l'élection, appuient la motion déposée par le Parti réformiste pour qu'on puisse permettre à ces gens-là de s'exprimer une fois pour toutes, de donner leur point de vue, tout en comprenant que nous ne ferons pas une enquête aussi exhaustive que celle qu'auraient pu faire les commissaires. Nous pourrons à tout le moins donner une chance à ces gens-là de s'exprimer publiquement. Ce sera à nous de poser les questions qui nous apparaissent importantes. Cela va forcer certains d'entre vous à étudier davantage le dossier et à changer d'idée. Cela nous permettra d'apporter un éclairage supplémentaire, pour l'opinion publique en général, sur toute cette histoire, à la veille d'un scrutin ou d'une élection et d'une échéance que, visiblement, des gens qui ont des intérêts politiques tentent de contourner.

Je souhaite que dans les prochaines semaines, nous puissions rencontrer ces témoins. Nous allons, mon collègue et moi, appuyer cette motion.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie.

Je mets la question aux voix.

[Français]

M. Leroux: Madame la présidente, s'il vous plaît, j'aimerais intervenir moi aussi si c'est possible.

[Traduction]

La présidente: Oh, certainement.

[Français]

M. Leroux: Cela permettrait peut-être de rééquilibrer les forces en présence. Le ministre de la Défense nationale actuel m'apparaît comme un homme fort, mais...

[Traduction]

La présidente: Un instant. Je ne sais pas si j'ai bien entendu la traduction: avez-vous parlé d'une certaine «malveillance».

M. Leroux: Non, «équilibre».

La présidente: Oh, c'est cela. Merci bien.

.1710

[Français]

M. Leroux: Je pense que le ministre, qui, pour moi, est un homme fort du Parti libéral et qui est expérimenté, s'est affaibli face au pouvoir militaire des Forces en décidant de mettre un terme à la Commission. Peut-être qu'en rencontrant ici les personnes que la Commission n'aura pas le temps d'entendre, on pourra rééquilibrer un peu les forces en présence et faire la lumière sur des allégations qui me semblent troublantes, pour le moins.

Donc, moi aussi, j'appuie la motion du Parti réformiste. Il est important qu'on fasse notre travail comme on doit le faire.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Frazer, brièvement.

M. Frazer: Madame la présidente, je voudrais vous assurer que je n'ai porté aucune accusation contre qui que ce soit dans l'enquête sur la Somalie, et que je n'ai pas l'intention d'en porter, mais je pense que pour le public canadien - et l'armée en particulier - il faut que les accusations qui sont portées soient réfutées ou soient confirmées dans une certaine mesure. En l'absence d'une telle mesure les gens penseront qu'il existe deux niveaux de justice, qu'au bas de l'échelle vous recevez le bâton, et au haut de l'échelle la carotte. Il me semble donc essentiel d'essayer de régler ces questions et d'entendre ces personnes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Frazer.

Je mets maintenant la question aux voix.

M. Frazer: Un vote inscrit, s'il vous plaît, madame la présidente.

La présidente: Je veux bien.

La motion est rejetée par 5 voix contre 4

La présidente: La séance est levée.

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