[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 février 1997
[Traduction]
Le président suppléant (M. O'Reilly): Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai l'honneur et le plaisir de déclarer la séance ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous procédons à un examen des problèmes socio-économiques auxquels font face les membres des Forces canadiennes.
Nos témoins d'aujourd'hui viennent du ministère de la Défense nationale. Nous accueillons le vice-amiral Larry Murray; le lieutenant-général David Kinsman, sous-ministre adjoint (personnel); et l'adjudant-chef des Forces canadiennes J.G.L. Parent.
Bienvenue, messieurs. Comme vous le voyez, je remplace Mary Clancy qui ne peut pas assister à notre séance.
Je vais commencer en vous demandant, vice-amiral, de faire une déclaration, après quoi nous passerons aux questions du comité.
Le vice-amiral Larry Murray (chef d'État-major de la Défense par intérim, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais commencer par décrire le poste de l'adjudant-chef Parent un peu plus en détail. Il est l'adjudant-chef des Forces canadiennes, soit le militaire de rang supérieur des Forces armées. Il est technicien en recherche et sauvetage, mais est aussi mon principal conseiller et celui de l'avocat des Forces armées pour les sous-officiers des Forces armées.
Tout d'abord, au nom de tous les militaires, je voudrais remercier le comité d'avoir accepté de se charger de cette tâche très importante que constitue l'étude des conditions socio- économiques et des défis auxquels sont confrontées les Forces canadiennes aujourd'hui.
Comme vous le savez, les Forces canadiennes ont pour mission de protéger les Canadiens et de promouvoir leurs intérêts partout dans le monde. Pour les hommes et les femmes des Forces canadiennes, le métier des armes est plus qu'un simple travail. C'est une vocation. Pour exercer ce métier, il faut croire au Canada et accepter de se soumettre aux normes les plus élevées. Il faut également être prêt à risquer sa vie pour défendre son pays. Des gens dévoués qui aiment leur travail et leur pays, nous en avons dans les Forces canadiennes.
On n'a pas à s'en cacher, toutefois, nous avons un certain nombre de problèmes à régler. Mais, pour avoir passé plus de 32 ans dans les Forces canadiennes, je ne crois pas avoir rencontré de meilleurs hommes et de meilleures femmes, et cela à tous les niveaux. Notre personnel, c'est notre ressource la plus importante. C'est le fondement de notre organisation.
À l'aube du XXIe siècle, nous devons nous assurer que les membres des Forces canadiennes sont traités de façon juste et équitable, conformément aux attentes de tous les Canadiens. C'est pourquoi la tâche que vous avez accepté d'entreprendre est aussi importante à mes yeux.
[Français]
Nos soldats, nos marins et nos aviateurs s'engagent de façon résolue envers le Canada. On doit donc se demander: Qu'est-ce que le Canada s'engage à faire pour eux? À mon avis, la réponse à apporter à cette question devrait être la toile de fond de tous les sujets que vous choisirez d'étudier.
Avant d'aborder les questions socioéconomiques, je voudrais vous décrire le contexte dans lequel les Forces canadiennes évoluent de nos jours.
Premièrement, au cours des dernières années, le nombre d'opérations a beaucoup augmenté. C'est une source de stress pour tous les services et non pas seulement pour l'Armée de terre.
Ensuite, nous entreprenons la troisième année de ce qui est probablement le plus vaste programme de restructuration et de réduction des effectifs jamais mis en oeuvre au Canada, programme échelonné sur une période de cinq ans.
[Traduction]
Notre budget, qui dépassait les 12 milliards de dollars en 1994, sera de 9,25 milliards de dollars en 1999, soit une réduction de 23 p. 100. En 1999, l'effectif de la Force régulière sera de 60 000 membres, soit 28 800 de moins qu'en 1989. Quant à la Force de réserve, son effectif sera d'environ 30 000 membres.
Bien sûr, l'effet combiné de l'augmentation du nombre d'opérations et de cette restructuration massive s'est fait sentir sur nos ressources humaines. Nous avons eu plus de rotations dans nos opérations, et beaucoup de nos militaires ont donc dû passer plus de temps loin de leur famille. Par suite de la restructuration, nous avons également élaboré de nouvelles méthodes de travail, même pour les tâches les plus fondamentales. Dans certains cas, au cours de cette transition, nous nous sommes retrouvés avec un personnel réduit, et une charge de travail plus lourde, mais nous espérons régler ce problème au plus tôt.
Il y a eu d'autres changements fondamentaux depuis le dernier examen exhaustif des conditions de service qui, je crois, a été fait au début des années 70. À ce moment-là, la plupart des militaires célibataires vivaient sur la base ou dans des appartements proches de la base. Les militaires mariés vivaient sur la base dans des logements familiaux et la plupart étaient chefs d'une famille à revenu unique. Chaque base avait une école, un gymnase, un cinéma, une église et un magasin, et ces installations fournissaient l'infrastructure sociale requise pour appuyer les militaires et leur famille.
La société canadienne s'est transformée au cours de la dernière génération et, de la même façon, le tissu social des Forces canadiennes a beaucoup changé.
[Français]
Aujourd'hui, nous avons plus de femmes militaires, beaucoup plus de conjoints qui travaillent à l'extérieur, plus de familles à deux revenus dont les enfants sont en garderie, plus de chefs de famille monoparentale et plus de militaires qui possèdent ou louent leur propre maison. Bref, je crois que notre personnel est représentatif de la société canadienne contemporaine.
L'intégration aux collectivités avoisinantes est en train de remplacer l'ancien système fondé sur des services de soutien surtout fournis par la base.
Ce que nous devons savoir pour les Forces armées d'aujourd'hui, c'est quels services de soutien sont requis pour permettre aux militaires affectés au Canada et à l'étranger d'accomplir leur mission sans avoir à s'inquiéter du sort de leur famille et de leurs proches.
L'étude dont le comité a accepté de se charger nous aidera à déterminer quels sont les services requis. De plus, en vous acquittant de cette tâche, vous enverrez un message important aux membres des Forces canadiennes. En effet, vous leur ferez comprendre que les gens que vous représentez, dans toutes les régions du pays, prennent leur bien-être à coeur. Ce sera déjà bon pour le moral.
[Traduction]
Pendant les prochaines minutes, je voudrais soulever certaines questions et en clarifier d'autres que vous souhaiterez peut-être aborder dans le cadre de votre étude.
Tout d'abord, quelles sont les obligations du gouvernement pour ce qui est d'assurer un soutien économique et social aux membres des Forces canadiennes de façon à tenir compte des caractéristiques de leur profession? Cela inclut le risque d'être tué ou blessé, les déploiements à l'étranger sans préavis, les déménagements fréquents, les longues périodes de séparation imposées aux familles et les restrictions en matière de libertés individuelles. D'autres professions affichent certaines de ces caractéristiques, mais je crois qu'il n'y en a aucune qui les possède toutes.
Votre contribution pourrait être inestimable, lorsqu'il s'agira de définir ou de redéfinir le contrat social et économique implicite du gouvernement avec les membres des Forces canadiennes, à l'aube du XXIe siècle. L'un des éléments de ce contrat qui a un impact considérable sur le moral des troupes est certainement la solde.
Au cours des dernières années, la solde des militaires du rang a été gelée pour quatre ans, celle des officiers pour cinq ans et les augmentations d'échelon de rémunération pour deux ans. Les membres des Forces canadiennes, n'ignorent pas que, d'après la loi, le gel de leur solde prend fin le 1er avril 1997. Je crois qu'ils savent également que la haute direction militaire cherche un moyen de faire face à cette échéance. Mais je ne crois pas qu'ils aient beaucoup confiance dans notre capacité de trouver une solution.
Nos calculs montrent que pendant la période de gel, la solde des militaires est tombée en dessous des taux de rémunération de la fonction publique. Actuellement, le manque à gagner est de 4,5 p. 100 pour les militaires du rang et de 14,7 p. 100 pour les officiers du service général. Une des questions clés à se poser est la suivante: la solde des militaires doit-elle continuer d'être alignée sur les taux de rémunération de la fonction publique fédérale? Si la réponse est oui, quels sont les mécanismes à mettre en place pour garantir cet état de chose?
Je crois que si la parité avec la fonction publique demeure le principe de base, il est essentiel d'établir des mécanismes pour que toute augmentation de salaire dans la fonction publique soit immédiatement répercutée dans les Forces canadiennes. Les montants exacts seront établis au moyen d'une formule convenue. Si on ne choisit pas de maintenir la parité avec la fonction publique, alors il faudra mettre en place un autre mécanisme faisant appel à une tierce partie, ou encore une Association des Forces canadiennes - approche que je ne préconise pas particulièrement, mais qui pourrait s'avérer nécessaire si les mécanismes existants ne peuvent pas être améliorés.
[Français]
Nos militaires sont affectés un peu partout au Canada et à l'étranger. Je crois que les militaires et les membres de leur famille ne devraient pas être financièrement ou socialement désavantagés lorsqu'ils déménagent d'un endroit à un autre pour les besoins du service.
Tout en regroupant nos installations militaires d'un bout à l'autre du pays, nous essayons de réduire la fréquence des déménagements et les bouleversements de la vie familiale qui y sont associés. À mon avis, nous devrions y parvenir. Cependant, pour maintenir l'efficacité des opérations, il sera toujours nécessaire de déménager des gens. Nous offrons des indemnités de déménagement qui couvrent une partie des coûts de réinstallation, mais, comme vous le savez, le déménagement est une affaire de famille. Actuellement, une bonne partie des sacrifices imposés à la famille du militaire qui doit déménager ne sont pas pris en compte.
Dans la société d'aujourd'hui, il est courant de parler de revenu familial. Imaginez l'impact de la perte du revenu du conjoint sur le mode de vie d'une famille après un déménagement. On doit donc se demander si le gouvernement devrait envisager de compenser les pertes financières de la famille et la perte d'emploi subie par le conjoint lors d'un déménagement exigé par les Forces.
[Traduction]
Personnellement, je ne suis pas sûr d'avoir la réponse à cette question. Chose certaine, les familles à deux revenus sont de plus en plus la norme au Canada et je sais qu'en moyenne les conjoints de nos militaires gagnent 40 p. 100 de moins que les conjoints des fonctionnaires fédéraux - sans doute à cause des déménagements fréquents.
Une autre question importante à régler est le logement. Notre travail est très sérieux et, pour que les militaires restent concentrés sur leurs missions, ils ne devraient pas avoir à s'inquiéter des nécessités vitales. Par conséquent, nous devons nous assurer que tous nos militaires ont accès à des logements convenables à prix abordable, quel que soit l'endroit où ils sont affectés. Nous avons besoin de solutions originales qui tiennent compte des réalités locales et des disparités régionales.
Le problème du logement suscite un certain nombre de questions: quelles sont les exigences du logement militaire sur le plan social et opérationnel? Quel rôle le gouvernement a-t-il à jouer pour ce qui est d'assurer aux militaires un logement sûr, convenable et abordable? Quelle devrait être la structure, le mandat et le financement de l'Agence de logement des Forces canadiennes en tant qu'organisme de service spécial? Comment réduire le plus possible les écarts que doivent subir les personnes qui disposent de peu de marge de manoeuvre, sinon aucune, quant à l'endroit où elles habiteront?
La relation entre le moral, le rendement et l'efficacité opérationnelle est bien connue, tout comme la relation entre le moral et les programmes de soutien du personnel, tels que les services récréatifs et communautaires. Bref, les programmes de soutien du personnel ont un impact sur l'efficacité opérationnelle.
Ce qui est moins clair, c'est la responsabilité du gouvernement dans le soutien des principaux programmes du personnel, et le niveau de financement et de soutien qu'il doit fournir à l'aube du XXIe siècle.
[Français]
L'un de nos succès des dernières années est le programme de soutien aux familles des militaires. Ce programme est à l'origine des centres de soutien des familles que l'on trouve dans les bases militaires partout au pays. Depuis 1994, ce programme répond à une bonne partie des besoins des familles de nos militaires, mais il y a une question qui n'a pas encore été résolue: il s'agit du soutien public des services de garde d'enfants. Si nous ne disposons pas d'un mécanisme de soutien des services de garde d'enfants, notre capacité de déployer des chefs de famille monoparentale, des militaires dont le conjoint travaille et des couples de militaires continuera de décliner.
Et qu'est-ce qui se passe du côté des réservistes? L'an dernier, 550 d'entre eux ont participé à des missions de maintien de la paix, ce qui montre toute leur importance pour les Forces canadiennes et pour le pays. Le concept de force totale reconnaît la contribution de l'élément régulier et de l'élément réserve des Forces canadiennes. Par extension, les avantages économiques et sociaux ne devraient-ils pas s'appliquer aux deux éléments?
Nous avons amélioré les choses en mettant en oeuvre la politique de rémunération de la Force de réserve. Cette politique fixe notamment les taux de solde de la réserve à 85 p. 100 de ceux de la Force régulière et introduit de nouveaux avantages tels que l'allocation de retraite des Forces de réserve.
Un effort considérable est en cours pour améliorer pratiquement toutes les conditions de service de la Réserve. Ces améliorations ont été recommandées par vous-mêmes et par la Commission spéciale sur la restructuration des réserves. Cependant, vous voudrez sans doute voir si certains avantages devraient s'appliquer à la fois à la Force régulière et à la Réserve ou si d'autres changements s'imposent pour tenir compte du fait que les réservistes détiennent habituellement deux emplois.
[Traduction]
Monsieur le président, membres du comité, les Forces canadiennes sont l'une de nos grandes institutions nationales depuis 130 ans. Nous allons maintenir cette tradition en étant présents partout où le Canada a besoin de nos services. Pour ce faire, nous devons continuer à recruter et à garder dans nos rangs des gens motivés et de haute qualité. À cet égard, nous sommes en concurrence ouverte avec d'autres employeurs sur le marché du travail. Il y a une relation bien connue entre la capacité de recruter des candidats et de les maintenir en poste, d'une part, et un régime de rémunération et d'avantages sociaux juste et équitable, d'autre part.
J'applaudis le ministre de la Défense nationale et les membres de ce comité pour avoir pris à coeur les intérêts de nos militaires, et je sais que les Forces canadiennes vous fourniront tout le soutien dont vous avez besoin pour accomplir votre tâche. En tout cas, vous pouvez compter sur moi pour vous aider dans cette tâche des plus utiles. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bertrand): Merci beaucoup, vice-amiral Murray. Nous allons passer directement aux questions.
[Français]
Monsieur Brien.
M. Brien (Témiscamingue): Avant de poser ma première question, je tiens à vous répéter une crainte que j'avais exprimée lorsque le ministre était venu.
Vous aurez sûrement besoin de nous aider à faire un travail sérieux. Il sera nécessaire que les militaires puissent s'exprimer le plus librement possible, particulièrement en ce qui a trait aux conditions sociales. Pour ce qui est des conditions économiques, je suis à peu près certain qu'ils diront ce qu'ils ont à dire, mais pour les conditions sociales, ce pourrait être différent si jamais les gens sentaient qu'ils peuvent s'exposer à des représailles en s'exprimant librement.
Parlons d'abord des questions financières. La Force régulière va passer de près de 90 000 à 60 000. J'aimerais que vous me donniez la répartition des grades dans cette force de 60 000. Comment la Force régulière sera-t-elle composée à l'échéance?
Vam Murray: En ce qui concerne votre première question, je crois que les membres des Forces canadiennes vont faire preuve de beaucoup d'honnêteté devant ce comité. Si ce n'est pas le cas, j'espère que quelqu'un me le dira. Je puis vous assurer de mon appui. Il est important que tous soient honnêtes si le comité veut réussir cette tâche importante.
Pour ce qui est des chiffres, il vaudrait probablement mieux vous les donner sur papier, mais le général Kinsman aura peut-être plus de détails à vous donner dans un instant.
Nous avons environ 47 000 membres non brevetés et le reste sont des officiers. Je pense avoir des chiffres ici.
À la fin de cette année, nous aurons 13 297 officiers et 48 000 membres non brevetés pour un total d'un peu plus de 61 000 personnes. Je pense qu'il serait utile que nous vous donnions les chiffres qu'on aura à la fin de cette période, en 1999.
M. Brien: On sait que le gel des salaires se termine cette année. Êtes-vous en mesure à l'heure actuelle de faire face à un dégel des salaires dans le cadre de l'enveloppe budgétaire prévue?
Vam Murray: Le problème ne se situe pas au niveau du budget, mais plutôt au niveau des négociations avec le Conseil du Trésor. Par exemple, nous avons prévu un montant assez élevé pour abolir la différence entre les Forces armées et la Fonction publique. Par contre, il sera plus difficile d'obtenir une augmentation de salaire de 14 p. 100 pour les officiers. Je pense que cela doit être échelonné sur deux ou trois ans ou quelque chose du genre. En ce qui concerne notre budget, nous avons prévu le montant nécessaire pour apporter ces changements.
M. Brien: Vous voulez dire que vous avez prévu les budgets nécessaires pour faire l'équilibrage avec la Fonction publique. Donc, vous seriez capables, au plan financier, de faire l'équilibrage que vous nous avez décrit.
Vam Murray: Oui.
M. Brien: D'accord. Vous avez parlé des caractéristiques de la profession militaire, notamment des restrictions en matière de libertés individuelles. À quoi faites-vous allusion lorsque vous parlez de cela?
Vam Murray: Par exemple, si on vous avise que vous devez aller en ex-Yougoslavie, vous n'avez pas le choix. Deuxièmement, on n'a pas la même liberté d'expression que le reste des citoyens et citoyennes, et ce n'est pas unique au Canada. Dans tous les pays démocratiques, les militaires doivent être apolitiques. On n'a pas le droit de critiquer le gouvernement, et c'est le cas dans la plupart des démocraties.
M. Brien: Ma question porte sur un élément que vous n'avez pas mentionné dans votre présentation. Ça touche plus les conditions sociales. Beaucoup de militaires participent aux missions de maintien de la paix, et la politique générale est de ne pas y renvoyer quelqu'un avant un certain temps. Est-ce que vous avez déjà examiné de plus près la situation des gens qui participent à répétition à des missions de maintien de la paix? Est-ce que vous avez l'intention de changer cette politique? Est-ce que vous avez des éléments à nous soumettre avant que nous les consultions là-dessus?
Vam Murray: Il y a deux aspects à ce problème.
Premièrement, ce comité a recommandé dans son rapport de 1994 qu'on augmente de 3 000 l'effectif de l'Armée de terre, ce qu'on est en train de faire. Cette augmentation de l'effectif de l'Armée de terre fera en sorte que les rotations seront moins fréquentes. On veut qu'il y ait une fréquence d'une rotation sur cinq pour permettre aux gens de prendre un peu de temps avec leur famille, de faire de l'entraînement et ainsi de suite.
L'autre aspect de ce problème est la réduction du nombre de déploiements. Par exemple, en 1993-1994, nous avions quatre ou cinq déploiements en cours. Maintenant, on en a seulement deux: un en Haïti et un en ex-Yougoslavie. En ex-Yougoslavie, nous avons seulement un bataillon de groupe. Il nous est possible de maintenir un tel niveau d'opérations, même pour la Marine et l'Armée de l'air. Nos tâches opérationnelles sont maintenant moins exigeantes qu'à cette époque-là.
Je pense qu'on est dans la bonne voie pour les deux choses.
M. Brien: J'aimerais aborder rapidement une dernière question, mais c'est un sujet qu'on pourrait creuser davantage.
Dans le cas des francophones de Moose Jaw, il y a un précédent ou une position surprenante de la part du ministère de la Défense nationale. On dit que la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas aux militaires. Est-ce une position ferme et définitive de votre ministère ou si vous souhaitez qu'on se préoccupe de cette question-là?
Vam Murray: Je vais demander au général Kinsman de vous donner plus de détails, mais la réalité est que la Loi sur les langues officielles s'applique aux militaires et que nous essayons de faire des progrès. Je pense que nous avons fait du progrès ces dernières années. Ce n'est pas encore parfait, mais on s'efforce de faire de vrais progrès partout au Canada et dans les Forces canadiennes.
Je pense qu'à Moose Jaw, c'est entre autres une question de services aux familles. On essaie d'élaborer une norme, non pas à cause de la loi, mais à cause du fait que nous croyons que nous devons faire plus dans ce domaine. Les gens qui travaillent avec le général Kinsman essaient d'élaborer une norme qui devra être mise en oeuvre partout au Canada pour s'assurer que les gens qui travaillent à Moose Jaw et leurs familles aient la possibilité d'obtenir les mêmes services dans les deux langues officielles que ceux qui travaillent à Gagetown, à Halifax ou à Esquimalt. Ce n'est pas facile, mais nous essayons.
Lieutenant général David Kinsman (sous-ministre adjoint, Personnel, ministère de la Défense nationale): Je n'ai pas grand-chose à ajouter, sinon qu'il n'est pas exact que les Forces armées n'appuient pas la Loi sur les langues officielles. C'est plutôt une question d'appui aux familles. C'est surtout cela, comme vient de le dire le chef par intérim.
Dans le Rapport du commissaire aux langues officielles, on a dit qu'il y avait des services qui n'étaient pas disponibles aux francophones dans le coin de Moose Jaw. Comme le dit l'amiral Murray, on a fait beaucoup d'efforts depuis ce moment-là en ce qui concerne les clubs, les activités sociales et tout cela pour améliorer la situation. Il n'est pas exact qu'on ne s'estime pas obligés de se soumettre à la la Loi sur les langues officielles. En fait, on l'appuie à 100 p. 100.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hart.
M. Hart (Okanagan - Similkameen - Merritt): Merci beaucoup. Bienvenue au comité.
Je continue sur la façon dont la Loi sur les langues officielles s'applique aux Forces armées canadiennes; pourrait-on me dire exactement le rôle que joue le bilinguisme dans la profession des armes? Pourquoi est-il si important d'avoir les deux langues officielles dans la profession des armes?
Vam Murray: De mon point de vue, en qu'institution nationale, les Forces canadiennes reflètent la réalité nationale du Canada, ce qui, à mon avis, est très important. En ce qui concerne la capacité opérationnelle proprement dite, je dirais que si les Forces armées canadiennes sont si recherchées depuis la fin de la guerre froide, c'est parce qu'elles comptent dans leurs rangs de nombreux militaires bilingues, ce qui fait leur force.
Bien sûr, dans le contexte des trois éléments, le bilinguisme est très important pour les chefs, qu'il s'agisse de sous-officiers supérieurs ou d'officiers. Lorsque l'on assure le commandement d'un navire dont l'équipage est composé d'anglophones et de francophones, lorsque l'on assure le commandement d'un régiment ou d'un escadron aérien - c'est le cas dans tout le pays... C'est à mon avis très important, d'autant plus que je n'ai moi-même pas eu cette compétence au début de ma carrière et que j'ai eu beaucoup de mal à essayer de communiquer avec les jeunes marins qui étaient entrés dans les Forces et qui s'attendaient, avec raison, qu'on leur parle dans leur langue maternelle.
Je crois que c'est essentiel dans notre pays si l'on veut une force armée efficace au plan opérationnel. Par ailleurs, comme je l'ai déjà dit, je crois que le bilinguisme rehausse notre capacité dans le monde entier et représente l'une des raisons pour lesquelles nous sommes tellement recherchés.
M. Hart: Au plan opérationnel toutefois, quelle langue utilisez-vous dans le cadre d'un exercice de déploiement de l'OTAN ou...
Vam Murray: C'est normalement l'anglais. Toutefois, on parle aussi en français. Le français est également une langue de l'OTAN et certainement, au niveau opérationnel ou tactique au sein de l'armée... Le français est utilisé au niveau tactique. L'anglais est plus courant dans la marine qui a tendance à n'utiliser que cette langue. Nous travaillons également avec des mots-codes, en raison de la différence de prononciation d'une langue à l'autre. Si vous avez un Portugais qui parle l'anglais, il est important que ce soit aussi la langue tactique. Cela tend donc à être l'anglais, mais l'OTAN fonctionne en français de temps en temps aussi.
M. Hart: Essentiellement, l'anglais serait la langue opérationnelle ou universelle, n'est-ce-pas?
Vam Murray: Essentiellement, je dirais que oui.
Dave, en ce qui concerne l'aviation...
Lgén Kinsman: Je pense que le chef par intérim a très bien expliqué les choses. Au niveau tactique ou au niveau de l'unité, la langue utilisée dépend fréquemment de la langue de la majorité des membres de l'unité.
Par exemple, j'ai assuré le commandement d'un escadron francophone de Bagotville (Québec). Tactiquement, nous fonctionnions en français à 100 p. 100, car c'était la langue que la plupart des membres voulaient parler et la communication au sein de notre groupe se faisait dans cette langue. Lorsqu'il fallait communiquer avec d'autres éléments au sujet desquels nous ne savions pas vraiment s'ils comprenaient le français, nous utilisions l'anglais.
Il serait donc difficile de dire exactement si c'est l'anglais ou le français qui l'emporte. Cela dépend du contexte.
Vam Murray: Dans certains cas aussi, comme dans le domaine professionnel de M. Parent qui est technicien en recherche et sauvetage au Canada, il est essentiel de pouvoir communiquer dans les deux langues. J'aimerais dire clairement qu'en ma qualité de chef d'État-major par intérim, il me paraît extrêmement important que le corps officier soit complètement bilingue et que le reste de l'organisation soit le plus bilingue possible.
M. Hart: Je ne veux pas insister lourdement sur ce point. Je pense qu'il est bon que l'on puisse parler les deux langues officielles. C'est quelque chose que j'aimerais pouvoir faire. Je me demande simplement laquelle des deux langues est la plus efficace dans la profession des armes - nous examinons ici le coût des Forces armées canadiennes. Si vous envisagez de déployer des forces à l'étranger... Je comprends le problème que nous avons dans le pays même, mais si nous formons nos forces pour qu'elles soient opérationnelles et efficaces au combat à l'étranger, peut-être vaudrait-il la peine de s'arrêter sur ce point.
Vam Murray: A titre d'exemple, je dirais qu'à l'heure actuelle, le français est la langue opérationnelle en Haïti. Autrement dit, la raison pour laquelle les Canadiens se trouvent en Haïti, la raison pour laquelle les Canadiens ont si bonne réputation, la raison...
M. Hart: Comment les Américains s'en sont-ils tirés?
Vam Murray: Pas aussi efficacement. Les Américains avaient déployé 20 000 soldats. Nous en avons 1 300. Il y a deux semaines, alors que j'étais en Haïti, j'ai marché dans les quartiers pauvres avec six de nos militaires. Ils maintiennent une présence et font un excellent travail, essentiellement parce qu'ils peuvent communiquer avec les gens. Je les ai entendus faire des plaisanteries, etc. Il est essentiel que l'organisation militaire en Haïti parle le français et je dois dire qu'elle fait un excellent travail.
M. Hart: Bien. Selon les notes d'information, le personnel et les coûts connexes représentent 52 p. 100 de notre budget... soit 5,5 milliards de dollars par an du budget total de la Défense. Comment ces 52 p. 100 se comparent-ils avec les pourcentages d'autres pays de l'OTAN? Est-ce un pourcentage élevé, bas?
Vam Murray: Je ne le sais pas vraiment, monsieur Hart. Je pensais que nous nous rapprochions davantage des 40 p. 100, si bien que je ne sais pas vraiment ce que représentent ces 52 p. 100. D'après ce que je comprends, c'est en raison du gel de la solde de ces dernières années - et je crois qu'il faut clarifier les choses pour être sûr que vous disposiez des bons chiffres - que nous avons pris du retard.
En d'autres termes, lorsque l'on fait des comparaisons, il faut vraiment s'assurer de les faire avec des pays semblables au Canada, c'est-à-dire des pays dotés d'une force de métier, sans service obligatoire, et non pas le contraire. Comparativement, je pense qu'on est dans le même ordre de grandeur, et il se peut que nous dépensions en fait un peu moins en matière de personnel que les États-Unis et certains autres pays qui, ces dernières années, injectent plus d'argent dans ce domaine pour donner une nouvelle formation aux militaires ou attirer des personnes compétentes. Étant donné que le gel de la solde dure depuis quatre ou cinq ans, nos chiffres sont peut-être légèrement en dessous de la moyenne, mais ils représentent une grande part du budget. Évidemment, si nous pouvions les contrôler, ce serait formidable. Je crois qu'on arrive à peu près aux mêmes chiffres, peut-être que les nôtres sont légèrement inférieurs aux chiffres américains. J'aimerais le faire confirmer par l'équipe, car cela représente une partie extrêmement importante de votre examen.
M. Hart: Il serait facile de dire que la solde des Forces armées canadiennes devrait augmenter pour le personnel non officier, ainsi que pour les officiers. D'après ce que je vois, la situation des Forces armées ressemble beaucoup à celle des années 70, époque où le gouvernement avait diminué la taille des forces et gelé le budget. Dans le cas présent, c'est encore pire, car nous diminuons le budget et nous avons du matériel qu'il va falloir réparer ou remplacer au bout d'un certain temps.
Comme solution à court terme, on peut, pour remonter le moral des troupes, augmenter leur solde, mais est-ce que cela permettrait vraiment de réduire le stress que leur causent les compressions sur les plans personnel et professionnel? Est-ce que cela, à votre avis, fait partie du problème? Quel impact est-ce qu'une augmentation de la solde aurait sur les dépenses de fonctionnement et d'entretien?
Vam Murray: Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons prévu une augmentation de solde raisonnable. Par ailleurs, je ne voudrais pas que mes commentaires sur le gel des salaires soient mal interprétés. Le gouvernement avait des décisions difficiles à prendre, et comme les Forces armées canadiennes font partie de la fonction publique, elles ont été touchées, tout comme les autres fonctionnaires, par le gel des salaires - c'est la vie.
Pour ce qui est de la question plus vaste, les recommandations proposées par le comité, en 1994, ont servi de fondement au Livre blanc. Elles établissaient l'effectif à 60 000 membres. En fait, dans le cas de la réserve, qui a fait l'objet d'une autre étude par ce comité...
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Elles l'établissaient à 67 500.
Vam Murray: Quoi qu'il en soit, avec des effectifs de 60 000 et de 30 000 membres et le matériel décrit dans le Livre blanc, et en supposant qu'on obtienne un financement stable, ce que semble indiquer pour l'instant le budget de mardi dernier, et qu'on poursuive nos efforts, avec l'aide de comités comme celui-ci et le SCOPA, sur les plans de la restructuration, de la réorganisation, des réductions des dépenses, des compressions des effectifs aux échelons supérieurs - des compressions de 50 p. 100 - , ainsi de suite, je pense que nous pouvons atteindre le potentiel de combat qui est défini dans le Livre blanc. Ce ne sera pas facile, mais nous pouvons le faire tout en nous veillant aux intérêts de nos troupes.
L'autre question sur laquelle le comité doit se pencher, c'est celle du traitement équitable des Forces canadiennes. Il faut toutefois absolument tenir compte du contexte dans lequel évoluent les autres Canadiens. Il n'est pas question ici d'avoir carte blanche.
Le comité peut se pencher sur cette question et essayer de trouver des solutions justes et équitables, chose que nous ne sommes peut-être pas en mesure de faire à l'interne. C'est tout ce que demandent les militaires. Compte tenu du budget présenté mardi dernier, je pense que nous pouvons continuer de mettre en oeuvre les recommandations formulées par ce comité...d'atteindre les objectifs fixés dans le Livre blanc.
Le vice-président (M. Bertrand): Merci beaucoup, M. Hart.
Monsieur O'Reilly.
M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Je tiens à vous remercier, vice-amiral Murray, ainsi que vos collègues, de comparaître devant nous.
Votre exposé constitue un bon point de départ pour notre étude. En ce qui me concerne, j'ai toujours cru qu'il était important pour nous de voir à ce que les militaires disposent de matériel, de logements, d'une solde et de bénéfices adéquats, de voir aussi à ce qu'il y ait moins d'ingérence politique dans leurs activités de tous les jours, à ce qu'ils aient un mandat clair et des effectifs adéquats. La seule façon pour vous de maîtriser vos dépenses, c'est de savoir combien de membres vous avez et quelles missions ils sont en mesure de remplir.
On a déjà répondu à certaines des questions que je voulais soulever. Vous avez parlé des changements qu'a connus la société, du tissu social. Est-ce que les mesures que vous avez prises pour vous adapter à ces changements sont efficaces? Est-ce qu'il faudrait, dans le domaine du logement par exemple, conclure un contrat particulier avec le secteur privé?
J'ai constaté, en visitant certaines bases, que les logements ne sont pas adéquats, qu'ils ne correspondent pas à ce que nous... si nous voulions intégrer nos militaires aux collectivités, nous ne les installerions pas dans les pires logements que nous pouvons trouver. Or, c'est ce que nous sommes en train de faire dans certains cas. Je fais allusion ici à Goose Bay et aux conditions déplorables qui existent là-bas. À mon avis, l'élimination du gel des salaires ne permettra pas de régler tous les maux. Il y a des problèmes systémiques profonds auxquels nous devons nous attaquer.
D'après certains des documents qui nous ont été remis, il ne semble pas y avoir de plan garanti de vente d'habitation pour les militaires qui déménagent. Il y en a peut-être un, je ne le sais pas. Pour pouvoir évoluer dans la société d'aujourd'hui, vous devez pouvoir compter sur des services de base qui ne semblent pas exister, sauf au stade expérimental. Dans le passé, on déplaçait peut-être une ou deux personnes, mais aujourd'hui, ce sont des familles entières qu'on déménage. Or, ces familles ne bénéficient d'aucun service de soutien. Corrigez-moi si je me trompe.
Il y a une autre question qui m'a toujours tracassé dans le cas des militaires - et il doit y avoir une façon de contourner ce problème. Vous dites qu'il faut intégrer les militaires à la collectivité. Or, les logements dans lesquels vous les installez ne sont pas conformes aux normes établies par la collectivité. Vous construisez des logements en appliquant des normes quelconques qui ne sont peut-être pas adéquates. Je ne vous fais pas de reproches à vous personnellement. Je crois que vous devez collaborer avec les communautés pour faire en sorte que vos normes de construction correspondent aux leurs, et que les exigences visant à faciliter l'intégration de vos membres sont respectées.
Vam Murray: Vous avez soulevé plusieurs points. J'aimerais apporter une précision. Nous participons cette année au plan garanti de vente d'habitation qui a été mis en place, à titre d'essai, par le gouvernement. Le MDN participe avec les autres ministères à ce projet. Nous espérons que le programme sera maintenu et qu'il donnera de bons résultats, parce que cela aide beaucoup les militaires de savoir qu'ils peuvent au moins obtenir le prix du marché pour leur maison s'ils sont obligés de déménager.
Je pense que l'étude sur le problème du logement nous sera très utile. À mon avis, nous avons eu raison, ces dernières années, de faire de l'agence de logement des Forces canadiennes un organisme de service spécial et d'adopter une politique qui tient compte des réalités géographiques - autrement dit, des caractéristiques propres à Edmonton, à Esquimalt, ainsi de suite. Je suis convaincu que le comité, compte tenu de son expérience, pourrait jouer un rôle fort utile à ce chapitre.
Si nous avons eu raison de modifier la structure de l'agence de logement, alors nous devons trouver le moyen de lui donner une plus grande marge de manoeuvre. Pour que l'agence de logement remplisse bien son rôle en tant qu'organisme de service spécial, il faut qu'elle dispose d'une plus grande marge de manoeuvre que ce n'est le cas actuellement.
C'est d'ailleurs l'approche que semblent avoir adopté certains de nos alliés. En effet, les Américains cherchent même à privatiser davantage leurs programmes de logement. Je pense que l'orientation que nous avons choisie et qui consiste à tenir compte des réalités géographiques et à mettre sur pied des agences de logement est la bonne. Mais nous aurions intérêt aussi à nous pencher sur cette autre option.
Vous avez dit que l'augmentation de la solde ne réglerait pas tous les maux, et c'est vrai. Vous avez parlé de la fréquence des déménagements. Nous essayons de réduire le nombre de déménagements. En fait, nous les avons réduits de façon considérable au cours des dernières années. Néanmoins, nous allons être obligés de continuer de déménager des personnes pour des raisons professionnelles ou pour de long cours de formation, ainsi de suite. Nous ne pourrons pas faire autrement.
Nous essayons de réduire le nombre de bases que nous avons pour que les militaires restent en poste à Edmonton, Trenton, Halifax ou Esquimalt le plus longtemps possible. Évidemment, ils devront quitter ces bases pour participer à des opérations, mais nous allons essayer de leur donner le plus de stabilité possible, leur permettre de rester pendant six ou huit ans dans un endroit particulier. Mais c'est difficile. Nous faisons des efforts en ce sens, mais ce n'est pas facile.
Pour ce qui est des logements, nous n'en construisons pas beaucoup. Je serais étonné que le comité propose qu'on en construise davantage. À mon avis, nous pouvons trouver d'autres moyens de régler le problème si nous estimons avoir besoin d'un certain nombre de logements pour les militaires dans certaines régions.
Je pense qu'il est possible, dans les années 90 ou en l'an 2 000, de surmonter ce défi sans se lancer dans la construction de logements. Mais il faut donner aux militaires la possibilité de s'exprimer là-dessus, parce qu'ils ont des points de vue différents sur la question.
En effet, les opinions varient au sein des divers éléments. Dans le cas de la marine, nous sommes très satisfaits des arrangements actuels parce que nous avons tendance à vivre à Halifax et à Esquimalt. Nous avons essayé d'encourager les gens à acheter une maison plutôt que de vivre dans les logements familiaux. En ce qui concerne l'armée de terre, où les déplacements sont beaucoup plus fréquents, et l'armée de l'air, on a tendance à croire qu'un grand nombre de militaires devraient vivre sur la base. Dans le cas d'Edmonton par exemple, on se demande actuellement combien de militaires doivent vivre sur la base s'il y a suffisamment de logements dans la région.
Pour nous, c'est une question de culture. Vous allez entendre des points de vue différents là-dessus, ce qui est normal. Je crois que vous auriez intérêt à vous pencher là-dessus.
M. O'Reilly: J'essaie de voir comment on pourrait encourager le secteur privé à construire des logements alors qu'il craint toujours la disparition des bases. Il n'est peut-être pas très sage d'investir dans la construction de logements pour les militaires.
Vam Murray: Si vous arrivez à le faire, nous espérons que vous ferez en sorte que les bases ne disparaissent pas - je plaisante.
M. O'Reilly: Il doit être possible de trouver un moyen d'attirer le secteur privé.
Vam Murray: Il faudrait que cela se fasse dans le cadre d'un arrangement à long terme.
M. O'Reilly: Combien...je suppose que c'est une question à caractère politique. Je ne la poserai donc pas.
Vam Murray: Allez-y.
M. O'Reilly: En ce qui concerne les militaires, ne devrait-il pas y avoir parité avec, non pas les fonctionnaires, mais plutôt avec le secteur privé, surtout si vous essayez de les intégrer aux communautés où vous vous installez ou dans lesquelles vous êtes déjà établis? Ne croyez-vous pas que le comité devrait établir une comparaison entre les militaires et le secteur privé, et non pas nécessairement le secteur public?
Vam Murray: Oui, la question de la parité est importante. Nous nous sommes penchés là-dessus. Dans le cas des services policiers, disons les services policiers municipaux ou la GRC, leur situation est comparable.
La parité avec la fonction publique constitue sans doute la meilleure option, mais je me trompe peut-être. Si vous ne pensez pas que la parité avec les militaires doit être maintenue, il faut alors trouver d'autres points de repère. Je pense que la parité avec la fonction publique est sans doute l'approche la plus juste. Nous aimerions que le comité examine d'autres options parce qu'il s'agit pour nous d'une question fort importante.
Toutefois, s'il y a parité avec la fonction publique, il est essentiel que toute augmentation de salaire dans la fonction publique se répercute immédiatement sur la solde des militaires. Nous ne voulons pas être obligés de nous lancer dans des négociations et nous retrouver dans une situation où nous accusons presque toujours un retard, où nous finissons parfois par le rattraper avant de nous retrouver encore une fois à la traîne. Si vous estimez que la parité avec la fonction publique doit être assurée, il est alors important, peu importe le groupe auquel on nous compare, de faire en sorte que toute augmentation de salaire se répercute immédiatement sur la solde des militaires et d'éviter les négociations qui durent pendant des mois ou des années et qui ont pour effet de nous faire prendre du retard.
Le vice-président (M. Bertrand): Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux (Shefford): Amiral Murray, depuis que je fais partie du Comité de la défense nationale, on parle du moral des troupes, qui n'est pas à son meilleur. On parle de la motivation qui n'est pas facile. Je regarde les militaires qui sont derrière vous. Ils ont tous l'air très heureux d'être ici ce matin.
Je me souviens d'avoir rencontré un général français qui nous parlait de la réorganisation et de la restructuration. On avait comparé l'armée canadienne et l'armée française et on s'était aperçu que dans l'armée canadienne, la moyenne d'âge était plus élevée que dans l'armée française. Évidemment, il y a le service militaire obligatoire en France, qui va disparaître ou qui est peut-être disparu au moment où on se parle, mais je me demande si ce n'est pas le problème. Il y a des militaires qui sont dans les Forces trop longtemps, pendant 25 ans et plus, et c'est peut-être là qu'est le problème. À un moment donné, on aimerait faire autre chose de sa vie et il n'y a pas possibilité de passer à autre chose. Alors, les gens restent dans les Forces et prennent leur mal en patience, comme bien des fonctionnaires, des députés, des sénateurs ou des enseignants qui continuent de faire ça parce qu'ils l'ont toujours fait.
Il est difficile de comparer les conditions des militaires et celles d'autres personnes, parce qu'au fond, vous avez un rôle et un statut différents, particuliers dans la société. On pourrait passer des heures à en parler. Si on avait une armée plus jeune, si les gens restaient dans les Forces pendant10 ans... Évidemment, il pourrait en rester un peu parce qu'il faudrait quand même des cadres qui feraient carrière dans l'armée, mais la durée du service en général pourrait être moindre. Les jeunes pourraient être bien préparés pour faire le gardiennage de la paix, parce que c'est surtout ça qu'on fait actuellement. On pourrait continuer à avoir une aviation et une marine. Des jeunes feraient partie des Forces pendant 10 ans et auraient une formation qui leur permettrait de sortir de l'armée au bout de 10 ans et de faire autre chose. Certaines personnes pourraient y demeurer plus longtemps parce qu'il faut des cadres, comme je disais. Il me semble que ça améliorerait le moral. Aujourd'hui, quand on entrevoit une carrière qui va durer 25 ans, on trouve ça long et on prend son mal en patience. On sait comment sont les choses aujourd'hui dans le monde du travail. C'est la même chose pour les militaires. Ce n'est pas facile.
Parlons maintenant du gardiennage de la paix, du peacekeeping. Je pense qu'il faudrait être modeste. On est partout dans le monde, nous, les Canadiens. On est toujours les premiers à arriver. Souvent on n'est pas prêts et on n'a pas les ressources nécessaires. On n'a pas les effectifs nécessaires, mais on y va quand même. Mon général français me disait qu'eux faisaient une rotation de un pour cinq. Nous, au Canada, on fait une rotation de un pour trois. On a des jeunes qui vont là-bas. Comme je le disais au ministre l'autre jour, quand on avait rencontré les jeunes en Bosnie-Herzégovine, ils étaient là depuis deux semaines. Tout le monde était «peppé», tout le monde était high, tout le monde était de bonne humeur. Mais on ne pouvait savoir comment ces jeunes-là se sentiraient après quatre mois et demi ou cinq mois.
Je voudrais aussi parler du logement. Je pense que pour les Forces, il vaut mieux louer que d'acheter le logement. Vous pourriez peut-être louer et relouer. Je ne sais pas comment ça fonctionne. Il ne faudrait peut-être pas investir. Quand on loue, on a une certaine flexibilité. Si on décide de fermer une base ou de la changer de place, ça peut être modifié. Je pense que ce n'est pas une bonne chose que de construire trop infrastructures.
Il y a autre chose. Quand j'étais jeune, à Granby, les policiers restaient tous sur la même rue. On disait que c'était la rue des policiers. Aujourd'hui, lorsque les militaires sortent de la base le soir, ils n'ont peut-être pas le goût de rester sur la même rue avec d'autres militaires. Ils ont peut-être besoin d'avoir une vie à part.
Si on avait une armée plus jeune, il serait plus facile de l'organiser. Souvent les jeunes ne sont pas mariés. Ils sont fiancés mais ils ne sont pas mariés. Quand on a une armée vieillissante, ça crée des problèmes. Il y a un conjoint, parfois un deuxième conjoint, puis il y a les enfants. C'est compliqué. On sait que la vie d'aujourd'hui n'est pas facile. Les enfants ne veulent plus... Je vous laisse répondre à cela. On va sûrement avoir l'occasion de se revoir.
Vam Murray: Est-ce que j'ai cinq minutes pour vous répondre?
M. Leroux: Sûrement, parce qu'ils n'ont pas beaucoup de questions à poser de l'autre côté.
Vam Murray: Pour ce qui est du moral, on pourrait en parler pendant des heures. J'espère que ce sera possible pendant vos déplacements.
Je pense que vous trouverez que le moral n'est pas mauvais dans les Forces armées en ce moment. Il y a des préoccupations en ce qui concerne la paie et des choses de ce genre, mais je pense qu'en général, à la fin de cette expérience, votre opinion sur le moral dans les Forces armées sera différente.
Votre question sur l'âge est intéressante. En fait, nous venons de terminer un ajustement de nos termes de service il y a deux semaines. On a essayé de donner aux gens un peu plus de stabilité et de prendre les bonnes décisions pour les gens qui ne veulent pas rester dans les Forces après six ans. Pour les officiers, ce pourrait être neuf ans ou quelque chose de semblable.
À ceux qui veulent rester, nous essayons d'assurer une carrière de 23 ou 25 ans si c'est possible. Nos recrues, depuis cinq à dix ans, sont plus âgées. Des gens de 21 ou 22 ans sont maintenant la norme, alors qu'à la fin des années 1960, tout le monde avait 17 ans. Maintenant, les gens sont plus âgés. Quand on a reçu des cours très techniques et qu'on a toutes les capacités physiques nécessaires, c'est un gaspillage que de dire au revoir à tout cela à l'âge de 40 ans.
Mais pour les soldats, je pense que vous avez raison. On m'a dit, lorsque nous avons fait cette étude, que la plupart des fantassins partaient un peu plus tôt, probablement à cause du type de vie, que les gens de la marine ou de l'aviation. Il s'agit d'une bonne question.
En ce qui concerne la rotation de un pour cinq, c'est notre but. L'augmentation de 3 000 soldats est presque terminée, et je pense que le gouvernement et les Forces canadiennes essayent de réduire le nombre d'opérations, tout ça pour obtenir une rotation de un pour cinq.
En ce qui concerne le logement, je pense qu'on a besoin d'un mélange des deux. On a besoin d'un système qui encourage les gens à acheter des maisons et à vivre dans la communauté, mais à cause de leur type de vie, on a aussi besoin de quelques maisons à louer proches de la base ou sur la base même.
Lgén Kinsman: Justement, le chef par intérim parlait tout à l'heure d'Edmonton, où on a une grande base qui prend de l'expansion et où on a beaucoup de logements disponibles aux alentours de la base. On ne croit pas qu'il serait indiqué de construire plus de maisons alors qu'il y a des maisons et des appartements disponibles.
On croit qu'il serait possible de créer un genre de rue de la police à Edmonton. Si on pouvait faire un arrangement avec le côté civil afin qu'il y ait un regroupement de militaires dans une certaine banlieue ou un certain village, on aurait le meilleur des deux mondes. On n'aurait pas besoin de construire nos propres maisons, avec tous les frais d'entretien subséquents que cela implique. De plus, les leaders des Forces canadiennes ne veulent pas que leurs gens soient éparpillés dans des communautés perdues. Ils veulent les avoir proches pour pouvoir leur dispenser des services et s'assurer qu'ils gardent le moral. Si on pouvait avoir des communautés à l'intérieur d'autres communautés, ce serait beaucoup plus facile.
Vous avez abordé un bon sujet. On pourrait faire tout comme la police à Granby.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bertrand): Monsieur Frazer.
M. Frazer: Je vais être assez direct, mais j'ai d'abord une question à poser. Vous avez dit que le budget de la défense était de 9,2 milliards de dollars. Hier, j'ai vu dans le document budgétaire qu'il atteindrait 8,5 milliards de dollars en 1999. Est- ce que je me trompe?
Vam Murray: Nous allons devoir clarifier cela, monsieur le président. Ce chiffre ne comprenait pas les dépenses législatives. Lorsqu'on inclut celles-ci, on arrive à 9,2 milliards de dollars. Je pense qu'on a apporté des précisions à ce sujet.
M. Frazer: Merci. Je suis heureux de l'entendre.
Amiral, je partage votre avis en ce qui concerne les militaires qui travaillent pour le gouvernement. Je ne suis pas du tout d'accord avec la façon dont le quartier général de la Défense nationale est organisé. Je ne veux pas m'en prendre à qui que ce soit, mais nous avons avec nous le sous-ministre adjoint qui est responsable du personnel. Le sous-ministre adjoint fait partie du gouvernement. Il n'est pas indépendant de celui-ci. Le général Kinsman serait le chef du personnel s'il n'en tenait qu'à moi.
Mais la question n'est pas là. Je voulais tout simplement dire que je ne suis pas d'accord avec l'idée de fusionner le personnel militaire et civil. Vous avez peut-être une opinion différente là- dessus.
En ce qui concerne le logement, dans le passé, lorsque les militaires étaient affectés à une base, surtout dans une région éloignée, ils avaient accès à des logements. S'il n'y avait pas de logements, ils ne pouvaient être affectés à cette base. C'est ce qui permettait de créer un esprit de famille. Les gens s'entraidaient et ils savaient tous ce qui arrivait lorsqu'un militaire était envoyé ailleurs, soit dans le cadre d'une affectation temporaire ou d'un détachement. Il bénéficiait de services de soutien.
Ne croyez-vous pas qu'il faudrait peut-être revenir en arrière, si on peut s'exprimer ainsi, revenir au système d'entraide qui existait dans le passé?
Vam Murray: Voilà une question intéressante, monsieur Frazer. J'ai peut-être embrouillé les choses quand j'ai dit que la création d'une agence de logement et l'adoption d'une politique de logement axée sur les réalités géographiques constituaient un pas dans la bonne voie.
Ce que j'essaie de dire, c'est que, à Ottawa, vu la nature du travail qu'accomplissent les militaires, je ne vois pas pourquoi la grande majorité des gens ne vivrait pas à l'extérieur de la base. Je ne sais pas si cela serait possible à Cold Lake, à Gagetown et peut-être à Valcartier, mais il faut tenir compte du rôle géographique et opérationnel de l'unité.
M. Frazer: Et qu'en est-il d'Esquimalt?
Vam Murray: Esquimalt est unique. Les prix sont tellement élevés que nos caporaux et soldats, nos officiers et sous-officiers ne pourraient pas y vivre s'ils n'avaient pas accès à une indemnité d'aide et à un logement. Donc, ce n'est pas tellement le fait de vivre au même endroit, mais le coût de la vie élevé qui pose problème à Esquimalt.
M. Frazer: Mais il y les nombreux déploiements. Les militaires sont constamment envoyés en affectation, et pendant de longues périodes.
Vam Murray: C'est vrai, mais en ce qui concerne la marine, nous avons sur les deux côtes des centres de soutien des familles. C'est à Halifax que le premier centre a été établi. Il y a des réseaux qui se créent entre épouses, conjoints, ainsi de suite.
À mon avis, cela ne veut pas dire qu'ils doivent tous vivre au même endroit. En ce qui concerne la marine notamment, ce n'est pas la façon dont nous... Eh bien, il y a des logements familiaux à Halifax et à Esquimalt, mais la grande majorité des gens vivent à l'extérieur de la base. Ils continuent d'avoir accès à de bons réseaux et à s'entraider.
Dans le cas des forces aériennes, si les militaires sont stationnés à Cold Lake, à Goose Bay ou dans un endroit isolé, la situation et différente.
M. Frazer: Avant, on ne laissait pas aller outre-mer deux militaires mariés qui avaient des enfants, parce que s'il arrivait quelque chose les enfants étaient laissés à eux-mêmes.
Aussi restrictif que cela serait en tant que charge supplémentaire pour les gens du service, vaut-il la peine de se demander s'il est opportun d'avoir deux militaires mariés avec des enfants? Cela limite vraiment votre capacité, ou celle du directeur du personnel, de les déplacer vu qu'ils doivent s'en remettre à quelqu'un d'autre pour s'occuper de leurs enfants.
Vam Murray: Personnellement, et je suppose que cela traduit notre position actuelle, je considérerais cela comme une trop grande entrave à la liberté personnelle. Le fait est qu'un grand nombre de nos couples mariés se sont rencontrés dans l'exercice de leurs fonctions et non...
M. Frazer: Oui, mais autrefois si vous décidiez de vous marier vous deviez quitter l'armée.
Vam Murray: Quant à moi, je crois que nous gagnons plus à régler les problèmes que risquent de nous poser les couples mariés que ceux que nous aurions si nous décidions que l'un des deux conjoints doit quitter l'armée. Il n'y a pas doute que cela nous oblige à assumer certaines responsabilités. En fait, j'en ai parlé dans mon exposé. Mais je crois que c'est gérable et je préfère de loin relever ces défis plutôt que d'autres.
M. Frazer: Si vous le permettez, même si...
Le vice-président (M. Bertrand): Je vous remercie monsieur Frazer.
Monsieur Collins.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Vice-amiral, ce que vous avez à dire est très intéressant. Je m'y connais mal dans ce domaine, mais vous avez soulevé certains facteurs intéressants. Il y a, d'une part, la solde et la mobilité et, d'autre part, les réalisations personnelles, le logement, l'interaction avec la collectivité et les déménagements fréquents.
Pour que je puisse évaluer un tant soit peu le succès ou l'échec de tous ces facteurs ou de l'un d'entre eux, disposeriez- vous d'une représentation graphique de la situation passée, des orientations et de ce que nous réserve l'avenir à court et à long terme.
J'ai toujours l'impression que nous réagissons de façon instinctive. Quelqu'un gravit en voiture les marches des édifices du Parlement et tout de suite nous voulons ériger un mur de six pieds et poster 34 gardes de sécurité. Je ne suis pas d'accord avec cette approche.
J'aimerais insister très rapidement sur certaines choses. Si j'acceptais, comme contribuable, qu'on mette fin au gel pour remonter le moral des troupes, êtes-vous alors en mesure de déterminer si un meilleur salaire améliorera le rendement des militaires? Dans la profession que j'exerçais, je n'étais pas toujours sûr qu'en offrant un meilleur salaire...ou si ce n'était pas le dévouement qui comptait.
Nous allons prendre certaines décisions. Je n'aime pas penser que vous tirez de l'arrière, mais comme vous êtes sur la ligne de front tout le monde s'en prend à vous si vous commettez une erreur. Si, par contre, vous accomplissez un exploit, personne ne s'en souvient. Si vous en accomplissez plusieurs, c'est la même chose. Une seule erreur suffit à démolir tout le monde, et c'est bien dommage.
Je ne sais pas comment nous devrions mesurer cela mais, dans la collectivité - où les militaires sont visibles - je me demande s'il n'est pas possible d'établir des liens avec les écoles, le milieu ou que sais-je encore. D'après mon souvenir, les militaires ne venaient nous voir qu'une seule fois pendant l'année. Ils nous demandaient si nous voulions nous joindre à eux pour telle ou telle activité le 11 novembre ou à une autre occasion, et c'était tout. Je crois qu'il est important d'établir des liens de ce genre.
Je vais simplement revenir au logement. Vous avez dit que cela vous préoccupait. Pourriez-vous me nommer trois critères que vous aimeriez que nous examinions, que nous devrions étudier selon vous? Et en ce qui concerne la solde, pourriez-vous nous en glisser un mot pour que je puisse au moins me situer et à savoir dans quelle direction nous allons?
Vam Murray: Pour ce qui est de votre premier point, je crois que c'est possible. En fait, l'équipe va préparer cela. Je crois que nous disposerions de données disons pour les années 1990 et 1996 et sur la diminution du nombre de déménagements. C'est vraiment les années 1992, 1994 et 1995 qui ont mené à la fermeture d'un certain nombre de bases. Je crois que nous pourrions vous donner des tableaux. Je suis sûr que le colonel Arp pourrait collaborer avec le greffier à ce sujet. Je crois que ce serait utile.
En ce qui a trait à l'amélioration de la solde et de la performance, je ne suis pas impartial, mais je crois que les Forces canadiennes se sont comportées de façon remarquable tout au cours de ma carrière et à coup sûr depuis 1989. Compte tenu de toutes les exigences dont j'ai parlé, elles ont accompli un magnifique travail partout dans le monde. Les membres des Forces canadiennes n'essaient pas de s'enrichir. En fait, si tel est leur but, ils se sont trompés de métier. Je crois que tout ce à quoi ils aspirent, c'est à une juste reconnaissance.
Dans ce contexte, je ne dis pas, vu que la rémunération des officiers du service général tire de l'arrière d'environ 15 p. 100, qu'on croit que le gouvernement actuel ou un autre gouvernement ou encore n'importe quel employeur canadien pourrait accorder une augmentation de 15 p. 100. Ce que veulent les militaires, selon moi, c'est une rémunération juste, et ils songent presque à une rémunération supplémentaire qui reconnaîtrait qu'ils font du bon travail. À mon avis, en arriver à un juste équilibre avec la fonction publique serait équitable si nous pouvions faire quelque chose assez rapidement à cet égard.
Lorsque vous dites que, lorsque l'on fait quelque chose de bien personne n'en parle et lorsque l'on fait quelque chose de mal, c'est tout le contraire, vous allez au fond du problème. Quelqu'un avait demandé au ministre quelles étaient les deux principales préoccupations des membres des Forces canadiennes aujourd'hui. Il va s'en dire que la première n'est pas la solde. Je dirais que la solde et la rémunération arrivent probablement au deuxième rang en raison du gel.
Ce que nous voulons en premier lieu, c'est que l'on reconnaisse - la reconnaissance n'a pas à être importante - ce que font nos gens et que, lorsqu'une personne sème la pagaille, cela ne veut pas dire qu'il en va de même pour les 99,99 p. 100 qui restent. Tout ce qui peut être fait dans ce domaine serait très apprécié parce que, honnêtement, c'est le problème numéro un. C'est ce que tout le monde vous dira.
En ce qui a trait à l'interaction avec la collectivité, il s'agit de quelque chose que nous essayons d'encourager. Je crois qu'il s'agit là d'une partie de la solution à ce problème. Dans la plupart des localités du Canada, cela se fait à l'heure actuelle, mais nous devrons peut-être ouvrir nos bases pour que les médias et le grand public rencontrent les gens et se rendent compte que les membres des Forces canadiennes regroupent du bien bon monde.
Dans mon esprit, c'est le premier problème qui se pose avec le moral. C'est quelque chose que nous devons régler d'ici à peu près un an, parce que je ne pense pas que l'institution puisse continuer à se faire démolir comme c'est le cas à l'heure actuelle, sans plus de reconnaissance pour ses réalisations, sans que ses membres commencent à se demander s'ils vont rester ou partir. Je ne pense pas exagérer en disant cela.
M. Collins: J'ai une courte observation à faire. J'ai remarqué qu'il y a des gens dans l'armée qui, lorsqu'ils jugent le moment venu, se lancent dans l'arène politique. Ils croient peut-être que c'est là qu'ils vont s'enrichir.
Vam Murray: Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus.
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président (M. Bertrand): J'imagine qu'il n'a pas de visées politiques.
Vam Murray: C'est exact.
M. Hart: Étant donné que le temps presse, je crois que je vais rapidement poser mes questions et on verra si on a le temps d'y répondre.
Premièrement, dans les années 70, nous avons accordé la parité salariale aux Forces armées canadiennes qui ont alors été considérées comme les mieux payées dans le monde. En est-il toujours ainsi? J'aimerais aussi savoir si le comité peut obtenir une ventilation par grade des salaires des militaires de nos alliés de l'OTAN afin de voir où se situent nos caporaux, nos soldats, en remontant jusqu'aux généraux.
Deuxièmement, quel pourcentage du budget total est attribué aux projets d'immobilisations et comment cela se compare-t-il avec les autres alliés de l'OTAN? Je soulève la question parce que, dans les années 70, lorsque nous avons accordé la parité salariale aux Forces armées canadiennes, nos dépenses en immobilisations ont chuté à leur plus bas niveau, c'est-à-dire à 9 p. 100. Je veux simplement vérifier cela et m'assurer que nous ne risquons pas de répéter l'erreur commise à l'époque.
J'aimerais aussi savoir s'il est possible d'attribuer une indemnité de vie chère pour les régions où les coûts sont plus élevés qu'ailleurs au Canada, à Esquimalt par exemple, où nous avons éprouvé des difficultés.
Enfin, vous avez mentionné les caractéristiques uniques d'une carrière dans les Forces armées canadiennes, y compris le risque d'être tué et blessé. L'une de ces caractéristiques est toutefois commune à tous les Canadiens et c'est le fait que nous sommes surtaxés. Les membres des Forces canadiennes n'échappent pas à la règle. J'aimerais voir un tableau comparatif des retenues à la source par grade, et ce de 1993 à 1996. On pourrait y comparer la situation des caporaux, des capitaines, des lieutenants-colonels et peut-être celle d'un major général - simplement pour voir les niveaux. Le revenu disponible des membres des Forces canadiennes est tout aussi important pour eux que pour n'importe quel autre Canadien. C'est un des éléments du scénario, et je veux simplement savoir ce qu'il en est à ce sujet.
Vam Murray: Je vais répondre à ces questions assez rapidement. Dans la plupart des cas j'aimerais étayer cette information par des documents.
Je ne sais pas trop quelle était notre situation dans les années 70. Cependant, je crois que nous étions loin derrière le Royaume-Uni et les États-Unis.
Pour passer à votre quatrième point, cependant, il est important de comparer des pommes avec des pommes. Dans certains pays, aux États-Unis par exemple, des différences au niveau fiscal et d'autres aspects du genre interviennent également. Une analyse comparative est très importante pour l'étude que vous faites; nous ferons donc un certain travail dans ce domaine. Je ne sais pas si Dave a des renseignements plus précis, mais je ne le crois pas. Je ne sais pas et j'aimerais le confirmer également.
En ce qui concerne les projets d'immobilisations, ils représentent à l'heure actuelle environ 20 p. 100. Une fois de plus, j'aimerais le confirmer. Les dépenses en immobilisations étaient de 23 p. 100 et seront bientôt de 20 p. 100, moins les munitions et quelques autres éléments. Nous pouvons vous donner les chiffres exacts et nous pouvons vous donner les tendances pour les quelques dernières années.
En ce qui concerne l'indemnité de vie chère - et je suppose que je ne l'ai pas souligné - c'est en réalité dans le secteur du logement qu'il vous serait utile d'examiner la situation dans la mesure où vous le pouvez. Nous avons ce que nous appelons une indemnité d'aide au logement que nous versons dans les localités qui dépassent d'un certain pourcentage la moyenne nationale d'environ 12,5 p. 100.
Le problème c'est que dans un endroit comme Esquimalt, c'est vraiment bien de dire à quelqu'un que vous allez lui verser une indemnité d'aide au logement. Mais étant donné que le taux de logements ou de maisons inoccupés y est de 0,002 p. 100, vous avez le choix de vivre dans un château, ce que l'indemnité ne permet pas, ou dans un taudis et mettre l'argent dans vos poches. J'exagère un peu, mais je dis que ce mécanisme ne règle pas tous les problèmes qui varient d'un endroit à l'autre.
Nous examinons la possibilité de verser des indemnités pour les déplacements quotidiens et d'autres allocations pour les gens qui ont maintenant tendance à vivre de l'autre côté de Malahat.
En ce qui concerne la question de l'impôt, il nous faudrait chercher pour vous. Je n'ai tout simplement pas cette information, mais je pense que nous pouvons l'obtenir.
Le vice-président (M. Bertrand): Monsieur Frazer, avez-vous une autre question?
M. Frazer: J'aimerais revenir à ce dont j'ai déjà parlé, au cas de deux militaires mariés avec ou sans enfant.
Tout d'abord, je suis parfaitement d'accord avec vous, lorsque vous dites qu'il n'est pas possible de revendiquer la parité entre un fonctionnaire et un militaire. Leur mandat est complètement différent et les deux situations ne se comparent pas.
Il reste que le régime des affectations se complique énormément dans les cas où vous avez deux militaires mariés. Si vous avez un technicien en recherche et sauvetage, par exemple, et que vous voulez l'affecter à Comox, qu'il est marié à une militaire qui occupe un autre emploi pour lequel il n'y a pas de poste à Comox, vous allez soit les séparer de force, soit trouver un lieu d'affectation pour les deux. Est-il déraisonnable de dire qu'en raison des besoins et des exigences du service, il faudrait peut- être revoir la politique?
Vam Murray: Je vais sans doute demander à M. Parent et au général Kinsman de donner aussi leur point de vue à ce sujet, monsieur Frazer.
Je continue à croire qu'il vaut mieux être confronté à une de tels problèmes. Les gens comprennent; en effet, nous ne pouvons pas faire en sorte que ces couples restent constamment ensemble. Si pour les nécessités absolues du service, il faut que l'un des deux conjoints soit affecté quelque part, il l'est et, avec son conjoint, doit prendre les décisions personnelles qui s'imposent. Le fait d'être marié ne veut pas dire que vous allez passer le reste de votre vie à Valcartier, à Esquimalt ou ailleurs. Je crois toutefois que nous réglons ces problèmes qui sont réels et qu'il vaut mieux agir de la sorte plutôt que d'envisager pour les années 90 ou le 21e siècle des mesures autocratiques exigeant, par exemple, que telle ou telle personne ne peut pas se marier.
Lgén Kinsman: Indubitablement, cela ajoute une autre dimension à la gestion des carrières, mais il ne faut pas non plus oublier que le nombre de postes diminue de plus en plus en raison de la restructuration des Forces canadiennes. Le gestionnaire de carrière n'a effectivement pas de problème véritable, lorsqu'il n'est pas en présence, par exemple, d'un couple marié où les deux conjoints sont des adjudants et des techniciens en recherche et sauvetage et lorsqu'un seul poste est offert dans une base. Cela n'arrive habituellement pas. Normalement, les conjoints ont des compétences et des métiers différents.
Par conséquent, nos gestionnaires de carrière peuvent, en règle générale, satisfaire aux demandes des militaires, sans que cela ne pèse trop sur le système. Je pense que la plupart des couples mariés, sinon tous, comprennent que de temps à autre ils ne pourront pas rester ensemble.
La question des couples de militaires avec enfants ajoute bien sûr une autre dimension. Vous avez entendu dans l'exposé du chef par intérim - et vous ne manquerez pas de vous en apercevoir par la suite - que nous pensons pouvoir y répondre en offrant, formellement ou non, des services de garde d'enfants. Lorsque j'étais à Cold Lake, il se trouvait déjà des services de garde d'enfants offerts par les militaires, du fait que parfois l'un des parents devait partir et l'autre, continuer à travailler.
Je suis parfaitement d'accord avec le chef par intérim: il vaut beaucoup mieux s'efforcer de s'adapter à cette situation et répondre aux besoins des couples de militaires avec enfants que de prendre une décision qu'on pouvait se permettre de prendre sans problème il y a 20 ou 30 ans. Mais je crois qu'il serait arbitraire d'affirmer aujourd'hui que l'on ne peut pas être marié et être militaire.
L'adjudant chef J.G.L. Parent (ministère de la Défense nationale): Actuellement, le taux de réussite de la coaffectation des conjoints militaires se situe aux alentours de 80 p. 100 et certains programmes nous permettent de faire preuve de souplesse. Lorsque des militaires sont affectés à l'étranger, l'un des conjoints peut prendre un congé sans solde pour accompagner celui qui est officiellement affecté.
C'est donc plus un défi qu'un problème. Cela présente également des avantages, car nous en avons deux pour le prix d'un. Compte tenu du coût que représentent la solde, les avantages sociaux et les déménagements, etc., nous faisons déménager deux militaires pour le prix d'un. Cela marche donc des deux côtés.
M. Frazer: Amiral, comme je l'ai dit plus tôt, je déclare avec insistance que je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la parité. Comment d'après vous, pouvons-nous nous extirper de la parité qui a été créée entre les militaires et la fonction publique? Avez-vous une idée à ce sujet?
Vam Murray: Non. Monsieur Frazer, je m'inquiète, je crois... Je ne suis pas convaincu que ce n'est pas la meilleure solution. En d'autres termes, de mon point de vue - et nous avons examiné la question avant même de savoir que ce comité allait l'aborder - nous avons dû faire face à cette question, car cet écart existe bel et bien et que nous avons également un gel de la solde. Nous nous sommes penchés sur la question. A l'interne, nous en sommes arrivés à la conclusion - vous le verrez lorsque vous recevrez les exposés techniques, etc. - que la parité avec la fonction publique, qui serait en quelque sorte un point de repère, est probablement la meilleure solution.
C'est à vous d'examiner la question et d'arriver à une conclusion; si vous supposez que c'est le cas, le vrai problème à régler est le suivant: comment s'assurer que lorsque la fonction publique reçoit une augmentation, les forces armées la reçoivent automatiquement, en fonction d'une formule convenue, ou autre chose. À mon avis, il ne faudrait pas que des fonctionnaires ou d'autres représentants du ministère de la Défense nationale se lancent dans des négociations avec le Conseil du Trésor.
Il faudrait en arriver à cette conclusion, puisque les officiers du service général accusent un retard de 15 ou de 14,7 p. 100 et que les sous-officiers accusent un retard de 4,7 p. 100 - ou autre pourcentage - diverses décisions ont été prises en fonction de nos perceptions, etc. Bien que je souhaite véritablement que nos militaires du rang obtiennent la parité, le fait est que nous avons maintenant des officiers subalternes qui ont du mal à joindre les deux bouts et que nous devons absolument régler cette question.
Il faudrait certainement prévoir un mécanisme d'enchaînement entre la parité et l'augmentation. Même si la parité devait servir de point de référence, il faudrait toujours prévoir un genre de mécanisme pour mettre un terme au débat. Je crains que dans le cas contraire et si la situation actuelle ne change pas, nos militaires vont commencer à dire qu'ils ont besoin d'une association. Très franchement, si nous n'arrivons pas à régler ce problème, ce serait la conclusion à laquelle je parviendrais si j'étais à leur place.
M. Frazer: Si je vous comprends bien, toute augmentation dans la fonction publique devrait se répercuter sur le budget militaire pour assurer la parité entre les deux.
Vam Murray: Oui. Je crois d'ailleurs que c'est ce qui est prévu dans les négociations en cours au sujet de la capacité interne du ministère de rattraper ce retard. Nous l'avons déjà prévu dans notre budget, mais il faudra aussi penser aux augmentations à venir.
M. Frazer: J'ai une dernière question à poser, monsieur le président.
Vous avez dit plus tôt qu'il arrive que le gouvernement vous demande le déploiement de militaires canadiens dans tel ou tel endroit et que vous n'avez pas le choix; à mon avis, cela explique peut-être en partie les problèmes actuels des militaires. Vous avez parlé de 60 000 militaires. Dans ce rapport de 1994, il est question d'un minimum de 67 500 militaires, faute de quoi vous pourriez citer certaines fonctions qu'il faudrait abandonner. Vous ne l'avez jamais fait et pourtant, vous allez n'avoir que 60 000 militaires. Je ne suis pas d'accord.
Il me semble que lorsque le gouvernement demande au chef d'État-major de la Défense le déploiement de militaires canadiens à Haïti, en Bosnie ou à Tombouctou, ce dernier devrait pouvoir lui répondre: je n'ai pas le personnel ni le matériel adéquat; par conséquent, tant que vous ne réglerez pas la question, je crains être dans l'obligation de refuser.
Lorsque je suis en service, j'aimerais pouvoir afficher une attitude de battant: donnez-moi ce qu'il faut et je vais faire tout mon possible pour accomplir ma mission. Pour ce qui est des militaires, il faudrait que quelqu'un dise: un instant, nous ne pouvons pas remplir cette mission avec ce que nous avons à l'heure actuelle.
Vam Murray: Je ne suis pas en désaccord avec vous. J'aimerais revenir à ce que vous avez dit plus tôt au sujet de l'organisation, monsieur Frazer; je pense que notre point de vue est différent, mais je crois que cela s'explique par nos perceptions. Le fait est que depuis 1989, je fais partie des grades supérieurs au quartier général de la Défense nationale, mis à part une année passée à titre de commandant de la marine. Autant que je sache, dans le cas de tout déploiement effectué par les Forces canadiennes depuis, le chef de l'État major de la Défense a toujours fait une recommandation claire au gouvernement, a toujours dit - ou certainement a eu le droit de dire - le genre de choses que vous venez de dire.
En ce qui concerne ma propre expérience, cela a été certainement le cas au Zaïre. J'ai eu sans aucun doute voix au chapitre et cela a été le cas pour tout déploiement depuis 1989, autant que je sache. Par conséquent, indépendamment de ce que l'on peut penser de l'organisation actuelle, les militaires donnent toujours des conseils, le gouvernement a toujours besoin de ces conseils et tous les gouvernements, depuis 1989, écoutent les conseils des militaires.
En fait, en ce qui concerne le nombre d'engagements, etc., nous n'avons pas accepté tous les engagements. Nous en avons refusé plusieurs, lorsque selon nous, ils présentaient trop de risques pour nos militaires...par opposition aux ententes en matière de commandement et de contrôle. Nous n'avons pas toujours dit oui.
M. Frazer: Avec tout le respect que je vous dois, cependant, lorsque nous étions en Bosnie, nous avons parlé à des militaires qui n'étaient pas satisfaits de leurs TTB, lesquels n'étaient pas appropriés. Nous avons parlé à des militaires qui n'étaient pas satisfaits de leur matériel de communication qui était insuffisant - il tombait constamment en panne. Ce qui me frappe, c'est que ces genres d'équipement sont essentiels pour la réussite opérationnelle et la sécurité des militaires, et pourtant...
Vam Murray: Vous avez raison je crois, mais dans le cas de la Yougoslavie, la mission a évolué de façon spectaculaire. D'importantes améliorations ont été apportées au matériel au fur et à mesure de la mission; les militaires ont eu de nouveaux TTB, etc. Jamais un officier supérieur de l'armée - je veux parler ici de personnes qui n'ont pas peur de se faire publiquement entendre à cet égard et qui occupaient des postes clés en matière de prise de décisions en Yougoslavie - n'a recommandé le contraire. Ces officiers se sentaient tout à fait à l'aise et jugeaient l'équipement tout à fait acceptable, comme le reste de l'armée. Très franchement, le matériel était tout à fait acceptable pour les tâches à remplir et au fur et à mesure de l'évolution de la mission, nous avons amélioré l'équipement, etc.
À mon avis, cela va plus loin; il ne s'agit pas de se contenter de demander au matelot moyen, qui à l'heure actuelle se trouve à bord de l'un des meilleurs navires de guerre au monde, s'il n'aimerait pas autre chose. J'imagine qu'il dirait sans doute que oui, car nous sommes des battants et très franchement, lorsque nous avons l'occasion de parler à des gens comme vous, nous en profitons pour dire ce qui, à notre avis, va bien et ce qui, selon nous, devrait être amélioré. J'espère que vous entendrez de tels commentaires, lorsque vous voyagerez dans le pays au sujet de ce...
M. Frazer: Ce qui me préoccupe au sujet du déploiement du personnel, c'est qu'on nous avait dit qu'il y aurait une année de répit entre les déploiements. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé dans de nombreux cas.
Vam Murray: Nous arrivons presque à la fin. En fait...
M. Frazer: Non, je suis d'accord pour maintenant, mais à ce moment-là...
Vam Murray: À ce moment-là, nous n'avions pas cette règle. Elle découle en fait des événements de 1993. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons simplement dû quitter la Somalie. On avait toujours dit que l'on pourrait partir pour une affectation de six mois, mais on n'a pas pu respecter cette durée. Il ne fait aucun doute que compte tenu du nombre de militaires et du nombre de déploiements que nous avons eus en 1993-1994, nous n'aurions pas pu donner une année de répit sur trois, encore moins une année sur cinq, comme nous essayons de le faire maintenant.
Le vice-président (M. Bertrand): Monsieur Richardson.
M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais revenir à une approche plus générale de la question dont nous sommes saisis.
Nous avons parlé de la parité avec la fonction publique et du fait que les augmentations se répercutent sur les forces armées à retardement. Si c'est le cas, nous devrions recommander fortement que les augmentations se produisent en même temps, car nous recherchons la parité. Il ne devrait pas y avoir de décalage entre les augmentations de la fonction publique et celles des Forces canadiennes. Par ailleurs, il faudrait continuer d'examiner la parité avec d'autres forces armées avec lesquelles nous travaillons - probablement les Américains, peut-être les Britanniques et les Allemands. Il faudrait examiner les taux de solde et également les avantages pratiqués dans ces pays.
Cela me paraît un point délicat. De mon point de vue, c'est une punition - oui, vous bénéficiez de la parité, mais elle est retardée. Ce décalage est une punition. Ce mot est sévère, mais c'est le cas. Cela équivaut à un manque de rémunération que vous auriez dû recevoir, si le principe de la parité était appliqué.
L'autre point que j'aimerais soulever est le suivant. Jack a parlé des résultats de l'unification aux niveaux supérieurs. Ce qui m'a frappé en Bosnie, c'est que la section était commandée par un sergent. Il avait sous ses ordres un caporal chef, un caporal et la section ne comptait que quatre carabiniers. Nous avions trop de chefs. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être était-ce pour des raisons de solde et d'indemnités, mais il paraît tout à fait anormal d'avoir autant de chefs dans une section d'infanterie - le sergent comme chef de section, le caporal chef comme commandant adjoint et certains autres ayant le grade de caporal pour le temps passé dans l'armée, j'imagine. À mon avis, cela dévalue la position de chef. Je ne sais pas pourquoi cela s'est produit, mais c'est probablement parce qu'il fallait prévoir certaines indemnités pour ces militaires.
J'aimerais que nous examinions ce problème. Nous avons abordé la question des niveaux supérieurs, mais il semble étrange qu'un sergent qui avait l'habitude de commander un peloton d'infanterie commande maintenant une section de neuf ou dix personnes. C'est une question d'image.
Nous allons nous penchons sur la question. En attendant, nous vous remercions d'être venus et de répondre si ouvertement à certaines des questions posées. Il y en a bien d'autres à examiner. La lettre et l'instruction du ministre laissent entendre que nous avons toute la latitude voulue en ce qui concerne l'amélioration du régime de rémunération et des services offerts au personnel militaire.
Vam Murray: Oui, monsieur.
Ce que vous avez dit au sujet de la structure des grades se rapporte aussi probablement à une observation faite plus tôt au sujet de l'âge des militaires. À cause de la politique de réduction des effectifs depuis 1989, le recrutement a cessé et vous avez absolument raison de dire que le grade de caporal n'est pas un grade de supervision. C'est un grade que l'on atteint au bout de quatre années de service, si bien qu'il est tout à fait courant aujourd'hui d'avoir des sections avec des caporaux ou des matelots de première classe dans le cas de la marine.
Cette situation est en train de changer. En fait, nous recommençons à recruter dans une certaine mesure. Je pense que c'est une bonne chose; en effet, certains problèmes ne vont pas manquer de se poser, puisque le recrutement avait pratiquement cessé. C'était inévitable, puisque l'on voulait réduire les effectifs, mais il y a un prix à payer et c'est ce dont vous vous êtes aperçu. Dès cette année, toutefois, lorsque vous vous rendrez dans les bases, j'espère que vous verrez de nombreux jeunes soldats nouvellement recrutés.
Le vice-président (M. Bertrand): Monsieur Frazer, je crois que vous avez une très courte question à poser.
M. Frazer: Pour ce qui est de la lettre du ministre dont M. Richardson a fait mention, il y est également indiqué que notre rapport devrait être présenté à la fin de 1997. Imaginez ce que cela signifie pour les élections, Amiral.
M. Collins: Certains parmi nous ne seront plus ici.
Une voix: Adieu, Bernie.
M. Frazer: J'aimerais connaître votre avis sur un point qui me préoccupe; au cours de nos visites, je vais m'arrêter dans les centres de ressources pour les familles dont vous avez parlé. Je connais le concept qui, pour moi, est une source de préoccupation. A l'époque où j'étais membre d'un escadron, lorsqu'un nouveau arrivait, on lui désignait un parrain qui entrait en contact avec lui. C'était un contact personnel et l'escadron lui-même était le centre de ressources pour cette personne en particulier. Ce qui me frappe, c'est qu'en mettant sur pied un centre de ressources pour les familles, vous diminuez en quelque sorte ce contact et ce soutien personnels. Vous donnez l'impression que vous n'avez plus à le faire, car d'autres s'en occupent.
Qu'en pensez-vous? Ai-je raison de m'inquiéter?
Vam Murray: Je pense que vous avez raison de vous inquiéter et certainement... En fait, je m'occupais du personnel à Halifax, lorsque nous avons ouvert le premier de ces centres et c'était l'une de nos principales préoccupations. En d'autres termes, est-ce que de tels centres allaient à l'encontre de ce que nous appelons, dans la marine, le système divisionnaire? Nous avons pensé que si nous faisions attention et nous assurions que les gens comprennent que la chaîne de commandement ou le système divisionnaire est toujours prioritaire, ce centre de ressources permettrait en fait de coordonner ou de combiner les ressources nécessaires pour s'occuper des questions liées aux familles, pour transmettre l'information et rassembler toutes les questions possibles. Il fallait faire en sorte que cela n'aille pas à l'encontre du système divisionnaire dans le cas de la marine ou, j'imagine, du système régimentaire, dans le cas de l'armée.
Je pense que c'est ce qui se passe, mais il ne fait aucun doute qu'il faut surveiller la situation de près. En effet, certains pourraient dire, je n'en suis pas responsable, puisque nous avons ce centre de ressources pour les familles. Je ne pense pas que cela se soit produit; je ne sais pas si les personnes qui m'accompagnent ont leur mot à dire à ce sujet. Il faudrait poser la question au chef.
M. Frazer: Je suis allé à Comox - je ne sais pas si le chef y a été affecté - ce qui m'a frappé, c'est que les unités ont pratiquement supprimé cette obligation. C'est comme si elles disaient, laissons-les s'occuper de ces problèmes.
Vam Murray: D'après mon expérience, je crois que nous sommes arrivés à un bon équilibre dans la plupart des endroits. Il ne fait aucun doute que ces centres de ressources pour les familles ont valu leur pesant d'or dans la période trépidante des années 90, mais je ne suis pas en désaccord avec vous, ils pourraient poser un problème.
Je ne sais pas si vous voulez faire des observations à ce sujet, chef.
Adjuc Parent: Je pense effectivement qu'avec la vie trépidante et la charge de travail d'aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous permettre de nous occuper de beaucoup de choses comme par le passé, comme par exemple, créer des liens plus étroits entre les membres d'une organisation pour qu'ils puissent s'appuyer mutuellement et soutenir leurs familles, etc. Dans nombreux cas, les militaires se présentent à leur unité et sont déployés en l'espace d'une semaine environ. Je ne crois pas qu'il soit bon de donner cette responsabilité d'adaptation et de soutien familial aux militaires en activité de service qui ont déjà trop à faire. Par conséquent, étant donné que les problèmes se posent à la famille plutôt qu'aux militaires, le fait d'avoir un centre qui soit en mesure de régler les problèmes des conjoints et des enfants et de faciliter leur adaptation à un nouvel endroit...en fait, les familles et les enfants sont mieux desservis par ces centres de ressources pour les familles.
M. Frazer: Je ne suis certainement pas contre le fait d'avoir un service d'appoint. Je propose toutefois que ce soit l'un des points à examiner. Pouvons-nous vraiment nous permettre de ne plus avoir recours à cette façon de procéder? Est-ce l'un des problèmes que nous examinons? Est-ce un problème qui touche les gens? Est-ce un problème du fait que ce soutien personnel n'existe plus? Il ne faut pas oublier que nous parlons ici de militaires qui ne sont pas comme le commun des mortels, puisque leurs besoins sont différents. Je me demande simplement si ce n'est pas un point que nous devrions examiner de près.
Vam Murray: Il serait utile de le faire. De mon point de vue, je pense que nous avons un bon équilibre dans la plupart des endroits, certainement dans les centres de ressources. Nous avons essayé d'améliorer nos séances d'information pré-déploiement et post-déploiement pour les familles ainsi que pour les militaires. Elles valent leur pesant d'or.
Je ne suis toutefois pas en désaccord avec vous. Ce n'est pas une béquille sur laquelle la chaîne de commandement peut s'appuyer pour simplement se dégager de la responsabilité qui est la sienne et qui consiste à s'occuper de son personnel. Il faut parvenir à un équilibre, et à un bon équilibre. Sinon, il faudra peut-être examiner la question.
M. Frazer: Merci.
Le vice-président (M. Bertrand): M. O'Reilly a une question rapide à poser.
M. O'Reilly: J'aimerais quelques éclaircissements. Nous avons parlé plus tôt de l'âge des militaires dans d'autres armées. Le jeune âge des militaires d'autres pays ne s'explique-t-il pas du fait que le service militaire est obligatoire pour les jeunes gens?
Vam Murray: Je pense qu'il en a été effectivement fait mention. Je crois que la France vient juste de supprimer le service obligatoire. J'en parlais pas plus tard qu'hier soir. Bien évidemment, les pays où le service militaire est obligatoire ont des militaires plus jeunes; je pense que nous pourrions vous fournir ces données. Nos militaires vieillissent, mais cela s'explique en partie par le fait que les personnes que nous avons recrutées ces dernières années sont plus âgées.
Je ne suis pas convaincu que ce soit une mauvaise chose dans tous les cas. Dans l'infanterie ou autres spécialités du genre, les gens ne restent pas très longtemps. Par contre, lorsque nous dépensons beaucoup d'argent pour former un technicien qui est en parfaite forme physique, et qu'il part à l'âge de 38 ans pour la simple raison que nous avons fixé l'âge de départ à 40 ans, et qu'il n'a pas atteint un grade magique, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un investissement sensé. Je ne crois pas qu'il existe d'entreprise dans notre pays qui agisse de la sorte. C'est l'un des changements que nous venons d'apporter dans nos conditions de service. Il est important d'arriver à un bon équilibre en matière de tranches d'âge dans les forces armées et il ne fait aucun doute que les forces armées de métier tendent à être plus âgées que celles composées de militaires qui sont obligés de faire leur service.
Je ne sais pas comment nous nous comparons avec d'autres pays comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne dont les armées sont des armées de métier. Ce serait une comparaison intéressante à faire. Tant que nos normes d'aptitudes physiques sont bonnes, je ne crois pas que cela pose de problèmes. Toutefois, cela a été l'un de nos défis ces dernières années.
M. O'Reilly: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Bertrand): Amiral Murray, nous vous remercions, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, d'être venus ce matin. Le comité est très heureux de voir qu'il peut compter sur votre appui personnel. Merci beaucoup.
Vam Murray: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le vice-président (M. Bertrand): La séance est levée.