[Enregistrement électronique]
Le lundi 6 mai 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Le comité des finances étudie aujourd'hui le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget.
Nos premiers témoins représentent l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Il s'agit du président national, Daryl Bean, de la vice-présidente exécutive, Nycole Turmel, et de l'adjoint exécutif au comité exécutif de l'Alliance, Stephen Jelly. Je m'excuse, mais j'ai oublié quelqu'un.
M. Daryl T. Bean (président national, Alliance de la Fonction publique du Canada): C'est la vice-présidente exécutive régionale pour le Québec, Joane Hurens.
[Français]
Le président: Avant de débuter, écoutons monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je voudrais déposer un avis de motion. J'aimerais qu'on débatte de cette motion demain, à la fin des travaux du Comité des finances.
Le président: Vous l'avez remis au comité directeur?
M. Loubier: Non. Je n'ai pas à le faire. Je peux déposer un avis de motion au Comité des finances, comme je le fais à l'heure actuelle, et vous demander qu'on débatte de cette motion demain, après l'audition des prochains témoins concernant le projet de loi C-31.
C'est une motion qui vous présente une liste de 16 témoins réguliers et de quatre témoins spéciaux. L'avis de motion que je dépose vise justement ces témoins spéciaux.
Je propose que le Comité des finances invite le ministre des Finances et le premier ministre à comparaître chacun à une séance télévisée de deux heures au comité, ainsi que les députés de Broadview - Greenwood et de York-Sud - Weston à une séance télévisée d'une heure chacun pour expliquer, d'une part, aux membres du comité la convention d'harmonisation de la TPS entre les provinces Maritimes et le gouvernement fédéral et, d'autre part, leur vision avant et après que cette entente soit intervenue en regard des engagements du Parti libéral du Canada.
Si je dépose cette motion, monsieur le président, c'est qu'à l'heure actuelle, il existe une grande confusion.
D'une part, la vice-première ministre a démissionné en disant que son gouvernement n'avait pas respecté les engagements du Parti libéral, de l'actuel premier ministre, de l'actuel gouvernement. D'autre part, le ministre des Finances s'excuse de ne pas avoir pu éliminer la TPS comme l'avait promis son gouvernement, comme l'avait promis son premier ministre.
Pour sa part, le premier ministre déclare qu'il n'a pas à s'excuser parce qu'il a livré la marchandise, et lorsqu'il reconnaît ne pas l'avoir fait, il dit que c'est dû à un act of God, à un «acte de Dieu».
Je pense donc qu'il faut apporter des éclaircissements sur cette question et je dépose cette motion pour qu'on en débatte demain jusqu'à épuisement. J'espère qu'un vote en faveur de cette motion nous permettra d'obtenir les éclaircissements voulus.
Je suis prêt à vous faire les concessions suivantes en ce qui concerne l'examen du projet de loi C-31. Nous allons nous limiter à 16 témoins réguliers à la condition que nos quatre témoins spéciaux, c'est-à-dire le premier ministre, le ministre des Finances, Dennis Mills, le député de Broadview - Greenwood et John Nunziata, le député de York-Sud - Weston soient présents aux audiences du comité.
Je dépose cet avis auprès de la greffière. Demain, je me ferai un plaisir de préciser davantage notre pensée sur le sujet.
Le président: Y a-t-il des discussions?
M. Loubier: C'est seulement un avis de motion que je vous présente. La motion n'est pas déposée. Ce sera débattu demain.
Le président: C'est un avis de motion.
La greffière du Comité: Oui, ça se fait dans certains comités.
M. Loubier: Nous nous sommes renseignés, et c'est la procédure à suivre.
Le président: Merci. Est-ce tout?
Monsieur Bean, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Bean: Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant votre comité.
Le gouvernement a profité de toutes les occasions depuis le dépôt de l'exposé budgétaire le6 mars 1996 pour se féliciter de l'annonce selon laquelle la Loi sur la rémunération du secteur public cessera de s'appliquer comme prévu quand les conventions collectives prolongées par une mesure législative arriveront à expiration d'ici environ un an.
Je dois dire dès le départ que l'AFPC ne partage pas l'euphorie du gouvernement. Même si nous sommes heureux que le gouvernement mette fin à son programme de contrôle des salaires, nous ne pensons pas qu'il existe une façon charitable de décrire la Loi sur la rémunération du secteur public. Comme mesure législative ordonnant le retour au travail, elle a été plus répugnante que la plupart des autres que nous avons connues et, comme mesure de contrôle des salaires, elle se démarque par le fait qu'elle s'est appliquée pendant la plus longue période jamais enregistrée dans les annales canadiennes et, enfin, comme instrument d'intervention législative dans les conventions collectives, elle est sans précédent.
Cela étant dit, je voudrais signaler dès le départ que deux aspects du projet de loi à l'étude, en l'occurrence le retour à la négociation collective et la réforme des pensions, sont à l'avantage des travailleurs du secteur public fédéral et accueillis favorablement par l'AFPC. Même là, cependant, nous ne sommes pas aussi heureux que nous aurions pu l'être du retour aux conventions collectives parce que le gouvernement s'efforce de garantir que ce retour aux conventions collectives ne se fasse pas librement.
Qui plus est, même si les réformes annoncées des pensions auraient dû être apportées il y a longtemps, le moment choisi pour s'en occuper laisse beaucoup à désirer. Cela veut dire que des milliers de travailleurs du service public fédéral qui perdront leur emploi dans le cadre de la réduction des effectifs du gouvernement de 45 000 employés seront pénalisés sans raison. Nous donnons une analyse plus détaillée de cette question dans notre mémoire et nous formulons des recommandations à ce sujet. La recommandation 9 à la page 26 de la version française demande qu'on modifie la date d'entrée en vigueur de cette mesure.
Pour ce qui est du retour aux conventions collectives, les propositions du gouvernement laissent à désirer sous au moins trois aspects fondamentaux. D'abord, le gouvernement n'a rien fait pour supprimer les restrictions prévues dans la Loi sur la rémunération du secteur public à l'égard des négociations pour la sécurité d'emploi et les dispositions d'adaptation de la main-d'oeuvre. Deuxièmement, dans le cadre du projet de loi C-31, le gouvernement s'efforce d'éliminer d'importantes dispositions d'adaptation de la main-d'oeuvre pour les milliers de travailleurs du secteur public fédéral qui seront mutés à d'autres échelons gouvernementaux, organismes et entreprises du secteur privé. Troisièmement, pour bien des travailleurs, le retour à la négociation collective perdra de son intérêt parce que le gouvernement compte retirer l'arbitrage des méthodes de règlement des conflits dont peuvent se prévaloir les groupes de négociation.
Je voudrais profiter de cette courte déclaration pour parler brièvement de la question de l'arbitrage et vous dire ce que l'AFPC pense des dispositions complexes relatives au nouveau mode de prestation des services.
Selon nous, la proposition du gouvernement en vue de supprimer la possibilité d'avoir recours à l'arbitrage pour les trois prochaines années présente de sérieuses lacunes. Quand il a rédigé son amendement à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, le gouvernement savait certainement qu'il avait déjà désigné un nombre suffisant d'unités de négociation pour éliminer à toutes fins utiles la possibilité de conciliation-grève pour les membres de ces groupes de négociation. Selon tout critère raisonnable, le gouvernement ne devrait pas pouvoir jouer sur les deux tableaux.
À notre avis, le gouvernement devrait donc limiter ou suspendre l'arbitrage uniquement s'il est disposé à limiter ou suspendre en même temps le processus de désignation. Aucune autre solution ne serait juste ou équitable pour les membres d'un groupe de négociation dont une bonne proportion seront probablement désignés.
La seule exemption à la suspension du droit de recourir à l'arbitrage prévue dans le projet de loi C-31 s'appliquera aux travailleurs dont le droit de se syndiquer a été établi aux termes de la Loi sur le service du renseignement de sécurité du Canada et la Loi sur les relations de travail au Parlement. Si le gouvernement compte suspendre le droit de recourir à l'arbitrage, ces deux exemptions sont tout à fait logiques parce que la loi actuelle précise explicitement que ni l'un ni l'autre groupe n'ont le droit de grève.
Cependant, le gouvernement a décidé de légiférer pour restreindre la possibilité pour les arbitres d'en arriver à une décision équitable. Il l'a fait en affirmant que le conseil d'arbitrage doit s'en tenir aux augmentations salariales et autres prévues pour des groupes de négociation comparables dans le secteur public fédéral. L'AFPC considère que cette façon de limiter le rôle des arbitres pour les groupes qui ont perdu le droit de grève empiète clairement sur la liberté d'association et le droit à la négociation collective. C'est une mesure particulièrement insidieuse vu qu'elle arrive à la fin d'une longue période de suspension légiférée des négociations collectives.
Nous avons donc proposé deux amendements relatifs à la question de l'arbitrage et ils figurent aux recommandations 6 et 7, aux pages 21 et 22 de la version française.
Avant de passer aux propositions contenues dans le projet de loi C-31, je voudrais dire un mot au sujet de la motivation et des intentions du gouvernement à l'égard de la diversification des modes de prestation des services. Les membres du comité doivent comprendre que le projet de loi C-31 vise de façon explicite à permettre au gouvernement de licencier des travailleurs du secteur public fédéral s'il décide de transférer leurs fonctions à d'autres organismes gouvernementaux ou au secteur privé. Ce que le gouvernement a oublié de dire, c'est qui sera touché par la diversification des modes de prestation des services.
D'une part, le gouvernement a annoncé à l'AFPC et à d'autres syndicats fédéraux qu'il songe à transférer au moins 60 fonctions gouvernementales, mais le budget n'en précise que trois. Le gouvernement a dit jusqu'ici au Parlement et au public qu'il songeait à trois organismes, soit l'inspection des aliments, la perception des recettes et les parcs, pour un transfert plus ou moins immédiat, alors qu'il s'occupe activement de transférer une multitude d'autres organismes qu'il n'a pas encore nommés.
Même lorsqu'il annonce un organisme ou une fonction qui serait transféré, les détails qu'il fournit sont insuffisants. Ils sont insuffisants pour les travailleurs qui pourraient être touchés, insuffisants pour avoir un débat convenable au Parlement et insuffisants pour le grand public.
Il est aussi révélateur de constater que, même si le projet de loi C-31 autorise le gouvernement à transférer des travailleurs sans respecter les procédures et processus prévus dans les conventions collectives et la directive sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, il ne dit rien à propos du type d'arrangement de transfert envisagé par le gouvernement. En fait, le projet de loi autorise le gouvernement à transférer des travailleurs selon n'importe quelle modalité qu'il peut choisir.
Au départ, selon nous, le gouvernement s'en tiendra aux trois types de transferts dont il avait parlé au cours des réunions qu'il a eues avec l'AFPC avant le dépôt de l'exposé budgétaire le 6 mars dernier.
Les transferts du type un maintiennent les supposés avantages de base et conventions collectives. Les transferts du type deux sont les mêmes que ceux du type un sauf que les salaires moyens peuvent être inférieurs de 15 p. 100 aux salaires avant le transfert. Les transferts de type un et deux seront considérés comme étant des offres d'emploi raisonnables, ce qui forcera essentiellement les travailleurs à accepter le nouvel emploi, sinon ils perdront leurs droits et leurs avantages aux termes de la directive sur le réaménagement des effectifs.
Le troisième type de transfert, c'est-à-dire les employeurs de type trois, ne sera pas considéré comme une offre raisonnable d'emploi, mais les travailleurs dont les activités seront transférées recevront moins de 85 p. 100 de leur salaire actuel et des avantages sociaux sérieusement amoindris.
Tout cela sera instauré grâce à une série d'amendements à la Loi sur la gestion des finances publiques, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et au Code canadien du travail. Ces amendements sont contenus dans la partie I du projet de loi C-31. À mon avis, il importe que les membres du comité comprennent que ces diverses options sont permanentes, reliées entre elles et conçues pour faciliter un éventail non précisé de mesures de diversification des modes de prestation des services et de transfert des activités.
Dans notre mémoire, nous regroupons les amendements sous quatre rubriques, en l'occurrence l'autorisation de licencier, la directive sur le réaménagement des effectifs, l'indemnité de départ et les droits du successeur. Même si je ne peux vraiment pas rendre justice à tous les aspects de ces questions dans le peu de temps dont je dispose cet après-midi, je voudrais décrire brièvement la position de l'AFPC sur chacune d'elles.
Le gouvernement se donne l'autorisation de licencier les travailleurs dont les activités sont transférées en vertu de l'article 5(2) du projet de loi C-31. Selon nous, cette disposition est inutilement vague relativement aux modalités selon lesquelles le gouvernement peut licencier les travailleurs dont l'activité est transférée. Nous recommandons donc un amendement qui limiterait le pouvoir de licencier aux situations où les modalités de l'emploi reflètent celles qui ont cours dans le secteur public fédéral. Cela figure à la page 11 de la version française.
Le projet de loi C-31 contient aussi tout un éventail de changements à la directive sur le réaménagement des effectifs qui s'appliqueront aux travailleurs qui seront licenciés par suite du transfert d'une activité dans le cadre du programme de diversification des modes d'exécution. Le premier changement que je note à cet égard, c'est que la directive sur le réaménagement des effectifs sera définie comme étant soit un accord conclu par les parties ou légiféré conformément au projet de loi C-31 ou à toute autre loi. Ce changement changera fondamentalement la nature de la directive sur le réaménagement des effectifs et donnera au Conseil du Trésor un pouvoir presque absolu d'apporter d'autres changements à l'avenir. Bref, la directive sur la réaménagement des effectifs peut être modifiée par entente entre le gouvernement et le syndicat représentant ses travailleurs ou par décret du gouvernement.
Le paragraphe 5(4) du projet de loi C-31 vise à modifier l'article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques pour permettre au Conseil du Trésor de changer arbitrairement la directive sur le réaménagement des effectifs si le gouvernement ne peut pas en venir à une entente avec un ou plus d'un agent de négociation. Cette disposition donne suite à la menace du gouvernement de pénaliser L'AFPC pour ne pas avoir accepté le programme de diversification des modes d'exécution. Dans notre mémoire, nous qualifions cette disposition de «vindicative» et nous incitons votre comité à faire ce qu'il doit et à modifier cet article pour garantir que le gouvernement ne pourra pas modifier la directive de réaménagement des effectifs d'une façon qui pénaliserait les travailleurs fédéraux qui n'acceptent pas volontairement les propositions du gouvernement. J'attire votre attention sur les recommandations 2 et 3 à la page 13 de la version française.
La deuxième observation que je voudrais faire au sujet de la disposition du projet de loi C-31 qui touche la directive sur le réaménagement des effectifs a trait à la tentative du gouvernement en vue de garantir que la directive et les autres dispositions du CNM cesseront de s'appliquer lorsqu'un employé est licencié à cause d'un transfert d'activités. En légiférant cette disposition, le gouvernement se sert de son pouvoir pour supprimer bon nombre d'avantages prévus dans le cadre des conventions collectives actuelles. Il est bien évident que cette disposition est préjudiciable aux travailleurs fédéraux, mais qui plus est, les dispositions sur les droits du successeur contenues dans le projet de loi empêcheront de renégocier les dispositions de la directive sur le réaménagement des effectifs et les ententes du CNM dans les délais prévus. Nous recommandons donc que le projet de loi soit modifié pour garantir que la directive sur le réaménagement des effectifs et les accords conclus par le CNM continuent de s'appliquer jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective soit négociée avec le nouvel employeur. Il s'agit de la recommandation 4 à la page 14.
Je voudrais soulever encore une question importante. L'article 4 du projet de loi C-31 donne au Conseil du Trésor l'autorisation de formuler des règlements concernant les indemnités de départ et les autres montants à payer aux anciens employés licenciés. Même si la disposition du projet de loi est assez vague, l'AFPC a été informée que le gouvernement compte s'en servir pour violer les dispositions des conventions collectives en vigueur et reporter le paiement des indemnités de départ. Cette proposition soulève toutes sortes de questions quant aux obligations du gouvernement et au traitement équitable d'employés licenciés. Nous examinons ces questions de façon détaillée dans notre mémoire et nous recommandons que cette disposition soit supprimée. Il s'agit de la recommandation 5 à la page 17.
Pour terminer, j'exhorte les membres du comité à examiner attentivement les propositions législatives du gouvernement et à se demander quels sont au juste les motifs et les intentions du gouvernement. À mon avis, les dix recommandations de l'AFPC en vue de modifier la partie I du projet de loi C-31 permettraient d'améliorer la mesure en la rendant plus équitable pour les travailleurs fédéraux, tout en facilitant le transfert d'activités fédérales à d'autres organismes gouvernementaux et au secteur privé.
Merci, monsieur le président. Nous sommes tout à fait prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Bean.
[Français]
Monsieur Loubier voulez-vous commencer?
M. Loubier: Je commencerai par une question toute simple et je réserverai mon temps de parole pour plus tard, monsieur le président.
Êtes-vous en train de nous dire, monsieur Bean, que depuis le premier Budget de 1994, dans lequel on parlait déjà de rationaliser les services et la Fonction publique, le gouvernement fédéral a purement improvisé la revue de l'ensemble des services gouvernementaux et ses décisions concernant les mises à pied, la privatisation et les appels à la sous-traitance?
Bref, le gouvernement n'aurait pas eu de plan bien articulé, ni surtout de plan visant le redéploiement des effectifs de la Fonction publique, et il ne se serait pas assuré qu'il faisait de réelles économies en ayant recours à la sous-traitance, et cela se poursuivrait en 1996. C'est un peu ce que j'ai compris de votre exposé. Est-ce, ni plus ni moins, le message que vous nous transmettez?
[Traduction]
M. Bean: Oui, c'est vrai que nous considérons que le gouvernement improvise depuis le début. La meilleure preuve, c'est que nous voyons maintenant le troisième jeu de mesures législatives visant à supprimer certaines dispositions des conventions collectives, alors que la sous-traitance n'a fait que croître, comme elle le faisait à l'époque du gouvernement antérieur.
Si l'on remonte à 1984, on constate que la sous-traitance coûtait environ 2,5 milliards de dollars par année. D'après les chiffres que nous avons pu trouver, et ce ne sont certainement pas les plus récents, le montant dépasse 7 milliards de dollars par année maintenant et se rapproche de8 milliards. La réduction des effectifs n'a donc pas vraiment entraîné d'économies sur le plan des dépenses. La meilleure preuve, selon moi, c'est que c'est la troisième fois que le gouvernement présente des projets de loi pour modifier des conventions collectives. La seule conclusion à tirer de cela, c'est que le gouvernement improvise et change d'idée au fur et à mesure.
[Français]
M. Loubier: Alors, lorsque le gouvernement dit qu'il a un plan bien précis et qu'il discute avec les représentants syndicaux de la meilleure façon d'effectuer cette rationalisation, ce redéploiement des effectifs, ou la mise à pied ou la mise à la retraite des effectifs, il nous raconte n'importe quoi.
[Traduction]
M. Bean: Nous avons rencontré à maintes reprises les représentants du Conseil du Trésor pour discuter du programme de diversification des modes d'exécution et nous avons toujours dit que nous étions prêts à négocier une entente à ce sujet, comme nous l'avions fait pour les activités de navigation aérienne, qui ont été commercialisées ou transférées au secteur privé.
Pour ce qui est des autres activités, tout ce que nous avons pu obtenir comme renseignements du Conseil du Trésor, c'est qu'il y avait une soixantaine d'autres activités, peut-être même jusqu'à 80, qui seront visées par le programme de diversification des modes d'exécution et qu'elles feront partie du type un, du type deux ou du type trois. Dans certains cas, nous ne savons même pas si elles feront partie de l'une des trois catégories.
Nous n'avons jamais obtenu qu'on nous dise quelles sont ces activités. Nous avons eu des précisions pour la première fois uniquement lorsque l'exposé budgétaire a été déposé et qu'on y a mentionné tel organisme de perception des recettes ou commission. Nous n'avons aucun détail là-dessus. Nous savons maintenant que l'on compte créer un organisme d'inspection des aliments, mais nous n'avons pas de détails là-dessus non plus.
Nous savons que le gouvernement songe à créer un organisme pour Parcs Canada, mais il semblerait que la plus grande partie de cet organisme ne sera pas vraiment un organisme, mais que l'on s'efforcera de convaincre les employés d'assumer la responsabilité de la prestation des services dans divers parcs. Je ne sais pas comment on peut parler d'un organisme quand tout est fait par sous-traitance. Cela semble être l'intention du gouvernement.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux que nous ayons avec nous M. Bean et les autres membres de l'Alliance de la Fonction publique. Votre mémoire est assez complexe pour quelqu'un qui ne s'y connaît pas très bien en négociation collective. Je voudrais profiter de vos connaissances pour discuter des problèmes qui se posent à moi à titre de député.
Chaque fois que passe l'émission W5, on montre un soudeur, je pense, et un immeuble plein de gens qui reçoivent quelque chose comme 30 000 $ par année pour se rendre au bureau tous les jours depuis quelques années, lire des romans et rester oisifs. Mes électeurs me téléphonent et m'écrivent pour me dire: «Herb, faites quelque chose; cela ne peut pas durer». D'après eux, quelque chose ne va pas dans le système. Vous pourriez peut-être me dire ce que je devrais répondre à mes électeurs dans de tels cas.
M. Bean: La première chose à leur dire serait de prendre tout ce qu'ils apprennent des médias avec un grain de sel. Voilà ce que je leur dirais pour commencer.
Le président: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous après les deux dernières semaines, monsieur Bean.
M. Bean: Tant mieux.
M. Grubel: Même les Réformistes.
Des voix: Oh, oh!
M. Bean: L'émission portait sur le cas d'un soudeur qui travaillait au Centre d'essais techniques, à Orléans. En février, le gouvernement a décidé du jour au lendemain de fermer le centre. On n'a pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il faut du temps pour trouver de l'emploi à tous ces gens.
M. Grubel: Combien de temps?
M. Bean: Probablement de trois à six mois au maximum d'après la directive sur le réaménagement des effectifs et c'est exactement ce qui s'est produit dans ce cas-là.
Soit dit en passant, cela vous intéressera peut-être de savoir que, après la fermeture du Centre d'essais techniques, le gouvernement a octroyé un contrat pour faire le même travail à une compagnie en Californie, ce qui n'aide pas beaucoup à la situation de l'emploi au Canada.
M. Grubel: C'est une autre question, mais pourriez-vous me donner une idée...
M. Bean: J'ai parlé de l'économie parce que vous vouliez vous-même en parler.
M. Grubel: Avez-vous une idée ou des chiffres qui indiquent combien de temps on garde ainsi les gens en entrepôt en moyenne avec qu'ils se trouvent un autre emploi?
M. Bean: Cela varie entre un mois et six mois. Quand la directive sur le réaménagement des effectifs fonctionnait convenablement, on trouvait des emplois pour ces gens. Il y avait bien sûr des exceptions, et l'on pourrait certainement en retrouver, où certains employés attendaient un an avant de trouver du travail, mais c'était l'exception. Cela prenait d'habitude de un à six mois.
M. Grubel: Vous avez fait certaines réserves.
M. Bean: Oui.
M. Grubel: Vous avez dit «quand le système fonctionnait convenablement». Cela fait combien de temps qu'il ne fonctionne plus convenablement?
M. Bean: Il a cessé de bien fonctionner quand le gouvernement a commencé à légiférer des changements à la directive. Cela fonctionne encore, mais pas aussi bien qu'auparavant.
M. Grubel: Je répète ma question. Depuis que cela ne fonctionne pas convenablement, combien de temps cela prend-il en moyenne avant qu'on trouve des emplois pour les travailleurs placés en entrepôt?
M. Bean: Je ne dirais pas que ces employés sont «placés en entrepôt». Le temps que cela prend n'a pas tellement changé, sauf que maintenant on licencie des gens au lieu de leur trouver un autre emploi. La période est encore la même et cela peut aller de un mois à six mois, mais les employés se font simplement licencier au lieu qu'on leur trouve un autre emploi.
M. Grubel: Monsieur Bean, vous me rendriez bien service et je suis certain que cela aiderait aussi les autres membres du Comité des finances si vous demandiez à quelqu'un à votre bureau de trouver des chiffres plus précis que simplement de un mois à six mois. Combien de temps cela prend-il en moyenne? Combien de ces employés trouvent un emploi dans le même service ou au gouvernement et combien doivent quitter la fonction publique? Je voudrais bien le savoir. Je pourrais montrer cela à mes collègues et leur dire: «Vous voyez? C'est un autre cas où les médias ne nous disent pas toute la vérité».
M. Bean: La Commission de la fonction publique a les chiffres. Nous pourrions certainement les donner au comité, mais vous pouvez facilement les obtenir en vous adressant à la Commission de la fonction publique.
M. Grubel: Je vous en serais reconnaissant.
Le président: C'est une excellente suggestion, monsieur Grubel.
M. Grubel: Merci.
Le président: Je sais que nous n'avons pas encore pris une demi-heure, mais comme nous accueillons aujourd'hui trois syndicats de la fonction publique, si nos témoins sont prêts à rester, nous pourrions peut-être revenir à chaque groupe quand nous aurons entendu le point de vue de chacun. Nous aurons d'autres questions à leur poser.
M. Bean: Le problème, c'est que j'ai d'autres engagements.
Le président: Pour vous occuper du réaménagement des effectifs?
M. Bean: Pour m'occuper des affaires du syndicat, en effet.
Le président: D'accord.
M. Bean: J'ai dû changer mon programme pour venir aujourd'hui. Nous aurions bien aimé avoir un peu plus de temps.
Le président: Nous vous sommes reconnaissants d'être venus.
Y a-t-il d'autres questions rapides pour M. Bean.
Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je m'excuse de mon retard.
La fin de semaine dernière, il y a à peine quelques jours, des travailleurs de Parcs Canada sont venus me voir pour me dire qu'une réduction de 50 000 $ dans les salaires des travailleurs des parcs signifiait la perte de cinq emplois, ce qui veut dire que cinq familles sont sans travail, alors qu'une coupure de 50 000 $ voudrait dire une seule personne au niveau intermédiaire ou supérieur. Je voudrais connaître votre avis. Nous devrions peut-être réduire les effectifs dans d'autres secteurs ou échelons salariaux au lieu de supprimer des emplois pour les travailleurs des parcs.
M. Bean: J'ignore d'où viennent ces chiffres. J'espère que nous n'avons personne qui gagne seulement 10 000 $ par année.
Mme Brushett: Il y en a, monsieur Bean, parce que ce sont des travailleurs saisonniers. Ils travaillent six mois par année et ils s'occupent de l'entretien, par exemple.
M. Bean: Des travailleurs saisonniers. Même là, c'est très peu, mais c'est effectivement le cas des travailleurs saisonniers de Parcs Canada. Cela dépend du nombre de mois qu'ils travaillent.
C'est dans de tels cas que le gouvernement voudrait que ces activités soient transférées à d'anciens employés. Ce ne sera pas avantageux pour ces travailleurs parce que le salaire ne sera pas aussi élevé que le salaire qu'ils gagnent maintenant et, deuxièmement, parce que ces travailleurs perdront beaucoup sur le plan des avantages sociaux comme le régime de pension, le régime de soins dentaires, le régime d'assurance-santé et l'assurance-invalidité.
Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question de savoir où le gouvernement devrait réduire ses effectifs parce que je juge qu'il a déjà trop réduit les effectifs de la fonction publique et je ne pense pas non plus que ce serait juste de ma part de dire qu'il faut éliminer des postes de gestionnaires parce qu'ils ne font pas partie de notre syndicat.
Mme Brushett: Revenons en arrière un instant. Je n'ai pas proposé qu'on élimine des postes de gestionnaires. Ce que je veux savoir, c'est où on peut éliminer des postes si ce n'est pas là. C'est une question que nous posons au public. Comme vous êtes aussi contribuable, c'est pour cela que je pose la question.
M. Bean: Je songerais pour ma part à réduire le volume de la sous-traitance. Soit dit en passant, nous avons déjà témoigné devant votre comité pour dire que l'on pourrait réduire sensiblement le nombre de contrats octroyés et réaliser en même temps d'importantes économies.
Comme nous l'avons déjà dit à votre comité, on pourrait aussi percevoir certains des montants impayés de la TPS, et je sais que ce mot est tabou pour certains d'entre vous, et de l'impôt sur le revenu, surtout que nos membres à Revenu Canada nous disent que, dans la plupart des cas, ceux qui doivent de l'argent ne font que récidiver. Au lieu de réduire les effectifs, nous devrions peut-être percevoir l'argent qu'on doit au gouvernement, surtout quand il s'agit de la TPS qu'on a perçue des Canadiens et omis de remettre au gouvernement.
Le président: À combien se monte ce chiffre?
M. Bean: La dernière fois que j'en ai entendu parler, c'était environ 4 milliards de dollars.
M. Grubel: Quoi! D'où tirez-vous ce chiffre?
M. Bean: C'est ce qu'on a dit à votre Comité des finances et c'est aussi ce qu'ont dit les employés de Revenu Canada.
M. Loubier: C'est exact.
M. Bean: Aux dernières nouvelles, le chiffre était d'environ 4 milliards de dollars. Du moins, si ma mémoire est bonne.
M. Loubier: Oui, c'est 4,4 milliards par année.
M. Grubel: Par année?
M. Bean: Oui.
M. Loubier: Non, c'est cumulatif.
M. Grubel: C'est le montant cumulatif des taxes impayées?
Le président: C'est le total de la taxe impayée.
Je demande l'indulgence des membres du comité. La demi-heure prévue pour le premier groupe est terminée. Voulez-vous poser quelques questions très rapidement ou allons-nous passer aux autres groupes?
M. Williams (St-Albert): Monsieur le président, je voudrais poser une courte question pressante à M. Bean. J'ai noté qu'il s'opposait au report de l'indemnité de départ pour les travailleurs qui sont licenciés ou qui sont transférés à d'autres organismes comme NAV CAN.
Si nous prenons comme exemple NAV CAN, les techniciens et employés hautement spécialisés qui y travaillent vont, dans une large mesure, poursuivre leur carrière. Ils ont quitté leur emploi au gouvernement le vendredi et ont commencé à travailler pour le compte de NAV CAN le lundi et, selon toute vraisemblance, ils vont y rester jusqu'à leur retraite. Pourquoi M. Bean s'opposerait-il au report de l'indemnité de départ dans un cas où le contribuable doit fournir à peu près 200 millions de dollars aux gens de NAV CAN, pour leur offrir essentiellement ce qui est un cadeau d'adieu, soit de l'argent en poche, puisqu'ils n'ont même pas perdu leur emploi.
M. Bean: L'indemnité de départ n'est pas un cadeau d'adieu. Elle fait partie des avantages sociaux négociés. D'ailleurs, si elle n'est pas versée maintenant, elle le sera plus tard à un taux encore plus élevé, puisqu'elle augmente à mesure que le salaire augmente ou que l'employé obtient une promotion.
M. Williams: Mais, s'ils sont là jusqu'à la retraite, s'ils ne sont jamais mis à pied, pourquoi payer?
M. Bean: Parce que les conventions collectives que nous avons négociées donnent droit à l'indemnité de départ, que ce soit en raison de la mise à pied, de la démission ou de la retraite. Cela fait partie des conventions collectives négociées et il n'y a là rien d'exceptionnel. Il s'agit d'une disposition assez courante dans les conventions collectives.
M. Williams: J'ai l'impression que les contribuables se font vraiment avoir, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Williams.
Monsieur Bean, merci beaucoup. Est-ce que vous et vos collaborateurs pouvez rester pour répondre à des questions éventuelles?
M. Bean: Je ne le sais pas. Nous allons vérifier.
Le président: De toute manière, nous apprenons toujours quelque chose de vous et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir l'occasion de vous entendre.
Nous sommes bien conscients du fait que les gens du secteur public, qui nous ont très bien servis, traversent une période difficile et nous espérons trouver des moyens de faciliter cette dure transition qui est imposée à bien des gens.
M. Bean: Nous serons certainement satisfaits si votre comité adopte huit des dix recommandations. À vous de deviner quelles sont les deux auxquelles nous ne tenons pas mordicus.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci beaucoup.
Nos prochains témoins représentent l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Nous souhaitons la bienvenue à Blair Stannard, vice-président, et à Robert McIntosh, gestionnaire des négociations collectives.
M. Blair Stannard (vice-président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Bon après-midi, monsieur le président, honorables députés.
[Français]
Au nom des 33 000 membres de l'Institut professionnel de la Fonction publique du Canada, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir accepté d'entendre nos commentaires sur le projet de loi C-31 portant exécution des dispositions du Budget de 1996.
[Traduction]
J'aimerais maintenant inviter M. Robert McIntosh, notre gestionnaire des négociations collectives, à présenter notre mémoire.
Veuillez noter que le document vert contient notre mémoire complet, que vous avez accepté comme faisant partie de vos délibérations. Les notes d'allocution de M. McIntosh sont contenues dans le document blanc.
Monsieur McIntosh.
M. Robert McIntosh (gestionnaire des négociations collectives, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Merci, Blair.
Bon après-midi, monsieur le président, honorables députés. Après pratiquement six ans de contrôle des salaires, de réduction massive des effectifs et de privatisations, les syndicats de la fonction publique s'attendaient à ce que le gouvernement rétablisse pleinement le droit de négocier des employés de la fonction publique.
Au lieu de le faire, le gouvernement a mis au point un régime hybride dont le trait marquant est un déséquilibre fondamental entre les parties à la négociation. Aux termes de ce régime, les employés du secteur public seront obligés de participer à un processus où la grève sera le seul moyen pour eux de résoudre un différend. Il en résultera nécessairement une diminution des perspectives de résolution efficace de problèmes, ce qui risque d'envenimer les relations patronales-syndicales.
Nous sommes ici aujourd'hui pour solliciter votre appui à la revitalisation des relations de travail dans la fonction publique. Le fait de suspendre l'arbitrage exécutoire aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique donnera lieu à des affrontements inutiles et minera le caractère équitable et équilibré du système de négociation collective.
L'arbitrage exécutoire est un processus qui permet de sortir de toute impasse qui survient à la table des négociations. Selon ce processus, l'une ou l'autre des parties peut soumettre un différend portant sur un nombre limité de questions à un conseil arbitral de trois personnes qui doit rendre une décision exécutoire.
Le projet de loi C-31 fera perdre au gouvernement une rare occasion de bâtir un nouveau partenariat avec la fonction publique. Puisqu'elle empêche de résoudre toute impasse devant une tierce partie impartiale, la mesure risque d'obliger gestionnaires et employés à s'affronter. Il est même implicite dans le projet de loi qu'un partenariat ne peut fonctionner si les deux parties ont des droits égaux devant une tierce partie. La mesure insinue, sans preuve à l'appui, que la négociation collective telle que la prévoit la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne peut coexister avec la responsabilité financière. Le gouvernement ne croit au partenariat et à la négociation collective que lorsqu'il peut être assuré que les règles du jeu sont faussées à son avantage. Les membres de votre comité reconnaîtront certainement que les employés de la fonction publique méritent mieux.
Pour les membres de l'Institut professionnel, le retour à l'arbitrage exécutoire est fondamental. Comme vous le savez, l'Institut représente les employés professionnels de la fonction publique. Ce sont des gens loyaux et consciencieux qui se font un devoir de servir le public canadien. La plupart sont des fonctionnaires de carrière dont le seul but consiste à servir les Canadiens le mieux possible. En retour, ils s'attendent à être traités justement par leur employeur: ils veulent un processus de négociation collective qui soit juste et équitable.
La suspension de l'arbitrage exécutoire oblige tous les groupes de la fonction publique à négocier en empruntant la voie conciliation-grève. C'est d'ailleurs une voie que bon nombre de ces groupes n'ont jamais choisie par le passé. Traditionnellement, bon nombre des groupes de l'Institut ont choisi l'arbitrage exécutoire comme méthode pour sortir d'une impasse à la table des négociations. Certaines de nos unités de négociation sont très petites, comptant moins de100 employés. Ces groupes, ainsi que plusieurs autres groupes de plus grande taille, ne feraient pas bonne figure dans un affrontement de type classique sur lequel peut déboucher une grève.
Dans d'autres cas, le gouvernement a exploité le processus de désignation aux fins de la sécurité publique prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour interdire à tous les employés d'un groupe ou presque de participer à une grève. Dans un tel cas, le groupe n'est pas en mesure de l'emporter par une grève.
L'Institut est très favorable à la grève comme moyen de résoudre des différends, mais une telle option n'est crédible et efficace que lorsqu'il existe un équilibre raisonnable entre les parties, et lorsque les deux parties risquent quelque chose. Si ces conditions sont réunies, les deux parties sont incitées à négocier sérieusement pour éviter l'échec de la négociation et des arrêts de travail non souhaités.
Or, à cause de la taille et de l'histoire de certains groupes et à cause de la capacité pour l'employeur de réduire à néant l'efficacité d'une grève par un processus de désignation, il n'existe pas d'équilibre entre les parties et il n'existe aucun risque pour l'employeur. Les règles sont très nettement favorables au gouvernement et elles ouvrent la porte à l'abus du processus de négociation, ce qui peut déboucher sur un règlement injuste.
L'arbitrage exécutoire est un choix nécessaire pour assurer l'équilibre du système et une répartition équitable des risques ente les parties. Pour certains groupes, c'est la seule manière d'assurer un processus de négociation équitable.
Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il empêcher les employés d'utiliser l'arbitrage exécutoire? Il souhaite maîtriser le résultat de la négociation et assurer la stricte conformité à ses politiques financières. Le gouvernement veut monter qu'il est en faveur de la libre négociation collective d'une part, mais il tient à faire valoir ses propres intérêts, d'autre part. À la base, il y a la crainte non fondée que les arbitres ne vont pas tenir compte de considérations d'ordre budgétaire lorsqu'ils rendront des décisions au sujet des augmentations de salaires qu'il convient d'accorder aux fonctionnaires.
Pourtant, les décisions arbitrales antérieures relatives à la fonction publique ne permettent pas de croire que le processus arbitral manque de discipline et qu'il ne tient pas compte de la situation budgétaire du gouvernement. En effet, d'après les données qui concernent la période qui a immédiatement précédé les mesures de contrôle des salaires qui sont en vigueur à l'heure actuelle, on constate même que les augmentations de salaires ont été légèrement plus faibles pour les groupes qui ont habituellement choisi l'arbitrage plutôt que la conciliation-grève.
Selon une étude universitaire récente des tendances en matière de règlement:
- Les unités de négociation qui ont privilégié la conciliation entre 1985 et 1990 ont obtenu une
augmentation annuelle des salaires de 3,88 p. 100, comparativement à 3,84 p. 100, chez celles
qui ont choisi l'arbitrage.
Pour une foule de raisons, l'Institut soutient qu'il n'y a aucune utilité publique à laquelle pourrait servir l'élimination de l'arbitrage exécutoire en tant qu'option dans le domaine de la négociation collective dans la fonction publique. Cette option continue d'être offerte dans d'autres fonctions publiques. Pensons par exemple au Alberta Public Service Employee Relations Act, à la Manitoba Civil Service Act, au Northwest Territories Act et au Nova Scotia Civil Service Collective Bargaining Act, des lois qui autorisent qu'une partie à un conflit demande un arbitrage exécutoire en cas d'impasse.
Nous pressons les membres de votre comité de rétablir l'arbitrage exécutoire. En acquiesçant à notre demande, vous favoriserez largement un retour à de meilleures relations de travail dans la fonction publique. Au cours des derniers mois, l'Institut a montré qu'il avait la volonté de résoudre des questions épineuses comme l'entente sur le réaménagement des effectifs du 7 février 1996, qui modifie les dispositions relatives à la sécurité d'emploi pour les employés de la fonction publique. Nous faisons appel au gouvernement, à son sens de l'équité, pour qu'il rétablisse l'arbitrage exécutoire.
Si le gouvernement tient mordicus à suspendre l'arbitrage, un certain nombre d'options autres que l'abandon pur et simple méritent d'être étudiées. On pourrait notamment intégrer les critères de la capacité de payer au mandat des tribunaux d'arbitrage ou encore adopter un processus d'arbitrage des propositions finales. Ces deux options sont expliquées aux pages 10 et 11 de notre mémoire.
Il importe également de tenir compte du fait que l'article 19 risque de pénaliser certaines unités de négociation plus d'autres. Selon la date à laquelle prendra fin le programme de gel des salaires et selon les progrès à la table de négociation, les groupes auront, certains une seule, d'autres au moins deux rondes de négociations qui seront régies par les nouvelles règles en vertu desquelles ils ne peuvent demander l'arbitrage. Ainsi, le groupe Droit de l'Institut, qui reprend les négociations le 1er mars 1997, pourrait vivre au moins deux rondes de négociations avant que n'expire la suspension de trois ans de l'arbitrage.
Par contre, le groupe Examen des brevets, qui ne commencera les négociations qu'en mai 1998, n'aura probablement qu'une ronde de négociations durant laquelle l'arbitrage ne sera pas possible. Le gouvernement avait peut-être l'intention de frapper tout le monde avec la même force en suspendant l'arbitrage pour une période de trois ans mais, en fait, tout le monde n'est pas traité de la même façon. En effet, les résultats de la négociation ne pourront être qu'inégaux d'une unité de négociation à l'autre.
Il convient aussi de souligner le sort des unités de négociation assujetties à la Loi sur les relations de travail au Parlement; deux groupes de ces fonctionnaires sont représentés par l'Institut professionnel. L'article 11 du projet de loi d'exécution maintient l'arbitrage comme seul mode de règlement des différends auquel peuvent faire appel les employés au Sénat et à la Chambre des communes, mais stipule que la Commission ne peut dans ses décisions arbitrales:
- «accorder des augmentations de rémunération et d'avantages supérieures, dans l'ensemble, à
celles qui sont obtenues après des négociations collectives ou d'une autre façon par une unité de
négociation analogue dans la fonction publique.»
Si le gouvernement choisit d'éliminer l'arbitrage exécutoire, l'option qui reste, celle de la conciliation-grève, doit être rendue plus équitable par de nouvelles modalités visant la détermination des services essentiels et par un élargissement de la portée des négociations.
L'une des plus graves sources de déséquilibre de la voie conciliation-grève a trait au fonctionnement du processus de désignation pour des raisons de sûreté et de sécurité. Par le passé, le gouvernement a réussi devant les tribunaux à élargir considérablement la portée des désignations, empêchant ainsi un nombre toujours grandissant d'employés de participer légalement à une grève.
Comme nous l'avons déjà dit, dans certaines unités de négociation, la plupart, sinon la totalité des employés sont désignés comme étant des employés qui exercent des fonctions qui, d'une manière ou d'une autre, ont une incidence sur la sécurité publique. Le processus de désignation a ainsi eu comme effet concret de rendre impossible en pratique le choix de la conciliation-grève. En l'absence d'une façon plus juste de définir les services essentiels, le gouvernement a beau jeu face à la négociation collective dans un contexte de conciliation.
L'Institut est déterminé à défendre le principe de garantie de services vraiment essentiels à la population. Comme le prévoit le Code canadien du travail, les parties devraient négocier sans contrainte un accord de maintien des services essentiels qui stipulerait le nombre limité de postes qui sont essentiels à la sûreté et à la sécurité publique en cas d'urgence.
La revitalisation des relations de travail dans la fonction publique va bien au-delà du rétablissement de l'arbitrage exécutoire ou de modifications au processus de désignation. En réalité, comme nous le soulignons dans notre mémoire, il faut revoir au complet la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Nous implorons le gouvernement d'entreprendre ce travail de modernisation qui pourra déboucher sur des relations de travail modernes et efficaces dans la fonction publique. Merci.
Le président: Merci, monsieur McIntosh. Monsieur Loubier.
[Français]
M. Loubier: Monsieur le président, je n'ai pas de commentaires. C'est très clair.
[Traduction]
Le président: Merci. Monsieur Williams.
M. Williams: Merci, monsieur le président. En effet, j'ai une question. J'ai constaté que vous parliez de la nécessité d'équilibrer les risques et du fait qu'un gouvernement devrait être plus soigneux dans la désignation d'employés essentiels et ne devrait pas légiférer pour éliminer le droit à l'arbitrage.
Le gouvernement a déjà déclaré qu'il renonçait au gel des salaires. S'il renonçait à l'élimination de l'arbitrage, votre syndicat pourrait-il être convaincu d'intégrer à la convention collective et aux échelles salariales pertinentes de vos membres une prime différentielle pour reconnaître le rendement, le cas échéant? Ainsi, les personnes dont le rendement dépasse la moyenne pourraient être récompensées en conséquence et, évidemment, l'inverse serait également vrai. Le rendement insatisfaisant se refléterait également dans le revenu.
M. McIntosh: Nous sommes tout à fait disposés à négocier ce genre de dispositions dans le cadre d'un processus de négociation juste et équilibré. D'ailleurs, notre convention collective qui vise la recherche scientifique comporte une disposition fondée sur le principe de la rémunération au rendement.
Ce principe nous a déjà posé divers problèmes. Dans son application, il faut veiller à ce qu'un grand nombre de conditions soient réunies. Pour en assurer l'objectivité et l'équité cependant, nous sommes bien disposés à en discuter avec l'employeur autour de la table de négociation, dans la mesure où ce dernier est lui-même disposé à nous parler et, si aucune entente n'est possible, à accepter une méthode juste de règlement du différend.
M. Williams: Ainsi, vous êtes disposés à reconnaître que le principe du mérite pourrait jouer un rôle réel dans la rémunération des employés, dans la mesure où il serait possible d'établir la différence entre les bons employés et ceux qui sont moins productifs, et dans le cadre d'un régime de négociations collectives où le gouvernement permettrait l'arbitrage exécutoire?
M. McIntosh: En effet. Je me permettrai de répéter cependant que nous tenons à un processus de règlement des différends qui soit juste en la matière.
M. Williams: Pour aller un peu plus loin, si nous reconnaissons que le principe du mérite est valable dans un contexte où le gouvernement fait des compressions et doit mettre à pied certaines personnes, convient-il que le gouvernement vise les personnes moins productives et garde celles qui sont fortement motivées?
M. McIntosh: Sur ce point précis, il faut éviter de mélanger deux choses. Tout d'abord, il y a ce que prévoit la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui n'est pas à l'étude ici. Aux termes de l'article 29, il est question d'absence au travail, de cessation d'une fonction ou de transfert de travail à l'extérieur. C'est à partir de cette disposition que l'employeur décide s'il y a un excédent de travailleurs et s'il y a possibilité de mises à pied.
D'autre part, il y a la question du rendement. La loi prévoit déjà des mesures qui permettent aux gestionnaires de traiter les cas d'employés non productifs.
M. Williams: Je parlais de personnes qui seraient moins productives que les autres et non pas nécessairement de personnes non productives. S'il faut décider qui sera retenu et qui sera mis à pied, ne serait-il pas convenable de garder les meilleurs et de laisser aller les autres?
M. McIntosh: Je crois pouvoir dire, avec tout le respect que je vous dois, que les pouvoirs actuels de l'employeur permettent déjà de résoudre cette question. Il existe aux termes de l'article 33 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, un processus fondé sur l'ordre inverse du mérite, qui permet aux gestionnaires de prendre des décisions s'il y a compression d'emplois de même nature. Certains postes vont être maintenus, mais c'est le principe de l'ordre inverse du mérite qui permettra de déterminer qui va partir. Ce principe fait donc explicitement partie du processus de détermination des mises à pied.
M. Williams: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Williams. Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Comment faites-vous, justement, pour définir qui sera retenu ou non? Que voulez-vous dire par là? S'agit-il de l'ancienneté? Comment peut-on déterminer qu'une personne est meilleure qu'une autre?
M. McIntosh: Excusez-moi?
M. Fewchuk: Le principe du mérite. Comment définissez-vous le mérite? Pour le syndicat, quels sont...
M. Stannard: Pour un secteur, par exemple, on détermine que pour un certain nombre d'employés qui n'auront plus d'emploi, il y a diverses possibilités, selon le processus normal, puisque la nature des postes varie. Un groupe d'évaluation peut combiner un certain nombre des activités suivantes: étude des résultats d'entrevues, étude des descriptions de postes, étude des évaluations de rendement, étude des résultats d'examen ou des publications. Compte tenu de la diversité des employés que nous représentons, le processus peut varier. Habituellement, c'est le gestionnaire du service concerné qui choisit le mécanisme approprié, en consultation avec les représentants syndicaux.
M. Fewchuk: Merci.
Le président: Monsieur Williams ou monsieur Grubel.
M. Grubel: Non, je ne...
Le président: Vous avez pris connaissance du rapport de M. Bean. Êtes-vous essentiellement d'accord avec son contenu? Vous avez limité vos commentaires à la question de l'arbitrage.
M. McIntosh: Comme vous le savez, l'Institut, tout comme d'autres agents négociateurs, en est arrivé à une entente avec l'employeur sur ces questions, de sorte que nous n'avons pas pour le moment de commentaires sur ces dispositions du projet de loi C-31. Évidemment, nous respectons les opinions de M. Bean et...
Le président: Je n'ai pas eu l'occasion de poser la question directement à M. Bean, mais d'après ce que j'ai compris, tous les syndicats, sauf l'AFPC et l'Association des employées en sciences sociales, ont signé avec le gouvernement des ententes sur le réaménagement des effectifs.
M. McIntosh: Oui, il y en avait même un troisième, mais tous les autres l'ont fait. Je crois qu'il y en a 14.
Le président: Quatorze syndicats ont signé?
M. McIntosh: Sur 17, en effet.
Le président: Et cela représente quel pourcentage de nos travailleurs de la fonction publique?
M. McIntosh: Si j'ai bonne mémoire, je crois qu'il s'agissait de 40 p. 100, soit environ 20 p. 100 ou 25 p. 100 de l'effectif total.
Le président: Qui ont signé le contrat.
M. McIntosh: Exact.
Le président: D'accord. Le plus grand syndicat est donc, de loin, l'AFPC...
M. McIntosh: C'est exact.
Le président: ...et il représente à peu près quel pourcentage de nos fonctionnaires?
M. McIntosh: Je crois qu'il y en aurait 150 000 qui relèvent du Conseil du Trésor. Je ne suis pas certain du chiffre, mais nous pouvons vous le préciser.
Le président: Avez-vous des chiffres sur la sous-traitance?
M. McIntosh: Peu après l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, en 1993, certaines discussions avec les agents négociateurs, présidées par Mme Catterall, ont porté sur les pratiques de sous-traitance de l'employeur. À cette époque - c'était, je crois, des chiffres de 1993 - la sous-traitance représentait des dépenses de quelque 5,2 milliards de dollars. Il s'agissait évidemment dans certains cas de services que les membres de nos unités de négociations respectives auraient pu fournir plus efficacement. Je crois bien que mon collègue, le vice-président Stannard, membre du groupe CS, pour qui il s'agit d'une réalité quotidienne, pourrait vous donner plus de détails.
Le président: Selon M. Bean, le total serait passé de 2 à 7 milliards de dollars. Vous avez parlé de 5,2 milliards de dollars en 1993. Quel serait le total aujourd'hui?
M. McIntosh: Je n'ai pas de chiffre plus récent. Nous surveillons la chose. Le chiffre de7 milliards de dollars et plus dont il parle ne m'étonne pas.
M. Stannard: Nous avons constaté dans nos enquêtes d'il y a quelques années que la méthode de classification de certains contrats adoptée par Approvisionnements et Services - c'était le nom du ministère à l'époque - posait problème. Elle n'était pas uniforme d'un ministère à l'autre, de sorte qu'il était très difficile de séparer les contrats de services des contrats de biens en épluchant les comptes publics.
Tel ou tel ministère est très souvent en mesure de...
Le président: Rien de plus facile. Il suffit de consulter le manuel de la taxe sur les produits et services.
M. Stannard: On nous disait à l'époque que les chiffres pouvaient varier considérablement, pratiquement du simple au double dans certains cas, pour ce qui est des contrats visant les services.
Certains ministères n'accordaient que les contrats de services individuels. Dans d'autres cas, il pouvait s'agir d'un contrat avec une grande société qui visait les services de 300 personnes. Assurément, pour ce qui est du groupe CS, nous avons pu constater toute une série d'arrangements distincts, ce qui nous rendait la tâche très difficile.
Cependant, la valeur des contrats totalisait des milliards et elle augmentait annuellement. Lorsque les chiffres sont publiés, ils ont généralement deux ans de retard.
Le président: Merci.
Monsieur Grubel.
M. Grubel: Si vous me permettez de décrire assez succinctement ce que font les syndicats pour leurs employés, je dirai qu'ils négocient pour obtenir un certain niveau de rémunération et puis toute une série d'autres aspects comme la sous-traitance, les conditions de cessation d'emploi, etc.
J'aimerais poser ma question au sujet du niveau de rémunération. Je sais que les deux aspects sont liés.
Ma question est double. Depuis environ 1990, le Canada est frappé par une crise. Comment a évolué le niveau de rémunération de vos membres comparativement à celui du secteur privé?
Deuxièmement, je me demande ce que pense votre organisation de l'idée d'institutionnaliser une série de règles qui établiraient un rapport entre la rémunération du secteur privé et celle de vos membres syndiqués?
M. McIntosh: La question est vaste, mais permettez-moi tout d'abord de vous dire que le Bureau de recherches sur les traitements a été démantelé par le gouvernement antérieur. Ce bureau avait pour mandat d'établir des comparaisons de façon systématique entre des emplois dans le secteur public et des emplois comparables dans le secteur privé. Nous n'avons donc pas de données fiables pour bon nombre de catégories professionnelles de la fonction publique.
Deuxièmement, je dois dire que les salaires de nos membres, et c'est le cas partout dans la fonction publique, ont été gelés pour cinq des six dernières années, de sorte qu'il n'y a eu aucune augmentation. De fait, depuis 1994, rien n'a bougé même à l'intérieur des échelles de salaire qui s'appliquent à nos membres.
En troisième lieu, les quelques données dont nous disposons par rapport à nos membres, celles par exemple, de sociétés professionnelles d'ingénieurs ou de professionnels de l'informatique, tendent à montrer qu'il est de plus en plus difficile pour la fonction publique de recruter des professionnels spécialisés.
Ainsi donc, la question se résume en ces termes: quel genre de fonction publique le gouvernement veut-il avoir? Une fonction publique qui se déprécie à mesure que les salaires s'effondrent par rapport à ceux du secteur privé?
À notre avis, nous avons désespérément besoin en ce moment du rétablissement intégral de nos droits de négociation pour avoir la possibilité de débattre de ces questions avec l'employeur et d'essayer de négocier une bonne entente, et dans le cas contraire, d'avoir au moins accès à une tierce partie objective qui réglera ces différends.
M. Grubel: Mais en principe, votre organisation est prête... au lieu de l'assujettir à une négociation qui déterminera automatiquement des augmentations de salaire semblables à celles des groupes comparables dans le secteur privé. Rejetez-vous cette possibilité?
M. McIntosh: Non. Dans le cadre du processus de négociation, nous faisons ce genre de comparaisons. Nous ne choisissons pas nos chiffres au hasard; nous venons à la table de négociation avec ce que nous considérons comme étant une position raisonnée, et nous négocions avec l'employeur une rémunération juste et raisonnable pour les employés.
M. Grubel: Les termes «juste et raisonnable» sont ambigus. C'est une question de point de vue. J'essaie de vous dire qu'afin de supprimer ces mots dans le processus de négociation pour le rendre plus objectif... je vous y exhorte.
Je suis sûr que mon observation ne requiert aucune réponse, mais j'aimerais simplement dire que nous avons aussi entendu des témoins qui nous disaient que le secteur privé a également du mal à embaucher des employés qualifiés dans le domaine des sciences de l'information, et la raison en est évidemment qu'au Canada, les salaires sont trop bas et les taxes trop élevées par rapport aux États Unies. Cela se passe-t-il uniquement dans ce domaine? Y a-t-il d'autres domaines où le gouvernement a du mal à embaucher?
M. McIntosh: Évidemment, le gouvernement est en train de faire des compressions, mais à mesure qu'il devient de plus en plus clair que dans certains domaines clés - qui vont connaître une expansion à la fin de la période de compression, du moins je l'espère - on va continuer à offrir certains services publics, et on a besoin d'employés qualifiés et capables d'offrir ces services.
M. Grubel: C'est clair.
M. McIntosh: Nous voyons déjà le problème dans quelques domaines stratégiques, tels que l'informatique et certains secteurs de l'ingénierie, et évidemment le groupe AU à Revenu Canada.
M. Grubel: Avez-vous vraiment des informations objectives à ce sujet, ou spéculez-vous simplement sur ce qui pourrait se passer?
M. McIntosh: Comme je le disais, depuis la dissolution du Bureau de recherches sur les traitements, nous n'avons pas de données qui soient acceptées comme étant factuelles tant par le Conseil du Trésor que par nous-mêmes. Nous pourrions probablement trouver des études faites par les associations professionnelles d'ingénieurs de l'Ontario, par exemple, et par d'autres groupes un peu partout au Canada.
M. Grubel: Je parlais de votre deuxième observation concernant la difficulté pour le gouvernement d'embaucher dans certains domaines parce que les salaires sont insuffisants.
M. McInthosh: Nous avons certainement de plus en plus d'informations anecdotiques...
M. Grubel: Anecdotiques.
M. McIntosh: ...sur la difficulté d'embaucher, surtout des CS et des AU.
En avez-vous, Blair?
M. Stannard: Il y a moins de 10 jours, j'ai participé à une réunion organisée par la Commission de la fonction publique, intitulée «Conférence vision de la dotation». Y participaient des représentants des syndicats, des employeurs, de la Commission et du Conseil du Trésor. L'une des questions importantes que nous avons cernées était de savoir comment la fonction publique de l'avenir sera capable de relever un certain nombre de défis, étant donné que nous ne savons pas ce qui nous attend.
En raison du caractère changeant - et je parle d'une façon générale ici - du contrat d'emploi, comment la fonction publique attirera-t-elle des personnes qualifiées, impartiales et compétentes dans un monde où le travailleur moyen occupera peut-être de nombreux emplois au cours de sa carrière?
M. Grubel: Vous parlez de l'avenir et non pas de la période actuelle.
M. Stannard: Eh bien, telle est la question que nous devons régler maintenant, car elle commence déjà à se poser, et si nous ne prenons pas position en tant que fonction publique - et je parle ici de la façon dont la Commission envisage le problème - nous ne serons pas en mesure d'embaucher, un point c'est tout. Il existe déjà des lacunes dans certains secteurs gouvernementaux. Cependant, à cause des compressions et des mutations massives de personnel, il est très difficile d'obtenir des données statistiques réelles. On pourrait en avoir à la fin de l'exercice, après la période de trois ans.
Par exemple, je siège au conseil de REDO, qui aide cette collectivité à déplacer les personnes qui quittent le gouvernement pour le secteur privé. La plus grande industrie dans cette région est celle de la haute technologie, et c'est elle qui va absorber les fonctionnaires mis à pied. Nous avons établi un inventaire, et une partie de la CFP en a un, de personnes qui sont intéressées par des échanges d'emploi, et nous recevrons un grand nombre de vos professionnels de l'informatique, par exemple, qui veulent quitter volontairement leurs emplois alors qu'on a davantage besoin de leurs services dans la fonction publique. Ainsi donc, le problème réside dans le fait qu'ils essayent déjà de s'en aller, surtout les meilleurs d'entre eux.
En ce qui concerne la comparaison des salaires à ceux du secteur privé, le problème - et j'utiliserai l'exemple des systèmes informatiques, parce que c'est mon domaine - réside dans le fait qu'il n'existe pas de grands syndicats d'informaticiens professionnels comme au gouvernement fédéral. Par conséquent, il est très difficile de faire une comparaison directe. Il existe des boîtes syndiquées et des boîtes non syndiquées, selon l'entreprise ou l'employeur, mais le nombre d'employés varie énormément.
De plus, nous évoluons maintenant dans un marché mondial, où le gouvernement du Canada devra faire concurrence aux marchés étrangers, aux États-Unis ou ailleurs.
M. Grubel: Exactement.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
Monsieur Dhaliwal, s'il vous plaît.
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Merci, monsieur le président.
Je voulais poser cette question à M. Bean, mais malheureusement, il a dû partir. Je ne sais pas si vous pouvez y répondre.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la manière dont vos membres ou dont les membres en général ont fait face à ces compressions. Certains d'entre eux ont-ils ouvert des petites entreprises, se sont-ils fait embaucher par d'autres entreprises ou par le secteur privé? Je me demande si vous avez des informations à ce sujet. Est-ce que vous suivez vos employés qui ont été mis à pied pour voir comment ils ont réagi au changement et quels ont été les résultats en général? J'aimerais tout simplement en avoir une idée.
M. Stannard: Je n'ai aucune information statistique en tant que telle, mais évidemment, tous les employés sont des personnes, vous voyez donc le genre de problèmes familiaux qui découlent des changements massifs intervenus dans le domaine de l'emploi comme nous le voyons dans cette collectivité. En tant que membre du REDO, j'ai certainement pu le voir.
Dans le débat public que nous avons organisé afin d'aider les fonctionnaires dans leur transition, nous avons rencontré des employés mis à pied. Certains s'en sont très bien tirés, d'autres pas. Il y a beaucoup d'intérêt, surtout parmi nos membres, et cela provient peut-être du fait que tous sont des professionnels.
Par exemple, nous avons mis l'équivalent d'une année-personne à la disposition du Centre d'entrepreneuriat d'Ottawa-Carleton pour l'aider à répondre aux appels, car le nombre d'appels qu'il a reçus au cours de la dernière année a doublé - une augmentation de 100 p. 100. Près de 9 000 de ces appels provenaient d'anciens fonctionnaires canadiens. Il y a donc eu 9 000 appels à Ottawa seulement provenant de personnes qui voulaient savoir comment lancer leur propre entreprise. Nous ne suivons pas des cas individuels en tant que tels, et nous ne pouvons pas vous dire combien d'entre eux réussissent. Nous avons encore devant nous deux ou trois années de transition. Peut-être qu'au bout de cinq ans, nous aurons quelques statistiques.
Nous savons aussi, dans la région, quels types du secteur industriel sont en croissance - et je parle aussi bien de l'Outaouais que de la région d'Ottawa-Carleton. Il existe essentiellement deux industries, le tourisme et la haute technologie, ainsi que les services connexes; voilà donc les domaines dans lesquels il faut chercher si l'on veut avoir des chances de se trouver un emploi.
D'autre part, il y a des gens qui ont toujours voulu entamer une deuxième carrière dans un domaine différent, et ils le font. Une façon de suivre ce phénomène consiste à utiliser les allocations de formation fournies dans le cadre des modalités de licenciement. Mais une fois de plus on commence seulement à obtenir des chiffres sur les cours que les gens prennent.
Nous essayons d'indiquer aux gens les compagnies de leur région qui vont embaucher et le genre de qualifications dont elles auront besoin. Nous leur disons que nous comprenons leurs qualifications et nous leur signalons les ressources qui leur offrent une formation à la transition pour aller du point A au point B. Toutefois, nous n'offrons pas de service de placement individuel en tant que tel.
Cela peut dépendre de leur situation personnelle, mais certains réussissent mieux que d'autres. Cela dépend peut-être de la préparation antérieure. Si vous avez quelqu'un qui devait prendre sa retraite à 55 ans et qui a maintenant 53 ans, il est probablement mieux placé pour la transition que quelqu'un qui a peut-être 24 ans et qui constate subitement qu'il va perdre son emploi.
Ainsi donc, nous restons vigilants, et la situation varie certainement d'une personne à l'autre, mais nous n'avons pas encore observé de tendance parce que les données ne sont pas suffisantes.
Le président: Je conviens certainement avec vous, monsieur Stannard, que plus on est vieux, mieux c'est.
M. Dhaliwal: Puis-je faire une observation? D'une manière générale, j'ai l'impression que les gens pensent - et je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi - que le gouvernement a fait un assez bon travail en essayant d'assurer cette transition, si l'on met de côté le débat sur la question de savoir si nous devrions licencier autant de monde et tout et tout. Cependant, je pense que si vous acceptez le fait que nous devons le faire, on a mis en place un assez bon programme pour aider les gens à s'orienter vers d'autres choses. D'une manière générale, ce programme est assez bien reçu par l'ensemble des fonctionnaires.
M. McIntosh: Je pense que nous avons des réserves à ce sujet, sauf votre respect. De toute évidence, le programme de compression - qui suscite de nombreux problèmes - a créé beaucoup d'anxiété en milieu de travail. En fait, il a nui à la productivité. Je pourrais vous citer une longue liste de problèmes qui en découlent.
Parallèlement au programme REDO, nous avons mis en place un processus conjoint d'adaptation. Il s'agit d'essayer de régler certaines difficultés, mais nous avons fait face à certains obstacles érigés par certains employeurs, notamment le programme de substitution. Si un programme de substitution intégral et libre avait été mis en place comme nous l'avons demandé l'année dernière, nous aurions probablement pu réduire le nombre de personnes mises à pied involontairement. Nous estimons qu'il y a assez de gens, ne serait-ce que dans certains groupes, pour remplacer ceux qui sont licenciés. Autrement dit, il y a assez de volontaires qui sont prêts à échanger leurs emplois avec ceux qui ont besoin de rester et qui ont besoin d'un emploi.
M. Dhaliwal: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Dhaliwal.
Est-il possible que vous restiez jusqu'à la fin du prochain témoignage?
M. McIntosh: Certainement.
Le président: Cela vous dérangerait-il beaucoup? J'ai un certain nombre de questions à vous poser.
M. McIntosh: Très bien.
Le président: Merci beaucoup.
Les témoins suivants représentent la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et infirmiers. Il s'agit de Mme Kathleen Connors, présidente, et de Mme Carol Richardson, directrice exécutive.
Bienvenue. Vous avez la parole.
Mme Kathleen Connors (présidente, Fédération nationale des syndicats d'infirmières et infirmiers): Bon après-midi.
À titre d'information, la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et infirmiers a été créée au début des années 1980 et représente maintenant plus de 50 000 infirmières et infirmiers syndiqués dans une fédération de six syndicats provinciaux.
D'après ses statuts, la Fédération nationale des syndicats d'infirmières et infirmiers est chargée de promouvoir, à l'échelle nationale, des lois et des politiques progressistes sur des questions d'intérêt national pour les infirmières et infirmiers syndiqués. À cet égard, nous nous intéressons à diverses questions liées au système de sécurité sociale au Canada. Quand nous parlons du système de sécurité sociale, nous considérons l'assurance-maladie et les programmes sociaux comme des éléments importants du filet de sécurité sociale du Canada.
La FNSI croit que le budget fédéral de février 1996 représente les valeurs et les priorités politiques du gouvernement actuel. Le budget est une expression tangible d'une vision politique, et il doit refléter les valeurs et les préoccupations de la majorité des Canadiens. Il doit répondre à la nécessité d'avoir des emplois décents et sûrs, des revenus, des logements, des services de garde d'enfants, des soins de santé, une éducation et un environnement propre et sain. Telle est notre vision du Canada et de sa population.
À notre avis, la Loi de mise en oeuvre du budget qu'étudie le Comité permanent des finances, de même que les budgets de 1995 et 1996, ne correspondent pas à cette vision. Nous avons examiné le budget présenté par le ministre fédéral des Finances, ainsi que la modification et l'élimination de diverses lois par la Loi de mise en oeuvre du budget.
Les lignes directrices du budget de 1996 et l'analyse fédérale de la situation économique du pays sont erronées. Conjugué à l'analyse problématique des finances publiques, ce problème a amené le gouvernement à adopter un programme économique qui ne correspond pas à notre vision d'une société juste. Le premier remède au mauvais budget de 1996 du gouvernement fédéral consisterait à éliminer cette loi et à présenter un budget fédéral qui viserait à maintenir une société juste.
Il faut non seulement éliminer cette loi, mais la modification des budgets fédéraux de 1995 et 1996 doit: rétablir l'universalité de la sécurité de la vieillesse; rétablir le droit à l'arbitrage exécutoire pour les infirmières et infirmiers employés par le gouvernement fédéral; supprimer les changements apportés à diverses lois fédérales à la suite des budgets de 1995 et 1996 afin d'établir le nouveau système de Transfert canadien en matière de santé et de soins sociaux au Canada; rétablir la Loi canadienne sur la santé dans sa forme de 1994; et modifier la Loi sur le financement des programmes établis afin que la formule de financement fédéral des soins de santé reprenne la forme qu'elle avait au moment de l'adoption de la Loi sur le FPE.
Le montant minimum proposé dans le budget de 1996 est insuffisant pour tous les programmes visés par le transfert canadien. J'aimerais approfondir un peu ces quatre points.
En ce qui concerne l'arbitrage exécutoire, le groupe des infirmières et infirmiers de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada est affilié à notre organisation. Le budget de 1996 supprime le droit à l'arbitrage obligatoire pour eux. Le gouvernement fédéral a l'intention de suspendre l'accès à l'arbitrage obligatoire pour une période de trois ans.
Les infirmières et infirmiers membres de l'Institut professionnel sont désignés et ne peuvent pas aller en grève; alors comment peuvent-ils régler un différend? Mendier collectivement? Il faut leur accorder l'arbitrage obligatoire afin qu'ils puissent régler leurs différends dans le cadre du processus de négociation. Ils n'ont pas accès à l'arbitrage obligatoire et ils ne peuvent pas faire de grève parce qu'ils sont désignés comme employés essentiels.
En ce qui concerne l'assurance-chômage, d'après les documents du budget, Ottawa a l'intention de percevoir 18,8 milliards de dollars en primes d'assurance-chômage auprès des employeurs et employés au cours de l'exercice 1996-1997, mais ce chiffre ne tient pas compte des répercussions de la réforme de l'assurance-chômage sur le paiement des cotisations. Cette décision va porter le montant des cotisations d'assurance-chômage à près de 20 milliards de dollars pendant la première année, qui se termine le 31 mars 1997. En accélérant le paiement de cotisations d'assurance-chômage au cours des trois premiers mois de 1997, le gouvernement obtiendra de 1,5 à 1,8 milliard de dollars de revenus supplémentaires en 1996-1997. Cela s'ajoute à l'excédent de4,5 milliards de dollars que l'on prévoit dans le fonds de l'assurance-chômage en 1996. De toute évidence, et à notre avis, il y a de l'argent pour créer de vrais emplois.
Pour ce qui est de la question qui nous préoccupe le plus, c'est-à-dire les soins de santé, depuis 1982, les provinces ont perdu près de 41 milliards de dollars suite à la réduction des paiements de transfert, ce qui a amené les gouvernements provinciaux à réduire considérablement les soins de santé et à se décharger davantage sur les administrations municipales, les organisations bénévoles et les familles canadiennes.
Les compressions dans les hôpitaux, qui se manifestent par la réduction du nombre de lits, la mise à pied du personnel et la sous-traitance, s'accélèrent. La liste des services médicaux et des médicaments non assurés s'allonge. À mesure que les gouvernements provinciaux se retirent de domaines comme les régimes d'assurance-médicaments et dentaire, les compagnies privées occupent le terrain. La semaine dernière, nous avons entendu parler de la débâcle qui s'est produite en Ontario à ce sujet.
On est en train de privatiser le système canadien de soins de santé pièce par pièce, et c'est cette érosion insidieuse du système qui représente la plus grave menace à l'assurance-maladie et à notre système public et universel d'assurance-maladie.
L'idée d'un paiement minimum a été établie dans le budget de 1996. Il s'agissait de s'assurer qu'il restait assez de liquidités dans les caisses fédérales pour que le gouvernement puisse toujours assurer les normes nationales en matière de santé. C'est un objectif louable, mais ce minimum a été fixé à 11 milliards de dollars. Ce montant couvre tous les programmes de transferts en matière de santé et de services sociaux au Canada. Il est insuffisant, car actuellement, la santé seule coûte7 milliards de dollars. Il ne resterait plus qu'environ 4 milliards de dollars au gouvernement fédéral pour financer l'assistance sociale et l'éducation postsecondaire.
Honnêtement, en tant qu'infirmière, je puis vous dire que les trois domaines sont liés. Si l'on n'a accès ni à l'assistance sociale ni à l'éducation postsecondaire, cela a des répercussions sur la santé, et c'est finalement le système de soins de santé qui va écoper.
Il faut également établir un montant minimal en ce qui concerne les normes nationales relatives aux trois programmes du TCSSS, et non pas seulement pour la santé. Ce montant doit être calculé en fonction de la formule de 1987 du FPE.
Le budget de 1995 a permis de réduire de 700 millions de dollars les transferts financiers qui vont d'ailleurs se poursuivre pendant deux ans avant que l'on établisse ce minimum de 11 milliards de dollars. Ainsi donc, en attendant que ce montant soit établi, on va couper 700 millions de dollars. Cela signifie que de nombreux postes d'infirmières et d'infirmiers seront perdus et que les soins aux malades vont diminuer.
L'objectif des recommandations 3 et 4 est d'éliminer le TCSSS et de s'assurer que les mesures de financement du gouvernement fédéral sont assez solides pour protéger les normes nationales.
Le président: Excusez-moi, madame Connors, mais avez-vous un mémoire écrit qui a été distribué aux députés? Apparemment, nous ne l'avons pas.
Mme Connors: Je crois qu'il a été remis à la greffière.
Mme Carol Richardson (directrice exécutive, Fédération nationale des syndicats des infirmières et infirmiers): En effet.
La greffière: Je l'ai donné à la traduction.
Le président: Très bien. Merci.
Mme Connors: Si le Canada dispose d'un système d'assurance-maladie de classe mondiale, c'est surtout grâce au mécanisme de financement progressiste que le fédéral a mis en place dans la Loi originale sur le FPE.
Notre cinquième recommandation est que l'on mette de côté la Loi de mise en oeuvre du budget et que l'on crée une commission royale qui sillonnera le pays pour déterminer à quel point les Canadiens tiennent à leur filet de sécurité sociale.
D'après nos recommandations, il est clair que la FNSI n'accepte pas la Loi de mise en oeuvre du budget ni les deux derniers budgets présentés par le gouvernement actuel.
Maintenant, nous voulons bien répondre à vos questions.
Le président: Merci, madame Connors.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Loubier: Madame Connors, si vous aviez à proposer des mesures immédiates pour modifier le projet de loi C-31 en regard de tous les aspects et problèmes que vous venez de soulever, quelles seraient-elles? Quels ajustements, améliorations ou abrogations pourrait-on apporter aux dispositions de ce projet de loi?
[Traduction]
Mme Connors: Je répète que nous avons cinq préoccupations fondamentales. Premièrement, rétablir l'universalité de la sécurité de la vieillesse. Deuxièmement, rétablir le droit à l'arbitrage obligatoire comme moyen de régler les différends pour les infirmières et infirmiers employés par le fédéral. Troisièmement, éliminer les modifications apportées à diverses lois fédérales en vertu des budgets de 1995 et 1996 afin d'établir le système de Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Nous estimons que ce système ne va pas fonctionner et nous préférons retourner au FPE et au RAPC.
Quatrièmement, rétablir la Loi canadienne sur la santé dans sa forme de 1994. Modifier la Loi sur le financement des programmes établis afin que la formule de financement fédéral des soins de santé reprenne la forme originale qu'elle avait quand la loi a été adoptée en 1977. Le montant minimum prévu dans le budget de 1996 est insuffisant pour les programmes visés par le Transfert canadien. Cinquièmement, il faut mettre la loi de côté et établir une commission royale.
[Français]
M. Loubier: Pourtant, vous parliez tout à l'heure de l'érosion de l'universalité des soins de santé et du fait que les besoins sont de plus en plus nombreux et les ressources, de moins en moins abondantes. Quel lien direct peut-on établir entre cela et le projet de loi C-31 que nous étudions à l'heure actuelle?
[Traduction]
Mme Connors: À ce sujet, la réduction des transferts de fonds aux provinces touche maintenant les établissements de soins de santé. Il y a un certain rapport entre les programmes de réduction du déficit du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
Actuellement, dans toutes les collectivités du pays, dans les maisons de repos, les hôpitaux de soins de courte durée et dans le domaine des soins à domicile, on assiste à la fermeture de lits, à la mise à pied d'infirmières et d'infirmiers, et l'on n'augmente pas le financement des programmes de soins à domicile, ce qui fait qu'on renvoie les patients à la maison plus rapidement et plus malades. Il n'y a pas d'argent pour s'en occuper.
Pour ce qui est des répercussions, j'ai parlé récemment à des infirmières et infirmiers lors de diverses réunions dans les provinces. Leur charge de travail est accablante, et ils n'ont pas assez de temps pour fournir le genre de soins sûrs et professionnels pour lesquels ils ont été formés. C'est une conséquence directe de la situation actuelle.
La réduction du financement des services sociaux dans les provinces met littéralement les gens dans la rue, et quand on n'a pas assez d'argent pour manger et se loger, on finit par tomber malade. Quand on supprime des emplois et quand on ne dispose pas d'un filet de sécurité sociale pour aider, le système de soins de santé se retrouve devant toutes sortes de problèmes: accroissement de la violence familiale, alcoolisme et toxicomanie et dislocation des familles. Voilà les réalités que nous vivons chaque jour en tant qu'infirmières dans le système de soins de santé à cause des initiatives financières des gouvernements fédéral et provinciaux.
Mme Richardson: Je connais un cas qui s'est produit en Ontario. Nous avons toujours milité en faveur d'un système d'assurance-maladie universel et accessible à tous aux mêmes conditions. Récemment en Ontario, une femme voulait des services IRM et a pu obtenir la priorité parce que l'assureur privé l'a inscrite en tête de la liste d'attente.
L'une des choses qui nous rendent fières du système canadien c'est qu'il offre les mêmes services à tout le monde. Maintenant, en raison de la réduction du financement fédéral, ces services subissent des pressions accrues dans les provinces et il semble y avoir une rupture de cette universalité dans la mesure où certaines personnes sont en mesure de se mettre en tête de liste grâce à l'assurance privée. Ce n'est pas l'assurance-maladie telle que nous l'avons envisagée.
M. Loubier: Merci
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Duhamel.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci, monsieur le président.
Merci pour votre exposé, madame Connors. Bonjour, madame Richardson.
Ma question est la suivante: en ce qui concerne les changements que vous proposez, c'est-à-dire les cinq recommandations et particulièrement les quatre premières, avez-vous une idée du coût que cela entraînerait? Je sais qu'il s'agit là d'une question très difficile, mais il existe un certain nombre de programmes, si vous voulez, qui son probablement assez coûteux, à mon avis.
Voici la difficulté. Je pense que la plupart des députés que je connais, peut-être tous, partageraient votre position du point de vue conceptuel et philosophique, si vous voulez, et certaines de vos recommandations. D'autre part, le gouvernement dit, écoutez, notre déficit et notre dette dépassent vraiment les bornes, et échappent à notre contrôle, et nous devons les juguler; nous devons réduire nos dépenses.
Estimez-vous donc qu'il s'agit d'une fausse économie, d'une fausse réduction, compte tenu des arguments que vous avez présentés? Autrement dit, la désintégration des familles augmente, et cela entraîne des coûts supplémentaires qui sont cachés et sont supérieurs aux «économies».
Mme Richardson: Une des observations que nous avons faites dans bon nombre de nos interventions devant le Comité des finances et d'autres comités législatifs concerne le régime fiscal canadien. En effet, nous croyons que la solution à ces problèmes réside dans un système fiscal plus équitable, au lieu de combattre la dette et le déficit en réduisant les programmes sociaux.
Quand on réduit les programmes sociaux, cela a des répercussions négatives sur la situation socio-économique de la population. D'après les recherches, quand on compromet la situation socio-économique de la population, la santé de la population en souffre et l'on utilise davantage les services de l'assurance-maladie. Par conséquent, les compressions, surtout celles touchant les services de santé et les soins aux personnes âgées, nous mettent dans une situation où nous dépensons davantage. On vole Pierre pour payer Paul.
M. Duhamel: Je voudrais que vous me donniez une petite précision concernant l'augmentation des impôts. Songez-vous aux sociétés, aux particuliers, ou aux deux? Je veux m'assurer d'avoir bien compris.
Mme Richardson: En fait, avec l'impôt sur la fortune, nous songeons aux particuliers, mais cela pourrait s'appliquer aussi aux sociétés.
Quand on compare la situation telle qu'elle existait dans les années 1950 et ce qu'elle est en 1995, on constate qu'une bien plus faible proportion des impôts des sociétés sert à la prestation de programmes sociaux. C'est troublant. Il faut que la politique fiscale veille à un plus juste équilibre.
M. Duhamel: Merci.
Mme Connors: Monsieur Duhamel, notez en outre que les sociétés canadiennes sont très promptes à se vanter de posséder un avantage concurrentiel par rapport aux sociétés américaines à cause précisément de l'existence du régime universel de soins de santé. À mon avis, elles ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux. Si les sociétés tiennent à un régime public d'assurance-maladie qui leur confère un avantage concurrentiel par rapport aux sociétés qui doivent prévoir une assurance individuelle pour chacun de leurs travailleurs, alors il faut qu'elles soient disposées à faire l'effort financier nécessaire pour maintenir ce régime universel. Les sociétés canadiennes ne vont pas tarder à faire face à cette réalité.
Les sociétés canadiennes se vantent d'avoir un avantage concurrentiel et comme nous assistons à une mondialisation du marché, si les sociétés canadiennes veulent demeurer compétitives, il faudra qu'elles fassent ce qu'il faut.
Le président: Merci, monsieur Duhamel.
Monsieur Dhaliwal.
M. Dhaliwal: Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais poser deux questions. Je trouve fort intéressant ce débat sur le financement de notre régime d'assurance-maladie.
D'aucuns vous diront que ce n'est pas du côté du financement qu'il faut faire quelque chose mais du côté de la prestation des services. On constate que les gouvernements provinciaux trouvent déjà de nouvelles façons de faire. Pour réduire les engorgements des urgences des hôpitaux, on utilise plus intensément les cliniques communautaires. On a davantage recours aux soins prodigués à la maison, ce qui coûte moins cher. On prend donc de nouvelles initiatives et c'est la bonne voie: il faut de nouvelles initiatives pour réduire les coûts et il faut restructurer.
Il faut donc se tourner vers la prestation des services car il existe de meilleurs moyens d'assurer les soins de santé. Il faut une concertation entre les travailleurs du domaine de la santé et le gouvernement afin de voir comment on peut améliorer la prestation des services. C'est ma première question.
Quant à la seconde, j'ai rencontré récemment un médecin, un spécialiste qui avait déménagé aux États-Unis. Il me disait qu'un grand nombre de nos travailleurs de la santé avaient déjà émigré vers les États-Unis, ce qui est très déplorable.
Aux États-Unis, il existe une clinique internationale qui fait appel à nos meilleurs éléments pour dispenser des services à la communauté internationale. Ce médecin propose que nous ouvrions ici au Canada des cliniques internationales puisque les soins que nous offrons comptent parmi les meilleurs du monde. Ainsi, l'infrastructure dont nous disposons aujourd'hui pourrait être conservée et nous pourrions en même temps desservir les marchés internationaux grâce à ces cliniques internationales qui seraient créées sur le modèle américain.
J'aimerais que vous me donniez votre avis là-dessus. Sans oublier les contraintes financières auxquelles nous sommes soumis au Canada et qui sont communes à tous les gouvernements. Qui sait, il y a peut-être des moyens innovateurs, des solutions originales, qui nous permettent de surmonter ces contraintes financières. Inutile de songer à d'énormes sommes d'argent qui ne sont pas disponibles pour l'heure. Ainsi on peut se demander quelles seraient les solutions de rechange pour résoudre les problèmes qui sévissent dans le secteur de la santé.
Mme Connors: En réponse à votre première question, je suis très fière de pouvoir annoncer que cinq de nos organisations membres ont collaboré pour créer un modèle de centre communautaire de soins de santé. Actuellement, elles s'emploient à vendre l'idée auprès des gouvernements provinciaux et de l'administration régionale, et elles en font la promotion auprès de quiconque est prêt à les écouter aux niveaux provincial et communautaire.
Tout comme l'organisation que je représente, je suis fermement convaincue que quelqu'un doit prendre les rênes à l'échelle nationale. Nous reconnaissons qu'il faut apporter des améliorations et c'est volontiers que je discuterais longuement des façons dont on pourrait améliorer le régime de santé. Toutefois, c'est le gouvernement fédéral qui doit montrer la voie à cet égard; la question des budgets réduits en matière de santé et de programmes sociaux en est une dont il faut s'occuper sérieusement.
Quand on sait que les coûts des produits pharmaceutiques atteignent le niveau des honoraires des médecins, quand on sait que la Loi sur les brevets donne des monopoles à des compagnies pharmaceutiques transnationales, on se dit qu'il faut faire quelque chose. Je sais qu'on doit procéder à un examen en 1997 mais j'exhorte le gouvernement à analyser de très près les bénéfices et les monopoles auxquels ces dispositions législatives ont donné lieu.
Nous savons aussi que l'on discute abondamment des honoraires. Tant que nous n'aurons pas réglé la question de la rémunération des médecins, nous ne pourrons pas contenir le coût des soins de santé. Il faut faire quelque chose de ce côté-là.
Un des facteurs déterminants de la santé est le logement social, dont le gouvernement veut se départir. Le logement est effectivement une question de santé. Il faut le reconnaître.
Vous avez en deuxième lieu parlé de l'exode de notre personnel médical hautement qualifié. Nous avons là une des conséquences immédiates des coupures dans le financement de l'éducation postsecondaire dans le domaine de la santé. On forme des infirmières dans les établissements postsecondaires... Ces derniers sont financés à même les deniers publics mais les diplômées ne peuvent pas trouver d'emploi. Elles s'en vont donc aux États-Unis, et sans que ce pays n'ait à faire l'investissement social nécessaire, il profite de travailleurs très compétents que nous avons nous-mêmes formés.
L'idée d'une clinique internationale me rend un peu nerveuse. On ne peut s'empêcher de penser à l'Hôtel de Health en Alberta. Les Canadiens ne cessent de répéter qu'ils veulent que leur régime soit financé publiquement et universel. Ils ne souhaitent pas l'américaniser. Ainsi, notre organisation n'aime pas cette idée et il y a bien des Canadiens qui en pensent autant car si ce genre d'établissement est créé pour servir de soupape de sécurité, cela risque d'être un échec. Nous risquons de nous retrouver dans la même situation qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, où de plus en plus les services sont dispensés par le secteur privé. Il existe désormais un système à deux niveaux.
L'assurance-maladie était autrefois un précieux programme social que le Parti libéral a contribué à fonder et il est en train de se perdre.
M. Dhaliwal: Merci.
Le président: Merci, monsieur Dhaliwal.
Y a-t-il d'autres questions?
Madame Connors et madame Richardson, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'être venues témoigner devant nous.
Mme Connors: J'espère que vous tiendrez compte de nos recommandations. Il n'y en a que cinq.
Le président: Elles sont très importantes et je suis sûr qu'elles recevront l'attention qu'elles méritent.
Mes chers collègues, nous avons dix minutes de retard. Je voudrais poser certaines questions aux représentants de l'Institut professionnel et aussi, s'ils sont ici, aux représentants de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Nous n'avons pas besoin d'être plus que trois députés pour avoir le quorum. Nous n'allons pas voter et j'invite tous ceux qui le souhaitent à rester.
Puis-je vous demander de vous approcher de la table de nouveau, si cela ne vous dérange pas?
Que les députés se sentent libres de partir s'ils ont autre chose à faire.
Merci. Je voudrais vous poser d'autres questions et d'autres membres du comité voudront peut-être en faire autant.
À la page 6 de votre mémoire, vous dites que certains travailleurs sont désignés comme essentiels à la sécurité mais que c'est là un subterfuge dont on se sert pour vous retirer tout pouvoir dans vos négociations avec nous. Pouvez-vous nous donner des cas où cela s'est produit? Quels sont les cas où la présence d'un travailleur est exigée inutilement sous des prétextes de sécurité?
M. McIntosh: Cela est vrai dans bien des cas mais le meilleur exemple serait peut-être le groupe des infirmières où pas moins de 110 p. 100 de l'unité de négociation est désignée pour des raisons de sûreté et de sécurité. Autrement dit, certains postes vacants ont également été désignés comme essentiels à la sûreté et à la sécurité du public. Voilà l'absurdité. Même si ces postes sont vacants, le Conseil du Trésor les a inclus.
Il est facile de comprendre qu'un grand nombre d'infirmières diplômées accomplissent des tâches essentielles à la sûreté et à la sécurité du public mais dans cette unité de négociation, on trouve beaucoup d'employés dont les fonctions sont administratives ou touchent à l'élaboration de la politique. Selon nous, la sûreté et la sécurité du public pourraient être garanties par un nombre beaucoup moins considérable de travailleurs, 40 p. 100 ou 50 p. 100 de l'unité de négociation.
C'est un exemple mais je pourrais vous en donner beaucoup d'autres.
Le président: Merci.
Vous avez dit que le gel des salaires avait une incidence sur le moral et je comprends cela facilement. Il y a maintenant cinq ans que le salaire des fonctionnaires, nos salaires et celui de nos employés sont gelés, n'est-ce pas?
M. McIntosh: Oui. À vrai dire, cela fait six ans car c'est depuis 1991.
Le président: Quant à moi, je sais que je peux compter sur le dévouement et la loyauté de mon personnel car ce n'est certainement pas le salaire qui les attire.
Afin de surmonter cette difficulté, serait-il possible de procéder grâce à une enveloppe? Nous savons que le budget total doit être gelé mais les gestionnaires à qui l'on confierait une enveloppe pourraient selon le cas procéder à des mises à pied ou réduire les salaires tout en conservant la possibilité d'augmenter les salaires selon le rendement. Est-ce que ce genre de régime pourrait fonctionner?
M. McIntosh: Nous sommes venus vous dire aujourd'hui que nous sommes prêts à négocier et à discuter et à réfléchir à toutes propositions que ferait l'employeur, dans la mesure où nous pouvons compter sur un processus défini. C'est ce que nous avons trouvé le plus troublant dans le gel. Vous l'avez dit vous-même, les gens en ont souffert, mais ils souffrent davantage de l'absence de processus officiels permettant aux deux partis de faire valoir leurs points de vue. Voilà pourquoi nous sommes fermement convaincus que si, comme on l'a dit tout à l'heure à propos de la rémunération au rendement...
La rémunération au rendement est une chose dont je me méfie, à moins qu'on établisse un processus qui nous permettrait de négocier là-dessus.
Le président: L'arbitrage exécutoire?
M. McIntosh: C'est tout simplement l'arbitrage.
Le président: C'est tout ce qu'il vous faut pour amorcer les choses?
M. McIntosh: L'arbitrage et/ou une définition plus réaliste des désignations. L'arbitrage serait certainement une solution.
Le président: Puis-je vous poser une autre question? L'année dernière, quand nous étudiions le projet de loi C-56, votre groupe n'a-t-il pas présenté au comité... Quel était ce projet de loi? C'était peut-être le projet de loi C-76 plutôt, n'est-ce pas?
M. McIntosh: C'était le projet de loi C-17, si je ne m'abuse.
Le président: C'était le projet de loi d'exécution du budget.
M. McIntosh: C'est cela.
Le président: Il portait un drôle de numéro.
Plus que n'importe quel autre groupe, vous avez réclamé que l'on introduise la notion de substitution, n'est-ce pas?
M. McIntosh: C'est cela.
Le président: Autrement dit, dans les ministères où il y aurait un grand nombre de mises à pied, une nouvelle configuration des priorités en rendant un grand nombre excédentaires, on pourrait songer à offrir à l'échelle de la fonction publique des conditions très généreuses de départ. Ainsi, on ne mettrait pas à pied tout un groupe d'employés mais on permettrait à ceux qui veulent profiter de ce qui est offert de partir alors que les autres pourraient être mutés à d'autres emplois. En effet, dans d'autres ministères, certains employés pourraient souhaiter prendre leur retraite. C'est bien l'idée que vous avez fait valoir l'année dernière.
Nous avons été frappés par le bon sens de cette approche et en conséquence de vos démarches, nous avons recommandé, dans un rapport spécial connexe, au moment de l'adoption du projet de loi C-76, que l'on adopte une politique de substitution. Je suis un peu déconcerté d'apprendre aujourd'hui que cela ne fonctionne pas comme vous l'auriez espéré. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?
M. McIntosh: Je ne vais certainement pas manquer de souligner le résultat très positif obtenu grâce au travail du comité car c'est peu de temps après l'intervention du comité que le ministre responsable du Conseil du Trésor a donné de nouvelles consignes permettant la substitution.
La difficulté vient du fait que l'application est laissée à la discrétion de la gestion. Les choses ne sont pas faites de façon systématique. C'est notre principale préoccupation. En outre, certains sous-ministres ne sont pas aussi enthousiastes que d'autres. Grâce essentiellement à vos efforts, le processus a été instauré avec un élément discrétionnaire mais nous voudrions que les choses aillent un peu plus loin, que le processus soit officiel, qu'on engage les ressources nécessaires pour garantir qu'on en tire parti au maximum.
Par exemple, dans la région de la capitale nationale, certains ministères ont fait de gros efforts pour permettre ces échanges mais il n'en demeure pas moins qu'à la fin du mois de janvier, quelque 800 personnes étaient encore excédentaires, alors qu'en contrepartie, nous savions qu'il existait une liste de 900 personnes qui souhaitaient faire la substitution. Bien sûr, les compétences offertes ne permettent pas toujours de faire la substitution, mais c'est possible dans certains cas. Il faut avant tout que les gestionnaires locaux endossent le processus et fassent l'effort nécessaire.
Autrement dit, les choses donnent des résultats quand on a de bons gestionnaires et c'est un échec quand les gestionnaires sont moins bons. C'est une mesure discrétionnaire qui a certainement permis de sauver des emplois mais on pourrait s'en servir encore pour en sauver davantage.
Le président: Nous pensions que ce n'était que très rarement qu'un gestionnaire pouvait refuser une substitution en prétextant que personne venant d'un autre ministère ne pourrait avoir les mêmes compétences ou les mêmes antécédents que la personne qui doit partir. Mais vous semblez dire qu'il y a bien d'autres cas où la substitution ne se fait pas.
M. McIntosh: Je vais vous donner un exemple plus précis. Statistique Canada refuse tout échange, un point c'est tout. Ce n'est qu'un ministère parmi d'autres. Comme d'autres syndicats, nous avons signalé la chose mais en vain. Statistique Canada reste sur ses positions.
Le président: Quel motif invoque-t-on?
M. McIntosh: Selon mois, la raison n'est pas très valable mais essentiellement, on explique que la planification au sein du ministère en souffrirait, et c'est pour cela qu'on refuse d'accepter des gens qui viennent d'autres ministères. Tout le monde est logé à la même enseigne et personne ne peut faire cavalier seul. Nous faisons tous partie de la fonction publique et par les temps qui courent, il faut s'entraider.
M. Stannard: Permettez-moi d'ajouter qu'il y a eu un échange avec ce ministère, et cela a fait la une des journaux car il s'agissait d'un poste de gestionnaire. Il y a eu abus. Cela nous a donné une mauvaise presse non seulement dans ce ministère mais à l'autre ministère, Ressources naturelles Canada, car ils sont devenus très réticents à toute idée de substitution à cause du tollé politique et public causé par cet abus.
Le président: Et qui a dénoncé l'abus?
M. Stannard: Il s'agissait d'un échange à la haute direction. Je préfère m'abstenir de discuter le cas des intéressés mais cela a été rendu public. Malheureusement, des milliers de fonctionnaires dans deux grands ministères en subissent les conséquences.
Le président: Est-ce que c'est un des ministères qui a dénoncé l'abus? Était-ce les médias ou un député?
M. Stannard: Il s'agit d'un abus qui a été révélé au public.
Le président: Excusez-moi. Je ne comprends pas. De quel genre d'abus s'agissait-il? S'agissait-il d'un abus du processus de substitution?
M. Duhamel: Si je comprends bien, on a déclaré que l'application des règles en vigueur profitait à l'intéressé.
Le président: La personne qui acceptait un emploi ou la personne qui le cédait?
M. Duhamel: La personne qui cédait son emploi. Je pense...
Le président: La personne qui a donc pu quitter la fonction publique, n'est-ce pas?
M. Duhamel: C'est cela.
Le président: Oui, Ron?
M. Duhamel: Je voudrais une précision. Ce sujet est important en ce sens que l'intervention du comité a permis notamment que le gouvernement revienne sur sa position. Ne serait-il pas opportun de demander un bref rapport sur le nombre de substitutions? Nous pourrions alors analyser ce rapport. Voilà ce que je propose car je pense qu'il vaut la peine d'en avoir le coeur net.
Le président: Je pense que c'est une bonne idée. Nous devrions demander au ministre de nous faire parvenir cela dans les plus brefs délais.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. McIntosh: Par où commencer?
Je ne voudrais pas rater l'occasion de parler du processus d'adaptation mixte que le ministre Eggleton a signé avec les agents négociateurs le 30 mai 1995.
Nous avons eu du mal à le mettre en oeuvre en particulier dans la région de la capitale nationale mais le fonctionnement en a été efficace dans les provinces de Québec et du Manitoba. Je pense qu'il serait souhaitable de rappeler aux sous-ministres et aux hauts fonctionnaires qu'ils doivent s'engager à mettre ce mécanisme en oeuvre, avec toute l'efficacité souhaitable, et la voix du comité ne peut pas manquer d'être entendue.
M. Duhamel: Une précision, s'il vous plaît. Parlez-vous des substitutions quand vous parlez de ce processus?
M. McIntosh: Non. Il s'agit du produit du travail du comité mixte patronal-syndical qui s'occupe de la transition. Dans le processus, des substitutions entre ministères sont prévues mais on envisage également de trouver des débouchés dans le secteur privé et dans les groupes communautaires.
M. Duhamel: J'ai compris ce que vous en avez dit, pour l'essentiel, mais je ne comprends pas pourquoi on a obtenu de meilleurs résultats au Québec et au Manitoba? Quels en sont les attributs? J'avais l'impression que c'était les institutions qui posaient le plus de difficulté, mais non pas par manque de collaboration de votre part. Expliquez-moi pourquoi le processus a été plus fructueux au Québec et au Manitoba qu'ailleurs, sans vous attarder aux substitutions, que nous comptons aborder à part.
M. McIntosh: Parmi les principales difficultés, le manque d'engagement de la part de la gestion vient en tête de liste. L'engagement est ce qui fait défaut dans les autres régions.
Il s'est fait sentir de façon plus aiguë dans la région de la capitale nationale. Lors des réunions, les délégués des gestionnaires se bornaient à parler de leur propre ministère et, de plus, seulement de quatre à six ministères sont représentés au comité.
Puis il y a la question des ressources et du temps nécessaire pour faire ce travail. Pour que ce système fonctionne, il faut y mettre du temps. Avec les compressions d'effectifs, les gens sont très occupés. Il faut donc assigner les ressources nécessaires.
Voilà donc les trois raisons principales.
Le président: Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk: J'aimerais poursuivre dans cette veine. J'ai été président d'un comité de l'adaptation de la main-d'oeuvre lors de la fermeture d'une grosse usine. Je ne sais pas si le Manitoba a procédé ainsi. A-t-il formé un comité de six personnes avec représentation du syndicat et de tous les intéressés? Le comité a évalué les postes, a cherché des remplacements et il a étudié le cas de ceux qui voulaient profiter des conditions de départ offertes. Est-ce ainsi qu'on a procédé au Manitoba?
M. McIntosh: Les conditions arrêtées par le Conseil du Trésor sont à la disposition des employés que l'on déclare excédentaires. Mais vous avez tout à fait raison. Au Manitoba même, il y a un comité mixte qui se penche sur les solutions de rechange possibles et cela peut faire intervenir des entreprises de la région.
M. Fewchuk: Y a-t-il un groupe homologue pour l'Ontario?
M. McIntosh: Oui.
M. Fewchuk: Est-il déjà organisé, comme au Manitoba?
M. McIntosh: Oui. Il y a 11 comités qui ont été formés dans tout le Canada, un pour chacune des provinces et le onzième pour la région de la capitale nationale.
M. Fewchuk: Je vous posais la question car je sais que certains groupes procèdent ainsi. Mais je m'inquiète toujours de la composition du groupe, des six personnes retenues. C'est peut-être de là que vient la difficulté.
M. McIntosh: Vous avez raison.
Le président: Merci, monsieur Fewchuk.
Monsieur Stannard.
M. Stannard: À propos de la remarque de M. Fewchuk, la difficulté vient en partie du fait que certains de ces comités étaient déjà formés dès l'année dernière mais n'ont pas tenu plus de deux réunions jusqu'à présent. Autrement dit, le fonctionnement de ces groupes a été retardé de presque un an.
Dans la région de la capitale nationale en particulier, où on s'attend au départ d'un grand nombre de fonctionnaires, les choses sont d'autant plus difficiles que nous n'avons jamais connu une réduction de personnel à l'échelle industrielle, comme ce fut le cas d'une aciérie à Hamilton, d'une usine de fabrication de voitures à Windsor, par exemple. Dans le secteur privé, ce genre de comité existe déjà depuis longtemps. Mais ils sont soumis à une réglementation gouvernementale.
Grâce à l'expérience qu'ils avaient acquise, ces comités ont pu tout de suite commencer à placer les gens et ils menaient leurs activités bien avant que le comité de la région de la capitale nationale ne se réunisse une seule fois. Dans la région, ce genre de comité n'a jamais existé. Je ne pense pas qu'il y en ait jamais eu car nous n'avons jamais connu de réductions massives de l'effectif dans l'industrie principale de la ville, l'administration gouvernementale. Ce qui est inquiétant, c'est le retard et le manque d'expérience.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fewchuk.
Monsieur Stannard et monsieur McIntosh, encore une fois, vos observations ont été très pertinentes et elles nous seront très utiles. Merci beaucoup.
M. Stannard: Merci.
M. McIntosh: Merci.
Le président: La séance est levée jusqu'à demain à 15 h 30.