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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 mai 1996

.0930

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le Comité des finances de la Chambre des communes commence ses audiences sur ce qui constitue un bien canadien imposable dans le contexte fiscal international.

Nous avons aujourd'hui des témoins du ministère des Finances, le sous-ministre,David Dodge, le sous-ministre adjoint principal, Don Drummond, et le directeur de la législation, Len Farber. Nous avons aussi le sous-ministre de Revenu Canada, Pierre Gravelle.

Je crois, monsieur Dodge, que vous allez faire un exposé. Nous passerons ensuite aux questions.

Merci beaucoup. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires.

M. David Dodge (sous-ministre, ministère des Finances): Merci, monsieur le président.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Avant d'amorcer mes commentaires, au nom des ministres Martin et Stewart, je tiens à vous remercier et à remercier les membres du comité d'avoir accepté de vous pencher sur les importantes questions d'orientation que le vérificateur général a cernées dans son récent rapport.

C'est une question très importante. Elle n'a pas été examinée par le Parlement depuis 1971, c'est-à-dire depuis l'adoption de la loi, à la suite du rapport de la commission Carter. Au nom du ministère, en fait au nom de nos deux ministères, je tiens à vous remercier d'avoir accepté cette tâche.

Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter Don Drummond, qui porte maintenant un nouveau titre. Vous avez connu Don lorsqu'il était sous-ministre adjoint à la politique fiscale, l'architecte de tous les problèmes que posent les budgets. Maintenant, Don est passé au poste de sous-ministre adjoint principal responsable de la politique fiscale. C'est donc à ce nouveau titre qu'il est ici avec nous aujourd'hui.

Si vous le permettez, j'aimerais commencer par examiner avec vous brièvement la manière dont le Canada impose actuellement les gains en capital, en m'attachant plus particulièrement au régime fiscal des personnes, y compris les fiducies, qui cessent d'être résidents du Canada. Je ferai aussi quelques remarques sur les règles appliquées à l'étranger dans ce genre de cas.

J'ai pensé qu'il serait utile au comité - du moins je l'espère - de vous décrire les grandes lignes du régime qui est actuellement en vigueur et de vous laisser ensuite certaines questions que vous examinerez, je l'espère, en ce qui concerne ce sujet plutôt difficile.

Les questions que vous avez été chargés d'étudier ne trouvent leur raison d'être que si l'on comprend le régime fiscal appliqué aux gains en capital au Canada, et avec votre permission, c'est par là que je vais commencer. Comme vous le savez, un gain en capital est simplement la différence entre le prix d'achat et le prix de vente d'un bien. Aux fins de l'impôt, nous incluons les trois quarts de ce gain dans le revenu du contribuable.

Nous considérons ce gain comme un revenu seulement lorsque le gain est vraiment réalisé. C'est une partie importante de notre régime depuis 1972, lorsque nous avons commencé à imposer les gains en capital, et à conclure des accords pour déterminer le régime fiscal à cet égard sur le plan international.

Permettez-moi d'utiliser un exemple simple de cette question clé de l'imposition au moment de la réalisation du gain, plutôt que d'imposer le gain couru. Supposons que j'aie acheté hier matin une action d'une société au prix de 10$ et qu'ensuite la société découvre un gisement d'or, de sorte que l'action vaut 20$ aujourd'hui. Ainsi, sur papier, j'ai un gain couru de 10$, ce qui pourrait disparaître demain, si l'on constatait que l'or n'est en réalité que des scories, car le prix de l'action chuterait. En effet, il y a beaucoup de fluctuations.

En outre, de nombreux biens ne sont pas cotés tous les jours à la bourse, comme c'est le cas des actions ordinaires, de sorte que nous ne savons pas vraiment quelle est leur valeur. Par conséquent, pour des raisons d'ordre tout à fait pratique, au Canada, comme dans la plupart des autres pays, on impose les gains en capital seulement au moment où ils sont réalisés, c'est-à-dire au moment où le contribuable a réellement l'argent en main pour payer l'impôt exigé.

.0935

Il existe deux exceptions générales à cette règle et toutes deux concernent les cas où un contribuable cesse d'être résident du Canada. La première exception est très simple. Il s'agit du cas où le contribuable cesse d'être résident du Canada en raison de son décès, et nous incluons simplement les gains courus dans le revenu de l'année du décès et nous les imposons.

Lorsqu'un contribuable émigre du Canada - et un contribuable peut être en l'occurrence une fiducie ou une personne ordinaire - nous appliquons en principe la même règle. Il existe cependant certaines catégories de biens, et j'y viendrai dans un instant, soit les biens qui restent en réalité au Canada. Dans ces cas, pour les personnes qui émigrent, nous disons que nous suivrons le principe fondamental de la Loi de l'impôt sur le revenu et que nous imposerons ces gains au moment de leur réalisation.

Vous devriez avoir reçu un mince document. J'essaie de vous expliquer son contenu d'une manière raisonnablement simple. Au deuxième point de ce document, figure une liste des types de biens pour lesquels la réalisation n'est pas réputée avoir lieu au moment de l'émigration du contribuable. Les deux éléments clé de cette liste sont les biens immeubles situés au Canada et les actions d'une corporation privée résidant au Canada.

Comme je l'ai dit, l'une des raisons pour lesquelles la loi n'envisage pas de percevoir l'impôt sur le gain couru au moment de l'émigration est que les autorités fiscales canadiennes continuent de pouvoir mettre la main sur des biens de cette nature. Deuxièmement, il existe des problèmes d'évaluation très difficiles parce que ces biens ne font pas normalement l'objet de transactions quotidiennes. Ce sont donc des raisons très pratiques.

Il y a évidemment d'autres raisons importantes. Si vous prenez le cas d'une personne qui quitte Calgary pour aller vivre en Arizona parce qu'elle souffre d'arthrite ou d'autres problèmes de santé, et que cette personne possède un immeuble d'habitation à Calgary qui lui fournit un revenu, il est raisonnable de ne pas faire payer d'impôt au moment où la personne quitte le pays. De même, il y a beaucoup d'entrepreneurs canadiens qui possèdent des sociétés privées et qui vont temporairement travailler à l'étranger. Il serait déraisonnable et peu pratique de percevoir un impôt au moment où ces personnes émigrent. Du moins, c'est le raisonnement qui sous-tend les dispositions de la loi.

C'est la question vraiment difficile que monsieur le ministre Martin et madame la ministre Stewart ont demandé à votre comité d'examiner. Convient-il de continuer de traiter des biens de cette catégorie de la manière dont nous l'avons fait?

Permettez-moi de vous parler de quelques autres règles. Comme je l'ai dit, les fiducies sont généralement traitées de la même manière que les particuliers, aux fins de l'impôt sur le revenu, et les règles qui s'appliquent aux particuliers s'appliquent également aux fiducies. Si vous regardez le quatrième point, à la page 2 du document, vous verrez qu'on y parle d'une règle spéciale. Si une fiducie canadienne distribue des biens à un bénéficiaire non résident, l'impôt est payable sur tous les gains sauf les gains tirés d'un bien canadien imposable, dit BCI. Les gains tirés d'un BCI demeurent imposables comme revenu du bénéficiaire non résident au moment où ils sont réalisés. Par conséquent, comme dans le cas des particuliers, il n'y a pas de besoin apparent de les imposer prématurément.

Supposons par exemple qu'une action d'une société hypothétique ne soit pas détenue par une personne, mais par une fiducie qui a un bénéficiaire non résident. Dans ce cas, si la fiducie distribue l'action au bénéficiaire, une action qui vaut 20$ et contient 10$ de gain couru, le gain ne sera pas imposé au moment où le paiement est fait, à moins que l'action ne soit en réalité un bien canadien imposable. Si elle est un BCI, le Canada, sous réserve des conventions évidemment, imposera tout gain réalisé par la suite par le bénéficiaire.

.0940

Il y a une autre règle que je dois mentionner, et il s'agit d'une règle visant à empêcher ce qui serait autrement une façon aisée d'éviter l'impôt. Cette règle est décrite au cinquième point de la deuxième page du document.

Si les non-résidents étaient imposés seulement sur leurs gains tirés d'un BCI, il serait très facile d'imaginer comment un non- résident pourrait éviter de payer l'impôt au Canada. La personne qui possède une action d'une société canadienne privée pourrait profiter des dispositions de roulement de la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'échanger cette action contre une action d'une société publique. Étant donné que les actions de sociétés publiques ne sont pas des biens canadiens imposables, cette personne pourrait éviter de payer tout impôt canadien. Nous avons donc dans la loi une règle qui dit essentiellement que si l'on profite de cette disposition de roulement pour échanger une action d'une société privée contre une action d'une société publique, nous examinerons la situation. Si le bien était un BCI au départ, il continue d'être un BCI. Cette règle empêche les gens de se livrer à cette sorte de jeu.

Le président: Excusez-moi, monsieur Dodge, de quelle disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu s'agit-il?

M. Dodge: C'est l'alinéa 85(1)i).

Cette règle de présomption s'applique aux décisions particulières de Revenu Canada qui ont été signalées par le vérificateur général, mais il s'agit en fait d'un aspect mineur de la politique globale conçue pour empêcher l'évitement fiscal.

Permettez-moi, monsieur le président, de dire quelques mots au sujet des conventions fiscales. Lorsqu'on parle d'émigration, il est vraiment important d'aborder la question de ces conventions. Nous en sommes maintenant en haut de la troisième page du document, au point 6.

Il importe de se rappeler que les questions traitées dans les conventions fiscales ne portent généralement pas sur l'évitement de l'impôt. Les conventions fiscales visent à faire en sorte que les contribuables ne sont pas imposés deux fois, en établissant les règles pour déterminer lequel des deux pays a le droit de percevoir l'impôt. Dans le cas du contribuable qui émigre du Canada avec des biens canadiens imposables, la convention prévoit un ensemble de règles pour déterminer ce que le Canada peut taxer et ce que le gouvernement étranger peut taxer.

Il est important de signaler qu'il ne s'agit pas d'une question d'évitement de l'impôt pour le contribuable. Le contribuable finira par payer l'impôt. La question est de savoir si le contribuable en question paiera l'impôt au gouvernement canadien ou au gouvernement étranger.

Le Canada impose ses résidents sur la totalité de leurs gains, et les non-résidents sur les gains réalisés sur les biens canadiens imposables, et cela crée une possibilité de double imposition. Que faire si le Canada impose le gain d'un non-résident sur un BCI et que le pays de résidence du même contribuable veut lui aussi taxer le même gain? Ou que se passe-t-il si le Canada impose un résident canadien sur les gains réalisés dans un autre pays et que cet autre pays veut lui aussi taxer ce gain? C'est pour résoudre ce genre de situation que nous avons des conventions fiscales.

À cet égard, les conventions conclues par le Canada suivent généralement le modèle de l'OCDE. En vertu de ce modèle, le gain en capital est imposé dans le pays de résidence du contribuable. Deux exceptions sont à noter.

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La première est que les gains sur les immeubles situés dans l'autre pays peuvent être imposés dans celui-ci. Par conséquent, un résident des États-Unis, par exemple, qui vend un immeuble au Canada est assujetti à l'impôt canadien sur le gain tiré de la vente.

La seconde exception touche la règle décrite précédemment, concernant le report de l'impôt canadien sur les BCI. Vous vous rappellerez que, si je quitte le Canada avec mon action hypothétique, je ne serai pas assujetti immédiatement à l'impôt sur le gain couru au moment de mon départ. Si j'émigre dans un pays avec lequel le Canada a signé une convention fiscale, la règle de base de la convention est que seul ce pays-là pourra imposer mon gain sur l'action lorsque je la revendrai. Le Canada aura perdu la possibilité d'imposer le gain au moment de mon émigration, et la convention l'empêchera ensuite de l'imposer.

Nous avons donc une seconde exception à la règle fondamentale des conventions - selon laquelle les gains sont imposables uniquement par le pays de résidence - et elle protège le droit du Canada de taxer les anciens résidents. Pendant un nombre d'années déterminé après leur départ du Canada - cette période varie selon le pays, mais elle de dix ans dans la convention signée avec les États-Unis - les anciens résidents demeurent imposables au Canada sur les biens détenus pendant qu'ils y résidaient. C'est la totalité du gain jusqu'au moment de la disposition, et non uniquement la partie courue avant l'émigration du contribuable, qui est imposable au Canada.

Ce sont là les règles fondamentales. Elles sont un peu compliquées, mais c'est le régime que nous avons. Premièrement, nous imposons les gains en capital lorsqu'ils sont réalisés. Il y a une exception quand un contribuable émigre: la plupart des gains courus sont alors imposés. Comme le Canada conserve le droit, sous réserve évidemment des conventions fiscales, d'imposer les gains sur les biens canadiens imposables, ces derniers ne sont pas soumis à cette règle de disposition présumée lorsque le contribuable émigre. Ils seront imposés au moment de la disposition du bien. C'est essentiellement ainsi que le régime fonctionne.

Avec votre permission, je ferai maintenant des comparaisons internationales, car je pense qu'il est juste de se demander comment d'autres pays abordent ce problème. Chaque pays a son propre ensemble de règles. Je vais me concentrer sur trois autres pays, parce que notre régime fiscal semble concorder à bien des égards avec ceux de ces trois pays.

Le premier de ces pays est les États-Unis. Les États-Unis imposent les particuliers en fonction de leur citoyenneté de même que de leur lieu de résidence. Je pense que c'est l'un des rares pays à agir ainsi. Par conséquent, un citoyen américain qui quitte les États-Unis reste assujetti au régime fiscal américain. Un résident étranger aux États-Unis, par contre, cesse généralement d'être assujetti à l'impôt américain sur ses biens non américains lorsqu'il quitte les États-Unis. On serait tenter de conclure que les États-Unis devraient mesurer et imposer les gains en capital courus d'un citoyen, au moins sur les biens non américains, quand il renonce à la citoyenneté américaine, et qu'ils devraient mesurer et imposer les gains d'un résident étranger lorsque celui-ci quitte les États-Unis. On serait porter à croire que les États-Unis devraient agir ainsi. Or, jusqu'ici, ils n'ont adopté aucune des deux méthodes.

D'après les règles actuelles, un particulier peut quitter les États-Unis sans que les gains courus ne soient imposés. Les États-Unis ont examiné notre régime et celui d'autres pays, et ils changeront probablement leurs règles. L'administration en place et le Congrès ont proposé une règle de disposition réputée qui ressemble, sur certains points, à celle qu'applique le Canada. Jusqu'ici, cependant, le projet de loi n'a pas été adopté. Si cette règle prend force de loi, elle sera semblable à la nôtre, sauf qu'elle prévoit une exemption extrêmement généreuse. La première tranche de 600 000$ de gains résultants d'une disposition réputée sera entièrement exonérée d'impôt.

Alors, pour le moment, les États-Unis n'ont essentiellement pas de règles. Ils envisagent un groupe de règles, mais elles s'appliqueraient à partir d'un seuil très élevé.

Je passe maintenant au Royaume-Uni. À la différence du Canada, le Royaume-Uni n'impose pas les émigrants, à part les fiducies, sur les gains en capital non réalisés courus pendant qu'ils résidaient dans le pays. Un particulier peut donc quitter le Royaume-uni sans avoir d'impôt à payer immédiatement sur les gains en capital.

.0950

Depuis 1991, la règle britannique applicable aux fiducies est généralement comparable à celle qui s'applique au Canada: une fiducie qui quitte le pays est réputée avoir disposé de tous les biens qui sortent de l'assiette fiscale britannique. Les sociétés qui cessent de résider au Royaume-Uni sont considérées comme ayant disposé de tous leurs biens, sans aucune exception. Cette règle se compare également à celle qui est en vigueur au Canada.

C'est le régime fiscal australien qui se rapproche sans doute le plus du système canadien. Leur similitude s'étend au régime qui s'applique aux émigrants. Ces derniers sont considérés comme ayant disposé de toutes leurs immobilisations pour un produit égal à la juste valeur marchande. Une exception est faite dans le cas des biens australiens imposables - une catégorie tout à fait comparable à nos BCI - qui comprennent les biens immobiliers australiens, les actions de sociétés australiennes privées et certaines participations dans des fiducies, par exemple.

Par conséquent, parmi les pays les plus comparables au Canada, seule l'Australie a un système aussi développé pour l'imposition des personnes qui changent de pays de résidence. Cela ne veut pas dire que les règles canadiennes ne sauraient être améliorées, mais cela signifie que nous n'avons pas à craindre que notre système soit plus poreux ou plus généreux que celui de nos principaux partenaires commerciaux.

Si vous les permettez, monsieur le président, j'aimerais parler quelques minutes de certaines des questions de fond. Ensuite, nous pourrons peut-être vous aider à amorcer vos délibérations en discutant avec vous de ces questions.

Comme vous le savez, ce renvoi au Comité des finances a été motivé par les préoccupations que le vérificateur général a exprimées dans son dernier rapport. Celui-ci était axé sur une opération particulière, qui comprenait plusieurs étapes complexes. Elle mettait également en cause des contribuables extrêmement riches. Cela a eu tendance à masquer les questions de fond qui sont en jeu ici. Pour faire ressortir ces questions, il est bon de mentionner certains facteurs de complication, pour ensuite les écarter.

En premier lieu, le bien en question est devenu un bien canadien imposable d'une façon assez particulière. Il était constitué d'actions d'une société publique canadienne. De telles actions ne sont généralement pas des biens canadiens imposables, à moins que l'actionnaire en cause, associé à des personnes qui ont avec lui un lien de dépendance, soient propriétaire d'au moins 25 p. 100 de la catégorie d'actions en question. Et si les actions ne sont pas des biens canadiens imposables, les gains courus sont réalisés au moment de l'émigration.

Dans ce cas-ci, cependant, l'actionnaire avait acquis des actions d'une société publique en échange d'actions d'une société privée canadienne. Comme je l'ai indiqué, lorsque des actions de sociétés privées sont des biens canadiens imposables et que l'échange a lieu dans le cadre d'un roulement, la Loi de l'impôt sur le revenu considère les actions de sociétés publiques comme des biens canadiens imposables. C'est un des aspects qui compliquait cette transaction.

Ensuite, l'actionnaire initial était une fiducie canadienne: un bénéficiaire de cette fiducie était une autre fiducie résidant à l'étranger, et le bénéficiaire de cette deuxième fiducie était un particulier qui lui aussi résidait à l'étranger. Par conséquent, l'incidence fiscale de l'opération était déterminée en fonction des règles applicables aux fiducies. Mais il faut bien comprendre que le résultat aurait pu être le même - et que les mêmes questions auraient pu se poser - si aucune fiducie n'avait été en cause et s'il s'était agi de simples contribuables.

En ce qui concerne la politique fiscale, il s'agissait là des facteurs de complication, mais la question fondamentale ne change pas. Premièrement, nous pouvons laisser de côté l'échange d'actions de sociétés privées pour des actions de sociétés publiques. En second lieu, on peut éliminer les deux fiducies. On se retrouve alors avec la même question fondamentale.

Comme les actions constituent des BCI, le particulier n'aurait pas été considéré comme ayant réalisé les gains courus au moment de son départ; au lieu de cela, il aurait été assujetti à l'impôt canadien au moment de la revente des actions. De plus, ce particulier aurait pu échapper complètement à l'impôt canadien - pas à l'impôt simplement mais à l'impôt canadien - s'il avait gardé les actions pendant plusieurs années après son émigration et si son nouveau pays de résidence avait conclu avec le Canada une convention fiscale interdisant soit à ce pays, soit au Canada d'imposer ses anciens résidents sur certains types de biens, passé une période déterminée. La convention fiscale avec les États-Unis précise une période de dix ans.

.0955

Autrement dit, cet exemple plus simple - et plus courant - produit exactement le même résultat fiscal que l'opération qui a été mentionnée dans le rapport du vérificateur général. Il faut tout compte fait se demander si au point de vue politique fiscale, nous obtenons les résultats appropriés. C'est ainsi que des questions très importantes se présenteront au comité.

La question de fond la plus générale est de savoir comment imposer les gains sur les BCI. Nous pourrions simplement maintenir le système actuel qui consiste à imposer le gain sur les actions - que ce gain soit couru avant ou après l'émigration - uniquement au moment de la disposition des actions. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut modifier les règles sur les déclarations et les choses du genre, mais nous maintiendrions plus ou moins le système actuel. Nous pourrions cependant décider d'imposer le particulier sur le gain couru au moment où il émigre. Ainsi les gains courus au titre des BCI seraient traités exactement de la même façon que les gains courus au titre d'actions de Bell Canada ou d'une compagnie du secteur de l'acier.

C'est là la question fondamentale de plus grande portée sur laquelle le comité doit se pencher. Je crois que vous constaterez dans le cadre de votre étude que les choses ne sont pas aussi simples qu'on croirait.

Il faudrait se demander par exemple comment les règles des conventions fiscales s'appliqueraient. Si les gains courus sont imposables, par exemple, au moment de l'émigration, on peut se demander si le contribuable devra payer des impôts pour le même bien dans son nouveau pays. Dans l'affirmative, est-ce juste? Si vous imposez les gains au moment de l'émigration, comment pourrez-vous assurer l'évaluation du bien? Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'actions d'une société privée ou des biens immobiliers, et qu'il faudra respecter les dispositions sur l'évaluation. Qu'arrive-t-il si le particulier n'a pas suffisamment de liquidités pour payer cet impôt? Est-ce que Revenu Canada devra accepter une garantie, par exemple, pour le paiement de l'impôt et attendre pour percevoir celui-ci que les actions soient vendues? Cela pourrait être une autre façon de procéder.

Il existe toutes sortes de questions connexes que votre comité devra étudier. Alors qu'on pourrait croire qu'il s'agit de choisir entre telle et telle chose, tout n'est pas si simple.

Monsieur le président, j'aimerais profiter de l'occasion pour signaler que nous aimerions que le comité se penche sur d'autres aspects. Par exemple, les règles qui obligent les émigrants à tenir compte des gains sur les biens autres que les BCI au moment de leur départ du Canada sont-elles appropriées? Qu'en est-il des règles qui mesurent les gains des immigrants sur les biens autres que les BCI...

[Français]

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je fais appel au Règlement, monsieur le président. Notre séance doit se terminer à 11 h et nous n'avons parlé ce matin que des aspects techniques du dossier des gains en capital. J'aimerais passer rapidement aux questions parce que, malgré toutes les séances qu'a tenues le Comité permanent des comptes publics, dont j'ai lu les procès-verbaux, beaucoup de questions demeurent en suspens sur le cas qui nous intéresse particulièrement et le fait que deux milliards de dollars en fiducie familiale ont été transférés aux États-Unis sans que ne soit prélevé un cent d'impôt.

Quant aux questions techniques, nous les connaissons déjà pour la plupart et pourrons toujours nous y reporter. Un groupe d'experts travaille en collaboration avec le Comité permanent des finances en vue de déblayer toute cette question et de faire des propositions au gouvernement à l'automne. J'aimerais donc passer tout de suite aux questions.

Le président: Je constate que c'est la première fois que le Comité permanent des finances discute de cette question dont les éléments sont assez complexes.

.1000

Nous ne sommes pas tous experts en matière de fiscalité internationale et j'aimerais que nous prenions assez de temps pour nous assurer que tous les députés comprennent bien notre système de fiscalité et cette situation particulière. Je puis vous assurer que nous aurons beaucoup de temps pour continuer de discuter de cette question avec les témoins et entre membres du comité.

M. Loubier: Monsieur le président, je me permets de revenir à la charge. Dans deux cas particuliers, deux milliards de dollars en fiducie familiale ont été transférés en vertu de certaines dispositions fiscales, ou surtout en fonction d'interprétations de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, sans qu'on paye un cent d'impôt.

J'aimerais que nous restreignions le champ de notre enquête et les propos de nos témoins en vue d'avoir cette fois-ci un véritable éclairage sur les données et paramètres qui ont conduit à la décision de 1991 et sur les dispositions fiscales alors invoquées. J'aimerais que nous revenions sur des questions auxquelles n'ont pas répondu ces messieurs lors de leur comparution devant le Comité permanent des comptes publics.

Il me semble qu'il serait plus enrichissant pour nous et plus fructueux par rapport à notre mandat de passer aux questions. Notre mandat a été très clairement énoncé par le ministre des Finances; il consiste à élucider ce qui a conduit à cette décision et à trouver des moyens pour que cela ne se reproduise plus à l'avenir, bien que je croie que cela se soit déjà produit depuis que ces messieurs ont créé le précédent et l'ont rendu public récemment.

Le président: D'ici dix minutes, vous aurez assez de temps pour poser des questions directes et précises et procéder à votre étude. Quant à moi, j'aimerais que M. Dodge continue.

[Traduction]

M. Dodge: Monsieur le président, il y a deux autres questions que j'espère bien que le comité examinera. D'abord, les autres types de biens qui sont considérés comme des BCI pour les non-résidents. La liste que je vous ai donnée à la page 1 est-elle appropriée? Devrait-elle être plus courte ou plus longue? Ensuite, il y a la règle qui permet de reporter l'impôt dans le cas des immigrants ayant des fiducies étrangères.

Il y a donc toute une série de questions connexes qui sont assez complexes; j'espère que le comité les étudiera.

Monsieur le président, la conclusion qui se dégage clairement de mes remarques est que la tâche du comité n'est pas de tout repos. Un examen approfondi des questions relatives aux migrations de contribuables est un défi de taille. Le Canada a déjà des règles plus complètes dans ce domaine que la plupart des autres pays. Ce ne sera pas facile de trouver des façons d'affiner ces règles sans pour autant entraver la mobilité ou compliquer exagérément le système.

Cela dit, je tiens également à exprimer au comité toute la confiance que j'ai dans sa capacité de s'attaquer à ces questions. Comme je l'ai indiqué, moi-même et mes collègues sommes à votre entière disposition, et je suis certain qu'il en va de même pour Pierre et ses collègues de Revenu Canada. Il y a également nombre d'intervenants du secteur privé qui peuvent vous aider et vous offrir des conseils. En fin de compte, c'est le Parlement qui doit se prononcer, et c'est votre comité qui devra prendre les décisions fondamentales qui auront un impact sur les contribuables qui émigrent du Canada ou immigrent au Canada.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Dodge.

Je ne sais pas si vous voulez discuter de la question maintenant, mais le vérificateur général n'a pas mâché ses mots dans son rapport. Il a critiqué vertement les transactions dont nous parlons. Il a dit qu'on avait frustré l'intention du législateur en ce qui a trait à l'imposition des gains en capital. Puis il a dit qu'on a peut-être même miné l'assiette fiscale en renonçant tout compte fait à des millions de dollars en impôts. Voulez-vous répondre à ces affirmations maintenant ou plus tard?

M. Dodge: Je peux faire deux brefs commentaires.

.1005

Tout d'abord, d'après le libellé actuel de la loi, les mesures prises étaient parfaitement appropriées dans les circonstances. On a fait exactement ce qui était prévu dans la loi... la loi a été mise en oeuvre exactement comme je vous l'ai décrit.

La deuxième question est...

Le président: En d'autres termes, vous n'êtes pas du tout d'accord avec le vérificateur général lorsqu'il dit que ce qui a été fait a frustré l'intention du législateur.

M. Dodge: C'est vrai.

La deuxième question qui se pose cependant est de savoir si le Canada, aux termes de la loi actuelle, renonce ou peut renoncer à son droit d'imposer des gains lorsque ces derniers sont réalisés - dans le cas des États-Unis - plus de dix ans après l'émigration du contribuable canadien. Le vérificateur général a parfaitement raison à cet égard. La loi dans son libellé actuel prévoit que le Canada renoncera à ces recettes.

La question que nous posons à votre comité tout compte fait est de savoir si c'est ce que devrait prévoir la loi. C'est là une des répercussions du régime actuel, et les mesures qu'on pourrait prendre pour y remédier pourraient avoir elles-mêmes certaines répercussions particulières. C'est sur ces répercussions que votre comité devra se pencher, monsieur le président.

Le président: Je suis convaincu que le comité présentera un rapport unanime sur la solution à adopter, monsieur Dodge.

[Français]

Commençons par les questions de M. Loubier.

M. Loubier: Monsieur le président, ce n'est pas trop tôt.

Nous travaillons depuis près de trois ans avec les sous-ministres et sous-ministres adjoints du ministère des Finances. Je me rappelle fort bien qu'un sous-comité avait été mis en place pour analyser les fiducies familiales il y a un an et demi. Nous y avions participé et avions la volonté de trouver des façons de régler certains problèmes liés aux fiducies familiales. À toutes les fois, l'exercice consistait, pour le sous-ministre et son adjoint, M. Farber, et parfois aussi M. Drummond, à noyer le poisson et à nous dire qu'il n'y avait pas de problèmes avec les fiducies familiales, que nous ne devrions pas nous en faire et que nous devrions leur faire confiance. J'ai retrouvé exactement la même façon de présenter les choses. M. Dodge disait tout à l'heure que la population canadienne n'avait pas à craindre que notre régime soit plus généreux ou plus poreux que celui de nos partenaires commerciaux.

Quand deux milliards de dollars d'actifs en fiducie familiale de résidents canadiens traversent de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis, sans que ne soit prélevé un cent d'impôt, comment peut-on avoir confiance dans le système fiscal et ne pas avoir l'impression qu'il est plus poreux ou plus permissif qu'ailleurs? Ça n'a pas d'allure.

En deuxième lieu, j'écoutais M. Dodge se pencher avec plein de compassion sur la misère des millionnaires et des milliardaires canadiens, disant qu'il leur était difficile d'évaluer la valeur de leurs actifs et d'en faire une disposition fictive lorsque vient le moment de payer leurs impôts. Je me rappelle que l'année dernière, à un autre sous-comité, nous avions posé à M. Farber une question relativement à la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu visant à éliminer l'exonération sur les premiers 100 000$ de gains en capital. Nous lui avions donné des exemples de ménages gagnant 26 000$ par année obligés de faire une dernière disposition fictive de capital et de payer 6 000$ d'impôts supplémentaires d'un seul coup alors qu'ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour le faire. On n'a pas eu cette compassion pour eux.

J'ai mon voyage ce matin, d'autant plus que mes collègues et moi parcourions les procès-verbaux de la comparution de ces messieurs devant le Comité permanent des comptes publics et constations qu'on avait encore une fois noyé le poisson et qu'aux questions précises posées par les membres du comité, on n'avait donné que des réponses vagues et des demi-réponses.

J'adresse ma première question à M. Dodge. Vous disiez plus tôt que dans les deux cas qui nous concernent et qui relèvent de la décision de 1991, les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu avaient été correctement appliquées. Pourriez-vous préciser de quelles dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu il s'agissait alors et nous expliquer comment le principe de la catégorie de biens imposables appliqué aux résidents a pu influer sur la décision du ministère des Finances et ultimement de Revenu Canada de ne pas imposer de quelque façon que ce soit les deux milliards de dollars d'actifs qui ont été transférés aux États-Unis? J'aurai d'autres questions plus tard.

[Traduction]

M. Dodge: Je croyais, monsieur Loubier, que j'avais expliqué la structure de la loi. La loi stipule que lorsqu'un contribuable, qu'il s'agisse d'une fiducie ou d'un particulier, émigre et détient des biens canadiens imposables, le gouvernement canadien n'impose pas les gains courus au moment de l'émigration. Nous imposons ces gains, sous réserve des conventions fiscales, au moment de la réalisation de ces derniers. C'est le principe.

.1010

[Français]

M. Loubier: C'est ce qui s'applique aux non-résidents, monsieur Dodge,

[Traduction]

pour les étrangers.

M. Dodge: Parce qu'une fois que le contribuable cesse d'être résident canadien, il est traité simplement comme non-résident. Ainsi, le particulier ou la fiducie quitte le Canada; dans le cas qui nous occupe, on a émigré aux États-Unis. La loi actuelle précise que nous continuons à imposer ces gains sous réserve de notre convention fiscale avec les États-Unis. La convention fiscale avec les États-Unis précise que s'il s'agit de biens immobiliers, le Canada peut imposer ces biens. S'il s'agit d'actions...

[Français]

M. Loubier: Monsieur Dodge, je vous arrête. Je ne vous parle pas de la convention fiscale intervenue entre le Canada et les États-Unis. Je cherche à savoir quelle disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu fait en sorte que deux milliards de dollars d'actifs de fiducies familiales ont été transférés aux États-Unis sans qu'un cent d'impôt ne soit prélevé, alors que ces fiducies appartenaient à des résidents canadiens. Pourquoi a-t-on appliqué la règle des biens canadiens imposables dans ce cas particulier?

Mes deux questions sont précises: à quelles dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu vous référez-vous, et pourquoi a-t-on appliqué le principe des biens canadiens imposables?

[Traduction]

M. Dodge: Permettez-moi de vous donner de plus amples détails sur cette transaction. La question qui se posait était la suivante. Les actions transférées, des actions qui étaient celles d'une société publique, étaient-elles des BCI ou pas? Ces actions ont été réputées des BCI en raison d'une transaction précédente. Voilà à quoi on devait s'en tenir. Lorsqu'on a déterminé que ces actions étaient des biens canadiens imposables, la loi a été mise en oeuvre de façon habituelle.

[Français]

M. Loubier: Je reviens à ma question, monsieur Dodge: quelles dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ont permis cette décision? Pourquoi était-il si clair qu'on pouvait appliquer le principe des biens canadiens imposables à des fiducies détenues par des résidents canadiens? C'est la question que je vous pose et à laquelle nous n'avons toujours pas obtenu de réponse, même après deux semaines.

Pourquoi était-ce clair dans votre esprit qu'il y avait de telles dispositions, et en vertu de quelles dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu cela s'est-il fait? Pourquoi était-il clair dans votre esprit que le principe des biens canadiens non imposables s'appliquait dans ce cas-ci à des fiducies canadiennes? Pourquoi était-ce si clair? En vertu de quoi? Ce sont les questions que nous vous posons, monsieur Dodge.

[Traduction]

M. Dodge: Je pensais que je l'avais expliqué, mais je demanderai à M. Farber de vous indiquer les articles précis de la loi.

[Français]

M. Loubier: Non, absolument pas.

[Traduction]

M. Dodge: Non, vous vouliez savoir de quels articles précis de la loi il s'agissait et je demanderais à M. Farber de vous fournir ces renseignements.

M. Len Farber (directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Monsieur le président, la transaction dont nous discutons a fait l'objet d'une décision anticipée parce qu'elle touchait de nombreux aspects de la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment ceux dont M. Dodge vous a entretenus ce matin: toutes les dispositions portant sur les gains en capital imposables, sur les fiducies sur l'émigration, ainsi qu'une série complexe de règles sur les échanges abordées dans un grand nombre de dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cependant, une fois qu'on a éliminé tous les aspects complexes de la transaction, une question bien simple demeure: un Canadien peut-il détenir des biens canadiens imposables?

.1015

M. Loubier a parfaitement raison. Lorsqu'on considère les diverses dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui portent sur les biens canadiens imposables, tout semble indiquer que la majorité d'entre elles portent sur l'imposition de biens canadiens imposables détenus par des non-résidents. C'est en fait ce sur quoi portent dans une certaine mesure ces dispositions. Mais la question de base qu'on s'est posée dans cette affaire c'était si un Canadien peut détenir des biens canadiens imposables. Lorsqu'on considère l'esprit de la loi et certaines de ses dispositions, tout particulièrement celles qui portent sur les sociétés de personnes, il est très évident que du point de vue des décisions à prendre, si un Canadien ne peut pas détenir des biens canadiens imposables, l'esprit de la loi n'est d'aucun recours.

Ainsi, dans cette décision anticipée le ministère des Finances a dû répondre à une question bien simple: un Canadien peut-il détenir des biens canadiens imposables? La réponse...

Le président: Quand vous dites «Canadien», vous voulez dire un résident canadien par opposition à un non-résident.

M. Farber: C'est exact, un résident canadien.

La réponse était bien claire et simple: un résident canadien peut détenir des biens canadiens imposables. Ainsi, la transaction et le mouvement de ces biens étaient assujettis aux règles sur les biens canadiens imposables.

[Français]

Le président: Est-ce que c'est tout, monsieur Loubier?

M. Loubier: Non, monsieur le président. Ce n'est pas tout, parce que je n'ai toujours pas eu de réponse. En vertu de quelles dispositions a-t-on appliqué le principe de la catégorie des biens canadiens imposables dans la décision concernant ces deux fiducies familiales transférées aux États-Unis sans qu'un cent d'impôt ne soit prélevé? Quelles dispositions précises ont permis d'en arriver à cette décision?

[Traduction]

M. Farber: C'est l'article 48 de la Loi de l'impôt sur le revenu de 1991 qui traite des BCI au moment de l'émigration. Avec le renumérotage et la codification de certaines de ces dispositions, il s'agit maintenant de l'article 128.1.

[Français]

M. Loubier: J'ai une dernière question, monsieur le président.

Vous ne m'avez pas convaincu relativement à ces articles puisque l'article 48 s'applique aux non-résidents, et non pas aux résidents canadiens.

Deuxièmement, en 1985, le vérificateur général vous soumettait un avis contredisant complètement votre interprétation de 1991. Pourquoi a-t-on ignoré cet avis? Et si, comme vous l'avez mentionné il y a deux semaines, des erreurs techniques s'étaient glissées dans cet avis de Revenu Canada, j'aimerais qu'on m'explique quelles sont ces erreurs et pourquoi vous avez fait tout à fait l'inverse de ce que vous aviez fait en 1991.

M. Pierre Gravelle (sous-ministre, Revenu Canada): Dans un premier temps, je traiterai de la structure de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'avis juridique que nous avons obtenu du ministère de la Justice relativement à la décision anticipée de 1991 et que nous avons déposé auprès du Comité permanent des comptes publics. Nous serions très heureux de déposer également cet avis juridique auprès de votre comité, monsieur le président.

M. Loubier: Monsieur Gravelle, je parlais de l'avis de 1985 qui stipulait qu'à toutes fins pratiques, les résidents canadiens ne pouvaient posséder de biens canadiens imposables. Donc, lors du transfert de la fiducie de deux milliards de dollars, vous auriez dû recouvrer des impositions. Je parlais de l'avis de 1985 et non de celui de 1991.

M. Gravelle: En 1985, nous émettions une décision anticipée selon laquelle un Canadien pouvait détenir des biens imposables canadiens. Subséquemment - et cette décision anticipée était tout à fait conforme à l'exposé de M. Dodge - , nous avons reçu une demande d'opinion technique sur le même sujet.

.1020

C'est à regret que je dois avouer - et c'est ce que je disais au Comité permanent des comptes publics - que l'opinion juridique donnée à l'époque se basait sur une demande assez superficielle, alors que la décision anticipée reposait sur un exposé assez circonstancié des faits et des transactions proposées, et était contraire à la décision anticipée. J'ai reconnu et je confirme aujourd'hui que l'opinion technique qui a été donnée en 1985 était erronée.

M. Loubier: À quel point de vue était-elle erronée? Quels étaient les éléments erronés de cet avis?

M. Gravelle: L'opinion était très simple. Elle stipulait qu'un Canadien ne pouvait détenir des biens imposables canadiens. On n'avait toutefois pas fait un examen très rigoureux ni très circonstancié lorsqu'on a rendu la décision anticipée de 1985.

M. Loubier: Et vous pensez que la décision de 1991 est basée sur des éléments rigoureux alors que depuis que vous, et plus particulièrement M. Dodge, comparaissez devant le Comité permanent des finances, vous n'avez pas donné de réponses précises à quelque question précise que nous vous posions sur l'interprétation de la loi, sur les articles appuyant cette interprétation et sur la clarté de ces articles.

M. Gravelle: La décision de 1991 - dont je ne veux pas parler parce qu'elle est plus récente - a fait l'objet d'un examen très rigoureux de la part du ministère. Vous savez que le processus de décision anticipée force notre ministère à être absolument certain et clair quant à l'interprétation de la loi. Il nous faut ainsi obtenir des clarifications certaines en matière d'avis juridiques, de conseils juridiques ou d'intentions du législateur, c'est-à-dire des clarifications de politiques fiscales. Et c'est précisément ce qui est arrivé. L'opinion juridique qui a été déposée et rendue publique appuie cet examen rigoureux sur le plan de l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier. Monsieur Williams, s'il vous plaît.

M. Williams (St-Albert): Moi aussi, je vais m'efforcer de comprendre la situation qui s'est produite plutôt que de conjecturer sur ce qu'il faudrait faire dans les circonstances.

Monsieur Dodge, je pense que je vous cite plus ou moins en disant que dès qu'on a déterminé que le bien constitue un bien canadien imposable, la loi s'applique normalement. Dans le cas de cette transaction particulière, il s'agit en définitif de savoir si les biens en question étaient des BCI. Est-ce bien exact?

M. Dodge: C'est effectivement la question que nous a posée Revenu Canada.

M. Williams: Monsieur Farber, vous dites ensuite qu'un Canadien peut posséder des BCI de façon certaine et non équivoque. Est-ce bien exact?

M. Farber: Oui, selon notre interprétation de la volonté du législateur.

M. Williams: Comment un résident canadien acquiert-il des BCI?

M. Farber: Je ne comprends pas la question, monsieur le président. Il les acquiert comme le ferait n'importe qui.

M. Williams: Je pense que c'est assez clair, monsieur le président. M. Farber a dit que de façon certaine et non équivoque, un Canadien peut posséder des BCI. Si un Canadien peut posséder des BCI, il doit les avoir acquis. Comment les a-t-il acquis? Comment un résident canadien peut-il en acquérir?

M. Dodge: Dans le cas le plus simple, un résident canadien achète un immeuble d'habitation.

M. Williams: Donc, tous les biens appartenant à des Canadiens sont des BCI?

M. Dodge: Non. Les actions des compagnies publiques ne sont pas des BCI.

M. Williams: Excusez-moi, tous les biens immobiliers appartenant à des résidents canadiens sont-ils des BCI?

M. Dodge: En principe, oui.

M. Williams: Est-ce que cela figure dans la Loi de l'Impôt sur le revenu, monsieur Farber?

M. Dodge: Non, mais la pertinence des BCI n'intervient que dans le cas où un contribuable devient non-résident.

M. Williams: Si vous regardez l'article 248 de la loi, qui définit les biens canadiens imposables, il n'y est nullement question ni de Canadiens, ni de biens immobiliers, ni d'actions de compagnies privées. En conséquence, ma question demeure la même: comment un Canadien peut-il être propriétaire de BCI alors que l'article 248 de la loi en donne précisément une définition différente?

M. Dodge: La loi énonce les catégories de biens de non-résidents qui sont définis en tant que BCI, et sur lesquels le Canada se réserve le droit d'imposer une taxe, sous réserve des traités.

.1025

M. Williams: Par conséquent, seuls les non-résidents peuvent être propriétaires de BCI.

M. Dodge: Non, c'est inexact.

M. Williams: Pourquoi?

M. Dodge: La raison que nous invoquons à cet égard, c'est que la notion de BCI devient pertinente au moment où le contribuable émigre ou devient non-résident...

M. Williams: Mais d'après la loi...

M. Dodge: Excusez-moi, monsieur le président. Cette notion n'est pertinente qu'à ce moment-là, et en fonction du régime prévu dans la loi.

Pour en revenir à la question proprement dite, il s'agit de savoir si un résident canadien peut être propriétaire d'un BCI selon la définition de la loi.

M. Williams: Ma question portait sur les conditions d'acquisition...

Si vous me permettez de citer la loi, monsieur Dodge, l'article 248.1 précise que «bien canadien imposable» s'entend au sens du paragraphe 115(1); toutefois, pour la seule application de l'article 2... Comme vous le savez, l'article 2 concerne les non-résidents, et le paragraphe 115(1) concerne également le revenu imposable gagné au Canada par les non-résidents, etc. On ne trouve dans loi aucune disposition concernant la façon dont un Canadien peut faire l'acquisition d'un BCI. Mais laissons cette question de côté pour le moment.

Monsieur Gravelle, j'ai obtenu, en ma qualité de membre du comité des comptes publics, un exemplaire de l'avis juridique que vous avez fourni à ce comité. Le 13 janvier 1992, un avis juridique a été fourni par M. John Bentley. Dans la déclaration d'ouverture de cet avis juridique, il dit: «il est entendu que les actions seraient des biens canadiens imposables si elles étaient la possession d'un non-résident, conformément au paragraphe 115(1)(b)(iii) de la loi». Quant au paragraphe 115(1)(b)(iii) de la loi, il est formulé ainsi: «une action du capital action d'une société résidant au Canada (autre qu'une société publique)».

Je crois savoir que nous avons affaire, ici, à des actions d'une société publique. Par conséquent, pourquoi dire à l'avocat dont on sollicite l'opinion qu'on a indiscutablement affaire à des biens canadiens imposables au sens du sous-alinéa 115 (a)b)(iii) de la loi alors que cette disposition ne concerne pas les actions des sociétés publiques?

M. Gravelle: Monsieur le président, j'aurais bien du mal à me prononcer au nom de John Bentley et le...

M. Williams: Je ne vous demande pas de vous prononcer au nom de M. Bentley. Je vous demande de nous expliquer les instructions qu'il a reçues.

Il dit: «Il est entendu que les actions seraient des biens canadiens imposables si elles étaient la possession d'un non-résident, conformément au paragraphe 111(1)b)(iii) de la loi». Voilà les directives qu'il a reçues. Donnez-nous votre opinion en fonction de ces paramètres. Ce sont ceux qu'il a reçus et je voudrais savoir au nom de quel principe Revenu Canada estime que les actions d'une compagnie publique sont des BCI au sens de cette disposition.

M. Gravelle: La question porte sur le fait qu'il s'agissait d'actions d'une compagnie privée.

M. Williams: Il s'agit d'actions d'une compagnie publique.

M. Gravelle: Au départ, c'était des actions d'une compagnie privée, puis elles ont été échangées contre des actions d'une compagnie publique en vertu des dispositions de report de l'impôt de l'article 85.

M. Williams: Je ne trouve rien concernant le report de l'impôt de l'article 85 au sous-alinéa 115(1)b)(iii). On y parle uniquement des actions d'une compagnie publique, indépendamment de la façon dont elles ont été acquises.

M. Farber: Monsieur le président, comme l'a dit M. Dodge dans sa déclaration d'ouverture, il existe des dispositions déterminatives dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans le premier cas, il s'agissait d'actions d'une compagnie privée. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour dire que dans le premier cas, les actions d'une compagnie privée étaient des BCI. Cela ne me semble pas douteux.

M. Williams: Je ne suis pas d'accord, monsieur Farber.

.1030

M. Farber: Je veux bien, monsieur le président.

Il s'agissait d'actions d'une compagnie privée; par conséquent, au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, ces actions étaient des biens canadiens imposables. Il existe une règle qui prévoit que si ces actions sont échangées contre d'autres formes d'actions ou contre un autre bien, si elles étaient considérées comme BCI au départ, elles sont encore considérées comme BCI après la transaction. En l'absence d'une telle règle, on pourrait échanger un BCI contre un autre type de bien non considéré comme BCI au moment de devenir non-résident, pour éviter toute imposition selon le régime fiscal canadien. Les dispositions déterminatives visent à faire en sorte qu'en toute circonstance, lorsqu'un bien est échangé contre un bien d'une autre nature qui, normalement, ne serait pas considéré comme BCI, ce dernier est néanmoins réputé être un BCI et le Canada lui applique son régime fiscal jusqu'à ce que son propriétaire en dispose.

M. Williams: Ne pensez-vous pas, monsieur Farber, qu'il serait plus facile d'interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu en disant que dans la mesure où la fiducie possédait ces actions sous forme d'actions de société publique, lorsque les détenteurs de ces actions sont devenus non-résidents, elles sont devenues imposables en vertu de l'article 48 concernant l'imposition des gains accumulés? N'est-ce pas une interprétation plus simple?

M. Dodge: Monsieur le président, cette interprétation pose un problème dans la mesure où elle contourne totalement la règle des dispositions déterminatives. Si l'on avait appliqué ce queM. Williams appelle une interprétation plus simple - et je ne sais pas exactement ce qu'il entend par là - la règle des dispositions déterminatives n'aurait aucun sens, et on aurait une magnifique échappatoire fiscale.

M. Williams: Je ne suis pas d'accord, monsieur le président, parce que la règle des dispositions déterminatives s'applique aux Canadiens.

Je n'ai pas de problème avec le report de l'impôt prévu à l'article 85 qui permet de garder à leur prix initial les actions PBR de corporations publiques. Mais lorsque ces actions échappent au régime d'imposition canadien, comme il s'agit d'actions de corporations publiques, il n'est pas douteux dans mon esprit qu'on doit leur appliquer l'imposition des gains accumulés.

Mais je voudrais poser une autre question, monsieur le président.

Le président: Excusez-moi. Il s'agit là d'une question de fond tout à fait légitime pour nous. Je crois que vous l'avez posée très clairement.

M. Williams: Je voudrais maintenant parler de la convention fiscale et me reporter aux pièces 1.5c et 1.5d à la page 1-21 du rapport du vérificateur général. La fiducie protectrice était résidente des États-Unis et a acquis de la fiducie familiale ces actions de société publique. Êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Dodge: Excusez-moi...

M. Williams: La fiducie protectrice, avait le statut de résident américain, et c'est pendant qu'elle avait ce statut qu'elle a acheté à la fiducie familiale les actions de la société ouverte.

M. Dodge: Il va falloir que je vérifie, monsieur Williams. Oui, c'est exact.

M. Williams: La fiducie protectrice pendant la période où elle n'avait pas le statut de résident, a fait l'acquisition d'actifs, c'est-à-dire les actions de la société ouverte. Comment peut-on considérer qu'un non-résident, une entité qui à ce titre échappe à l'impôt canadien au moment d'acquérir des éléments d'actif, même si ce sont des actifs canadiens - détient des BCI alors qu'elle n'est pas imposable comme entité canadienne, alors qu'elle n'était pas considérée comme une entité canadienne au moment où elle a fait l'acquisition de ces actifs?

M. Dodge: Excusez-moi, monsieur le président. J'ai peut-être la tête dure, parce que l'idée est précisément de s'assurer que les gains sur ce genre de biens demeurent imposables au Canada. C'est à cela que cela sert.

M. Williams: Je vais répéter la question autrement, monsieur Dodge. La fiducie protectrice avait le statut de fiducie non résidente. Elle a fait l'acquisition d'un élément d'actif dont elle pouvait disposer à une date ultérieure.

M. Dodge: C'est exact.

M. Williams: Survenant cette disposition à une date ultérieure, cela devenait imposable.

M. Dodge: C'est exact.

M. Williams: Maintenant, l'ensemble des transactions, l'acquisition et la disposition, se produiraient alors que l'entité n'a pas le statut de résident canadien.

M. Dodge: C'est exact.

M. Williams: Comment la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu peut-elle s'appliquer à une transaction qui échappe totalement à la juridiction canadienne?

.1035

M. Dodge: Je croyais avoir expliqué cette structure. Le Canada conserve le droit d'imposer le revenu tiré de certains types de propriétés.

M. Williams: Quand il s'agit d'immigrants.

M. Dodge: Le Canada conserve le droit d'imposer le revenu et les gains en capitaux tirés de certains types de propriétés, des propriétés qu'on appelle des biens canadiens imposables, même si elles appartiennent à des non-résidents. Par conséquent, si quelqu'un de New York achète un immeuble de bureaux à Montréal pour le revendre ensuite, réalisant ainsi un gain en capital, le Canada conserve le droit d'imposer ce gain en capital, aux termes du traité.

Dans le cas des biens immobiliers, le traité prévoit que le Canada exerce une entière juridiction. Dans le cas des actions privées, toutefois, la règle est différente. Effectivement, les États-Unis auraient la priorité en ce qui concerne l'imposition d'actions privées. Par la suite, nous imposerions notre taxe, tout en fournissant un crédit équivalent à la taxe payée aux États-Unis.

M. Williams: À la page 3 de l'énoncé de votre politique, vous dites:

M. Dodge: Non.

M. Williams: Elle n'a pas été exemptée de l'impôt canadien sous prétexte qu'elle n'avait pas résidé au Canada pendant 10 ans?

M. Dodge: Non. Ce qui est en cause ici, c'est une fiducie qui dispose d'un bien. Dans ces circonstances, si le bien en question est vendu par le bénéficiaire - dans ce cas il s'agit de l'autre fiducie - dans les dix ans qui suivent, d'après le traité, le Canada conserve son plein droit d'imposition. Si le bien est vendu après qu'une période de 10 ans s'est écoulée - et c'est ce dont je parlais tout à l'heure - les États-Unis l'imposent en priorité après quoi nous l'imposons, mais en même temps, nous accordons au contribuable un crédit pour la totalité de l'impôt payé dans son pays de résidence, dans ce cas les États-Unis.

M. Williams: Vous voulez dire que le fait que la fiducie a résidé au Canada pour une période inférieure à 10 ans n'a pas d'importance?

M. Farber: Non, monsieur le président, c'est important, mais...

M. Williams: À quel titre, monsieur Farber?

M. Farber: Dans la transaction en cause, le processus prévoyait clairement que les biens en question ne seraient pas vendus avant une période de 10 ans. Une dispense avait été émise. Autrement dit, le contribuable avait déclaré clairement son intention de ne pas invoquer la protection du traité en ce qui concerne la disposition des biens en question, si cela devait se produire avant la fin d'une période de 10 ans, et s'engageait clairement à ne pas vendre.

M. Williams: Monsieur Farber, l'objet de ma question, c'est que la fiducie n'a pas eu le statut de résident canadien pendant une période de 10 ans, et non pas le fait qu'elle devait conserver ses biens pendant les dix premières années de son statut de non-résident.

M. Farber: Monsieur le président, comme je l'ai dit, M. Williams a raison quand il dit que la fiducie n'avait pas eu le statut de résident du Canada pendant une période de 10 ans, et par conséquent, en théorie, à ce moment-là, elle aurait été imposable. Toutefois, des engagements et des dispenses avaient été pris et accordés en ce qui concerne la transaction, si bien qu'on avait renoncé à la protection du traité. Dans ces conditions, les biens en question n'ayant pas été vendus, il n'était pas question d'imposition. C'est seulement après la période prévue qu'un impôt aurait pu s'appliquer en cas de disposition.

M. Williams: Si vous le voulez bien, monsieur le président, j'ai une dernière question à l'intention de M. Farber.

.1040

Vous avez dit que la fiducie n'ayant pas eu le statut de résident canadien pendant 10 ans, elle aurait été imposable si une dispense n'avait pas été accordée. Vous nous dites maintenant qu'elle était imposable, mais qu'à cause de cette dispense, on avait accepté de remettre l'imposition à une date ultérieure, au moment de la disposition du bien. Autrement dit, l'impôt était remis à une date ultérieure au lieu de s'appliquer à la date où la fiducie assumait le statut de non-résident. La dispense devenait cruciale.

M. Farber: Je n'ai pas toute la documentation, et nous n'avons pas non plus étudié toute la documentation relative à la demande de décision. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous nous sommes intéressés à un aspect assez restreint de cette politique.

Toutefois, si j'ai bien compris la transaction, qui comportait de nombreux aspects compliqués, y compris les implications du traité, Revenu Canada, pour tenter de s'assurer que les biens en question ne seraient pas vendus pendant une période donnée, et pour s'assurer qu'on ne se réclamerait pas la protection du traité avant la fin de cette période, avait décidé d'accorder des dispenses et d'exiger un engagement absolument clair: les biens ne seraient pas vendus pendant une période de 10 ans et l'application de l'impôt était remise d'autant.

Le président: Merci, monsieur Williams.

Monsieur Campbell, je vous en prie.

M. Campbell (St. Paul's): Merci, Monsieur le président.

J'en reviens sur la question des biens canadiens imposables qui semble poser des problèmes à certains d'entre nous. C'est toujours un problème quand on essaye de réfléchir à deux choses à la fois. Je veux m'assurer que j'ai bien compris cela.

Monsieur Dodge, vous nous expliquez, je crois, qu'un bien pourrait devenir un bien canadien imposable aux termes de la loi lorsque le propriétaire de ce bien, un résident canadien, émigre du Canada à un autre pays. La question est de savoir comment les différentes catégories de biens sont traitées lorsque leur propriétaire émigre. C'est bien ça?

M. Dodge: La définition d'un BCI sert à préciser la situation en cas d'émigration, ou encore la situation pour les non-résidents.

M. Campbell: Je vais vous citer un exemple très simple qui se produit fréquemment dans ma circonscription et dans d'autres circonscriptions. Un couple âgé qui a jadis immigré d'Italie ou de Grèce, travaille toute sa vie et achète un duplex dans la circonscription. Ce n'est pas un bien canadien imposable, c'est un duplex. Au moment de la retraite, ce couple décide de retourner en Italie ou en Grèce. En quittant le pays, ils n'ont pas l'intention de revenir, et par conséquent, ils disposent de certains biens, mais pas de certains autres.

Revenons à leur duplex. Dans une telle situation, que devient ce duplex?

M. Dodge: Tout impôt sur les gains en capitaux réalisés lors de la vente du duplex doit être payé au moment de la vente.

M. Campbell: C'est donc un bien canadien imposable.

M. Dodge: C'est un bien canadien imposable.

M. Campbell: Il ne s'agissait pas d'un bien canadien imposable pendant toute la durée de leur séjour ici ou toute la période pendant laquelle il leur appartenait. On a employé l'appellation de «biens canadiens imposables», si j'ai bien compris, pour savoir quel devait être le traitement de diverses catégories de biens au moment où ces personnes ont décidé de quitter le Canada pour retourner en Italie ou en Grèce.

M. Dodge: C'est un peu comme M. Jourdain qui ne savait pas qu'il parlait en prose.

M. Campbell: Très bien. Je voulais obtenir cette précision parce que certains députés, je crois, avaient l'impression que les résidents canadiens ne pouvaient pas détenir de biens canadiens imposables. C'est vrai et faux à la fois. Ils peuvent en avoir mais l'ignorer jusqu'au moment où ils quittent le pays.

J'ai une deuxième question. Pourrait-on profiter des quelques minutes qui restent pour demander à M. Dodge, qui nous a alléchés avec certaines suggestions, de récapituler les questions de fond que le comité pourrait examiner en matière d'immigration et des mesures fiscales à prendre à l'endroit des Canadiens qui quittent le pays.

Vous avez fait allusion à un certain nombre de choses et il existe toute une série de questions de fond. Lorsque nous nous acharnons sur un cas particulièrement compliqué, même si, comme vous l'avez dit, la question de fond, elle, est peut-être très simple, je ne veux pas qu'on les perde de vue puisqu'on nous a demandé de les examiner et de les commenter. M. Dodge pourrait-il donc récapituler les questions que nous pourrions examiner.

.1045

M. Dodge: Monsieur Campbell, je ne peux que vous mettre sur la voie.

M. Campbell: Cela va sans dire.

M. Dodge: Dans le monde d'aujourd'hui, la migration internationale, notamment celle des gens d'affaires, ne cesse de croître. Elle est en tout cas beaucoup plus importante qu'elle ne l'était au moment où la Commission Carter a examiné la question et où la loi a été rédigée. Les éléments de base du texte de loi remontent à 1971. La toute première question, et la plus vaste, que le comité pourrait examiner est de savoir si la structure du droit actuel favorise comme il se doit la circulation des biens et des personnes. Sur le plan économique, je crois qu'il faut se poser la question.

Vient ensuite une question subsidiaire, à savoir si le Canada, par rapport à d'autres pays, obtient sa juste part d'impôt sur cette migration, sur l'émigration ou même - et je crois que cela est important pour le comité - sur l'immigration. C'est une médaille à deux faces. C'est une question très importante que le comité pourrait examiner.

Voilà donc deux grandes considérations. Malheureusement, elles sont contradictoires et c'est ce qui rend la question épineuse. Des cas-problèmes peuvent surgir. Prenons le cas de la personne qui a vécu de nombreuses années au pays et qui décide d'émigrer; elle pourra vivre dans son nouveau pays 15 ou 20 ans avant de vendre son bien. À ce moment-là, elle paye de l'impôt à son nouveau pays et il restera peut-être bien peu de choses, une fois déduit le crédit, pour le Canada.

Ce serait un principe qui favoriserait la libre circulation des personnes mais, en revanche, il y a l'autre principe selon lequel le Canada doit obtenir la part d'impôt qui lui revient. C'est une question très délicate qu'il faudra trancher.

J'aimerais que mon collègue M. Gravelle intervienne sur ce point, mais il existe un certain nombre de grands problèmes. Imaginons qu'à votre avis le régime de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui, est le bon. Vous pourriez alors vous demander si des mesures pourraient être prises pour permettre à Revenu Canada de mieux percevoir les impôts exigibles en fonction du régime actuel. J'ai dit tout à l'heure que les Américains envisagent par exemple d'exiger une caution ou une garantie. Il y a diverses solutions à ces problèmes et j'espère que le comité les examinera. Mais cela relève beaucoup plus de la compétence de M. Gravelle qui doit s'assurer que le texte que vous rédigerez sera applicable dans la pratique.

Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

M. Loubier: J'ai une foule de questions à poser. C'est pourquoi je voudrais que vous m'assuriez que...

Le président: Monsieur Loubier, il ne nous reste malheureusement que 10 minutes, soit trois minutes pour chaque parti.

M. Loubier: Pourrais-je suggérer que nos témoins reviennent sous peu, peut-être même cette semaine, devant le comité pour une période plus longue puisque jusqu'à présent, plusieurs éléments, sinon la totalité, restent obscurs?

Le président: C'est une bonne idée.

M. Loubier: Avant que nous nous quittions ce matin, j'aimerais poser une seule question àM. Dodge et à ses collègues.

.1050

Depuis décembre 1991, les représentants des familles très riches, puisqu'il est question de milliards de dollars de transferts de capitaux du côté des États-Unis, sont en quelque sorte des initiés de la décision anticipée de Revenu Canada sous les pressions du ministère des Finances.

À votre connaissance, y a-t-il eu, depuis décembre 1991, d'autres cas - puisque c'est maintenant connu - guidés, téléguidés ou plutôt pilotés par des représentants, où le gouvernement fédéral et l'ensemble des contribuables auraient eu à supporter de tels transferts de capitaux aux États-Unis ou ailleurs, sans qu'un cent d'impôt ne soit prélevé sur les gains en capital?

[Traduction]

M. Dodge: Monsieur le président, c'est quelque chose que je ne peux pas savoir parce que...

[Français]

M. Loubier: Monsieur Gravelle, depuis que la décision anticipée du 31 décembre 1991 est connue, avez-vous eu connaissance de fiduciaires ou de riches familles canadiennes - on parlait à un certain moment de la famille Bronfman bien qu'il puisse s'agir d'une tout autre famille - qui auraient profité de cette interprétation quelque peu tordue de la loi fiscale canadienne et bénéficié du même traitement de faveur de la part de votre ministère?

M. Gravelle: Je puis vous dire que depuis 1991, nous n'avons pas reçu d'autre demandes de décisions anticipées ou de transactions semblables.

M. Loubier: Est-ce que n'importe qui aurait pu se prévaloir de l'existence de cette décision anticipée pour effectuer exactement la même transaction que celle qui a conduit la très riche famille canadienne à transférer deux milliards de dollars aux États-Unis sans payer d'impôt sur les gains en capital?

M. Gravelle: C'est possible, mais de telles transactions font habituellement l'objet d'une demande de décision anticipée, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant.

M. Loubier: Vous dites que c'est possible. En fonction de quoi est-ce possible? En fonction du précédent créé, qui est connu des boîtes de consultants ou des boîtes juridiques qui représentent ces riches familles?

M. Gravelle: C'est possible sur la base de cette interprétation de la loi et de l'application de la loi en vigueur.

M. Loubier: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Loubier. Monsieur Williams.

[Traduction]

M. Williams: Monsieur Gravelle, ma question porte sur le paragraphe 48(1) de la loi. Vous avez ces décisions anticipées depuis quelque temps déjà et vous avez aussi établi les cotisations d'autres résidents canadiens qui sont devenus des non-résidents et qui, j'imagine, ont des biens canadiens imposables au sens courant de la loi et peut-être aussi des actions cotées en bourse. Quelle est la règle de cotisation de Revenu Canada pour les actions d'une corporation publique appartenant à des résidents canadiens qui déménagent à l'étranger et deviennent donc des non-résidents? Avez-vous examiné la façon dont ont été acquises ces actions ou vous êtes-vous contentés de les imposer selon la méthode cumulative?

M. Gravelle: J'aimerais que M. Beith réponde à cette question, s'il peut se joindre à nous.

Le président: Volontiers.

M. R.M. Beith (sous-ministre adjoint, Appels, ministère du Revenu national): Monsieur le président, si j'ai bien compris la question du député, il demande si, dans le cas d'un non-résident qui a vendu des actions d'une société ouverte, nous sommes revenus en arrière pour voir si ces actions étaient un bien canadien imposable dans l'éventualité où elles avaient été échangées contre des actions d'une corporation privée.

Le Canada pratique l'autocotisation. C'est au non-résident de produire sa déclaration et de communiquer les renseignements qu'il faut. C'est lui qui saurait que c'est le cas et c'est à lui de le déclarer, sous réserve du traité.

M. Williams: Quelqu'un a-t-il demandé que ne soient pas assimilées à un bien canadien imposable les actions d'une corporation publique depuis que ces décisions fiscales anticipées ont été données à des particuliers?

M. Beith: Pas à ma connaissance.

Le président: Merci, monsieur Williams.

.1055

M. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur Dodge, je vous remercie de votre exposé. Vous nous avez décrit notre façon de procéder, notre régime juridique ainsi que les règlements qui régissent cette question précise. Vous en avez fait autant pour certains autres pays et avez présenté des comparaisons. Cela a été très utile, je crois. Nous avons discuté de la situation particulière qui a soulevé certaines questions et vous-même avez évoqué certaines questions de fond qui doivent être abordées.

Cela dit, admettez-vous que nous faisons face ici à un problème, à savoir que le régime ne semble pas être juste? Je reviens sur ce que vous avez dit. Si nous comparons notre réglementation à celle d'autres pays, nous nous en tirons assez bien. Mais si j'ai raison de croire qu'il y a un problème et que notre régime laisse à désirer, avez-vous une idée de ce qui devrait être fait, des solutions à apporter? Si la situation reste inchangée, il me semble que nous nous exposons à d'autres critiques? Que faut-il faire?

M. Dodge: Je dirai ceci: la question est de savoir ce que l'on peut faire plutôt que ce que l'on doit faire. En définitive, c'est à vous de décider.

Dans un premier temps, on pourrait dire que dans le cas de l'immigration, le contribuable qui possède des biens canadiens imposables serait tenu de produire une déclaration de renseignements établissant le prix de base ajusté du bien. Ce serait très simple. Ce serait un changement marqué, parce que normalement on ne demande rien au contribuable à propos des biens. Nous imposons le revenu, pas les biens. Mais ce serait une possibilité.

On pourrait aller plus loin et exiger de ces contribuables qu'ils remettent tous les ans une déclaration de renseignements à Revenu Canada, qui saurait immédiatement si le bien a été vendu. Vous pourriez aller jusque-là.

Vous pourriez aller plus loin encore et déterminer que pour certaines catégories de contribuables, les fiducies, par exemple, les règles relatives aux biens canadiens imposables ne s'appliqueraient pas et vous pourriez présumer que le prix est établi au moment du versement du paiement.

Vous pourriez pousser les choses encore plus loin dans le cas des immigrants et dire qu'il faut présenter un cautionnement pour tous les émigrants lorsqu'ils quittent le Canada afin d'assurer que Revenu Canada aura accès aux impôts exigibles sur la valeur courue du bien.

Vous pourriez prendre diverses mesures. J'aimerais simplement signaler que lorsque vous passez aux dispositions de cette nature, soit celles qui vont au-delà de l'amélioration du système de déclaration, l'incidence économique de ces mesures devient de plus en plus marquée. Le Canada a été avantagé par le passé et l'est toujours aujourd'hui par les mouvements de capitaux. Nos citoyens en tirent profit.

Évidemment il n'y a pas de réponse facile, mais il faut quand même essayer d'atteindre un juste équilibre.

M. Duhamel: En guise de précision, ne dites-vous pas que les divers éléments que vous venez de nous décrire permettraient de créer un meilleur climat de confiance à l'égard du système?

M. Dodge: La déclaration de renseignements permettrait d'assurer une plus grande confiance. Pour ce qui est du reste, il faudrait changer le système.

Le président: Merci.

Mme Finestone, qui est la présidente du comité qui doit se réunir dans cette salle à 11 heures, nous accorde très gentiment dix minutes de plus si les députés veulent poser de brèves questions.

Entre temps,

[Français]

à la suggestion de M. Loubier, il serait peut-être possible que les mêmes témoins reviennent demain après-midi.

.1100

[Traduction]

Nous entendrons demain M. Gravelle, lors de notre étude du budget des dépenses principal à15h30. Si les témoins sont disponibles, parce qu'on veut assurer un certain enchaînement, je leur demanderai s'ils peuvent être des nôtres également à 15 h 30. Pouvez-vous nous le faire savoir plus tard?

Je crois que tous les députés sont d'accord pour qu'on modifie légèrement le programme.

Des voix: D'accord.

Le président: Merci.

Est-ce que cela vous convient, monsieur Gravelle? Vous êtes le principal témoin. Merci.

Nous disposons de dix minutes de plus. Monsieur Grubel, soyez bref.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je serai bref, monsieur le président.

Un résident canadien veut déménager à l'étranger pour alléger son fardeau fiscal lors de la disposition d'un bien: c'est ce qui intéresse les gens, car ils voient que certains profitent de la situation pour payer moins d'impôt. J'ai une question bien simple à vous poser. Qu'arrive-t-il dans l'affaire qui nous occupe présentement? Si en fait le taux d'imposition des gains en capitaux avait été plus faible au Canada qu'aux États-Unis, dites-vous que ce résident n'aurait jamais quitté le Canada; dites-vous donc que la seule façon de régler toutes les questions c'est simplement d'assurer que le taux d'imposition au Canada soit identique ou plus faible que celui des États-Unis?

M. Dodge: Je ne peux pas répondre à la première partie de votre question, monsieur Grubel. Le bénéficiaire en question, si j'ai bien compris, était devenu un résident américain, et il y a peut-être de bonnes raisons.

La question que vous soulevez, par contre, est justement la bonne. Puisque les taux canadiens sont beaucoup plus élevés que les taux étrangers, ce genre de transaction est en quelque sorte encouragé. J'aimerais signaler que pour nombre d'États américains, mais pas tous, - en fait, si nous comparons New York à l'Ontario, par exemple, il n'y aurait pratiquement aucun avantage. C'est bien différent en ce qui a trait au Texas.

Mais le simple contribuable qui meurt est assujetti à l'impôt sur les successions américain, qui, si vous n'êtes pas futé, peut être très élevé. Il n'y a donc pas davantage prima facie à déménager aux États-Unis dans le cas qu'on nous décrit. Il y a peut-être plus d'avantages si vous voulez déménager dans d'autres pays avec lesquels le Canada a signé des conventions fiscales. Quant aux pays avec lesquels le Canada n'a pas signé de convention fiscale, le Canada peut prélever des impôts en tout moment.

Ainsi pour répondre à votre question, vous avez parfaitement raison de dire, de façon générale, que si le Canada avait le taux d'imposition le plus faible au monde, tout le monde voudrait déménager dans notre pays.

M. Grubel: Pour en revenir à la réalisation de gains en capitaux pour les fiducies aux États-Unis, si le propriétaire d'une fiducie transférait de l'argent du Canada aux États-Unis, cette fiducie jouirait-elle d'avantages qui ne seraient pas disponibles, lors du décès du propriétaire, si l'argent était resté au Canada?

M. Dodge: Vous parlez de la réalisation réputée en cas de décès?

M. Grubel: Oui.

M. Dodge: Je ne crois pas, mais je dois consulter des gens qui en connaissent plus long que moi.

M. Farber: Je crois que dans l'affaire qui nous occupe il s'agissait d'une fiducie protectrice. Dans ce type de fiducie, il ne peut y avoir qu'un bénéficiaire. Ainsi au décès du contribuable ou à l'occasion de la disposition du bien, les gains réalisés par le bénéficiaire seraient imposés. Il n'y aurait donc pas d'avantage fiscal.

M. Grubel: Cela aurait été la même chose au Canada et aux États-Unis?

M. Farber: Je crois que oui.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Loubier: Par simple curiosité, j'aimerais savoir pourquoi il était si urgent de rendre une décision anticipée sur ce cas de fiducie familiale de deux milliards de dollars transférés sans impôt avant le 31 décembre 1991. Est-ce parce qu'à partir de cette date, la règle des 21 ans, pour les fiducies familiales, intervenait et le résident canadien aurait été obligé de payer de l'impôt sur les gains en capital de sa fiducie?

.1105

M. Gravelle: Que je sache, la règle des 21 ans n'a jamais été un facteur dans cette demande de décision anticipée. Nous avons reçu cette demande au début de novembre 1991, et le représentant du contribuable avait clairement indiqué à nos agents de décision anticipée qu'il souhaitait que nous fassions diligence parce que le contribuable souhaitait pouvoir compléter ses transactions avant la fin de l'année.

M. Loubier: Pourquoi?

M. Gravelle: C'était sans aucun doute pour des décisions personnelles. Nous n'avons pas questionné cet aspect. Je désire souligner que nous recevons habituellement un très grand nombre de demandes de décisions anticipées à la fin de chaque année parce que, pour la plupart des gens, il est important que ces décisions soient rendues avant la fin de l'année financière.

M. Loubier: Servez-vous toujours aussi bien, aussi rapidement et aussi fréquemment les contribuables canadiens qui vous demandent des choses que la semaine dernière, alors qu'il y a eu branle-bas de combat au ministère des Finances et à Revenu Canada, où l'on a tenu réunion par-dessus réunion pour rendre une décision? Ce cas était-il si urgent, alors que selon le sens de cette décision, la clarté n'avait pas encore été démontrée?

M. Gravelle: Les discussions qui ont eu lieu en décembre visaient essentiellement à s'assurer de la clarté de l'opinion juridique et de l'intention de politiques fiscales. Je n'ai personnellement été impliqué dans cette décision anticipée que vers la fin, soit vers le 20 décembre, parce qu'on a porté à ma connaissance le fait que des discussions étaient en suspens entre les ministères de la Justice et des Finances et le nôtre. Il nous apparaissait souhaitable et essentiel, dans l'intérêt du contribuable, qu'on tire des conclusions aussi précises que possible, que la décision soit favorable ou pas.

M. Loubier: La règle des 21 ans des fiducies familiales n'est donc intervenue d'aucune façon?

M. Gravelle: Que je sache, monsieur Loubier, cette question n'est jamais intervenue dans ce dossier.

Le président: Merci, monsieur Loubier. Monsieur Dhaliwal.

[Traduction]

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suppose que nous aurons l'occasion de poser de plus amples questions demain. Je suis disposé à attendre si cela vous convient.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Au nom de tous les députés, je tiens à remercier nos témoins. En une heure et quarante minutes, ils ont fait de nous tous des experts en fiscalité internationale. J'aimerais également remercier Mme Sheila Finestone et le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de nous avoir accordé quelques minutes de plus.

Nous nous rencontrerons plus tard cet après-midi. Nos témoins, ainsi que le vérificateur général, seront alors des nôtres. Il est évident que les députés s'intéressent à deux grandes questions: les décisions rendues étaient-elles conformes à la loi actuelle? Et quelle devrait être cette loi?

La séance est levée.

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