[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 juillet 1996
[Traduction]
Le président: Le Comité des finances de la Chambre des communes poursuit ses audiences sur les coûts économiques et les coûts d'observation du régime fiscal des entreprises. Nous en sommes à notre deuxième table ronde et nous sommes très heureux d'accueillir ce matin parmi nous à titre de témoins les délégués de neuf associations.
Nous allons procéder ainsi: chacun d'entre vous fera une présentation de cinq minutes qui sera suivie d'une période pendant laquelle les députés vous poseront des questions. J'essaierai de faire en sorte que vous ayez tous assez de temps pour faire pleinement valoir votre point de vue. Nous vous remercions de votre présence.
Nos témoins ce matin sont Peter Harris et David Brown de la Chambre de Commerce du Canada; Brian Collinson, Ross Graham, George Penna et Jayson Myers de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Canada; Rob Spindler du cabinet Coopers et Lybrand; Don Watkins de l'Association du barreau canadien; Drew Glennie de la compagnie Shell Oil; Catherine Swift et Garth Whyte de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes; le professeur Paul Boothe de l'Université de l'Alberta; Duncan Cameron, président du Centre canadien des politiques alternatives; et Tim Morris et Barbara Amsden de l'Association des banquiers canadiens.
Laissez-moi vous dire une fois encore combien nous sommes heureux de vous accueillir. Nous pourrions peut-être commencer par entendre les représentants de la Chambre de Commerce du Canada.
M. Peter Harris (président, Comité de fiscalité, Chambre de Commerce du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Dans mon exposé formel, je me concentrerai brièvement sur les coûts élevés occasionnés par l'observation du régime fiscal des entreprises, ce qui a une incidence directe sur les affaires, et sur les autres aspects de la fiscalité qui affectent le rendement économique de nos membres.
Au moment où le gouvernement tente, dans de nombreux secteurs, de réduire la paperasserie et les obligations administratives des entreprises, les nouveaux textes de loi relatifs à l'impôt sur le revenu continuent d'imposer de coûteuses déclarations qui auront une conséquence néfaste sur les affaires, notamment, dans le cas que je vais vous citer, sur la compétitivité internationale du Canada. Cela survient dans un secteur où les entreprises tendent à réduire leur envergure sous les assauts du changement technologique, des conditions économiques et de la mondialisation. À cause de cela, les coûts occasionnés par l'observation du régime fiscal des entreprises, comme tous les autres frais généraux, menacent encore plus la compétitivité et l'emploi.
La récente exigence de déclaration des avoirs à l'étranger est louable dans la mesure où elle vise la fraude fiscale et la non-déclaration de revenus. Pour ce qui a trait aux filiales étrangères, toutefois, il faudrait à notre avis, reconnaître qu'un grand nombre des exigences ne s'appliquent pas nécessairement à la déclaration effective de revenus au cours d'une année donnée. Cette obligation de faire des déclarations et de fournir des renseignements est lourde car très souvent, pour la remplir, il faudra embaucher du personnel supplémentaire alors que, dans bien des cas, cela n'améliorera pas nécessairement le système de collecte de l'information, ni le contrôle que peuvent exercer Revenu Canada et le ministère des Finances sur les filiales exploitées activement à l'étranger.
En ce qui concerne le régime fiscal des sociétés lui-même, l'un des coûts d'observation majeurs pour les entreprises et les autres membres de notre association vient de l'obligation de produire des déclarations pour différentes administrations, notamment parce qu'il existe au Canada des régimes fiscaux s'appliquant aux sociétés aux niveaux provincial et fédéral, d'où l'obligation de faire des déclarations qui se chevauchent alors que les différences s'appuient souvent sur des textes législatifs du même type.
Par exemple, pour les administrations fédérale et provinciales, même la définition d'employé n'est pas la même. Cela a naturellement un impact énorme au niveau de l'impôt sur le revenu et des autres prélèvements à la source par rapport aux cotisations sociales générées par d'autres provinces.
Ces exigences de déclaration particulièrement complexes augmentent substantiellement le coût d'exploitation d'une entreprise. Il existe des répartitions distinctes du revenu et des règles différentes à cet égard d'une province à l'autre. Il n'y a aucune normalisation digne de ce nom. En fait, si l'on considère l'un des principaux impôts perçus par les provinces et par le gouvernement fédéral, on constate qu'il n'existe aucun lien particulier entre l'impôt des grandes corporations et l'impôt sur le capital. Dans un grand nombre de cas, on constate d'ailleurs des taux d'inclusion différents. Je cite cet exemple car il s'agit d'un impôt qui est perçu des entreprises sans prendre en compte leurs profits éventuels.
En ce qui a trait à la procédure de vérification, de façon générale, nous souhaiterions qu'elle soit plus efficace et plus opportune. Les vérifications remontent maintenant à 1991. Depuis, les entreprises ont connu des changements rapides au niveau technologique et sur le plan du personnel; c'est donc une lourde tâche de retrouver les dossiers archivés et de s'assurer de la présence de personnel capable de répondre aux questions se rapportant à ces années, particulièrement quand l'information - compte tenu des changements qui ont pu avoir lieu dans telle ou telle entreprise - peut fort bien s'avérer périmée dans bien des cas.
Autre problème, la rapidité de l'évolution du droit fiscal. Cela impose de très lourdes obligations d'observation à tous les contribuables canadiens, pas seulement à nos membres mais à tous les contribuables. Cette évolution du droit fiscal représente un énorme fardeau sur le plan de l'observation de la réglementation.
Le bon fonctionnement d'un régime fiscal, autant du point de vue d'un investisseur que de celui de n'importe quel contribuable, se mesure à sa stabilité. Quand les changements se succèdent rapidement, non seulement ils entraînent une modification du régime fiscal, mais ils le compliquent, naturellement. Ce qui fait la solidité d'un régime fiscal, c'est sa constance. Lorsque l'évolution est rapide et que la mise en oeuvre d'un grand nombre des changements accuse du retard, l'observation de la réglementation devient incertaine et la confiance des investisseurs s'émousse.
Par de nombreux côtés, le régime fiscal fédéral est un ensemble disparate qui peut pousser les gens d'affaires à prendre des décisions en faisant très souvent abstraction des données fondamentales de l'économie. On comprend qu'il y ait des variantes entre les politiques fédérales, mais les divers chevauchements entre les articles de la Loi de l'impôt sur le revenu se rapportant à une même situation, la complexité de nombreuses mesures législatives adoptées récemment et celle du système en général font que les politiques sur lesquelles s'appuient les prises de décision sont artificielles et ne reposent pas sur les données fondamentales auxquelles on devrait se référer lorsqu'on exploite une entreprise ou lorsqu'on investit dans une société.
Bien sûr, le danger ne vient pas simplement de ce dont j'ai parlé tout à l'heure - des chevauchements entre les administrations - et la question n'est pas simplement de choisir entre les provinces. Le vrai danger est que l'on ne choisisse pas le Canada, un point c'est tout.
Nous applaudissons les efforts du gouvernement pour harmoniser la TPS. Toutefois, le fait que cela ne s'étende pas à toutes les provinces signifie qu'un grand nombre d'entreprises canadiennes prennent des décisions liées à leur localisation et commencent à prendre en compte plus que jamais auparavant les différences qui existent entre les différentes administrations. Lorsqu'elles relèvent de certaines compétences, bien des compagnies canadiennes ne peuvent plus créditer leurs facteurs de production à leurs produits parce que le système n'est pas harmonisé.
La seule disposition regrettable des accords d'harmonisation touchant les provinces atlantiques est celle qui stipule que, dans ces provinces, s'il y a une différence de revenus, les charges sociales pourraient être remboursées pour compenser. À notre avis, cela ne serait pas bénéfique car l'harmonisation deviendrait alors à plusieurs égards un avantage isolé, plutôt qu'un avantage global. Selon nous, il faudrait éviter tout impôt qui ne tient pas compte des profits.
Nous avons une observation similaire à faire à propos des impôts sur le capital fixés, eux aussi, sans tenir compte des profits. Le problème est d'autant plus aigu maintenant qu'un plafond est imposé à la déductibilité des charges sociales et des impôts sur le capital au niveau fédéral.
J'ai terminé, monsieur le président, et je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harris.
Nous allons maintenant entendre M. Myers, de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens. Monsieur Myers, est-ce vous qui allez commencer?
M. Jayson Myers (vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens): Monsieur le président, je vous remercie.
Je vais laisser George Penna, de Noranda, de vous parler de certains aspects techniques du système d'imposition sur le revenu des sociétés, mais j'aimerais auparavant faire quelques observations.
Pour commencer, disons qu'au plan de la fiscalité, les entreprises n'ont rien pour rien dans ce pays. En 1995, les entreprises du Canada ont payé 32 milliards de dollars de charges sociales,15 milliards de dollars de taxes foncières, 4 milliards de dollars d'impôts sur le capital, et environ5 milliards de dollars de taxes de vente au détail. Par dessus le marché, le Conseil du Trésor estime que les entreprises ont dépensé entre 30 et 50 milliards de dollars pour se conformer aux règlements découlant du régime fiscal. Selon le gouvernement du Québec, ce montant pourrait s'élever à65 milliards de dollars.
On ne fait donc certainement aucun cadeau aux entreprises et le coût sur le plan des emplois et des pertes d'investissement croît régulièrement. Depuis 1989, les charges sociales à elles seules, sur la base du taux horaire, se sont accrues de 85 p. 100, alors que les prix de vente industriels n'ont augmenté que d'un peu plus de 10 p. 100. Cette augmentation de 85 p. 100 représente l'équivalent de 250 000 emplois ou environ 2 p. 100 de la population active.
La Chambre de Commerce a déjà mentionné les taxes de fonctionnement représentent un fardeau fiscal de plus en plus lourd. Pour ce qui est des problèmes que rencontrent les entreprises du fait de la progression régulière du taux d'imposition des revenus des particuliers, disons qu'à cause de cela, il est difficile aujourd'hui d'attirer des personnes compétentes dans les entreprises. Par ailleurs, il y a des problèmes dus à la montée en flèche du taux d'imposition effectif des revenus des sociétés. Toutes ces difficultés rejaillissent sur l'emploi et sur l'investissement.
En matière de coûts, à mon avis, non seulement faut-il considérer les coûts économiques et les coûts occasionnés par le régime fiscal des entreprises comme des coûts directs, mais il est aussi important de prendre en compte les coûts d'opportunité engendrés par le régime fiscal actuel. Il faut envisager une restructuration du régime fiscal afin qu'il devienne compétitif et qu'il offre des incitatifs à l'innovation, à la croissance, à l'exportation et au développement. Sans cela, les coûts d'opportunité réels ne seront pas totalement pris en compte.
Je ferai une autre observation au sujet de la compétitivité. Quand on parle de compétitivité aujourd'hui, il ne s'agit pas simplement de copier les États-Unis. Il s'agit de structurer le régime fiscal de façon à le rendre assez attractif pour que les entreprises s'implantent dans notre pays, qu'elles y investissent, qu'elles exportent d'ici des produits faits ici et qu'elles embauchent des Canadiens. Je pense que cela est d'importance capitale. Nous ne souhaitons pas simplement copier le régime fiscal de notre plus grand partenaire commercial. En fait, nous sommes aujourd'hui en concurrence, dans le monde entier, avec des pays qui offrent des allégements fiscaux plus compétitifs que ce que le Canada propose à l'heure actuelle.
J'aimerais maintenant donner la parole à George Penna pour qu'il vous fasse un résumé de plusieurs questions techniques particulièrement préoccupantes.
M. George Penna (Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens): Bien des points que je vais soulever ont déjà été mentionnés aussi bien à la séance d'hier que par Peter Harris. Mes observations porteront, d'une part, sur les facteurs qui influent sur les coûts économiques et d'autre part, sur ceux qui ont une incidence sur les coûts occasionnés par l'observation de la réglementation.
L'Alliance constate qu'au cours des dernières années, la tendance a été de diminuer les taux d'imposition prévus par la loi, et nous en prenons bonne note. Mais nous sommes d'avis que les taux effectifs d'imposition ont augmenté. Cela s'est produit du fait de la plus forte incidence des impôts indirects et de l'élargissement de l'assiette fiscale. Cela veut dire que lorsque nous évaluons des investissements, le taux d'imposition prévu par la loi ne signifie rien pour nous. C'est le taux effectif qui compte.
Les deux idées suivantes sont liées. Le Canada est l'un des rares pays à ne pas disposer d'un système de transfert des pertes fiscales ou d'un système de déclaration consolidée. À notre avis, cela entraîne d'importants coûts économiques supplémentaires.
Mon troisième point est que les réorganisations en franchise d'impôt au Canada sont inutilement complexes, et que cette complexité est probablement due à l'absence d'un système de transfert. Nous devrions chercher des moyens de simplifier ces procédures. Les contribuables et les entreprises ne devraient pas être toujours obligés d'obtenir des décisions anticipées quand ils envisagent une réorganisation.
Pour ce qui est des facteurs qui influent sur les coûts d'observation de la réglementation, mon collègue a fait allusion au problème de l'apurement des comptes suite aux vérifications effectuées par Revenu Canada. Nous considérons qu'il s'agit d'un facteur qui a une incidence importante sur nos coûts d'application des règlements. Il y a tout simplement trop d'exercices non vérifiés et il est trop difficile d'obtenir l'apurement des comptes de ces exercices.
Par ailleurs, on impose de plus en plus de pénalités. Nous ne savons pas vraiment pourquoi, mais nous pensons qu'au plan de l'observation des règlements cela a probablement l'effet contraire de celui qui est recherché. Des pénalités plus élevées encouragent les contribuables à déménager dans des endroits moins coûteux. Nous pensons également que les gouvernements en place utilisent de plus en plus les pénalités pour accroître leurs recettes plutôt que d'augmenter le taux d'imposition.
Nous constatons d'autre part une incohérence de traitement entre les frais d'intérêt perçus en cas de paiement d'impôts en retard et ceux qui s'appliquent aux remboursements. Il s'agit d'un problème vieux comme le monde, mais nous souhaitons insister sur la question. Le taux des intérêts perçus en cas de retard dans le paiement de l'impôt est élevé et ces frais ne sont pas déductibles. En revanche, les intérêts perçus sur les remboursements sont imposables. Nous ne voyons aucune raison pour que ces deux cas soient traités différemment.
J'aimerais faire une observation à propos de l'impôt sur les grandes corporations. Nous considérons qu'il s'agit d'un impôt minimum sur les entreprises sous une forme différente. Nous sommes d'avis que cela aboutit simplement à faire monter les coûts d'observation des règlements. Combiné au large éventail des impôts provinciaux sur le capital, cela alourdit simplement le fardeau que constituent les coûts d'observation de la réglementation.
On a parlé de balkanisation de la fiscalité. Vu la taille du Canada, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait un aussi grand nombre de niveaux d'administration fiscale. Nous serions tout à fait prêts à approuver une harmonisation des impôts sur le revenu et des impôts sur le capital.
Pour ce qui est des éléments du régime fiscal qui influent sur les investissements internationaux et les exportations, mentionnons deux choses. En ce qui concerne les retenues d'impôt sur les dividendes, nous notons que la tendance est à la baisse. Elles sont aujourd'hui de 5 p. 100 pour les investissements directs. Nous incitons le gouvernement à viser un taux 0, afin d'encourager encore plus l'investissement au Canada.
Sur le plan des exportations, on peut considérer le Canada comme un pays exportateur. Nous sommes en concurrence avec les États-Unis où existe la FISC, qui encourage les exportateurs. Nous soutenons depuis de nombreuses années que le Canada devrait avoir quelque chose qui ressemble à la FISC américaine. Nous reconnaissons que le Canada a pris des initiatives dans le passé pour devenir concurrentiel par rapport aux exportateurs américains, mais nous pensons que tout ce secteur devrait être réexaminé.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, messieurs Myers et Penna.
Nous entendrons maintenant Rob Spindler du cabinet Coopers et Lybrand.
Avant de continuer, nous devons régler un petit problème technique, et les techniciens nous demandent de leur accorder environ deux minutes. Si je comprends bien, Norman Jewison veut distribuer nos audiences sous licence; nous allons donc attendre quelques instants, jusqu'à ce que l'on nous donne le feu vert.
Le président: Nous reprenons nos travaux. Je m'excuse de vous avoir interrompu, monsieur Spindler.
M. Rob Spindler (associé, Coopers et Lybrand): Mais pas du tout. Don Watkins vient de me faire l'honneur d'insinuer que je ressemblais un peu à Donovan Bailey; quelques faux départs et... je ne pense pas être du même calibre.
Le président: Vous ne serez pas disqualifié.
M. Spindler: Vous m'avez demandé de parler aujourd'hui des caractéristiques du régime fiscal qui influent sur les coûts économiques et les coûts d'observation. Au risque de répéter ce que d'autres ont déjà dit hier et aujourd'hui, j'aimerais passer quelques facteurs en revue, afin de faire ressortir les points de convergence.
Il y a une corrélation directe entre les coûts économiques et les coûts occasionnés par le régime fiscal des entreprises d'une part, et le nombre d'impôts et d'administrations, ainsi que les montants en cause, d'autre part. Par exemple, un entrepreneur typique de l'Ontario doit se débrouiller avec le RPC, la CAC, l'impôt-santé des employeurs, l'impôt provincial sur le revenu, l'impôt provincial sur le capital, l'impôt fédéral sur le revenu, l'impôt fédéral sur le capital, l'impôt minimum de remplacement, la TPS, la taxe de vente, les droits de douane, les droits à l'exportation, les impôts fonciers, et diverses taxes professionnelles locales. Tout cela conjugué rend le fardeau imposé aux compagnies qui font des affaires au Canada plutôt lourd. Les problèmes se multiplient quand une entreprise prend une expansion internationale et se trouve confrontée à des administrations étrangères.
Quelle conclusion tirer de tout cela? Une entreprise qui envisage se lancer dans une activité quelconque doit avoir deux considérations en tête: premièrement, la meilleure façon de gagner de l'argent; et deuxièmement, la meilleure façon d'en conserver autant que faire se peut. En quoi cela concerne-t-il votre analyse des coûts économiques et des coûts occasionnés par l'observation du régime fiscal des entreprises?
Les facteurs les plus importants qui influent sur les coûts économiques sont les taux d'imposition relativement élevés au Canada et la différence entre les taux et les mesures incitatives qui existent dans les provinces. Je prendrai le Québec comme exemple de l'incidence que peuvent avoir les taux d'imposition sur les coûts économiques. Parce que les sociétés jouissent d'un taux d'imposition relativement modéré au Québec, les entreprises sont plutôt enclines à prendre des initiatives pour transférer les revenus réalisés dans d'autres provinces au Québec. Il s'agit d'une réaction naturelle quand on cherche à améliorer les résultats financiers.
À partir de cet exemple qui illustre la situation à l'échelle nationale qui me paraît très éclairant, on peut extrapoler et passer au niveau contexte international, où les entreprises ont le choix entre le Canada et d'autres pays dont les régimes fiscaux ou les taux d'imposition peuvent les inciter à y transférer leurs revenus.
En ce qui a trait aux coûts d'observation, ils sont directement affectés par le nombre et la complexité des exigences relatives aux déclarations, et par le nombre des administrations fiscales qui sont parties prenantes au processus. Il y a deux réactions possibles, comme cela a été mentionné plus tôt - à savoir, la simplification et l'harmonisation.
Beaucoup de choses ont été dites à propos de la simplification. Je considère qu'il s'agit d'un objectif noble; malheureusement, dans le monde complexe où nous vivons, je pense qu'il est inévitable d'avoir une législation complexe. À mon avis, notre régime pourrait être amélioré et rationalisé, mais l'on aura toujours des régimes fiscaux complexes. Nous vivons dans un monde complexe. Don Watkins me faisait remarquer hier qu'il serait merveilleux de vivre dans un monde où il y aurait des instructions simples pour programmer un magnétoscope. Alors, s'il n'est pas possible de simplifier ce genre de choses, je doute que nous soyons capables de simplifier le régime fiscal.
Je vous prends beaucoup pour cible aujourd'hui, Don. Je m'en excuse.
Selon moi - et cela a déjà été dit - l'harmonisation offre de meilleures perspectives. Si nous parvenons à réduire le nombre d'administrations fiscales impliquées et à faire disparaître autant de différences entre les régimes fiscaux que possible, on pourra faire baisser les coûts d'observation des règlements.
Ce ne sont là sans doute que des généralisations à l'emporte- pièce. Ce sont des choses dont il est très difficile de parler dans l'abstrait. Je voudrais terminer par deux remarques ou deux suggestions concernant des initiatives faciles à prendre pour améliorer les choses ou réduire les coûts d'observation des règlements. Une de ces remarques concerne Revenu Canada et l'autre, le ministère des Finances.
Au sujet de Revenu Canada, beaucoup ont l'impression, tout à fait exacte, je pense, que Revenu Canada fonctionne avec des ressources sévèrement et injustement restreintes. À cause de ces contraintes, le ministère est moins en mesure de faire face à la complexité toujours plus grande des affaires et de la législation, et en bout de ligne, le gouvernement et les entreprises en souffrent. Je pense qu'une amélioration significative des ressources et de la rémunération des fonctionnaires de Revenu Canada pourraient réduire considérablement les coûts d'observation autant pour le gouvernement que pour les entreprises.
En ce qui a trait au ministère des Finances, j'aimerais reprendre un argument qui a déjà été avancé par Peter Harris, je pense. On produit un flux régulier et continuel de textes de loi extrêmement complexes. Je pense qu'en fait il s'agit d'une conséquence incontournable de la complexité de l'environnement commercial. Toutefois, il me semble que l'on pourrait grandement améliorer le processus d'élaboration de ces textes de loi. Bien entendu, le voile de mystère qui entoure le budget est tout à fait justifié parce que cela touche à la politique gouvernementale; mais ce n'est pas le cas d'un grand nombre de textes législatifs qu'il n'est pas nécessaire d'entourer d'autant de mystère jusqu'au moment où ils atteignent le stade de projet de loi, quand tout devient pratiquement immuable.
S'il existait un mécanisme qui permettrait au ministère des Finances de communiquer avec les entreprises et les représentants des diverses professions pendant qu'on élabore les mesures législatives, manifestement, cela améliorerait grandement l'efficacité de la loi et son observation, tout en réduisant les coûts de manière significative.
Je pense que l'exemple typique est celui qui a été donné par Peter, à savoir l'exigence relative aux déclarations des entreprises sur leurs filiales étrangères. Cette question fait l'objet de projets de loi et de propositions depuis déjà pas mal de temps.
Assez récemment, on a pu prendre connaissance de quelques formulaires rendus publics pour fins de consultation. Tout d'abord, on exige une énorme quantité d'informations quelle que soit la taille de l'entreprise qui a une activité multinationale. Si les règles ne sont pas changées, la quantité des informations requises, leur nature et les délais imposés pour les fournir constitueront un énorme fardeau pour les entreprises qui versent des impôts et sont tenues d'observer certaines règles. Selon nous, les informations ainsi recueillies, par leur nature, sont quasiment inutiles pour Revenu Canada.
On se retrouve donc devant la perspective d'énormes dépenses. Les entreprises se débattent actuellement - et Peter, je suis sûr que vous et l'Alliance faites des démarches à cet égard, comme d'autres, pour tenter de changer cette proposition, de la rationaliser de manière à ce que des informations utiles soient fournies à Revenu Canada - qui a le droit de les obtenir, mais sous une forme efficace, à un moment et d'une manière qui permettraient aux entreprises de se conformer au règlement à un coût raisonnable.
Malheureusement, il s'agit en quelque sorte d'une intervention a posteriori. Les choses sont déjà pratiquement gravées dans le marbre. Les gens se débattent et perdent du temps et de l'énergie pour essayer de changer ces règles, alors qu'en réalité, il s'agit d'une proposition totalement anodine. Il aurait suffi de quelques discussions avec les entreprises, particulièrement avec les entreprises et les diverses professions, au début du processus, et de quelques réunions, pour mettre en place un système qui aurait été accepté, adopté et appliqué sans aucune difficulté. Alors que maintenant, il y a tout ce brouhaha. À mon avis, c'est la démonstration patente que le manque de communications entre le ministère des Finances et le monde des affaires va à l'encontre des intérêts du gouvernement et non dans l'autre sens.
Le président: Merci, monsieur Spindler.
La parole est maintenant à Don Watkins de l'Association du barreau canadien.
M. Donald Watkins (présentation individuelle): Merci et bonjour.
Je préside la Division de la politique de l'impôt de l'Association du barreau canadien, et je suis associé du cabinet d'avocats Felesky Flynn, de Calgary. Cependant, monsieur le président, je suis ici aujourd'hui à titre personnel et mes propos ne doivent pas être interprétés comme étant le point de vue officiel de l'Association du barreau canadien.
Mesdames et messieurs, aujourd'hui comme c'était d'ailleurs le cas hier, on trouve autour de la table des représentants d'organismes tout à fait compétents pour parler de ce que coûte l'observation des règles fiscales, qu'il s'agisse de produire des déclarations, de faire l'objet de vérifications de la part de Revenu Canada et ainsi de suite. Mais aujourd'hui, le cadre de discussion comprend également les dépenses engagées par les entreprises pour leur planification fiscale. Un des facteurs susceptibles de contribuer aux coûts de planification fiscale est le processus des décisions de Revenu Canada. J'ai pensé qu'il serait peut-être intéressant de parler de ce processus avec vous aujourd'hui, et de faire quelques observations sur la façon dont il pourrait être amélioré avec l'appui du gouvernement.
Je commencerai par situer les choses dans leur contexte. La Direction des décisions et des interprétations de Revenu Canada rend des décisions anticipées sur les transactions envisagées, afin que les contribuables puissent avoir une idée assez précise de la façon dont ces transactions seront traitées dans le cadre d'une vérification effectuée par Revenu Canada. Si le contribuable donne suite à la transaction de la façon indiquée dans la décision, et a fait connaître tous les faits et renseignements pertinents, Revenu Canada considère que la décision a force exécutoire.
Ce service, soit dit en passant, n'est pas gratuit. Si vous y recourez, il vous faudra acquitter des frais. Le tarif est de 90$ de l'heure, plus la TPS, pour le temps que consacrent les agents des décisions à examiner une transaction, avant de déterminer s'il y a lieu ou non de rendre les décisions qui ont été requises.
Il n'est pas légalement nécessaire d'obtenir une décision en matière d'impôt pour donner suite à une transaction. Il n'y a aucune obligation à ce sens. Mais comme l'a dit M. Spindler, au Canada, le droit fiscal est compliqué, par nécessité je suppose, et un grand nombre d'entreprises cherchent à confirmer les conséquences fiscales d'une transaction avant d'y donner suite. On peut donc, selon moi, considérer que le processus d'obtention de décisions anticipées fait partie des coûts associés au respect des obligations fiscales que l'on doit absorber quand on fait des affaires dans ce pays.
À mon avis, le processus des décisions profite à la fois aux contribuables et au gouvernement. Il apporte aux contribuables la certitude qu'une transaction sera traitée d'une certaine façon, mais il donne aussi au gouvernement, par l'intermédiaire de Revenu Canada et du ministère des Finances, un aperçu de ce qui se trame dans le monde des affaires, des transactions envisagées et des différentes interprétations du droit fiscal. Il s'agit, selon moi, d'une précieuse caractéristique du système du point de vue du gouvernement.
Mais il y a les coûts. L'un des problèmes auxquels font face les contribuables est le coût que représente le temps qu'il faut consacrer pour obtenir des décisions anticipées.
Comprenons-nous bien: je ne critique pas, en l'occurrence, la Direction des décisions. Les employés de ce service font du bon travail, compte tenu de la pression et du stress que l'on subit lorsqu'on occupe un poste relativement en vue. Mais selon moi, Revenu Canada se trouve dans l'impossibilité d'embaucher et de garder les gens hautement compétents dont la présence est nécessaire pour faire face au nombre grandissant de demandes de décisions.
Cette situation s'explique en partie par la disparité qui existe entre les salaires versés par le gouvernement et la rémunération proposée par le secteur privé. C'est un fait que les agents des décisions peuvent gagner beaucoup plus d'argent dans le secteur privé qu'à Revenu Canada.
Ce que je suggère donc, c'est que le gouvernement accorde plus de ressources à cet important groupe au sein de Revenu Canada. La Direction des décisions devrait avoir pour rôle d'appuyer les activités commerciales au Canada, ainsi que l'investissement et le réinvestissement de capital d'une manière qui soit efficace et qui s'inscrive dans le cadre des lois fiscales prescrites par le Parlement.
Loin de moi l'idée de suggérer que Revenu Canada rende des décisions qui ne sont pas conformes à la loi; malheureusement, il arrive relativement souvent que les demandes officielles de décisions soumises à Revenu Canada s'accumulent et par conséquent, le temps qu'il faut pour obtenir une décision dans le cadre de la procédure formelle représente effectivement un coût pour les entreprises.
Je pense que le processus des décisions a un intérêt pour le gouvernement comme pour les contribuables. Il doit être perçu comme un important instrument permettant au gouvernement de comprendre la façon dont la législation fiscale est appliquée et aux contribuables, d'obtenir les assurances qu'ils recherchent avant de donner suite à leurs transactions.
Le bon côté de la chose est que le gouvernement n'a pas nécessairement besoin d'engager de nouvelles dépenses pour fournir ces ressources additionnelles. Des frais sont perçus pour l'utilisation des services de la Direction des décisions. Personne ne s'en plaint, à ma connaissance. Le gouvernement devrait facilement être en mesure de récupérer le coût des ressources additionnelles nécessaires pour améliorer le déroulement du processus et accroître le nombre de décisions que les préposés sont en mesure de rendre en une année.
J'encourage donc le gouvernement à réexaminer le processus des décisions et à envisager l'accroissement des ressources, de manière à améliorer l'intérêt de ce mécanisme pour le gouvernement et pour le contribuable. Je pense que cela est possible sans coûts nominaux supplémentaires pour le Trésor.
Globalement, je pense que la Direction fait du bon travail. Selon moi, ce serait dans l'intérêt de toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement, de mieux la soutenir, afin qu'elle puisse traiter un plus gros volume de demandes qu'elle n'est en mesure de faire actuellement.
Le président: Merci, monsieur Watkins. Je passe maintenant la parole à Drew Glennie de la compagnie Shell Oil.
M. Drew Glennie (vice-président pour le Canada, Tax Executives Institute): Je vous remercie, monsieur le président. Je voudrais préciser que je suis employé par Shell Canada et non par Shell Oil, et que je comparais aujourd'hui à titre de vice-président pour le Canada du Tax Executives Institute.
En guise d'introduction, permettez-moi de dire que j'appuie globalement les observations que j'ai entendues aujourd'hui; toutefois, je souhaite quand même présenter les choses sous un angle un peu différent.
Je commencerai par vous donner quelques renseignements sur le Tax Executives Institute et sur ce que cet organisme représente. Il s'agit d'un organisme international regroupant environ 5 000 fiscalistes qui, dans l'exercice de leurs compétences au niveau exécutif, administratif ou gestionnel, sont responsables des affaires fiscales des sociétés et autres entreprises pour lesquelles ils travaillent. Nous représentons plus de 2 900 grandes sociétés canadiennes et américaines. Il s'agit le plus souvent des plus grosses sociétés d'Amérique du Nord.
Environ 10 p. 100 de nos adhérents sont des Canadiens. Nous avons quatre sections au Canada: à Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver. Le Canada est l'une des neuf régions géographiques où cet organisme de responsables fiscaux est représenté.
On compte parmi les membres de l'Institut des représentants de la plupart des grandes industries du pays, notamment les industries de la transformation, de la distribution, du commerce de gros et de détail, de l'immobilier, des transports, des services financiers, des télécommunications et des ressources naturelles.
L'Institut s'est depuis toujours intéressé aux questions touchant la politique et l'administration fiscales. Nous collaborons d'ailleurs étroitement avec les ministères des Finances et du Revenu pour faire en sorte que les régimes fiscaux du Canada fonctionnent aussi efficacement que possible.
Nous sommes convaincus que les lois fiscales sont administrées dans le respect des normes les plus rigoureuses de compétence et d'intégrité professionnelles, et dans un climat de compréhension et de confiance mutuelles entre le monde des affaires et le gouvernement. C'est important. Nous avons besoin au Canada de compréhension et de confiance réciproques entre le monde des affaires et le gouvernement, afin de promouvoir un fonctionnement à la fois efficace et équitable du régime fiscal.
Les commentaires que je vais faire aujourd'hui au sujet du respect des obligations fiscales et des coûts qui en découlent sont relativement brefs. Et ils ne sont pas techniques. Je le répète, je souscris aux points de vue qui ont été formulés jusqu'ici, mais si je me réfère à mon expérience à Shell Canada et si j'examine les coûts occasionnés par le régime fiscal des entreprises et leur hausse au cours des 20 dernières années - depuis le milieu des années 70 jusqu'à aujourd'hui - je constate qu'ils se sont multipliés plusieurs fois par rapport à la valeur du dollar. Je vois à cela deux raisons.
La première est la législation elle-même. Elle est volumineuse. Nous avons entendu des commentaires sur les nombreux changements qui y ont été apportés et sur sa nature complexe. Certains ont dit que peut-être sa complexité n'est que le reflet de notre société. C'est fort possible; néanmoins, ces deux facteurs se sont conjugués pour faire monter le coût des obligations fiscales au Canada.
En outre, le système politique canadien comprend le gouvernement fédéral et les provinces. Là encore, du point de vue du respect des obligations fiscales, le fait que l'on doive produire des déclarations pour le gouvernement fédéral et les provinces qui refusent de coopérer - je parle en l'occurrence de l'impôt sur le revenu - entraîne une duplication des efforts des gouvernements respectifs et des contribuables, ce qui signifie qu'il faut plus de temps et plus de ressources à des fins foncièrement non économiques.
Étant donné que mon entreprise opère dans toutes les provinces du Canada, elle est concernée par la taxe sur les produits et services et par les taxes de vente provinciales. Si on examine ces taxes de vente, on se rend compte que selon les provinces, différents articles peuvent y être assujettis ou non. Imaginez la difficulté que peut avoir l'employé d'un commerce de détail pour se rappeler les catégories de produits auxquelles s'applique la taxe sur les produits et services et la taxe de vente provinciale, et vous comprendrez sans peine le problème insoluble que cela nous pose.
J'aurais deux suggestions à faire: elles pourraient s'inscrire dans le cadre du système actuel, qui n'aurait pas besoin d'être changé, mais cela aiderait les grandes sociétés canadiennes sans pour autant aller à l'encontre de l'intérêt que leur porte Revenu Canada. Je me servirais de Shell Canada comme exemple.
Vous serez peut-être surpris d'apprendre que nous hébergeons les vérificateurs de Revenu Canada dans nos bureaux de manière permanente, 365 jours par an. Nous en avons en effet trois. C'est ce que j'appelle la vérification «régulière». En outre, nous recevons de temps en temps la visite d'un organisme appelé Vérification internationale. À l'occasion, nous avons également la visite d'autres services fiscaux appartenant à l'administration fédérale. Parallèlement, nous traitons avec les vérificateurs provinciaux de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta.
J'ai une suggestion à faire. Étant donné que des agents du fisc occupent certains de nos bureaux en permanence, et vu qu'ils ont un accès illimité à tous nos documents - en 1995, nous avons calculé le volume de la documentation que nous avons produite pour le gouvernement fédéral et nous avons découvert qu'elle mesurait un mètre de haut - il semble qu'envoyer une telle quantité de documents au gouvernement fédéral, alors qu'il est représenté en permanence dans nos bureaux, soit une duplication d'efforts.
On a mentionné plus tôt les exigences relatives aux déclarations que devraient fournir les filiales étrangères. À vrai dire, l'Institut met la dernière main à un rapport qu'il va soumettre au gouvernement. Je ne peux qu'appuyer les observations des autres témoins. Il s'agit d'obligations fiscales qui n'apportent aucune information supplémentaire au gouvernement.
Mon autre suggestion porte sur les vérifications effectuées par le gouvernement. Comme je l'ai dit, Revenu Canada occupe en permanence des bureaux chez Shell Canada; néanmoins, c'est l'année 1991 qui fait actuellement l'objet d'une vérification. La vérification en cours a cinq ans de retard. Par dessus le marché, nous avons des dossiers qui remontent 25 ans en arrière, jusqu'à 1971, et qui restent en suspens à cause de divers contentieux et avis d'opposition.
Je reconnais le mérite de Revenu Canada. Le ministère a entamé un examen de ses propres procédures et revoit peut-être le processus de vérification des grandes sociétés, mais je ne peux m'empêcher de comparer le processus de Revenu Canada et celui de nos vérificateurs externes qui travaillent pour l'un des grands cabinets comptables du pays. Comme vous le savez, un cabinet comptable est tenu de signer les états financiers de la société. Notre exercice court sur l'année civile: leur vérification est terminée chaque année à la fin du mois de février, et ils sont en mesure à ce moment-là de signer les états financiers pour attester de l'authenticité de nos registres. Je ne peux pas indiquer précisément le nombre d'heures-personnes ou d'années-personnes que le cabinet consacre à notre vérification, mais c'est certainement moins de trois années-personnes par an.
J'ai en terminé avec les observations que je voulais faire aujourd'hui.
Le président: Merci, monsieur Glennie.
Nous entendrons maintenant Catherine Swift de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes.
Mme Catherine Swift (présidente, Fédération canadienne des entreprises indépendantes): Merci, monsieur le président.
Comme les questions de fiscalité ont toujours été au coeur des préoccupations de nos membres au cours des 25 ans pendant lesquels nous les avons sondés, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui et nous souhaitons ardemment continuer à participer au processus de consultation au cours des prochains mois.
J'aimerais souligner quelques-unes de nos préoccupations et aborder ces problèmes dans une perspective différente, c'est-à-dire naturellement, celle des petites et moyennes entreprises, les créateurs d'emploi de notre économie.
Ce qui nous inquiète, entre autres, c'est que le niveau global des impôts ne figure pas parmi les questions qui doivent être abordées dans le cadre du présent examen du régime fiscal. Le Canada continue d'être une économie très imposée. Comme nous le savons, ce niveau d'imposition global a progressé d'une façon beaucoup plus marquée au cours des 20 dernières années que dans les autres pays développés.
Actuellement, la faiblesse du dollar canadien est le facteur primordial qui nous rend concurrentiels et qui aide l'économie; je pense toutefois qu'il est assez important de se souvenir que dans les années 80, quand la valeur du dollar était beaucoup plus élevée par rapport à celle du dollar américain, nous faisions face à de graves difficultés comme le magasinage outre-frontière, et nous connaissions, globalement, de très sérieux problèmes économiques.
Nous ne voudrions donc pas donner l'impression que le niveau d'imposition ne pose pas de problème. C'en est un. À notre avis, nous parvenons à nous en sortir assez bien actuellement à cause de la valeur concurrentielle de notre dollar, mais cela ne durera pas éternellement; nous considérons donc qu'il est très important de se pencher aussi sur le niveau d'imposition au Canada.
Pour en revenir à ce qui était, selon nous, le cadre original de cet examen tel qu'il était décrit dans le budget, le premier objectif était d'améliorer le système fiscal et de promouvoir la création d'emplois et la croissance économique dans une économie ouverte.
Comme le démontrent les recherches effectuées par le passé par notre groupe ou par d'autres - une étude récente de l'OCDE l'a encore confirmé dans le cadre de comparaisons internationales - notre milieu, la communauté des petites entreprises, est le créateur d'emplois dominant et en toute probabilité, continuera de l'être pour une durée indéterminée. Nous considérons que l'observation des règlements est un domaine très important et nous ne voulons pas donner l'impression que nous le sous-estimons, mais nous ne pensons pas que le respect des obligations fiscales devrait être la seule ni même la principale cible du comité.
En outre, l'expérience nous a montré que très souvent, les améliorations de la pseudo-efficacité fiscale se sont surtout soldées par des avantages pour le gouvernement plutôt que pour le monde des affaires. Pour ne citer qu'un ou deux exemples récents, parmi l'ensemble des modifications de la TPS introduites il y a deux mois, nous avons remarqué que les changements que l'on se propose d'apporter au crédit de taxe sur les intrants fictifs ont pour objet de simplifier les choses pour les gens de Revenu Canada et du ministère des Finances. Mais en fait, pour les petites entreprises et plusieurs industries, cela aggravera la situation. Ce n'est qu'un exemple.
En voici un autre: il concerne le relevé d'emploi qui figure au nombre des nouvelles dispositions du régime d'assurance-emploi récemment adoptées. On constate un effort de simplification évident, mais cela va se traduire par une augmentation assez significative des coûts de l'assurance-emploi pour les petites entreprises. Il faut donc se méfier: souvent la simplification, tout aussi souhaitable qu'elle soit, est introduite pour de mauvaises raisons.
En tant qu'organisme, nous avons collaboré avec le présent gouvernement - et d'autres, naturellement, au fil des années - pour faciliter le respect des obligations fiscales des petites entreprises et, nous l'espérons, pour améliorer l'environnement fiscal dans sa totalité. Toutefois, nous avons une fois encore pu constater qu'en bout de ligne, quand on parle de simplifier un quelconque élément du régime fiscal, ce que veulent avant tout les propriétaires de petites entreprises, c'est ne pas avoir à verser plus d'argent.
À ce titre, on peut citer l'exemple de la méthode rapide de calcul de la TPS, introduite il y a plusieurs années: le gouvernement en place avait pensé, au départ, que les petites entreprises ne mordaient pas à la méthode rapide, et ne l'utilisaient pas parce qu'elles ne la comprenaient pas. Nous avons alors fait une recherche qui a montré que les petits entrepreneurs comprenaient parfaitement la méthode, mais qu'ils souhaitaient surtout faire en sorte de ne pas payer un centime d'impôt de plus qu'il ne le fallait. Telle était la véritable raison de leur manque d'intérêt pour la méthode rapide, même si elle présentait pour eux des avantages parce que c'était plus simple. Nous pensons donc que c'est un principe important qu'il ne faut pas perdre de vue quand on se lance dans un exercice de pseudo-simplification.
De façon générale, si le gouvernement souhaite véritablement améliorer le régime fiscal pour le rendre plus équitable et pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique, il se doit alors de s'intéresser au fardeau fiscal disproportionné qu'assument les petites entreprises. Une fois encore, beaucoup de recherches ont été faites sur la question. Les études qui ont vu le jour et même les livres gris et violet du gouvernement fédéral, publiés il y a bientôt deux ans, montrent que le fardeau fiscal des petites entreprises est plus important que celui des grandes sociétés - les estimations vont de 35 à 40 p. 100 de plus, globalement - quand on tient compte de tous les types d'impôts et de taxes acquittés par les petites entreprises et les grandes sociétés.
Naturellement, si c'est le secteur créateur d'emplois, on n'a pas besoin d'être une lumière pour suggérer qu'il faut un peu plus d'équité dans le milieu des affaires si l'on souhaite se centrer davantage sur la création d'emplois. Cela ne veut absolument pas dire que les grandes sociétés devraient payer plus d'impôt; à cause de leur niveau d'imposition, elles sont déjà difficilement compétitives, même avec notre dollar dévalué.
Il n'y a aucun doute que les coûts dus au respect des obligations fiscales, à la production de déclarations, aux vérifications, à l'administration et aux autres mesures qui ont été discutées éloquemment par d'autres groupes ici même ce matin, sont très importants, mais il est également important de souligner que ces coûts retombent de façon disproportionnée sur les petites entreprises.
Il va sans dire que les petites entreprises n'ont pas, parmi leur personnel, des fiscalistes qui consacrent leur temps à s'occuper de telle ou telle obligation fiscale. Elles n'hébergent pas non plus trois fiscalistes de Revenu Canada, et je suppose qu'elles ne s'en portent pas plus mal. En moyenne, nos entreprises emploient de 10 à 12 personnes. On constate souvent que les propriétaires se chargent eux-mêmes de ce genre de travail ou qu'ils versent des honoraires de plus en plus élevés à des consultants externes, des fiscalistes, des comptables et ainsi de suite, parce qu'ils se perdent dans la complexité du système fiscal.
Nous trouvons malheureux à divers titres que la TPS ne soit pas incluse dans cet examen. D'après nos données, le nombre de problèmes relatifs au respect des obligations fiscales a fait un bond parmi nos adhérents suite à l'instauration de la TPS. Il ne fait aucun doute que pour les petites entreprises, le respect des obligations fiscales est devenu un véritable cauchemar à cause de cette taxe, comme nous l'avons montré dans de nombreuses études par le passé. Il est dommage que cela ne fasse pas partie de votre examen, car il s'agit d'un problème monstre.
Nous avons apporté plusieurs exemplaires de nos travaux. Je sais que certains d'entre vous au moins, et peut-être vous tous, avez déjà pris connaissance de ces études, mais nous nous ferons un plaisir de vous distribuer d'autres exemplaires des recherches qui pourraient vous intéresser.
J'ai ici certains documents se rapportant aux prélèvements sur les salaires et à leur progression au cours des six ou sept dernières années en Ontario et au Québec. Il y a également une étude qui remonte à quelques années sur le taux d'imposition effectif selon la taille des entreprises, et sur les différences entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises. Enfin, j'ai un document, qui a été présenté à une conférence de l'Association canadienne d'études fiscales il y a quelques années, sur les coûts du respect des obligations fiscales en ce qui concerne la TPS. J'y fais brièvement allusion pour que ceux qui le souhaitent, puissent nous en demander un exemplaire.
J'aimerais aussi faire remarquer que nous avons eu plusieurs réunions avec Jack Mintz et que nous collaborons avec lui et ses collègues pour faire valoir le point de vue des petites entreprises sur plusieurs des questions qui sont à l'ordre du jour de vos travaux. Nous sommes sur le point d'envoyer à nos membres un questionnaire sur plusieurs des problèmes liés à l'observation des règlements fiscaux, et nous espérons donc, dans un avenir relativement proche, disposer de données intéressantes et à jour sur le point de vue des petites entreprises à propos de nombreuses questions touchant les obligations fiscales et autres.
Un autre domaine qui n'est pas pris en compte dans votre examen - ce qui est dommage - est celui de la fiscalité municipale. Pour les petites entreprises, c'est un problème qui n'a cessé de croître au cours des dernières années. Comme cela a été souligné un peu plus tôt, un grand nombre des difficultés liées à la complexité de notre régime fiscal s'expliquent par l'existence de différents niveaux de gouvernement, leur interaction, leur chevauchement et ainsi de suite. Les municipalités ne peuvent pas être exclues de cette équation. Au fur et à mesure que les divers niveaux d'administration se déchargent de certains coûts sur des paliers inférieurs, ce sont les administrations municipales qui finissent par en hériter. Nous sommes témoins des difficultés grandissantes que cela crée pour nos membres. À notre avis, il s'agit d'un oubli malheureux, et nous vous encourageons à envisager d'étudier, d'une façon ou d'une autre, l'imposition municipale. Il s'agit d'un autre facteur important.
Nous avons fait beaucoup de travail sur certaines de ces questions pendant l'année, et la plupart du temps, nous nous sommes appuyés sur les données fournies par Statistique Canada. Mais ces dernières années, nous avons eu des problèmes à cet égard et nous ne savons toujours pas pourquoi. Ainsi, quoi que nous fassions, nous n'avons pas pu obtenir de Statistique Canada de données à jour sur l'imposition des entreprises. Nous trouvons cela très regrettable. Nous avons, à certaines occasions, eu plus de chance auprès des gouvernements provinciaux. De fait, actuellement nos collègues du Québec travaillent en collaboration avec le gouvernement de cette province sur une étude de l'incidence de l'impôt sur les entreprises de différentes tailles.
Nous encourageons fortement le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux, d'ailleurs, à utiliser conjointement... Qu'on recueille donc des statistiques à jour et que l'on commence à s'occuper de ces questions. S'il existe une telle disparité entre les petites et les grandes entreprises, ce qui semble avoir été démontré sur le papier, et si nous souhaitons la création d'un plus grand nombre d'emplois au Canada, il vaudrait mieux entreprendre un état des lieux.
Enfin, à l'heure actuelle, nous ne sommes pas totalement convaincus que le gouvernement donnera suite à toutes les conclusions de ce comité. Nous pensons que beaucoup de choses peuvent être faites avant que ce processus aboutisse.
Nous nous intéressons depuis quelque temps aux cotisations d'assurance-emploi. Je sais qu'on n'a pas l'intention de réduire les impôts à la conclusion de ce processus, ce qui est aussi regrettable, mais l'assurance-emploi a atteint un niveau tout à fait satisfaisant et continuera de progresser, même après une augmentation substantielle des cotisations pouvant atteindre 60 à 70c. Naturellement, toute réduction s'appliquerait aussi aux cotisations des employés. Vous réinjecterez ainsi une somme rondelette dans l'économie sans avoir besoin d'apporter d'autres changements structurels au régime.
Nous encourageons fortement votre comité à s'intéresser aux incidences très négatives de ces prélèvements sociaux. Celle de l'assurance-emploi est très importante. Nous le savons, le RPC est également un régime où il y aura très probablement à des augmentations dans un avenir assez proche. Nous pensons qu'il y a des questions sur lesquelles on peut agir très rapidement sans attendre la conclusion de l'examen. Cela donnerait certainement au monde des affaires en général et aux petites entreprises en particulier la confiance nécessaire pour créer les emplois dont on a actuellement besoin.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Swift.
Monsieur Boothe.
M. Paul Boothe (professeur au Département d'économie, Université de l'Alberta): Je dois vous dire que je ne suis pas vraiment un expert en fiscalité. Mon domaine est le fédéralisme fiscal. J'ai cru que je pourrais peut-être contribuer à la discussion en parlant de l'économie politique et de la manière dont un pays fédéral peut envisager une réforme de sa fiscalité quand il est dans la situation du Canada.
Vous vous rappelez probablement, je n'en doute pas, qu'en 1994, le ministre fédéral,M. Martin, a proposé aux provinces d'harmoniser les taxes de vente. Foncièrement, cette proposition posait trois problèmes politiques aux provinces.
D'abord, tout dépendant du taux établi pour une taxe de vente nationale, certaines provinces percevraient moins de recettes qu'elles ne le faisaient dans le cadre de leur propre régime de taxe provinciale. La proposition de M. Martin prévoyait une compensation sous forme d'un impôt forfaitaire sur le revenu, si vous vous souvenez bien. Naturellement, en Alberta, ma province, cette proposition posait des problèmes particuliers, comme c'est souvent le cas.
Le deuxième problème était le suivant: on croyait généralement que le public percevrait la suppression de l'imposition des facteurs de production des entreprises comme une façon de transférer le fardeau fiscal des entreprises aux consommateurs. Cela inquiétait bien évidemment les gouvernements provinciaux, dont certains s'étaient engagés catégoriquement à ne pas augmenter les impôts.
Enfin, les gouvernements provinciaux perdraient la marge de manoeuvre dont ils disposaient pour fixer l'assiette et le taux de la taxe de vente, ce qui dans de nombreuses provinces - pas en Alberta, mais dans de nombreuses provinces - constitue un important instrument de politique.
Dans un rapport que j'ai écrit avec un collègue, Tracy Snoddon, pour l'institut C.D. Howe, on envisageait la possibilité de créer un organisme de perception national pour tenter de surmonter certains de ces problèmes politiques et d'ouvrir la voie à un système national de perception de la taxe de vente.
Comment apaiser les craintes des provinces? D'abord, en fixant un taux suffisamment élevé de façon à ce que les grandes provinces ne subissent pas de pertes importantes de recettes fiscales. Naturellement, l'assiette est beaucoup plus large quand il s'agit d'une taxe du genre TPS, et les provinces en question n'auraient donc pas à recourir à l'impôt sur le revenu dont il était question dans la proposition de M. Martin. C'est ce qui les préoccupait. Pour les plus petites provinces, il faudrait évidemment faire des arrangements particuliers pour leur permettre de s'adapter graduellement.
Deuxièmement, pour apaiser les craintes des provinces, il faudrait fixer le taux suffisamment bas de manière à ce que la taxe sur les produits de consommation ne dépassent pas le total des taxes de vente fédérale et provinciale qui existent actuellement. De fait, le taux pourrait être établi de manière à ce que ce montant d'impôt baisse dans certaines provinces.
Enfin, - et c'est l'idée sur laquelle j'aimerais me concentrer - on pourrait compenser la perte subie par les provinces au plan de la marge de manoeuvre en matière de politiques, en proposant une réduction correspondante de la marge de manoeuvre fédérale, grâce à la création d'un organisme national indépendant chargé de la perception de la taxe et administré conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux. Ainsi, pour modifier les taux d'imposition et l'assiette de la taxe de vente, il faudrait l'accord du gouvernement fédéral et d'un certain nombre de provinces.
Par ailleurs - et c'était la carotte pour attirer les provinces réfractaires - on donnerait aux provinces la possibilité de percevoir leur propre impôt sur le revenu des particuliers et sur les bénéfices des sociétés en fonction d'une assiette nationale totalement harmonisée. Ainsi, au lieu d'avoir des impôts qui s'ajoutent aux impôts, ce qui est le cas actuellement et ce que les provinces n'aiment pas, il y aurait un impôt calculé sur une assiette nationale et harmonisée.
Deux ans se sont écoulés et où en sommes-nous?
Premièrement, on est parvenu à un accord avec les provinces de l'Atlantique. Je considère qu'il s'agit d'un progrès notable. J'ajouterais que l'aide à l'adaptation d'un milliard de dollars ne me pose aucun problème dans la mesure où tout le monde réalise que cela s'inscrit dans un processus d'ajustement graduel, que c'est temporaire et que cela durera trois ans et disparaîtra éventuellement.
Deuxièmement, je pense que l'on a bien choisi le taux d'imposition. Il est suffisamment élevé pour apaiser les craintes des grandes provinces à propos de leurs recettes, et suffisamment bas pour aider les gouvernements provinciaux à démontrer que la charge fiscale ne passe pas des entreprises aux consommateurs. Cette crainte était générale, comme le montre, je pense, le contenu des communiqués de presse fédéraux sur l'harmonisation, où l'on trouve de nombreux passages expliquant que le fardeau fiscal n'est pas détourné vers les consommateurs.
En dépit de ces deux événements positifs, je ne pense pas que l'on va beaucoup avancer à moins de changer radicalement la proposition sur la perception de l'impôt. À l'heure actuelle, la seule chose que l'on semble envisager, c'est de faire de Revenu Canada une société d'État qui ressemblerait à VIA Rail ou à Poste Canada. Rien ne garantit son indépendance et rien ne dit que, pour les provinces, il ne s'agirait pas tout simplement de donner le contrôle de leur politique relative à la taxe de vente au gouvernement fédéral.
Or, demander aux provinces de donner à Ottawa le contrôle de leur politique fiscale et de renvoyer tout leur personnel pour que l'on gère ici un régime fiscal plus efficace... Cela sonne peut-être très bien dans la région de la capitale nationale, mais cela ne génère pas l'enthousiasme à Regina, Edmonton ou Victoria. Il est possible de faire en sorte que la proposition soit financièrement irrésistible pour une petite province, mais cela ne marchera jamais avec une grande province. En Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, on sait très bien que tous les incitatifs financiers qui pourront être offerts seront, en fin de compte, financés par les contribuables. Par conséquent, ce n'est pas une stratégie qui fonctionnera dans toutes les provinces.
Dès lors, et j'espère que vous envisagerez la création d'un véritable organisme national de perception de l'impôt, qui ne sera pas simplement une réincarnation de Revenu Canada - un organisme dont l'administration sera partagée par les gouvernements fédéral et provinciaux, où toute modification du taux et de l'assiette des taxes de vente exigera l'accord de tous les gouvernements, et qui laissera aux provinces la possibilité de percevoir leur propre impôt sur le revenu des particuliers et sur les bénéfices des sociétés, en fonction d'assiettes d'imposition harmonisées à l'échelle nationale.
Nous avons là, selon moi, une chance de réformer le régime fiscal de notre confédération qui ne se présente qu'une fois tous les dix ans, mais il faudra que les gouvernements fédéral et provinciaux fassent tous preuve de bonne volonté et acceptent d'abandonner une partie du contrôle qu'ils exercent sur leurs compétences fiscales respectives. Si le projet n'a aucun avantage et tous les inconvénients, ce qui est le cas, je pense, de la proposition concernant la perception des impôts, la réforme fiscale va s'arrêter pile. Nous ne ferons plus de progrès. Un véritable organisme de perception de l'impôt national et indépendant est peut-être la pièce qui manque pour réussir le puzzle de la réforme de la fiscalité. Je souhaite que les provinces, comme le gouvernement fédéral, parviennent à renoncer à quelques-unes de leurs petites prérogatives pour le plus grand bénéfice des contribuables.
Le président: Je vous remercie, monsieur Boothe.
Je donne la parole à Duncan Cameron.
M. Duncan Cameron (président, Centre canadien des politiques alternatives): Merci, monsieur le président. C'est toujours un grand plaisir et un grand honneur d'être invité à comparaître devant vous, et je vous remercie de m'y avoir convié.
Le coût d'observation des obligations fiscales le plus important dans notre régime fiscal est de très loin celui qui est occasionné par la TPS. C'est une forme d'affermage fiscal avec une différence: le fermier général doit payer pour pouvoir percevoir l'impôt. Le procédé a eu un impact très étendu sur le secteur de la vente au détail. Auparavant, c'était un secteur orienté vers le service, alors que maintenant, c'est une sorte de grande tire-lire, un secteur axé sur le prix; ce changement a eu pour conséquence d'énormes pertes d'emploi. C'est un impôt régressif qui a fait de la société canadienne une société moins juste. On doit même inclure le crédit d'impôt, qui est un facteur d'équité, dans les coûts occasionnés par le régime fiscal.
Ne serait-il pas plus sage et plus simple que ce comité examine la possibilité d'instaurer une taxe sur les transferts financiers pour remplacer la TPS, une taxe de, disons, 0.15 p. 100 sur toutes les transactions financières, soit environ 1$ pour 1 000$. Ne serait-ce pas plus équitable, ne serait-ce pas plus populaire, et ne serait-ce pas beaucoup plus facile, sauf évidemment pour les établissements financiers qui, en l'occurrence, hériteraient du travail effectué par toutes les autres entreprises, les ONG et les associations bénévoles qui doivent aujourd'hui administrer cette taxe injuste. Voilà ce que je voulais dire à propos du respect des obligations fiscales.
Au sujet de l'incidence économique du régime fiscal, je trouve que vous avez raison d'inscrire la question dans le contexte de la création et de destruction d'emplois. Telle est l'aune à laquelle nous devrions mesurer les différentes politiques économiques que l'on introduit. Sont-elles génératrices ou destructrices d'emplois?
Quand on parle de fiscalité, il y a trois grands principes: le premier, c'est l'équité; le deuxième, la capacité de paiement; le troisième, la simplicité administrative.
Selon moi, la manière la plus équitable d'imposer les sociétés en tant que telles est de recourir à l'impôt sur le capital. Ainsi, étant donné qu'elles ont accès à des capitaux d'emprunt, qu'elles ont des capitaux propres et des bénéfices non distribués, elles se retrouvent toutes sur un pied d'égalité et acquittent toutes un impôt qui n'ait rien à voir avec la façon dont marchent leurs affaires. Je pense que la question la plus importante que vous avez à résoudre, c'est dans quelle mesure cet impôt sur le capital peut être harmonisé aux niveaux provincial et fédéral de manière à ce qu'il y ait un seul percepteur, comme l'a suggéré mon collègue, et un seul régime dans tout le Canada. La question n'est pas sans intérêt car, selon moi, les impôts sur le capital deviendront une importante source de recettes au Canada.
En ce qui a trait à la capacité de paiement, c'est la raison pour laquelle nous avons un impôt sur le revenu, et nous nous donnons la peine de produire une déclaration. Dans notre société, nous croyons que ceux qui en tirent le plus d'avantages matériels doivent contribuer en conséquence. Notre système d'impôt sur les bénéfices des sociétés pourrait être énormément simplifié.
Le principe que j'aimerais voir posé et admis est le suivant. Il existe, pour de bonnes raisons, des exonérations fiscales et des allégements d'impôts qui, si on les combine, peuvent réduire les impôts sur le revenu à zéro. Par conséquent, les États-Unis et d'autres pays ont introduit divers types d'impôt minimum sur les sociétés. Il serait très utile, je pense, que le gouvernement du Canada s'entende avec les provinces pour fixer un impôt minimum national sur les sociétés et pour l'harmoniser d'une province à l'autre. On pourrait même faire en sorte, je pense, que dans de nombreux cas cet impôt soit déductible des futurs impôts exigibles. L'idée est de percevoir une contribution au fur et à mesure.
Bref, la question qui préoccupe tout le monde - et il en va toujours ainsi quand on parle de fiscalité - c'est de trouver le procédé le plus simple. Qu'est-ce que la simplicité administrative?
Selon moi, il faut examiner ce que l'on fait à l'étranger. Un avocat fiscaliste canadien occupe aujourd'hui le poste de secrétaire général de l'OCDE. On pourrait, me semble-t-il, en profiter pour avancer des propositions en vue de simplifier l'imposition des sociétés à l'échelle internationale.
Il y aurait deux façons de procéder. Soit faire ce que toutes les sociétés souhaiteraient, c'est-à-dire viser un taux d'imposition qui serait aussi bas que possible. Soit décider d'harmoniser les méthodes suivies pour recenser les revenus et imposer à l'échelle internationale. Une méthode d'imposition des sociétés approuvée à l'échelle internationale simplifierait la vie de tout le monde.
Les sociétés n'aiment pas ça. Elles n'aiment pas payer d'impôts, mais je suis sûr qu'elles préféreraient remplir un formulaire de déclaration international ou tous leurs formulaires selon la même méthode plutôt que d'avoir à tenir compte des différents types de régimes.
Quand on examine notre régime fiscal dans un contexte international, certaines choses sautent aux yeux. On remarque d'abord combien nos charges sociales sont peu élevées par rapport à celles d'autres pays. Le Canada ne fait pas partie des dix ou douze premiers pays de l'OCDE pour ce qui des prélèvements sur les salaires. C'est, je pense, parce que le Canada possède l'un des régimes de politiques sociales les plus pauvres de tous les pays de l'OCDE. Nous sommes au douzième rang en matière de dépenses sociales et les choses vont en empirant.
À partir du moment où l'on s'intéresse à quelque chose comme les charges sociales ou à la façon dont elles sont gérées, à mon avis, il faut garder à l'esprit la raison d'être de ces prélèvements. J'espère que plus tard, le comité va examiner d'un peu plus près la notion d'impôts spécialisés, non seulement sous l'angle de la simplicité administrative, mais également pour revoir la raison pour laquelle on perçoit tel impôt en particulier et à quelle fin il est utilisé.
Les économistes ont prétendu, avec raison, que l'origine des recettes fiscales n'est pas importante. Peu importe qu'un dollar vienne de la taxe de vente ou de l'impôt sur les sociétés s'il sert à envoyer notre équipe à Atlanta. Mais du point de vue de la population, c'est important. Cela donne aux gens une idée de la raison pour laquelle ils paient des impôts. Il ressort invariablement des sondages que les Canadiens sont prêts à payer plus d'impôts, à condition d'obtenir de meilleurs services pour leur argent.
Je n'abuserai pas plus longtemps de votre temps, mais je voudrais, en guise de conclusion, faire deux autres observations qui s'inscrivent dans le cadre des travaux du comité. J'ai bien sûr, depuis deux ans, fortement encouragé le comité à s'intéresser aux taux d'intérêt. Je constate qu'ils baissent, en théorie, et je présume donc que c'est à vous qu'on le doit et au travail que vous avez fait en coulisses.
Deuxièmement, c'était une des recommandations majeures du budget parallèle que le Centre canadien des politiques alternatives, en collaboration avec Choices, a préparé maintenant à deux reprises. Je tiens à vous informer que nous en sommes à notre troisième budget de remplacement. On y trouvera, une fois encore, un examen exhaustif de la fiscalité et des dépenses, et un exposé sur les moyens de créer plus d'emplois et d'offrir de meilleurs programmes sociaux et de meilleurs services publics sans augmenter les impôts. Je vous recommande ce troisième budget. Nous le rendrons public en temps opportun.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie, monsieur Cameron.
Monsieur Morris, vous souhaitez peut-être faire quelques remarques sur la création d'un impôt sur les transferts financiers.
[Français]
M. Tim Morris (membre du Comité de fiscalité, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et, au nom de l'Association des banquiers canadiens, vous remercie de votre invitation.
Avant l'intervention de M. Cameron, j'étais tout disposé à acquiescer à tous les propos que j'avais entendus. Ce n'est plus le cas.
[Traduction]
Je pourrais peut-être, monsieur le président, aborder les principaux points que nous voulons soulever et vous dire ensuite ce que je pense de l'impôt sur les transactions financières.
Prenons tout d'abord les caractéristiques des impôts fédéraux et provinciaux qui influent le plus sur les affaires. Pour ne pas répéter ce qui a été dit précédemment, je dirais que l'existence de multiples autorités fiscales au Canada contribue à compliquer la situation. Dans le cas des établissements financiers, ces diverses administrations, le cas échéant, font des prélèvements sur le capital, sur le revenu et sur les salaires.
Par ailleurs, si l'on envisage une simplification du régime fiscal, je pense que c'est une chose qui mérite d'être examinée parce que la différence entre les assiettes de l'impôt sur le capital perçu par ces autorités est vraiment minime. Vu que des vérificateurs fédéraux sont sur place chez Shell ainsi qu'à la Banque royale et ont beaucoup de temps pour examiner les choses, permettez-moi de suggérer qu'ils prennent aussi la responsabilité de vérifier les déclarations d'impôt sur le capital.
Dans la même veine que M. Cameron, au sujet d'une assiette fiscale internationale, je pense qu'il serait peut-être utile d'envisager certaines initiatives modestes. Une assiette commune, à l'échelle nationale, pour l'impôt sur le capital versé par les établissements financiers et les autres sociétés serait un pas dans la bonne direction; d'ailleurs, les nouveaux vérificateurs hautement compétents que l'on va embaucher suivant les recommandations des comités pourraient venir en faire la vérification.
La déclaration de renseignements est un autre domaine à propos duquel nous nous faisons l'écho des remarques qui ont déjà été faites. Nous convenons que les demandes de renseignements sur les filiales étrangères vont beaucoup trop loin. Prenons l'ensemble de l'entreprise pour laquelle je travaille: nous allons devoir exhumer des renseignements sur un grand nombre de sociétés qui sont inactives car toutes les filiales étrangères sont tenues de les produire. Il va falloir rassembler toute cette information et l'envoyer à Revenu Canada, pas uniquement les états financiers, mais tous les petits résumés d'information financière, qui aboutiront probablement dans un entrepôt quelconque.
Nous sommes contrôlés, comme tout le monde, assez régulièrement. Tous ces dossiers sont disponibles si les vérificateurs souhaitent en prendre connaissance. Je pense que si l'on voulait utiliser judicieusement les ressources, on permettrait aux vérificateurs de déterminer quels sont les renseignements utiles, et il ne serait alors pas nécessaire de rassembler la totalité des informations.
Il y a aussi les formulaires T-5. Ils sont exigés depuis de nombreuses années. À mon avis, ces déclarations sont pertinentes pour les particuliers et les fiducies, mais pas pour les sociétés. Elles portent sur l'année civile et concernent les versements d'intérêts. Pour les sociétés, cela n'a pas plus de valeur qu'un prospectus.
Même s'il est vrai que des déclarations consolidées rendraient la législation plus complexe, une grande partie - probablement la majeure partie - de la planification financière des grandes sociétés a pour objectif la consolidation fiscale, pour équilibrer les pertes et les revenus à travers le pays. Je pense qu'en modifiant la loi dans cette perspective, on pourrait beaucoup améliorer l'efficacité du système.
Il y a aussi des différences d'échelonnement entre ce qui est inscrit en compte et ce qui est pris en considération sur le plan fiscal, différences que nous considérons minimes et inutiles, mais sur lesquelles se concentrent naturellement toutes les vérifications. Par exemple, la déduction pour créances douteuses effectuée par certains établissements financiers n'est pas au même niveau que celle qui est inscrite en compte. Je comprends qu'il faut un système pour amortir un actif, mais les méthodes comptables et fiscales divergent. Il serait peut-être utile de s'intéresser à cela.
La plupart des sociétés qui ont une activité internationale sont confrontées à des problèmes de change et tentent de se couvrir contre les risques. Revenu Canada, car c'est ainsi qu'est faite la loi fiscale, part du principe que l'actif et le passif, qui se couvrent mutuellement, ne sont pas nécessairement sujets au même traitement fiscal; cela augmente le coût des contrats de change à terme et dans certains cas, cela peut se traduire par une perte pour le gouvernement.
Nous faisons nôtres les propos de ceux qui voudraient s'éloigner d'une fiscalité indépendante des revenus, donc aller vers l'abandon des charges sociales et de l'impôt sur le capital...
[Français]
et vers les taxes basées sur les revenus, et tenter d'éviter des augmentations de taxes. Le fardeau est déjà très élevé. Il ne faut pas non plus oublier l'importance de la concurrence avec d'autres pays, surtout avec les États-Unis qui sont juste au sud, ainsi que la mobilité de l'emploi et du secteur des services.
Nous croyons aussi qu'il est possible d'éliminer certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui
[Traduction]
... ont perdu toute utilité. Pour ce qui est des actions privilégiées à terme, on peut se demander pourquoi ces mesures sont toujours en place, puisqu'il y en a déjà toute une ribambelle qui semblent fort bien adaptées au financement par actions privilégiées.
L'harmonisation, les mesures de répartition... J'aimerais faire quelques observations sur ce qui serait nécessaire, selon nous, pour améliorer l'équité entre les entreprises. Nous pensons que si des entreprises ont des activités de niveau équivalent dans les mêmes secteurs, on devrait s'efforcer de les imposer à un niveau similaire et de façon similaire. Ainsi, les caisses d'épargne et les caisses populaires ne sont que depuis peu assujetties pour la première fois à l'impôt sur le capital, et ce à cause d'une récente initiative lancée dans la province de Québec. Les autres établissements financiers paient des impôts sur le capital aux dix provinces et dans le cas de deux, au gouvernement fédéral. Si l'on vise l'équité, on devrait peut-être s'orienter en ce sens.
Il me paraîtrait souhaitable que le comité se penche sur la logique des mesures fiscales à caractère incitatif et sur les autres traitements particuliers réservés à certains secteurs industriels, car je soupçonne que les différences, dans ces secteurs, s'expliquent par les mesures fiscales. Les choses seraient moins compliquées et peut-être plus équitables si l'on réduisait le nombre de ces incitatifs.
Pour terminer, certains des témoins ont parlé de l'initiative prise par le gouvernement fédéral pour limiter l'impôt sur le capital et les charges sociales perçues par les provinces. Nous pensons que cela ne devrait pas se solder par des mesures préjudiciables aux contribuables, mais que la question devrait être réglée directement avec les provinces.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire cette présentation.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Morris.
[Français]
Monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Bienvenue au Comité permanent des finances. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
Lors de vos interventions, vous avez beaucoup parlé du coût des charges sociales, des coûts économiques et des coûts d'observation de différentes obligations liées à différents programmes au niveau du gouvernement fédéral et à celui des provinces.
Vous avez toutefois très peu parlé des charges sociales des entreprises, un terme qui devient de plus en plus à la mode au fur et à mesure que plusieurs pays industrialisés se retrouvent avec des finances publiques dans un état assez catastrophique et qui englobe l'ensemble des subventions directes et indirectes que les gouvernements octroient aux entreprises. Il s'agit donc de subventions directes.
D'autre part, il y a les dépenses fiscales qui sont l'ensemble des exonérations. Ce sont des façons pour les entreprises d'épargner de l'impôt en vertu de différentes dispositions de la fiscalité canadienne ou même de dispositions qu'on trouve ailleurs, partout au monde.
Ces dépenses fiscales des entreprises sont au nombre d'environ 50, et on en parle très peu aujourd'hui. On en parlait aussi très peu auparavant. Selon le ministère des Finances, la moitié de ces dépenses représenteraient pour l'ensemble des contribuables canadiens un coût de quelque10 milliards de dollars par année.
Bien que très peu d'études aient été faites sur ce sujet, une étude récente faite par les professeurs Bernard, Lauzon et Poirier de l'Université du Québec à Montréal révélait que parmi les438 entreprises canadiennes de son échantillonnage, qui avaient toutes réalisé des profits en 1992, moins de la moitié avaient payé des impôts. Non seulement moins de la moitié d'entre elles avaient payé des impôts, mais le taux payé aux différents paliers du gouvernement canadien était d'environ8 p. 100. Autrement dit, 200 des 438 entreprises visées par l'étude avaient payé moins de 20 p. 100 d'impôt. Le taux réel des impôts payés était de 8,2 p. 100, soit environ 495 millions de dollars sur6 milliards de dollars de profit avant impôt en 1992.
Ce taux de 8 p. 100 devrait être ramené à 20 p. 100, un taux normal qui correspondrait à peu près à la moitié du taux sur les profits payé par les entreprises aux États-Unis. Cette différence entre les 8 p. 100 payés par ces entreprises canadiennes et les 20 p. 100 qu'elles n'ont pas payé, c'est l'ensemble des contribuables canadiens qui l'ont payée. Ce sont eux qui ont subventionné des entreprises, qui ont eu des charges sociales à assumer pour faire en sorte que des entreprises, même rentables, puissent réaliser des profits plus élevés.
L'étude démontre qu'il existe différentes raisons qui expliquent ce genre de situation d'injustice et d'iniquité par rapport aux autres contribuables. Il y a le mécanisme de report d'impôt, fortement utilisé au Canada comparativement à ce qu'on voit dans maints autres pays industrialisés. L'amortissement accéléré présente des taux d'amortissement différents de ceux qu'utilise l'Institut canadien des comptables agréés dans ses règles d'amortissement. Le Canada offre une cinquantaine d'exonérations aux entreprises.
Finalement, il existe une possibilité de transfert de profits et pertes entre le Canada et des pays considérés comme des paradis fiscaux, comme ceux des Caraïbes, où les entreprises canadiennes disposent de filiales. Ce sont là les principaux facteurs.
Pour en revenir au mandat du comité, en éliminant le plus possible les 50 exonérations, ces50 façons dont disposent les entreprises pour sauver de l'impôt, ces 50 voies qui font en sorte que les contribuables canadiens subventionnent les entreprises beaucoup plus que ce que l'on prétend habituellement, est-ce qu'on ne pourrait pas en arriver à réduire les coûts économiques et les coûts d'observation liés à la fiscalité des entreprises au Canada? Depuis hier, je n'ai presque pas entendu de spécialistes aborder de front cette question. En éliminant le plus possible les exonérations et en simplifiant la fiscalité, il me semble que nous réduirions les coûts d'observation, les coûts économiques et surtout les charges sociales que l'ensemble des contribuables canadiens doivent assumer afin que soient offertes ces exonérations aux entreprises.
J'aimerais que vous commentiez ces remarques.
Le président: Qui aimerait répondre?
[Traduction]
Monsieur Spindler.
M. Spindler: Monsieur Loubier, j'aimerais mieux comprendre les raisons données dans cette étude, pour expliquer la divergence entre les bénéfices déclarés et le montant de l'impôt.
Pour les sociétés canadiennes, le point de départ pour le calcul du revenu assujetti à l'impôt est le bénéfice comptable; ensuite, ce montant est modifié en vertu de certaines dispositions législatives. La plupart des dispositions qui transforment le revenu comptable en revenu imposable reflètent les diverses politiques gouvernementales qui ont été mises en place au fil des années. Vous avez tout à fait raison de dire que certaines de ces dispositions devraient être réexaminées de temps à autre.
C'est peut-être l'assiette fiscale qui fait la différence quand on compare les états financiers des sociétés canadiennes aux états financiers consolidés des entreprises qui ont des activités à l'étranger. Quand on combine le fardeau fiscal relativement lourd du Canada sur une entreprise canadienne et les impôts extrêmement bas d'une filiale située dans un pays étranger, cela peut déformer l'impôt effectif. Le problème que pose le régime actuel, c'est que le taux d'imposition relativement élevé du Canada incite les sociétés à transférer autant de revenus que possible dans des pays où le taux d'imposition est moindre qu'au Canada.
[Français]
M. Loubier: Comme le mentionnait plut tôt M. Watkins ou Mme Swift, le taux d'impôt affiché est très peu important. On peut avoir des taux d'impôt de 40 p. 100, mais en fin de compte, c'est le résultat qui est important.
Nous avons ici une étude qui prouve hors de tout doute qu'en 1992, malgré des profits importants, moins de la moitié des 438 entreprises échantillonnées - c'est un échantillonnage assez considérable - n'ont pratiquement pas payé d'impôt ou un taux non significatif justement en raison des 50 exonérations que comporte le système fiscal canadien, qui permettent aux entreprises de ne pas payer d'impôt.
En tant que spécialiste connaissant bien toutes ces 50 exonérations, monsieur Spindler, vous êtes bien placé pour répondre à ma question. Ne serait-ce pas un moyen de réduire les coûts d'observation et les coûts économiques pour les entreprises canadiennes que d'examiner de façon très critique les 50 exonérations dans le but de les réduire au minimum, quitte à ce qu'on revoie les taux de taxation payés par les entreprises ou qu'on élargisse l'assiette fiscale?
Cette question est rarement abordée, surtout par des spécialistes comme vous qui aiment probablement beaucoup la complexité, puisque vous gagnez votre vie avec la complexité du système fiscal canadien.
[Traduction]
M. Spindler: Peut-être serait-ce un moyen d'augmenter les recettes fiscales. Mais je ne suis pas sûr que cela aboutirait à simplifier le régime.
Vous avez tout à fait raison de dire que parmi vos 50 mesures ou dispositions, il y en a qui devraient être réexaminées. Vous avez mentionné à titre d'exemple l'amortissement accéléré qui permet aux sociétés ou aux entreprises - car cela intéresse également les entreprises non constituées - d'appliquer à leurs actifs des taux d'amortissement plus rapides aux fins fiscales qu'aux fins comptables. Ces mesures ont été prises par les gouvernements pour encourager l'investissement, son développement, et l'expansion des entreprises canadiennes et du secteur manufacturier. Leur raison d'être, à l'époque, était très claire, comme l'a été, d'ailleurs, le résultat des dispositions. Elles sont très efficaces.
Si le gouvernement souhaitait aujourd'hui réévaluer certains de ces programmes, tel que l'amortissement accéléré dans le secteur manufacturier, cela se justifierait tout à fait. Reste à savoir s'il souhaite mettre en place des mesures fiscales à caractère incitatif ou dissuasif; c'est une prérogative du gouvernement. Le secteur de la haute technologie serait d'ailleurs un autre domaine à considérer.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Spindler, existe-t-il une preuve que le processus d'amortissement accéléré a vraiment fait en sorte qu'on a déplacé des décisions d'entreprises dans des investissements d'actifs plutôt que dans d'autres, ou que ces investissements d'actifs, comme en bureautique par exemple, auraient été faits de toute façon par les entreprises canadiennes parce que leur seule façon de rester sur le marché était de se moderniser et de maintenir leur degré de compétitivité?
La question que je me pose et que je pose au gouvernement depuis trois ans au nom de mon parti, l'Opposition officielle, consiste à savoir si les exonérations prévues pour les entreprises deviennent des outils de planification fiscale plutôt que des outils d'incitation au développement de la compétitivité des entreprises. Sont-elles encore justifiées aujourd'hui, en 1996, avec la situation des finances publiques et une dette accumulée de 600 milliards de dollars?
Ces investissements ne seraient-ils pas faits de toute façon par les entreprises, même en l'absence de telles exonérations et en présence d'un taux d'impôt obligatoire à payer, qui serait toutefois moindre que le taux officiel actuel?
[Traduction]
M. Spindler: Je ferai deux remarques.
Personnellement, je n'ai pas étudié l'efficacité de ces dispositions, et il se peut que l'Alliance des manufacturiers et exportateurs canadiens puisse répondre, mais vous avez dit que ce qui vous préoccupait, c'était qu'on les utilise comme outils de planification. On a peut-être laissé entendre que certains en tiraient parti indûment. À mon avis, cela arrive rarement. Je ne connais personne qui achète du matériel de fabrication coûteux pour ne pas s'en servir comme il se doit. Il y a des règles dans la loi de l'impôt qui exigent spécifiquement...
[Français]
M. Loubier: Ce n'est pas ce que je disais, monsieur Spindler. Je disais qu'en l'absence de telles exonérations, certaines entreprises investiraient quand même dans la nouvelle technologie parce que c'est pour elles la seule façon de rester sur le marché.
Ces entreprises ont trois choses dont, en premier lieu, un processus d'amortissement accéléré qui fait en sorte que l'impôt payé est moindre. Deuxièmement, elles font subventionner leur expansion annuelle, si tel est le cas. Et troisièmement, si elles continuent à croître année après année et connaissent une expansion continue, elles risquent de ne jamais avoir à payer d'impôt et, par surcroît, le gouvernement fédéral risque de perdre la totalité des impôts reportés.
Il y a une foule de conjugaisons entre différentes dispositions de l'impôt qui influent sur l'évolution et l'expansion des entreprises canadiennes dans un monde en restructuration à l'heure actuelle et sur la contribution des entreprises aux coffres fédéraux. Il n'est pas surprenant de voir que, selon les données de l'OCDE, depuis 20 ou 25 ans, les entreprises canadiennes sont celles qui, parmi les pays membres de l'OCDE, paient le moins d'impôt proportionnellement à leur PIB.
Bien que certaines entreprises fassent vraiment leur devoir de citoyennes corporatives, d'autres ne font pas leur devoir, et on en arrive à une situation globale où la contribution à l'assiette fiscale des entreprises canadiennes a fortement diminué depuis 30 ans, passant de 20 p. 100 à 10 p. 100 des revenus fédéraux. C'est inquiétant dans un contexte où les finances publiques ne sont pas reluisantes.
[Traduction]
M. Spindler: Monsieur Loubier, si j'en crois mon expérience, quand une entreprise prend la décision d'acheter du matériel, de développer son activité dans certains secteurs et ainsi de suite, elle le fait en s'appuyant sur des principes commerciaux éprouvés. Ensuite, il reste à décider où elle devrait implanter ses nouvelles installations et quels sont les incitatifs proposés par les gouvernements. Une entreprise canadienne qui envisage de développer ses activités manufacturières devrait avoir la sagesse d'examiner les incitatifs disponibles aux niveaux provincial et international.
Le président: Monsieur Morris, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Morris: Oui, simplement que la question est abordée dans le document de l'Association des banquiers canadiens qui vous a été distribué. Nous mentionnons qu'il vaudrait la peine que le gouvernement examine les diverses mesures fiscales à caractère incitatif dans le cadre des travaux de ce comité, afin de réduire ce que je qualifierais comme étant l'opposé d'une dépense fiscale, de réduire nos taux, qui sont plutôt élevés, de manière à ce que toute décision concernant l'octroi d'incitatifs touche plus uniformément tout le secteur des entreprises.
Le président: Monsieur Myers, vous me faites signe.
M. Myers: Monsieur le président, j'aimerais insister quelque peu sur l'urgence de la question. Je peux vous dire, après avoir rencontré un grand nombre de nos membres, que le secteur n'est pas composé de filiales en activité ici, mais d'entreprises canadiennes qui cherchent à se développer à travers le monde. Il faut se battre pour attirer les investissements ici, et une grande partie du problème est attribuable au traitement fiscal des bénéfices des entreprises ainsi qu'au coût de la fiscalité s'appliquant aux sociétés.
Le comité sera peut-être intéressé de savoir que le stock de capital réel de l'industrie - c'est-à-dire l'investissement net après l'amortissement et après l'entrée en vigueur des changements de prix - a diminué de 8 p. 100 entre 1990 et 1994. Nous nous battons tous les jours pour attirer des investissements. Penser simplifier le régime fiscal sans tenir compte des conséquences éventuelles et de l'impact sur l'investissement et sur l'emploi...
M. Loubier dit que, pendant ce temps-là, les contribuables canadiens subventionnent les entreprises. Que fait-il des pertes d'emploi ou des emplois qui n'ont pas été créés par manque d'investissement, à cause du traitement fiscal défavorable des entreprises ici, au Canada, qu'il s'agisse de la rentabilité de l'investissement, ou des impôts sur l'exploitation qui sont subsumés sous les coûts de fonctionnement?
Enfin, j'aimerais rappeler qu'il existe plusieurs études, si vous avez besoin de preuves savantes sur l'incidence d'un grand nombre de ces mesures fiscales. Je vous renvoie à la revue Politiques et aux recherches effectuées par Jeff Bernstein ici, à l'Université Carleton, si vous voulez des informations sérieuses à propos de l'incidence sur l'investissement de diverses mesures fiscales, du traitement du capital et ainsi de suite.
Mais j'inciterai tout le monde à réfléchir avant d'avancer des chiffres ou de citer des études. En 1992, après trois ans de récession et de pertes, un grand nombre de petites entreprises canadiennes ne parlaient même pas de bénéfices. Il faut faire des bénéfices, avant de pouvoir payer de l'impôt dessus. Dans de nombreux cas, la réalité, c'est qu'il n'y avait pas de bénéfices. Les marges, du moins dans le secteur industriel, étaient tombées, en 1991, au niveau le plus faible jamais atteint. Il faut donc faire attention à l'année dont on parle.
M. Cameron: Donc, si je comprends bien, la raison pour laquelle les entreprises investissent, c'est qu'elles s'attendent à faire des bénéfices, et non parce que les impôts sont peu élevés. Quand l'économie marche, il y a donc une bonne chance que le stock de capital augmente. En cas de ralentissement, il diminuera. Il faut donc envisager le régime fiscal dans la perspective de son impact global sur la santé de l'économie.
En ce qui concerne ces dépenses fiscales et la relation avec l'échange social, je pense qu'il est important de reconnaître que les fiscalistes ne sont pas d'accord. Neil Brooks, par exemple, s'est intéressé suffisamment longtemps au régime fiscal pour dire qu'à son avis, il est impossible d'offrir un incitatif qui ne sera pas, un jour, exploité par quelqu'un.
Il a proposé que toutes ces mesures fiscales à caractère incitatif soient transformées en subventions, ou qu'elles soient examinées par ce comité dans le but d'en faire des subventions. Au lieu de défalquer le coût de leur nouvel équipement, les entreprises pourraient obtenir une subvention et l'acheter. La conséquence économique serait la même.
En réalité, ces amortissements fiscaux consentis aux sociétés constituent un troisième budget. Il n'en est jamais question et personne ne se rend compte que c'est une dépense.
Je suis d'avis qu'il devrait y avoir des mesures incitatives, mais certaines favorisent l'achat de nouvel équipement et les licenciements de personnel. Quand vous vous mettez à licencier du personnel, cela se solde par les charges sociales dont parlait le vice-président.
Pensez aux charges sociales que provoque le licenciement de 1 000 employés. Il est vrai que l'entreprise en a payé une partie sous forme de cotisations d'assurance-chômage, mais le coût social, pour chacun d'entre nous, que représentent la perte de consommateurs et de contribuables et la disparition d'entreprises locales, par voie de conséquence, est énorme.
Le comité devrait examiner la possibilité d'inclure dans le régime fiscal des facteurs dissuasifs qui empêcheraient que l'on mette les gens à la rue. S'il peut y avoir des incitatifs à la modernisation et ainsi de suite, pourquoi n'y aurait-il pas des mesures dissuasives pour freiner ce capitalisme sauvage?
Le président: Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'ai envie de faire quelques remarques à propos de la diatribe sans fin de M. Loubier sur l'iniquité de notre système.
Je lui conseille de lire le rapport de la Commission ontarienne de l'équité fiscale, qui était pleine d'ambition au début de ses travaux. Elle était motivée par une idéologie de gauche et partait du principe que les sociétés ne faisaient pas leur part. Quand le gouvernement eut terminé l'examen du rapport, il s'est rendu compte que les entreprises ne dissimulaient en fait pas beaucoup d'argent.
Bon, je vais le lire aux fins du compte rendu, vu que M. Loubier ne parait pas intéressé.
Il me semble que le traitement fiscal des pertes des sociétés est largement responsable de la différence entre les bénéfices affichés et ceux qui sont déclarés et du fait qu'une bonne part de profits échappe à l'impôt. Il faut aussi prendre en compte les impôts qui ont déjà été versés par d'autres divisions des sociétés.
Je conviens toutefois qu'en règle générale, on devrait continuellement réviser les allégements fiscaux pour créer certains incitatifs à l'investissement. Il faut, je pense, en moyenne, environ 18 mois pour qu'une réduction d'impôt et une mesure fiscale à caractère incitatif se transforment en échappatoire fiscale. Les sociétés ne devraient pas pouvoir profiter d'échappatoires fiscales.
Cela correspond tout à fait à mes idées que le gouvernement ne se mêle pas ainsi de l'économie. Comme quelqu'un l'a dit hier, il est très important que dans un monde si dynamique, où les changements se font de plus en plus rapidement, on ne cherche pas à anticiper sur ce qui est essentiellement le rôle du marché pour trouver les meilleures façons de réaliser des économies.
J'abonde tout à fait en ce sens, mais je pense que lorsqu'on prétend que les sociétés ne paient pas leur juste part, on se lance dans quelque chose qui ressemble à une chasse aux sorcières.
Si la pratique de la fixation des prix de cession interne existe à l'étranger, nous savons que Revenu Canada n'a pas suffisamment de ressources - c'est impossible - pour déjouer l'ingéniosité individuelle des gens qui recourent à ce mécanisme quand ils déclarent leurs bénéfices et cherchent à trouver l'endroit où sont les impôts les moins élevés.
Pour contrer cela, en ce qui me concerne, il suffit de jouer du côté des Américains, d'avoir un taux moins élevé, et de s'assurer que tous les transferts de bénéfices sont déclarés au Canada.M. Loubier verrait la courbe des recettes perçues auprès des sociétés canadiennes grimper en flèche si en fait, les taux statutaires étaient inférieurs à ceux des Américains.
Bref. Je voudrais poser une question à M. Glennie à propos des trois employés de Revenu Canada qui travaillent en permanence dans son entreprise. Ils pourraient être là pour vérifier si vous trichez au sens où on l'entend généralement: vous dites que vous avez payé 1 000$ alors qu'en fin de compte, vous en avez payé 1 500$, ou quelque chose du genre. Mais je présume que ce n'est pas la raison de leur présence vu que vous avez vos autres vérifications. Ce genre de tricherie, la juricomptabilité, ce n'est pas vraiment ce qui les occupe. C'est bien cela, n'est-ce pas?
M. Glennie: Tout à fait.
M. Grubel: Deuxièmement, ils pourraient aussi être là pour voir si, de fait, vous appliquez correctement un ensemble de règles donné. Est-ce surtout ce qu'ils font?
M. Glennie: Je pense que oui.
Pourrais-je préciser une chose? Je me suis servi de Shell Canada comme exemple, mais comme l'a indiqué M. Morris, je ne pense pas que cela se passe différemment dans n'importe quelle autre grande entreprise.
M. Grubel: Ce n'est pas ce que je voulais insinuer. Je parle comme un économiste qui ne sait rien de tout cela. Je cherche simplement à comprendre ce qu'ils font et quelle pourrait en être la raison de leur activité.
Ils déterminent qu'une transaction que vous avez effectuée aurait dû rapporter 15 p. 100 plutôt que 18 p. 100, ou que l'amortissement aurait dû être étalé sur cinq ans plutôt que sur trois ans. Est-ce le genre de choses sur lesquelles ils essaient de vous avoir? Ils veulent s'assurer que vous faites toujours tout comme il faut, n'est-ce pas?
M. Glennie: Je pense qu'en réalité, il y a deux raisons. La première est que Revenu Canada - je vais une fois encore utiliser Shell Canada comme exemple - aimerait s'assurer que la société Shell Canada paie un montant d'impôt correspondant au revenu gagné au sens fiscal pendant l'année. Deuxièmement, le ministère veut vérifier que nous ne volons pas le fisc canadien, soit en transférant de l'argent à l'étranger soit en l'escamotant d'une façon ou d'une autre au Canada.
M. Grubel: Comment procèdent-ils? En quoi consiste leur travail au jour le jour? Qu'est ce qu'ils vous demandent? S'il y a trois personnes qui font des recherches en permanence, qu'est-ce qu'elles peuvent bien remettre en question?
Disons les choses autrement. Est-ce que Revenu Canada a déjà fait une étude pour déterminer combien d'argent le gouvernement a perçu - et qui, autrement, lui aurait échappé - parce que ces trois vérificateurs passent tout leur temps chez Shell ou dans d'autres entreprises?
M. Glennie: Nous encourageons le gouvernement à faire une étude de ce genre.
M. Grubel: Il n'y en a jamais eu?
M. Glennie: Pas à ma connaissance.
M. Grubel: J'ai une dernière question, monsieur le président. Il y a un secteur où, je pense, la présence de ces gens-là est utile: c'est celui des décisions anticipées. Il y a des transactions qui impliquent de nouvelles structures d'entreprise et d'autres qui n'ont jamais été faites auparavant, à propos desquelles une décision anticipée serait tout à fait souhaitable. A-t-on vraiment besoin de vérifier constamment ce genre de transactions?
M. Glennie: Je ne le crois pas. Je pense que dans le cadre du processus des décisions, tous les tenants et aboutissants d'une transaction particulière sont révélés et que, sur le plan de la vérification, il s'agit seulement de s'assurer que tout est conforme à la décision.
M. Grubel: Pour en revenir aux trois vérificateurs qui passent leur temps chez Shell Canada, s'agit-il toujours des mêmes personnes?
M. Glennie: Je pense qu'ils tournent environ tous les six ans.
M. Grubel: Tous les six ans?
M. Glennie: Ou peut-être tous les dix ans. Il faut se rappeler qu'en plus de ces trois vérificateurs, nous avons régulièrement la visite de fonctionnaires d'autres secteurs de Revenu Canada.
M. Grubel: Considérez-vous que l'activité de Shell Canada est particulièrement complexe par comparaison, disons, à celle disons de la compagnie Ford? J'aurais pensé que dans le secteur du raffinage - même si vous avez d'énormes transactions de croissance - c'est presque toujours la même chose. On importe du pétrole et on vend des produits raffinés. Cela doit représenter 90 p. 100 de vos revenus. Est-ce que je me trompe?
M. Glennie: Cela constitue, en gros, la moitié de nos activités. L'autre moitié, c'est l'exploration et la production de pétrole et de gaz. Ce sont les deux aspects de notre activité. Il y a d'une part, le raffinage et la commercialisation et de l'autre, l'exploitation des ressources. Sur le plan fiscal, c'est relativement complexe.
M. Grubel: Mais en grande partie, il s'agit d'échelonner les investissements, les taux d'amortissement et ainsi de suite.
Je vous remercie beaucoup. Je voulais simplement clarifier les choses et je suis très heureux d'avoir obtenu cette information; je vais l'inclure dans mon livre d'histoires d'horreur sur la fiscalité canadienne.
Le président: Merci, monsieur Grubel. La parole est à Mme Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je voudrais reprendre là où s'est arrêté mon collègue du Parti réformiste.
Je vous remercie tous d'être venus ce matin. Vous formez un groupe très intéressant et vos commentaires sont très instructifs.
Monsieur Watkins, vous avez un peu parlé de la valeur des décisions anticipées, et vous avez dit que peut-être le coût n'est pas ce qu'il devrait être compte tenu du temps que cela demande et des avantages que cela apporte à l'entreprise. J'ai déjà entendu cela dans la bouche d'avocats et de comptables de ma circonscription qui sont spécialistes des questions fiscales et qui pensent qu'il devrait peut être y avoir une plus grande marge de manoeuvre dans le domaine des décisions fiscales et des décisions anticipées, et que la législation devrait être moins compliquée - plus ouverte si vous voulez - et moins s'attarder sur les détails techniques. Ils prétendent que l'on serait mieux lotis et finalement, plus efficaces.
Si j'en juge par ce que j'ai entendu au sujet de certaines des décisions anticipées... elles ne sont rendues publiques que trois ans plus tard et c'est donc une information qui n'est utile qu'à la personne qui la sollicite et non à la société en général. Pourriez-vous approfondir cet aspect des choses et me dire comment on pourrait mieux faire profiter de cela notre société et notre économie tout en étant, globalement, plus efficaces?
M. Watkins: Justement, la Direction des décisions de Revenu Canada étudie une proposition selon laquelle le ministère publierait toutes les décisions qui sont rendues. Elles seront aseptisées - je pense que c'est le mot juste - afin de protéger l'identité de la personne ou des personnes à qui elles étaient destinées.
D'ailleurs, Revenu Canada procède actuellement à la révision du bulletin d'interprétation qui traite des décisions, et il faudra entre autres, pour obtenir une décision, que la personne qui en fait la demande accepte qu'elle soit rendue publique. Les gens auront la possibilité de prendre connaissance de la version aseptisée dans le but d'en assurer la confidentialité et de protéger leur identité. Cela a pris du temps, mais c'est ce que le ministère se prépare à faire. Les décisions seront communiquées aux services commerciaux et seront disponibles en direct, je crois, ce qui fait que si vous êtes branché sur Internet, il vous sera possible d'en prendre connaissance. Voilà ce qui a été fait pour améliorer la diffusion des décisions qui sont rendues.
Mme Brushett: J'étais au courant. Le comité a défendu cette idée car on attendait trois ou quatre ans avant de rendre certaines décisions publiques, et il me semble ridicule de garder cette information secrète.
Le deuxième point sur lequel je voudrais en savoir un peu plus est l'organisme de perception dont il a été question. Plutôt que la solution que nous semblons adopter, soit créer une société d'État, nous pourrions avoir un organisme commun, pour les provinces et le fédéral. Ce que nous cherchons par le biais de notre examen de la fiscalité des entreprises, c'est un moyen de lier l'imposition à une plus forte création d'emplois au Canada.
Je sais que tout le monde doit se préoccuper des bénéfices, des résultats et courir après les capitaux. Toutes ces mesures, comme beaucoup l'ont fait remarquer, ont été prises dans l'intérêt de l'investissement, de l'activité manufacturière, des emplois et ainsi de suite, mais il semble qu'au cours des dernières années, bien qu'il y ait eu tous les bénéfices que l'on sait, nous n'ayons pas créé d'emplois. Il faut faire quelque chose pour qu'il y ait effet d'entraînement; par conséquent, de quelle façon certaines de ces mesures pourraient-elles favoriser la création d'emplois ici au Canada?
M. Boothe: L'idée qui est derrière la mise en place d'un organisme de perception d'impôt est de rendre la perception plus efficace, c'est-à-dire de réduire les coûts pour les gouvernements et également de faciliter le respect des obligations fiscales des entreprises et des contribuables. L'avantage, sur le plan de l'efficacité de la perception des impôts, est essentiellement, dans le cas de la taxe de vente, qu'il suffirait d'avoir un seul organisme de perception alors qu'il y en a dix actuellement - un pour le fédéral et neuf pour les provinces.
Bien sûr, on pourrait choisir la solution intermédiaire adoptée par le gouvernement fédéral dans la province de Québec, où cette dernière perçoit la taxe de vente pour l'administration fédérale. De nombreuses raisons expliquent cette façon de procéder, mais cela n'aboutit qu'à avoir neuf perceptions au lieu de dix, alors que l'on souhaite passer de dix à une.
On pourrait croire que le problème à résoudre est simple - il y a tout cet argent sur la table, alors pourquoi ne pas procéder de façon plus efficace? La difficulté vient du fait que disposer de ses propres percepteurs d'impôt a un caractère politique: vous contrôlez ce qui est imposé et à quel taux. Selon notre proposition, une des parties prenantes - les provinces - n'est pas la seule à abandonner le contrôle de la politique fiscale, mais que le gouvernement fédéral abandonne lui aussi une partie de ses prérogatives fiscales, et l'on crée un organisme national de perception de l'impôt, administré conjointement.
Une des retombées de cette approche, si l'on peut dire, c'est que dans une fédération, il est plus difficile pour les provinces et le gouvernement fédéral de s'entendre pour changer les choses, nous le savons bien. Mais cela apporterait un peu plus de stabilité à l'assiette fiscale et au taux d'imposition, parce qu'il deviendrait nécessaire de convaincre un groupe plus important avant de procéder à des changements.
Du point de vue des entreprises, l'un des avantages, naturellement, est qu'un organisme national de perception de l'impôt ne fonctionnera que si les assiettes fiscales sont harmonisées, et cela facilitera le respect des obligations fiscales des entreprises. Si vous avez une petite entreprise en Ontario et que vous commercez avec deux autres provinces, au lieu d'avoir à vous occuper de la TPS et de la taxe de vente provinciale dans plusieurs provinces, vous n'aurez à verser qu'une seule taxe de vente harmonisée. En Ontario ou en Alberta, par exemple, vous pourriez avoir un impôt sur le revenu harmonisé, même si les gouvernements fédéral et provinciaux appliquent des taux différents.
Cela libérerait les gens qui sont dans les affaires - particulièrement les petites entreprises qui ont un nombre fixe d'employés - et ils pourraient se consacrer à des activités plus productives qui génèrent plus de richesse économique. Telle est l'idée sur laquelle repose cette proposition.
Le président: Catherine Swift.
Mme Swift: Je n'ai pas beaucoup à redire là-dessus. Évidemment, nous sommes en faveur d'un régime rationalisé sous un grand nombre des aspects mentionnés par M. Boothe.
À propos de l'absence d'effet d'entraînement entre les bénéfices qui sont réalisés et la création d'emplois, je pense, pour commencer, que l'on part parfois d'hypothèses erronées. Voyons ce qui s'est passé: les bénéfices de certains secteurs, qui resteront anonymes, ont fait les grands titres des journaux. Néanmoins, pour ce qui est du groupe que je représente, et même si l'on prend en compte les données nationales sur les bénéfices pendant les 20 dernières années, juste les données de Statistique Canada sur la rentabilité, on s'aperçoit que la rentabilité globale, à l'exception de certains secteurs, a beaucoup diminué. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles la proportion des recettes de l'impôt sur les bénéfices des entreprises a baissé.
Quand on parle de l'effet d'entraînement sur l'emploi, on sait très bien ce qui le freine de nos jours. Je ne pense pas que quiconque remette cela en cause. Nos membres nous le disent et nous le répètent: ce sont les charges sociales.
On a dit beaucoup de choses là-dessus. D'abord, que les charges sociales sont peu élevées au Canada. Eh bien, l'Europe, où elles sont les plus élevées du monde, n'a pas créé depuis 30 ans plus d'emplois qu'elle n'en a perdus.
Est-ce ce à quoi nous aspirons? Je ne le pense pas. Nos charges sociales sont infiniment plus élevées qu'elles ne l'étaient il y a cinq ou six ans. Elles ne baissent pas. Prenons l'exemple du RPC. Les cotisations vont probablement drôlement augmenter dans un avenir assez proche.
Regardez les provinces. Le Québec parle de créer deux nouvelles cotisations sociales, une pour la formation et l'autre pour financer le projet d'équité salariale. En règle générale, les provinces augmentent les prélèvements obligatoires.
C'est la raison pour laquelle, à notre avis, l'impact des charges sociales, qui ne sont manifestement rien d'autre qu'un impôt sur les emplois, ne peut être laissé de côté. Si vous souhaitez créer un effet d'entraînement en faveur de l'emploi, c'est certainement un élément clé à considérer. Toutes les questions concernant le respect de la réglementation fiscale sont également très importantes, mais si l'on veut frapper au coeur du problème, il est clair qu'il faut s'attaquer aux charges sociales.
Mme Brushett: Merci.
Le président: Merci, madame Brushett.
[Français]
Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.
M. Bélisle (La Prairie): J'aimerais adresser une question à M. Duncan Cameron du Centre canadien des politiques alternatives. Il parlait d'une taxe sur les transactions, opérations et échanges commerciaux qui pourrait avantageusement remplacer la TPS.
Pourriez-vous nous dire de quelle façon se calculerait une telle taxe et en quoi son administration serait moins lourde que celle de la TPS? J'aimerais entendre vos commentaires sur cette proposition qui me semble intéressante.
M. Cameron: La TPS s'applique à presque tout sauf à la nourriture, mais curieusement, elle ne s'applique pas à l'achat des titres ou des bons. Ainsi, un consommateur qui achète des actions de l'Alcan ou d'autres entreprises ne paie pas la TPS. C'est une anomalie si l'on considère qu'une somme d'argent est déboursée pour des instruments financiers.
Comment pourrait-on taxer ces achats tout en éliminant la taxe sur les éléments de base que consomme la société? Nous pourrions élargir le nombre de transactions incluses. Si nous imposions une taxe sur l'achat des titres et des bons, il nous faudrait aussi prévoir une taxe sur les dépôts à terme puisqu'ils sont une autre forme d'achat. De plus, si nous voulions vraiment que cette taxe soit basse, nous pourrions la réduire à 0,1 p. 100 ou 0,15 p. 100 au lieu de 2 p. 100 ou 1,5 p. 100. Nous pourrions aussi imposer une taxe sur tous les retraits d'argent par chèque auprès d'une institution financière.
Chaque mois, je règle quelque 1 000$ avec ma carte de crédit. Je ne paie ni taxe ni TPS sur ces transactions. À la fin du mois, lorsque je fais un chèque à l'ordre de Visa, je pourrais payer une petite taxe. Ce serait là une innovation. J'ai été étonné que Catherine Swift n'en ait pas parlé au lieu de nous entretenir de la fameuse taxe sur la masse salariale.
Je suis lié à trois petites entreprises et je constate que la grande partie du fardeau administratif d'une petite entreprise consiste à remplir de la paperasse relative à la TPS pour le gouvernement fédéral. Nous parlons ici d'entreprises dont les revenus s'élèvent à quelque 500 000$ par an; ce sont des revenus minuscules. Le travail de mes employés à cet égard est énorme. Nous pourrions simplifier le tout en transférant la responsabilité aux six grandes banques qui, comme vous le savez, sont dotées d'un système de charges assez complet et sophistiqué.
Il suffirait d'un rien pour qu'elles ajoutent un petit 0,15 p. 100 aux autres charges qu'elles administrent déjà. Plutôt que d'exiger que 3 millions de PME et quelque 4 millions d'organisations bénévoles perçoivent des taxes, les institutions financières pourraient agir en tant que perceptrices de taxes. Tout le fardeau administratif de la réglementation pourrait être transféré à ce petit groupe qui existe en vertu d'une charte du Parlement du Canada.
Le président: Monsieur Morris, vous aimeriez intervenir?
M. Morris: Oui. Il y a quelques années, nous examinions la Tobin tax, une taxe semblable qui visait les transactions de change étranger.
Une analyse générale de ce genre de taxes révèle qu'elles découragent l'épargne et l'investissement. Une taxe supplémentaire, au moment où les taux d'intérêt sont assez bas, découragerait le placement.
De plus, puisque ces genres de placements sont assez mobiles, ils incitent à l'évitement fiscal. À moins que tous les pays du monde n'imposent une telle taxe, les dépôt à terme se feront dans les pays où l'achat d'obligations et d'autres instruments ne sera pas assujetti à un tel impôt.
Comment une approche qui favorise l'évitement fiscal et réduit le taux d'épargne pourrait-elle s'avérer une option plus valable qu'un examen plus large qui, comme le suggérait M. Loubier, consisterait à se pencher sur les 50 mesures incitatives du système actuel et viserait une réduction du taux d'impôt?
[Traduction]
M. Cameron: S'il y a bien une chose qui a contribué à la création d'une économie souterraine dans ce pays, c'est la TPS et son taux de 7 p. 100.
Nous venons de terminer une étude sur l'industrie de la construction en Colombie-Britannique. Jusqu'à 30 p. 100 de l'activité de cette industrie échappe au contrôle des gouvernements.
À propos d'une taxe de 0,1 ou de 0,15 p. 100, personne n'essaiera de l'éviter, excepté les gens qui sont chargés de la percevoir, à savoir les banques. Si elles procédaient de la sorte, eh bien je pense que l'on pourrait imposer une pénalité à celles qui éluderaient cet impôt.
Quant à la Tobin tax, il s'agit d'un impôt international dont l'instauration nécessiterait beaucoup de coopération mais nous pourrions mettre en place nous-mêmes un régime national. On pourrait réduire le taux exigé.
Je suis vraiment surpris que la Fédération canadienne des entreprises indépendantes et d'autres ne fassent plus vraiment campagne contre la TPS. Elle laisse le problème de côté. Il s'agit pourtant d'un problème vital pour tous les Canadiens.
Mme Swift: D'abord, permettez-moi d'être d'un avis différent.
M. Cameron: Mais il existe une solution: un impôt sur les transferts financiers. Votre organisme devrait étudier cela très attentivement. Vous devriez poser des questions à ce propos au cours de vos enquêtes.
Mme Swift: Pour commencer, naturellement ce que vous dites sur la TPS est totalement faux. Nous continuons de chercher une solution, principalement en interrogeant nos membres, pour parvenir éventuellement à une certaine simplification. Comme je l'ai mentionné précédemment, une des difficultés majeures est le coût d'observation des obligations fiscales.
Nous regrettons beaucoup que la TPS ne fasse pas partie de cet examen. Si l'on s'intéresse à l'assujettissement des petites entreprises à l'impôt, la TPS n'est pas seule en cause mais elle joue quand même un grand rôle.
M. Cameron: Mais vous y êtes favorable; vous ne demandez pas qu'elle soit abolie.
Mme Swift: Nous avons les pieds sur terre, contrairement à certains. Comment remplacerait-on 17 ou 18 milliards nets?
Je serais ravie que l'on abolisse la TPS.
M. Cameron: Un impôt sur les transferts financiers la remplacerait...
Mme Swift: En tant qu'économiste, je ne trouve pas que ce soit une solution réaliste. Notre groupe a été l'un des plus sévères critiques des banques, et je ne pense donc pas que nous soyons généralement perçus comme des sympathisants des banques, mais nous ne sommes certainement pas...
M. Cameron: Quelles études avez-vous faites pour en arriver à cette conclusion?
Mme Swift: Je ne pense pas que ce soit véritablement le sujet. Nous pourrions certainement en discuter ailleurs.
M. Cameron: Mais c'est le sujet: le respect des obligations fiscales et la TPS.
Mme Swift: Non, c'est votre sujet à vous.
M. Morris: Je ne pense pas que l'observation des obligations fiscales soit une question que l'on peut escamoter aussi facilement.
Le président: Pourrais-je tenter de rétablir un peu d'ordre? On s'amuse beaucoup en ce moment.
Devrait-on donner très brièvement le dernier mot à Tim Morris?
M. Morris: Je voudrais faire remarquer que le respect des obligations fiscales est l'un des sujets qui nous occupent et que l'autre, ce sont les pertes fiscales. Je présume qu'à l'heure actuelle, le gouvernement cherche des solutions qui garantissent au maximum que les recettes fiscales seront maintenues si de nouvelles mesures sont adoptées.
Je crois qu'au Canada, on peut facilement acheter des titres de placement sans passer par les six grandes banques. Si ce que l'on souhaite contrôler ce sont les six grandes banques, peu importe les systèmes fantastiques que l'on pourra mettre en place, on ne percevra rien. Les grosses transactions financières échapperont à cet impôt. Ce sera tout à fait arbitraire.
Les plus petits investisseurs seront pénalisés par cet impôt. Le volume des recettes sera, selon moi, beaucoup moins important qu'avec la TPS.
M. Cameron: Ce que vous dites, en somme, c'est que cela ne peut pas servir à percevoir des commissions.
M. Morris: Je crois aussi que cela signifierait...
M. Cameron: Mais vous ne percevez pas de commissions non plus.
Le président: J'aimerais que M. Morris puisse finir, monsieur Cameron; je vous donnerai l'occasion de résumer plus tard. Entendu?
M. Cameron: Parfait.
M. Morris: Je voudrais aussi dire quelques mots au sujet de la TPS et de son observation. Sur le plan du respect des obligations fiscales, la TPS touche une population beaucoup moins grande. Cette taxe couvrirait tous les investissements.
Je suppose que cela devrait comprendre les prêts hypothécaires à l'habitation entre particuliers. Je présume que les intermédiaires, si ce sont eux qui perçoivent cet impôt, en viendront rapidement, dans ces circonstances, à jouer le rôle d'agents, et ces deux parties prenantes, avec lesquelles il est difficile de traiter, devront verser l'impôt. Dieu sait comment cela fonctionnera.
Par ailleurs, à propos de la TPS, je pense que le gouvernement fait des efforts énormes et très méritoires vis-à-vis l'industrie de la construction et les autres secteurs où la fraude est préoccupante. Le ministère des Finances, ainsi que Revenu Canada et l'Association canadienne de la construction, ont récemment lancé une initiative, et on prend aussi des mesures équivalentes au Québec, pour tenter de mieux faire respecter les obligations relatives à cet impôt. L'industrie est disposée à coopérer.
J'ai beaucoup de critiques à formuler au sujet de la proposition de M. Cameron.
[Français]
Le président: Je dois vous féliciter, monsieur Bélisle, car votre question a provoqué bien des réponses.
[Traduction]
Merci beaucoup. Pourrait-on maintenant entendre M. Solberg, qui sera suivi de M. St. Denis?
M. Solberg (Medicine Hat): Je vous remercie, monsieur le président.
En premier lieu, je tiens à remercier Mme Swift d'avoir souligné que la suppression du crédit de taxe sur les intrants fictifs crée des problèmes. Certains de mes collègues du Parti libéral nient que ce soit le cas, mais je veux vous remercier de l'avoir fait remarquer.
En résumé, on nous a dit que les impôts sont trop élevés, que les coûts occasionnés par le respect des obligations fiscales le sont aussi, que certaines taxes sont inappropriées ou préjudiciables à la croissance économique, et que, de fait, elles pénalisent certaines entreprises beaucoup plus que d'autres.
Je voudrais me concentrer un peu là-dessus et discuter des charges fiscales. Il en a été question hier et aujourd'hui. Je pense que les gens craignent beaucoup que si elles continuent à croître, on va perdre d'autres emplois.
J'aimerais que Mme Swift et tous ceux qui en ont parlé me disent ce qu'il est possible de faire pour freiner le mouvement à la hausse des prélèvements obligatoires. Vous pourriez peut-être parler plus particulièrement de l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. Que doit-on changer pour que ces programmes ne coûtent pas de plus en plus cher?
Mme Swift: En ce qui a trait à l'assurance-emploi, j'ai dit plus tôt que certaines des réformes structurelles qui ont été faites devraient - on le saura dans quelques années - améliorer le fonctionnement du régime et limiter son effet néfaste sur les marchés du travail qui se fait sentir depuis 20 ans, depuis le début des années 70, je suppose.
La caisse d'assurance-chômage accumule un énorme excédent. On sait que le ministère des Finances aimerait que cet argent puisse servir à réduire le déficit public. Le déficit est important, c'est certain, mais à notre avis, il est possible de réduire substantiellement les cotisations tout en conservant les fonds nécessaires pour répondre aux besoins de trésorerie du gouvernement. Il s'agit, selon nous, d'une solution relativement simple.
En ce qui a trait à l'assurance-emploi, puisque, présumément, les employeurs et les employés tirent les mêmes avantages du régime, nous jugeons tout à fait injuste que les employeurs doivent acquitter des cotisations de 1,40$ pour chaque dollar versé par les employés. D'autant plus qu'actuellement, plusieurs milliards de dollars sont consacrés à la pseudo-aide au perfectionnement et aux programmes de formation et autres dispensés dans le cadre de l'assurance-emploi.
Nous pensons donc qu'un autre moyen très équitable de favoriser éventuellement la création d'emplois serait d'égaliser, graduellement sans doute, les contributions des employeurs et des employés, comme dans le cas du RPC.
À propos du RPC, justement, nous avons mené une grande enquête auprès de nos membres à ce sujet au cours des derniers mois. Il en est ressorti que, foncièrement, ils sont satisfaits du programme, qui est probablement en phase par rapport à la majorité des Canadiens, et ils souhaitent qu'il soit conservé; toutefois, ils sont tout à fait conscients du problème que pose son futur financement. Notre enquête a permis d'établir que nos membres sont en faveur d'une réduction des prestations proportionnelle à une augmentation des cotisations. Ici encore il faudra s'entendre sur un calendrier d'application.
Nous craignons qu'à l'heure actuelle, le gouvernement soit fortement tenté d'opter pour une augmentation des cotisations sans procéder, en contrepartie, à une réduction des prestations, qui pourrait certainement être étalée de façon à ce que personne ne se retrouve dans une situation difficile à court terme, ce qui, manifestement, est injuste.
Les résultats de l'enquête sont disponibles. Nous pensons que ces propositions pourraient grandement alléger le fardeau fiscal que constituent les charges sociales au niveau fédéral. Pour ce qui est du niveau provincial, c'est une autre histoire.
M. Garth Whyte (vice-président, Affaires nationales et recherche, Fédération canadienne des entreprises indépendantes): Monsieur le président, la raison pour laquelle nous nous focalisons sur les charges sociales est que nous tentons de rester dans le cadre du mandat du comité, qui doit veiller à ne pas pénaliser le fisc et à ne pas toucher à la stratégie de réduction du déficit public.
Un grand nombre des charges sociales financent des programmes auto-entretenus, comme le Régime d'assurance-chômage. Même si ces cotisations sont regroupées avec les recettes générales, comme vous le savez, la caisse reste financièrement autonome, et employeurs et employés doivent rembourser au gouvernement toute somme qui a servi à combler un déficit éventuel, et vice-versa.
Il y a donc cette caisse, qui est actuellement en situation excédentaire, et qui aura accumulé environ 6 milliards de dollars d'ici la fin de 1996. Sans toucher à cet excédent, il est possible de réduire d'emblée les cotisations de 60 ou 70c.
Nous avons rédigé un rapport sur les charges sociales. Pour une entreprise québécoise de25 employés, par exemple, quand on additionne les cotisations au régime d'indemnisation des travailleurs, les taxes pour l'éducation et pour la santé, à quoi s'ajoutent l'assurance-chômage et le RPC, on constate qu'entre 1990 et 1996, le total a augmenté de 38 000$ environ. L'équivalent de deux emplois.
Vous brassez toutes ces théories. Nous, nous avons parlé à nos membres. Interrogez donc un, deux ou trois employeurs. Ils vous diront que payer les charges sociales ajoute 13 p. 100 à leurs coûts, tout simplement. Par dessus le marché, ils financent les soins de santé et les soins dentaires. Et en plus, ils versent aux administrations municipales des taxes professionnelles et des impôts fonciers. Ce sont des facteurs qui dissuadent les employeurs d'embaucher plus de personnel.
Les gouvernements ont modifié leur structure fiscale: au lieu d'être axée sur les bénéfices, ils ont voulu qu'elle repose sur quelque chose de plus stable ce qui, dans leur esprit, signifie prélèvements obligatoires et taxes foncières.
Disons que vous envisagez des changements structurels. Au lieu de discuter de la façon dont on peut plumer les entreprises sans qu'elles protestent trop, nous devrions plutôt voir dans quels domaines on peut faire quelque chose de vraiment concret.
On peut s'attaquer dès demain à l'assurance-chômage au niveau fédéral. Allons-y.
M. Solberg: De tous les changements qui pourraient être envisagés, à votre avis, quel est celui qui stimulerait le plus les affaires? Devrait-on réduire les impôts en général ou changer la structure fiscale de façon à ce qu'elle s'appuie moins lourdement sur les prélèvements obligatoires et les impôts directs?
Mme Swift: Nous considérons que la priorité numéro un en matière de fiscalité, c'est la réduction des charges sociales. Telle est la position des petits entrepreneurs. Nous sommes aussi d'avis que cette mesure serait la plus bénéfique sur le plan de la création d'emplois et que, grâce à l'effet multiplicateur que cela aurait, on en tirerait bien plus d'avantages que si l'on modifiait un autre élément quelconque de la structure fiscale.
M. Myers: Pourrais-je juste ajouter un mot? Selon moi, il ne faut pas se contenter de réduire l'impôt, même si cette baisse et une plus grande efficacité du régime fiscal sont extrêmement importantes. Il y a, me semble-t-il, un autre élément qui s'est fait jour dans le secteur industriel depuis quelques années. Si l'on enregistre des gains de productivité dans un secteur, dans une économie, on peut alors se permettre d'offrir des salaires, des traitements et des prestations plus élevées.
N'importe quelle entreprise vous le dira: on ne peut pas couper indéfiniment, car éventuellement, cela devient suicidaire. À un moment donné, il faut réinvestir si l'on veut développer son activité. Je pense que si l'on veut réformer la fiscalité, il ne faut pas se contenter d'envisager des réductions, mais songer également à restructurer le régime fiscal, pour encourager l'investissement, l'innovation et la croissance.
Autrement, nous ne pourrons rien faire d'autre que couper. Nous finirons éventuellement par nous retrouver dans une situation où toute forme d'assistance sociale est inabordable et où la croissance future l'est également. C'est une préoccupation majeure dans tout le secteur industriel.
Le président: Merci, monsieur Myers et vous aussi, monsieur Solberg.
La parole est à M. St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir accepté d'être des nôtres aujourd'hui pour nous aider dans cette intéressante démarche. Quand le Comité des finances a tenu ses audiences budgétaires à l'automne de 1994 et de 1995, et quand il a fait son étude sur la TPS au printemps 1994, nous avons entendu dire très souvent que la politique fiscale canadienne devait équilibrer de façon satisfaisante l'impôt sur le revenu, l'impôt sur la consommation et l'impôt sur le capital. Qu'il ne fallait pas mettre tous nos oeufs dans le même panier, et qu'il fallait aller chercher des recettes à chacune de ces sources d'une manière relativement équilibrée.
Or, j'ai entendu ce matin un ou deux témoins dire que l'on devrait fuir les impôts qui ne sont pas basés sur les revenus. Je ne sais pas si cela signifie que l'on devrait conserver uniquement les impôts sur le revenu, et abandonner l'impôt sur le capital et sur la consommation. Je crois me rappeler aussi avoir entendu dire qu'il faut harmoniser l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le capital.
Tout cela m'a poussé à me demander, et je pense maintenant à haute voix - souvenez-vous qu'un grand nombre de Canadiens nous écoutent ou nous écouterons ce week-end - si nous devons viser la simplicité, l'harmonisation ou les deux. Il me semble évident que c'est l'harmonisation que nous cherchons véritablement à atteindre. On peut tenter d'y parvenir dans les trois domaines fiscaux suivants: les impôts sur le revenu, les impôts sur la consommation et les impôts sur le capital. On pourrait viser une harmonisation verticale - entre les niveaux fédéral, provinciaux et municipaux, selon le cas - ou une intégration horizontale entre, disons, les impôts sur la consommation et les impôts sur le capital, si cela est souhaitable, ou enfin, dans chacun de ces domaines pris séparément.
Si l'on met de côté le problème de la TPS - je pense que l'on en a assez parlé ici et ailleurs - je me demande si certains d'entre vous pourraient nous conseiller une méthode d'harmonisation - verticale, horizontale ou à l'intérieur des domaines fiscaux que j'ai cités - afin que l'on puisse donner quelque substance aux notions dont nous discutons.
Bien sûr, «harmonisation» est un joli mot. Nous souhaitons tous l'harmonie. Mais pourrait-on préciser ce qu'on entend véritablement par harmonisation dans certains domaines que nous n'avons pas abordés?
Y a-t-il des intéressés?
Le président: Qui est volontaire pour répondre à cette question?
Tim Morris.
M. Morris: Les régimes d'impôt sur le capital sont moins complexes que ceux qui régissent l'impôt sur le revenu. Néanmoins, chaque province exige une déclaration distincte de l'impôt sur le capital, et il existe aussi de petites différences au plan du calcul. À mon sens, il serait possible de parvenir à une définition universelle de ce que constitue le capital des sociétés. Une fois cela fait, si c'est possible, les équipes de vérificateurs de Revenu Canada pourront alors procéder à leurs contrôles et dans le cas des provinces qui sont parties prenantes, tout du moins - les provinces qui, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, fonctionnent généralement selon les règles fédérales - on pourrait avoir une seule vérification, un seul régime fiscal, et un seul ensemble de règles. Il me semble donc qu'un des secteurs où il serait plus facile de parvenir à une harmonisation est celui des impôts sur le capital.
Il y a un autre domaine où l'on constate une certaine inefficacité en matière d'impôt sur le capital et d'impôt sur le revenu, c'est la répartition entre les provinces. Il existe des règles au Canada qui sont suivies par les administrations provinciales et fédérale, des normes et des méthodes qui se rapportent à la répartition du revenu dans tout le pays. Toutefois, les interprétations données par le vérificateur provincial concerné varient.
Voilà un autre domaine où, selon moi, si la règle était la même, le résultat serait aussi le même, et où il serait peut-être possible de parvenir à un accord formel entre le gouvernement fédéral et les provinces sur l'application des règles de répartition. Pour ce faire, on pourrait peut-être, là aussi, faire des vérifications communes de cet aspect particulier de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur le capital.
Le président: Monsieur Boothe.
M. Boothe: J'aimerais simplement faire une observation générale qui me semble ressortir des remarques de M. Morris. On peut dire qu'il vient de donner deux exemples particuliers du principe général voulant que l'harmonie se présente sous deux aspects. Il y a le taux fiscal et l'assiette fiscale. Quand on écoute M. Morris, on voit bien que ce qui peut vraiment faciliter le respect des obligations fiscales, c'est une assiette harmonisée. L'harmonisation des taux est aussi une bonne chose, mais ce qui est en jeu, c'est l'existence d'assiettes d'imposition différentes.
Donc en fait, quand on parle d'impôt sur le revenu, que ce soit celui des sociétés ou des particuliers, si l'on peut parvenir à harmoniser les définitions de ce qui doit être imposé, c'est là que les véritables économies pourront être réalisées. C'est la raison pour laquelle je pense qu'un organisme national de perception de l'impôt pourrait grandement faciliter l'harmonisation des assiettes fiscales, pas uniquement pour la taxe de vente, mais aussi pour les impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés.
Cependant, je pense qu'il faut dire aussi que l'obstacle à l'harmonisation de l'assiette fiscale n'est pas d'ordre technique. Je veux dire par là que beaucoup de gens ici présents pourraient, en deux coups de crayon, définir les grandes lignes de ce qu'il convient de faire. L'obstacle est d'ordre politique dans notre fédération. Par conséquent, si l'on considère que l'harmonisation de l'assiette fiscale a une importance primordiale, il faut réfléchir aux initiatives à prendre pour que les politiciens - aux niveaux provincial, fédéral, et peut-être municipal également - s'entendent pour parvenir à une harmonisation, limitée mais utile, des assiettes fiscales.
Le président: Garth Whyte.
M. Whyte: En toute justice, il faut mentionner qu'au niveau fédéral en tout cas, Revenu Canada a pris des mesures pour instaurer un seul numéro d'enregistrement pour les entreprises. Cette initiative va grandement alléger le fardeau du respect des obligations fiscales pour les entreprises. On n'y parviendra pas sans mal, mais c'est une mesure qui devrait améliorer les choses.
Par ailleurs - je pense que nous l'avons déjà dit - nous collaborons avec le comité Mintz. Nous faisons une enquête dans le cadre de laquelle nous posons plusieurs questions à nos membres: Quels sont les obligations fiscales auxquelles il coûte le plus cher de se conformer? Qui dans votre entreprise gère ce coût? Combien de temps cela demande-t-il? Qu'est-ce qui pose le plus de difficultés?
Nous allons donc étudier ces questions d'assez près, aux niveaux provincial et fédéral, afin d'aider le comité.
Ici encore, attention! Si la raison d'être de cet exercice est uniquement la discipline fiscale, selon notre expérience, simplification réforme fiscale ne sont que des mots codés pour désigner des augmentations d'impôt, même si l'imposition repose sur l'assiette fiscale. Ceux d'entre nous qui ont travaillé en Saskatchewan pendant les années Blakeney et Devine ont découvert la magie des surtaxes. Si vous pouvez imposer en fonction de l'assiette fiscale, ce qui semble être une augmentation de 1 p. 100 vaut 7 p. 100 quand on part de l'assiette fédérale. Vous voyez donc que cela cache parfois une augmentation des impôts. Pour que cela fonctionne véritablement, il faut que simplification aille de pair avec réduction. Il ne faut pas simplifier et qu'il y ait ensuite plus de perdants que de gagnants.
La population canadienne est très sceptique à l'égard de ces procédés: on repart encore une fois à zéro, on remet tout à plat et surprise! Voilà que des augmentations d'impôt minimes se chiffrent à quelques centaines de dollars et que d'importantes baisses se réduisent à quelques cents. Je pense que la population en général en a marre de tout ce cinéma. Le poids des impôts est tout simplement trop lourd et on en souffre. Tout le monde en souffre.
Mme Swift: Il faut aussi rappeler que lorsqu'on étudie notamment la Loi de l'impôt sur le revenu, dans bien des cas, sa complexité a été voulue par un gouvernement qui souhaitait encaisser plus de recettes, en prétendant supprimer ce que l'on appelle, entre autres, des failles. Par conséquent, si on cherche vraiment à simplifier - notamment ce qui se rapporte à l'impôt sur les bénéfices des sociétés dans la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire la partie la plus compliquée - cela va nécessairement se traduire par des recettes moindres si l'on se rappelle les raisons pour lesquelles ces dispositions ont été introduites au départ, au fil des années. Il est donc utile de remettre ces questions en contexte.
M. Whyte: Pour conclure ce que je disais, nous ne voulons pas d'une stratégie de type «entourloupe» où l'on attend la fin des travaux du comité Mintz et où le gouvernement ne fait rien au sujet de l'assurance-emploi alors qu'il pourrait agir dès le 1er janvier 1997. Il faut qu'il bouge et agisse maintenant pour montrer qu'il essaie d'améliorer le régime fiscal et de faciliter la création d'emplois.
Le président: Peter Harris.
M. Harris: Pour poursuivre dans la même veine et dans le prolongement de l'argument deM. Morris, je considère que la simplification a deux facettes. Nous pouvons tous nous occuper de la Loi de l'impôt sur le revenu - tous ceux qui sont ici la connaissent et savent à quel point elle est complexe - mais il y a un autre élément de complexité, celui qu'a évoqué M. Morris - la stratification qui est en première source de complexité.
Je parle à titre personnel et pas au nom de la Chambre: je préférerais que l'on commence par créer un organisme national de perception selon la définition qu'en donne M. Morris. Je pense que c'est à ce niveau qu'il faut commencer avant d'en arriver à la simplification des lois. Si l'on commençait par une loi particulière, que ce soit la Loi de l'impôt sur le revenu ou une autre, nous serions quand même aux prises avec les vieux problèmes des coûts d'observation et des différentes interprétations aux niveaux des provinces et du gouvernement fédéral.
Je suis en faveur des deux initiatives, mais je pense que chronologiquement, il faut envisager le processus d'harmonisation en premier et passer ensuite à la simplification.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Nous allons maintenant écouter quelques brèves questions de M. Grubel et de M. Campbell, après quoi je demanderais à chacun des témoins de nous dire en une minute pourquoi ils sont venus ici aujourd'hui.
M. Grubel: Monsieur le président, j'aimerais refroidir un peu les ardeurs de ceux qui préconisent la création de cet organisme national de perception.
Je crois en la concurrence - la concurrence entre les entreprises dans le secteur privé, sur les marchés du travail, et aussi entre les administrations qui peuvent avoir des revenus. Selon moi, ce type de centralisation, même si elle offre de nombreux avantages immédiats, ferme la porte à l'innovation et à la diversité qui sont au coeur de notre société. Je crains que cela ait des conséquences indésirables à long terme. On entend dire sans arrêt que les Nations Unies imposent leurs vues au monde entier, et cela ne rend pas justice à la diversité de l'humanité. Je crains fort que si l'on procède de la sorte au Canada, ce ne sera pas dans l'intérêt à long terme des Canadiens.
Le président: Paul Boothe, souhaitez-vous répondre?
M. Boothe: Je connais bien sûr le professeur Grubel depuis très longtemps. Il existe en effet d'importants ouvrages de théorie où l'on défend la concurrence entre les gouvernements. Toutefois, la situation qui nous occupe est telle que je me demande... Ce serait un peu différent si l'on pouvait choisir le gouvernement auquel on paierait des impôts. On pourrait alors vraiment essayer de jouer le bon cheval. Je suppose que les entreprises chercheraient à savoir sur quelle province miser. D'ailleurs, elles peuvent déjà le faire actuellement.
La création de l'organisme national de perception d'impôt que nous proposions n'interdisait pas cela. Nous avons pensé que s'il existait une assiette fiscale harmonisée pour l'impôt sur les bénéfices des sociétés et pour l'impôt sur le revenu des particuliers, les provinces pourraient alors établir leurs propres taux d'imposition. Mais comme pour tout en économie, il faut qu'il y ait une contrepartie. L'efficacité qui découle du passage de dix organismes de perception des impôts à un seul - ou dans le cas de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, puisqu'il faut inclure l'Alberta, de onze organismes à un seul - compenserait les risques de l'absence de concurrence au plan de l'assiette fiscale.
Le président: Je vous remercie, M. Boothe et M. Grubel.
Monsieur Campbell, s'il vous plaît.
M. Campbell (St. Paul's): Au risque de provoquer une bagarre entre les témoins, je veux évoquer à nouveau l'impôt sur les transactions financières. Les témoins n'ont pas besoin de me répondre maintenant, monsieur le président; ils pourront le faire dans le cadre de leur résumé.
Ce qui m'inquiète au sujet de cette proposition, dont on entend parler de temps en temps, c'est que ses défenseurs ont tendance à essayer de prouver que ce qui ne marche pas dans la réalité fonctionne en théorie.
Si ce dont il est question, c'est le remplacement des 14 milliards nets de recettes générées par la TPS par un impôt sur les transactions financières, je pense, monsieur le président, qu'on détruira nos marchés d'actions, l'investissement, la croissance, les emplois - tout ce dont nous avons discuté aujourd'hui. Ce n'est pas une question de perception d'impôt. Je suis d'accord avec M. Cameron à cet égard. Ce n'est pas la perception qui est en cause, c'est le coût des transactions. Dans le cas de certaines transactions auxquelles s'appliquerait cette proposition, le coût doublerait même avec le taux d'imposition apparemment modeste qu'il prône.
Ma deuxième remarque, monsieur le président, se rapporte à des commentaires qui ont été faits plus tôt, notamment par certains députés du Bloc québécois. Prétendre que les entreprises tirent parti des incitatifs fiscaux, et ce au point de planifier leur activité en conséquence ou en en tenant compte quelquefois... C'est presque essayer de nous faire croire que c'est la seule raison pour laquelle elles sont en affaires. Je pense que les témoins ont démoli cette théorie.
Ceux qui sont de cet avis ajoutent que, dans la mesure où les entreprises tirent parti de ces mesures fiscales à caractère incitatif, elles arnaquent en quelque sorte les particuliers ou, pour dire les choses plus élégamment, elles subventionnent les entreprises. Si la proposition est vraie, elle s'applique aussi au régime d'épargne-actions du Québec, aux dispositions relatives au capital-risque du Québec, aux concessions faites à Hydro-Québec et, sans aucun doute, au faible taux de l'impôt sur le revenu perçu par le Québec.
La dernière chose que je voudrais dire se rapporte à certains commentaires concernant la TPS.
Vous pourrez peut-être, monsieur le président, vu que Mme Swift est sortie temporairement, lui en faire part au moment où elle fera son résumé. Elle a parlé de la TPS et l'a critiquée en disant que c'est le plus grand problème auquel font face les entreprises sur le plan du respect des obligations fiscales; mais elle n'a aucunement fait référence - autant que je me rappelle - à l'initiative d'harmonisation qui a été lancée.
Je comprends fort bien que son association soit favorable à un taux unique parce que cela facilite l'observation des directives fiscales. M. Whyte souhaite peut-être répondre à sa place. J'aimerais avoir les commentaires de la Fédération sur le projet d'harmonisation.
M. Whyte: Si vous souhaitez ouvrir un sac de noeuds, allons-y.
Le problème, c'est que nous ne sommes qu'à mi-chemin. Nous ne touchons pas encore au but. Il y a trois provinces - quatre, je suppose, si l'on inclut le Québec - qui sont en train d'harmoniser. Or, toutes les règles n'ont pas encore été énoncées. On n'est pas encore sûr de la façon dont on traitera les transactions interprovinciales. Il reste bien des questions en suspens - plus de questions qu'il n'y a eu de réponses. On tente actuellement d'adopter une position neutre, et de faire en sorte que toutes les préoccupations soient exprimées. Reste que nous n'avons pas de régime harmonisé, que la TPS s'ajoute à un grand nombre d'autres taxes de vente provinciales, et que c'est une taxe tout à fait inefficace.
Cela dit, nous avons collaboré étroitement avec Revenu Canada pour mettre au point une méthode simplifiant le crédit de taxe sur les intrants, la méthode rapide. Nous avons beaucoup travaillé pour tenter de nous débarrasser de bien des problèmes liés au respect des obligations fiscales. Dans une certaine mesure, ils ont été réglés, mais le fait reste que nous avons deux régimes fiscaux.
M. Campbell: Êtes-vous, oui ou non, en faveur d'un régime harmonisé?
M. Whyte: Nous sommes en faveur d'un régime plus simple, qui s'appuie sur une seule assiette...
M. Campbell: Êtes-vous en faveur d'un seul taux?
M. Whyte: Oui.
M. Campbell: Êtes-vous en faveur d'un seul organisme percepteur pour la taxe de vente?
M. Whyte: Oui.
M. Campbell: Êtes-vous en faveur d'une déclaration faite par le biais d'un seul jeu de formulaires?
M. Whyte: Oui, naturellement.
M. Campbell: Cela ne supprimerait-il pas une bonne partie des coûts occasionnés par le régime fiscal des entreprises et des problèmes dont a parlé Mme Swift?
M. Whyte: Bien sûr, mais il reste une grande question qui n'a pas été soulevée: quel serait le taux d'imposition?
M. Campbell: Est-ce la chose à faire, économiquement parlant?
M. Whyte: Oui.
M. Campbell: Pour le pays et pour vos adhérents?
M. Whyte: Oui, très certainement.
M. Campbell: Faut-il fixer un point de départ ou aller à l'aveuglette?
M. Whyte: Naturellement, il faut fixer un point de départ. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous attendons...
M. Campbell: Merci, monsieur le président.
M. Whyte: Monsieur Campbell, comme nous l'avons déclaré publiquement, dès que nous aurons des détails, nous enquêterons auprès de nos membres. Nous avons déjà embouché la trompette à plusieurs reprises. Nous avons dit que c'était bon pour le pays. On nous a dit qu'il y avait beaucoup d'options. Nous attendons toujours les détails. Une fois que nous les connaîtrons, nous contacterons nos membres. Les principes sont connus. Personne ne peut les contredire. Il nous reste cependant à examiner les détails.
M. Campbell: Je vous remercie, car cela clarifie la situation. Mme Swift s'est montrée catégorique dans ses propos liminaires en disant que la TPS posait aux entreprises un problème majeur sur le plan du respect des obligations fiscales. Vous avez maintenant précisé tout le reste. Vous êtes en faveur de l'harmonisation, vous êtes en faveur d'un taux unique, et vous êtes en faveur d'une perception unique. Cela réglerait les problèmes d'observation des règlements. Il faut bien partir de quelque part.
J'ajouterais seulement que le gouvernement va certainement continuer de collaborer avec votre organisme quand on aura plus de détails sur la manière dont on peut améliorer le système et que l'on pourra poursuivre le processus d'harmonisation.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
Avez-vous une dernière remarque à faire à ce sujet, madame Swift?
Mme Swift: Il y a un point que nous ne pouvons passer sous silence, je pense, en dépit du fait que nous déclarons publiquement depuis plusieurs années être en faveur d'une harmonisation véritable et totale, car toutes les formes d'harmonisation n'ont pas la même valeur, on le sait. À l'heure actuelle, trois petites provinces harmonisent, il y a un certain type d'harmonisation en cours au Québec, et ailleurs, la situation est tout à fait différente... Notre but, c'est un seul régime pour la taxe de vente, non pas quatre, ni sept ou je ne sais combien, mais un seul. S'il faut attendre 10 ou20 ans, juste pour se retrouver dans une situation difficile, avec six régimes différents au lieu d'un seul, ce n'est pas notre objectif.
Les facteurs politiques sont complexes, nous en sommes conscients; mais nous pensons qu'il est bon de se montrer prudents. La situation, telle qu'on peut l'envisager actuellement peut fort bien être pire que la prétendue non-harmonisation, si la lumière n'apparaît pas assez vite au bout du tunnel qui s'ouvre sur l'harmonisation éventuelle de toutes les administrations.
M. Campbell: Monsieur le président, vu que nous avons le même objectif, soit parvenir à un régime national harmonisé, je suppose que nous allons y travailler ensemble au cours des prochains mois et pendant un nombre d'années très limité.
M. Whyte: Nous avons travaillé en ce sens, mais nous continuons de suivre attentivement l'évolution des choses car nous sommes un peu comme saint Thomas quand il est question de la TPS...
M. Campbell: Et vous continuez de collaborer avec les autres provinces, je suppose.
Mme Swift: Tout à fait.
M. Whyte: C'est exact.
Le président: Pour conclure, si nos témoins souhaitent ajouter quelque chose aux fins du compte rendu, je leur demande de se limiter à une minute chacun. Monsieur Morris.
M. Morris: Je voudrais souligner trois points: tout d'abord, il faut harmoniser autant que faire se peut, établir rapidement la Commission canadienne du revenu, et viser une intégration aussi étroite que possible entre le fédéral et le provincial au plan des mesures et du processus de vérification.
Deuxièmement, en ce qui a trait au panachage des impôts, globalement, nous recommandons au gouvernement d'abandonner petit à petit sa dépendance à l'égard des charges sociales et des impôts sur le capital en faveur des impôts sur le revenu.
Enfin, nous pensons que le processus devrait comprendre un examen des mesures fiscales à caractère incitatif dans le but de réduire les distorsions entre les contribuables qui se font concurrence au sein d'une même industrie.
Le président: Monsieur Cameron.
M. Cameron: Les Canadiens souffrent, monsieur le président, comme on l'a fait remarquer. Ce n'est pas à cause des impôts élevés; c'est à cause des pertes de revenu qu'engendrent le chômage et l'insécurité d'emploi. Il y a trois millions de chômeurs. Dans ce contexte, on devrait effectivement - comme l'a fait remarquer Mme Brushett - chercher à créer une sorte d'effet d'entraînement entre le régime fiscal et l'économie.
Il est futile de réduire les cotisations à l'assurance-chômage ou au RPC et de croire que cela va encourager la création d'emplois. Ce n'est tout simplement pas le cas. Je préférerais de beaucoup ce que suggérait M. St. Denis, c'est-à-dire tenter d'équilibrer les impôts sur le capital, les impôts sur le revenu et les charges sociales, auquel cas les prélèvements obligatoires augmenteraient. Dans la mesure où cela ne freine pas la création de nouveaux emplois, vous pourriez faire une faveur aux gens. Faites des charges sociales et des cotisations au RPC des contributions progressives. Faites en sorte que les gens qui gagnent trois millions de dollars par an, comme les présidents de nos banques paient en proportion de leurs revenus.
Le président: Monsieur Boothe.
M. Boothe: J'insisterai sur le fait que la perception de l'impôt est une pièce maîtresse du puzzle que constitue l'harmonisation. Nous avons fait de grands progrès au cours des deux dernières années avec l'harmonisation de trois provinces, quatre si l'on tient compte du fait que l'Alberta est une province totalement harmonisée au plan de la taxe de vente.
Il faut vraiment que l'on se penche sur le problème de la perception de l'impôt si l'on veut arriver au bout. Il ne s'agit pas simplement de recycler Revenu Canada, de transformer ce ministère en clone de VIA Rail ou de Poste Canada. Il faut plutôt envisager créer un organisme dont le gouvernement fédéral et les provinces partageront l'administration, s'assurer que tout changement du taux d'imposition et de l'assiette fiscale sont nécessairement approuvés par un certain nombre de provinces et par le gouvernement fédéral, et s'efforcer, comme y faisait allusion M. Harris, je pense, de donner aux provinces la possibilité de fixer l'assiette de leurs impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises en fonction de celle des impôts perçus par cet organisme national.
Le président: Catherine Swift ou Garth Whyte.
M. Whyte: J'insisterai principalement sur trois choses: d'abord, le fardeau que constitue l'observation des règlements. Nous collaborons avec le comité Mintz, comme nous l'avons dit, et nous interrogeons nos membres pour savoir dans quels domaines se posent des problèmes.
Je le répète, nos membres ne font guère confiance au gouvernement. Ils voient dans cet examen du régime fiscal un autre moyen d'aboutir à une augmentation des recettes. Il faut lier la simplification du régime fiscal à une formule quelconque qui fera baisser l'impôt. On prétend que cette démarche ne concerne en rien les recettes; ce que l'on veut dire par là, c'est que l'on va à nouveau mettre le fardeau sur le dos de quelqu'un d'autre.
Des commentaires ont été faits sur la façon dont on pourrait se débarrasser des exonérations fiscales. Nous trouvons cela ironique. Autrement dit, vous considérez les impôts comme un dû, et après, vous nous accordez une exonération. Merci beaucoup.
Ce n'est pas la façon dont nous voyons les choses. Un grand nombre des exonérations fiscales existent parce qu'il y a une raison. Entre autres, si le taux appliqué aux petites entreprises ainsi que l'exonération de 500 000$ sur les gains en capital - on n'en a pas parlé aujourd'hui mais hier, on a indiqué que cela faisait partie des exonérations dont on devrait se débarrasser - existent, c'est à cause du niveau d'imposition fiscale disproportionné qui frappe les petites entreprises.
Nous avons fait une étude reposant sur plus de 600 000 déclarations d'impôt, une étude qui fait autorité, d'ailleurs. Le gouvernement du Québec en a adopté la méthodologie et l'utilise actuellement pour examiner le fardeau fiscal selon la taille des entreprises.
Voici le problème que nous a posé cette étude. Les données les plus récentes que nous avons pu obtenir - nous avons réalisé l'étude en 1993 - étaient celles de 1987. Où sont les chiffres? N'est-il pas possible de les demander à Statistique Canada et au ministère des Finances? Dans le livre violet et le livre gris, on faisait allusion à des données récentes qui apportaient des précisions sur le fardeau fiscal global. Ce comité ne peut-il pas obtenir cette information?
Alors, au lieu de simplement discuter de ce que nous devrions faire, pourquoi ne pas s'informer de ce qui constitue le fardeau fiscal? On découvrira alors que c'est en grande partie les charges sociales et les taxes foncières municipales. Cela devrait être examiné.
Enfin, vous pouvez prendre des initiatives sans vous préoccuper de ce que fait le comité Mintz, à propos de l'excédent de l'assurance-emploi et de la réduction des cotisations, par exemple.
Le président: Monsieur Glennie.
M. Glennie: Merci, monsieur le président.
On a fait aujourd'hui trois ou quatre propositions qui permettraient de rendre le régime actuel plus efficace. J'espère que le comité y donnera suite.
Deuxièmement, quand on examine les impôts, notamment les charges sociales, les impôts sur le revenu ou le capital, il faut se rappeler que le Canada n'est pas unique au monde. Nous sommes partie prenante à l'Accord de libre-échange nord-américain. Nous devons rester compétitifs, en tout cas, vis-à-vis nos voisins du sud et de préférence, vis-à-vis les autres blocs économiques de la planète. Si ce comité examine le régime fiscal du Canada dans le but de le rendre plus efficace, j'aimerais revenir pour exprimer mes opinions à ce sujet.
Je vous remercie.
Le président: Nous vous accueillerons volontiers à nouveau, monsieur Glennie. Merci.
Donald Watkins.
M. Watkins: Merci, monsieur le président.
J'approuve les commentaires de M. Glennie au sujet de la compétitivité. Je voudrais également appuyer les remarques que M. Morris a faites plus tôt ce matin à propos de la complexité, de l'observation des règles et des difficultés que pose loi de l'impôt elle-même. Il a parlé de la consolidation des pertes. Dans le cadre du régime actuel, la consolidation des pertes s'accompagne de coûts d'observation très élevés.
Je parlais tout à l'heure avec M. Spindler d'un document préparé par le ministère des Finances au début des années 80, où il était question d'un mécanisme ou d'un système de transfert des pertes très simple; on n'entend plus parler de ce document, semble-t-il. Dommage qu'il ne puisse être ressuscité et considéré à nouveau.
M. Morris, comme certains autres intervenants, d'ailleurs, a parlé des exigences relatives aux déclarations des entreprises sur leurs filiales étrangères. C'est un domaine où les coûts associés au respect des obligations fiscales vont devenir prépondérants. Il a également soulevé la question des règles qui s'appliquent aux actions privilégiées à terme, un autre anachronisme, car elles ne sont plus nécessaires, alors que leur observation entraîne des coûts.
En résumé, j'appuie ces remarques qui ont été faites plus tôt.
Le président: Rob Spindler.
M. Spindler: Je ne veux pas reprendre le même refrain et parler encore des taux d'imposition, de l'harmonisation, des mesures incitatives à réexaminer et je ne sais quoi d'autre. Je vais donc simplement rappeler une des observations secondaires que j'ai faites.
On pourrait certainement réduire les coûts associés au respect des obligations fiscales et améliorer l'efficacité de la perception des impôts, si le ministère des Finances cherchait à faire participer plus étroitement le milieu des affaires à l'élaboration de certains textes législatifs.
Le président: George Penna.
M. Penna: Le comité a certainement mis en évidence plusieurs facteurs de la complexité du régime fiscal. Nous appuyons la plupart des observations qui ont été faites aujourd'hui.
Selon moi, le comité devrait chercher surtout à cerner les éléments du régime fiscal qui freinent l'investissement. Nous estimons que l'un des premiers objectifs que devrait poursuivre le comité, c'est d'encourager l'investissement au Canada et la création d'emplois. Il faut, je pense, faire en sorte que le Canada soit considéré comme un pays où il est judicieux d'investir. S'il y a des obstacles d'ordre fiscal à cela, nous devrions nous y attaquer.
On a parlé de bénéfices et de rentabilité. C'est vrai, les sociétés et les entreprises font des bénéfices; mais sont-elles rentables? Obtiennent-elles un rendement raisonnable de leurs investissements? Je crois que ce qui se passe au Canada démontre que non. Si le gouvernement peut apporter une amélioration quelconque à cet égard par le biais du régime fiscal, on verra le flux des investissements grossir et les emplois se multiplier.
Le président: Pour finir, Peter Harris.
M. Harris: Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit. J'espère m'être bien fait comprendre.
Pour apporter quelques petites précisions, je dirais que les dispositions qui s'appliquent à la consolidation des pertes caractérisent bien toute la partie de la Loi de l'impôt sur le revenu qui concerne les réorganisations. Je pense que ces dispositions devraient être plus libérales. C'est beaucoup trop difficile et cela coûte beaucoup trop cher aux petites, moyennes ou grandes entreprises de réorganiser comme il se doit les activités commerciales de leurs composantes.
Enfin, pour pousser cet argument un peu plus loin, les grandes sociétés canadiennes ont beaucoup de difficultés, lorsqu'elles acquièrent des entreprises américaines, à réorganiser leurs activités de façon avantageuse sur le plan fiscal et commercial. C'est beaucoup trop difficile à faire dans le cadre de notre législation. À mon avis, la loi américaine, même si elle est stricte par certains côtés, comporte des dispositions beaucoup plus favorables aux réorganisations que la nôtre.
Le président: Merci, monsieur Harris, et merci à tous.
Avant de conclure, j'ai quelques informations d'ordre pratique à donner. Nous avons consulté les membres du comité de direction et voici comment se présente le calendrier des réunions du Comité des finances.
La Chambre des communes reprend ses travaux le 15 septembre. Dès le 16, nous devons entamer les audiences qui seront consacrées au livre blanc sur les institutions financières. Nous allons également avoir quelques audiences sur l'imposition des organismes à but non lucratif au Canada. Il y aura une séance sur les biens canadiens imposables au cours de laquelle nous entendrons les derniers témoins. Il faudra aussi consacrer un ou deux jours aux travaux du sous-comité qui est présidé par M. St. Denis et qui étudie les institutions financières internationales.
Pour revenir à l'audience d'aujourd'hui, la liste des témoins que nous avons accueillis m'impressionne. Il y a les délégués du secteur de la fabrication et de l'exportation, deux facteurs de l'expansion économique que nous connaissons actuellement. Il y a la Chambre de Commerce qui représente tant d'entreprises. Il y a des banquiers qui, à bien des égards, sont des chefs de file reconnus dans le monde entier. Il y a les représentants des petites entreprises, un secteur qui, en fait, est le seul où, dans l'ensemble, l'emploi - sans doute le problème le plus épineux à l'heure actuelle dans notre pays - se développe. Nous recevons aussi des spécialistes comme Don Watkins, Paul Boothe, Duncan Cameron et Rob Spindler, et nous bénéficions du jugement éclairé de tous les membres du Tax Executives Institute, grâce à la présence de Drew Glennie.
Le Comité des finances a la chance de pouvoir s'appuyer sur vos connaissances, vos avis et les ressources des organismes et des adhérents que vous représentez, pour s'attaquer à l'étude de ces très importantes questions. Je dois dire que je suis impressionné par la transparence du processus - que j'approuve tout à fait - puisque la population a la possibilité de vous entendre directement et d'anticiper les décisions que nous, les politiciens, pourront prendre.
Il est évident, je pense, que tout n'est pas parfait, mais si j'en juge par ce qui a été dit aujourd'hui, il est aussi évident que vous avez un certain nombre d'idées concrètes sur ce que nous pouvons faire pour changer les choses. Je n'ai pas l'intention de les résumer toutes, mais nous pourrions, par exemple, prendre immédiatement des mesures, au niveau fédéral, pour communiquer davantage d'informations sur l'imposition des sociétés, par l'intermédiaire de Statistique Canada, comme l'a demandé la FCEI.
Je note la recommandation voulant que l'on embauche plus de personnel à la Division des décisions de Revenu Canada. Cela ne coûtera rien aux contribuables puisque c'est un service dont on recouvre le coût auprès des gens qui l'utilisent.
Vous nous avez suggéré des mesures relatives aux procédures de vérification et aux règles.
Vous nous avez donné un exemple précis de la façon dont vos connaissances peuvent nous être utiles - je veux parler des nouvelles exigences relatives aux déclarations des entreprises sur leurs filiales étrangères. Je suis certain que le gouvernement acceptera l'invitation que vous lui avez lancée, et j'espère qu'ainsi nous allons pouvoir arriver à un résultat concluant.
Vous nous avez aussi donné des idées novatrices sur les moyens d'accroître notre compétitivité, en évoquant les FISC américaines, ces sociétés internationales de ventes à l'étranger, dont nous pourrions aussi nous doter. C'est une idée qui date de l'époque où nous avons créé la société nationale de ventes internationales qui devait donner un coup de pouce aux exportateurs pour qu'ils puissent être plus compétitifs. Ce sont des idées intéressantes.
Dans l'ensemble, autour de cette table, l'harmonie n'a pas été parfaite ni les avis unanimes - ce n'est jamais arrivé - mais vous avez tous dit que notre rôle en tant que députés fédéraux, était de faire tout notre possible pour harmoniser nos impôts avec ceux des provinces.
Acceptez-vous de nous aider à le faire? Pouvez-vous tenir aux provinces les mêmes propos que ceux que vous nous avez tenus sur l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt sur le capital et les taxes de vente? Tous les Canadiens en bénéficieront, que ce soit parce que les frais d'administration baisseront, que les entreprises deviendront bien plus efficaces ou que l'on réduira le nombre - et le coût - des obligations fiscales de ceux-là même qui vont créer des emplois au Canada.
Il faut que cet exercice donne de bons résultats. Il n'y a aucune raison de ne pas l'entreprendre. Vous nous l'avez dit sans ambages.
J'ajouterais que tous les détails des exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui vont être analysés attentivement par les fonctionnaires de Revenu Canada et du ministère des Finances. Je sais aussi que M. Jack Mintz va trouver cette information utile pour poursuivre les travaux qu'il a entrepris.
Je tiens à vous remercier d'avoir mis toutes ces ressources à la disposition du comité et, par son intermédiaire, de l'appareil gouvernemental. Au nom de tous mes collègues, merci à tous.
Je voudrais également remercier le personnel, par l'intermédiaire de la greffière, Christine Fisher, ainsi que les autres employés de la Chambre des communes et de CPAC, qui ont pris les dispositions nécessaires pour que nous puissions nous réunir en plein milieu de l'été.
La séance est levée.