[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 octobre 1996
[Traduction]
Le président: Nous allons commencer nos travaux.
Le comité est très fier d'avoir eu l'aide du caucus libéral sur l'éducation. Les membres du caucus nous ont aidé à organiser cette table ronde aujourd'hui à laquelle participeront des représentants d'établissements d'enseignement canadiens, des gens qui aideront notre comité à préparer le prochain budget et à tracer l'avenir de la participation du gouvernement fédéral à l'épanouissement de nos établissements d'enseignement et de nos jeunes.
Le comité est fort reconnaissant à tous les membres de ce caucus, notamment son président, Peter Adams, et ses membres, Mary Clancy, Ted McWhinney et Andrew Telegdi, qui sont ici aujourd'hui et représentent ce caucus.
Je suis très heureux de vous présenter nos témoins: de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, M. Robert Léger, agent des relations gouvernementales, et Mme Shirley Mills, trésorière du comité de direction de l'ACPPU; de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, M. Marcel Lauzière; de l'Association des universités et collèges du Canada, M. Robert Giroux, président, et M. Art May, président de l'Université Memorial; du Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques, M. Paul Hough et M. John Service; du Conseil canadien des étudiants diplômés, Mme Rubina Ramji; de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, M. Clément Gauthier; de l'Association canadienne de la gestion de la recherche, M. Henri Rothschild; et du Conseil national des étudiants diplômés de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, M. Brad Levigne.
Ai-je oublié quelqu'un?
Je crois que notre premier intervenant sera M. Giroux. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires.
M. Robert Giroux (président, Association des universités et collèges du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux d'être des vôtres. Nous avons préparé un commentaire liminaire que je lirai au nom de l'AUCC, de l'ACPPU et du consortium.
Monsieur le président, il y a près d'un an votre comité a organisé une table ronde pour discuter du financement par le gouvernement fédéral de l'éducation postsecondaire dans le cadre de ses consultations prébudgétaires. Bon nombre des groupes qui sont ici aujourd'hui ont participé à cette table ronde.
Le principal élément de nos discussions l'année dernière était que dans ses efforts pour réduire le déficit le gouvernement fédéral avait oublié son engagement au titre de la création d'emplois et de la croissance. Les recommandations que nous avons alors formulées portaient sur l'appui accordé par le gouvernement fédéral à la recherche universitaire par l'entremise des conseils subventionnaires, l'amélioration de l'aide aux étudiants, et la création de meilleures perspectives de collaboration et d'échanges internationaux.
Nous avons été très encouragés par la teneur du rapport que votre comité a déposé en janvier 1996. Nous avons été tout particulièrement heureux de voir que vous faisiez ressortir le rôle crucial que jouent la recherche fondamentale et la qualité de nos universités dans le secteur des sciences et technologies au Canada.
Nous avons été de plus très encouragés de voir que vous recommandiez sans équivoque qu'aucune réduction supplémentaire ne soit apportée au budget des conseils subventionnaires.
Monsieur le président, nous désirons d'entrée de jeu féliciter votre comité de sa vision et le remercier de son appui durable en faveur d'un secteur de la recherche solide et productif au Canada.
Comme vous l'aviez signalé dans votre conclusion à l'époque, la table ronde de l'année dernière était un symbole des efforts de création de liens que le secteur des universités déploie depuis plusieurs années. Lors de nos discussions aujourd'hui sur l'avenir de la recherche en milieu universitaire, vous constaterez que le secteur des universités et ses associés ont des idées bien arrêtées sur l'aide que le gouvernement fédéral devrait accorder à la recherche en milieu universitaire. Au début de nos travaux nous nous entendions sur les principes généraux et nous en sommes venus à un consensus au sujet des mesures concrètes à prendre.
[Français]
Monsieur le président, au cours des derniers mois, l'AUCC, l'ACPPU et le Consortium national ont joint leurs efforts pour trouver des solutions à des problèmes qui hypothèquent notre performance en recherche et développement.
Nous sommes ici aujourd'hui pour vous faire part du fruit de nos réflexions, qui ont pris la forme d'un ensemble de propositions devant permettre au gouvernement fédéral de jouer son rôle de leader.
En élaborant ces propositions, nous étions très conscients de la réalité fiscale à laquelle nous sommes tous confrontés. Nous n'en espérons pas moins que votre comité reçoive favorablement notre plan d'action.
[Traduction]
J'aimerais vous faire part des points saillants du document que tous les députés ont reçu et qui s'intitule «Pour préserver la capacité innovatrice du Canada: mettre le savoir à contribution».
Les problèmes que nous avons identifiés et les solutions que nous proposons font ressortir le besoin de convaincre la génération actuelle et la prochaine génération de chercheurs du fait que le Canada est un endroit où on peut faire une carrière intéressante dans le domaine de la recherche.
À cette fin, nous proposons que le gouvernement fédéral se fasse au cours des cinq prochaines années le chef de file de diverses initiatives qui auront trois grands objectifs: promouvoir les carrières dans le domaine de la recherche, stopper l'érosion de l'infrastructure de recherche et renforcer les partenariats dans le domaine de la recherche pour améliorer la circulation des connaissances.
Monsieur le président, notre plan d'action vise à utiliser les connaissances pour que le Canada demeure une société innovatrice en améliorant ses activités dans ces trois grands domaines.
Promouvoir les carrières dans le domaine de la recherche. Afin de promouvoir les carrières dans le domaine de la recherche, nous recommandons deux grandes initiatives: tout d'abord, notre proposition concernant la mise sur pied d'un nouveau programme de recherche de pointe vise en premier lieu à aider les universités à développer des capacités de formation et de recherche dans des domaines qui revêtent une importance fondamentale pour le développement économique et social du pays; deuxièmement, elle vise à améliorer la capacité des universités canadiennes d'attirer et conserver les diplômés les plus doués et les professeurs qui promettent le plus; troisièmement, elle vise à offrir aux jeunes professeurs les installations et l'aide en matière de recherche nécessaires pour leur permettre de se tailler une carrière dans le domaine et de devenir concurrentiels aux échelles nationale et internationale; enfin, ce programme vise à contribuer à la restructuration des universités.
La majorité des diplômés choisissent de faire carrière à l'extérieur du monde universitaire. Les employeurs se plaignent du fait que même s'ils sont bien préparés au niveau des connaissances, les jeunes chercheurs ne comprennent pas vraiment les impératifs du monde du travail à l'extérieur du monde universitaire. Souvent il faut une longue période d'adaptation avant que les nouveaux employés deviennent pleinement productifs et innovateurs.
Tout cela est attribuable au fait que pendant leurs études supérieures la majorité des étudiants du niveau du doctorat ou de la maîtrise ont peu d'occasions d'acquérir une expérience dans le domaine de la recherche à l'extérieur du monde universitaire.
Nous proposons également d'offrir aux diplômés des «bourses de transition», ce qui leur donnerait l'occasion d'étudier les débouchés qui s'offrent à eux dans le domaine de la recherche dans divers milieux. Les employeurs, quant à eux, auraient l'occasion d'identifier des chercheurs éventuels. Ces stages permettraient de compléter l'éducation formelle des chercheurs et rendraient la transition entre le milieu universitaire et le milieu du travail plus efficace et plus facile.
Stopper l'érosion de l'infrastructure de recherche. L'érosion de l'infrastructure de recherche est un fait qui est de plus en plus reconnu. Nous croyons fermement que stopper cette érosion nécessite une collaboration intergouvernementale qui s'inspire des rôles complémentaires que chaque palier de gouvernement a joués dans la création d'une capacité de recherche dans les universités canadiennes. Nous proposons à la fois une initiative à court terme et une autre à long terme pour s'attaquer au problème de l'érosion de l'infrastructure.
[Français]
Dans notre proposition Infrastructure pour l'innovation, que tous les membres du Comité devraient avoir reçue, nous recommandons qu'une part d'un second programme Travaux d'infrastructure Canada soit consacrée à la modernisation de l'infrastructure de la recherche universitaire.
En misant sur la modernisation de l'équipement et des installations de recherche des universités canadiennes, notre proposition vise non seulement à créer des emplois à court terme, mais aussi à renforcer les assises de la prospérité et de la croissance soutenues.
[Traduction]
Cette initiative permettrait de diminuer le problème à court terme, mais il nous faut trouver une solution permanente pour assurer la solidité à long terme de l'infrastructure de recherche. Le problème des coûts généraux associés à la recherche parrainée par le gouvernement fédéral a été décrit et analysé à maintes reprises au cours des 15 dernières années. Le gouvernement fédéral a refusé d'accepter l'entière responsabilité de ces coûts.
Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral n'a pas besoin d'assumer la pleine responsabilité des coûts généraux associés au financement des conseils subventionnaires. Nous proposons donc qu'il s'inspire des initiatives provinciales actuelles en offrant une subvention égale à celle offerte par les provinces aux infrastructures de recherche dans le cadre du programme d'aide à l'infrastructure de recherche dans les universités canadiennes.
Notre troisième proposition vise à renforcer les partenariats dans le domaine de la recherche et à améliorer la circulation des connaissances. Une bonne partie des programmes d'innovation mis sur pied au cours des dernières années visaient principalement à créer des partenariats dans le domaine de la recherche entre les divers intervenants du secteur de l'innovation au Canada. Ces efforts doivent être poursuivis et doivent s'inspirer des leçons qu'on a tirées au cours des dernières années. Le réseau de centres d'excellence est un des programmes d'appui à la recherche les plus innovateurs des dix dernières années. Nous recommandons donc le renouvellement du programme des centres d'excellence.
Un des principaux obstacles au transfert réussi de connaissances des universités vers l'industrie a été le manque de ressources financières qui auraient pu permettre d'amener les innovations de l'étape pré-concurrentielle à l'étape de la technologie commercialisée. En raison de cet écart stratégique, le Canada perd un potentiel important à la fois au niveau de l'emploi et de la croissance économique. Nous recommandons donc que le gouvernement encourage le développement et l'épanouissement des transferts technologiques dans les universités canadiennes.
Les universités sont des réservoirs de connaissances et d'expertises qui sont sous-utilisées à plusieurs égards. Une plus grande gamme de ressources universitaires pourraient être utilisées pour appuyer le développement communautaire afin de permettre aux communautés de s'adapter aux réalités d'une société globalisée fondée sur les connaissances. Ces ressources incluent, par exemple, les connaissances, les compétences et l'expertise des professeurs et la curiosité et l'enthousiasme des étudiants qui cherchent à relever des défis.
Nous recommandons donc la création d'un programme visant à favoriser la mise sur pied d'ateliers de recherche communautaires. Ces ateliers de recherche, s'inspirant d'activités d'action directe actuelles, pourraient servir de lien avec les communautés régionales et locales, y compris la communauté et les groupes d'affaires ainsi que les administrations régionales et locales et leurs agences ou organismes. Leur rôle serait d'évaluer les besoins de la communauté en matière d'éducation, de formation, de recherche et d'information et d'essayer d'y répondre.
Bref, ce que nous proposons est une série d'initiatives stratégiques qui visent à protéger l'identité du Canada comme société innovatrice.
[Français]
Nous nous sommes donc réjouis de certaines déclarations du ministre des Finances dans l'exposé qu'il a fait, le 9 octobre dernier, devant votre comité. Nous avons été heureux de voir qu'il mettait de nouveau l'accent sur une approche équilibrée en déclarant que les Canadiens ne veulent pas d'un gouvernement qui soit uniquement capable de bien tenir les comptes. Ils veulent que leur gouvernement préserve une société où la compassion a encore sa place. Le ministre a même ajouté que «le gouvernement a la responsabilité d'aider les Canadiens à s'adapter aux défis de l'économie moderne.»
Monsieur le président, nous partageons cette vision lorsque nous visons à mettre le savoir à contribution pour préserver la capacité innovatrice du pays.
Le ministre des Finances a aussi reconnu que les forces du marché et le secteur des entreprises ne constituent pas la solution miracle à tous nos maux. Il déclarait «qu'il y a des choses que l'entreprise privée et les marchés ne peuvent pas faire et ne feront jamais.» Il a dit que «les entreprises ne peuvent faire suffisamment de recherche fondamentale.» Nous partageons ce point de vue du ministre et invitons le gouvernement à traduire ses paroles en actions concrètes.
Le secteur de la science et de la technologie est un domaine où le leadership du gouvernement fédéral n'est pas contesté. Le ministre des Finances a aussi mis l'accent sur les partenariats, l'innovation et l'effet de levier du financement fédéral. Nos propositions font de la place à tous ces éléments.
[Traduction]
Notre plan d'action est fondé sur le besoin d'accroître l'effort de recherche global au Canada. Une convergence d'opinions semble se dessiner dans ce secteur, comme le démontre un rapport publié récemment par le Conference Board du Canada s'intitulant Performance and Potential: Assessing Canada's Social and Economic Performance. Les auteurs du rapport ont noté qu'il fallait un leadership et un effort accru dans le domaine de la recherche et du développement si on voulait améliorer de façon marquée le rendement du Canada dans le domaine de l'innovation.
À notre avis notre plan est pragmatique, réaliste et réalisable. Il porte sur un nombre limité de questions et ne cherche pas à s'attaquer à toute la gamme de problèmes auxquels est confronté le secteur de la recherche universitaire. Il établit des priorités claires et propose des mesures concrètes visant à maintenir notre capacité d'innover à long terme. Puisqu'il vise particulièrement à mettre les connaissances à contribution, notre plan partage les objectifs du programme d'action fédéral dans le domaine de la recherche et de la technologie.
Lorsque nous avons élaboré notre plan d'action nous savions pertinemment quelles étaient les restrictions financières auxquelles étaient confrontés tous les gouvernements. Il serait souhaitable que le Canada multiplie ses efforts dans le domaine de la recherche et du développement afin de combler l'écart qui existe entre notre effort national et celui de nos principaux partenaires commerciaux. Il nous faut donc retourner à nos tendances à long terme d'investissement dans le domaine de la recherche, pour que 2 p. 100 du PIB soit consacré à la recherche. Nous reconnaissons qu'à court terme cela ne sera peut-être pas réalisable en raison des efforts actuels du gouvernement au titre de la réduction du déficit. Cependant, de modestes efforts visant à remédier à la situation sont nécessaires à court terme si l'on veut freiner l'érosion de notre capacité d'innover.
Puisqu'il est réaliste notre plan est également réalisable. Il dépend dans une large mesure de partenariats. En fait, il prévoit l'utilisation de l'effet de levier du financement fédéral pour obtenir un financement d'autres partenaires.
Je vous remercie de votre attention, monsieur le président. Nous avons hâte de participer à l'échange qui suivra.
Le président: Merci, monsieur Giroux.
Avez-vous évalué combien ce programme coûterait chaque année?
M. Giroux: Monsieur le président, nos efforts portent principalement sur le programme d'infrastructure, la phase II de ce programme, et, évidemment, cela dépend du pourcentage accordé et également de l'apport du gouvernement fédéral. Si nous supposons que le gouvernement fédéral donnera les mêmes montants que la dernière fois, soit environ 2 milliards de dollars, nous pourrions vous donner un montant annuel. Mais abstraction faite de l'infrastructure, qui bénéficierait d'un apport fédéral de 400 millions de dollars pour trois ans, les montants pourraient varier entre 55 millions de dollars et un maximum, pendant la cinquième année, de 160 ou 170 millions de dollars. Il s'agit donc d'un programme pour lequel le financement est limité au début, mais ce financement augmente progressivement pendant les cinq années. Nous avons établi des coûts et nous pourrons vous fournir ces chiffres si vous le désirez.
Le président: Il faut que nous ayons ces chiffres. Merci beaucoup.
Monsieur Levigne.
M. Brad Levigne (président national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): Merci.
J'aimerais d'abord remercier les députés membres du Comité des finances de la Chambre des communes de nous avoir invités aujourd'hui.
Je suis le président national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Je représente aujourd'hui M. Steve Wilson, président national du caucus des étudiants diplômés. En raison d'activités universitaires à Vancouver, il ne peut être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais d'entrée de jeu dire que la fédération et son caucus des étudiants diplômés représentent quelque 50 000 étudiants diplômés au Canada et appuient les propositions qu'on retrouve dans le document «Mettre le savoir à contribution». Il y a toutes sortes de bonnes raisons d'appuyer le projet qui améliorera l'infrastructure de recherche du Canada; j'aimerais cependant n'aborder qu'une d'entre elles aujourd'hui, soit le besoin d'encourager les jeunes chercheurs de talent à rester au Canada en créant un milieu stimulant où ils auront accès à des installations adéquates.
Comme nombre d'autres étudiants diplômés, j'ai vu des amis quitter le Canada parce que ce pays ne pouvait pas répondre de façon adéquate à leurs besoins en matière de recherche. J'ai longuement discuté avec eux, parfois avec véhémence, pour les encourager à rester au Canada. Mais je n'ai pas eu gain de cause; je ne pouvais pas nier les faits, soit que dans nombre de domaines le Canada n'a pas suffisamment investi pour produire le type d'installations et de programmes de recherche de qualité qui auraient encouragé ces étudiants à rester au Canada. Les propositions formulées dans le document ne suffisent peut-être pas en soi pour renverser la tendance, mais ils permettront dans une large mesure de ralentir le développement de cette situation, surtout grâce au programme d'infrastructure pour l'innovation.
Un des points forts de ce document, c'est qu'il insiste beaucoup sur la création de liens avec la communauté. Des propositions comme celle de la création de bourses de transition encourageraient les étudiants à explorer ce qui se trouve à l'extérieur du monde universitaire. Il est toujours sain d'élargir ses perspectives, et les étudiants diplômés pourraient apprendre beaucoup en acquérant une expérience de recherche dans le secteur privé, le secteur public ou le secteur à but non lucratif. La majorité d'entre nous sont conscients des besoins des entreprises en matière de développement et de recherche, tout particulièrement dans le secteur de la technologie de pointe; d'autres organismes dépendent également largement de la recherche pour s'acquitter de leurs mandats. Les syndicats, le gouvernement, les ministères, les conseils scolaires, les sociétés de marketing, les groupes environnementaux, etc., ont tous besoin de l'expertise des étudiants diplômés canadiens.
Nous croyons également que l'idée de la création d'ateliers de recherche communautaires est absolument magnifique. Il faut combler l'écart qui existe entre les établissements d'enseignement et les groupes communautaires au Canada pour démontrer que les connaissances et l'expertise qu'on retrouve dans les collèges et universités peuvent être à l'avantage non seulement de ceux qui fréquentent ces établissements, mais également du reste de la communauté. Je ne veux pas dire, évidemment, qu'il ne faut pas accorder de l'importance aux connaissances en soi, mais ces connaissances peuvent aussi être utiles. La proposition à cet égard dans le document a le mérite de le reconnaître.
De plus, les problèmes concrets demandent souvent aux chercheurs de faire preuve d'ingéniosité, ce qui évidemment accroît la compétence des étudiants. Nos membres seraient très fiers de participer à de tels efforts.
Je m'en tiendrai à ces commentaires. Encore une fois je tiens à remercier le Comité des finances de nous avoir invités aujourd'hui. Je suis maintenant disposé à répondre aux questions.
Le président: Merci, monsieur Levigne.
Monsieur Lauzière.
[Français]
M. Marcel Lauzière (Fédération canadienne des sciences humaines et sociales): Je suis heureux de participer à cette table ronde pour parler de l'avenir de la recherche universitaire du point de vue des sciences humaines et sociales.
[Traduction]
La Fédération canadienne des sciences humaines et sociales représente 24 associations et disciplines, de la philosophie et de l'histoire à la psychologie, aux sciences politiques et à l'économie politique. De plus, 69 universités font partie de la fédération. Le document que l'on vous a remis, intitulé «Pour préserver la capacité innovatrice du Canada: mettre le savoir à contribution», a été préparé par l'AUCC, l'ACPPU et le Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques. Ce document propose un certain nombre d'initiatives concrètes et prometteuses que le comité devrait étudier de près.
La fédération est d'avis qu'il s'agit là d'investissements sages et qui méritent votre plus grande attention. Il importe également de noter que les sciences sociales et les sciences humaines ont un rôle important à jouer dans ces initiatives.
[Français]
Je tiens à vous signaler plus particulièrement certains éléments qui nous apparaissent d'une très grande pertinence. D'abord, en ce qui concerne l'infrastructure, il faut trouver les moyens d'assurer la santé des bibliothèques universitaires, qui sont un élément essentiel dans le monde de la recherche en sciences humaines. Nous parlons aussi des collections traditionnelles, c'est-à-dire les livres et les revues savantes, mais aussi de l'accès aux grandes bases de données qui sont essentielles pour la recherche sociale et la recherche sur les politiques.
[Traduction]
Aujourd'hui - en fait c'était il y a quelques minutes - M. Jon Gerrard a donné une conférence de presse en collaboration avec l'Université Carleton, Statistique Canada et la fédération pour annoncer l'initiative de communication de données dans le contexte de la Semaine nationale des sciences et de la technologie. Il s'agit d'une initiative importante, qui reçoit le plein appui de la fédération. Elle permettra en fait aux chercheurs universitaires de toutes les régions du pays d'avoir plein accès aux micro-données de Statistique Canada.
Cela représente un moment très important pour la recherche sociale et la recherche en matière de politiques au Canada. Grâce à cette initiative, le gouvernement fédéral a démontré clairement qu'il est conscient de l'importance du libre accès pour des fins de recherche aux données détenues par le gouvernement. Nous espérons maintenant qu'on fera encore plus dans le secteur, et en fait je crois que c'est ce qu'on propose dans le document.
Le chapitre sur les réseaux de centres d'excellence devrait également être étudié de très près par votre comité. Je voudrais faire ressortir le besoin d'assurer une pleine participation, une plus grande participation, des spécialistes du secteur des sciences humaines et des sciences sociales. En fait, compte tenu des propositions formulées dans le document, il faudra mettre à contribution les spécialistes du secteur des sciences sociales et des sciences humaines.
Enfin, j'aimerais vous demander d'accorder une attention toute particulière à l'initiative concernant les ateliers de recherche communautaires. La fédération est convaincue que nous devons trouver des moyens d'améliorer les échanges de connaissances entre les universités et les communautés, tout particulièrement dans les domaines des sciences sociales et des sciences humaines.
C'est pourquoi la fédération a étudié de très près, cette année, l'initiative hollandaise dont on parle dans ce document. Nous avons visité ces centres et avons pris bonne note de leur fonctionnement, car nous voulons apprendre de l'expérience hollandaise. Ces visites nous ont convaincus de l'importance de la création de centres analogues au Canada.
Les ateliers de recherche communautaires, ou les centres communautaires de recherche et d'information, comme la fédération les appelle, représentent une façon stratégique et innovatrice de stimuler le partage des connaissances entre les universités et les communautés. Ces centres permettraient de créer une synergie entre les universités et les communautés comme on n'en a jamais vu auparavant au Canada. C'est pourquoi la fédération exhorte le comité à étudier cette recommandation de très près. J'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter en plus amples détails plus tard.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Lauzière.
Monsieur Gauthier.
M. Clément Gauthier (directeur administratif, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Je m'appelle Clément Gauthier. Je suis directeur administratif de la CRBS. La Coalition pour la recherche biomédicale et en santé regroupe des facultés de médecine canadiennes, des chercheurs cliniciens, des chercheurs biomédicaux, des chercheurs en santé et la Fondation pour la recherche en sciences de la santé de l'Association canadienne de l'industrie du médicament.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Tout le monde sait que le Canada n'a pas beaucoup d'argent supplémentaire à dépenser et que les ressources dont nous disposons doivent être utilisées sagement pour donner un rendement optimal.
La recherche fondamentale biomédicale, clinique et en santé assure des rendements certains. Nous disons dans notre mémoire que ce secteur peut créer environ 32 000 emplois à un coût d'environ 5 500 $ par personne par année, des emplois de valeur supérieure à peu de frais.
La formation des scientifiques de demain peut représenter une source importante d'investissements au Canada. Il suffit de penser à la création de nouvelles compagnies comme BioChem Pharma au Québec, TerraGen en Colombie-Britannique et Vascular Therapeutics en Ontario. Il serait également peut-être possible de contrôler les coûts du secteur de la santé et de sauvegarder le système de santé au Canada tout en créant de nouveaux traitements et de nouvelles thérapies afin d'assurer une meilleure qualité de vie.
Nous donnons dans ce mémoire des détails sur la façon dont on peut tirer pleinement profit de ces investissements; nous vous expliquons également ce qu'il nous en coûtera si nous n'investissons pas dans la recherche fondamentale.
À la page 8 vous verrez un graphique qui indique que les budgets pour la recherche en santé au Canada sont en chute libre à une période où les autres membres du G-7 investissent des montants considérables dans ce secteur plein de promesses.
Nous discutons brièvement dans le mémoire d'une façon innovatrice de promouvoir la croissance économique et la création d'emplois tout en restaurant la position concurrentielle du Canada sur le marché international.
Je tiens encore une fois à vous remercier de nous avoir offert l'occasion de témoigner devant votre comité. Je vous exhorte à étudier de très près les recommandations formulées dans notre mémoire.
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
Madame Ramji.
Mme Rubina Ramji (coprésidente, Conseil canadien des étudiants diplômés): Je tiens à vous remercier de m'offrir l'occasion de m'adresser à votre comité. Le Conseil canadien des étudiants diplômés représente plus de 20 000 étudiants diplômés de toutes les régions du pays. Une des grandes priorités de notre conseil, c'est le maintien du progrès socio-économique grâce à la recherche et au développement, car nombre de nos membres participent déjà à des activités de recherche et de développement dans les universités au Canada.
Nous sommes la nouvelle génération de chercheurs auxquels le Canada fera appel pour améliorer la société grâce à des politiques innovatrices, de nouveaux produits, processus et services. Nous pouvons également être ceux qui appliqueront les connaissances acquises. Les étudiants en sciences sociales et en sciences humaines ont les connaissances nécessaires pour faire des recherches scientifiques fondamentales et pour interpréter les innovations qui auront un impact sur les besoins économiques et sociaux de la société.
La meilleure planification est la planification pour l'avenir. L'éducation permanente commence par la connaissance. La meilleure façon d'établir une base solide pour les conseils subventionnaires, c'est d'assurer que les Canadiens reçoivent la meilleure éducation possible.
Les Canadiens savent déjà depuis des décennies qu'une augmentation de la taille de la classe moyenne est possible grâce à la connaissance, et tout cela est lié au bien-être. L'alphabétisation augmente le bien-être général de la société. C'est un élément fondamental de la prospérité du pays. Tous les pays reconnaissent que le meilleur programme d'expansion économique est la promotion de la croissance de la classe moyenne grâce à des possibilités d'accès à l'éducation universitaire.
Le gouvernement fédéral a déclaré dans le Livre rouge que pour établir des systèmes d'innovation il faut absolument collaborer avec le secteur privé afin d'identifier les débouchés stratégiques pour l'avenir et réaffecter les ressources disponibles pour pleinement exploiter ces débouchés.
La recherche et le développement, l'éducation et la formation, il s'agit là de secteurs où le gouvernement fédéral peut et doit concentrer ses efforts pour créer des perspectives économiques stratégiques et promouvoir la croissance économique.
Le gouvernement fédéral doit s'assurer qu'il existe une politique de financement public de l'éducation postsecondaire afin que tous les citoyens canadiens puissent avoir accès aux établissements d'enseignement. Pour survivre dans une économie internationale, il ne faut certainement pas s'appauvrir. Le Canada doit tout au moins investir autant que les autres pays.
Nous sommes d'avis que les allégements fiscaux d'impôt peuvent aider le secteur privé à appuyer de tels efforts. Nous savons que les crédits d'impôt pour dons à des partis politiques fédéraux varient entre 35 et 75 p. 100, alors que ce taux n'est que de 17 p. 100 pour les organismes de bienfaisance.
Les universités ne font pas partie de cette catégorie. Le gouvernement fédéral a reconnu le rôle du secteur privé dans le financement des universités. Pourquoi ne pas donner au reste du pays l'encouragement nécessaire pour qu'il appuie les établissements qui peuvent avoir un impact direct sur la croissance économique et l'accès universel à l'alphabétisation?
Nous espérons que le gouvernement libéral continuera d'appuyer la recherche fondamentale et qu'il assurera le financement stable des conseils subventionnaires nationaux et des étudiants. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Ramji.
Monsieur Henri Rothschild.
M. Henri Rothschild (président, Conseil canadien de la gestion de la recherche): Merci, monsieur le président. J'ai un très bref commentaire à faire au nom du Conseil canadien de la gestion de la recherche.
[Français]
Je voudrais tout d'abord rappeler aux membres de votre comité qui nous représentons. Nos membres sont responsables de la gestion de plus de la moitié de la recherche entreprise au Canada. En plus, et ceci fait partie du caractère plutôt unique de notre association, nous représentons des gestionnaires de la recherche qui oeuvrent dans tous les secteurs de l'innovation dans le pays, c'est-à-dire les secteurs universitaire et industriel et, bien entendu, les laboratoires gouvernementaux.
[Traduction]
Notre groupe a été mis sur pied pour favoriser des initiatives qui assurent que ceux dont la tâche est de gérer la recherche au Canada ont les outils nécessaires pour le faire.
Bref, nous voulons être les meilleurs innovateurs à l'échelle internationale, et nous voulons avoir les outils et les mécanismes nécessaires pour y parvenir. L'outil le plus utile est le capital humain, et c'est pourquoi nous sommes heureux d'être ici avec l'AUCC et ceux dont la tâche est de produire ce capital humain.
Nous appuyons les universités et collèges canadiens dans leurs efforts visant à assurer qu'ils sont concurrentiels et en mesure de faire leur travail. Nous les félicitons des efforts qu'ils, ainsi que les conseils, ont déployés, tout particulièrement pour créer des liens par l'entremise de programmes universitaires, et notamment les réseaux de centres d'excellence. Il s'agit de programmes innovateurs qui devraient être maintenus, sinon améliorés.
Le CCGR est conscient des problèmes auxquels sont confrontés tous les gouvernements qui doivent s'attaquer aux problèmes du déficit et de la dette. Cependant, trop souvent, l'appui stratégique pour la recherche, qu'il fasse partie des budgets des conseils subventionnaires ou qu'il s'agisse là d'un sous-élément des services votés d'un ministère, est touché par les réductions générales apportées dans les budgets des ministères. Nous avons déjà mentionné le problème par le passé, et nous avons été encouragés par les commentaires faits par votre comité à cet égard.
Les membres du CCGR sont conscients du rôle positif que vous et votre comité avez joué, car vous avez su attirer l'attention sur l'importance de la technologie, de l'innovation, de la recherche et des sciences. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ce rôle. La science ne peut pas avoir trop de défenseurs au Canada, et il est très important que cet appui soit manifesté dans le cadre de discussions sur les finances publiques du Canada. En d'autres termes, il s'agit là d'un élément fondamental de la création de richesses, et non pas un fardeau supplémentaire pour le Trésor.
Les rapports du Comité permanent des finances sur cette question constituent une bouffée d'air frais et une source réelle d'encouragement pour nous. Nous vous en remercions. Nous apprécions votre leadership. Merci.
Le président: Merci beaucoup de ces aimables paroles, monsieur Rothschild.
[Français]
C'est maintenant la période des questions. À vous, monsieur Bélisle.
M. Bélisle (La Prairie): J'aurais deux questions à adresser à M. Giroux. Vous avez parlé d'une participation possible des universités au Programme national des infrastructures, évidemment avec l'aide du gouvernement fédéral, dans l'éventualité d'une deuxième phase. Vous savez que dans la phase I, un tiers du financement provenait du fédéral, un tiers des provinces et un tiers des municipalités. Prévoyez-vous que dans cette éventuelle phase II, le financement se partagerait de la même façon et donc qu'un tiers proviendrait des universités elles-mêmes?
M. Giroux: Monsieur le président, je dirais tout d'abord que oui, nous avons envisagé que, si une deuxième phase du Programme national des infrastructures était mise sur pied par le fédéral, le financement se partagerait entre le fédéral, le provincial et les universités. Celles-ci pourraient contribuer directement elles-mêmes, mais aussi obtenir le soutien des municipalités, qui ont tout à gagner à soutenir un tel programme, surtout celles où sont localisées les universités. Nous n'avons pas non plus exclu la possibilité d'obtenir des contributions, par exemple du secteur corporatif, lequel verrait d'un bon oeil l'idée de contribuer à un tel programme.
Nous en avons même fait un des critères importants pour juger de la valeur d'un projet, qu'il s'agisse d'une contribution provenant du secteur corporatif, d'une fondation, d'une société privée, ou encore d'une cueillette de fonds ou de quoi que ce soit d'autre. Donc, nous envisageons de conserver une certaine souplesse dans le mode de financement du troisième tiers, mais nous nous attendons à ce que les deux autres tiers soient financés de la même façon que dans la première phase.
M. Bélisle: J'ai une deuxième question, monsieur le président.
Quand on parle d'infrastructures universitaires, j'imagine qu'on pense à la modernisation de l'équipement, des bâtiments et des laboratoires. Toucherait-on également à ce qu'on appelle plus précisément l'infrastructure intellectuelle? Je sais que des documents le mentionnent. Pourriez-vous nous préciser ce qu'on entend par infrastructure intellectuelle et nous dire l'étendue de cette notion? Est-ce qu'on désigne le personnel de recherche, la formation des chercheurs, ou quoi encore?
M. Giroux: Si on discute toujours de la deuxième phase du Programme national des infrastructures, nous estimons que ce programme serait très utile aussi pour permettre aux universités de se préparer à accueillir la haute technologie, c'est-à-dire se procurer l'équipement nécessaire qui donne accès à des banques de données partout dans le monde entier et aux modes de communication dispensés par la haute technologie.
Nous avons aussi pensé à l'importance des bibliothèques. Dans beaucoup de cas, il s'agirait de leur faire atteindre le XXe siècle, pour permettre la transmission de l'information et du savoir. Ce programme ne prévoit pas le financement des chercheurs, ce qui serait une chose totalement différente.
Maintenant, si vous examinez nos autres projets contenus dans le programme que nous avons mis de l'avant aujourd'hui, qui sont axés par exemple sur le chercheur lui-même, sur les partenariats, etc., vous verrez qu'il y est beaucoup question de l'infrastructure intellectuelle. On y parle beaucoup des chercheurs eux-mêmes et des outils qui leur sont nécessaires pour accomplir leur travail.
M. Bélisle: Merci, monsieur Giroux.
Le président: Merci, monsieur Bélisle.
[Traduction]
Monsieur Grubel, je vous en prie.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous voir ici une fois encore et d'écouter vos excellents exposés. J'aime également votre mémoire. Je pense qu'on y trouve des idées très innovatrices.
J'aimerais attirer votre attention sur le nouveau document que le Parti réformiste vient tout juste de préparer: «Fresh Start». On y trouve nos prévisions budgétaires pour les quatre prochaines années, lorsque nous serons le gouvernement. Vous serez sans doute heureux d'apprendre qu'on y prévoit une augmentation de quatre milliards de dollars au titre des dépenses des provinces en matière de soins de santé et d'enseignement supérieur. Dans les détails, qui n'ont pas encore été publiés, je peux vous dire qu'on prévoit d'augmenter les sommes consacrées à la recherche et au développement. Je pense que vous serez heureux de constater que nous vous avons écoutés et que nous avons pris vos recommandations très au sérieux. Nous pensons que des économies de taille peuvent être réalisées dans d'autres programmes et qu'en fait, si nous maintenons à un niveau constant nos dépenses, la croissance économique de l'avenir nous permettra de faire face à ces dépenses accrues sans vraiment toucher à d'autres programmes.
J'aimerais maintenant vous poser une question au sujet de la volonté du secteur privé d'offrir un appui à vos établissements et à vos activités depuis que les gouvernements, fédéral et provinciaux ont effectué des compressions budgétaires. Je m'intéresse tout particulièrement à ce qu'a dit Mme Ramji, à savoir que les dons seraient plus importants encore si les déductions fiscales étaient plus généreuses. Avez-vous des propositions à faire au gouvernement fédéral à ce sujet? Avez-vous réfléchi à cet aspect d'une façon plus approfondie que ne le révèle votre exposé?
M. Giroux: Je peux tenter de répondre en partie. Ensuite, je céderai la parole à Rubina.
Il est assez intéressant de noter que l'entreprise, le secteur privé, finance presque 18 p. 100 des deux milliards de dollars de l'effort de recherche des universités. C'est-à-dire que de tout l'argent dépensé dans les universités, 18 p. 100 proviennent du secteur privé. Il y a dix ans, c'était 8 p. 100.
Nous attribuons cette amélioration considérable aux incitatifs fiscaux. Ils se sont avérés extrêmement utiles. Mais nous l'attribuons également au fait qu'au cours des cinq ou dix dernières années nos conseils subventionnaires ont réservé des fonds à des programmes de partenariat dans le domaine de la recherche. Les données statistiques révèlent que pour chaque dollar que le CRSNG, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, investit, il touche 1,60 $ supplémentaire, soit 168 p. 100 par dollar, de ses partenaires dans l'exercice. Par conséquent, dans notre mémoire, nous avons souligné la nécessité de mettre l'accent sur ces partenariats, par exemple les programmes de centres d'excellence, parce qu'ainsi on utilise au maximum les sommes reçues du secteur privé, et le gouvernement fédéral obtient le maximum de ses subventions.
Mme Ramji: Comme je l'ai mentionné au cours de mon exposé, les allégements fiscaux constituent un stimulant pour l'entreprise privée. En accordant par exemple aux universités le statut d'organisme de bienfaisance on offrirait un allégement fiscal aux entreprises qui leur donnent de l'argent. Il y a également la proposition à l'étude qui vise les ateliers communautaires de recherche et les subventions de transition, mesures qui touchent toutes deux l'entreprise privée. Les entreprises obtiendront beaucoup de recherche et de développement des universités, ainsi que les étudiants qui en sortent. Si elles sont disposées à y investir de l'argent, elles en retireront beaucoup.
M. Grubel: N'a-t-on pas songé par exemple à donner aux universités le même genre de dégrèvements fiscaux qu'aux partis politiques pour les contributions reçues? Vous n'en êtes pas arrivés à faire ce genre de proposition concrète pour négocier avec ce comité ou le ministre des Finances.
Mme Ramji: J'ai inclus cette idée dans ma proposition. Je ne l'ai pas par écrit, mais nous allons présenter un mémoire au Conseil canadien des étudiants diplômés dans quelques jours.
M. Grubel: Je me dois de dire que je suis retourné à mon ancienne université, l'Université Simon Fraser - l'université d'où vient M. McWhinney - et j'ai constaté que de plus en plus d'immeubles portent le nom de donateurs. En fait, le campus de l'Université Simon Fraser situé au centre-ville est en pleine expansion, grâce essentiellement à des dons privés. C'est très encourageant, à mon avis, et j'espère que vous allez continuer à courtiser le secteur privé, même si un gouvernement réformiste diminuait l'argent consacré à vos causes parce que vous touchez manifestement des avantages d'ailleurs.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
Monsieur Adams.
M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.
J'estime pour ma part que le gouvernement doit jouer un rôle actif au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche et un rôle passif par des ajustements au régime fiscal.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier, vous et tous les membres de votre comité, de tenir ces séances au cours de la Semaine nationale des sciences et de la technologie. Je sais que nos délégués l'apprécient vraiment; je l'apprécie certainement.
Les exposés m'ont beaucoup plu. J'aimerais que nous discutions un peu des ateliers communautaires de recherche dans le contexte de l'infrastructure. Je pense que c'est M. Levigne qui a déclaré qu'il s'agit de mettre le savoir à contribution, etc. Or, un aspect de cette idée a souvent fait l'objet de discussions.
Il arrive que des questions soient posées à la Chambre des communes sur la nature des projets de recherche proposés par les universités. Je pense que nous savons tous que la recherche fondamentale, la recherche poussée par la curiosité, est essentielle à tout l'effort de recherche. Par ailleurs, nous acceptons tous aussi que ce savoir doit être mis à contribution, et que c'est la société, bien sûr, qui le fait.
Il se trouve, monsieur le président, que certains parmi nous ont eu l'occasion de se rendre à l'Université Queen's - et justement je vois ici M. Dick Bowman, de Queen's. D'après ce qu'on m'a dit, mesdames et messieurs, l'Université Queen's a créé un organisme chargé de commercialiser les fruits de la recherche médicale de façon à garder au Canada la valeur des résultats de cette recherche. On me dit également qu'il est parfois très coûteux - et c'est pourquoi j'ai utilisé l'exemple de la recherche médicale - de vérifier ces hypothèses.
Est-ce que quelqu'un souhaite parler des ateliers communautaires de recherche - nous donner plus de détails - surtout en ce qui concerne la commercialisation des résultats de la recherche?
M. Lauzière: Je peux peut-être répondre à la première partie de cette question et je laisserai à quelqu'un d'autre le soin de répondre à la seconde.
L'idée des ateliers de recherche ou des centres d'information et de recherche découle de la nécessité de mettre au point des mécanismes qui favorisent le transfert du savoir, surtout dans le domaine des sciences humaines et des sciences sociales, où ce genre de transfert n'est probablement pas aussi avancé que dans d'autres domaines. Il s'agit de reprendre une initiative qui existe aux Pays-Bas, où il y a, je pense, 50 de ces centres dans les universités hollandaises.
Nous sommes allés visiter ces centres au printemps pour voir comment cela fonctionne. En fait, il est passionnant de voir la relation qui existe entre les universités et les collectivités avoisinantes. Nous considérons qu'il est merveilleux que les collectivités aient accès aux recherches, ce qu'elles ne peuvent pas faire normalement, faute d'argent, faute de pouvoir embaucher des consultants ou faute de pouvoir obtenir des subventions de recherche importantes. Cela permet aux professeurs de créer des liens avec elles, et c'est également un moyen très important de faire participer les étudiants au travail des associations, des ONG, des Conseils scolaires, des syndicats, etc.
Les étudiants que nous avons interviewés pendant notre séjour là-bas ont déclaré sans ambages qu'ils considèrent que c'est là un aspect très important de leur formation. Ils estiment que lorsqu'ils retourneront sur le marché du travail, ou quand ils s'y joindront, ils auront une meilleure compréhension de la façon dont les choses fonctionnent. Ils auront acquis une meilleure compréhension de la façon d'utiliser leur recherche pour les collectivités.
La fédération appuie sans réserve la proposition qui figure dans le rapport de l'AUCC. Nous sommes tout à fait favorables à la création d'un réseau regroupant ces centres. Au Canada, on a entrepris un certain nombre d'initiatives, mais elles ne sont pas suffisamment structurées. Il n'existe pas de réseau. Je pense qu'il est vraiment nécessaire d'agir dans ce domaine.
Le président: Monsieur Giroux.
M. Giroux: Monsieur le président, je pense que M. May et M. Hough voudraient intervenir sur le même point, mais c'est à vous qu'il revient de leur donner la parole.
Le président: Absolument. Le président et les membres du comité vous écoutent, et ils sont heureux de le faire. Je vous remercie.
M. Giroux: Je pense que M. May et M. Hough aimeraient intervenir sur la même question, surtout en ce qui concerne le volet commercialisation.
M. Art W. May (président et vice-chancelier, Université Memorial): Monsieur le président, de nos jours, toute université ayant un service de recherche, quelle qu'en soit l'importance, dispose presque certainement d'un bureau de transfert des technologies.
Mon microphone est-il ouvert?
Le président: C'est un problème de haute technologie.
M. May: Nous verrons ce que nous pouvons faire pour vous.
Le président: Votre offre est acceptée. Combien d'universitaires faut-il pour remplacer une ampoule?
M. May: Nous n'aborderons pas cette question.
M. Adams: Il faut deux fois moins d'universitaires que de politiciens.
Des voix: Oh, oh!
M. May: Pour revenir à la question qui nous intéresse, toute université faisant de la recherche scientifique et technique, ou ayant une faculté de sciences et de génie, est presque certainement dotée d'un bureau de transfert de technologies ou d'un service semblable.
Ces services ont évolué au fil du temps. Leur tâche consiste à faire sortir les découvertes des laboratoires pour les mettre sur le marché. On ne s'attendrait pas à ce que l'université dispose du savoir-faire nécessaire pour commercialiser les découvertes, trouver le capital de risque, etc., mais c'est un endroit où nous disposons d'une capacité qui peut être exploitée assez rapidement et facilement. Ainsi donc, nous créons ce genre de bureau qui s'occupe des questions relatives à la propriété intellectuelle - homologation, brevetage - et, dans certains cas, de la création d'une petite entreprise avec la participation de particuliers ou de l'université même.
Dans notre cas, nous avons créé ce bureau non pas comme une sous-unité d'un département de l'université, mais comme une compagnie en bonne et due forme, c'est-à-dire une entité sans but lucratif qui s'autofinance.
Je devrais peut-être donner la parole à quelqu'un d'autre.
M. Paul Hough (président, Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques): Monsieur le président, j'aimerais élargir le débat aux réseaux établis dans le cadre du programme des centres d'excellence, qui est probablement le principal programme de recherche universitaire s'occupant actuellement du transfert de technologies vers d'autres secteurs.
Jusqu'ici, près de 600 organisations sont partenaires dans les centres qui existent déjà. Y participent 48 universités dans neuf provinces du Canada. Je pense qu'elles constituent un exemple remarquable de ce que disait votre collègue, à savoir qu'il ne faut pas se contenter de concevoir la technologie, mais qu'il faut pouvoir l'utiliser là où l'on en a besoin.
Cela rejoint vraiment les propos de M. Grubel sur la façon de faire participer le secteur privé. Je dirais que l'excellence attire le secteur privé. Ce secteur va contribuer à la recherche fondamentale et à la recherche préventive dans des domaines très importants ou dans n'importe quel domaine où l'industrie exerce ses activités. Assurément, les réseaux de centres d'excellence reçoivent une aide financière et matérielle considérable de la part du secteur privé.
Je pense que cela a eu sur l'ensemble des chercheurs des retombées qui sont assez difficiles à chiffrer. Cela a changé la perspective d'un certain nombre de chercheurs dans tous les domaines. Non seulement le partenariat est une démarche nécessaire, mais il peut fonctionner et élargir assez considérablement les horizons.
Je pense donc que cela comporte un certain nombre d'avantages, et c'est essentiellement pour ces raisons que nous vous exhortons fortement à financier entièrement la phase III du programme national des centres d'excellence.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Hough.
[Français]
Monsieur Gauthier.
[Traduction]
M. Gauthier: En ce qui concerne la commercialisation de la recherche universitaire, au cours des trois dernières années, dans notre secteur - c'est-à-dire le secteur des recherches biomédicales et cliniques dans le domaine de la santé - le Conseil de recherches médicales du Canada a créé un véhicule très efficace et puissant pour trouver du capital de risque et transférer des technologies sur le marché. Nous avons illustré ce phénomène sur un tableau qui figure à l'annexe 4 de notre document; ce tableau montre le cercle vertueux de la croissance et des débouchés découlant des divers véhicules utilisés.
L'année dernière, vous avez entendu ici même le directeur général du Fonds de découvertes médicales canadiennes, le Dr Cal Stiller, qui vous a dit comment son organisme cherchait du capital de risque. Je dois vous dire que cette année il a reçu jusqu'à 190 millions de dollars d'investissement.
Ici, vous voyez à quel moment le fonds intervient, juste après les réseaux de centres d'excellence, dans le cycle visant à pousser la recherche vers des compagnies en croissance, et, par la suite, par exemple, de compagnies ouvertes vers des compagnies mieux établies.
Dans ce cercle, vous avez aussi le programme de recherche sur la santé du CRM-ACIM, un partenariat entre le Conseil de recherches médicales et l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Cela a amené l'industrie à investir 200 millions de dollars pour appuyer la recherche dans les universités pendant cinq ans.
Ainsi donc, ces mécanismes ont été mis en place par le conseil pour faciliter le transfert et accroître la commercialisation de la recherche universitaire, et l'initiative a été couronnée de succès.
Le seul problème réside dans la réduction des subventions gouvernementales à la recherche fondamentale, car la réussite du cercle vertueux dépend essentiellement de ces subventions. Celles-ci diminuent depuis 1995, et c'est un problème grave.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
[Traduction]
Monsieur Rothschild.
M. Rothschild: Je voudrais ajouter à ce que M. May a dit tout à l'heure. L'importance que l'on accorde actuellement à la commercialisation de la recherche universitaire financée par le gouvernement s'est accrue au cours des dernières années, et la tendance va probablement se maintenir au cours des prochaines années.
Dans une certaine mesure, les activités des universités canadiennes sont masquées par celles des laboratoires gouvernementaux. Autrement dit, nous assistons au lancement d'activités visant à exploiter l'excellent potentiel commercial de ce genre de recherches.
Je vais citer deux exemples: le Centre de recherche sur les communications et un certain nombre de bureaux au sein du Conseil national de recherches.
De plus en plus, nous nous rendons compte que nous pourrions rentabiliser davantage nos investissements si nous adoptions une démarche plus systématique; qui plus est, compte tenu de tous les efforts déployés dans le cadre de la recherche financée par le secteur public, il existe probablement beaucoup plus de débouchés que nous n'en avons exploité jusqu'ici.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Rothschild, et merci beaucoup, monsieur Adams.
Monsieur Telegdi.
M. Telegdi (Waterloo): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux que la délégation soit encore ici. En écoutant M. Grubel, je craignais qu'ils ne s'en aillent tous après votre intervention.
Le président: Vous voulez dire qu'ils ont également besoin d'un nouveau débat?
M. Telegdi: Je suis heureux que tous soient là.
Je vais vous communiquer quelques informations avant de poser une série de questions. Premièrement, il existe une différence fondamentale entre les contributions politiques et les contributions charitables ou les contributions aux institutions. La différence fondamentale réside dans le fait que l'on obtient un gros allégement fiscal de 75 p. 100 sur les 100 premiers dollars que l'on donne à un parti politique, pour la simple raison que l'on veut obtenir la contribution du plus grand nombre de personnes possible; par contre, plus l'on donne aux organismes de charité, plus l'allégement fiscal est important, et, contrairement aux dons d'ordre politique, il n'y a pas de seuil.
Je le signale parce que c'est quelque chose que j'ai examiné de près. En tout cas, c'est l'explication qui en est ressortie, et je partage en gros l'idée selon laquelle il faut essayer d'élargir l'assiette des contributions.
Je représente la circonscription fédérale de Waterloo. Pour faire suite à ce que vous disiez, quand j'étais moi-même aux études, j'étais président de la fédération des étudiants de mon université et aussi président de la Fédération des étudiants de l'Ontario - quel que soit le nom exact.
Depuis mon séjour à l'université, j'essaie de voir comment on pourrait faire disparaître cette image d'élitisme que projettent les milieux de la recherche. Pour moi, c'est très clair. La recherche non seulement crée des emplois à court terme, ou des emplois susceptibles d'intéresser les médias, mais elle jette aussi le fondement d'emplois à long terme.
À mon avis, la communauté universitaire n'a pas très bien réussi, pas plus que le gouvernement d'ailleurs, à montrer au public à quel point la recherche est importante et combien d'emplois d'usine ou à faible technologie elle permettra de créer. Dès qu'il est question de «recherche», l'image qui surgit à l'esprit des gens est celle du chercheur universitaire en sarrau qui effectue des essais auxquels ils ne comprennent rien. Y a-t-il moyen de jeter des ponts pour faire comprendre au public combien d'emplois sont en cause? Voilà le défi.
M. Giroux: Monsieur le président, nous sommes plusieurs à vouloir tenter une réponse.
Il s'agit là d'une question très importante, monsieur Telegdi. Peut-être que les représentants de l'ACPPU voudraient commencer - Mme Mills - puis je crois que Brad Levigne aurait aussi quelque chose à dire.
Mme Shirley Mills (trésorière, comité de direction, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Tout d'abord, je tiens à préciser que, si je suis trésorière de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, je suis aussi professeure et statisticienne.
Il ne se passe pas un jour sans que j'essaie de faire comprendre aux gens ce qu'est la recherche fondamentale et la recherche appliquée et ce que nous faisons en fait dans les universités. J'ai dirigé un centre de conseils en statistique à l'Université Carleton, où nous essayions de jeter des ponts pour joindre la population locale et lui montrer ce qui se fait à l'université et quelles en sont les applications. Nous avons certainement fait des percées grâce à ce centre. Je crois que beaucoup d'autres universités font aussi des percées en établissant des partenariats pour essayer de faire comprendre au monde extérieur que nous ne sommes plus enfermés dans des tours d'ivoire.
La situation a beaucoup évolué dans les milieux universitaires. Il existe un besoin énorme de recherche fondamentale, car il s'agit là du système radiculaire qui alimente tout le savoir que nous possédons déjà. Si nous ne maintenons pas ce système radiculaire, si nous le laissons se détériorer, nous n'aurons plus de base à partir de laquelle travailler à l'avenir. Les universités font aussi de la recherche appliquée en collaboration avec leurs partenaires de l'industrie, du gouvernement et des laboratoires sans but lucratif. Ce genre de collaboration existe donc.
J'estime que les chercheurs universitaires doivent prendre plus souvent la parole en public pour faire comprendre cet état de fait. Je crois que nous n'avons pas bien fait notre travail par le passé pour ce qui est de dire aux gens ce que nous faisions, mais nous sortons maintenant de nos établissements pour faire comprendre que nous avons maintenant davantage de liens avec l'extérieur et pour expliquer ce que nous faisons dans nos bureaux. À vrai dire, nous ne passons pas beaucoup de temps dans nos bureaux parce que nous faisons beaucoup de recherche avec d'autres.
M. Levigne: Quand il s'agit de dissiper le mythe de l'élitisme de la recherche, le défi est essentiellement le même que quand il s'agit de dissiper le mythe concernant l'enseignement postsecondaire de nos jours. C'est la même bataille, et nous pouvons livrer bataille sur plusieurs fronts.
Les centres ou ateliers de recherche communautaires sont un moyen de permettre au Canadien moyen de mieux comprendre la recherche. Il s'agit d'un excellent exemple de la façon de sensibiliser la population à ce qu'est la recherche. Nous en avons déjà la preuve avec le modèle hollandais des centres de recherche et avec les groupes communautaires qui s'adressent à leur université locale pour essayer de savoir comment ils pourraient s'organiser et faire connaître leurs vues au gouvernement. On s'adresse aussi à l'université pour savoir comment faire la promotion d'une idée en particulier, comme dans le cas d'Amnistie internationale, qui cherche à lutter contre la torture politique dans le monde. Dans d'autres cas, ce sont de petits groupes ou des particuliers qui vont à leur université et qui disent: «Je voudrais trouver un meilleur moyen de faire telle chose. Avez-vous quelqu'un qui pourrait s'en occuper?» Le centre sert de mécanisme de liaison entre la personne qui cherche à obtenir de l'information et ceux qui s'occupent de recueillir, de compiler et d'analyser l'information.
Pour y arriver, il faut faire sortir l'information des bornes des organismes universitaires, dont beaucoup sont ici à la table aujourd'hui, et l'amener à la population; cela vaut tout particulièrement pour les établissements qui ont une incidence économique importante sur leurs localités, comme ceux de Waterloo, Peterborough, Halifax et St. John's. Il s'agit là d'exemples par excellence d'endroits où il faut faire tomber les bornes.
Je le répète, c'est la même bataille. Qui ces établissements doivent-ils servir? Les jeunes qui viennent de l'extérieur ou des quartiers aisés? Non, ces établissements - comme le précise dans bien des cas leur charte - doivent servir la population locale, et je crois que les centres de recherche font beaucoup pour jeter des ponts en ce sens.
Le président: Brièvement, monsieur Hough.
M. Hough: Je voudrais discuter de ce que vous avez sans doute dit au sujet des emplois créés par la recherche et faire remarquer que dans le cas de tous les organismes qui accordent des subventions de recherche... il y a de manière générale entre 55 et 75 p. 100 de chaque subvention de recherche qui va au personnel de soutien. Ce personnel comprend des étudiants diplômés, des assistants à la recherche et, dans certains cas, des techniciens, mais toujours est-il qu'un très fort pourcentage de chaque subvention, peu importe la discipline ou le domaine de recherche, va au personnel de soutien. C'est quelque chose qui est très important à mon avis et que nous n'avons pas nécessairement bien fait comprendre.
Cela nous amène aussi à la question des conseils de planification de la recherche, en ce sens que le Conseil de recherches médicales, par exemple, a trouvé nécessaire lors de ses deux derniers concours de réduire d'environ 20 p. 100 le montant de la subvention dans chaque cas. Cette réduction a une incidence directe sur la capacité des chercheurs d'embaucher des assistants et des étudiants et d'associer d'autres personnes à leur travail de recherche.
Le président: Je sais qu'il y a bien d'autres personnes qui voudraient prendre la parole à ce sujet, mais, si vous le permettez, je voudrais faire en sorte que tous les députés qui sont ici puissent poser des questions. Vous pourrez ensuite reprendre la parole pour faire les observations que vous n'avez pas eu l'occasion de faire. Cela vous irait?
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à souhaiter de nouveau la bienvenue à tous les différents témoins. C'est bon de vous avoir tous ici.
J'ai une observation en fait à faire - ce n'est peut-être même pas une question - au sujet de certains propos qu'on a tenus quant à la nécessité d'établir des liens avec la population locale. Sauf votre respect, monsieur Lauzière, vous parliez de votre point de vue, qui est celui des sciences humaines et sociales. À ce sujet, je dirais simplement que, de tous les différents domaines de recherche, c'est sans doute celui des sciences humaines et sociales qui a le plus de mal à faire reconnaître son importance au pays. Les industries de la technologie de pointe, quant à elles, ont des applications très évidentes, mais les applications dans le domaine des sciences humaines et sociales ne sont pas aussi évidentes.
Je veux vous encourager dans vos efforts, mais je crois qu'il y a aussi une distinction importante à faire: il faut savoir si vous cherchez à établir ces liens dans l'espoir de recevoir beaucoup plus de fonds de la part des gouvernements ou si vous voulez les établir afin de vous assurer des appuis pour ce que vous essayez de faire et une compréhension de ce que vous essayez de faire.
Pour que la recherche en sciences humaines et sociales puisse survivre, il serait important que les gens aient une meilleure idée des avantages que vous procurez au pays. Voilà essentiellement l'observation que je voulais faire. Je veux vous encourager et savoir si vous auriez quelque chose à dire en réponse à cela.
M. Lauzière: Je suis certainement d'accord avec vous pour dire que le défi est de taille. Nous croyons qu'il est possible de le relever, car les gens s'intéressent aux questions sociales, culturelles, politiques et économiques, sur lesquelles est axée la recherche en sciences humaines et sociales.
Si vous me permettez de faire le lien avec la question précédente, je crois que les centres pourraient contribuer énormément au démantèlement de ces obstacles. Ils permettraient de faire participer très tôt les étudiants et de faire comprendre le besoin d'attirer des étudiants. Peut-être que les professeurs comprendraient ainsi qu'il faut mettre davantage l'accent sur la collaboration avec la population locale. Il est très important que cela se fasse très tôt dans le processus.
Les centres devraient aussi permettre de diffuser bien plus largement le savoir acquis grâce à ces partenariats. Le défi existe, et nous sommes persuadés que les centres feront beaucoup pour montrer la pertinence des sciences humaines et sociales.
M. Solberg: J'ai une courte question. Quand ces centres seront-ils mis sur pied et quand pouvons-nous nous attendre à un rapport d'étape?
M. Lauzière: Si nous réussissons à obtenir les appuis et les fonds nécessaires, nous aimerions bien que les centres soient mis sur pied le plus tôt possible, mais le processus est complexe.
Nous voulons procéder de la façon la plus efficace possible, par l'octroi de fonds à la suite d'un concours quelconque, mais, comme je le disais tout à l'heure, il existe déjà un certain nombre d'initiatives dans les universités canadiennes qui pourraient accorder des fonds de démarrage à ces centres de recherche communautaires. D'après les consultations que nous avons tenues dans les différentes régions du pays, nous sommes à même de constater qu'on souhaite ardemment que des centres de ce genre soient mis sur pied le plus tôt possible.
Le président: Merci, monsieur Solberg.
Madame Whelan.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.
Je veux revenir sur quelque chose qui a été dit vers le début de votre exposé, quelque chose qui avait trait à l'infrastructure. Je veux obtenir des explications quant à la position des experts que nous avons devant nous aujourd'hui.
En Ontario, le programme d'infrastructure Canada-Ontario prévoyait la participation des universités. Je crois savoir que ce n'était pas nécessairement le cas dans d'autres provinces; chaque province avait une entente légèrement différente. Du point de vue de ce qui se ferait en Ontario, demandez-vous à participer de nouveau comme vous l'avez fait pour le programme des grands équipements et à avoir aussi un programme distinct pour la recherche, ou demandez-vous que le programme soit modifié en fonction de vos besoins? J'essaye simplement de comprendre.
M. Giroux: L'Ontario a vraiment joué un rôle de chef de file pour ce qui est de l'application du premier programme d'infrastructure au secteur universitaire. La province a financé divers programmes et projets, dont certains visaient la remise en état des bâtiments. Étant donné l'état de détérioration générale des installations, l'Ontario a permis que le programme soit appliqué à cette fin, et les universités en ont profité naturellement.
Des projets de ce genre ont aussi été approuvés dans d'autres provinces, mais c'était essentiellement sur une base individuelle. Ainsi, l'Université de Lethbridge a pu profiter du programme.
Pour la deuxième phase du programme, nous ciblons davantage l'infrastructure de recherche. Quand nous parlons de 20 p. 100, c'est que nous voulons affecter 20 p. 100 des fonds aux laboratoires, à la technologie de l'information, au matériel de recherche, à l'amélioration des bibliothèques, etc. Nous avons reçu de nos membres des centaines de projets qui répondent à tous ces critères.
Si toutefois dans une province en particulier on décidait que les 80 p. 100 des fonds qui restent ou qu'une partie de ces fonds iraient aux infrastructures universitaires plus traditionnelles - le système de chauffage, ou peu importe - , nous ne nous opposerions pas à cela.
Nous voulons simplement nous assurer qu'une certaine partie des fonds sera réservée à l'infrastructure de recherche, car nous constatons - et nos universités le disent très clairement depuis quelques années - à quel point cette infrastructure est en mauvais état. Nos universités considèrent le programme comme un moyen de prendre les mesures correctives qui s'imposent.
Mme Whelan: Voici l'autre volet de ma question. Quand vous parlez de partenariats et de centres communautaires...
Je suis du comté de Windsor et Essex, et le programme d'infrastructure nous a valu des avantages différents de ceux qui ont été obtenus dans d'autres provinces. Je suis au courant des choix que l'Université de Windsor a faits en ce qui concerne l'infrastructure.
Par contre, le centre de recherche Chrysler qui vient tout juste d'ouvrir constitue un bon exemple de ces partenariats qui sont conclus entre les universités, le secteur privé et le gouvernement fédéral. Je sais que le maintien de ces partenariats est une source de possibilités extraordinaires. Je me demande simplement si l'on ne craint pas que la recherche devienne alors la propriété de l'entreprise en question. Considère-t-on toujours qu'il s'agit d'un moyen de contribuer sensiblement à la recherche fondamentale à l'échelle du Canada tout entier? J'estime que le partenariat en question est source de possibilités fort intéressantes pour les étudiants de l'Université de Windsor. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. Giroux: Nous appuyons sans aucun doute ces partenariats et nous souhaitons leur maintien. Ce qui nous préoccupe cependant, c'est de faire en sorte que l'importance très grande qu'on accorde à la commercialisation de la recherche universitaire ne nuise pas à certains autres types d'activités de recherche, à commencer par la recherche la plus fondamentale. Nous souhaitons renforcer ces activités, et c'est pour cette raison que nous avons opté pour une proposition de nouvelles frontières de recherche afin notamment d'aider les jeunes chercheurs à débuter.
Nous considérons également que les partenariats de recherche sont souvent conclus avec des industries d'envergure qui sont en mesure de fournir des fonds équivalents à ceux qui sont fournis par les gouvernements. Beaucoup d'entreprises de taille moyenne n'ont toutefois pas les moyens de conclure des partenariats de ce genre. Encore là, les centres de recherche communautaires seront très importants à cet égard, puisqu'ils favoriseront la participation de petites et moyennes entreprises locales.
Nous disons essentiellement qu'il y a déjà beaucoup de bonnes choses qui se font, mais que nous avons repéré des lacunes dans un certain nombre d'endroits et que nous tentons de trouver des moyens de les combler.
Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui voudraient prendre la parole à ce sujet.
M. May: Je voudrais prendre brièvement la parole pour vous présenter le point de vue des universités.
La mise sur pied d'un programme d'infrastructure permettrait notamment aux universités de jouer dans les grandes ligues, celles où elles devraient se trouver. Il suffit de visiter un laboratoire industriel pour se rendre compte à quel point ces laboratoires sont bien équipés. Il ne faut pas s'en surprendre. Ces laboratoires sont des entreprises commerciales compétitives qui doivent absolument se doter de ce qu'il y a de plus récent comme équipement. Il est bien moins probable que les laboratoires universitaires soient aussi bien équipés.
Quand il s'agit de conclure un partenariat entre une entreprise de technologie de pointe et une université, il faut que les deux soient dans la même ligue et qu'elles puissent se parler. Or, l'état de l'infrastructure universitaire est tel que les universités ne peuvent plus jouer pleinement leur rôle de partenaire.
Cela dit, il ne faut tout de même pas oublier nos réussites. Depuis une dizaine d'années, nous avons mis en place, par l'entremise du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, quelque 200 chaires de recherche industrielle au Canada. Il s'agit de partenariats entre l'industrie, les universités et le gouvernement fédéral tel que représenté par ses conseils subventionnaires. Certains de ces partenariats obtiennent un vif succès, et les montants en cause ne sont pas de la petite bière, se situant généralement entre 750 000 $ et 2 millions de dollars sur cinq ans.
La capacité des universités de jouer le jeu se détériore. Je crois que c'est là la principale raison qui milite en faveur du programme d'infrastructure.
Le président: Merci, madame Whelan.
Monsieur St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Merci à vous tous d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Votre participation est très utile.
Je voudrais vous demander de l'information, si vous en avez, sur le rapport qui existe entre la recherche dans le secteur privé et la recherche dans le secteur public. Je crois que c'est M. Giroux qui a dit que la participation du secteur privé à la recherche publique était passée de 8 p. 100 à 18 p. 100.
Beaucoup d'entreprises doivent aussi avoir leurs propres installations de recherche. Par les années passées, on se plaignait beaucoup de ce que, même quand ces entreprises exerçaient leur activité au Canada, la recherche se faisait surtout au siège social qui se trouvait aux États-Unis. Dans son exposé préliminaire, M. Giroux a fait remarquer que les jeunes chercheurs n'ont pas beaucoup d'occasions d'acquérir une expérience sur le tas dans un milieu industriel ou commercial, de façon qu'ils puissent vraiment se préparer au monde du travail.
Comment le Canada se compare-t-il de manière générale aux États-Unis et aux autres pays industrialisés pour ce qui est de la proportion que représente la recherche faite exclusivement par le secteur privé par rapport à celle qui se fait dans le secteur public? Dans quelle mesure y a-t-il équilibre ou déséquilibre entre les deux au Canada? Il me semble que le problème de ces jeunes chercheurs qui n'ont pas l'occasion d'acquérir de l'expérience sur le terrain tient en partie au fait qu'il n'y aurait peut-être pas beaucoup de travaux de recherche qui se feraient dans le secteur privé.
M. May: J'essaie de répondre et vous me direz si ce que je dis correspond à ce que vous voulez entendre.
Le Canada est, de tous les pays du G-7, celui qui a la plus faible économie de recherche. Au Canada, environ la moitié de la recherche est faite par le secteur privé. Aux États-Unis, les deux tiers de tous les travaux de recherche et de développement sont effectués par le secteur privé. Au Japon, les trois quarts sont effectués par le secteur privé. Nous avons dans l'ensemble un secteur privé qui est assez faible, et la recherche qui se fait est principalement l'oeuvre de quelques entreprises dans des secteurs bien particuliers: technologie de l'information, aérospatiale, produits pharmaceutiques. Ainsi, la société BNR a à elle seule un budget de recherche qui est l'équivalent de celui des trois conseils subventionnaires réunis.
Au Canada, nous n'avons donc pas une capacité de base qui est bien répartie. Nous avons toutefois 88 établissements qui décernent des diplômes et qui se trouvent répartis aux quatre coins du pays; on n'en retrouve malheureusement pas un dans toutes les circonscriptions, mais ils sont quand même bien répartis. Ces établissements sont membres de l'AUCC. Ils ne sont pas tous fortement axés sur la recherche, mais la plupart ont une certaine capacité de recherche, tandis que certains ont une capacité de recherche importante. D'où l'intérêt des partenariats.
Je reviens à la formule du programme d'infrastructure. Donnez-nous les outils dont nous avons besoin pour faire le travail. Donnez-nous ce qu'il nous faut au départ pour pouvoir conclure des partenariats avec le secteur privé. Donnez-nous la possibilité d'étendre nos activités de transfert technologique pour que nous puissions susciter des retombées grâce aux petites entreprises auxquelles nous pourrions accorder notre soutien en étant reliés à elle par un cordon ombilical en quelque sorte.
Au bout du compte, il reste que le Canada consacre environ 1,3 p. 100 ou 1,4 p. 100 de son produit intérieur brut à la recherche, soit la moitié environ du pourcentage aux États-Unis et le tiers environ du pourcentage dans les pays scandinaves. La recherche que nous faisons ici représente entre 3 p. 100 et 4 p. 100 à peu près de la recherche qui se fait dans le monde - c'est tout juste assez pour comprendre ce qui se passe ailleurs, car nous devons beaucoup emprunter d'ailleurs. Nous avons besoin de savoir quelles sont les tendances et quelles sont les capacités pour ensuite utiliser à bon escient les ressources relativement faibles dont nous disposons. D'où l'intérêt, je le répète, du programme d'infrastructure, qui, à notre avis, nous permettrait précisément de faire cela.
M. St. Denis: Une petite précision. Est-il possible de savoir, quand on voit qu'elle est la situation dans les pays du G-7... et vous nous avez expliqué que nous avons le plus faible pourcentage de recherche qui se fait dans le secteur privé. Les autres pays ont-ils un pourcentage plus élevé en raison principalement de politiques gouvernementales ou est-ce en partie à cause du fait que, comme c'est le cas pour le Canada et les États-Unis, les sièges sociaux se trouvent aux États-Unis et que nous ne pourrions rien faire pour attirer la recherche ici, que nous ne pourrions prendre aucune mesure fiscale qui serait efficace à cet égard?
M. May: Le problème est attribuable en partie au fait que nous sommes une économie de succursales, mais il tient aussi à la nature de notre économie qui est fortement axée sur les richesses naturelles et l'agriculture. Notre économie est en train de changer, mais c'est toujours là ce qui la définit.
Le président: Monsieur Duhamel.
[Français]
M. Duhamel (Saint-Boniface): Il me fait plaisir de vous voir ici ensemble aujourd'hui. J'ai beaucoup apprécié votre présentation.
J'ai deux questions à vous poser.
[Traduction]
Tout d'abord, je veux m'assurer d'avoir bien compris. Je veux parler de ce document-ci, page 12, point 6. Je cite textuellement:
- ... occasions directes d'emploi et de formation dans les universités, les hôpitaux
d'enseignement et les instituts de recherche associés du Canada pour environ 32 000 personnes
par année, durant trois ans, au coût de 5 510 $ par personne par année...
Si je vous demande une confirmation à cet égard, c'est que, comme d'autres, je suis à même d'apprécier le coût des mesures de création d'emplois. Le chiffre que vous avancez est très faible compte tenu du type d'emplois dont il est question, c'est pourquoi je voudrais une confirmation et je voudrais aussi qu'on m'explique pourquoi le chiffre est si peu élevé. Le montant est important, mais il est peu élevé par rapport aux chiffres que M. Giroux et moi-même avons vus et qui étaient peut-être un peu plus élevés que celui-là.
Je voudrais aussi que vous me disiez où cela nous mènerait si nous donnions suite à ce que vous nous demandez aujourd'hui. Je veux poursuivre cette question de la comparaison avec les autres pays qui a été soulevée par M. St. Denis. Nous accusons un certain retard et on nous a donné des raisons pour expliquer ce retard. Où cela nous mènera-t-il? Serions-nous alors à la moitié du chemin, aux trois quarts du chemin, serions-nous à l'avant-dernier rang ou au tout dernier rang ou quoi?
Voilà mes deux questions. Merci, monsieur le président.
M. Giroux: Je crois que M. Gauthier devrait répondre à la première question car je pense,
[Français]
monsieur Duhamel, que vous vouliez extraire une citation de son document.
M. Duhamel: Oui.
M. Giroux: Monsieur Gauthier.
[Traduction]
M. Gauthier: Oui, ce chiffre se fonde sur le budget des dépenses du gouvernement canadien relativement au Conseil de recherches médicales du Canada. Le conseil indique en fait dans ce document qu'avec son budget de 241 millions de dollars pour 1995-1996, il a pu fournir des occasions d'emplois à quelque 29 500 personnes dans les services techniques et de soutien ainsi qu'à 7 500 directeurs de recherche et il a pu offrir des occasions de formation à quelque 11 000 étudiants diplômés et boursiers de recherches postdoctorales.
Ainsi, d'après notre proposition - et c'est ce qui se trouve à la page 12 de notre document...
[Français]
Le président: Excusez-moi, puis-je vous demander de parler un peu plus lentement afin qu'on puisse traduire?
[Traduction]
M. Gauthier: Je devrais sans doute parler français. Comme ça, je parlerais plus lentement.
Le président: Merci.
M. Gauthier: Voilà en fait ce sur quoi nous nous sommes fondés pour calculer combien d'emplois seraient créés à un prix aussi faible. La preuve est déjà faite: il en coûte moins cher d'investir dans la formation par l'entremise des conseils subventionnaires et de la recherche fondamentale. Le chiffre que nous indiquons comprend les étudiants, les boursiers et les personnes en formation, de sorte qu'il est bien moins élevé. Ces personnes ont quand même un emploi, elles apprennent et elles avancent dans la réalisation de leurs objectifs professionnels.
M. Duhamel: Vous avez fait des extrapolations à partir de l'expérience passée, de sorte que vous avez de bonnes raisons de croire que ces chiffres sont tout à fait exacts.
M. Gauthier: Les chiffres sont tirés du dernier budget du CRM, et nous avons aussi fait des extrapolations à partir des chiffres des deux autres conseils subventionnaires.
M. Duhamel: Je vous remercie.
[Français]
Le président: La deuxième question maintenant.
[Traduction]
M. Giroux: En réponse à la deuxième partie de la question, monsieur le président, le Canada consacre maintenant 1,5 p. 100 environ de son PIB à la recherche. Nous nous retrouvons donc derrière Taiwan, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Corée du Sud et d'autres. En Suède, la proportion est de 3 p. 100. Au Japon, elle atteint presque...
M. Duhamel: Qu'en est-il de l'effort de recherche total?
M. Giroux: C'est bien de l'effort de recherche total que je vous parle. Au Japon, la proportion atteint 2,8 p. 100. Nous savons bien que cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain, mais nous disons que, si nous pouvions seulement commencer à redresser petit à petit la courbe - au lieu qu'elle aille dans ce sens-là, nous pourrions simplement la redresser un tout petit peu - et amener la proportion aux alentours de 2 p. 100, nous serions sur un pied d'égalité avec les Pays-Bas, nous nous retrouverions juste derrière la Grande-Bretagne et nous ne serions pas trop loin derrière l'Allemagne. Nous aurions toujours du recul par rapport aux États-Unis, au Japon et à la Suède, mais nous serions dans le peloton du milieu. À l'heure actuelle, nous sommes parmi les derniers, sinon bons derniers.
Certains pourraient se demander pourquoi cela est important. Eh bien, ces entreprises exercent toutes leurs activités dans des économies qui sont en concurrence avec la nôtre dans le nouveau contexte de la mondialisation. Nous savons que, si nous ne nous maintenons pas à leur niveau, nous n'en ressentirons peut-être pas les effets demain, ni même l'an prochain ou dans deux ans, mais nous les ressentirons sûrement dans dix ans. Dans dix ans, nous nous exclamerons que ces entreprises ont pris énormément d'avance et qu'elles offrent les bons emplois, les emplois bien rémunérés. Il est donc très important selon moi que nous nous rendions bien compte de l'obligation que nous avons de redresser la courbe.
M. Duhamel: En résumé donc, monsieur le président, si nous pouvions faire cela, nous nous retrouverions à peu près dans le peloton du milieu avec nos principaux concurrents. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Giroux: C'est exact, et nous serions au même niveau que des pays qui ont une population beaucoup plus faible que la nôtre, comme la Suède et d'autres pays.
Le président: Merci, monsieur Duhamel.
Madame Chamberlain, je vous en prie.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci.
Je représente l'Université de Guelph et, comme vous le savez, c'est une université qui est à la pointe de la recherche. C'est donc un sujet qui m'intéresse tout particulièrement. À mon avis, on assiste actuellement à des développements très sérieux dans ce domaine. Si nous perdons du terrain, je m'interroge sur l'avenir de notre pays. Nous ne cessons de parler de l'avenir, mais je suis absolument convaincue que c'est là que se trouve notre avenir.
J'aimerais vous demander votre opinion sur une chose. J'ai eu l'occasion d'en discuter dans ma propre circonscription, et on m'a dit qu'il nous arrivait de faire de la recherche, d'amener un produit à un certain point, d'être sur le point d'aboutir et de commencer à penser en termes de valeur ajoutée pour enfin tirer de cette recherche, de cette technologie, etc., des avantages monétaires.
Est-ce que vous pensez, vous aussi, que nous nous débrouillons mal au Canada quand il s'agit de ces dernières étapes de la recherche? Nous amenons un projet jusqu'à un certain point, après quoi nous vendons, et c'est quelqu'un d'autre qui en tire des bénéfices. Nous n'allons pas jusqu'au bout du travail? Est-ce que c'est une lacune, est-ce que nous manquons le coche? Est-ce que nous devrions envisager de consacrer des fonds à une infrastructure qui nous permettrait d'aller jusqu'au bout de nos projets pour pouvoir profiter du produit fini au Canada? Est-ce que nous ratons quelque chose d'important, ou bien suis-je mal informée?
M. May: Monsieur le président, je vais commencer. Je suis toujours heureux d'entendre que quelqu'un représente une université. Mon député représente St. John's-Est, une circonscription qui abrite une université. Je dirais donc à Mme Hickey qu'elle ne doit pas se tromper de circonscription, après quoi nous pourrons le dire au président de la Chambre.
Vous avez posé une question très compliquée.
Mme Chamberlain: Je sais.
M. May: Les Américains ont inventé le télécopieur, mais ce sont les Japonais qui l'ont mis en production. Vous pouvez penser à toutes sortes d'exemples de ce genre, comme la télévision.
À mon avis, il n'y a qu'une seule démarche possible. Il faut construire ces ponts entre les universités et les industries qui peuvent en profiter, il faut pouvoir dire que ces liens technologiques existent, que les contacts existent avec les cerveaux, avec l'élément humain. Voilà d'une part la connaissance et, d'autre part, la compagnie qui pourrait en tirer profit. De quoi avons-nous besoin? Cela devient de plus en plus compliqué. Il s'agit d'un capital-risque, de projets pilotes, d'études de marché, etc.
Je vais demander à M. Rothschild de vous répondre parce que l'ACGR représente les administrateurs de recherche du secteur public, des universités et du secteur privé. Pour eux, c'est un défi permanent.
Le président: Henri devait espérer qu'on lui poserait cette question.
Des voix: Oh, oh!
M. Rothschild: Je n'en suis pas certain.
Comme Arthur vous l'a dit, c'est un domaine très complexe. C'est un domaine qui devient de plus en plus complexe au fur et à mesure que la recherche des entreprises s'accélère et que les délais de recherche sur les produits diminuent, ce qui est de plus en plus le cas. Qu'est-ce qui est le plus profitable? S'agit-il de la recherche à contrat? S'agit-il de la fabrication, et à quel stade?
Tout cela dépend du secteur de l'économie. Le domaine des logiciels est différent de celui des produits pharmaceutiques et différent également des produits micro-électroniques. Pour une économie comme celle du Canada, le secret est d'essayer de déterminer où se trouvent les meilleurs emplois sur le plan de la valeur ajoutée, et également les meilleurs bénéfices.
J'ai parlé de la recherche biomédicale; dans le secteur pharmaceutique il y a de plus en plus d'organismes qui font de la recherche à contrat alors qu'il y a cinq ou dix ans les gens refusaient ce genre de travail qui a tendance à être plus mineur. Ce que nous voulons, c'est pouvoir fabriquer. Maintenant, cette tendance s'est inversée et c'est la fabrication qui a tendance à être plus mineure, la recherche à contrat prenant beaucoup plus d'importance.
M. May a parlé de financement, mais à mon avis, les Canadiens n'ont pas autant de faiblesses qu'ils le pensent lorsqu'il s'agit de commercialiser le produit de leur recherche. En tout cas, ce n'est certainement pas vrai pour beaucoup de domaines des télécommunications. Nous avons à notre actif des réalisations importantes.
Il y a d'autres domaines où les encouragements à commercialiser le produit de la recherche ne se sont pas matérialisés, et je ne parle pas ici d'encouragements gouvernementaux, mais plutôt des encouragements du marché. Cela est vrai dans le secteur des ressources. Je n'essaie pas de contourner votre question, mais il est très difficile d'y répondre d'une façon générale.
D'autre part, la réponse est aussi très difficile à cerner. Cela dépend d'un certain nombre de facteurs. De fait, par exemple, il y a cinq ou dix ans, il y avait une grande pénurie de capital-risque au Canada. M. Gauthier a parlé du Fonds de découvertes médicales canadiennes, et d'autres fonds de ce genre. J'imagine que ce genre d'activités va se développer et on peut vraiment parler de cycle. Dès que ces fonds commencent à faire des bénéfices, les gens se précipitent pour pouvoir faire plus de bénéfices. La commercialisation va se généraliser.
Je ne suis pas certain d'avoir bien répondu à votre question, mais je le répète, c'est très complexe. Pour nos membres, c'est probablement ce qui est le plus important, la nécessité de déterminer où se trouve les emplois qui représentent une valeur ajoutée élevée.
Le président: Merci beaucoup, madame Chamberlain.
Avant de terminer, est-ce que j'ai coupé la parole à quelqu'un? Est-ce que nos témoins ou certains députés ont quelque chose à ajouter?
Monsieur Telegdi.
M. Telegdi: J'aimerais passer à certaines autres questions.
Pour commencer, il est certain que la ville de Waterloo et toute cette collectivité sont un excellent exemple de ce qui se produit dans cette nouvelle économie et en présence de toute cette recherche.
Il y a une question dont on parle beaucoup et qui pourrait devenir un problème sur le plan de commercialisation de la recherche, c'est toute la question de la propriété intellectuelle, en particulier dans les universités. À l'Université de Waterloo, les responsables sont très libéraux, ils encouragent le corps enseignant, ils essaient de faciliter la commercialisation, et ils exigent très peu de contrôle sur la recherche effectuée par le corps enseignant pendant qu'il est employé par l'université.
Dans quelle mesure pensez-vous que ce soit un problème dans le reste du pays, toutes ces universités qui vont insister beaucoup plus sur leur droit à la propriété intellectuelle et qui vont tenter de contrôler le produit des recherches effectuées par leurs corps enseignants?
Le président: Vous parlez de la question de savoir si c'est le chercheur ou si c'est l'institution qui doit avoir le brevet?
M. Telegdi: Exactement.
Le président: Est-ce que quelqu'un a une réponse?
M. May: J'ai une certaine expérience du conseil subventionnaire et du CRSNG. En bref, c'est un problème qui s'est souvent avéré très difficile, mais chaque fois qu'on a cherché à le résoudre, les choses se sont arrangées assez facilement. Autrement dit, le plus souvent, on peut trouver une solution. Je ne pense pas que cela ait jamais gêné le développement. Cela n'a jamais empêché de développer un produit qui promettait... Cela s'est toujours arrangé, et pourtant, le problème resurgit constamment comme quelque chose de très difficile. Mais d'un autre côté, quand les gens sont déterminés à le surmonter, la difficulté disparaît.
Le président: Monsieur Grubel.
M. Grubel: On nous a dit que la recherche fondamentale allait dans le sens de l'intérêt public, et de l'intérêt de l'ensemble de la planète. Il n'y a pas d'application immédiate. N'importe qui peut s'en servir à un coût pratiquement nul mais cela profite à l'ensemble de la planète. Lorsque nous développons de nouvelles technologies, lorsque nous enseignons, nous utilisons beaucoup de connaissances qui ont pris naissance dans d'autres pays. Par conséquent, si nous voulons être de bons citoyens du monde, nous devons faire notre part en contribuant à la réserve publique de connaissances fondamentales.
Quand vous avez invoqué cet argument, était-ce pour convaincre les gens de la nécessité de financer la recherche fondamentale?
M. Giroux: Je n'ai pas utilisé ces termes-là, monsieur Grubel, mais je dois vous dire qu'ils sonnent très bien et je n'hésiterais pas à les utiliser dorénavant.
Des voix: Oh, oh!
M. Grubel: Vous devriez consulter les économistes.
Le président: Monsieur Rothschild.
M. Rothschild: À ce sujet, en ce qui concerne la contribution du Canada à la masse universelle des connaissances, à la recherche fondée sur la curiosité pure, etc, je ne parlais pas des sommes que nous y consacrons en termes absolus. Comme la plupart d'entre vous le savent, la démarcation entre la bonne recherche et la recherche moins valable est loin d'être une science précise, mais si on considère l'indice publication/investissement dans la recherche, le Canada est dans le peloton de tête. On ne le répète pas assez, et c'est en partie une réponse à votre question. Nous faisons notre part, et c'est d'ailleurs normal.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
Est-ce que les témoins ont quelque chose à ajouter avant que nous ne terminions? Monsieur Hough.
M. Hough: Au risque de dire une évidence aveuglante, monsieur le président, j'aimerais souligner que la communauté des chercheurs fait des efforts considérables pour travailler sur une base collective, en collaboration, et pour privilégier les problèmes d'actualité. Vous avez devant vous un éventail qui représente un grand nombre d'organisations et qui représente peut-être la totalité des chercheurs universitaires et des autres chercheurs. Les propositions sur lesquelles nous travaillons tentent non seulement de régler les problèmes mais également de combler les écarts.
Nos universités ont également un potentiel de recherche considérable. À mon avis, nous ne devrions pas l'ignorer ou en minimiser l'importance. Au contraire, nous devons construire sur cette base solide, et c'est justement ce que nous faisons dans le cadre de toute une série de programmes. De cette façon, nous voulons poursuivre nos travaux et continuer à contribuer à l'activité économique de ce pays.
Le président: Merci, monsieur Hough.
Monsieur Giroux.
M. Giroux: Monsieur le président, je veux seulement vous remercier ainsi que les membres du comité qui nous ont posé des questions aujourd'hui. Nous avons beaucoup apprécié cette discussion, et nous espérons que notre contribution vous sera très utile lorsque vous préparerez votre rapport dans le courant de l'automne.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Giroux.
M. Hough a parlé du processus, je me permets de préciser que ce processus remonte à l'année dernière, lorsque Sally Brown a décidé de réunir tout un groupe représentant les étudiants, les collèges, les universités, les enseignants, les sciences sociales, le génie, les sciences naturelles et l'entreprise privée. Pour la première fois, je pense, la communauté s'est regroupée pour s'exprimer avec une voix unique et élaborer collectivement un programme. Je suis donc enchanté que vous ayez poursuivi ce processus avec les encouragements de notre caucus de l'éducation présidé par Peter Adams.
Je crois comprendre également que beaucoup de gens ont travaillé dans les coulisses, et en particulier Bob Best, Beverlee Stevenson et Don Savage qui ont travaillé à la préparation de cette réunion. Comme vous avez pu le voir, votre message a été accueilli très favorablement par tous les membres de ce comité, quel que soit leur parti.
Nous apprécions en particulier les recommandations relatives à des programmes précis et les détails sur les coûts de ces programmes que vous nous avez fournis. Vous nous avez porté un rude coup lorsque vous avez dit que le Canada devait sortir de la dernière place qu'il occupe parmi les pays développés en ce qui concerne la recherche et le développement en tant que pourcentage du produit intérieur brut. Je crois que personne ici ne pense qu'il sera possible d'être une force économique solide sans faire des investissements en capital humain, en infrastructure humaine, des investissements dans la recherche et le développement, comme vous nous l'avez expliqué aujourd'hui.
Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie infiniment.
La séance est levée.