[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Est-ce que nous pouvons commencer?
Le comité des finances de la Chambre des communes est très heureux d'être aujourd'hui à St. John's pour poursuivre ses audiences prébudgétaires... [Inaudible - Éditeur]
Nous allons entendre aujourd'hui Charlie Rennie, du Seniors Resource Centre; Rob Crosbie, un habitué de nos séances, du Board of Trade; Gail Ryan, du St. John's Status of Women...
[Inaudible - Éditeur]
Vous pourriez peut-être commencer par nous exposer, disons en trois minutes, ce que vous voudriez voir dans notre budget, et il nous restera ensuite beaucoup de temps pour les questions, les réponses et la discussion. Nous vous accorderons tout le temps que vous voulez. Si vous avez besoin de plus de trois minutes pour faire votre exposé, nous vous accorderons davantage de temps pour que vous puissiez faire consigner tout ce que vous voulez dire dans notre procès-verbal.
Vous pourriez peut-être commencer, monsieur Rennie.
M. Charlie Rennie (président du conseil d'administration, Seniors Resource Centre): Monsieur le président, j'avais un peu peur que vous demandiez au plus âgé du groupe de commencer...
Le président: Non, il faudrait alors que ce soit Herb Grubel.
M. Rennie: Très bien.
Comme vous le savez, je suis président du conseil d'administration du Seniors Resource Centre ici à St. John's. Notre organisation est essentiellement implantée à St. John's, mais nous avons néanmoins des activités et des contacts à l'extérieur de St. John's et nous intervenons à l'échelle de la province. De plus, je suis profondément impliqué dans le secteur des soins à long terme dans la province. J'espère donc pouvoir faire comprendre à votre comité le point de vue d'une personne âgée.
Je viens tout juste d'assister à un certain nombre de rencontres nationales sur les questions concernant les personnes âgées et un certain des observations que je vais vous faire ce matin reflètent les préoccupations des personnes âgées, non seulement dans la région de St. John's, mais aussi dans l'ensemble du pays.
Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, les personnes âgées sont prêtes à faire leur juste part dans la réduction du déficit. J'insiste sur «la juste part». Les personnes âgées ont le sentiment qu'on leur demande d'assumer une part bien plus grande que celle qui leur incombe des coûts liés au réseau de la sécurité sociale qu'ils ont bâti tout au long de leur vie active.
En voyant les coûts qui les attendent, certains membres de la nouvelle génération nous disent qu'ils ne sont pas disposés à payer. Ils oublient trop facilement que ce qu'ils vont perdre aujourd'hui en adoptant ce genre d'attitude ne pourra jamais être récupéré. Pour ce qui est de la vieille génération et de ceux qui se rapprochent de cette catégorie, que je qualifierais en quelque sorte de force de réserve - si le réseau de sécurité sociale venait à disparaître, il faudrait quand même payer pour s'occuper des vieux.
Nous nous intéressons d'abord aux pensions, notamment à la rétrocession de la sécurité de la vieillesse au gouvernement. Les cotisations de sécurité de la vieillesse figuraient expressément dans nos déclarations d'impôt sur le revenu. Nous les avons payées et nous continuons à les payer. Au cours des années 70, on les a intégrées à l'impôt général sur le revenu. Je présume qu'elles y sont toujours; nous continuons à les payer.
Le gouvernement est en train aussi de changer la sécurité de la vieillesse et le SRG pour les transformer en une nouvelle prestation pour les personnes âgées. Cette prestation pour les personnes âgées va profiter davantage aux personnes les moins riches de notre société, mais les personnes âgées n'en pensent pas moins que l'on ne devrait pas demander à celles d'entre elles qui ont travaillé d'arrache-pied toute leur vie pour mettre de l'argent de côté en prévision de leur retraite d'aider celles qui ne l'ont pas fait. C'est l'ensemble de la population qui devrait assumer cette charge.
Pour ce qui est des programmes pour les personnes âgées, nous avons peur que le gouvernement réduise les crédits consacrés à des programmes comme Nouveaux horizons ou comme le programme de recherche pour l'autonomie des aînés, qui tous deux sont patronnés par Santé Canada à l'heure actuelle. Notre centre de ressource s'est servi de ces programmes pour le plus grand profit des personnes âgées de cette région et nous regretterions beaucoup de le voir cesser leurs activités.
Le gouvernement souhaite que les personnes âgées restent plus longtemps au sein de la collectivité, aient un mode de vie plus sain et subviennent plus longtemps à leurs besoins au sein de cette même collectivité.
De plus, le gouvernement se décharge en fait de ses responsabilités sur le dos des bénévoles puisque le gouvernement fédéral se défausse détriment de la province, la province au détriment des municipalités et ces dernières au détriment des groupements bénévoles.
Si les politiciens s'imaginent que le bénévolat ne coûte rien à personne, qu'ils se ravisent parce que ce n'est pas le cas. Des gens comme moi ou comme mes collègues qui interviennent au sein d'organisations bénévoles le paient bien cher. Nous assumons par ailleurs une responsabilité financière potentielle qui est grande lorsque nous siégeons dans un des conseils d'administration des organisations bénévoles, qui n'ont pas en fait suffisamment d'argent pour souscrire une assurance d'un montant approprié au cas où nous aurions des difficultés.
Vous vous déchargez de toutes ces responsabilités sur les bénévoles en vous attendant à ce qu'ils paient à votre place. La plupart des bénévoles sont des personnes âgées. En plus, vous leur dites: «Merci de faire tout ce travail pour nous; vous allez maintenant nous rétrocéder une partie de vos prestations».
Le président: Merci, monsieur Rennie. Nous avons apprécié votre exposé. Nous vous redonnerons la parole par la suite et vous aurez beaucoup de temps pour parler de tout cela. Nous avons besoin d'un aperçu général avant d'entamer la discussion.
M. Robert Crosbie (premier vice-président, St. John's Board of Trade): Merci de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Je vais essayer d'abréger.
Le problème le plus urgent en ce qui nous concerne est celui de la dette et du déficit, à savoir la nécessité de poursuivre l'application des mesures de réduction.
Nous rappelons au gouvernement que le véritable problème financier du Canada à l'heure actuelle n'est pas celui du déficit ni même du rapport entre le déficit et le PNB. Le véritable problème, c'est le niveau de ce déficit par rapport à notre capacité de payer. Le fait de s'en tenir au déficit masque le vrai problème. Certes, le gouvernement a réduit fortement le déficit ces dernières années, mais le fait qu'on ait toujours des déficits et non pas des excédents signifie que notre endettement s'accroît.
Il faut surtout voir que lorsque le gouvernement aura atteint son objectif en matière de déficit en 1997-1998, notre endettement aura progressé de plus de 13 p. 100 au cours des trois années antérieures. Le service de la dette sera passé de 42 à 49 milliards de dollars, la progression de notre PNB aura ralenti et, par conséquent, notre niveau d'endettement par rapport à notre PNB sera d'environ 74 p. 100, pourcentage que nous jugeons trop élevé.
Nous devons nous préoccuper davantage de notre endettement, et plus particulièrement du rapport entre notre niveau d'endettement et notre PNB. Une part significative du paiement de notre dette, soit environ 36¢ sur chaque dollar en 1995-1996, a été consacrée au paiement des intérêts sur la dette publique.
Les taux d'intérêt réels sont en moyenne élevés et vont vraisemblablement le rester au cours des prochaines années. Le service de la dette publique a augmenté de 11,6 p. 100, soit de 4,9 milliards de dollars, en 1995-1996. Sur ce montant, environ 3 milliards de dollars étaient dus à l'augmentation de la dette portant intérêt, qui a progressé de 36,2 milliards de dollars, le reste étant dû à l'augmentation du taux d'intérêt moyen effectivement pratiqué sur la dette du gouvernement. Le taux d'intérêt moyen sur la dette du gouvernement était en 1995-1996 de 8,1 p. 100, soit en augmentation par rapport aux 7,78 p. 100 payés en 1994-1995.
Ces taux d'intérêt réels élevés justifient d'autant plus que l'on accélère le rythme de la réduction du déficit. Les versements d'intérêt ne peuvent qu'empêcher le gouvernement de financer des programmes importants.
Le St. John's Board of Trade et la Chambre de commerce du Canada recommandent que le gouvernement fédéral adopte une politique fiscale menant à des réductions annuelles régulières et significatives du rapport entre l'endettement et le PNB jusqu'à atteindre une fourchette inférieure à 60 p. 100.
Nous estimons que l'on peut y parvenir en maintenant le niveau des programmes en dollars courants, sans aucune augmentation des impôts et en réduisant les taxes sur la masse salariale, notamment en plafonnant l'excédent de l'A.-C. à 5 milliards de dollars.
Le board a toujours dit que notre endettement national était trop élevé et qu'il continue à faire obstacle à la croissance et à la prospérité de la nation. Nous pensons que la solution réside dans la possibilité pour le gouvernement de réduire ses coûts de fonctionnement en dégageant des ressources qui pourront être réaffectées à la réduction et, en fin de compte, à la suppression des déficits.
Le board demande que le gouvernement, plutôt que d'augmenter les impôts, comprime ses dépenses là où c'est possible et justifie ces mesures par la nécessité de respecter ses objectifs fiscaux. Nous considérons que l'augmentation des impôts, même si elle procure des recettes à court terme, ne permettra pas de remédier au véritable problème de notre économie.
Le board adjure par ailleurs le gouvernement de procéder à une révision complète de tous ses programmes et d'élaguer les programmes par ailleurs inutiles avant de comprimer les prestations ou les programmes s'adressant aux personnes qui en ont véritablement besoin.
Par ailleurs, le board constate que le gouvernement fédéral consacre de l'argent à des services et à des programmes inefficaces ou non indispensables. Il convient là aussi de se pencher sur la question.
Ces dernières années, les pressions conjuguées qu'entraînent la lassitude du contribuable et les demandes de réduction ou de suppression des déficits et de l'endettement à long terme ont obligé tous les gouvernements à repenser leur action. Même si les gouvernements ont entrepris une révision rigoureuse de leurs programmes actuels, ils n'ont pas encore fait porter leur attention sur les grands principes.
Tout d'abord, quel doit être le rôle du gouvernement au XXIe siècle? Quels sont les programmes et les services de base dont il doit se charger? Quel est le palier de gouvernement qui doit dispenser ces programmes de la manière la plus efficace?
Le gouvernement fédéral doit en revenir à son mandat original qui est de réglementer et de servir de catalyseur afin d'éviter de dispenser des programmes et des services inefficaces et non essentiels. Ce faisant, le gouvernement pourra s'assurer qu'il fournit des services de la meilleure qualité de la façon la plus rentable.
Ainsi, nous remettons en cause l'efficacité pour le ministère des Pêches et des Océans d'avoir son administration centrale à Ottawa et de maintenir le siège de Marine Atlantique à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Ce siège est bien éloigné des activités du service.
D'un autre côté, le Board of Trade est fermement partisan de la décentralisation là où les ministères du gouvernement exercent leurs activités et c'est là, par conséquent, que leur administration centrale devrait être implantée. Les dernières statistiques nous révèlent que Terre-Neuve vient au dernier rang pour ce qui est des emplois fédéraux dans la région de l'Atlantique. Il y a 24 emplois du gouvernement pour 1 000 personnes, un chiffre bien inférieur à la moyenne pour la région de l'Atlantique, qui est de 38,5. Nous considérons que c'est un problème important pour notre province.
Le board s'inquiète par ailleurs au sujet du moral des employés du gouvernement. Pour rétablir la confiance, nous recommandons que le gouvernement s'efforce de faire en sorte que l'amélioration du rendement ne provienne pas des suppressions d'emploi mais du recours à d'autres méthodes, telles que le transfert des emplois dans le secteur privé lorsque l'exploitation est confiée à l'extérieur ou soumise à des règles commerciales.
Le board est fortement opposé à une augmentation de l'impôt lorsqu'il s'agit d'augmenter les recettes du gouvernement fédéral et d'éviter qu'il ait autant recours à l'emprunt. Il serait préférable que le gouvernement s'efforce d'atteindre ses objectifs fiscaux en réduisant ses dépenses d'une manière juste, équitable et socialement acceptable.
Notre économie semblant être sortie de la récession et donnant des signes timides de reprise, des augmentations d'impôt ne feraient probablement que replonger notre économie dans le marasme antérieur. Les augmentations d'impôt feront augmenter les recettes à court terme, mais les répercussions à long terme annuleront largement tous les gains que l'on pourra obtenir au départ. En fait, chaque fois que ce sera possible, le gouvernement fédéral devra envisager des réductions d'impôt pour stimuler l'économie et le développement des entreprises.
Le président: Rob, puis-je vous demander d'en finir rapidement? Vous aurez beaucoup de temps par la suite.
M. Crosbie: Je viens de dire l'essentiel.
Le président: Très bien. Je vous remercie.
Hilda Pollard, si vous le voulez bien, vous êtes la suivante.
Mme Hilda Pollard (présidente, Adult Career Centres Inc.): Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du comité à St. John's, la plus vieille ville de l'Amérique du Nord. Nous allons célébrer le 500e anniversaire de notre découverte par Jean Cabot. Je me dois de le dire parce que je travaille dans le secteur du tourisme et parce que nous voulons dans toute la mesure du possible faire de la publicité pour notre province.
Je suis bien évidemment très heureuse d'avoir la possibilité de dire quelques mots devant votre comité. Je représente une petite entreprise. Je possède et je fais fonctionner à l'heure actuelle un établissement de formation privé qui s'intitule Adult Career Centres. Nous nous intéressons avant tout à la formation touristique. Le tourisme a été caractérisé comme un secteur de croissance au sein de la nouvelle économie, notamment dans notre province où l'on assiste à un déclin du secteur des pêches et où l'on explore d'autres voies pour faire vivre et garder les gens chez nous.
En tant qu'exploitante d'une petite entreprise, je suis dans le milieu des entreprises depuis un certain nombre d'années, y compris dans des entreprises autres que celle qui est la mienne actuellement. Toutefois, notre grande préoccupation, j'imagine, c'est de rechercher constamment l'appui du gouvernement et de la collectivité pour que ces petites entreprises puissent continuer à exercer leurs activités.
Le principal handicap ou le grand obstacle que rencontrent les petites entreprises, c'est lorsqu'elles ont à traiter avec les banques. Nous savons qu'à l'heure actuelle les banques font trop de profits. On a relevé que nombre d'entre elles font plus de 1 milliard de profit par an et nous entendons dire qu'au cours des 15 prochaines années, les six grandes banques du Canada vont faire plus de 90 milliards de dollars de profit.
En tant que responsable d'une petite entreprise, j'ai bien des difficultés à l'accepter alors que j'ai toutes les peines du monde à garder mon entreprise à flot. Il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui les petites entreprises sont le moteur de la création d'emploi dans notre pays. Y a-t-il un moyen d'en arriver ensemble à une décision pour que nous puissions mieux servir les petites entreprises?
J'ai pris connaissance du dépliant que l'on a fait récemment circuler dans le pays - j'imagine qu'on le retrouvait dans la plupart des journaux - et qui expose les engagements pris par le gouvernement en ce qui a trait aux petites entreprises. Je relève qu'il y aura éventuellement un médiateur qui sera nommé pour aider les petites entreprises dans leurs relations avec leur banque et chercher des solutions plus équitables pour maintenir ces entreprises en activité.
J'aimerais que vous nous en disiez davantage ou que vous nous donniez des précisions sur la question pendant que votre comité continue ses audiences ce matin. Je crois qu'il nous faut mettre en place un mécanisme de contrôle des activités des grosses entreprises lorsqu'elles traitent avec les petites.
Ce sont les banques et les grosses sociétés de notre pays qui réduisent leurs effectifs et qui mettent leur personnel à pied alors que la croissance se fait au sein des petites entreprises, qui cherchent à engager davantage d'employés et à les conserver.
Dans cet exposé préliminaire, je voudrais en fait vous demander de mettre cette question sur le tapis. Il nous faut trouver les moyens d'encourager les petites entreprises et de faire en sorte que les petits entrepreneurs puissent poursuivre leur travail, et nous opposer aux énormes profits que font les banques. Il serait bien préférable d'utiliser une grande partie de cet argent pour soulager les besoins sociaux et aider les programmes sociaux au Canada, notamment dans les domaines de l'éducation, de la formation et des soins de santé.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Hilda Pollard. Je vous parie tout ce que vous voulez que Charlie Hutton va être d'accord avec vous.
Vous pouvez y aller, Charlie.
M. Charlie Hutton (président, Canadian Bankwatch Inc.): Je vous remercie, Hilda, de m'avoir parfaitement préparé le terrain.
Je représente pour l'essentiel, de manière non officielle, j'imagine, les 900 000 petites entreprises du Canada. Nous cherchons activement à faire en sorte que chacune d'entre elles devienne membre de notre organisation, qui s'intitule Canadian Bankwatch Incorporated.
Il y a un an environ, nous avons établi un site bien particulier sur Internet pour accueillir les plaintes au sujet des banques. Son taux de fréquentation augmente régulièrement. Nous utilisons aussi les voies de communication courantes, mais l'Internet nous a donné les moyens, je pense, de communiquer avec l'ensemble des Canadiens sans qu'il en coûte très cher comparativement à des solutions classiques comme les envois par la poste ou les appels téléphoniques. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas reçu des quantités d'appels et de courrier.
C'est, je pense, parce que nous étions tous frustrés que j'ai, en compagnie d'un groupe d'autres personnes, constitué Canadian Bankwatch. Nous cherchons activement des membres. Je ne sais pas si je m'adresse à la bonne tribune, mais l'on dit toujours, je pense, que c'est sur le Comité permanent des finances qu'il convient de faire pression, puisque j'imagine qu'il a une certaine influence sur l'ensemble des budgets. Nous cherchons ici avant tout l'adoption éventuelle d'une loi. J'y reviendrai dans un instant, si vous me le permettez.
Tout se ramène à une chose: pensez-vous que l'on va pouvoir récolter les bienfaits des petites entreprises si l'on n'a pas semé? Pas plus tard qu'hier, je lisais un communiqué de presse de la Banque canadienne impériale de commerce. Cette banque a prêté des millions de dollars, et peut-être des milliards, aux petites entreprises. Bien évidemment, le minimum qu'elle prête, c'est 250 000 $. Excusez-moi, mais 250 000 $, c'est un minimum trop élevé pour que l'on puisse véritablement stimuler la croissance des petites entreprises. Un étudiant fraîchement sorti de l'université qui n'a pas d'emploi et pas d'autre perspective que celle de créer son propre emploi n'a pas suffisamment d'argent personnel pour aller emprunter 250 000 $ à la banque. Ceux qui pensent le contraire rêvent tout simplement.
Si année après année nous nous abstenons de semer, c'est malheureux à dire, mais nous ne réussirons pas à nous doter d'une véritable pépinière de petites entreprises. Soyons réalistes, le pourcentage d'échecs des petites entreprises est probablement chez nous de neuf sur dix, et l'on pourrait s'y attendre. Malheureusement, aux yeux des banques et de la plupart des sociétés financières, si l'on ne frappe pas des coups de circuit à tous les coups, on n'est pas un gagnant.
Par conséquent, nous continuons à donner des tapes dans le dos à nos quelques gagnants et à leur injecter davantage de fonds, et effectivement, ils se transforment en entreprises de bonne taille, mais malheureusement les choses sont faites de telle manière que les banques sont là pour faire des profits. Elles ne sont pas là pour le bien de l'humanité, malgré ce qu'elles tentent de nous faire croire dans leur publicité.
La Loi sur les prêts aux petites entreprises a été adoptée il y a un certain nombre d'années et je pense que c'était une bonne idée. Le gouvernement a fait un grand pas dans cette direction. Ce qui est étrange, c'est que l'on continue à entendre dire - en dépit des garanties de prêt de 80 ou de 90 p. 100 qu'offre le gouvernement fédéral - que pour une petite entreprise il reste extrêmement difficile, sinon impossible, d'obtenir un prêt. Les banques doivent faire preuve de prudence et agir avec précaution lorsqu'elles consentent des prêts mais, comme vous le savez, les banques sont extrêmement conservatrices. Je pense que si cela avait dépendu du financement des banques, il n'y aurait pas d'Amérique du Nord parce que les banques n'auraient certainement pas financé les voyages jusqu'à notre belle ville ou jusqu'en Amérique du Nord.
Comme toujours, il semble qu'un petit entrepreneur ne peut compter que sur les fonds privés qu'il est en mesure de trouver pour pouvoir véritablement se lancer. Si par conséquent vos parents, votre famille ou vos amis ne sont pas pleins aux as, vous n'avez pas vraiment l'occasion de démarrer. Je trouve cela malheureux, parce qu'il y a beaucoup de gens d'affaires dans notre pays qui ont du potentiel et qui ne peuvent pas obtenir un financement.
Le gouvernement canadien a pris des mesures il y a de nombreuses années pour faire en sorte que tous les étudiants aient une chance égale d'obtenir un emploi. Tous les gens d'affaires vous le diront, vous avez beau avoir d'excellentes idées et de bonnes capacités de gestion, si vous n'avez pas de capitaux, vous ne pouvez pas lancer une entreprise. Je pense que sur ce point nous avons essuyé un échec retentissant.
Dans la même foulée, voilà que nos banques annoncent des profits énormes. Je pense qu'elles ne devraient pas s'en vanter à l'heure actuelle. Je ne suis ni un socialiste ni un communiste et ce n'est pas le cas non plus de la population canadienne, telle que je la connais. Je ne préconise pas à la base un plafonnement des profits de ces établissements.
Je n'ai rien contre les profits, mais elles ont ici la possibilité d'agir de manière responsable. Le feront-elles? Je ne le crois pas. Je n'aime pas les nouvelles lois et les nouveaux règlements, mais je crois pourtant qu'il est indispensable aujourd'hui d'adopter une loi pour qu'une certaine partie de leurs profits soit consacrée aux prêts aux petites entreprises. Je ne considère pas un prêt de 250 000 $ comme un prêt à la petite entreprise. Je dirais qu'il faut que ce soit au plus 10 000 $ ou 20 000 $.
Malheureusement, les banques, en dépit du fait qu'elles disposent d'une garantie de prêt du gouvernement fédéral, hésitent encore à consentir ce genre de prêts parce qu'ils leur causent de véritables maux de tête. Elles ne veulent pas gérer 1 000 comptes d'un montant de 10 000 $. Elles préfèrent s'occuper de cinq ou dix comptes de 500 000 $ à 1 million de dollars parce qu'il n'y a pas de frais d'administration. Pour les banques, bien entendu, frais d'administration signifie manque à gagner. Je considère qu'il faut malheureusement qu'une loi soit déposée à ce stade afin d'affecter spécialement une certaine partie des profits des banques.
Laissez-moi vous dire une chose pour terminer. Compte tenu des profits qu'elles réalisent actuellement, si nous exigions qu'elles réinvestissent trois pour cent de ces profits, cela nous ferait 1 milliard de dollars sur sept ans qui pourrait être réinvesti dans les petites entreprises canadiennes. Nous leur demandons de reprêter cet argent aux entreprises et non pas de le leur restituer.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Charlie Hutton.
Je donne la parole à Mme Dingwell-Corbin, du Status of Women Council.
Mme Colleen Dingwell-Corbin (membre du St. John's Status of Women Council Women's Centre): Le St. John's Women's Centre souhaite la bienvenue aux membres du comité.
J'ai hésite au départ à comparaître devant votre comité parce que, comme d'autres femmes canadiennes, je suis fermement convaincue que notre gouvernement nous a trahis. Il nous est de plus en plus difficile de prendre part à des séances comme celle-ci pour que les responsables au pouvoir nous disent qu'il leur faut continuer à restructurer, à réduire les effectifs et à sous-traiter en raison du déficit. Cela se traduit dans la réalité par davantage de pauvreté, de chômage, de désespérance et d'abandon pour nombre de Canadiens. Ils sont bien trop nombreux à devoir braver tout seuls les intempéries, au propre comme au figuré.
Nous sommes en pleine reprise de l'emploi, l'une des rares promesses que nous avons effectivement tenues. Nous ne voyons que trop les résultats des changements apportés à nos programmes sociaux en raison de la politique canadienne de transferts en matière sociale et sur le plan de la santé. La Loi sur l'assurance-chômage, les changements proposés au Régime de pensions du Canada et d'autres programmes nous causent d'énormes difficultés lorsque nous essayons d'aider les femmes à s'alimenter, à se vêtir, à trouver un logement pour leurs enfants, à décrocher un emploi qui ait de l'avenir, à poursuivre des études ou à voir plus loin que le lendemain.
On nous répète constamment que le Canada est l'un des pays les plus riches au monde, un de ceux dans lesquels il fait le mieux vivre, que nous avons de la chance d'être Canadiens. Nous n'avons pas besoin qu'on nous le rappelle. C'est nous qui avons créé au Canada des programmes sociaux que nos voisins nous envient. Nous avons lutté d'arrache-pied pour apporter une tranquillité d'esprit et un sentiment de sécurité à la population canadienne. Même si nous avons lutté et si nous continuons à lutter contre le démantèlement de ces structures, elles disparaissent systématiquement et, avec elles, ce qui fait notre véritable originalité en tant que Canadiens.
En menant à cette rupture du contrat social, le gouvernement libéral et les gouvernements progressistes-conservateurs qui l'ont précédé ont voulu casser notre identité canadienne. Les dégâts se lisent sur le visage de la plupart des femmes qui se présentent dans nos services ou qui nous téléphonent. Ces femmes font face au harcèlement sexuel, au manque de logements convenables à un coût abordable, à la diminution de l'aide sociale, au chômage généralisé, aux mauvais traitements, à la solitude, à la peur, à la faim... et la liste n'en finit pas. Pourtant, c'est souvent en désespoir de cause que les femmes s'adressent au centre après avoir épuisé tous les recours et toutes les ressources à leur disposition.
À notre tour, nous nous heurtons à un mur lorsque nous essayons d'aider ces femmes à se débrouiller parce qu'étant donné l'état de nos ressources nous ne pouvons que leur fournir des renseignements ou les renvoyer vers d'autres services. C'est une chose qui devient de plus en plus difficile étant donné que tous les groupements communautaires sont eux aussi surchargés ou n'exercent plus leurs activités en raison du manque de ressources.
Ainsi, le St. John's Women's Centre opère avec un budget inférieur à 40 000 $ par an. Le centre dessert la région métropolitaine de St. John's mais ne s'en tient pas là. Un membre du personnel est chargé d'assurer chaque jour l'ouverture du centre de 9 heures à 17 heures. Nous n'avons qu'une seule ligne téléphonique, un seul ordinateur en état de fonctionner, une machine à café qui nous a été donnée et qui fonctionne à l'occasion et quelques autres ressources en plus de bénéficier des forces et de la sagesse des femmes de notre collectivité.
Notre centre a ouvert ses portes en 1971 et il continue à être le plus ancien centre en activité au Canada. Un comité directeur composé de bénévoles supervise l'orientation et le fonctionnement du centre. Lorsqu'un financement en provenance d'une autre source le permet, un employé peut venir s'ajouter pour coordonner ce projet.
Nous recevons en moyenne entre 12 et 15 appels téléphoniques par jour et une dizaine de personnes nous rendent visite. Comme je vous l'ai déjà indiqué, les services qui sont sollicités vont de la demande de renseignements à la demande de conseils ou de défense d'un dossier en passant par des nécessités de base comme l'habillement ou la nourriture. Nombre de femmes viennent simplement faire un tour pour retrouver un cadre accueillant dans lequel elles se sentent en sécurité et où elles peuvent partager leurs préoccupations et leur joie.
Au moment où je rédigeais cet exposé, le centre a appris qu'une autre femme avait été tuée. Les quelques détails fournis au sujet de ce meurtre nous ont amenés à penser que nous connaissions cette femme et plus tard, le lundi, nous nous sommes aperçus que c'était bien le cas. Depuis de nombreuses années, Marguerite venait souvent à notre centre. Nous avions fini par la connaître, elle s'était mise progressivement à nous faire confiance et à nous raconter son histoire.
Sur le plan physique, elle était de très petite taille, rapide dans ses mouvements et ne tenait pas beaucoup de place. Elle avait un très bon sens de l'humour et prenait bien soin de ses amis.
Marguerite était une autochtone née à Cartwright, au Labrador, où elle a encore une bonne partie de sa famille. Elle avait huit enfants et plusieurs petits-enfants qu'elle aimait et qu'elle regrettait de ne pas avoir toujours auprès d'elle.
Marguerite a survécu à nombre de mauvais traitements physiques et mentaux au cours de sa vie adulte. Elle s'est marié deux fois. L'un de ses maris l'a battue si sévèrement qu'elle a dû être hospitalisée. Elle a perdu un rein et a pratiquement failli en mourir. Elle a vécu une dépression, pour laquelle elle a dû être aussi hospitalisée, et elle s'est efforcée d'échapper au piège de l'alcoolisme et de la violence qui ont marqué la plus grande partie de sa vie. Je me souviens d'un jour en particulier où une femme a parlé des mauvais traitements qui lui avaient été infligés et où Marguerite s'est assise à la table pour l'écouter en pleurant comme si cette histoire était la sienne - et c'était vrai en réalité.
Nous lui disions souvent que nous l'aimions et elle se demandait souvent pourquoi. Peu à peu, elle en est venue à penser que nous la considérions comme un être spécial et qu'elle méritait tout ce qui lui arrivait de mieux dans la vie.
La pauvreté était l'une des constantes de la vie de Marguerite. Elle venait souvent nous voir parce qu'elle n'avait plus rien à manger et plus de cigarettes. D'autres fois, elle me demandait de lui couper les cheveux ou d'appeler au téléphone des gens avec qui elle se sentait mal à l'aide pour parler.
C'est parce qu'elle était pauvre que Marguerite vivait comme elle vivait, dans une chambre triste et nue d'une maison de cambreurs du centre-ville aux côtés d'un homme violent et alcoolique qui la terrifiait. Elle avait appris à préserver un petit espace où elle pouvait vivre entourée de ses chats ainsi que des images et des livres qu'elle aimait. Il aurait fallu très peu d'argent pour qu'elle ait un véritable coin à elle, et Marguerite n'aura plus jamais ce bonheur. Sa vie s'est terminée à 51 ans dans la pauvreté et la violence.
Je me sens responsable de la mort de Marguerite et de sa vie dans la douleur et la pauvreté. Je considère que notre société est collectivement responsable de ce genre de choses et d'autres ruptures du contrat social. Pour l'amour de toutes les Marguerites et de l'ensemble des femmes, des enfants et des hommes du Canada, il nous faut cesser de retirer à ces gens tout espoir, la promesse de vivre sans avoir faim, sans subir la violence et dans la dignité. C'est un droit que nous avons acquis à la naissance et il est nécessaire de le respecter si nous voulons un pays et une nation dont nous pouvons être fiers. Je vous remercie.
Le président: Merci, Mme Dingwell-Corbin.
Nous allons maintenant entendre Mike Stokes de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
M. Mike Stokes (représentant régional, Alliance de la fonction publique du Canada, région de St. John's): Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître. Je n'ai reçu l'appel que vendredi et je n'ai donc eu le temps que de préparer quelques notes.
Lorsque je me suis présenté il y a une demi-heure au bureau pour demander où se tenait la séance du comité, on m'a dit que c'était dans la salle Trinité Bas. Je me suis rendu jusqu'à cette salle et j'ai vu que le nom de votre comité y figurait. C'est pourtant une toute petite salle et j'ai cru que vous y aviez entreposé vos bagages.
Le président: Nous essayons de nous faire un maximum de publicité.
M. Stokes: Tout s'explique.
Le président: Vous allez probablement pouvoir lire notre nom sur bien d'autres portes de St. John's.
M. Stokes: J'ai cru que pour mener jusqu'au bout vos compressions, vous vous réunissiez dans un placard.
Mon exposé comporte deux parties. Dans la première, je vous parlerai de nos membres et dans la seconde des problèmes que j'ai vécus toute ma vie. Je vais vous les exposer point par point. J'aimerais tout d'abord qu'il y ait un poste budgétaire s'appliquant au règlement de l'égalité de rémunération qui est en vigueur depuis 1974 pour les employés du gouvernement fédéral.
Le président: Qu'entendez-vous par règlement de l'égalité de rémunération?
M. Stokes: C'est le versement d'un salaire égal pour un travail d'égale valeur.
Le président: Très bien.
M. Stokes: J'aimerais aussi qu'un poste budgétaire couvre le coût d'une vérification comptable de l'efficacité des mesures de sous-traitance déjà prises par le gouvernement fédéral afin de savoir si le gouvernement réalise une quelconque économie. Le gouvernement ne sait pas pour l'instant - du moins aux dernières nouvelles - s'il réalise ou non des économies. Nous pensons qu'il n'en fait pas et qu'il lui en coûte davantage. Cette vérification comptable devrait être faite par le vérificateur général. Si elle était faite par le Conseil du Trésor, il faudrait que les syndicats de la fonction publique y participent pleinement.
J'aimerais ensuite qu'un poste budgétaire couvre le coût d'une vérification comptable devant permettre de savoir pour quelle raison 13,7 p. 100 des Terre-neuviens ont été jugés excédentaires au cours des sept ou huit premiers mois de la réduction des effectifs alors que la moyenne canadienne était de 7,8 p. 100. Nous savons pourquoi, mais il ne semble pas très juste que l'on ait fait preuve de discrimination envers les Terre-neuviens. Approvisionnements et Services a déménagé à Halifax, le service des forêts est parti de St. John's pour aller au Nouveau-Brunswick, le bureau de météorologie a été fermé, etc. On ne peut pas toujours être parfaitement équitable, mais de là à se situer au moins à 50 p. 100 au-dessus de la moyenne canadienne, voilà qui ne semble pas très juste.
Il y a un autre poste budgétaire qui m'intéresse - et je pense que c'est quelque chose sur laquelle votre comité peut se pencher - afin de découvrir pour quelle raison 13,1 p. 100 des handicapés dans la fonction publique ont perdu leur emploi lors de ce rajustement des effectifs. C'est là encore une fois et demie de plus que pour le travailleur moyen, et on les a obligés de quitter leur emploi.
J'aimerais qu'un poste budgétaire nous permette d'étudier les répercussions négatives de l'équilibrage du budget sur le dos des travailleurs et sur les 1,5 million de chômeurs. Comment le pays peut-il surmonter une telle épreuve?
J'aimerais qu'un poste budgétaire couvre le coût de l'enlèvement de quelque 7 000 milles de filets fantômes dans les zones de pêche de Terre-Neuve et du Labrador. Si vous avez besoin d'explications, je peux vous en donner.
Le président: Allez-y.
M. Stokes: Ce sont les filets qui sont perdus dans les tempêtes. Ils sont surmontés par les flotteurs - vous les connaissez.
Pourquoi avons-nous continué ces cinq dernières années à appliquer le programme LSPA à des pêcheurs qui se feraient un plaisir d'aller retirer de l'eau ces filets perdus dans la tempête? Je vous le répète, ces filets ont un fond plombé, sont équipés de cordes en cuir et sont surmontés par des flotteurs. Ils se remplissent de poissons, coulent, les poissons pourrissent, ils se remettent à flotter, se remplissent et coulent à nouveau.
Il y a 20 ans qu'ils sont là. C'est là une responsabilité du gouvernement fédéral et, à partir du moment où vous n'assumez pas une responsabilité aussi infime alors qu'elle ne vous coûte rien, on peut se poser des questions.
J'aimerais qu'un poste budgétaire permette de financer largement les gens qui veulent faire de la pisciculture. Il y a de nombreuses petites localités qui n'ont qu'une vingtaine de maisons et dont les égouts se jettent dans l'océan. Une installation permettant de procéder à un minimum de traitement des eaux usées rendrait cette partie de l'océan propre à la pisciculture. Je parle plus précisément des crustacés.
J'aimerais qu'un poste budgétaire permette d'étudier la possibilité d'adopter pour la fin de l'exercice budgétaire une date plus pratique que celle de la fin mars. Je vais vous en donner les raisons dans quelques instants.
Lorsque la fin de l'exercice budgétaire se situe en mars - j'imagine que cela nous vient d'Angleterre - nous sommes en avril ou en mai lorsque les nouvelles prévisions budgétaires sortent. Pour un ingénieur qui travaille à Travaux publics Canada, par exemple, cela signifie qu'il va obtenir les données correspondantes en juin et en juillet, qu'il va rédiger les plans et devis en août et lancer un appel d'offres en septembre. Par conséquent, les grands travaux du gouvernement sont lancés en hiver alors qu'ils coûtent deux fois plus cher qu'en été. Ce n'est pas trop pratique et je pense que c'est une chose que l'on pourrait changer très facilement. Éventuellement, il faudrait soit changer la fin de l'exercice budgétaire, soit passer à un exercice de deux ans.
L'essentiel, c'est de travailler intelligemment.
Le président: Merci, Mike Stokes.
C'est une bonne liste. Nous en sommes déjà à huit.
[Français]
Monsieur Laurin, vous aimeriez peut-être commencer?
M. Laurin (Joliette): M. Crosbie a parlé de certaines compressions dans les programmes sociaux. J'aimerais que ses propos soient plus précis et qu'il nous indique quels programmes, à son avis, devraient faire l'objet de compressions les premiers.
[Traduction]
M. Crosbie: Je ne pense pas que nous ayons dit qu'il fallait comprimer les programmes sociaux. Nous voulons que l'on réduise les dépenses qui ne sont pas nécessaires dans d'autres secteurs de façon à protéger nos programmes sociaux. De toute évidence, nous dépensons plus que nous ne gagnons et il faut que cela change si nous ne voulons pas que tout soit remis en cause, y compris les programmes sociaux.
[Français]
M. Laurin: Je m'excuse, mais j'avais cru comprendre que vous parliez de réduction des dépenses dans certains programmes sociaux. Si j'ai bien compris, j'aimerais que vous m'indiquiez dans quels programmes sociaux vous voudriez qu'on réduise les dépenses. Tous les autres témoins pourraient aussi répondre à cette question.
[Traduction]
M. Crosbie: Nous n'avons jamais dit que nous voulions réduire les dépenses en ce qui a trait aux programmes sociaux. Nous voulons que les dépenses restent au même niveau qu'à l'heure actuelle. Nous voulons que l'on examine les programmes et que, s'ils sont dispensés de manière inefficace et non rentable, on change la façon de les administrer, mais nous n'avons jamais préconisé de coupures dans les programmes sociaux.
[Français]
M. Laurin: Je vous remercie de cette précision.
Madame Pollard, vous avez parlé de l'aide aux petites entreprises et de la présence des banques.
Puisque que plusieurs témoins que nous avons entendus cette semaine sont venus nous dire qu'on devrait supprimer les subventions aux entreprises, j'aimerais que vous nous indiquiez si vous croyez que le gouvernement devrait se retirer de cette forme d'aide à l'entreprise.
[Traduction]
Mme Pollard: Je vous remercie. Je pense que le gouvernement peut prendre certaines responsabilités et accorder certaines facilités pour aider les petites entreprises. Nous avons besoin qu'on nous entende. Là encore, je vous parle en fonction de mon expérience en tant qu'exploitante d'une petite entreprise. Je peux vous dire que les banques nous ont donné un mal de chien.
Laissez-moi vous expliquer très brièvement pour quelle raison je vous dis cela.
Pendant un certain nombre d'années, nous avons exploité une petite entreprise saisonnière. J'avais une marge de crédit, qui correspondait à ma garantie personnelle. Je m'adressais à la banque une fois par an - normalement à cette époque de l'année - et nous allions déjeuner avec le directeur de la succursale. Mon mari m'a accompagnée à la réunion. L'agent des prêts nous a dit que notre marge de crédit ne posait aucun problème, qu'elle était toujours là et que nous pouvions continuer comme avant.
Un mois plus tard, j'ai reçu un appel. Les responsables m'ont dit qu'ils étaient désolés mais qu'ils me demandaient de rembourser le prêt. On entendait parler à ce moment-là des problèmes d'Olympia et York et de Canary Wharf en Angleterre. Les grandes banques perdaient à cette époque une grande partie de leurs profits et leurs actionnaires ruaient dans les brancards.
Donc, vous voyez, ma petite entreprise est l'une de celles qui ont souffert de cette situation. En tant que petite entreprise, je n'avais pas suffisamment d'argent pour lutter contre la bureaucratie en engageant des avocats.
C'était en décembre. La banque demandait à une entreprise travaillant dans le commerce de détail de rembourser son prêt un 1er décembre. À qui pouvais-je m'adresser? Que pouvais-je faire? Je ne pouvais pas lutter. Le plus simple était de fermer mon entreprise et de payer le solde moi-même en faisant jouer ma garantie personnelle. La banque n'a donc rien perdu.
C'est la façon d'agir des banques. Je pense qu'il doit y avoir un moyen, que ce soit par l'intermédiaire d'une subvention du gouvernement ou en faisant en sorte que la banque alloue davantage d'argent aux petites entreprises qui souscrivent des prêts... Nous ne parlons pas ici de gros montants. Comme l'a dit Charlie, il ne s'agit pas ici de prêts de 250 000 $, mais de prêts de 10 000 $, 15 000 $ ou 50 000 $. Il doit y avoir un moyen pour le gouvernement de nous aider.
Nous avons parlé aujourd'hui de partenariat. C'est le mot à la mode. Nous avons besoin d'un appui. Nous avons besoin de nous faire entendre. Nous avons besoin d'un médiateur.
Je me suis félicitée tout à l'heure de savoir qu'il y aurait un médiateur, mais il faut aussi qu'il y ait quelqu'un qui se penche sur les profits excessifs que font les banques. Il doit y avoir un moyen d'en réinvestir une partie et de donner aux entreprises la possibilité d'obtenir des prêts et de les rembourser.
Aujourd'hui, les 20 étudiants qui suivent des cours dans le cadre de mon programme de formation en tourisme sont pleins d'espoir. Ils veulent être entrepreneurs dans le secteur du tourisme. Nous allons créer un module pour les entrepreneurs dans le cadre de ce cours après Noël. Ils me demandent à qui ils peuvent s'adresser pour obtenir un prêt de 10 000 $.
L'année prochaine sera particulièrement marquante pour notre province du fait de la promotion du 500e anniversaire de l'arrivée de Cabot et de l'afflux de touristes que cela va occasionner. Nombre de mes étudiants veulent lancer leur petite entreprise. Ils aimeraient pouvoir aller demander un prêt de 5 000 $ ou de 10 000 $. Ce sont des étudiants qui ont 20 ou 21 ans. Ils n'ont pas les fonds personnels ni les garanties devant leur permettre de lancer une petite entreprise.
Je pense donc que nous avons besoin du soutien dont je vous ai parlé. Nous avons besoin d'une aide du gouvernement pour pouvoir combler cette lacune. Nous ne demandons pas qu'on nous fasse des cadeaux, nous voulons pouvoir obtenir des prêts et des prolongations de délai pour ce qui est des remboursements.
J'espère avoir répondu à votre question, monsieur Laurin.
[Français]
M. Laurin: Oui, madame Pollard, vous y avez répondu en partie. Je voudrais toutefois que vous me précisiez s'il ne serait pas suffisant que l'État intervienne seulement dans le domaine des prêts à la petite entreprise plutôt que d'ajouter des subventions qui souvent profitent non seulement à la petite entreprise, mais peut-être encore plus à la grande entreprise. Les entreprises se lancent en affaires et, après quelque temps, partent avec le capital et l'argent du gouvernement et des contribuables. On l'a vu particulièrement dans le cas de certaines grandes entreprises comme Hyundai, qui avait reçu des subventions et qui, cinq ans plus tard, fermait ses portes.
Ne serait-il pas suffisant que l'État favorise l'accès à des capitaux pour la petite entreprise, cesse d'accorder des subventions et se concentre plutôt dans le domaine des prêts, que ce soit sous forme de prêts garantis ou d'autres prêts auprès des banques qui sont là pour faire ce genre de transactions? Souhaiteriez-vous que les subventions soient complètement abandonnées?
[Traduction]
Mme Pollard: Tout d'abord, nous ne parlons pas de grosses entreprises comme Hyundai ou comme les grandes multinationales; nous parlons de très petites entreprises. Notre province n'a pas une grande assise industrielle. Par petite entreprise, nous entendons des entreprises qui peuvent avoir entre 5 et 10 employés.
À l'heure actuelle, j'ai deux employés à plein temps et quatre employés à temps partiel. Nous avons une petite entreprise qui a bien du mal à joindre les deux bouts.
Je n'en pense pas moins qu'il faut effectivement que les petites entreprises assument leurs responsabilités. Je vous répète que nous ne voulons pas de cadeaux. Nous ne demandons pas de cadeaux au gouvernement.
Nous voulons par contre que les modalités soient plus souples et que nous soyons mieux traités lorsque nous nous adressons aux banques et aux sociétés de prêts pour obtenir des fonds. Nous voulons être mieux considérés. Lorsqu'un jeune de mon programme de formation n'a pas 20 000 $ en garantie de prêt, comment va-t-il pouvoir lancer une petite entreprise?
Je pense qu'il faut qu'un mécanisme soit mis en place. Combien faut-il que le gouvernement investisse en subventions? Je n'en suis pas sûre, mais je n'en considère pas moins qu'il a des responsabilités, notamment dans la région de l'Atlantique, surtout lorsque l'on sait que les petites entreprises sont l'épine dorsale de notre pays. Ce sont les petites entreprises qui emploient le plus grand nombre de personnes.
Si les petites entreprises réussissent, le gouvernement réussira lui aussi. Le gouvernement en retirera lui aussi les bénéfices. L'essentiel, c'est que la population soit employée, qu'elle contribue à la croissance de l'économie et qu'elle paie des impôts.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Laurin.
[Traduction]
Monsieur Grubel, vous avez la parole.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur Peterson. C'est toujours pour moi un plaisir d'être ici.
J'ai une rapide question à poser à M. Stokes et deux autres à M. Crosbie.
Monsieur Stokes, combien d'heures ou de journées de travail faut-il faire pour relever un certain pourcentage de ces filets de pêche qui sont à la dérive? Est-ce une grosse entreprise?
M. Stokes: Je crois savoir qu'une expérience a été faite par Fogo il y a cinq, six ou sept ans. On a retiré de l'eau plusieurs centaines de filets en deux ou trois jours. On est parti à leur recherche pour les ramener. Il pourrait y avoir un mécanisme, un système de récompenses, par exemple, qui ferait que quiconque repêche un vieux filet sur le fond de la mer et le rapporte à un agent des pêches toucherait un certain montant à titre de récompense. Je ne pense pas qu'il faille payer une fortune.
M. Grubel: On peut penser que les pêcheurs les trouvent lorsqu'ils chalutent. Ils en trouvent régulièrement. Qu'en font-ils?
M. Stokes: Les pêcheurs de Terre-Neuve n'ont pas le droit d'aller en mer.
M. Grubel: Je veux parler du passé. Il y a là certainement une accumulation de négligences au fil des années, n'est-ce pas?
M. Stokes: Oui. Les pêcheurs côtiers ne lancent pas leur chalut dans cette zone. S'ils le faisaient, les filets auraient été relevés par les chaluts. On perd des filets dans les zones où l'on pêche au filet et à la ligne.
M. Grubel: Je vois. Je trouve tout à fait étonnant qu'on néglige une source aussi évidente de rétablissement des stocks dans une région où le poisson disparaît.
M. Stokes: Oui, en effet. C'est un scandale.
M. Grubel: J'aimerais poser une ou deux questions à M. Crosbie, si vous me le permettez.
Comme vous le savez peut-être, il est probable que chaque année, du fait de la croissance économique - nous espérons qu'elle se poursuivra pendant quelques années encore - le gouvernement, avec le même taux d'imposition, recueille 7 milliards de dollars de recettes supplémentaires.
Au point où en est le déficit, un tel niveau de croissance peut permettre de le supprimer en deux ans environ. Si les taux d'intérêt restent bas, il est possible que ça se fasse encore plus rapidement que cela. En un an, ou un an et demi, le déficit sera éliminé.
Par la suite, ces 7 milliards de dollars par an continueront à rentrer dans les caisses du gouvernement. Il s'agira alors pour le ministre des Finances de se demander ce qu'il faut faire de cet excédent.
Il y a trois possibilités. La première est d'augmenter à nouveau les dépenses. La deuxième de rembourser la dette. La troisième de réduire les impôts.
Je me demande si M. Crosbie et ses collègues qui travaillent dans l'entreprise, qui ont réfléchi sur ce genre de choses, ont une préférence. Toutefois, je veux aussi demander à chacun des autres témoins de nous dire quel est le choix qu'ils recommandent au gouvernement.
M. Crosbie: Pour notre province, ce serait un mélange des deuxième et troisième solutions, et il s'agirait essentiellement de rembourser la dette. J'estime que tant que le problème de l'endettement n'est pas réglé, dès que l'on se retrouvera en présence d'un ralentissement de l'économie ou dès que les taux d'intérêt se remettront à grimper, les déficits réapparaîtront très rapidement parce qu'un tel niveau d'endettement par habitant pose un problème structurel.
Toutefois, si les choses se présentent ainsi, le gouvernement aura éventuellement davantage de latitude pour réduire le fardeau du contribuable. Les contribuables sont au bout du rouleau. Les possibilités de dégrèvement fiscal disparaissent et même si les taux d'imposition ne changent pas, les montants effectifs en dollars que nous payons augmentent de manière significative.
M. Grubel: Effectivement. Je suis très heureux de savoir que c'est aussi l'opinion qui a cours à Terre-Neuve parce que j'ai fait faire des sondages pour demander aux gens de ma circonscription quelle était leur préférence, et ils m'ont répondu à peu près ce que vous venez de me dire.
J'ai une deuxième question à vous poser. Un institut de recherche d'Halifax vient de publier une étude étonnante en ce qui a trait aux effets des subventions dans ce secteur par le passé. Chiffre absolument renversant, si l'on prend le montant de l'ensemble des subventions perçues par les provinces de l'Atlantique depuis la guerre, on arrive à un total de 400 000 $ pour chaque homme, chaque femme et chaque enfant des provinces de l'Atlantique. Lorsque j'y pense, si l'on avait placé cet argent à huit pour cent, on pourrait verser, sans toucher au capital, un revenu de quelque 32 000 $ à chaque homme, chaque femme et chaque enfant.
La question que je vous pose, c'est qu'est devenu cet argent? Où est-il passé? L'équivalent de 400 000 $ par personne, répartis sur les 50 ans depuis la fin de la guerre, c'est devenu aujourd'hui... Où est cet argent? Que s'est-il passé?
J'aimerais demander aussi à Mme Pollard, ou à tous ceux qui estiment que l'on devrait verser davantage de subventions, comment faire les choses différemment à l'avenir pour ne plus voir cela. En dépit des énormes subventions que nous avons ainsi versées, nous nous retrouvons ici dans une région en crise, ou du moins dans certains secteurs. Qu'est-ce qui a mal tourné et peut-on faire à l'avenir les choses différemment?
M. Crosbie: J'imagine que la majeure partie de cet argent est probablement retournée en Ontario ou quelque chose comme ça. Pour l'essentiel, depuis que Terre-Neuve s'est jointe au Canada, notre économie est à la merci des régions centrales. Donc, pour retrouver cet argent, dans des infrastructures et des choses de ce genre... je n'en fais pas grand cas, disons-le, il faut l'investir dans nos murs, pour assurer un véritable développement sur place. Plutôt que de recevoir des subventions, nous préférerions que le gouvernement fasse un véritable effort de diversification de ses achats, qu'il dispense davantage de services et qu'il corrige les déséquilibres pour ce qui est de l'affectation géographique des employés fédéraux - des choses de cette nature.
M. Grubel: Vous voyez toutefois comment ça fonctionne. Avec 30 000 $ par an vous arrivez à 90 000 $ pour une famille de trois personnes et vous pouvez dépenser tout cet argent pour acheter des produits de l'Ontario, du Maine ou de Boston tout en ayant encore 90 000 $ l'année suivante. Vous pouvez financer toutes vos importations. C'est tout cet argent que le gouvernement a déversé sur votre région. Où est-il passé et y a-t-il moyen de faire mieux la prochaine fois?
M. Crosbie: J'imagine qu'une bonne partie de cet argent a été investi dans les infrastructures: hôpitaux, universités, écoles, routes et autres choses de cette nature. Terre-Neuve avait un grand retard à rattraper lorsqu'elle s'est jointe à la Confédération et nous en sommes maintenant au même point. Cela ne nous a pas permis de rattraper le reste du Canada.
M. Grubel: Avez-vous des propositions à nous faire pour que nous agissions différemment à l'avenir?
M. Crosbie: Faire en sorte qu'il y ait ici de véritables emplois, des personnes en chair et en os qui travaillent et qui vivent au sein de la collectivité...
M. Grubel: Quelles sont les mesures qui doivent en découler?
M. Crosbie: Un effort sincère pour diversifier les politiques et les lieux d'achat pour que les industries manufacturières et les emplois à valeur ajoutée se trouvent à Terre-Neuve... et non pas un chèque qui est versé à Terre-Neuve pour que quelqu'un puisse acheter... cet argent ne restant ici que quelques secondes avant de retourner en Floride ou ailleurs pour payer des légumes.
M. Grubel: Lorsque vous dites «vous», de qui voulez-vous parler?
M. Crosbie: Du gouvernement fédéral.
M. Grubel: Les dépenses du gouvernement fédéral devraient être davantage diversifiées.
M. Crosbie: Oui.
M. Grubel: C'est le principal changement que vous aimeriez apporter. Y en a-t-il d'autres?
M. Crosbie: C'est un bon point de départ. Il faut que les régions puissent d'une façon ou d'une autre obtenir une plus grande part des dollars dépensés par le gouvernement, des dollars véritables, ce qui procure des emplois et qui fait que les gens viennent habiter au sein de la collectivité et y achètent, les agences spatiales - toutes ces choses auxquelles le gouvernement consacre des quantités d'argent dans le centre du Canada. Il n'y a aucune raison pour que ça ne se fasse pas ici si l'on veut véritablement égaliser les chances selon les régions.
M. Grubel: Si l'on devait faire par exemple un gros investissement de prestige dans le bras canadien ou quelque chose de ce genre, qui pourrait en assumer ici la responsabilité à Terre-Neuve?
M. Crosbie: Probablement ceux-là même qui sont subventionnés pour le faire dans le centre de l'Ontario.
M. Stokes: Il y a un certain nombre de choses pour lesquelles le gouvernement du Canada fait preuve en effet de discrimination envers Terre-Neuve. Bull Arm a fait dernièrement les manchettes des journaux... Lors de la construction, il y a de nombreuses protestations en provenance du Québec: quelle idée, nous disait-on, de construire ce genre de chose à Terre-Neuve? Désormais, cette province va avoir un chantier naval et elle va pouvoir venir nous concurrencer.
Il y a les chutes Churchill. Nous n'avions pas le droit d'acheminer notre électricité jusqu'aux marchés. Nous avons dû nous en remettre à la province voisine et la vendre, disons, cinq sous le kilowatt alors qu'elle la revend à son tour 1 $ le kilowatt. Chaque cent que vous investissez ici dans la région de l'Atlantique, vous le récupérez sur ce seul projet.
En vertu de l'accord passé avec la région de l'Atlantique, le pétrole d'Hibernia n'a pas été autorisé à être débarqué à Terre-Neuve. Il faut qu'il passe par Montréal.
Le Québec et l'Ontario ont la majorité des sièges et ils font la pluie et le beau temps. Lorsqu'on construit un bâtiment ici, lisez les spécifications, tous les matériaux de construction doivent provenir de l'Ontario. On ne peut pas utiliser de matériaux de Terre-Neuve dans ce bâtiment.
M. Grubel: C'est bien vrai?
M. Stokes: Il suffit de rédiger les spécifications. Lorsqu'on lit les spécifications, on s'aperçoit que l'entreprise chargée du projet est ABC Construction et qu'elle est implantée en dehors de la province, ce qui fait que la personne qui rédige les spécifications sait exactement à l'avance d'où va venir la peinture, les pièces d'acier, les clous, etc.
Je pense aussi à autre chose. Il y avait au Nouveau-Brunswick une entreprise qui depuis longtemps ne payait pas d'impôt. Le gouvernement de l'époque est allé la voir pour lui dire que la situation devenait gênante et qu'il fallait lui faire preuve d'un peu de bonne volonté et payer ses impôts. Le lendemain, on s'est aperçu que cette entreprise s'était réinstallée aux Bermudes. Elle exerce ses activités à l'étranger depuis lors. Son propriétaire est décédé il y a un an environ et 6,2 milliards de dollars ont pu échapper au fisc canadien par le fait qu'ils étaient à l'étranger.
C'est un domaine dans lequel le Canada est complètement en dehors du coup. Vous pouvez demander à une entreprise de faire toute votre recherche et votre développement à l'extérieur du Canada, de facturer ce service à votre entreprise canadienne et d'éviter ainsi l'impôt.
Lorsque vous lisez un rapport, il vous faut bien vous demander qui l'a payé. Tout dépendant de celui qui l'a payé, vous pouvez avoir un rapport...
M. Grubel: Nous avons déjà entendu cela auparavant. La solution qui m'apparaît la plus évidente est de faire en sorte que l'impôt sur le revenu des entreprises soit si faible que toutes les entreprises veuillent faire état de leurs profits ici et comptabiliser leurs dépenses ailleurs. Il est probable que vous retirerez davantage de recettes des entreprises qui déménagent du jour au lendemain. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Stokes: Dans le jeu de la politique, nous sommes perdants.
M. Grubel: Il y a une idée paradoxale qui veut qu'en abaissant les taux d'imposition on modifie en fait les comportement, ce qui augmente les recettes fiscales.
M. Stokes: On en voit un autre exemple avec le moratoire imposé aux pêcheurs de Terre-Neuve, qui ne peuvent pas aller en mer alors que toutes sortes de bateaux étrangers y sont. Ces bâtiments brillent dans la nuit comme des villes. Vous leur demandez: «Comment se fait-il que vous êtes ici» et ils vous répondent: «Eh bien, le Canada nous a octroyé un quota de pêche parce que nous achetons des quantités de tracteurs fabriqués en Ontario».
Que se passe-t-il? Le gouvernement du Canada signe des accords commerciaux avec différents pays qui achètent des produits canadiens fabriqués en Ontario et au Québec et qui, en contrepartie, obtiennent un quota de 6 000 tonnes de capelans ou autres. C'est une chose qui me dérange fortement parce que...
Le président: Quand cela s'est-il passé pour la dernière fois?
M. Stokes: Pour la dernière fois?
Le président: Quand a-t-on vu cela?
M. Stokes: Cela se passe depuis...
Le président: Citez-moi un pays qui a ce genre d'entente avec nous.
M. Stokes: La Russie pêche au large de nos côtes, et le Japon, l'Espagne... L'Espagne a des droits historiques, j'imagine, et c'est la même chose pour la France. Toutefois, nous avons une limite des 200 milles... Le Canada s'en est tout simplement servi pour accorder des permis à d'autres pays. Vous avez en somme décidé de confiner les Terre-neuviens à l'aide sociale pour le plus grand profit des gouvernements centraux - et ce ne sont pas simplement les gouvernements, ce sont les manufacturiers canadiens.
Imaginons que je fasse des affaires en Ontario et que j'aille vendre des tracteurs en Pologne. Quelqu'un me passe une commande de 100 tracteurs à condition d'obtenir un quota de 5 000 tonnes de capelans. Je suis un vendeur de l'Ontario. Je ne sais même pas ce qu'est un capelan. J'appelle donc mon patron et je luis dis: «Bien, c'est vendu; j'ai simplement besoin d'un quota de 5 000 tonnes de capelans. Qu'est-ce que c'est au fait?» Son patron lui répond: «Je n'en sais rien non plus. Regardons dans le dictionnaire... c'est un petit poisson qui se trouve au large des côtes de Terre-Neuve, un poisson comestible.»
Le jour même, l'ambassade de ce pays signe une entente avec le ministère des Pêches, elle reçoit son quota et le vendeur a conclu son affaire. C'est aussi simple que cela. C'est comme cela que ça fonctionne.
Le président: Que devrions-nous faire?
M. Grubel: J'aurais une dernière question à poser.
Le président: Pardon, allez-y monsieur Grubel.
M. Grubel: Je suis de Vancouver et, partout dans l'Ouest, on entend parler de cas qui ne sont peut-être pas aussi extrêmes que celui que vous avez cité, mais nous aussi, nous nous sentons désavantagés par rapport au centre du pays. Depuis longtemps, lorsque nous achetons un réfrigérateur, il faut ajouter au prix d'achat le coût du transport depuis Toronto, alors que nous aurions pu nous fournir à quelques kilomètres plus au sud, les coûts de transport étant réduits en conséquence. Dans ces cas-là, on nous répond toujours qu'on nous a soutenus à nos débuts, ou par d'autres arguments de ce genre.
Pourtant, si l'on songe à l'avenir, une façon de promouvoir le changement serait de décentraliser un certain nombre de fonctions gouvernementales, afin que ce qui doit se faire à Terre-Neuve se fasse effectivement à Terre-Neuve. C'est là, par exemple, que se trouveraient les responsables, le financement de certaines fonctions continuant à être assuré par le gouvernement fédéral, mais à partir de la région, afin d'assurer une plus grande proximité par rapport à la population.
M. Stokes: C'est cela.
M. Grubel: Y voyez-vous une solution, comme cela en serait une pour nous, dans l'Ouest?
M. Stokes: Oui, tout à fait, mais si vous n'êtes pas en mesure de profiter de vos ressources naturelles parce que le centre du pays estime qu'il faut que tout passe par une raffinerie de Montréal, ou quelque...
Au fait, cela a changé mais le pétrole n'atteint toujours pas nos rives. Mais ça, c'est une autre histoire.
C'est donc, disons, un élément de réponse. Mais, encore une fois, le problème est en grande partie dû au fait que le centre ne semble vraiment pas comprendre. Beaucoup de ceux qui siègent à Ottawa n'ont jamais vu la mer. Ils n'ont aucune idée de la situation. C'est ce que je crois fermement.
Ce sont des gens normaux qui aiment pouvoir rentrer chaque soir chez eux auprès de leurs familles. Ils n'aiment pas voyager et donc ils créent du travail. J'entends par «travail» des projets fédéraux. Si j'étais fonctionnaire à Ottawa, 90 p. 100 de mon travail s'effectuerait dans une zone située à moins d'une ou deux heures d'Ottawa. Si je le pouvais, je rentrerais chez moi tous les soirs, et toutes les fins de semaine. Je n'essayerais pas de lancer quelque chose dans le nord du Labrador. Ce genre de projet, je le ferais disparaître, et vite fait, je vous prie de le croire.
M. Grubel: Monsieur le président, non seulement n'ont-ils jamais vu la mer, mais ils n'ont jamais vu non plus la culture qui s'est développée de l'autre côté des grandes montagnes qu'on appelle les Rocheuses. Nous éprouvons le même sentiment.
Permettez-moi de terminer sur une petite note publicitaire: votez Réformiste.
M. Stokes: Si je peux me permettre une petite observation, vous avez dix fois plus de filets dérivants que nous. Les Japonais les ont perdus...
M. Grubel: Je vous remercie.
Le président: On pourrait monter une nouvelle industrie.
Madame Brushett, voulez-vous prendre la parole?
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.
Je souhaite à tout le monde la bienvenue. J'aperçois avec plaisir le visage de personnes que j'ai déjà rencontrées l'année dernière, et je suis contente de me retrouver avec vous ce matin.
Je voudrais évoquer un instant notre programme de LSPA et recueillir votre point de vue sur cela. Comme le savent beaucoup d'entre vous, au cours des trois dernières années, ce programme a été une sorte de ligne de sauvetage lancée à Terre-Neuve par Ottawa.
Hier soir, alors que nous nous rendions ici en taxi, le chauffeur nous a dit que, d'après lui, le programme de LSPA avait été nuisible. Ce monsieur, qui conduit maintenant un taxi, avait, il y a deux ans, une entreprise florissante. Il sous-contractait, il fournissait de nombreux services, et il possédait du matériel lourd. Aujourd'hui, en raison du revenu qui leur est garanti par Ottawa en vertu du programme de LSPA, plusieurs personnes se sont lancées dans le même secteur d'activité. Il s'agit d'un entrepreneur qui doit régulièrement faire face à ses échéances bancaires. Il a été presque ruiné par les programmes de LSPA décrétés à Ottawa. Cela nous porte donc à nous demander, une fois encore, s'il faut que le gouvernement continue à offrir des subventions, s'il faut que le gouvernement intervienne comme cela dans la vie des gens. Je laisserai à chacun le soin de répondre.
Mme Pollard: Je tiens, tout d'abord, à féliciter le gouvernement de la manière dont il s'occupe du déficit. Je crois que nous sommes tous d'accord ici pour dire que nous voulons que nos enfants et nos petits-enfants puissent avoir un mode de vie comparable à celui que nous avons eu. On parle toujours du rêve américain, eh bien il y a également un rêve canadien qui consiste à être propriétaire de sa propre maison, de finir un jour par en régler l'hypothèque, de faire des études et d'élever une famille.
À chaque fois qu'on évoque les subventions - et je crois que M. Laurin m'a interrogée sur cela - je ne suis pas certaine qu'il nous faille des subventions à proprement parler, car je crois qu'il faut que le petit entrepreneur assume tout de même ses responsabilités. Il me faut donc moi-même obtenir un prêt et négocier avec ma banque. Ce que je veux dire c'est que si je fais tout cela, je m'implique beaucoup plus que si l'on me donnait tout sans que j'aie à lever le petit doigt.
Mme Brushett: Mais, dans ce domaine, nous avons, dans le cadre du programme de DRH, un programme d'aide aux jeunes entrepreneurs débutants, programme qui offre des prêts de 1 000 à 5 000 $ aux travailleurs indépendants. Vos étudiants ne peuvent-ils pas bénéficier de ce programme?
Mme Pollard: C'est bien ce que nous espérons faire, et je vais demander à quelqu'un de venir leur en parler. Mais, Dianne, il faudrait aussi que l'information disponible soit diffusée à ceux qui en auraient besoin. La communication est peut-être un autre aspect du problème. Nous ne sommes pas toujours au courant de tout ce qui se fait, et je crois qu'il faut tenir compte de cela.
C'est comme tout. Si un étudiant s'investit dans un programme, ou si je m'investis dans mon activité d'entrepreneur, je suis plus impliquée que si je n'ai qu'à me servir. Je vais donc être davantage portée à faire l'effort nécessaire pour que cela réussisse.
D'après moi, il s'agissait, plus précisément, de savoir comment faciliter la tâche des petites entreprises. Il faudrait qu'une sorte d'ombudsman puisse épauler ceux qui en ont besoin. Nous avons le taux de chômage le plus élevé de tout le pays.
Les gens de Terre-Neuve ne veulent pas qu'on leur fasse l'aumône, mais, compte tenu du programme de LPSA, pouvaient-ils faire autrement? Comment donner une nouvelle formation aux pêcheurs qui ont fait cela toute leur vie, qui proviennent de familles où l'on est pêcheurs depuis des générations? C'est extrêmement difficile, car beaucoup d'entre eux n'ont pas l'instruction nécessaire pour prétendre à d'autres emplois. D'après les études qui ont été menées, il faudrait assurer à un grand nombre d'entre eux un très fort complément d'instruction et de formation simplement pour les mettre en état de prendre pied sur le marché de l'emploi. Je ne dis nullement cela pour diminuer mes concitoyens de Terre-Neuve, mais c'est indéniable.
L'éducation et la formation sont donc, il est clair, des volets majeurs du problème, surtout lorsqu'on songe aux compressions et, dans un même souffle, à la nécessité d'adapter l'éducation aux nouvelles données de l'économie. Voilà un des problèmes qu'éprouvent justement beaucoup de grandes et très grandes entreprises. Les gens ne sont pas formés aux métiers de la nouvelle économie. Les petits entrepreneurs qui entendent se lancer dans les affaires doivent tenir compte de cela et chercher à voir quels sont les besoins de la nouvelle économie et dans quel secteur il y aura des emplois.
Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, s'il n'est pas nécessaire de distribuer des subventions, il faut tout de même prévoir une aide telle que celle qu'autoriserait, comme disait Charlie, un impôt de trois pour cent sur les banques, le produit étant réinvesti dans la petite entreprise. Ça ne me gêne nullement d'emprunter une somme qu'il me faudra rembourser, mais ce que je ne veux pas, c'est me voir constamment opposer un refus ou de nouveaux obstacles. Je connais mon produit. Je sais que je peux réussir, et je pense pouvoir donner de l'emploi à cinq ou dix personnes. Je tire satisfaction d'une activité qui me convient, des emplois que je crée et de la contribution que je fais.
La solution ne consiste pas nécessairement à distribuer des subventions, mais il faut trouver le moyen d'encourager la petite entreprise.
Le président: Madame Dingwell-Corbin.
Mme Dingwell-Corbin: Je tiens à ajouter que, dans notre région, il y a eu plus de 30 000 licenciements dans l'industrie de la pêche. Il s'agit d'un des plus importants licenciements collectifs de toute l'histoire du Canada. Existait-il une autre solution? Que pouvions-nous faire? Il leur fallait bien un revenu. Encore une fois, on a essayé de régler le problème à coups de billets de banque. On n'a pas assez réfléchi à ce qu'il fallait faire.
Certaines femmes n'ont pas pu bénéficier du programme de LPSA, alors qu'elles avaient travaillé 15 ou 20 ans à bord des bateaux, au même titre que les hommes. Elles ont dû remplir un formulaire après l'autre et faire venir des témoins pour prouver qu'elles avaient effectivement travaillé à bord des bateaux au même titre que les hommes, et on a tout de même refusé de les faire bénéficier du LPSA. Certaines femmes ont suivi une formation de deux ans et plus. Je connais le cas d'une femme qui a suivi une formation de plus de deux ans en comptabilité et dans d'autres domaines informatiques. Elles suivent de longues périodes de formation mais se retrouvent tout de même sans emploi.
Mme Brushett: Ne devrait-on pas supprimer ces programmes et admettre que, dans certaines régions, il va peut-être falloir instaurer un revenu minimum garanti, car l'emploi ne va peut-être jamais reprendre, que ce soit en raison de l'éloignement, de climat ou d'un des autres facteurs qui influencent l'économie? Ne devrait-on pas se plier à cette réalité-là, plutôt que d'entretenir les abus liés à nos soi-disant programmes.
Selon M. Crosbie, nous devrions mettre un terme aux programmes inefficaces ou aux services qui ne sont pas essentiels. Je ne sais pas quels seraient, d'après vous, ces services non essentiels, mais nous avons constaté que ce qui peut vous paraître non essentiel est, pour quelqu'un situé dans une autre région, une ligne de sauvetage. Comment concilier cela tout en assurant que les deniers publics sont dépensés de manière responsable, ainsi que l'exigent les contribuables canadiens?
Mme Dingwell-Corbin: Quand le gouvernement du Canada va-t-il cesser d'écouter ceux qui contrôlent pouvoir et argent et commencer à écouter les citoyens de base? Nous sommes bien là, mais personne ne parle en notre nom. L'année dernière, déjà, nous avons comparu devant le Comité permanent des finances et nous avons fait rire de nous. C'est pourquoi, cette année, nous sommes très peu à être revenus devant vous. Nous sommes las de combattre. Nous sommes las d'avoir à regarder à tout et à grappiller quelques sous. Les réponses sont là. Quand va-t-on s'en apercevoir?
Mme Brushett: Je suis d'accord, madame Corbin, que le cas de cette dame... Marguerite, est tout à fait regrettable.
En Nouvelle-Écosse, là où j'habite, par exemple, si l'on m'avait parlé de cette situation, je sais qu'il y a de la place dans notre résidence pour personnes âgées, même si cette dame n'avait que 50 ans. L'écart est grand entre les personnes de 50 ans et celles de 65, mais on admet dans cette résidence des personnes qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite - c'est-à-dire avant qu'elles n'aient droit à une pension - en raison des places disponibles, et du fait qu'il y a de gens, et notamment des femmes, qui souffrent d'un déficit d'instruction. Cette possibilité n'existait-elle pas chez vous? N'aviez-vous pas ici la possibilité que j'aurais peut-être eue en Nouvelle-Écosse?
Mme Dingwell-Corbin: Dans cette province, les occasions qui s'offrent aux femmes sont en dessous de tout, très différentes de ce qu'il en est dans toutes les autres provinces. Je vous assure que cela n'est pas drôle.
Mme Brushett: C'est tragique.
Mme Dingwell-Corbin: C'est proprement tragique.
Monsieur Rennie, voulez-vous prendre la parole pour dire ce qui est arrivé aux personnes âgées au cours des derniers mois. Peut-être pourriez-vous expliquer au comité les petits changements qui ont été apportés aux programmes gouvernementaux destinés aux personnes âgées.
M. Rennie: Très volontiers. Dans cette province, on a augmenté le prix des maisons de repos, le coût d'un séjour passant de 1 510 $ par mois à 4 000 $, soit une augmentation d'environ 150 p. 100. Il est certain que cela va surtout affecter les personnes qui en ont les moyens, mais il est clair que les gens qui auraient économisé pas mal d'argent dans leur vie - disons de 40 000 à 50 000 $, ce qui n'est pas vraiment beaucoup d'argent - auraient tout dépensé au bout d'un an, et, après cela, seraient à peu près forcés de renoncer à toute dignité. Après de longs pourparlers avec les représentants des personnes âgées, le gouvernement a ramené le coût à 2 800 $ par mois. Nous estimons que c'est tout de même très élevé.
J'ajoute à cela la prochaine diminution des crédits pour les soins aux personnes continuant à vivre chez elles. Ces crédits deviennent de plus en plus difficiles à obtenir et cela est très inquiétant.
Je suis d'accord avec ma collègue pour dire que les personnes les plus touchées par cela sont les femmes âgées, qui représentent d'ailleurs la majorité des personnes âgées. C'est un réel problème.
Depuis le début, j'écoute patiemment le débat sur la question des subventions et j'estime que les subventions que l'on verse aux gens, disons par l'intermédiaire du programme de LPSA ou d'autres programmes de ce genre, sapent le goût du travail que les gens avaient développé au cours des ans. Je ne pense pas que ce soit la bonne manière de procéder. Bien sûr, que pouvait-on faire d'autre en l'occurrence? Nous venions d'assister, répétons-le, au plus grave licenciement collectif de toute l'histoire du Canada, et le gouvernement est intervenu.
Je ne pense pas que les subventions soient la bonne... J'estime qu'on aurait dû y réfléchir davantage et consulter les intéressés. Dans cette région, la solution consiste à créer des emplois et non pas à distribuer des subventions. Nous ne voulons pas d'aumône.
Le président: Bravo. Mais alors, John, quelles sont les solutions. Continuons à chercher les réponses.
M. Rennie: Il faut trouver le moyen d'encourager les entreprises à s'installer ici. Une des choses qui découragent le plus les entreprises de venir s'installer ici - la faute en cela est, me semble-t-il, partagée entre le fédéral et les provinces - c'est le régime fiscal qui leur est applicable. Il y a l'assurance contre les accidents du travail, la taxe sur les salaires, les diverses taxes, fédérales et provinciales, que sont normalement tenues d'acquitter les entreprises, autant de facteurs qui découragent fortement l'installation des entreprises. Cela affecte l'ensemble de la population.
Un des groupes les plus gravement touchés sont les personnes ayant 45 ans et plus, qui sont licenciés, soit par le gouvernement, soit par le secteur privé. Ces gens-là ne peuvent pas trouver d'autre emploi dans la province - ils n'en trouvent pas, un point c'est tout. Et cela est vrai des hommes comme des femmes. Cela va beaucoup peser sur l'action des gouvernements futurs et sur leur capacité d'assurer aux intéressés une pension de retraite et diverses autres prestations. En fin de compte, il faudra prélever tout cela sur les contributions fiscales de la population active, et donc, il faut agir.
Mme Brushett: Monsieur Rennie, en ce qui concerne les mesures d'incitation à la création d'emplois, il suffit de songer à ce qui s'est passé il y a cinq ans et au véritable fiasco qu'a été le projet de construction de serres destinées à la culture du concombre. Tous ces millions de dollars - on s'est dit, mais où est donc passé l'argent? Personne ne sait où est passé l'argent, mais le projet n'a jamais permis de créer des emplois et d'assurer à l'économie locale, une croissance sûre et durable.
On retrouve ce genre de choses tout au long de l'histoire, non seulement à Terre-Neuve, mais également en Nouvelle-Écosse et des autres provinces de l'Atlantique, et c'est là que... Peut-on offrir des mesures d'encouragement? Sont-elles efficaces?
M. Rennie: Il faut bien réfléchir à ce qu'on va faire. Je ne sais pas si nous étions nombreux, mais, à l'époque, lorsque j'ai entendu dire que le gouvernement allait subventionner à Terre-Neuve la construction de serres destinées à la culture du concombre, je me suis posé des questions. Si vous songez au nombre de concombres que consomme chaque année le Terre-Neuvien moyen, vous êtes porté à vous poser des questions.
Il y a aussi le fait qu'on les installait à Saint-Jean, sans doute la ville la plus embrumée de tout le Canada...
Mme Brushett: Et la plus éloignée des marchés.
M. Rennie: En effet. On aurait pu, à la rigueur, surmonter l'éloignement si le projet s'était défendu sur tous les autres plans. Je dois reconnaître que nous ne...
Le président: Charlie Hutton, voulez-vous répondre sur ce point?
M. Hutton: Eh bien, d'abord, je tiens à...
Le président: Voulez-vous vous en tenir aux concombres?
M. Hutton: J'y reviendrai très vite. Il s'agissait là d'un fiasco d'origine provinciale, et c'est loin d'avoir été le seul. J'estime, encore une fois, que cela montre bien que lorsque le gouvernement provincial ou fédéral essaie, en intervenant massivement, de résoudre le problème - sans y réfléchir suffisamment.
Permettez-moi de situer un peu le contexte historique en remontant à 1949, date à laquelle Terre-Neuve est entrée dans la Confédération. J'essaie de me montrer aussi patient que possible lorsqu'on nous considère comme une république bananière ou comme le cousin pauvre de la Confédération, alors qu'il y a ici, d'après moi, suffisamment de capacités intellectuelles pour en remontrer au reste du pays, si tant est qu'on nous en donne la chance.
En fait, le goût du travail est mort ici lorsque les saisonniers de la pêche ont reçu le droit de toucher l'assurance-chômage pendant l'hiver. C'est à cette époque-là qu'ils ont arrêté d'aller couper du bois, comme ils avaient l'habitude de le faire. Ils ont pris la pente du moindre effort, se disant «Pourquoi, donc?» On les subventionnait. Voilà l'erreur de départ. Je ne sais pas exactement quand cela s'est passé, lorsque...
Le président: Mike, cela fait combien de temps?
M. Stokes: Ça remonte à environ 1960.
M. Hutton: C'est là, en fait, que le goût du travail est mort à Terre-Neuve. Depuis lors, on a pris l'habitude des subsides. Je n'aime pas entendre dire que, financièrement, Terre-Neuve a été pour le Canada une mauvaise affaire. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je crois que la province voisine, le Québec - qui fait partie du Canada et j'en suis fort heureux - a su en profiter, associée comme elle l'est à Terre-Neuve, dans le domaine hydroélectrique notamment.
J'aimerais voir éliminer un certain nombre d'obstacles afin que nous puissions, comme l'Alberta et les autres provinces, exporter, comme il convient, nos ressources naturelles. Je voudrais voir nos ressources naturelles davantage exploitées sur place.
Je ne veux pas revenir sur la situation dans l'industrie de la pêche, qui, surtout en raison de l'assurance-chômage, a permis, de manière directe ou indirecte, de faire vivre au moins 30, 40 ou 50 000 personnes, alors que cette industrie ne pouvait en fait qu'en accueillir 10 ou 15 000. Voilà l'origine de la crise. C'est essentiellement à cause de l'assurance-chômage.
Puis, il y a, bien sûr, la manière dont le gouvernement fédéral a géré les pêches... Personne ici ne niera que ça été honteux. Les erreurs de gestion commises par le gouvernement fédéral ont démoli toute une industrie.
Je suis désolé. C'est vous qui avez créé le problème. Nous vous remercions des subventions et du régime fiscal, mais, encore une fois, cela ne sert qu'à aggraver la situation. Ici, le goût du travail a presque entièrement disparu. Lorsque les pansements au chocolat et les sucettes fiscales... En tant que Terre-Neuvien qui ne veut pas quitter la région, qui a de la famille ici, et cela depuis des centaines d'années, je m'inquiète beaucoup d'éventuels troubles sociaux et de tout ce qui peut se produire lorsqu'on met soudainement un terme aux subsides gouvernementaux.
Comment rendre aux gens le goût du travail? Je crois qu'il faut que ce goût se régénère, puisqu'il faut que... Encore une fois, cela est étroitement lié à ce que je propose, et c'est... Je ne veux pas que l'on crée une nouvelle agence gouvernementale. Je ne veux pas d'une autre APECA. Nous ne voulons plus de ces gros fiascos, nous ne voulons plus de montages de type Hyundai et des problèmes que cela occasionne, et de tous ces autres projets déments qui nous promettent un remède miracle.
La solution se trouve dans les tendances mêmes de l'économie canadienne, c'est-à-dire dans le secteur de la petite entreprise employant de cinq à dix personnes. Pourquoi ne les aidons-nous pas en leur donnant accès aux financements nécessaires? On ne peut tout de même pas s'attendre à ce qu'un jeune diplômé se voie accorder par une banque un prêt de 10 000 $, alors que les banques préfèrent prêter de 25 000 à 30 000 $, étant donné que c'est cela qu'il faut pour faire élaborer un projet d'entreprise par un consultant ou par une équipe de comptables. Ça n'a aucun sens. On lui impose, dès le départ, un très lourd handicap.
Disons, donc, que les crédits ne sont pas là pour favoriser la croissance. Non seulement on refuse d'arroser les graines, mais on ne veut même pas les aider à germer.
Le problème c'est qu'après le refus des banques et des autres institutions financières, les obstacles, les formalités administratives, tout ce que ça prend pour obtenir les fonds permettant de démarrer... On devrait pouvoir aller trouver quelqu'un, s'entretenir du projet pendant une heure ou deux, s'entendre et repartir avec un prêt de 10 000 $, mais ça, ce serait si l'on appliquait à notre économie les mécanismes simples de la physique. Ce que je veux dire par cela, c'est qu'il est beaucoup plus facile d'entretenir un mouvement que de l'amorcer. C'est pour cela que je dis qu'en matière de financement, on va à l'encontre des simples lois de la physique.
En ce qui concerne la situation de Mme Pollard, j'ai, malheureusement, entendu parler de milliers de cas comparables depuis notre début il y a un an: vous voyez le scénario; la banque intervient et exige le remboursement immédiat, sans cela elle vous lâche. Pendant ce temps-là, on prête aux pays du tiers monde. Les taux sont ridicules, mais sera-t-on jamais remboursé? Nous n'en savons rien.
Je pense qu'on ne contrôle pas suffisamment ces divers organismes, et il est clair que la réglementation est trop lâche. Les établissements financiers gèrent un oligopole. Je ne crois pas que la solution consiste à augmenter le nombre de banques. Je pense simplement qu'il suffirait de mieux contrôler les banques qui existent actuellement.
Mme Brushett: Monsieur Hutton, permettez-moi, sur ce point, une observation. La semaine dernière, justement, le président a eu le plaisir de déposer devant la Chambre des communes notre réponse au Livre blanc sur la refonte de la Loi sur la Banque du Canada qui doit intervenir dans le premier trimestre de 1997. Ce faisant, notre comité a ouvert la porte à une plus grande concurrence, et notamment dans le domaine des prêts aux petites entreprises. Je crois donc que dans l'année qui vient vous allez voir le secteur s'ouvrir davantage.
M. Hutton: À moins d'instaurer une réglementation imposant aux banques des quotas dans ce domaine, le gouvernement du Canada va devoir, soit ponctionner les avoirs des banques en vertu d'une nouvelle taxe, disons une taxe de 3 p. 100, soit s'en remettre pour cela aux banques elles-mêmes en leur permettant de choisir les emprunteurs les plus sûrs. Elles seront bien obligées de le faire si elles doivent respecter, disons, un quota de 100 000 prêts d'un montant maximum de 10 000 $. Soit elles acceptent de prêter, soit elles font parvenir un chèque au gouvernement: ce n'est pas plus compliqué que cela.
Malheureusement, en attendant de donner aux banques l'habitude de voir les choses sous cet angle, il va falloir prendre des mesures réglementaires. Et alors, plus d'aumône pour Terre-Neuve. Cela ne nous intéresse pas.
Le président: Madame Chamberlain.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci. Ce matin, nous avons recueilli de nombreux points de vue et je remercie tous nos intervenants, car cela nous est de la plus grande utilité une fois de retour à Ottawa. Vous avez parfois peut-être l'impression que nous ne vous écoutons pas, mais nous vous écoutons en fait avec la plus grande attention.
Madame Pollard, un ombudsman national a été nommé. Il s'appelle Michael Lauber. Si vous me donnez vos coordonnés, je vous ferai parvenir une brochure et vous pourrez prendre contact avec lui. Il y a des numéros que vous pouvez appeler et où l'on vous expliquera exactement en quoi consiste son rôle. Je précise que j'ai rencontré Michael la semaine dernière. Je le rencontre régulièrement. S'il y a quelque chose que je peux faire pour vous aider à cet égard, du moins en ce qui concerne les contacts à prendre, je vous en prie... Je vais vous donner ma carte.
Monsieur Rennie, vous avez beaucoup parlé des personnes âgées et il est clair qu'elles représentent, pour l'ensemble de la communauté, une ressource précieuse. Le gouvernement entend que cette ressource ne soit pas laissée de côté.
La dette publique a exigé de gros efforts. Le régime de pensions du Canada a suscité des inquiétudes. Lorsque nous avons introduit des changements, nous avons tenté de protéger les personnes âgées de plus de 60 ans en prévoyant une période de transition. Nous avons appris, en effet, que lorsqu'il s'agit d'introduire des changements, il est très important de prévoir une période de transition afin de donner aux gens l'occasion de se préparer. Nous tentons de procéder ainsi avec les renseignements que nous avons recueillis.
Vous avez évoqué un sujet qui a particulièrement retenu mon attention, celui du bénévolat. Personnellement, j'y crois et j'ai fait beaucoup de bénévolat, d'autant plus, dirais-je, que je suis mère de trois adolescents. Le bénévolat n'est pas entièrement gratuit. Cela dit, j'estime que le bénévole en retire beaucoup plus que l'argent que ça peut éventuellement lui coûter. On fait du bénévolat parce qu'on veut être utile et aider les choses à évoluer. On veut aider un organisme ou un groupe et l'appuyer dans ses efforts. J'ai toujours vu dans le bénévolat une de mes responsabilités en tant que Canadienne.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de cela, car si je reconnais que le bénévolat peut exiger un certain effort financier ou une dépense de temps et d'énergie, j'estime que ce genre de participation s'inscrit dans la tradition de notre société. Cela fait partie de la vie canadienne et j'aimerais connaître votre point de vue à cet égard.
M. Rennie: Je ne vous donnerai pas tort sur ce point. Je ne consacrerais pas, sans cela, autant de temps à mes activités bénévoles, mais je suis, je le précise, retiré et je consacre à peu près l'intégralité de mes loisirs à une action bénévole auprès des personnes âgées et des organismes communautaires, qu'il s'agisse d'organismes de soins ou autres. On cite souvent mes propos sur ce point, c'est-à-dire que, maintenant, je travaille à plein temps pour le gouvernement de Terre-Neuve, mais à titre gratuit, prêtant mon concours dans le domaine de la santé et des soins à long terme.
Si je le fais, c'est parce que cela me procure de grandes satisfactions et me permet de rendre quelque chose à la société au sein de laquelle j'ai été élevé.
Ce qui me préoccupe, cependant, c'est que j'ai parfois l'impression qu'on voudrait que les bénévoles viennent compenser l'élimination de certains programmes gouvernementaux, sans pour cela leur offrir les moyens de le faire. Aucun des bénévoles que je connais, qu'il s'agisse de personnes d'un certain âge ou d'adolescents, ne demande à être dédommagé pour le temps consacré à des tâches bénévoles. Leur activité leur procure en effet de grandes satisfactions personnelles, mais si le gouvernement s'attend à ce qu'une organisation telle que le Seniors Resource Centre offre ses services aux personnes âgées, ici ou ailleurs au Canada, eh bien, je vous en supplie, ne supprimez pas les crédits actuellement affectés aux programmes qui leur sont destinés. Nous assurerons le service à un prix bien moins élevé qu'ailleurs, car vous n'aurez pas à nous rémunérer.
Mme Chamberlain: Je vous remercie de cet éclaircissement et je comprends maintenant exactement ce que vous vouliez nous dire. J'estime que c'est effectivement un point très important. Je n'étais pas certaine de vous avoir très bien compris.
Toujours au sujet du bénévolat, je vais maintenant m'adresser à Mme Dingwell-Corbin.
Le récit que vous nous avez fait au début de votre intervention est déchirant. En tant que femme, cela m'a vraiment bouleversée.
Je ne connais pas les cas que vous avez pu rencontrer. J'ai eu affaire à des femmes qui se trouvaient dans de telles situations, et j'ai aussi des amies qui sont parfois assez mal en point.
Mais ce que je cherche à mieux comprendre, car je dois vous le dire franchement, je ne suis pas très au courant de la situation à Terre-Neuve, ce que je cherche à comprendre, donc, c'est ceci. Vous nous avez dit que votre budget n'est que de 40 000 $, ce qui, je l'avoue, n'est pas beaucoup pour faire fonctionner un organisme tel que le vôtre. Je ne sais pas de combien de personnes vous vous occupez chaque année, mais d'après ce que vous avez dit, et compte tenu de la population et de l'ampleur des problèmes, le nombre est probablement assez important. Avez-vous l'aide de bénévoles? Les entreprises locales contribuent-elles à votre action? Pouvez-vous obtenir ce genre d'assistance afin de mieux asseoir les bases de votre action auprès des femmes?
Comment faites-vous? C'est cela, au fond, ma question. Comment y parvenez-vous? Vos moyens sont minces par rapport à l'ampleur des problèmes auxquels vous vous attaquez?
Mme Dingwell-Corbin: C'est parce que nous sommes des femmes que nous y parvenons. Nous avons pas mal l'habitude.
Mme Chamberlain: Bravo, félicitations!
Mme Dingwell-Corbin: En fait, nos crédits ont baissé chaque année de cinq pour cent. Ça n'arrête pas de baisser. Les services, par contre, n'arrêtent pas d'augmenter.
Nous profitons des réseaux que nous avons constitués dans la communauté, et utilisons les ressources qu'on met à notre disposition. Je précise que c'est rarement de l'argent.
Nous collaborons avec des groupes tels que l'Alliance de la fonction publique du Canada, ainsi que d'autres organismes syndicaux et diverses agences communautaires. Je rappelle que beaucoup de ces organismes manquent gravement de moyens qui leur seraient nécessaires...
Mme Chamberlain: Organisez-vous des campagnes de levée de fonds?
J'ai eu l'occasion de travailler avec un certain nombre d'organismes à but non lucratif qui, c'est clair, n'avaient pas beaucoup d'argent. Dans ces cas-là, il faut trouver des sources de revenu complémentaires. Dans notre communauté, nous organisons pour cela toutes sortes de projets, allant de la vente de gâteaux à un programme que nous appelons nous-mêmes TAGS. Nous confectionnons des étiquettes et nos bénévoles demandent aux passants, dans la rue, de contribuer au programme d'alphabétisation. Ainsi, les gens contribuent, disons, un dollar et reçoivent une étiquette. Nous avons plusieurs programmes de ce genre. Nous invitons également des conférenciers ou des artistes locaux qui prêtent bénévolement leur concours pour aider ces divers organismes.
Faites-vous également ce genre de choses pour soutenir l'action des organismes sociaux?
Mme Dingwell-Corbin: Nous le faisons quand nous avons suffisamment de personnes disponibles et, aussi, le temps et l'énergie nécessaires, ce qui n'est pas fréquent, car nous sommes débordés. Il est tellement difficile de toujours demander aux gens de contribuer. Il est avéré que les habitants de Terre-Neuve sont parmi les plus généreux du Canada. Jusqu'où peut aller la générosité de gens? Nous ne le savons pas. Nous sommes presque à bout.
Notre organisme se consacre aux femmes, c'est-à-dire aux personnes qui, traditionnellement, sont les plus démunies. Eh bien ces femmes que nous aidons, ne peuvent pas nous aider. Elles ne peuvent même pas s'aider elles-mêmes. Comment s'attendre à ce qu'elles nous aident? Elles font ce qu'elles peuvent, mais nous n'estimons pas pouvoir leur en demander plus.
Mme Chamberlain: Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Chamberlain...
Mme Chamberlain: Je crois que madame Pollard avait quelque chose à dire.
Le président: Excusez-moi, madame Pollard.
Mme Pollard: Monsieur le président, j'ai simplement une ou deux observations à faire. Les stations de radio diffusent ici un slogan qui a son origine dans le milieu des affaires: «Je crois à Terre-Neuve et au Labrador». Tous les Terre-Neuviens réunis ici croient, il est clair, à Terre-Neuve et au Labrador et c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes ici.
Nous avons de graves difficultés à surmonter. Notre population est en baisse. Je crois que nous avons le taux de natalité le plus faible du Canada. Beaucoup de nos concitoyens vont vivre ailleurs, nos jeunes quittent Terre-Neuve. Je crois qu'il doit y avoir, dans le sud de l'Ontario, plus de personnes originaires d'ici qu'il y en a actuellement à Terre-Neuve. Voilà, donc, autant de sujets de préoccupation. En raison de tout cela, l'assiette de l'impôt baisse également.
J'ai vécu pendant de nombreuses années en Ontario et au Québec. Je suis revenue à Terre-Neuve. Je suis ici car je crois en cette province. J'estime qu'il faut créer des emplois. Nous ne voulons pas ces aumônes dont nous parlions tout à l'heure. Nous voulons donner une nouvelle vie à notre économie. Personne ici n'a peur du travail mais, comme nous l'avons dit plus tôt, et comme l'a dit notamment Charlie, c'est un fait, le goût du travail s'est affaibli en raison des aumônes. J'estime, encore une fois, qu'il faut que les gens s'investissent. Il faut avoir une participation dans quelque chose, pour vraiment pouvoir s'y consacrer pleinement.
Je sais que les Terre-Neuviens sont un peuple vigoureux et je suis certaine que si vous en parliez à ceux qui sont allés vivre ailleurs, vous verriez que 99 p. 100 d'entre eux aimeraient pouvoir revenir ici. Ils reviendraient s'ils pouvaient trouver un emploi. Je pense que si le projet de Voisey Bay démarre, nous pourrons avoir meilleur espoir. Nous songeons également à Hibernia, ainsi qu'aux champs de Terra Nova. Il est donc possible que tout cela crée des emplois permettant aux Terre-Neuviens de revenir et de relancer l'économie.
En attendant, je reviens à ce que nous disions tout à l'heure. Je crois que le petit entrepreneur s'investit plus dans son projet. Nous avons également un grave problème au niveau démographique. La province a un territoire très étendu. On y trouve, le long de la côte de Terre-Neuve et du Labrador, toutes sortes de communautés éloignées et rurales, et cela augmente sensiblement les difficultés lorsqu'il s'agit d'assurer divers services, de créer des emplois ou de mettre en oeuvre des programmes.
J'estime, encore une fois, qu'il faut avoir confiance. Il faut que nous oeuvrions ici sur place, mais il nous faut également l'appui du gouvernement central. Cela ne fait aucun doute. Mais, en plus, nous vous demandons d'essayer de comprendre la situation dans laquelle se trouve notre population.
Si l'on continue à distribuer des allocations ou des subsides, on aggravera la situation au lieu de la corriger, mais, par le passé, ces aides étaient peut-être nécessaires pour maintenir l'espoir. Maintenant, le modèle a changé. Nous sommes passés à une nouvelle manière d'assurer divers services sociaux et je crois qu'il faut tenir compte de cette évolution. Les progrès rapides de la technologie et des moyens de communication suppriment l'isolement. Il faut donc chercher de nouvelles occasions de créer des petites entreprises, même dans les zones éloignées et rurales. Mais il nous faudra un appui. Il nous faut trouver le moyen de desservir nos populations et de créer des emplois pour nos concitoyens afin qu'ils puissent rester sur place à Terre-Neuve.
Mme Chamberlain: Je tenais à vous dire combien je suis heureuse de voir quatre femmes siéger au sein de ce groupe. Nous nous sommes entretenus avec plusieurs autres groupes et il est rare que s'y trouvent des femmes. Parfois on n'en voit pas une seule. Il est extrêmement important d'entendre exprimer ce point de vue et de le voir représenté aux audiences du comité. La chose méritait d'être relevée et je vous félicite du courage dont vous avez fait preuve en comparaissant devant le comité et en plaidant avec autant d'éloquence. Je vous remercie de votre présence ici.
Le président: Bravo!
Brent St. Denis, vous avez la parole.
M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier nos témoins. Comme c'est souvent le cas, nous avons appris beaucoup au cours de ces séances. Parmi les propos fort intéressants entendus aujourd'hui, j'aimerais relever les pensées qu'a suscitées chez moi un mot utilisé par M. Hutton, c'est-à-dire, «graines»; il s'agissait de très petites entreprises, qui peuvent plus tard devenir des moyennes ou assez grandes entreprises. Il s'agit d'entreprises qui, au départ, sont gérées par une ou deux personnes, que ce soit un étudiant qui vient de terminer ses études ou d'un chef de famille monoparentale qui décide de créer une petite entreprise à la maison.
Bien que le ministre des Finances, ce comité et d'autres comités encore aient relevé combien il est important de pouvoir obtenir un capital de départ, j'ai cru comprendre, en entendant ce que nous a dit Mme Pollard et certains autres de nos témoins, qu'on se heurte à un mur. On ne peut donc pas trouver de petites sommes, des prêts de 5, 10 ou 15 000 $ car, et l'on comprend qu'il en soit ainsi, la gestion d'un prêt de 10 000 $ coûte à une banque, probablement autant qu'un prêt de 100 000 $ ou 200 000 $.
Si, en tant que comité, ou en tant que gouvernement, nous pouvions trouver le moyen de renforcer l'action des banques en matière de petits prêts, par voie de réglementation ou en obtenant l'acquiescement des banques, les groupes communautaires tels que le centre des femmes et les autres groupes d'entraide continueraient quand même à jouer pleinement leur rôle car, dans la plupart des cas, même si une entreprise n'a besoin que de 10 000 $, il faut tout de même présenter une sorte de plan d'entreprise, alors qu'on n'aura généralement pas les 2 000 $ nécessaires pour préparer le plan d'entreprise qui permettrait d'obtenir un prêt de 10 000 $. Il faudra donc que, par un effort communautaire, on aide les gens à préparer des projets d'entreprise, que l'on s'entraide afin d'encourager ces entreprises «en herbe».
Pourriez-vous nous dire si, au sein de la communauté, il y a les ressources nécessaires pour aider les femmes et les étudiants qui voudraient monter une affaire. À supposer que ces personnes puissent obtenir un prêt de 10 ou de 15 000 $, pourraient-elles, au sein de la communauté, trouver les ressources leur permettant de dresser un plan d'entreprise et les aidant aussi à mettre leur entreprise en route? Il faudrait que tout cela se fasse au sein de la communauté. J'aimerais savoir si la communauté accorderait son appui si les banques devenaient plus agissantes dans le domaine des petits prêts.
Mme Dingwell-Corbin: Si les banques... C'est un bien grand «si». Cela est surtout vrai ici à Terre-Neuve où l'on vient d'assister à la fermeture, dans toute la province, des guichets de la Women's Enterprise Bureau. Cela ne nous aide pas beaucoup.
Je dois également dire que je ne suis pas d'accord avec plusieurs des personnes qui se sont prononcées. Le goût du travail est, à Terre-Neuve, loin d'être mort. Nous sommes loin d'être le peuple le plus paresseux. Des paresseux, je n'en connais aucun. Cela me contrarie beaucoup d'entendre parler, au cours de vos audiences, de «aumônes». Nous contribuons tous à la communauté, au pays, quelle que soit la forme de cette contribution. Il ne s'agit donc pas d'aumônes. Nous faisons des efforts en échange de ce que nous obtenons. Nous travaillons même très durs.
M. Crosbie: Il y a ici à Saint-Jean un YM-YWCA Enterprise Centre. Je ne sais pas s'il y en a dans les autres localités de la province. Ce YM-YWCA Enterprise Centre a réussi à encourager un certain nombre de jeunes entrepreneurs. Je crois qu'ils ont la possibilité d'y être logés gratuitement ou à un bon compte pendant un certain laps de temps et de bénéficier des conseils de l'équipe du centre.
Cela a, je crois, donné de bons résultats. Selon une étude qui a été effectuée, environ 85 p. 100 des jeunes entrepreneurs issus de ce centre, sont parvenus à rester à flot. Cette statistique date de l'époque où a été effectuée l'étude. Je crois que ce programme était en partie financé par le gouvernement et en partie par des dons.
Il existe d'autres services de ce genre, mais je crois qu'ils sont effectivement rares. À supposer que les banques manifestent tout d'un coup davantage de bonté, il faudrait, je pense, mettre en place certains mécanismes permettant de contribuer au mouvement.
Mme Brushett: Peut-on obtenir des conseils auprès de la Banque de développement du Canada et d'autres programmes de cet ordre?
M. Crosbie: Oui, ils vous fournissent des conseils.
Mme Pollard: Permettez-moi une observation. Nous pourrions, j'imagine, reparler d'instruction et de formation. J'imagine que l'instruction est à la base même de ce qu'il y a à faire. L'état d'une société dépend essentiellement de l'éducation de sa population. Cela, nous le savons. Plus vous êtes éduqué, plus vous avez un niveau de vie élevé. C'est dire que, dans notre province, l'instruction et la formation sont des éléments importants.
On entend de plus en plus parler de partenariats. Je suis persuadée que si l'on instaurait certains mécanismes permettant de soutenir les jeunes entrepreneurs, la communauté y mettrait elle aussi du sien.
Nous avons sur place toutes sortes de personnes qui connaissent les affaires. Le programme auquel j'ai participé pendant des années, c'est-à-dire un programme d'enseignement secondaire coopératif, m'a appris que le milieu des affaires est très réceptif et qu'il prend volontiers en entreprise des étudiants qui veulent effectuer des stages.
Je crois qu'il y a actuellement, dans cette province, trois ou quatre écoles secondaires qui ont instauré un programme d'instruction coopérative, de stages en entreprise et de programmes destinés aux jeunes entrepreneurs. Cela offre aux étudiants l'occasion de travailler auprès de personnes qui ont lancé leur propre entreprise. Ils peuvent ainsi s'initier aux tâches et aux métiers propres à tel ou tel domaine.
Je reviens maintenant à la baisse de la population et aux problèmes que cela cause. La province a une population de 580 000. On pourrait la loger dans le centre de Toronto. Il faut bien tenir compte de cela lorsqu'on met en place des programmes.
Mon expérience des affaires et du système éducatif m'a appris que les gens sont tout à fait disposés à venir en aide et à conseiller les jeunes qui veulent se trouver un emploi.
Le président: Merci, monsieur St. Denis.
Et enfin, monsieur Grubel.
M. Grubel: Chacun sait que M. Axworthy est un homme de coeur qui s'intéresse profondément au bien-être des Canadiens. C'est lui l'artisan de la réforme du système de l'assurance-chômage.
Voici ce qu'on lui a demandé: Si ce sont les petites entreprises qui sont créatrices d'emplois, comment se fait-il que les choses ne se passent pas comme cela à Terre-Neuve et dans le reste des provinces de l'Atlantique, et que le taux de chômage y reste si élevé? Je n'oublierai jamais quelle a été sa réponse: dans cette région, la petite enterprise ne peut pas vraiment concurrencer les allocations d'assurance-chômage.
Je tenais simplement à dire cela et à vous demander s'il y a, d'après vous, du vrai dans les paroles que je viens de vous citer. On a évoqué l'éducation. On a évoqué les prêts bancaires. Je suis économiste de formation. Les employeurs engagent du personnel lorsque la productivité du nouveau travailleur est légèrement supérieure au montant du salaire qu'il faudra lui verser, afin que l'entreprise puisse faire un certain bénéfice. Sans cela, les entreprises ne créeront pas de nouveaux postes.
Si les salaires sont trop élevés - ce n'est pas moi, mais bien M. Axworthy qui a dit que la générosité de l'assurance-chômage faisait augmenter les salaires - et bien il y a effectivement un problème. Je voulais simplement évoquer avec vous un autre aspect de la situation.
Mme Dingwell-Corbin: J'aimerais connaître le nombre de personnes qui ont réussi à s'enrichir au moyen de l'assurance- chômage.
M. Grubel: Excusez-moi, madame, mais là n'est pas la question.
M. Crosbie: Cela joue peut-être, mais ils ne sont pas parvenus à démontrer que, sans l'assurance-chômage, tous les prestataires auraient trouvé un emploi dans une petite entreprise. On ne saurait prétendre qu'on parviendra, en supprimant l'assurance-chômage, à trouver un emploi pour chacun. Je ne crois pas que c'est comme cela que les choses se passeraient. J'estime que le tort que l'on ferait en agissant ainsi sera plus fort que les avantages qu'on pourrait en tirer.
M. Hutton: Il serait parfaitement irresponsable de supprimer tout d'un coup toute forme d'assistance. Il y a aujourd'hui un problème. Je ne voulais pas laisser entendre que les Terre-Neuviens ne veulent pas travailler. Ce n'est pas le cas, au contraire, car la plupart des gens n'aiment pas vivre d'une allocation. Ils préféreraient de beaucoup avoir un travail qui les intéresse.
On a également parlé de programmes de travail obligatoire. De tels programmes ont été instaurés dans certaines régions de l'Ontario.
Mme Chamberlain: C'est un échec.
M. Hutton: Oui, je reconnais que ce n'est pas actuellement un succès. Le problème consiste à savoir comment faire en sorte que, petit à petit, les gens ne dépendent plus de ce type d'allocation. Je crois sincèrement qu'ils voudraient travailler. Cela dit, on ne va pas du jour au lendemain créer 30 ou 50 000 emplois. Ça, c'est un fait. On ne peut pas, tout d'un coup, supprimer toute forme d'assistance et laisser les gens à leurs propres moyens, car vous aurez alors une totale anarchie.
Je suis persuadé que la plupart des gens travailleraient volontiers. Ceux qui veulent bien travailler, ceux qui peuvent être productifs, ont une vie beaucoup plus satisfaisante lorsqu'ils travaillent. En général, les gens ne veulent pas être payés pour ne rien faire. Ils veulent être productifs.
Excusez-moi. Je ne voulais pas du tout donner à penser qu'il n'en était pas ainsi.
Mme Chamberlain: Je tenais à ajouter quelque chose concernant ce que M. Hutton a dit au sujet des programmes de travail obligatoire. Lors de la dernière élection, l'Ontario a voté massivement et l'idée d'instaurer ce genre de programmes a beaucoup enthousiasmé les électeurs. Mais, cela s'est révélé un échec. Je reconnais que nous avons encore le temps d'inverser la tendance, mais nous avons essayé cette solution et elle s'est révélée impraticable.
La leçon n'a pas été perdue. Si nous sommes ici, c'est pour recueillir des idées que nous allons étudier. Nous vous écoutons donc, puis nous essayerons de mettre en oeuvre certaines des idées qui ont été proposées. Mais les solutions ne sont pas simples. Parfois, certaines idées qui semblent bonnes au départ, se révèlent impraticables par la suite.
M. Hutton: Oui, et c'est le cas ici. Il ne faut pas renoncer, simplement parce que quelque chose ne fonctionne pas très bien dès le départ. C'est aussi simple que cela. Il ne faut pas renoncer à ce type de solution simplement parce que l'Ontario a pris en ce domaine des initiatives qui peuvent être perçues comme un échec, ou du moins qui n'ont pas remporté le succès escompté.
Peut-être la mise en oeuvre a-t-elle été maladroite, mais cela ne veut pas dire que ce genre de programmes... Supposons que l'on crée des usines à l'aide de subventions gouvernementales. Au moins, les gens auront un travail. Cela coûterait moins cher que de leur envoyer tous les mois un chèque par la poste.
Les répercussions sociales de ce genre de régime d'assistance, où, chaque mois l'on distribue des chèques...
Le président: Monsieur Stokes.
M. Stokes: J'aimerais revenir au programme LSPA. J'estime que pour un programme introduit précipitamment, c'est plutôt un des bons programmes instaurés par le gouvernement fédéral. Les personnes admises au programme LSPA, avaient en fait toute liberté pour se chercher un travail ou pour faire autre chose. Si vous vous penchiez sur la situation, vous verriez que de 20 à 30 p. 100 des personnes qui ont participé à ce programme travaillent maintenant en Ontario, en Colombie-Britannique ou ailleurs. Que se serait-il passé si vous leur aviez simplement versé des allocations d'assurance-chômage, ou si vous aviez prolongé leurs périodes de prestation, leur interdisant ainsi de voyager, par exemple? J'estime que, globalement, le programme LSPA n'a pas donné de si mauvais résultats.
Ça, c'est une chose. En voici une autre.
On dit que les pêcheurs sont trop nombreux et que les poissons ne le sont pas assez. C'est le contraire qui est vrai. Ce qui est vrai c'est que nous avons de nouvelles techniques en matière de chaluts. Nous avons également construit des bateaux qui peuvent opérer dans les glaces. Avec d'autres pays, nous avons commencé à pêcher dans les frayères et nous avons pris le poisson qui frayait. Pour attraper un poisson, nous avons tué des millions d'oeufs.
Nous devrions retourner à nos origines et, à nouveau, prendre le poisson lorsqu'il parvient dans nos zones côtières.
Depuis plus de 20 ans, nous vendons aux Japonais nos capelans femelles. Aujourd'hui, ce poisson n'atteint que les trois quarts de la taille qu'il atteignait naguère.
On élevait des chiens de Terre-Neuve et, depuis 25 ans, on vendait les plus gros chiots aux Japonais. Vous ne serez donc pas surpris de voir que les chiens qui nous restent sont les plus petits et les plus malingres.
Il est grand temps de se réveiller.
Le président: Merci beaucoup, madame Chamberlain et les autres membres du comité.
Je suis certain que vos représentants de Terre-Neuve, ainsi que les membres de votre gouvernement provincial, sont beaucoup plus conscients que ce comité de l'avenir des pêches et des meilleurs moyens de les protéger. Je suis certain que le gouvernement provincial saura se faire entendre à Ottawa lorsqu'il s'agira de fixer de nouvelles politiques en matière de pêches. Je ne veux donc pas préjuger de tout cela.
Nous vous avons entendu. Nous savons que cette grande ressource a été dévastée par une mauvaise gestion et que le gouvernement fédéral, par l'entremise du département des pêches, est en grande partie responsable de cela. Nous vous demandons de vous proposer des solutions, et nous nous engageons à oeuvrer avec vous.
On a demandé, aujourd'hui, l'adoption de deux types de mesures de soutien. Le centre des femmes a exposé avec éloquence les problèmes en ce domaine. Il ne s'agit pas là d'une aide aux entreprises. Ce centre ne sera jamais rentable et aucune banque n'acceptera de lui prêter de l'argent. C'est donc au gouvernement qu'il appartient d'investir dans ce genre d'entreprise à caractère social. Non seulement les femmes en question méritent-elles qu'on les aide, mais le faible investissement public que cela exigerait, leur permettra de reprendre leur place au sein de la population active.
Je n'hésite pas à dire que votre situation est grave. Il est heureux que des gens comme vous s'occupent de ces services et comprennent les problèmes qu'éprouvent les personnes dont vous vous occupez. Merci.
Mais on a également parlé de l'aide aux entreprises. Hilda Pollard et Charlie Hutton ont, eux aussi, plaidé avec beaucoup d'éloquence en faveur d'une aide aux petites entreprises. C'est l'avenir. J'ai été surpris de n'entendre évoquer qu'une seule fois Hibernia et ce que cela pourrait représenter pour la province. Je crois que si l'accord de Churchill Falls pouvait être renégocié et qu'on s'entendait sur un tarif kilowattheure équitable - je ne me rendais pas compte que le tarif avait été fixé à 1¢ le kilowattheure; je croyais que ce serait au moins 2¢ - cela pourrait grandement renforcer l'infrastructure industrielle de la province.
Je me souviens de l'époque où j'étais négociateur. J'avais entamé les négociations très prudemment et j'ai été choqué par le taux qui nous était offert, mais M. Smallwood a dû céder au chantage de celui qui était à l'époque premier ministre de la province. Ce n'est qu'à ce prix-là que l'énergie était exportable.
Ce sont les petites entreprises qui vont créer des emplois. Ce qui m'a le plus choqué aujourd'hui, c'est le fait que Charlie Hutton dise que le goût du travail est mort lorsque les saisonniers de l'industrie de la pêche ont pu percevoir l'assurance-chômage pendant les mois d'hiver. Ils n'avaient donc plus à aller couper du bois. Il a répété que dans cette province-ci le goût du travail a presque disparu.
Cela peut être vrai dans une certaine mesure. On nous a dit, par le passé, que l'assurance-chômage était une aimable plaisanterie et que les Terre-Neuviens eux-mêmes en avaient honte. Cela a été dit ici même par d'autres témoins. Mais je ne pense pas vraiment que le goût du travail soit mort lorsque je vois les personnes qui oeuvrent auprès des femmes dans le besoin, quand je vois des personnes d'un certain âge qui font du bénévolat, et des gens comme Hilda Pollard qui luttent pour créer quelques emplois au sein de l'industrie du tourisme, industrie qui, nous l'espérons, se développera à Terre-Neuve.
J'estime qu'il nous incombe de revenir devant vous avez des solutions. M. Hutton a proposé une approche. En attendant, il pourrait peut-être retenir ce que disait Mme Chamberlain. À chaque fois que, dans ma circonscription, un petit entrepreneur estime avoir été injustement traité par un établissement financier, je veux le savoir et je suis prêt à intervenir. Vous devriez, vous aussi, prendre contact sans tarder avec votre député, ainsi qu'avec l'ombudsman. Essayez d'abord cela, et soyez prêts à aller voir votre député. Tous les parlementaires ici réunis estiment que cela fait partie de leur travail.
Je me suis étendu un peu trop longtemps. Tout ce qui a été dit ici nous a été d'une grande utilité. Chaque visite à Terre-Neuve nous rappelle la grandeur et la beauté de cette province. Nous reconnaissons, comme le disait Charlie Hutton avec une pointe d'outrance, que vous avez ici un capital d'intelligence qui, par personne, dépasse peut-être la moyenne de tout ce qui se trouve ailleurs. Nous sommes ravis de vous avoir rencontrés. Merci beaucoup.
La séance est suspendue pendant dix minutes.