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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

.1530

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

C'est avec grand plaisir que le Comité des finances de la Chambre des communes accueille aujourd'hui le gouverneur de la Banque du Canada, M. Gordon Thiessen, et ses collègues,M. Tim Noël et Mme Sheryl Kennedy.

Nous sommes impatients d'entendre votre exposé, monsieur le gouverneur.

M. Gordon G. Thiessen (gouverneur, Banque du Canada): Merci, monsieur le président.

Nous sommes heureux, mes collègues et moi, d'avoir été invités à discuter avec vous de notre nouveau Rapport sur la politique monétaire, qui a paru il y a environ une semaine. Nous saisissons les occasions comme celles-ci de vous rencontrer et de reprendre nos discussions sur la politique monétaire et d'autres questions connexes.

[Français]

Chaque livraison du Rapport sur la politique monétaire expose l'évaluation que la Banque fait de la tendance actuelle de l'inflation et explique les mesures de politique monétaire que nous avons jugé nécessaire d'appliquer pour maintenir cette tendance à l'intérieur de notre fourchette cible de 1 à 3 p. 100. Le Rapport examine aussi le climat économique actuel et les conséquences que celui-ci peut avoir sur l'inflation à court et à moyen termes.

[Traduction]

Si vous le permettez, j'aimerais vous rappeler pourquoi nous estimons que la réalisation des cibles de maîtrise de l'inflation va contribuer à la bonne tenue de l'économie canadienne. Un faible taux d'inflation fournit aux Canadiens un environnement plus stable et plus prévisible dans lequel ils peuvent prendre leurs décisions économiques. Et, avec le temps, les décisions économiques prises sont meilleures, et l'économie devient plus productive et plus prospère.

Lorsque la Banque intervient pour contenir l'inflation à l'intérieur de la fourchette cible, la politique monétaire joue un rôle important de stabilisateur; elle aide à faire en sorte que le profil de croissance de l'activité économique et de l'emploi soit durable. Ainsi, lorsque le rythme de l'expansion économique est insoutenable et que les pressions sur les capacités de production au sein de l'économie qui en découlent menacent de pousser l'inflation au-delà de la limite supérieure de la fourchette, la Banque resserre les conditions monétaires de manière à susciter une accalmie. Mais lorsque l'économie piétine et que la tendance de l'inflation risque de tomber sous la limite inférieure de la fourchette cible, la Banque a le même souci d'intervenir, en favorisant cette fois un assouplissement des conditions monétaires. Même si les mesures de politique monétaire mettent toujours un certain temps à faire sentir leurs effets sur l'économie, notre approche procure un soutien monétaire qui, à la longue, va aider l'activité économique et l'emploi à croître à leur niveau potentiel.

[Français]

Depuis la livraison de notre rapport précédent en mai, le taux d'inflation s'est maintenu dans la moitié inférieure de la fourchette cible de maîtrise de l'inflation, qui va de 1 à 3 p. 100. Au cours de ces six mois, la présence de capacités excédentaires au sein de l'économie a continué d'exercer des pressions à la baisse sur la tendance de l'inflation. La Banque du Canada a donc pris de nouvelles mesures pour assouplir les conditions monétaires. Ainsi, à sept reprises depuis le mois de mai, nous avons abaissé notre taux d'escompte d'un quart de point de pourcentage. Les quatre baisses les plus récentes visaient à éviter un resserrement des conditions monétaires en entérinant les replis des taux d'intérêt à court terme du marché dus à l'appréciation du dollar canadien.

[Traduction]

Les marchés financiers ont réagi positivement aux baisses du taux d'escompte, reconnaissant qu'elles étaient compatibles avec les facteurs fondamentaux positifs de l'économie canadienne, à savoir l'assainissement des finances publiques, le renversement remarquable du solde de la balance courante, qui est devenu excédentaire, et le bas taux d'inflation. Ces facteurs ont fortement soutenu le dollar canadien, et la plupart des taux d'intérêt canadiens se situent maintenant au-dessous des taux américains. Seuls les taux d'intérêt à très long terme canadiens demeurent supérieurs à leurs pendants américains, mais même dans ce cas, les écarts sont maintenant inférieurs aux moyennes enregistrées dans le passé.

.1535

Je crois que les perspectives de l'économie canadienne pour l'avenir se sont améliorées depuis notre dernière rencontre il y a six mois. La conjoncture économique internationale dans laquelle évolue le Canada demeure favorable. L'économie des États-Unis, en particulier, semble en équilibre, ce qui accroît les chances que dure l'expansion économique dans ce pays.

Mes collègues n'aimaient pas trop que j'utilise l'expression «en équilibre». En réalité, ce que j'entends par là, c'est qu'il ne s'exerce pas actuellement aux États-Unis de fortes pressions favorisant une expansion ou un ralentissement de l'activité économique, ni de pressions marquées qui pourraient engendrer une poussée d'inflation ou une récession, et qu'il faudrait contrer.

Au Canada, d'après les indicateurs récents, une accélération du rythme de l'activité se dessinerait, sous l'effet cumulatif des mesures d'assouplissement monétaire déjà adoptées.

[Français]

Certaines personnes craignent toutefois que la demande des consommateurs soit freinée par le ratio élevé de la dette au revenu disponible des ménages. Il est vrai que la dette des ménages est élevée, mais les bas taux d'intérêt en ont réduit les coûts et ont une incidence favorable sur la situation financière des ménages. Par ailleurs, nous savons qu'une partie de cette dette a servi à l'acquisition d'actifs financiers. Et lorsque l'on tient compte de la valeur de ces actifs, on constate que l'avoir net global des ménages s'est amélioré en fait.

[Traduction]

Pour conclure, monsieur le président, nous nous attendons à une accélération du rythme de l'activité économique. L'inconnue demeure avec quelle rapidité l'économie va reprendre, et si des pressions à la baisse additionnelles vont s'exercer ou non sur l'inflation à moyen terme.

Cela signifie que nous allons devoir continuer de surveiller de près la conjoncture économique afin de pouvoir évaluer la vigueur de l'expansion et de déterminer si les conditions monétaires sont appropriées. Certainement, l'économie dispose d'une marge de capacités inutilisées amplement suffisante pour croître sans que cela n'engendre de pressions inflationnistes.

Voilà pour mon introduction, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le gouverneur.

[Français]

Nous allons commencer la période des questions par vous, monsieur Bélisle.

M. Bélisle (La Prairie): Monsieur Thiessen, vous nous avez dit que vous visiez une fourchette d'inflation de 1 à 3 p. 100. Étant donné qu'à l'intérieur de cette fourchette, il y a des secteurs au sein desquels l'inflation sera toujours supérieure à 3 p. 100, est-ce qu'on peut supposer qu'il y a d'autres secteurs qui sont nécessairement inférieurs à cette fourchette, donc en déflation? Il faut qu'il y ait des secteurs en déflation pour permettre à l'ensemble moyen d'être à l'intérieur de la fourchette de 1 à3 p. 100; est-ce qu'on peut parler dans ces termes?

M. Thiessen: Oui, quand on a une moyenne de 2 p. 100, par exemple, il y a des prix qui augmentent et des prix qui tombent. Quand on parle de déflation, cela veut dire que la moyenne des prix est en baisse et que les tendances des prix sont à la baisse, et non pas seulement quelques prix. On ne peut pas dire que l'inflation existe quand quelques prix augmentent.

M. Bélisle: D'accord. Au quatrième paragraphe de la page 3 de votre document, vous dites:

Pour conclure, monsieur le président, nous nous attendons à une accélération du rythme de l'activité économique. L'inconnu demeure avec quelle rapidité l'économie va reprendre, et si des pressions à la baisse additionnelles vont s'exercer ou non sur l'inflation à moyen terme.

Est-ce qu'on peut avoir des craintes à ce niveau? Peut-on craindre que des pressions supplémentaires continuent à s'exercer sur l'inflation? À ce moment-là, est-ce qu'on pourrait même parler de déflation?

M. Thiessen: Non, je ne le crois pas.

.1540

Si la tendance de l'inflation est très proche de la partie inférieure de notre fourchette, à 1 p. 100, on ne peut pas parler de déflation. Une déflation est un phénomène beaucoup plus fort qui se produit lorsque presque tous les prix tombent dans notre économie et que la tendance des prix est à la baisse. C'est tout à fait différent de la situation qui existe actuellement au Canada, même s'il y a encore des pressions à la baisse sur l'inflation.

M. Bélisle: Donc, vous demeurez optimiste malgré tout. Selon ce que vous nous dites, tous les facteurs sont actuellement réunis pour une croissance économique soutenue au Canada au cours des prochaines années.

M. Thiessen: C'est exact.

M. Bélisle: Ça va, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélisle.

[Traduction]

Monsieur Grubel, étant donné qu'il y a maintenant trois ans que le gouverneur donne suite à vos suggestions en matière de politique monétaire, je présume que vous n'avez pas de questions à lui poser. Peut-être pourrais-je dès lors céder la parole à Mme Whelan.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Cet homme a manqué sa vocation. S'il perd ses élections, il se fera comédien. Pour l'avoir observé depuis nombre d'années, je crois qu'il a beaucoup de talent.

Le président: Monsieur Grubel, je vous aime beaucoup moi aussi. Merci beaucoup.

M. Grubel: Quand on envisage l'avenir, il est souvent intéressant et utile de jeter un regard sur le passé. Je songe à la période qui s'est écoulée depuis le début de la reprise économique aux États-Unis. À vrai dire, la taille du déficit américain n'a pas diminué sensiblement depuis; le taux d'inflation n'a nullement baissé et, à tout le moins en regard des marchés nord-américain et mondial des capitaux, la diminution de notre déficit n'est vraiment qu'une goutte d'eau dans l'océan.

À quoi attribuez-vous alors la baisse des taux d'intérêt partout dans le monde, notamment aux États-Unis, pays dont nous sommes servilement tributaires, vous l'admettrez honnêtement?

M. Thiessen: Je crois que vous me faites dire ce que je n'ai pas dit, monsieur Grubel.

Le président: Surveillez-le.

M. Thiessen: Je crois vraiment qu'il y a eu un certain assainissement des finances publiques aux États-Unis. L'amélioration n'y est pas aussi marquée que dans certains pays, mais si on observe de plus près ce qui s'y dessine, on note sur ce plan des signes de redressement de la situation dans ce pays. Bien sûr, les Américains auront encore des besoins à long terme à combler en matière de régime de retraite et d'assurance-maladie, mais si l'on essaie de prédire ce qui va se passer aux États-Unis au cours des cinq prochaines années, par exemple, il semblerait que la croissance économique s'y poursuivra à un bon rythme.

Il va sans dire que le maintien des taux d'intérêt à un bas niveau engendre un cercle vertueux dont tous les gouvernements qui ont une dette accumulée profitent. Mais plus généralement encore, les marchés financiers semblent confiants que le problème budgétaire - si je puis m'exprimer ainsi - est en voie de se résorber, car on semble partout déterminé à mieux contrôler les finances publiques. Cette constatation vaut également en Europe, où l'on entend respecter les critères établis à Maastricht. Ce que nous pouvons donc observer sur les marchés financiers, c'est que les gens se disent que toute cette ponction exercée par les gouvernements dans les épargnes à l'échelle mondiale ne pourra que diminuer dans les prochaines années, et je crois que c'est ce qu'on peut percevoir sur les marchés financiers.

M. Tim Noël (sous-gouverneur, Banque du Canada): J'aimerais ajouter, à propos du Canada, que notre situation s'est indéniablement sensiblement améliorée, même par rapport à celle des États-Unis. Depuis le début de l'année, nos taux d'intérêt ont considérablement diminué par rapport aux leurs. Nos taux sont actuellement à 250 points de base en-dessous des taux américains sur les effets à 90 jours, et ils sont également plus bas que les leurs sur les effets à échéance de 10 ans. Cette amélioration est attribuable à un ensemble de facteurs au Canada, dont celui de l'assainissement des finances publiques, à l'égard duquel nous avons marqué de nets progrès ces derniers temps.

M. Grubel: Au moment où j'ai été distrait par les aimables propos de M. Peterson à mon endroit, j'allais complimenter la Banque du Canada pour son excellente gestion et sa détermination à atteindre ses objectifs. J'allais également féliciter le ministre des Finances d'avoir contribué résolument à ce que ces objectifs soient respectés. Je crois que notre économie va vraiment bien maintenant, quoique le gouvernement aurait pu redresser la situation un peu plus tôt s'il avait appliqué sans tarder les recommandations du Parti réformiste.

.1545

Nous savons toutefois par ailleurs que le taux d'inflation n'est pas le même au Canada et aux États-Unis et que, si théoriquement le taux d'intérêt réel est le taux nominal moins le taux d'inflation attendu, toute conjecture sur le taux d'inflation attendu est purement approximative, compte tenu des données dont nous disposons. Donc, en prenant comme indicateur le taux d'inflation actuel, quel serait l'écart entre les taux d'intérêt réels canadiens et américains à court terme?

M. Thiessen: Il y a entre nos taux respectifs sur les effets de commerce à court terme un écart de l'ordre de 250 points de base. Or, je crois qu'à l'heure actuelle l'écart entre nos taux respectifs d'inflation est d'environ 150 points de base. Nos taux d'intérêt réels à court terme sont donc encore d'environ 1 point de pourcentage inférieurs aux leurs.

M. Grubel: Notre taux d'inflation n'est que...

M. Thiessen: Il est de 150 points de base plus bas que celui des Américains.

M. Grubel: À l'heure actuelle?

M. Thiessen: Oui. Aux États-Unis, l'IPC de référence se tient en-dessous de 3 p. 100, alors que le nôtre se situe juste en bas de 1,5 p. 100.

M. Grubel: Merci.

J'aurais une dernière question à poser. Une baisse du taux d'escompte ne peut se traduire par un accroissement de l'activité économique qu'une fois que les banques en ont fait profiter les consommateurs par une baisse équivalente des taux d'intérêt. Nous savons qu'il y a nécessairement à cet égard un décalage de temps, ne serait-ce que parce que les banques doivent apporter des corrections à leurs portefeuilles. Je me demande ce qu'il en est de tout cela depuis que les taux d'intérêt sont constamment à la baisse. Les banques font-elles profiter les consommateurs des baisses du taux d'escompte aussi rapidement depuis quelque temps qu'elles l'ont fait dans le passé?

M. Thiessen: Je crois qu'on peut difficilement noter à cet égard un changement significatif d'attitude de leur part par rapport au passé. Cela dépend beaucoup de quel genre de prêt il s'agit. Il nous apparaît évident qu'en règle générale les banques abaissent leur taux préférentiel presque immédiatement après chaque baisse de notre taux d'escompte. Naturellement, les taux hypothécaires, eux, dépendent bien davantage du rendement des obligations gouvernementales.

Souvent, le rendement des obligations gouvernementales obéit aux fluctuations du taux d'escompte de la Banque du Canada, avec un certain décalage cependant. Il peut également être influencé par l'évolution de la conjoncture internationale. Or, avons-nous dit, les taux d'intérêt hypothécaires sont généralement bien davantage fonction du rendement de ces obligations. Quant aux taux du crédit à la consommation, ils suivent normalement de beaucoup plus près les taux d'intérêt à court terme, de sorte que, par exemple, les taux sur les prêts consentis pour l'achat d'une automobile ont en général descendu comme vous l'aviez sans doute souhaité.

M. Grubel: Par contre, ce décalage explique peut-être l'essentiel de l'accroissement des profits des banques. Je vous soumets la question suivante pour que vous me disiez ce que vous en pensez. Si les banques tardaient à abaisser les taux d'intérêt qu'elles exigent de leurs débiteurs une fois qu'elles ont elles- mêmes profité de baisses marquées du taux d'escompte, il n'y aurait pas lieu de s'étonner que leurs profits grimpent de façon spectaculaire. Compte tenu des profits record qu'elles affichent actuellement, seriez-vous prêt à dire que tout indique que les banques se sont peut-être montrées depuis quelque temps moins empressées de faire profiter les consommateurs des baisses du taux d'escompte qu'elles ne l'ont fait dans le passé, du temps où de telles diminutions du taux d'escompte ne se traduisaient pas par des profits record? Ou ai-je tort de m'inquiéter à cet égard?

M. Thiessen: Je ne prétends pas avoir la compétence pour expliquer les profits des banques, mais j'ai l'impression que la récente augmentation de leurs profits découle bien davantage des frais de service que de l'écart entre les taux d'intérêt créditeurs et débiteurs. Mais je dois vous avouer que, comme je n'ai pas analysé sérieusement cette question, je ne suis vraiment pas en mesure de vous dire si les écarts entre leurs taux créditeurs et débiteurs sont anormaux actuellement. Je n'ai pas étudié la question.

M. Grubel: Monsieur le gouverneur, pour ceux d'entre nous qui devront faire face à l'électorat - ou pour mes collègues dont ce sera le cas - peut-être votre si compétente équipe de recherche pourrait-elle nous fournir à cet égard quelques renseignements qui pourraient également être utiles aux banques. Quand on est en campagne électorale et qu'on entend les électeurs maugréer contre les banques - vous savez, je ne voudrais pas être obligé de leur donner raison. J'aimerais avoir la preuve que les banques ont été promptes à transférer les baisses du taux d'escompte à leurs clients, qu'elles n'ont pas modifié leur comportement à cet égard et que le délai qu'elles s'accordent pour le faire est en réalité attribuable à d'autres facteurs que celui-là. Je crois qu'il serait vraiment dans l'intérêt de tous, y compris des banques, de divulguer cette information. Qui d'autre serait mieux placée pour le faire que votre vaillante équipe de recherche?

.1550

M. Thiessen: Nous pouvons certes obtenir cette information, monsieur Grubel.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grubel.

Madame Whelan, s'il vous plaît.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président. J'ai une question brève.

Dans votre déclaration préliminaire, vous affirmez: «La politique monétaire joue un rôle important de stabilisateur; elle aide à faire en sorte que le profil de croissance de l'activité économique et de l'emploi soit durable». Pourriez-vous nous expliquer un peu comment la politique monétaire a une incidence sur l'emploi? Quelles sont vos prédictions à cet égard?

M. Thiessen: Il est toujours difficile de faire des prédictions économiques à court terme, aussi bien à propos de l'activité économique qu'à propos de l'emploi.

Comme je l'ai dit précédemment, étant donné que l'activité économique a été relativement faible et que cette léthargie a eu pour effet d'exercer une pression à la baisse sur le taux d'inflation, nous avons pour politique de faire intervenir la Banque pour assouplir les conditions monétaires de manière à stimuler l'activité économique. C'est en réalité ce que nous faisons depuis un an.

Mais j'ai également dit qu'il s'écoule généralement une période assez longue avant que la politique monétaire ait des répercussions, qu'il faut compter un an ou un an et demi avant que l'économie s'en ressente, et peut-être six autres mois avant qu'elle ait une incidence sur le taux d'inflation. Par conséquent, les effets de la diminution des taux d'intérêt depuis un an ne se feront vraiment sentir qu'au cours de l'année 1997 et après. C'est au cours de cette période que nous nous attendons de voir une accélération de l'activité économique et de la création d'emplois.

Il serait toutefois très difficile de dire dans combien de temps nous assisterons à une amélioration sur le chapitre de l'emploi. Tant qu'il existera de nombreux motifs d'incertitude concernant l'avenir, on verra les employeurs peu empressés à engager de nouveaux employés. Ils seront davantage portés à accroître les heures supplémentaires ou à embaucher des employés à temps partiel. Quant à savoir dans combien de temps l'accroissement de l'activité économique commencera à se traduire par la création d'emplois à temps plein, c'est difficile à dire, mais je crois vraiment que ce sera dès l'an prochain.

Mme Whelan: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Monsieur Duhamel, s'il vous plaît.

M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

J'ai deux questions, monsieur Thiessen.

D'abord, j'aimerais comprendre ce passage que l'on trouve au haut de la deuxième page de votre déclaration d'aujourd'hui. Je cite: «...La Banque resserre les conditions monétaires de manière à susciter une accalmie. Mais... la Banque a le même souci d'intervenir, en favorisant cette fois un assouplissement des conditions monétaires...».

Si j'ai bien compris, ces interventions consistent à hausser ou à abaisser le taux d'escompte de la Banque. Est-ce exact, ou y a-t-il également d'autres mesures que pouvez prendre?

M. Thiessen: Non, il s'agit là d'une mesure, mais cette mesure a deux types d'effets. Quand nous modifions le taux d'escompte, non seulement cette mesure se répercute-t-elle sur les autres types de taux d'intérêt, mais elle a aussi une influence sur la valeur du dollar canadien. Donc, quand nous parlons des conditions monétaires, nous voulons parler de l'effet combiné des taux d'intérêt et des fluctuations du cours de notre devise.

M. Duhamel: Merci. J'aurais une autre question. On me dit que les aînés, principalement en raison de notre faible taux d'inflation, j'imagine, et de la nature de leurs revenus, peuvent en réalité être victimes - le mot est peut-être un peu fort - ou du moins être amenés à souffrir de telles mesures.

Premièrement, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette allégation, puis, deuxièmement, si vous la jugez fondée, nous indiquer ce qui, selon vous, pourrait être fait pour contrer cet effet du bas taux d'inflation? Y a-t-il des mesures que le gouvernement pourrait prendre pour remédier à cette situation? Troisièmement, y a-t-il d'autres groupes que les aînés qui sont - encore là j'essaie de trouver le terme juste - en quelque sorte pénalisés dans les circonstances?

M. Thiessen: D'abord, je pense qu'il est très important de se rappeler que lorsque les taux d'intérêt sont bas comme ils le sont actuellement, c'est normalement parce que le taux d'inflation est également bas. Toute baisse du taux d'inflation contribue à freiner le déclin injuste de la valeur des épargnes, ainsi que de la valeur des revenus de ceux qui ont des revenus fixes, qu'on observe quand le taux d'inflation augmente. Les aînés sont parmi ceux qui souffrent le plus de l'inflation, car un nombre disproportionné d'entre eux vivent de revenus fixes. L'une des choses les plus importantes à retenir, c'est que la faiblesse des taux d'intérêt ne peut découler que d'un bas taux d'inflation, lequel est à l'avantage des gens à revenus fixes.

.1555

Un bas taux d'inflation comporte un autre avantage. Il met fin aux fluctuations importantes des taux d'intérêt, à la hausse comme à la baisse, du genre de celles que nous avons connues au cours des vingt dernières années. Or, pour les personnes qui planifient leur retraite ou pour les retraités qui essaient bien gérer leurs revenus, de telles fluctuations posent vraiment problème. S'il y a au contraire stabilité à cet égard, il est beaucoup plus facile de bien planifier sa retraite ou, pour un retraité, de bien s'organiser financièrement. Nous estimons qu'un bas taux d'inflation est un gage de stabilité sur ce plan et, par conséquent, aide la plupart des aînés à planifier ou à gérer leur retraite.

Je crois par ailleurs que si la plupart des Canadiens ont très bien compris qu'il y avait un lien entre le taux d'inflation et les taux d'intérêt lorsque les taux d'intérêt et le taux d'inflation étaient élevés, beaucoup d'entre eux n'ont peut-être pas eu conscience de ce que le régime fiscal leur a fait dans ces circonstances.

Supposons que vous ayez un placement qui porte intérêt à 10 p. 100, alors que le taux d'inflation est de 7 p. 100, et que votre taux marginal d'imposition soit de 40 p. 100. Une fois l'impôt déduit, le rendement de votre placement n'est plus de 10 p. 100, mais de 6 p. 100. Or, si le taux d'inflation est de 7 p. 100, vous accusez une perte nette. Vous n'avez même pas réussi à garder votre capital intact. J'ai l'impression que beaucoup de gens ne se sont pas rendu compte de ce qui leur arrivait au cours de cette période. Quand le taux d'inflation est bas, cet inconvénient de taille disparaît.

Enfin, j'estime qu'en général tout le monde a intérêt à ce que l'économie canadienne se porte bien. À l'heure actuelle, nos taux d'intérêt doivent demeurer relativement bas pour que l'économie reprenne de la vigueur, et je pense que nous avons probablement tous avantage, les aînés y compris, à ce que l'activité économique s'accélère.

M. Duhamel: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Duhamel. Monsieur Pillitteri, la parole est à vous.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

Il fait bon de vous revoir ici, monsieur le gouverneur. Chaque fois que vous comparaissez devant nous, la conjoncture économique s'améliore. Vous nous arrivez toujours avec des rapports positifs concernant l'économie, l'avenir de la Banque du Canada et les services qu'elle rend à la population.

J'ai été très impressionné par la question de M. Grubel, mais la réponse que vous lui avez donnée a surpris M. Grubel lui-même. Vous lui avez dit que nous nous en tirions beaucoup mieux que les États-Unis en ce qui a trait aux prévisions concernant les taux d'intérêt. Il en a été surpris lui-même. Je ne suis pas économiste, mais, chose certaine, je suis très heureux que nous ayons de bien meilleurs résultats qu'il ne le prévoyait.

Vous dites que les banques n'ont pas changé d'attitude, qu'elles ont réagi à la baisse du taux d'escompte en abaissant leurs taux d'intérêt. Mais diriez-vous la même chose si on vous disait qu'elles ne l'ont pas fait dans le cas des cartes crédit? D'ailleurs, certains groupes d'intérêt... D'après vous, les banques ont-elles réagi aussi rapidement qu'elles l'auraient dû, ou croyez- vous que des mesures s'imposent à cet égard?

M. Thiessen: Je dois dire que je me sentirais très mal à l'aise de dire aux institutions financières quels taux d'intérêt elles devraient exiger sur tel ou tel effet, car elles doivent bien sûr tenir compte des risques associés à leurs différents services ainsi que de leurs coûts d'administration. Je n'oserais vraiment pas me prononcer, par exemple, sur la question de savoir si leurs taux sont trop élevés ou trop bas.

À mon sens, il est drôlement important à cet égard de garder à l'esprit l'importance relative du crédit à la consommation sur cartes de crédit. Si ma mémoire est bonne, le crédit à la consommation au Canada, en incluant les hypothèques résidentielles et les prêts pour crédit à la consommation, représentent quelque 480 milliards de dollars, tandis que les soldes sur cartes de crédit représentent quelque 18 milliards. Une partie de ce montant - peut-être 20 p. 100 - est acquittée mensuellement et, par conséquent, ne porte nullement intérêt. Donc, les cartes de crédit ne représentent en réalité qu'une très petite partie de l'ensemble du crédit à la consommation, plus ou moins 3 p. 100.

Peut-être y a-t-il un problème à cet égard. Je dois toutefois vous avouer que je ne me sens pas en mesure de me prononcer sur cette question. Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour ce qui est du bon fonctionnement de notre économie, de l'obligation que nous avons de veiller à ce les baisses du taux d'escompte aient sur l'économie l'effet recherché, ce volet n'est pas le plus important qu'il n'en faut.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pillitteri. Madame Chamberlain, s'il vous plaît.

.1600

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Bienvenue, monsieur le gouverneur.

Moi aussi, je me réjouis de ces bonnes nouvelles. Vous avez parlé un peu des efforts que déploie notre gouvernement pour réduire le déficit et du fait qu'il atteint ses objectifs. Vous avez parlé aussi des bas taux d'intérêt. De toute évidence, ce sont vraiment là d'excellentes nouvelles pour l'économie et pour la population, qui pourra dépenser davantage.

Ce que je vais vous demander, c'est votre opinion sur un autre sujet, car, comme l'a dit M. Grubel, nous allons bientôt être en campagne électorale. Il est très important que nous soyons à l'écoute des besoins de la population et, bien sûr, que nous faisions en sorte que notre pays maintienne sa compétitivité et continue de progresser. Parce que les taux d'intérêt sont si bas actuellement... Vous avez certes entendu M. Martin dire qu'à son avis cette situation ne peut que profiter réellement au Canadien moyen. Les bas taux d'intérêt vont effectivement mettre beaucoup plus d'argent dans les poches des Canadiens que ne le ferait n'importe quelle diminution d'impôt.

J'aimerais que vous me fassiez part de votre vision à cet égard, s'il vous plaît.

M. Thiessen: Il ne fait aucun doute que la faiblesse des taux d'intérêt met beaucoup d'argent dans les poches des gens qui sont endettés actuellement. Par exemple, l'économie d'intérêt que réalise celui qui s'apprête à renouveler une hypothèque de cinq ans est de trois points de pourcentage. Sur une hypothèque de 100 000$, par exemple, cela représente une différence de 3 000$ par an, un peu moins, dans le cas d'une hypothèque d'un an. Bien sûr, plus le montant de l'hypothèque est élevé, plus l'avantage est grand.

J'hésite beaucoup à me prononcer sur l'opportunité de diminuer ou non les impôts. Je crois vraiment que c'est aux Parlements, aux gouvernements et aux électeurs qu'il incombe de prendre des décisions concernant l'ampleur des dépenses gouvernementales et, partant, du fardeau fiscal qui doit être imposé aux contribuables, car ce sont là des questions d'ordre essentiellement politique au sujet desquelles la banque centrale serait malvenue de formuler des commentaires. Je me sens très à l'aise, comme banquier central et non élu, pour exprimer ma vision de la conjoncture économique dans notre pays. Lorsque les déficits étaient élevés et que la dette s'accumulait, je pensais vraiment que la direction de la banque centrale avait le devoir de dire ce qu'elle pensait de tout cela. Mais pour ce qui est d'opiner sur ce que devraient être les niveaux d'imposition et de dépenses, je ne crois pas qu'il soit de mon ressort ni de celui de mes collègues de formuler des commentaires de cette nature.

M. Grubel: Je pourrais le faire, moi.

Des voix: Oh!

M. Grubel: Je crois que nous devrions garder à l'esprit, avant de nous enthousiasmer à outrance à propos des bas taux d'intérêt, qu'historiquement les bas taux d'intérêt sont toujours allés de pair avec la faiblesse de l'économie. Voilà pourquoi nos taux d'intérêt doivent être si bas. Par ailleurs, les dépenses de consommation sont indéniablement influencées par ce que vous avez décrit, quoique l'affaiblissement des revenus des retraités, dont parlait M. Duhamel, soit également un facteur dont l'importance est considérable.

Ce qui compte vraiment, c'est le ratio de la dette par rapport au revenu disponible, comme l'a mentionné le gouverneur. Comment accroître ce revenu disponible et créer une situation plus favorable? La dette, elle, est fixe. On ne peut la modifier à court terme. La seule façon, vraiment, d'améliorer la situation, c'est d'accroître le revenu disponible. Et comment accroître le revenu disponible? En réduisant les impôts.

Voilà ce qu'il faut faire au lieu de ce que l'on a fait ces quatre dernières années. Au fur et à mesure que les revenus augmentaient, parfois uniquement pour rattraper l'inflation, les recettes fiscales grossissaient. Les 25 milliards de dollars par année qui ont ainsi été soutirés aux familles ont contribué à diminuer leur revenu disponible. C'est pourquoi le ratio de la dette par rapport au revenu disponible est demeuré constant et que les dépenses de consommation n'ont pas augmenté.

Ce sont là des notions qu'on assimile dans un cours d'économie 101, mais le gouverneur n'est pas autorisé à en parler.

Le président: Je suis tout simplement ravi que vous lui ayez fait dire ces choses, monsieur Grubel.

M. Thiessen: Mais ce ne sont pas des choses que j'aimerais qu'on me fasse dire, monsieur le président, car je ne suis pas sûr d'y souscrire entièrement.

Je ne tiens pas à donner mon opinion sur les avantages ou les inconvénients des réductions d'impôt, mais il me paraît indéniable que la faiblesse des taux d'intérêt, qui va de pair avec un bas taux d'inflation et une activité économique relativement faible, a pour effet d'alléger les coûts du service de la dette des débiteurs et est, par voie de conséquence, propre à favoriser l'accélération de l'activité économique.

.1605

Par ailleurs, le fait est qu'un grand nombre de Canadiens ne sont pas lourdement endettés. Il y a beaucoup de jeunes qui sont en début de carrière et qui ont l'intention de s'acheter une maison, une automobile et des meubles, et qui n'ont pas, eux, accumulé de dettes importantes au cours des années 80. Il y a donc, je crois, des gens qui peuvent se permettre de s'endetter davantage et d'autres, parmi ceux qui sont déjà endettés, qui pourront dépenser davantage au fur et à mesure que le coût du service de leur dette diminuera. Voilà pourquoi, à mon avis, l'activité économique pourra s'accélérer, et s'accélérera effectivement, à la faveur de la faiblesse actuelle des taux d'intérêt.

Mme Chamberlain: Merci de cette explication, monsieur le gouverneur. Je vous en suis reconnaissante.

M. Pillitteri: Je tiens absolument à répondre à M. Grubel à propos des allégements fiscaux et, bien sûr, de la croyance de son parti voulant qu'il soit préférable que l'argent des impôts soit dans les mains des consommateurs plutôt dans celles du gouvernement. Cela nous reporte aux temps du reaganisme, dont les plus âgés d'entre nous se souviennent sûrement. Oui, nous nous souvenons de ce que M. Reagan a fait. Il a mis davantage d'argent dans les mains des consommateurs, mais il a augmenté la dette. Aujourd'hui, les Américains ont cette dette sur les épaules, sans compter que, contrairement à nous, au Canada, ils n'ont toujours pas de filet de sécurité sociale.

Mme Chamberlain: Bravo!

Le président: Cela vaut bien mieux que le cours d'économie 101.

Mme Chamberlain: Voilà qui est bien dit. Je suis contente d'avoir posé la question.

M. Benoit (Végréville): Kennedy et Reagan ont tous deux atteint les objectifs qu'ils s'étaient fixés en adoptant une politique de diminution des impôts. Mais, comme des marins ivres, ils ont tôt fait de dépenser les revenus supplémentaires qu'avait procuré à l'État cette diminution des impôts, et c'est ce qui a posé problème, et non pas la diminution d'impôts comme telle.

Dans votre conclusion, vous dites que vous vous attendez à une accélération du rythme de l'activité économique, et que l'inconnue demeure avec quelle rapidité l'économie va reprendre. Vous aviez dit aussi précédemment que la demande de produits de consommation sera freinée par le ratio élevé de l'endettement par rapport au revenu disponible. Naturellement, puisque 60 p. 100 de l'activité économique dans notre pays dépend des dépenses de consommation.

Comme l'ont confirmé plusieurs sondages, on note, tant chez les consommateurs que chez les gens d'affaires, un manque de confiance dans notre économie. Toute cette morosité engendre passablement d'incertitude et amène les gens à se demander dans combien de temps se manifestera la croissance, si tant est qu'elle se manifeste.

Supposons qu'il y ait aux États-Unis à plus ou moins court terme un ralentissement de l'activité économique pourtant imprévisible actuellement. Naturellement, ce ralentissement se répercuterait de façon tangible sur l'économie canadienne probablement plus rapidement que si l'inverse se produisait - si des pressions positives en provenance de l'économie américaine s'exerçaient sur notre économie. Dans quelle mesure demeurez-vous confiant, malgré tous les facteurs négatifs que nous venons de mentionner, qu'il y aura une accélération marquée de l'activité économique au Canada d'ici un an ou deux?

M. Thiessen: Il importe certes, monsieur Benoit, de se montrer très modeste quand vient le temps de faire des prévisions à court terme. Les prévisions économiques à court terme comportent inévitablement une importante marge d'erreur.

C'est pourquoi, lorsqu'on observe les tendances de l'économie, il est parfois très difficile de prévoir exactement dans combien de temps telle ou telle tendance se manifestera et quand ses effets se feront sentir. Mais je crois que dans ce cas-ci l'observation des tendances est beaucoup plus fiable. Dans la conjoncture actuelle, les taux d'intérêt ont chuté et les épargnants ainsi que les investisseurs, tant étrangers que canadiens, sont ostensiblement plus confiants au sujet de l'avenir de l'économie canadienne.

Je crois que ce n'est qu'une question de temps avant qu'on en voie les effets. Si l'on tient compte du fait qu'actuellement nous pouvons miser sur un secteur de l'exportation qui est hautement compétitif et qui est le principal moteur de notre activité économique, il ne faudrait pas que les ménages dépensent beaucoup plus pour que le rythme d'expansion de l'économie s'accélère sensiblement.

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M. Benoit: Cela m'amène à ma question suivante. La valeur de notre dollar augmente, et cette augmentation aura un effet négatif sur nos exportations. Notre économie est tributaire des exportations, comme vous l'avez mentionné. Si nos exportations continuent de décliner, ne serait-ce qu'au rythme qu'elles le font dans certains secteurs, pourrons-nous quand même nous attendre à l'accélération marquée de l'activité économique dont vous nous avez parlé?

M. Thiessen: Je ne crois pas que les exportations soient aussi sensibles aux fluctuations du taux de change que vous ne laissez entendre. En effet, lorsqu'ils planifient leurs marchés, nombre d'exportateurs font leurs calculs en présumant que le dollar canadien s'appréciera. Par conséquent, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'exportateurs qui soient actuellement à ce point sur la corde raide qu'un léger renchérissement de notre devise minerait la rentabilité de leurs projets d'exportation.

Il importe également de se rappeler que, pour autant que l'appréciation du dollar canadien est attribuable à l'écart de 1,5 p. 100 en notre faveur entre les taux d'inflation au Canada et aux États-Unis respectivement, elle ne saurait nuire à nos possibilités d'exportation. Elle reflète tout simplement le fait que les prix montent beaucoup moins vite au Canada qu'aux États- Unis. Je ne crois donc pas que nos entreprises exportatrices soient menacées de décliner à la moindre hausse de la valeur du dollar canadien.

Ce qui me rassure profondément, c'est que cette croissance de nos exportations repose sur des assises beaucoup plus solides que certaines flambées des exportations que nous avons connues par le passé. Cette fois, la croissance semble attribuable au fait que les exportateurs se soucient aujourd'hui bien davantage de diminuer leurs coûts et d'accroître leur productivité et, partant, la compétitivité de leur entreprise sur le marché international. La croissance que nous connaissons actuellement me semble beaucoup mieux assise.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

[Français]

Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.

M. Bélisle: Monsieur Thiessen, iriez-vous jusqu'à dire que les effets de la politique monétaire qui prévalent actuellement pourraient amener une croissance soutenue? Est-ce que la base est aussi solide que celle qui a prévalu en 1982 et 1983 et qui nous a amené une croissance économique qui a duré six ou sept ans, entre 1982 et 1989, toutes choses étant égales par ailleurs? Il est peut-être difficile de faire de la futurologie ou de lire dans la boule de cristal, mais est-ce que la base actuelle vous apparaît aussi saine et aussi solide que celle qui a mené à l'expansion qu'on a connue pendant sept ans, au cours des années 1980?

M. Thiessen: Je crois que oui. Je crois que la base est plus saine maintenant qu'il y a 20 ans. On doit remonter aux années 1960 pour trouver une base économique aussi saine que maintenant. Comme vous l'avez dit, il est toujours difficile de faire des prévisions économiques, mais je crois que l'avenir est très très prometteur.

M. Bélisle: En lisant votre document et en écoutant votre déclaration préliminaire, on a l'impression que les effets de la politique monétaire sont très importants pour réussir à enclencher une bonne croissance économique. Peut-on aller jusqu'à dire que la croissance économique est finalement beaucoup plus liée aux effets de la politique monétaire à court et à moyen termes qu'aux politiques gouvernementales à court et à moyen termes?

M. Thiessen: Les deux politiques sont importantes. Il est évident qu'en vue d'obtenir des taux d'intérêt aussi bas qu'actuellement, il était nécessaire d'avoir une politique fiscale qui réduisait le déficit budgétaire. C'était absolument crucial.

Mme Sheryl Kennedy (sous-gouverneur, Banque du Canada): On peut aussi ajouter à ces facteurs toutes les actions des entreprises et du secteur privé. On a parlé de l'amélioration de la compétitivité de nos exportateurs.

.1615

Toutes les activités des agents économiques, comme les consommateurs, entrent aussi en ligne de compte. Ainsi, on a la politique budgétaire, fiscale et structurelle du gouvernement, la politique monétaire et les initiatives de tous les Canadiens. C'est quand ces trois éléments travaillent ensemble qu'on se retrouve avec une base aussi saine et solide que celle que l'on voit actuellement.

M. Bélisle: C'est un ensemble qui est interrelié. Ça va, merci.

[Traduction]

Le président: Madame Brushett, s'il vous plaît.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Bienvenue, madame et messieurs. Je suis ravie de vous voir ici aujourd'hui.

J'ai raté votre exposé et je m'en excuse; j'avais un discours à prononcer à la Chambre. Mais je vois dans le texte de votre déclaration préliminaire que vous avez réduit le taux d'escompte d'un quart de point à sept reprises depuis mai. Nombreux sont ceux qui pensent que vous auriez dû intervenir bien avant, puisque nous nous trouvions depuis fort longtemps à l'intérieur de la fourchette de 1 à 3 p. 100 que vous vous étiez fixée pour maîtriser l'inflation. Qu'est-ce qui vous a amené à entrer en scène à tel moment plutôt qu'à un autre? Pourquoi avez-vous décidé à un certain moment que nous étions dans cette fourchette depuis suffisamment longtemps pour qu'il soit indiqué d'abaisser le taux d'escompte?

Cela étant dit, les gens craignent également qu'une fois que notre activité économique se sera accélérée - et soyez assurés que c'est ce que nous espérons - et que nous aurons marqué quelque progrès, vous resserriez de nouveau le crédit en haussant le taux d'escompte, vous vous préoccupiez de l'inflation plus que vous ne le devriez, et vous laissiez les taux d'intérêt grimper et freiner de nouveau la croissance.

Ma question porte essentiellement sur le moment où vous décidez d'intervenir. Si le taux d'inflation se trouve dans cette fourchette depuis un an ou un an et demi - je ne me souviens pas depuis combien de temps nous y sommes - sur quoi vous fondez-vous pour décider du moment où il est approprié d'assouplir les conditions de crédit? Puis, quand vous mettez-vous à les resserrer?

M. Thiessen: En réalité, nous avons commencé bien avant le moment que vous mentionnez. Nous avons parlé des décisions que nous avons prises depuis mai dernier, parce que cela correspondait à la date de notre dernière comparution devant votre comité. Nous avons donc cru que notre rapport devait porter sur la période qui s'est écoulée depuis. Mais c'est depuis le printemps de 1995 que nous abaissons régulièrement le taux d'escompte.

Au départ, ces baisses venaient annuler des hausses qui avaient été décrétées au début de 1995, juste après la crise monétaire mexicaine et durant la période où les marchés financiers s'étaient montrés très inquiets de la situation budgétaire canadienne, tant du gouvernement fédéral que des administrations provinciales. Essentiellement, ces hausses cumulatives des taux d'intérêt ont été complètement annulées au milieu de l'année 1995, mais celles qui peuvent vraiment avoir un impact ont débuté en réalité il y a un an. Cela fait maintenant un an que le taux d'escompte baisse régulièrement.

Mme Brushett: Cette tendance à la baisse s'est accentuée, n'est-ce pas, monsieur le gouverneur? Vous avez accéléré la baisse du taux d'escompte au cours des cinq ou six derniers mois.

M. Thiessen: Non, c'est plutôt à la fin d'octobre 1995 que nous avons commencé...

M. Noël: C'est à ce moment-là que nous avons vraiment entrepris de faire baisser les taux. Depuis mai 1995, les taux d'intérêt à court terme ont chuté de 500 points de base, à raison de20 baisses de 25 points de base chacune. En réalité, 13 de ces baisses sont survenues en 1995 et les7 autres, depuis le début de l'année en cours.

Mme Brushett: Jusqu'où laisserez-vous le taux d'inflation monter et notre activité économique croître avant de resserrer les conditions de crédit?

M. Thiessen: Voilà précisément à quoi sert cette fourchette cible. Nous avons comme objectif de maintenir le taux d'inflation entre 1 et 3 p. 100. Il peut arriver des moments où nous allons tolérer une légère déviation au-delà ou en deçà de cette fourchette, mais notre objectif est de maintenir la courbe générale du taux d'inflation à l'intérieur de cette fourchette. Nous croyons vraiment que cette politique améliorera notre situation économique.

Si nous nous abstenions d'intervenir au moment où nous appréhendons un retour à une inflation non maîtrisée, nous risquerions de nous retrouver dans cette terrible alternance de cycles de forte expansion et de récession que nous avons connue auparavant, et qui n'était à l'avantage de personne.

Nous croyons que l'économie dispose d'une importante part de capacités inutilisées. Dans le rapport que nous avons présenté, nous faisons état de la présence de capacités nettement excédentaires au sein de l'économie et, par conséquent, d'une marge considérable de capacités inutilisées. Mais si nous assistions non seulement à une croissance de l'économie, mais à un niveau d'activité économique qui excéderait notre capacité de production, cette conjoncture engendrerait de l'inflation. À défaut d'une intervention pour freiner ce phénomène, nous y perdrions tous. La croissance ne saurait alors durer.

.1620

Ce que nous souhaitons, c'est de prolonger la croissance économique en l'empêchant d'engendrer de l'inflation. Si nous notons des signes d'inflation, nous allons resserrer les conditions de crédit. Nous croyons que c'est une bonne chose pour l'économie canadienne que nous agissions de la sorte, parce que si nous réussissons à maîtriser l'inflation, nous aurons de bien meilleures chances de connaître une croissance stable et prolongée. Tel est notre objectif.

Mme Brushett: Pendant combien de temps à votre avis pourrions- nous maintenir cette croissance stable et prolongée? J'ai parlé à des courtiers aujourd'hui et ils m'ont dit que tous les titres étaient à la hausse sur les marchés boursiers du seul fait que la tendance générale est à la hausse actuellement. Même les titres qui ne présenteraient normalement pas d'intérêt sont actuellement portés par le mouvement général à la hausse.

Le président: Il en ira de même tant qu'il y aura un gouvernement libéral à Ottawa, Dianne!

Mme Brushett: Alors, combien de temps croyez-vous...? Je reconnais que la stabilité est tellement essentielle à l'élaboration de projets, de plans, de prévisions et à la prise de décisions judicieuses en affaires.

M. Thiessen: À cet égard, il est vraiment intéressant d'observer ce qui s'est passé chez nous et aux États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale. Chaque récession a été suivie d'une période d'inflation galopante, au cours de laquelle les dettes se sont accumulées, les biens, notamment immobiliers, ont fait l'objet d'une spéculation effrénée, et les prix ont grimpé en flèche. Chaque récession a également été précédée de ce même type d'événements.

Je ne veux pas prétendre que nous allons éliminer toutes les récessions, mais elles devraient être considérablement plus superficielles dans l'avenir si nous parvenons à maintenir l'inflation à un bas niveau.

Mme Brushett: Vous allez éliminer également cette courbe prérécessionniste, cette alternance de sommets et de creux?

M. Thiessen: Exactement.

Mme Brushett: Merci.

Le président: Merci, madame Brushett. Monsieur Grubel.

M. Grubel: J'aimerais qu'on envisage maintenant un autre scénario. Supposons que notre économie va vraiment bien. Le Canada étant un petit pays, il est probable que nous attirerions beaucoup d'investisseurs désireux de profiter de notre croissance. Avec l'entrée de ces capitaux, la demande de dollars canadiens augmenterait, et les prix aussi.

J'aimerais d'abord que vous me disiez si vous avez établi jusqu'où vous laisseriez aller les choses.

En réalité, si vous décidiez de réagir, il vous faudrait acheter des devises étrangères offertes sur le marché, et, pour ce faire, vous seriez forcé d'accroître la liquidité de notre économie, ce qui engendrerait inévitablement un accroissement de la masse monétaire.

Ma deuxième question est donc la suivante: Dans l'élaboration de votre politique monétaire, vous intéressez-vous uniquement aux taux d'intérêt, ou si vous surveillez également l'évolution des agrégats monétaires? Sur quoi vous fondez-vous pour décider si votre intervention portera sur les agrégats monétaires plutôt que sur les taux d'intérêt?

M. Thiessen: Nous surveillons toutes ces variables, bien sûr. Nous n'avons aucune fourchette cible concernant notre devise. Nous n'avons pas établi de niveau au-delà ou en deçà duquel la valeur de notre dollar serait jugée normale, trop élevée ou trop basse. Mais nous tenons quand même compte de cette notion de conditions monétaires en traduisant constamment les fluctuations de notre devise en effets sur la demande globale dans l'économie. Ainsi, si la valeur de notre monnaie s'apprécie au point de restreindre la demande globale, nous en tenons compte. Si nous croyons qu'il n'y a pas lieu de freiner la demande globale dans l'économie, vous nous verrez abaisser le taux d'escompte de façon à ce que nous obtenions une combinaison de taux d'intérêt et du taux de change correspondant à l'effet sur la demande globale qui nous semble souhaitable pour maintenir l'inflation à l'intérieur de notre fourchette cible.

M. Grubel: Mais je me souviens des discussions qui avaient cours dans les années 70, où l'on affirmait qu'en poursuivant ces objectifs par nous-mêmes, nous risquions de nous retrouver avec une croissance indésirable de la masse monétaire. Or, d'après certaines études historiques, une telle croissance de la masse monétaire serait inévitablement génératrice d'inflation. En l'occurrence vous ne pourriez donc dire, comme vous l'avez fait précédemment, que cette croissance se traduirait par une augmentation de la demande globale, tout au plus avec un décalage de temps.

Ma question est donc la suivante: En poursuivant vos autres objectifs, vous assurez-vous que vous ne ferez pas du même souffle augmenter démesurément la masse monétaire?

M. Thiessen: Je crois que votre question montre implicitement que vous nous imaginez intervenant sur le marché des changes plus que nous ne le faisons en réalité.

Quand nous intervenons sur le marché des changes, c'est normalement pour faire en sorte que le marché ne soit pas trop désordonné, et non pour freiner une pression à la hausse sur le dollar en répondant à toute la demande de dollars canadiens. À mon sens, cette stratégie n'est appropriée que pour venir à la rescousse d'une devise dont le cours est fixe, ce qui n'est pas le cas de la nôtre.

.1625

M. Grubel: Je n'en crois pas moins que l'un des grands risques que nous courrons dans les années qui viennent, c'est que notre économie aille si bien, une fois que nous aurons équilibré notre budget et que nous aurons commencé à enregistrer des excédents, que nous soyons aux prises avec les mêmes problèmes dont la Nouvelle-Zélande et plusieurs autres pays ont eu tant à souffrir - je ne me souviens pas desquels pour l'instant - et qu'il nous faille nous soumettre servilement aux pressions exercées sur notre devise. J'espère que nous n'aurons pas à subir une telle conjoncture, quoique, d'une certaine manière, ce serait une récompense pour avoir été si disciplinés sur les plans budgétaire et monétaire.

M. Thiessen: Monsieur Grubel, je crois que dans beaucoup de ces cas le taux de change des devises était fixe. S'il se trouve que les investisseurs croient que vous ne réussirez pas à maintenir votre taux fixe, il s'ensuit une intense spéculation sur votre monnaie.

Par contre, si vous faites voir aux investisseurs que vous êtes déterminé à laisser flotter le cours de votre devise, de sorte que le risque joue dans les deux sens, je crois que vous les dissuadez dans une large mesure de spéculer sur votre monnaie. Par conséquent, dans l'hypothèse que vous imaginez, si nous nous efforçons constamment de prévenir toute appréciation de notre dollar qui menacerait l'équilibre de notre économie et si nous évitons d'intervenir lourdement sur le marché pour essayer de freiner une éventuelle hausse de la valeur de notre devise, je crois que nous obtiendrons l'effet escompté et que nous nous épargnerons une bonne partie des problèmes que nous avons connus dans le passé.

M. Grubel: Il semble bien que les Néo-Zélandais ont durement vécu ce problème. Je me suis entretenu avec un ministre du Parlement néo-zélandais qui m'a dit que s'il était possible de tout recommencer, le pays s'efforcerait d'abord d'assurer sa croissance économique tout en freinant l'entrée des capitaux étrangers, la spéculation sur les marchés des capitaux étrangers et la spéculation sur le cours de la devise nationale, plutôt que de laisser monter le taux de change. Dans leur cas, les capitaux ont envahi le pays. Il s'en est suivi un grand désordre. Le dollar néo-zélandais s'est apprécié à un point tel que les industries manufacturières en ont subi de terribles pressions au moment même où elles s'efforçaient d'effectuer des ajustements internes, ce qui, en soi, est déjà problématique.

Étant donné que nous sommes un petit pays ayant sa monnaie propre, nous serions exposés à subir un afflux soudain de capitaux si jamais la valeur de notre dollar s'appréciait d'une façon désordonnée. La seule solution m'apparaît être de veiller à ce que la valeur de notre monnaie ne s'apprécie pas au point de nous causer de graves difficultés tant sur le plan du taux de change que sur celui de l'accumulation de la masse monétaire. Le moyen de prévenir de tels problèmes, c'est d'empêcher le cours de notre devise de monter démesurément.

Merci, monsieur le président. Je voulais voir si le gouverneur surveillait la masse monétaire, s'il était bon monétariste.

M. Thiessen: En réalité, vous vouliez voir si j'avais réussi mon examen d'économie 101.

Le président: Monsieur Grubel, n'étiez-vous pas davantage désireux de discuter de M1, de M2 ou de M3?

M. Grubel: Voilà, j'espérais que le gouverneur aborde cette question, mais il ne semble pas d'humeur à le faire.

Le président: Très bien.

Monsieur Bernie Collins, bienvenue au Comité des finances, et merci de votre présence parmi nous.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai lu votre mémoire, et sachez qu'il me fait plaisir de vous accorder une note parfaite. Je crois que ce que vous avez inculqué au gouvernement et, bien sûr, au pays tout entier, c'est ce que j'appellerais un optimisme prudent, car sans cette prudence, nous risquerions parfois de verser dans la frénésie, de nous lancer aveuglément en avant pour ensuite devoir faire marche arrière.

Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il y a des indicateurs économiques que vous nous proposeriez d'observer. Il y a le décalage de temps, les petits entrepreneurs, un peu tout le monde, et ceux qui cherchent un emploi. Comment savoir quels indicateurs nous aurions avantage à commencer à surveiller? Pourriez-vous nous en mentionner quelques-uns?

M. Thiessen: Je veux bien, mais il serait illusoire de croire qu'il existe des indicateurs qu'il suffit d'observer pour immédiatement savoir ce qui se passe. Naturellement, la croissance de nos exportations, comme nous l'avons signalé précédemment, est un facteur qui importe beaucoup. Vous auriez toutefois tort de vous alarmer dès que les statistiques mensuelles sur le commerce extérieur affichent la moindre fluctuation, bien qu'il soit important d'observer ces tendances.

La tendance des exportations demeure très positive. Fait à noter par ailleurs, nos importations se sont également accrues considérablement depuis deux ou trois mois. Qu'est-ce que cela nous indique? Que l'activité économique canadienne reprend de la vigueur. Qu'on importe des machines et des pièces d'équipement, ce qui laisse supposer qu'une foule d'entreprises investissent dans de nouvelles machines et de nouvelles pièces d'équipement parce qu'elles tiennent à améliorer leur productivité et leur compétitivité, ce qui est également de bonne augure.

Un autre secteur susceptible de contribuer largement à la reprise lorsqu'il prend du mieux, c'est celui du marché de l'immobilier résidentiel. Il commence à s'y manifester une amélioration, notamment dans la vente des maisons existantes. On ne note nulle part de hausse marquée du prix des maisons, mais je ne crois pas que ce soit là ce que nous souhaitions. Ce que nous aimerions vraiment constater dans ce secteur, c'est une augmentation du nombre de transactions, ce qui engendrerait éventuellement une reprise dans les secteurs de la construction de nouvelles maisons et de la rénovation de maisons existantes. C'est ce qui commence à s'y dessiner.

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Un autre domaine que nous surveillons, c'est celui des dépenses de consommation, qui ont tendance à augmenter quand les taux d'intérêt sont favorables. C'est notamment le cas en ce qui concerne les achats d'appareils ménagers et de meubles. Encore là, nous observons des signes de reprise, des indications que, oui, il y a des gens qui achètent des maisons et qui achètent des meubles et des appareils ménagers pour leur maison. Ce sont là des secteurs de vente largement influencés par les taux d'intérêt, où tout indice d'amélioration est prometteur.

Enfin, un autre signe dont un certain nombre d'entre vous ont souligné l'importance, c'est qu'il se pointe actuellement une certaine croissance de l'emploi. Certes, le nombre d'emplois diminue dans le secteur public, mais, dans le secteur privé, malgré la faible croissance économique que nous avons connue cette année, la situation n'est pas si morose. Depuis le début de l'année en cours, le nombre net d'emplois qui y ont été créés est d'environ 199 000. Ce sont là des signes encourageants, je crois, qui nous laissent présager que 1997 sera meilleure.

M. Collins: Vous le faites sans doute, mais, monsieur le gouverneur, surveillez-vous l'écart entre les salaires et les prix? Est-ce un facteur que vous observez également?

M. Thiessen: Oui, nous le faisons. En réalité, si vous regardez notre Rapport sur la politique monétaire, dont, j'espère, vous avez pu prendre connaissance...

Le président: Assurément.

M. Thiessen: ... vous y trouverez justement un graphique... Où est ce graphique...?

Le président: À la page 36.

M. Thiessen: En réalité, le graphique en question est à la page 16 et on y trouve une courbe des «salaires réels payés par les producteurs». Elle montre l'évolution des salaires exprimés en prix constants, c'est-à-dire calculés en utilisant comme déflateurs les prix qu'obtiennent les producteurs. Autrement dit, on y voit ce qu'il en coûte aux producteurs par rapport aux prix qu'ils obtiennent pour leurs produits. Puis, nous comparons les salaires réels avec la productivité du travail et nous nous demandons alors quelles sont les incidences de ce facteur sur le marché du travail.

Donc, oui, nous surveillons de près l'évolution de cet écart.

M. Collins: J'ai fait partie de deux ou trois comités jusqu'à présent, ce qui me permet d'être au fait d'une situation qui m'apparaît vraiment problématique. Il y a des gens dans l'industrie minière que nous aimerions vraiment encourager à réaliser leurs projets. Or, quand ils nous soumettent une proposition, nous leur disons, très bien, nous allons l'examiner. Cette étape franchie, nous leur posons trois autres conditions. Pendant que nous leur compliquons ainsi la vie, nos homologues des États-Unis ou d'ailleurs brassent déjà des affaires, eux.

Je me demande comment vous pourriez nous aider à nous libérer de toute cette bureaucratie. Plutôt que de nous entraider, nous nous comportons comme de véritables pieuvres. Chacun veut poser ses tentacules sur la machine, mais personne ne veut vraiment s'en rendre responsable. Pendant ce temps, quelqu'un d'autre, pour prouver son utilité, s'emploie à nous suggérer d'autres façons de faire. Dieu sait si cela doit nuire à notre économie et nous empêcher de progresser! Comment votre équipe de la Banque du Canada pourrait-elle nous aider à cet égard? Jour après jour, des gens s'amènent à moi frustrés et convaincus que s'ils pouvaient se débarrasser de toutes ces tracasseries administratives ils seraient enfin en mesure de s'occuper de leurs affaires.

M. Thiessen: Je ne sais pas si la Banque du Canada y peut vraiment quelque chose. Je dois avouer que j'entends moi aussi des plaintes de ce genre. Je ne crois pas être bien placé pour dire si elles sont fondées ou non. Beaucoup de choses sont importantes. Les règles de sécurité, les préoccupations environnementales, les normes du marché du travail, sont toutes des choses importantes auxquelles nous tenons dans un pays riche comme le nôtre. Quant à savoir si nous nous compliquons trop la vie avec ces multiples exigences et si nous les appliquons d'une manière par trop «bureaucratique», je suis mal placé pour en juger. Tout ce que je puis vous dire, c'est que moi aussi j'ai entendu des plaintes comme celles qui vous sont parvenues.

Le président: Monsieur John Godfrey, bienvenue.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Étant donné la grande diversité des questions qui vous ont été posées jusqu'à maintenant, monsieur le gouverneur, j'allais commencer par vous demander quel est le sens de la vie.

Le président: C'est à la page 17.

M. Godfrey: Dieu merci! quelqu'un connaît la réponse.

.1635

M. Godfrey: Dans ce cas, voici ma question... En réalité, j'aimerais que nous passions du cours d'économie 100 à celui d'histoire économique 100, pourquoi pas, puisque c'est ma spécialité.

M. Grubel a fait une remarque qui m'intrigue, à savoir qu'historiquement les bas taux d'intérêt ont toujours été de pair avec une activité économique peu vigoureuse, alors qu'en réalité ce n'est pas toujours le cas. Un de ses futurs collègues, Richard Lipsey, de l'Université Simon Fraser, a eu la témérité de prédire que nous nous dirigerions, non pas à court terme, mais à long terme, vers une ère - oserai-je le répéter - de quasi-opulence.

Je sais que ce n'est pas votre fort de faire des comparaisons en utilisant des exemples historiques, monsieur le gouverneur, surtout quand il s'agit de s'interroger sur le futur, mais pouvez-vous trouver dans l'histoire économique récente de notre pays - vous avez parlé des années 60 et des années 50 - ou dans celle d'autres pays, des exemples de conjonctures s'apparentant à celle que nous connaissons présentement et qui nous justifieraient de croire que nous allons amorcer une période de croissance soutenue?

M. Thiessen: Je pense que la réponse à votre question est oui. Je n'ai pas lu l'essai de Dick attentivement, mais je l'ai quand même parcouru, et je l'ai trouvé tout simplement extraordinaire. Sa thèse vient renforcer certaines visions que mes collègues et moi partageons, mais nous n'avons pas effectué des recherches et des analyses historiques aussi poussées que Dick Lipsey. En parcourant cet ouvrage, j'ai constaté qu'il contenait une foule d'arguments nouveaux à l'appui de notre vision.

Les assises mêmes de notre économie semblent nous justifier vraiment d'envisager l'avenir avec optimisme. Les attitudes que nous observons chez les agents économiques semblent bien davantage que par le passé orientées vers les changements - la flexibilité, l'accroissement de la productivité, la nécessité d'élargir ses horizons. Toutes ces conditions semblent être en place actuellement.

Qui plus est, on élimine le fardeau que les déficits gouvernementaux accumulés faisaient porter à notre économie, et, disons-le, à la plupart des économies. Tous les facteurs clés sont actuellement réunis pour nous mener vers la prospérité. Il devient difficile d'imaginer ce qui pourrait arriver dans le monde qui puisse désintégrer cette merveilleuse constellation de circonstances, car il ne s'agit pas seulement du Canada. Il y a un bon nombre de pays industriels où les choses se présentent plutôt bien.

On peut dire également que dans le monde en développement des modèles apparaissent que nous n'avions pas vus depuis l'après- guerre. Il y a donc une foule de pays en développement qui peuvent maintenant observer ce qui se passe dans d'autres pays comparables. Ils ont des plans, des exemples ou des modèles dont ils peuvent s'inspirer. Tout cela m'apparaît vraiment positif.

M. Godfrey: Ce dont Lipsey parle, et qu'il exprime dans un style métalinguistique, c'est d'un changement brutal de paradigme techno-économique. Mais ce sur quoi il appuie principalement sa thèse, c'est sur le fait qu'ici et là dans l'histoire une grappe de technologies et un ensemble de conditions économiques se conjuguent pour donner lieu à une période soutenue de croissance économique. Il semblerait que dans la période de l'après-guerre, la conjoncture économique était sensiblement la même que celle que nous connaissons présentement. Partagez-vous dans l'essentiel cette vision du monde?

M. Thiessen: Oui, je la partage. J'y souscris vraiment. Je vous le redis, je ne prétends pas avoir approfondi cette question au même titre que Dick Lipsey, mais il y a une foule de facteurs qui me rappellent nettement la façon dont la situation se présentait à la fin des années 50, à l'aube de la décennie des années 60. Cette période était caractérisée par une bonne croissance de la productivité et des revenus, et par un bas taux d'inflation.

M. Godfrey: Et des bas taux d'intérêt également?

M. Thiessen: Exactement.

Le président: Merci, monsieur Godfrey. Monsieur Benoit.

M. Benoit: Dans les années 50, nous n'avions pas à porter le fardeau d'une dette de 600 milliards de dollars, la deuxième en importance dans les pays du G-7, la plus élevée de toutes, après celle de l'Italie. Nous n'avions pas à payer 47 milliards de dollars d'intérêt annuellement, seulement pour le service de la dette, sans compter l'argent qu'il faudra puiser dans notre économie pour réduire notre dette.

C'est bien beau de vous voir ainsi vous donner des tapes dans le dos et déborder de confiance - et il va sans dire que j'espère que cette confiance aura été justifiée - , mais je n'arrive pas à être si confiant, moi, car j'ai du mal à oublier ce petit facteur, la dette, dont nous n'avons pas beaucoup parlé aujourd'hui. J'aimerais que vous nous disiez quels en seront les effets, selon vous, sur la reprise espérée.

M. Thiessen: Après la Deuxième Guerre mondiale, notre niveau d'endettement était très élevé et il est descendu. Bien que les gouvernements n'aient pas enregistré d'excédents budgétaires chaque année, ils l'ont fait pendant bon nombre d'années. L'économie croissait assez bien. Nous assistions à une amélioration de la productivité. Ainsi, la dette publique est devenue de moins en moins importante par rapport à la taille de notre économie à partir de 1946 jusqu'aux années 70. Je ne me souviens pas à quel niveau se situait la dette par rapport au PIB immédiatement après la guerre, mais je sais qu'elle était joliment élevée à ce moment-là.

.1640

M. Benoit: Naturellement, à cette époque, nous ne versions pas en impôt près de la moitié de notre revenu; c'est toute une différence. Le gouvernement avait de la marge pour augmenter les impôts, et Dieu sait si les gouvernements qui se sont succédé en ont profité, libéraux après conservateurs, et conservateurs après libéraux...

Une voix: Bravo!

M. Benoit: De très bas qu'il était dans les années 50, le taux d'imposition a été constamment haussé, et il peut maintenant atteindre les 50 p. 100. La situation actuelle est donc fort différente de ce qu'elle était à cette époque.

Le président: Merci. Brièvement, monsieur Duhamel.

[Français]

M. Duhamel: J'aimerais obtenir une précision. À la page 3 de votre document, vous dites:

Vous dites un peu plus loin que l'économie semble être très stable et équilibrée, tout particulièrement aux États-Unis. Faites-vous alors allusion à nos partenaires, non seulement les États-Unis, la Chine et le Japon, mais à l'ensemble des pays?

M. Thiessen: Oui, et aux pays européens aussi. Nous parlons particulièrement des grands pays industrialisés.

M. Duhamel: Existe-t-il un lien avec le volume de commerce que nous faisons avec ces pays ou est-ce que c'est surtout la situation économique dans laquelle ils se trouvent qui a un impact?

M. Thiessen: Les pays qui sont plus importants que nous ont une plus grande influence. Nous nous penchons sur la situation globale en Europe, au Japon tout particulièrement, en Asie, aux États-Unis et au Mexique.

[Traduction]

Le président: J'ai quatre questions à vous poser, monsieur le gouverneur.

Premièrement, le professeur Fortin a participé à la table ronde qui a donné le coup d'envoi à nos audiences pré-budgétaires et il a dit que nous devrions hausser la fourchette en la faisant passer de 1 à 3 p. 100 à 2 à 4 p. 100 en raison du manque de flexibilité du marché du travail et du fait que les employeurs préféreraient congédier des employés plutôt que de diminuer les salaires. Qu'en pensez-vous?

M. Thiessen: Je ne partage certes pas cette opinion. J'estime que l'information sur laquelle se fonde ce genre d'analyse n'est pas aussi fiable qu'elle le devrait.

Dans une large mesure, les travaux de Pierre Fortin et d'autres s'inspirent d'une période où le taux d'inflation était relativement élevé, et où, par conséquent, il était prévisible qu'il se manifeste une vive résistance à des diminutions de salaire. Si l'on songe, par exemple, qu'au cours des années 70 et 80, le taux d'inflation se situait aux environs de 7 p. 100, même un gel des salaires à cette époque aurait signifié une baisse de 7 p. 100 en termes réels. Il n'aurait donc pas été étonnant que les gens résistent alors à une baisse de salaire aussi considérable.

En période de faible inflation, je crois que les gens finissent par accepter certains ajustements, en viennent à se rendre compte qu'il arrive parfois qu'une entreprise qui traverse une période difficile ait besoin d'abaisser le coût de sa main-d'oeuvre pour pouvoir demeurer en affaires - tout comme en période d'inflation élevée, il peut arriver que les employés d'une telle entreprise acceptent une augmentation de salaire insuffisante pour rattraper l'inflation. Ces deux situations sont comparables. Donc, tout comme les travailleurs ont su s'adapter aux circonstances en période d'inflation marquée, je crois qu'ils auraient la même attitude en période de faible inflation.

À mon sens, l'idée de hausser le taux d'inflation cible ne tient pas. Car, à moins de vouloir berner les gens, on ne peut atteindre les objectifs que ces économistes visent. Essentiellement, ce qu'ils proposent, c'est de se servir de l'inflation pour diminuer les salaires à l'insu des employés. Il est peu probable que les choses se passeraient ainsi, et je ne crois pas que les gens soient aussi dupes. J'estime donc qu'il ne serait pas sage d'agir de la sorte.

.1645

Le président: J'aimerais en savoir un peu plus sur le niveau d'endettement personnel par rapport au niveau des épargnes au Canada et particulièrement sur la façon dont la situation se présente à cet égard alors que nous espérons une reprise prochaine dont le moteur serait l'accroissement de la consommation.

M. Thiessen: Il est certes indéniable que le niveau d'endettement des ménages est relativement élevé. J'ignore si mes collègues pourraient me fournir rapidement les chiffres pertinents, mais celui qui me vient à l'esprit est 90 p. 100 et plus.

Comme je l'ai mentionné précédemment, il n'y a pas que le niveau d'endettement qui entre en ligne de compte. Il y a aussi le coût du service de cette dette. Comme les taux d'intérêt ont baissé, il en coûte moins cher au débiteur pour le service de sa dette, et je crois que cela revêt une grande importance.

Quand on examine ces taux d'endettement, un autre aspect très important dont il faut tenir compte est le rapport entre la dette des ménages et leur revenu disponible. En faisant cet exercice, on est porté à se dire que tout cet argent s'est envolé et qu'il n'en reste plus rien. Naturellement, ce n'est pas le cas. Si vous examinez le bilan d'ensemble des ménages, vous allez constater que leurs avoirs nets s'accroissent encore. Les ménages ont donc continué à acquérir des biens immobiliers et des avoirs financiers sous une forme ou une autre, et qu'en fin de compte la valeur de leur actif financier a augmenté plus rapidement que leurs dettes. La situation financière des ménages s'est donc en quelque sorte améliorée.

Naturellement, tous les ménages ne sont pas dans la même situation. Certains ménages ont un actif important et peu de dettes, donc une valeur nette élevée, alors qu'il en va bien différemment d'autres ménages. Mais je ne crois pas qu'on puisse affirmer que, tout compte fait, nous avons un grave problème sur ce chapitre.

Le président: Merci.

Troisièmement, nous nous sommes parfois fait dire cette année et les années précédentes qu'il existe un truc très simple pour régler tout ce problème de la dette et du coût du service de la dette. C'est très simple en effet, puisque, à ce qu'on prétend, nous n'aurions qu'à imprimer de l'argent, puis, à acheter des obligations du gouvernement canadien, dont les intérêts retourneraient au Trésor par l'intermédiaire de la banque centrale. Naturellement, il s'ensuivrait de l'inflation, mais nous pourrions l'éponger, ou la résorber, en obligeant les banques à détenir des réserves en conséquence. Qu'en pensez-vous?

M. Thiessen: Vous ne serez pas étonné d'apprendre que je ne crois pas du tout qu'on ait trouvé là la solution à notre problème. En réalité, on ne ferait qu'imprimer de l'argent et qu'engendrer de l'inflation.

Je sais qu'une foule de gens, en examinant cette question, se réfère à une période du genre de celle dont nous avons parlé tout à l'heure, où le niveau de la dette publique par rapport au PIB était très bas, et où la Banque du Canada était elle-même créancière pour une bonne part de cette dette relativement peu importante. Maintenant que la dette est substantiellement plus élevée, beaucoup de ces personnes se disent que si la Banque du Canada pouvait être créancière de 25 p. 100 de la dette gouvernementale à cette époque-là, pourquoi ne pourrait-elle pas l'être au même titre actuellement? Mais cette dette gouvernementale est maintenant devenue énormément plus importante qu'alors par rapport à la taille de notre économie, de sorte que si la Banque du Canada devait acheter une telle part de la dette, elle ne pourrait le faire qu'en augmentant démesurément la masse monétaire, ce qui ne pourrait se traduire que par une hausse du taux d'inflation.

Le président: Mais on répond à cela que les banques pourraient compenser ce facteur si elles étaient tenues de maintenir des réserves suffisantes à cette fin.

M. Thiessen: Essentiellement, les réserves obligatoires sont une forme de taxation. En exigeant des banques qu'elles maintiennent des réserves plus importantes, nous hausserions effectivement leurs impôts. Or, nous savons fort bien que l'essentiel des impôts sur les sociétés est assumé par les actionnaires ou, plus vraisemblablement encore, par les usagers des services offerts par ces sociétés. Par conséquent, cela reviendrait à dire que nous imposerions un lourd fardeau fiscal supplémentaire aux emprunteurs et aux déposants.

Nous savons par ailleurs que les banques ne sont pas les seules institutions financières au Canada. Ce qui se produirait très rapidement si nous tentions de hausser ainsi les impôts des banques serait un déplacement des clientèles vers d'autres institutions financières. Et si nous nous avisions d'administrer le même traitement à ces autres institutions financières, nous assisterions éventuellement à un exode des affaires vers l'étranger.

En dernière analyse, les petits épargnants, ceux qui ne sont pas très au fait de ces choses ou qui n'ont pas le choix, se retrouveraient seuls à payer ce genre d'impôt. Voilà une politique fiscale qui ne m'apparaît pas très attrayante.

.1650

Le président: Quatrièmement, monsieur le gouverneur Thiessen, à vous voir si optimiste à propos de notre avenir économique, puis- je présumer que vous allez voter pour le Parti libéral aux prochaines élections?

Des voix: Oh!

Le président: Vous n'êtes pas obligé de répondre.

M. Thiessen: Monsieur le président, vous devez comprendre combien il est important pour nous, de la banque centrale, d'être neutres, et nous le demeurerons.

Des voix: Oh!

Le président: Nous avons deux ou trois circonscriptions à vous offrir. Puis-je vous suggérer...?

[Français]

Nous devons déposer notre rapport prébudgétaire à la Chambre la semaine prochaine. Notre greffière nous indique que la date limite est le mardi 3 décembre. Je suggère donc que nous nous réunissions afin d'étudier notre rapport le lundi 2 décembre. Nous pourrions ainsi déposer notre rapport en Chambre mardi matin ou après-midi.

[Traduction]

Madame Whelan.

Mme Whelan: Il semble qu'il y aura un vote à 12 h 15, lundi prochain.

Le président: Peu m'importe.

Mme Whelan: D'accord.

Le président: Cela ne prend qu'une minute.

[Français]

Monsieur Bélisle, est-ce que cela vous convient?

M. Bélisle: Oui.

[Traduction]

Le président: Herb, voulez-vous intervenir?

M. Grubel: Est-ce que je devrai vous remettre notre rapport minoritaire d'ici là?

Le président: Vous n'aurez pas à...

[Français]

Quelle est la date limite pour présenter des rapports minoritaires?

La greffière du comité: Hier.

[Traduction]

Le président: La date limite était hier.

M. Grubel: Mais lundi, est-ce que ça irait?

La greffière du comité: Lundi serait un peu tard, si vous voulez qu'il soit inclus dans le...

M. Grubel: Il n'a que 100 pages.

Une voix: Oh!

La greffière: Oui, je sais.

Le président: D'accord. Monsieur Bélisle.

[Français]

M. Bélisle: J'en parlerai avec notre porte-parole, M. Loubier, et nous vous reviendrons à ce sujet d'ici demain.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

Je vous remettrai le quatrième chapitre de notre rapport jeudi.

[Traduction]

Je vous remettrai le quatrième chapitre de notre rapport au plus tard jeudi.

Monsieur Thiessen, madame Kennedy et monsieur Noël, veuillez nous excuser de cette petite digression.

Nous sommes ravis de ce que nous avons entendu aujourd'hui et de l'orientation que vous avez prise. Elle semble appropriée. Nous savons que l'avenir n'est pas assuré. Vous l'avez expliqué très clairement, le succès que nous connaissons peut-être déjà n'est que le début d'un très long périple, et la vigilance sera de mise. Comme parlementaires, nous devons nous assurer que nos politiques budgétaires correspondent, en les complétant, aux efforts que déploie la banque centrale pour nous doter d'une solide politique monétaire propre à assurer la stabilité des prix et un bas taux d'inflation. Je crois qu'il est juste d'affirmer que depuis trois ans nous avons appris beaucoup de choses en travaillant de façon très constructive avec vous.

Nous tenons à vous remercier de votre présence ici aujourd'hui.

Maintenez le cap, achevez le travail et revenez-nous.

M. Thiessen: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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