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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 14 avril 1997

.1510

[Traduction]

Le président (M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.)): Le Comité des finances de la Chambre des communes étudie le projet de loi C-92, loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu et une loi liée à la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous sommes heureux d'accueillir comme premier témoin aujourd'hui une personne que nous connaissons bien, Marion Dewar.

Bienvenue, madame Dewar.

Mme Marion Dewar (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'excuse de ne pouvoir vous remettre un mémoire de facture plus professionnelle, mais lorsque j'ai su que le comité allait étudier cette question, j'ai constaté avec satisfaction que vous alliez accueillir des témoins.

Je comparais aujourd'hui pour me porter à la défense des enfants. Par le passé, j'ai travaillé avec une organisation qui en faisait autant, mais qui n'existe plus aujourd'hui. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de gens aujourd'hui qui prennent la parole au Canada en faveur des enfants.

On a beaucoup fait état de la question de la pauvreté des enfants. Pour un bref instant, j'ai cru qu'il y avait lieu d'espérer, que notre société et que les décideurs que vous êtes se souciaient véritablement de la question. Or, en prenant connaissance d'un projet de loi comme le projet de loi C-92, il est difficile de demeurer optimiste et de ne pas sombrer dans le cynisme.

Je connais bon nombre de couples qui ont divorcé. Ils ne veulent pas tous rendre la vie difficile à celui des deux parents qui obtient la garde, mais ils reconnaissent que, si leur ordonnance est postérieure au 1er mai 1997, il y aura réduction de la pension alimentaire versée au conjoint ayant la garde pour l'enfant. Je veux vous donner un exemple.

À l'heure actuelle, l'ordonnance visant trois enfants peut aller jusqu'à 3 100 $. Avec le nouveau règlement, elle totaliserait 1 563 $ environ. Lorsqu'on enlèvera la déduction au conjoint qui verse la pension, le conjoint ayant la garde recevra 2 341 $. Pour certains analystes, la différence représente en quelque sorte une ponction fiscale.

Il suffit de faire les calculs relatifs à la proposition du gouvernement fédéral visant le nouveau crédit d'impôt pour enfants pour constater qu'il existe un lien direct entre les revenus accrus que reçoit le gouvernement du conjoint qui n'a pas la garde et l'amélioration des prestations accordées à l'ensemble des familles à faible revenu. Pourtant, les enfants qui ont vécu le traumatisme du divorce devraient bénéficier du maximum de soutien possible.

Tous les chercheurs s'accordent pour dire que les femmes, dans la majorité des cas, sont plus pauvres après le divorce. Dans la majorité des cas également, ce sont elles qui ont la garde des enfants. Il est immoral de réduire les revenus de certaines familles pour augmenter ceux de l'ensemble des familles. Les enfants ne devraient pas être punis du fait que leurs parents divorcent.

Par ailleurs, en choisissant de récompenser le chef de famille monoparentale qui travaille à l'extérieur de la maison, on adopte une attitude qui dévalue le travail lié à la garde d'enfants. Si le gouvernement avait vraiment l'intention d'éliminer la pauvreté chez les enfants, il envisagerait la création d'un programme national de garde d'enfants de qualité et il envisagerait également d'améliorer le crédit d'impôt pour enfants. On subventionne les sociétés à coup de millions de dollars en prêts garantis et autres formes de subventions. Or, il n'en existe aucun de meilleur que le développement de l'enfant.

On ne peut faire attendre durant un an des enfants qui ont faim. Ce n'est que dans un an que le gouvernement prévoit de bonifier de façon substantielle le crédit d'impôt pour enfants. Entre-temps, les enfants pauvres doivent attendre et ces sont les enfants de parents divorcés qui doivent renoncer à certains revenus pour que l'ensemble des enfants pauvres puissent en avoir davantage. C'est le contraire d'une amélioration. C'est une punition qu'on impose aux enfants de parents divorcés.

Dans le cas où le conjoint ayant la garde, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, a un revenu plus élevé, les conjoints devraient être libres de déterminer qui verse la pension alimentaire. Il y a peu de cas de ce genre, mais les intéressés bénéficieraient d'une telle mesure. Si on agissait de la sorte, il y aurait peut-être lieu de croire que le gouvernement canadien favorise véritablement des politiques axées sur l'enfant.

Dans de nombreux communiqués, on a prétendu que le projet de loi était axé sur l'enfant. Or, je constate à regret que les enfants ne font même pas partie du débat. Les conjoints et leurs représentants se battent pour savoir qui va payer quoi et, en bout de ligne, c'est Revenu Canada qui récolte des avantages inattendus.

Merci.

Le président: Merci, madame Dewar.

Monsieur Grubel.

.1515

M. Herb Grubel (Capilano - Howe Sound, Réf.): Madame Dewar, je dois vous dire que je comprends tout à fait la position que vous avez prise. Je n'arrive vraiment pas à comprendre que le gouvernement ne permette pas d'opter pour cette solution, comme vous l'avez dit vous-même.

L'une des pires choses qu'on puisse dire à propos des gouvernements, c'est qu'ils entravent notre liberté. Il aurait été très facile au gouvernement de dire que les Thibaudeau de ce monde peuvent tout à fait s'entendre avec un juge pour procéder de cette façon, mais qu'on ne va pas imposer cette solution aux millions d'autres personnes que cela défavoriserait.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis personnellement tout à fait d'accord avec votre position. Je ne comprends pas du tout pourquoi, vu tous les faits que vous avez présentés à ce sujet... Le gouvernement, de son côté, a opté pour la position irrationnelle que réclamait un groupe de femmes.

À la décharge du gouvernement, je reconnais qu'il a toujours affirmé qu'il valait mieux fixer un barème pour normaliser les paiements lorsque le principal soutien de la famille a un certain revenu. C'est ce que le gouvernement souligne, mais il néglige la question dont vous nous avez parlé aujourd'hui. Quant à moi, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Je suis certain que, dans quelques années, il y aura d'autres cas devant les tribunaux comme l'affaire Thibaudeau et que des groupes se formeront et que le gouvernement sera probablement obligé de revenir sur cette décision, même après les prochaines élections.

Le président: Madame Dewar.

Mme Dewar: Tout ce que je peux vous répondre, c'est que, comme vous l'avez dit vous-même, le gouvernement avait sans doute de bonnes intentions en faisant certaines choses. Il devrait permettre aux gens de faire un choix. Étant donné qu'un très petit pourcentage des parents qui ont la garde des enfants ont un revenu plus élevé que l'autre conjoint, ce serait à leur avantage que celui qui paie réclame la déduction, sinon cela pénalise les enfants.

Ce que je n'aime pas, c'est que le débat porte toujours sur le conflit homme-femme et la question de savoir si c'est le parent qui a la garde des enfants qui doit payer, alors que, même si nous ne voulons pas toujours le reconnaître, les enfants du divorce éprouvent certains traumatismes. Chaque parent divorcé n'est pas nécessairement dans une situation traumatique et nous devrions nous efforcer de réduire les traumatismes pour les enfants. Aux termes de ce projet de loi, on enlèvera aux enfants dont les parents sont séparés certains montants qui seront ensuite distribués aux gagne- petit. C'est injuste.

M. Herb Grubel: Puis-je poser une autre question, s'il vous plaît?

Le président: Bien sûr.

M. Herb Grubel: Madame Dewar, l'autre chose que m'ont signalée mes électeurs, c'est que bien des pères refusent de payer ou hésitent à le faire parce qu'ils ne peuvent jamais voir leurs enfants. D'après eux, il devrait y avoir une certaine réciprocité. Cela me semble équitable et je peux comprendre le point de vue dans une certaine mesure, tout en sachant très bien que je ne ferais jamais une telle chose. S'ils ne voient pas leurs enfants, pourquoi devraient-ils en assumer la responsabilité?

Je ne veux pas défendre leur position, mais je me demande si vous avez entendu dire par qui que ce soit qu'il s'agit d'une autre omission dans le projet de loi vu qu'il n'est pas question de partage des droits de visite.

Mme Dewar: J'aurais bien du mal à trouver un rapport entre les allocations pour les enfants et l'accès aux enfants parce que, pour le bien des enfants, il peut arriver que certains parents ne doivent pas voir leurs enfants.

J'essaie de me concentrer sur le bien-être des enfants. Si un parent a maltraité ses enfants, par exemple, cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas leur verser une allocation. La société oblige les parents à payer pour leurs enfants et la question de savoir si les parents doivent avoir accès ou non à leurs enfants, doit rester distincte de la question de la pension alimentaire pour enfants parce que nous devons tenir compte de ce qui vaut mieux pour l'enfant.

.1520

M. Herb Grubel: On suppose qu'on demandera aussi aux tribunaux de s'assurer que ce soit fait équitablement.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Je tiens moi aussi à signaler que j'appuie votre position. Cela m'a fait plaisir de vous entendre.

Je ne suis sans doute pas aussi charitable que M. Grubel quant aux raisons pour lesquelles le gouvernement veut apporter ce changement. Il le fait uniquement pour récupérer des impôts. Il le fait en enlevant de l'argent aux familles.

Mme Dewar: Aux familles séparées.

M. Leon E. Benoit: Le gouvernement enlève de l'argent aux familles, qu'elles soient unies ou non, et aux enfants.

Cela m'a étonné que la réaction dans les médias n'ait pas été plus défavorable, surtout de la part de groupes qui s'intéressent au bien-être des enfants, quand le gouvernement a proposé une telle mesure. Je n'ai pas l'impression d'en avoir entendu assez parler.

Pour ma part, il me semble que l'on devrait percevoir moins d'impôts des familles plutôt que le contraire. Nous avions proposé de notre côté que l'on réduise les impôts des familles. Si nos propositions avaient été adoptées, les impôts de la famille moyenne auraient maintenant baissé de 2 000 $, ce qui est un montant important.

L'une des choses importantes que nous proposons à ce sujet serait d'autoriser tous les parents à réclamer la déduction d'impôt pour les frais de soins des enfants. Toutes les familles seraient traitées de la même façon, que l'un des parents reste à la maison pour s'occuper des enfants ou qu'il décide de payer quelqu'un d'autre pour le faire.

À l'heure actuelle, le régime fiscal favorise les familles qui décident de payer quelqu'un d'autre pour s'occuper de leurs enfants. Nous proposons qu'on modifie le régime à cet égard et je pense que cela aidera beaucoup les familles. Dans certains cas, bien sûr, la réduction d'impôt dépasserait de beaucoup 2 000 $. Il s'agit simplement d'une moyenne pour une famille moyenne qui a un revenu familial moyen.

Que penseriez-vous d'une telle proposition, non pas nécessairement celle du Parti réformiste, mais de n'importe quelle proposition qui reconnaît que la famille est vue comme prioritaire de notre société?

Mme Dewar: Je conviens que la famille doit être considérée comme prioritaire, mais je pense que les enfants le sont encore plus. Nous devons commencer à nous demander ce que doit être une politique axée sur les enfants.

C'est vraiment une question qui me tient à coeur. Je suis venue ici aujourd'hui parce que je n'ai pas entendu quelqu'un prendre la part des enfants jusqu'ici. Il me semblait que quelqu'un devait le faire avant que cette mesure soit adoptée. C'est une chose dont nous devons vraiment tenir compte.

La séparation est peut-être préférable pour certaines familles et certains couples à cause de la santé mentale des parents eux- mêmes et de celle des enfants. Nous le reconnaissons. Dans un tel cas, nous devons faire ce qu'il y a de mieux pour les enfants. Le gouvernement commettrait une grave erreur s'il récupérait des impôts de cette façon pour les distribuer à toutes les familles sans protéger les enfants qui doivent faire face au traumatisme causé par le divorce.

Un autre facteur dont il faut tenir compte, c'est que bon nombre des politiques reliées à la prestation fiscale pour enfants favorisent les familles monoparentales où le parent travaille par opposition aux parents seuls qui sont sans travail.

D'après moi, en cas de séparation, il est souvent préférable qu'un des parents reste à la maison quelque temps pour s'occuper des enfants. Je n'aime pas le système actuel parce que je trouve qu'il dévalorise le rôle d'un parent qui reste au foyer pour s'occuper des enfants. Il est là 24 heures sur 24 et travaille sept jours sur sept, mais personne n'en parle. Les parents qui restent au foyer pour s'occuper d'un enfant et qui ont un conjoint peuvent se faire relever à l'occasion; les parents seuls ne le peuvent pas.

S'il s'agit d'un programme axé sur les enfants, le gouvernement devrait songer à instaurer une stratégie nationale de garde d'enfants. Le Canada et les États-Unis sont les deux seuls pays industrialisés à ne pas avoir une telle stratégie.

Nous allons en payer le prix. Nous allons le payer à long terme, car lorsque nos enfants sont négligés, notre avenir l'est aussi. Je sais que tout cela peut peut-être sembler sans importance, mais cela est très grave. Si nous ne prenons pas notre avenir au sérieux, c'est parce que nous ne prenons pas nos enfants au sérieux.

.1525

M. Leon E. Benoit: Notre proposition permettrait à plus d'un million de familles à faible revenu, y compris des chefs de familles monoparentales, de ne plus payer d'impôt.

Mme Dewar: Oui.

M. Leon E. Benoit: Les principaux bénéficiaires seront les chefs de familles monoparentales et les parents qui sont assistés sociaux, car cette déduction se présente également sous forme d'un crédit fiscal. Ceux qui ne gagnent aucun revenu et les assistés sociaux peuvent donc s'en prévaloir également. Elle n'établit pas de discrimination contre quelque type de famille que ce soit.

Mme Dewar: Je pense que c'est une bonne chose.

M. Leon E. Benoit: Je vous invite à examiner nos propositions. Je vous remercie de vos commentaires à ce sujet.

Mme Dewar: Merci.

Le président: Merci, monsieur Benoit. Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Duhamel.

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): J'ai besoin d'un éclaircissement, monsieur le président.

Je me demande si je peux vous raconter rapidement une histoire. Supposez un moment que vous aviez le pouvoir et la capacité de changer la situation. Il est clair que vous n'aimez pas ce qui est proposé et vous nous avez donné de bonnes raisons. Que feriez-vous?

Mme Dewar: Étant donné que je sais que l'on exerce des pressions pour que le projet de loi soit adopté, etc., j'ajouterais un amendement qui donne aux gens une option après le 1er mai, d'une façon ou d'une autre. S'ils veulent...

M. Ronald J. Duhamel: Vous croyez que cela serait tout au moins satisfaisant?

Mme Dewar: Ce serait une amélioration. On pourrait ensuite permettre aux gens qui ont un revenu moins élevé de choisir s'ils veulent ou non payer l'impôt. Ce serait très simple. Cela serait conforme au reste du projet de loi, et je pense que ce serait plus équitable à l'égard des enfants.

M. Ronald J. Duhamel: Merci.

Mme Dewar: Très bien.

Le président: Merci beaucoup, madame Dewar. Je sais que vous avez une réunion à 15 h 30. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer même si vous étiez très occupée aujourd'hui.

Mme Dewar: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de m'avoir écoutée.

Le président: Merci beaucoup.

Notre prochain témoin est Elisabeth Beattie. Bienvenue, madame Beattie.

Mme Elisabeth Beattie (témoignage personnel): Merci beaucoup.

J'ai une déclaration liminaire d'environ 15 ou 20 minutes et vous aurez compris pourquoi lorsque j'aurai terminé. Je vous prie de bien vouloir m'excuser si je prends un peu plus de temps que ce qui est normalement prévu. Lorsque j'aurai terminé, je serai heureuse de répondre à vos questions du mieux que je le pourrai.

Monsieur le président, c'est un plaisir pour moi de comparaître devant votre comité aujourd'hui pour parler du projet de loi C-92, la Loi budgétaire de 1996 concernant l'impôt sur le revenu. Mes observations porteront sur la modification du traitement fiscal de la pension alimentaire pour enfants.

Étant donné que la proposition doit entrer en vigueur sous peu, en comparaissant devant votre comité aujourd'hui, c'est un peu comme si je sautais devant un train qui roule à grande vitesse. Je ne me fais pas d'illusions quant à ma capacité de modifier le projet de loi à ce moment-ci du processus, mais j'espère que mon exposé vous fera réfléchir si vous avez l'intention d'approuver automatiquement le projet de loi à l'étude.

Quoi qu'il en soit, je vous suis reconnaissante de me donner enfin l'occasion de vous faire part publiquement de mes préoccupations. J'essaie de le faire depuis déjà quelque temps.

Je crois pouvoir apporter une perspective utile à ce débat. Je suis chef de famille monoparentale depuis 1980. J'ai trois enfants qui sont âgés de 19, 22 et 24 ans. L'exécution des ordonnances alimentaires est un problème permanent. J'ai une formation théorique en fiscalité, mais j'ai surtout acquis de l'expérience dans ce domaine en faisant mes propres déclarations d'impôt sur le revenu et en apprenant à gérer des ressources limitées dans un contexte d'incertitude financière. Je n'étais pas bien informée au sujet des questions financières au moment de mon divorce; je le suis devenue par la force des choses.

C'est sous un angle pratique que j'ai évalué les propositions budgétaires. Contrairement à la perception publique, le régime fiscal de déduction qui a été établi il y a 54 ans a beaucoup de bon sens. Il a résisté à l'épreuve du temps et il est remarquablement sensible aux besoins des chefs de familles monoparentales dans l'environnement économique et social difficile où ils doivent vivre de nos jours.

Les familles intactes bénéficient de toute une série de stratégies de fractionnement du revenu. Le régime de déduction offre aux couples séparés ou divorcés une forme de fractionnement du revenu. Il reconnaît les réalités économiques difficiles auxquelles ils doivent faire face, notamment le fait que les coûts en capital doivent inévitablement doubler lorsqu'on élève des enfants dans deux ménages différents, ce qui est tout à fait inefficace.

La déduction pour pension alimentaire pour enfants indemnise les parents qui n'ont pas obtenu la garde pour la perte des enfants comme personnes à charge aux fins de l'impôt sur le revenu. Cette déduction permet par ailleurs de verser les pensions alimentaires pour enfants élevées qui sont nécessaires pour répondre aux besoins des enfants. Pour leur part, les parents qui ont la garde doivent déclarer les pensions alimentaires pour enfants comme revenus et peuvent déclarer les enfants comme personnes à charge aux fins de l'impôt sur revenu avec tout ce que cela comporte, notamment les divers crédits d'impôt.

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Le traitement des pensions alimentaires pour enfants périodiques comme revenus pour le conjoint ayant la garde a des conséquences importantes. Il reconnaît le ménage du bénéficiaire comme une entité indépendante, ce qui est symboliquement important, et cela reflète bien la réalité du divorce. Contrairement au paiement à des fins bien spécifiques comme les dépenses médicales, les bénéficiaires ne sont pas tenus de justifier les paiements mensuels, soit au payeur ou au tribunal. Ce sont des avantages fiscaux importants pour le bénéficiaire qui découlent directement du traitement des pensions alimentaires pour enfants comme revenu imposable, ce qui aide à atténuer les conséquences fiscales défavorables pour les conjoints ayant la garde et qui ont un revenu supérieur. Les pensions alimentaires pour enfants sont considérées comme un revenu gagné dans le calcul des droits de cotisation à un REER, et les frais juridiques encourus pour faire exécuter les ordonnances de pensions alimentaires pour enfants sont déductibles.

Lorsqu'on les applique adéquatement, les avantages éventuels du régime de déduction se traduisent en fait, pour la majorité des bénéficiaires, par des ordonnances de pensions alimentaires plus élevées auxquelles on pourrait arriver de toute façon même en dehors de ce régime. Lorsqu'ils sont appliqués de façon adéquate, le parent qui n'a pas obtenu la garde n'est pas celui qui bénéficie du fractionnement du revenu, mais plutôt celui qui en fait profiter l'autre.

On a présenté la modification fiscale en vue de régler les problèmes de manque d'homogénéité judiciaire et de calculs fiscaux complexes qui étaient de vieux problèmes. Ces problèmes avaient été réglés en janvier 1995, lorsque le comité fédéral-provincial- territorial du droit de la famille avait publié les lignes directrices concernant la pension alimentaire pour enfants avec les répercussions fiscales prévues.

Le gouvernement a confirmé que l'élimination de la déduction pour ceux qui versent la pension alimentaire se traduira par un avantage fiscal pour les gouvernements fédéral et provinciaux. D'où vient cet avantage inattendu?

Les deux tiers des conjoints ayant obtenu la garde profitent, ou profiteraient, du fractionnement du revenu en vertu du régime actuel. Ce groupe comprend les parents les plus pauvres ayant obtenu la garde - ceux qui n'ont aucun revenu d'emploi ou dont le revenu d'emploi est peu élevé. Ce groupe souffrira s'il opte pour les nouvelles règles fiscales qui éliminent les avantages du fractionnement du revenu ou s'il est visé par ces dernières.

Pour un tiers des conjoints ayant la garde, les règles fiscales existantes imposent une pénalité fiscale plutôt qu'un avantage fiscal, car les coûts fiscaux des conjoints ayant la garde sont plus élevés que les avantages fiscaux pour les parents qui versent la pension alimentaire. À première vue, les nouvelles règles devraient être avantageuses pour ce groupe.

L'hypothèse du gouvernement selon laquelle il y a de plus en plus de conjoints ayant la garde qui passent du groupe un au groupe deux n'est pas fondée, étant donné les problèmes qu'ont les chefs de familles monoparentales à occuper un emploi à plein temps tout en s'acquittant de lourdes responsabilités familiales.

Une éminente avocate spécialiste du droit familial qui appuyait les modifications fiscales a analysé quels étaient les gagnants et les perdants dans la nouvelle structure fiscale. Après avoir consulté des comptables spécialistes des litiges, elle est arrivée à la conclusion que, sauf dans les cas où les femmes gagnent plus de 50 400 $ par an de sources autres que les pensions alimentaires pour enfants, ce sont leurs enfants qui financeront ce gain fortuit pour Revenu Canada. Les gagnants sont de loin l'élite.

À combien s'élèvent ces gains fortuits? D'après les documents budgétaires de 1996, on estime à 410 millions de dollars le coût total des règles fiscales de déduction pour les gouvernements fédéral et provinciaux pour l'exercice 1996-1997. Ce coût représente l'avantage de fractionnement du revenu qui est actuellement transmis aux enfants dans les versements de la pension alimentaire pour enfants. Ce coût représente par ailleurs le gain estimatif des gouvernements en vertu de la modification fiscale qui est proposée.

S'il n'y avait aucune modification fiscale, au moins 410 millions de dollars, qui seraient normalement alloués aux enfants les plus pauvres sous forme de pensions alimentaires pour enfants par le parent, seraient détournés vers les coffres du gouvernement sous forme d'augmentation de taxe.

Le montant de 410 millions de dollars est sous-estimé. Ça ne comprend pas les gains fortuits que reçoit déjà Revenu Canada en raison des pensions alimentaires pour enfants impayées et des ordonnances moins élevées qu'elles ne devraient l'être parce que le système n'a pas toujours été appliqué adéquatement par les tribunaux.

Les nouvelles règles fiscales entrent en vigueur le 1er mai et ne sont pas rétroactives. Cependant, le gouvernement fait tout son possible pour encourager et faciliter la conversion des ordonnances existantes. Il est par conséquent hautement probable que les gains de revenu seront maximisés plus tôt.

Certains analystes ont prédit un gain fortuit pouvant aller jusqu'à 600 millions de dollars. En fait, dans le Toronto Star de dimanche, on mentionnait la somme de 1 milliard de dollars. Je dirais, d'après toute la gamme des montants qui ont été mentionnés, que personne ne connaît vraiment l'étendue des dommages que ce projet de loi causera aux conjoints ayant la garde dont le revenu est peu élevé et à leurs enfants. Le gouvernement semble jeter les dés et espérer pour le mieux.

Par ailleurs, en présentant ce gain fortuit inattendu comme une modification globale nette, le gouvernement a réussi à camoufler l'impact négatif profond sur les perdants du groupe un, puisque les 410 millions de dollars comprennent un certain nombre de gagnants en plus de la majorité des perdants. Par exemple, un gain fiscal fortuit de 410 millions de dollars pourrait se traduire par un gain de revenu de 610 millions de dollars du groupe un, que compenserait une réduction fiscale de 200 millions de dollars pour le groupe deux.

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Où vont les gains de revenu des conjoints ayant la garde des enfants du groupe un? Une partie des gains du groupe un sera dirigée vers le groupe deux des conjoints ayant la garde et qui sont relativement mieux nantis, sous forme d'allégement fiscal. Une partie du gain fortuit financera les bureaucraties gouvernementales établies pour mettre en oeuvre la Loi sur les pensions alimentaires pour enfants. Une partie du gain fortuit financera le programme fédéral pour améliorer le supplément du revenu gagné incorporé à la prestation fiscale pour enfants, un programme qui cible les travailleurs à faible revenu en général.

Bon nombre des conjoints les plus pauvres ayant la garde n'ont pas de revenu imposable et ne produisent pas de déclaration d'impôt sur le revenu. Ils ne reçoivent même pas la prestation fiscale pour enfants; ils ne se donnent pas la peine de produire une déclaration. D'autres produisent une déclaration d'impôt sur le revenu, mais ne gagnent aucun revenu. Ces parents qui ont obtenu la garde ne profiteront pas d'un supplément du revenu gagné enrichi même si ce sont leurs enfants qui aident à payer ce supplément.

Même les parents qui ont obtenu la garde et qui reçoivent l'augmentation annuelle maximale ne seront peut-être pas entièrement indemnisés pour l'impact qu'aura le gain fortuit sur les pensions alimentaires pour enfants, qui pourrait s'élever à environ 10 000 $ par an pour certaines familles. Par ailleurs, l'aide financière sous forme de prestation fiscale pour enfants n'est versée qu'aux enfants de moins de 18 ans, tandis que l'impact du gain fortuit fiscal sur les niveaux des pensions alimentaires pour enfants se fera sentir aussi longtemps que la pension alimentaire devra être payée, c'est-à-dire assez fréquemment jusqu'à l'âge de 22 ans dans le cas d'étudiants, et parfois pendant plus longtemps dans le cas d'enfants handicapés. Tout gain de revenu supplémentaire enrichira les coffres fédéral et provinciaux.

Ce projet de loi se traduira par une redistribution massive des fonds qui passeront des parents les plus pauvres ayant la garde et de leurs enfants aux parents ayant la garde et qui sont relativement mieux nantis et aux petits salariés en général, aux gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral sous forme de gains de revenu supplémentaires et de coûts de mise en oeuvre. Il s'agit d'un programme qui enlève aux plus pauvres pour donner aux pauvres, et cela va à l'encontre du point de vue exprimé par le ministre des Finances en décembre dernier, lorsqu'il a dit que le fardeau du changement ne devrait pas être imposé à ceux qui sont le moins capables de le supporter.

Étant donné l'impact global et les conséquences importantes à long terme tant pour les enfants que pour les chefs de familles monoparentales, la modification fiscale qui est proposée risque par conséquent d'être vue tout au mieux comme une décision politique plutôt qu'une décision économique logique, ou au pire, comme de la gourmandise fiscale ou une mesure de réduction du déficit sur le dos des enfants défavorisés.

Une deuxième conséquence qui viendra s'ajouter au gain fortuit est l'élimination de prestations fiscales importantes pour les conjoints ayant la garde dont les ordonnances de pensions alimentaires pour enfants sont visées par les nouvelles règles. En vertu des anciennes règles, les pensions alimentaires pour enfants étaient classifiées comme un revenu gagné. Par conséquent, les conjoints ayant la garde pouvaient déduire les frais juridiques nécessaires pour faire exécuter les ordonnances de pensions alimentaires pour enfants et les pensions alimentaires pour enfants reçues étaient prises en compte dans le calcul des droits de cotisation à un REER.

Ces avantages offrent aux chefs de familles monoparentales les moyens de prendre leurs responsabilités. L'exécution des ordonnances est le problème le plus important auquel doivent faire face les conjoints ayant la garde. Les organismes d'exécution provinciaux subissent des compressions de personnel et les parents ne peuvent faire appel à l'aide juridique pour l'exécution.

Même lorsqu'un conjoint ayant la garde n'a pas les ressources suffisantes pour contribuer à un REER, les droits inutilisés de cotisation à un REER peuvent être reportés indéfiniment. La situation financière peut toujours s'améliorer plus tard, et l'avantage de déduire les montants économisés du revenu imposable ne serait pas perdu.

Étant donné que les femmes plus âgées sont particulièrement vulnérables à la pauvreté, en plus du fait que la plupart des chefs de familles monoparentales sont des femmes, la perte de ces avantages constitue un autre coup dur pour un groupe qui éprouve déjà des problèmes. Malgré leur importance, les analyses et les documents de principe concernant la modification fiscale qui est proposée n'ont tenu aucun compte de ces déductions et du lien direct avec la situation fiscale de la pension alimentaire pour enfants.

Étant donné ces conséquences fiscales qui semblent n'avoir pas été remarquées et le fait que certains parents ayant la garde m'ont dit qu'ils avaient l'impression qu'ils pourraient garder les déductions sans déclarer le revenu, je demanderais au ministre des Finances de publier une déclaration en vue d'éclaircir la situation en ce qui concerne ces deux déductions aux termes des nouvelles règles. À ma connaissance, cet éclaircissement n'a pas été donné, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui.

En plus des changements au montant net de la pension alimentaire pour enfants, ce sont des considérations à long terme importantes dont il aurait fallu informer tous les chefs de familles monoparentales pendant la période de l'élaboration de la politique. Même aujourd'hui, alors que les nouvelles règles entrent en vigueur, ni le guide fiscal, qui fait habituellement ressortir les conséquences d'une mesure législative proposée, ni la trousse d'information T-1156 de Revenu Canada n'expliquent clairement quelles seront les conséquences de sorte que les parents ayant la garde qui sont déjà visés par une ordonnance ne peuvent faire une évaluation éclairée de leurs options.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces déductions pour les parents ayant la garde, tout comme on ne devrait pas sous- estimer la colère à l'égard des décisionnaires si la modification fiscale est mise en oeuvre sans avoir fait connaître tous les faits pertinents et sans qu'il y ait eu de débat public sur la question.

.1540

Voilà donc l'énorme problème que me pose ce projet de loi, mais il y a d'autres problèmes qui découlent des propositions budgétaires. Les familles qui ont déjà des ordonnances pourront choisir entre deux structures fiscales celle qui est le plus à leur avantage. Celles qui obtiendront des ordonnances après le 30 avril n'auront pas le choix même si leurs enfants sont désavantagés par les nouvelles règles. Les familles qui sont satisfaites du régime de déduction actuel seront automatiquement visées par les nouvelles règles si elles ont besoin d'une modification après le 30 avril. La structure de la prestation fiscale améliorée pour enfants établit une distinction entre les enfants qui méritent une prestation améliorée et ceux qui n'en méritent pas selon la situation professionnelle de leurs parents.

La modification fiscale est paternaliste en ce sens qu'elle tente d'enlever aux chefs de familles monoparentales le fardeau d'administrer certains aspects de leurs affaires financières plutôt que de les aider à devenir compétents. En même temps, la modification fiscale fait en sorte que les chefs de familles monoparentales les plus pauvres dépendent encore davantage de la générosité du gouvernement alors qu'ils pourraient obtenir une pension alimentaire plus élevée directement du parent qui n'a pas obtenu la garde. Ce devrait être les parents qui sont responsables des enfants.

Le ministre de la Justice a déclaré que chaque dollar de plus qu'Ottawa tirera de ces modifications fiscales, et davantage, sera réinjecté directement dans le régime à l'avantage des enfants, notamment aux enfants de familles de travailleurs à faible revenu. Les provinces n'ont pas pris le même engagement, et même si l'on disait que la redistribution qui est proposée est adéquate, on ne sait pas clairement comment le gouvernement fédéral se propose de satisfaire à l'exigence en matière de responsabilité publique.

Changer la structure fiscale ne crée pas d'argent; cela ne fait que déplacer ce qui est déjà là. Pour ce qui est de la pension alimentaire mensuelle, le mécanisme de déduction et d'inclusion profite à bon nombre, mais il en pénalise certains. L'élimination de la déduction et de l'inclusion dans tous les cas, comme le propose cette mesure législative, profitera à certains, mais en pénalisera bon nombre.

Il n'y a pas d'avantage à passer d'un régime rigide à un autre. Si le gouvernement a pour politique de mettre en oeuvre un seul régime fiscal pour tous, il devrait alors instituer un régime qui profite le plus à ceux qui en ont le plus besoin. C'est justement ce que fait le mécanisme de déduction et d'inclusion.

Je recommande donc que le régime actuel de déduction et d'inclusion soit maintenu, si l'on doit appliquer une seule structure fiscale à tous. Si le gouvernement a pour politique d'aider tous les parents qui ont la garde de leurs enfants ainsi que leurs enfants, la seule solution sensée, étant donné toutes les ramifications, est d'instaurer plus de souplesse dans le régime en permettant à chaque parent bénéficiaire qui a la garde de ses enfants de choisir un régime ou l'autre, au moment de négocier un accord de séparation ou un divorce, ou au moment de modifier un tel accord. Le gouvernement a publié des lignes directrices concernant les deux structures fiscales. Une telle souplesse est la seule façon de maximiser les sommes disponibles pour subvenir aux besoins de l'enfant, étant donné la très grande variété de circonstances financières qui peuvent exister et qui peuvent changer considérablement à tout moment.

Il existe un précédent où l'on a fait preuve de souplesse dans des amendements précédents à la Loi de l'impôt sur le revenu, en ce qui concerne les paiements à des tiers et les paiements pour des fins précises, comme dans le cas des frais de scolarité ou des soins médicaux.

Je crois donc que la meilleure solution est de recommander que la Loi de l'impôt sur le revenu soit modifiée pour que le mécanisme de déduction et d'inclusion soit la règle, à moins qu'une ordonnance, un jugement ou un accord écrit prévoie que l'alinéa 60 b) et l'alinéa 56 (l) b) ne doivent pas s'appliquer.

La sécurité, dans la mesure où elle existe, se trouve dans notre capacité de prendre nos propres décisions. Quelle que soit la politique choisie, toute décision de ne pas appliquer le mécanisme de déduction et d'inclusion devrait être laissée au parent bénéficiaire qui a la garde des enfants, parce que c'est ce parent qui subira les pires conséquences du fait qu'il n'y aura pas de déduction ou d'inclusion.

À cause des conséquences graves que cela entraînera, il est essentiel que tout choix représente aussi une décision bien informée, en particulier si la décision est irrévocable. Je recommande donc que toute décision de ne pas être assujetti au mécanisme actuel de déduction et d'inclusion soit laissée au parent bénéficiaire qui a la garde des enfants et qu'un tel choix soit semblable à un consentement informé.

Le ministère des Finances et le ministère de la Justice sont très conscients du fait qu'une grande partie de l'insatisfaction face à la structure fiscale actuelle est une question d'optique: on ne comprend généralement pas bien le système et ce qu'il visait à accomplir pour les enfants. L'injustice perçue par la population a été encore influencée par des considérations de sexe.

Bien des parents qui ont la garde de leurs enfants et qui bénéficieraient des lignes directrices préconisant la déduction et l'inclusion ne comprennent pas comment le fait de payer des impôts peut entraîner une augmentation du soutien accordé à l'enfant. Ils blâment le régime fiscal qui les appauvrit à leur avis, mais ont demandé une modification fiscale qui empirera la situation des deux tiers au moins des parents à qui la garde des enfants a été confiée.

Bon nombre veulent que le changement soit rétroactif. Comme un député l'a reconnu, les gens n'ont pas vu la chose d'un point de vue rationnel.

.1545

Une petite portion des millions de dollars que le gouvernement fédéral consacre à l'administration nécessaire pour appliquer les lignes directrices aura pu contribuer considérablement à habiliter les chefs de familles monoparentales en les renseignant sur les éléments fondamentaux de la fiscalité et de la planification financière, dans le contexte de l'ancien régime. En pliant devant cette mauvaise compréhension, et en allant même jusqu'à entretenir l'apparence d'une grave injustice qui doit être corrigée, le gouvernement a abandonné sa responsabilité d'agir dans le meilleur intérêt des enfants.

Bien que le gouvernement fédéral ait une certaine responsabilité, il incombe aux parents à qui la garde des enfants a été confiée d'assumer une certaine responsabilité et de s'informer eux-mêmes. Ils pourraient commencer par profiter des documents et des services mis à leur disposition par Revenu Canada - Impôt.

Je recommande donc que Revenu Canada réexamine les informations à la disposition des chefs de familles monoparentales, en plus de ses services de conseils, afin de rendre la fiscalité et la planification financière moins intimidantes pour les parents qui ont la garde de leurs enfants et les femmes en général.

Depuis 1990, le gouvernement fédéral consacre la plus grande partie de son temps, de son énergie et de ses ressources à l'aspect fiscal et aux lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants. Malheureusement, les modifications fiscales et les lignes directrices ne mettent pas d'argent à la disposition des enfants. Ce sont des considérations essentiellement théoriques et qui n'ont pas de résultats pratiques à moins que leur respect ne soit assuré dans toute la mesure du possible. Cela n'a pas encore été accompli.

Si le gouvernement a effectivement pour politique de donner la priorité aux enfants, il existe une solution que votre comité pourrait retenir. La mesure législative dont vous êtes saisis utilise le régime fiscal pour percevoir les avantages du fonctionnement du revenu et les redistribuer. Idéalement, l'État appuierait les ordonnances de ses juges. Il verserait lui-même les pensions alimentaires aux enfants et utiliserait le régime fiscal pour percevoir les sommes que devrait le parent responsable.

D'autres pays ont adopté une telle méthode. En Suède, les pensions alimentaires pour enfants sont garanties par le gouvernement lorsque des parents divorcent. Certains États américains ont instauré un régime d'assurance des pensions alimentaires pour enfants.

Au Canada, le budget proposé pour remplacer le budget fédéral de 1997 préconisait un système de paiement anticipé des pensions alimentaires d'envergure nationale et administré par un organisme national, ce qui compléterait les réformes déjà en cours en vue de la création d'un organisme national de perception d'impôt.

La personne qui a rédigé cette partie a dit que le ministre des Finances avait manifesté un intérêt pour cette idée. J'encouragerais le ministre à y réfléchir sérieusement. Cela représente une solution idéale à plusieurs des problèmes auxquels font face les familles monoparentales en ce qui concerne les pensions alimentaires. Je recommande donc que le gouvernement crée un système national de paiement anticipé des pensions alimentaires.

En conclusion, il semble que la modification proposée quant à l'imposition des pensions alimentaires ait été décidée en fonction de la perception des gens et non en fonction de son mérite. Il n'est donc pas surprenant de constater que lors de l'élaboration de la politique, on n'a pas tenu compte de certaines conséquences fiscales néfastes.

La politique proposée entraînera des conséquences graves pour les bénéficiaires de pensions alimentaires pour enfants. Ces conséquences devraient convaincre le gouvernement de renoncer à son projet.

Premièrement, il en résultera une augmentation extraordinaire des recettes fiscales, de l'argent qui ne se retrouvera pas entre les mains des enfants à l'intention desquels on l'a perçu.

Deuxièmement, deux avantages fiscaux importants pour les chefs de familles monoparentales disparaîtront. La politique proposée marginalisera davantage un groupe qui supporte déjà un fardeau suffisant.

Lors de sa comparution récente devant le comité sénatorial étudiant la question de la taxe de vente harmonisée, le ministère des Finances a dit que la meilleure politique consistait à bien agir. Parfois, cela signifie qu'il faut changer d'avis.

Je crois que c'est l'un de ces cas. Une règle imposant la non- déduction et la non-inclusion devrait être facultative et les parents qui ont la garde devraient disposer de tous les renseignements nécessaires pour prendre la bonne décision en fonction de leur situation. Les chefs de familles monoparentales ont besoin de choix et de politiques qui renforcent leur autonomie personnelle, et non de politiques qui font augmenter leur état de dépendance.

Il n'y a pas de déshonneur à changer une politique lorsqu'on a de bonnes raisons de le faire ou à admettre un oubli; il y a déshonneur lorsqu'on met en oeuvre une politique en dépit de ses conséquences et lorsqu'on ne dit pas toute la vérité aux personnes concernées.

Je vous remercie beaucoup de votre temps.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grubel, vous avez la parole.

M. Herb Grubel: Je suis désolé de revenir à la charge, mais lorsque l'on a discuté de ce projet de loi à la Chambre, j'ai adopté la même position que vous avez décrite, sauf pour la dernière partie que je ne connaissais pas, en ce qui concerne une sorte de garantie que le gouvernement offrirait, quitte ensuite à retracer les gens qui ne font pas leurs paiements. Je pense que ce serait une proposition raisonnable.

Je me souviens fort bien avoir reçu des appels d'avocats, au moment où l'on discutait de cette question. Ils disaient qu'il y a un nombre relativement peu élevé d'avocats spécialisés en droit de la famille dans notre pays, et ils sont tous occupés. Ils disaient que le téléphone n'arrêtait déjà pas de sonner, parce que des dizaines de milliers de pères insistaient pour rouvrir leur contrat de divorce à cause de cette mesure. Cela causera un véritable engorgement. Nous n'avons pas suffisamment d'avocats. Les tribunaux seront engorgés. Voilà ce qu'ils prédisaient.

.1550

Je me demande si vous pourriez faire des commentaires à ce sujet. En avez-vous entendu parler?

Mme Beattie: En fait, si vous avez lu le Toronto Star de dimanche, vous avez vu que Phil Epstein, de Toronto, disait qu'il était surpris du contraire: personne n'essayait de rouvrir son contrat. Il était surpris que personne n'essaie de le rouvrir afin de tout régler avant le ler mai.

M. Herb Grubel: L'homme qui m'a téléphoné était peut-être un alarmiste, mais je pense que lorsqu'on remplira la prochaine déclaration d'impôt, il y aura peut-être une réaction. Je n'en serais pas surpris. Si je me place dans la position d'un père qui se trouve dans cette situation, je voudrais certainement rouvrir ce contrat.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit: Merci. J'ai aussi apprécié votre exposé. Je pense que vous avez fait valoir beaucoup de bons arguments.

J'aimerais que vous précisiez quelques-uns de vos commentaires. Vous dites que vous vous attendez à ce que les recettes fiscales supplémentaires découlant de cette modification se situent entre 400 millions de dollars et 1 milliard de dollars. Ce sont des chiffres que je n'ai jamais entendus auparavant. J'ai entendu parler d'un chiffre approximatif de 200 millions de dollars.

Mme Beattie: Le document du budget parle de 410 millions de dollars, mais 240 millions de dollars représentent la part du gouvernement fédéral. Il y a évidemment une partie de ces recettes qui reviendra aux provinces et dont personne n'a parlé.

On sous-évalue ces sommes pour les raisons que je vous ai données: si l'on est arrivé à ces chiffres de la façon que je pense, on n'a pas tenu compte des pensions alimentaires impayées. Cependant, c'est un facteur. En outre, si les allocations de pensions alimentaires sont dorénavant inférieures au total qu'elles auraient atteint en vertu de l'ancien système, il y a là évidemment un autre facteur de sous-évaluation.

Encore une fois, cependant, on citait le chiffre de 1 milliard de dollars dans l'article du Toronto Star. Je sais qu'à ce moment- là plusieurs commentateurs du budget à la télévision parlaient de 600 millions de dollars. Je pense que personne ne le sait vraiment. Je ne sais pas comment on pourrait calculer cette somme d'une manière sûre.

M. Leon E. Benoit: J'ai encore une précision à demander. Vous avez parlé de quelqu'un qui approuvait au début les modifications fiscales parce qu'il - je crois que c'était un homme - pensait qu'elles amélioreraient la situation en mettant plus d'argent à la disposition des parents ayant la garde, mais qu'après avoir examiné la question davantage, il a changé d'avis.

Mme Beattie: Je ne le pense pas.

M. Leon E. Benoit: C'était au début de votre exposé.

Mme Beattie: Vous parlez peut-être de la personne qui a dit qu'à l'exception des cas de femmes qui gagnent plus de 50 400 $ par année de sources autres que les pensions alimentaires, ce serait leurs enfants qui feraient les frais de ces recettes supplémentaires de Revenu Canada.

C'était une avocate de Toronto, Linda Silver Dranoff, qui était en faveur des modifications fiscales, et elle est encore du même avis. Elle disait simplement que nous devrions revenir à la case départ et augmenter le montant des pensions alimentaires pour enfants. Elle ne voulait donc pas qu'il y ait imposition et elle voulait qu'on augmente les pensions alimentaires pour enfants, deux propositions qui s'excluent mutuellement, à mon avis. Il arrive un moment où il n'y a pas d'argent de plus. On ne peut pas continuer d'augmenter les pensions alimentaires en même temps que Revenu Canada perçoit davantage.

M. Leon E. Benoit: Quelqu'un avait recommandé qu'on maintienne le régime actuel. C'est ce que vous recommandez, n'est-ce pas?

Mme Beattie: Je n'ai jamais eu d'objections au régime actuel. J'ai été absolument sidérée lorsque le budget a été présenté. Je ne m'attendais pas à cela, parce que cela n'avait pas de sens pour moi, d'après mon expérience, notamment.

M. Leon E. Benoit: Pourquoi l'a-t-on fait, d'après vous?

Mme Beattie: J'ai mentionné quelques raisons. D'après ce que j'ai entendu sur la colline, des femmes qui ne comprenaient pas le régime fiscal ont exercé des pressions intenses. Il vient un moment où les pressions sont telles qu'on donne aux gens ce qu'ils veulent et qu'on leur dit ce qu'ils veulent entendre.

Mais lorsque le gouvernement agit ainsi, il y a un danger, et c'est qu'à un moment donné les femmes découvriront autre chose. Vous ferez alors face à une réaction brutale, parce qu'elles découvriront que ce qu'elles voyaient ici était une création de leur imagination. Elles avaient vu ce qu'elles voulaient voir.

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Comme je l'ai dit, j'aide des gens à préparer leurs déclarations d'impôt sur le revenu et j'ai travaillé beaucoup auprès de parents qui ont reçu la garde de leurs enfants, essayant de leur faire comprendre comment prendre une décision de cette nature. Ces gens ont beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi les pensions alimentaires pour enfants qu'elles reçoivent sont plus élevées, même si elles sont imposées. Il faut à peu près une demi- heure pour leur expliquer ce que signifie le fractionnement du revenu.

M. Leon E. Benoit: Il s'agit donc d'une politique fondée sur une perception - ce qui paraît bon et vendable - plutôt que ce qui est réellement bon.

Mme Beattie: Je pense qu'il y a eu des pressions politiques intenses.

M. Leon E. Benoit: En effet.

Pour en revenir à votre déclaration, il y a une question que je ne crois pas avoir encore entendu soulever: le fait que les coûts d'exécution sont présentement déductibles aux fins de l'impôt. Dites-vous que vous pensez qu'ils pourraient ne pas l'être?

Mme Beattie: Eh bien, ils ne le seront pas, pour la même raison que les hommes ont perdu leur déduction quand l'inclusion du revenu a été éliminée: les déductions et les inclusions dans les revenus s'équilibrent. Lorsqu'on élimine l'inclusion dans le revenu, on ne fait plus cette dépense pour gagner un revenu, de sorte qu'on ne peut pas espérer que M. Martin permettra encore ces deux déductions. Cela fait simplement partie des règles fiscales normales.

M. Leon E. Benoit: Cela peut représenter une dépense phénoménale pour les parents à qui est confiée la garde des enfants.

Mme Beattie: Je sais. J'ai comparu pour faire exécuter des ordonnances comme il est prévu au projet de loi C-41, et mes frais juridiques se sont élevés à 350 000 $. Beaucoup de gens se fient à des agences d'exécution, mais pour un cas comme le mien, qui est international, il est illusoire de penser que quelqu'un de Toronto pourra s'en occuper.

Ce sont des choses qui permettent vraiment aux chefs de familles monoparentales de s'occuper eux-mêmes de leur cause lorsqu'il le faut. C'est extrêmement important. Ces deux déductions sont considérables. Elles sont considérables. Personne ne les a mentionnées. Elles n'apparaissent dans aucun des documents. Je pense que c'est un oubli. C'est ce qui m'a amenée à descendre dans l'arène, parce que quelqu'un doit en parler.

Les cotisations à un régime enregistré d'épargne-retraite sont également extrêmement importantes pour les femmes. Pour certains chefs de familles monoparentales, la pension alimentaire pour enfants représente le seul revenu gagné et même si ces femmes peuvent mettre seulement 25 $ ou 100 $ par année dans leur REER, cela leur donne un jour quelque chose sur lequel elles peuvent compter et qui leur appartient, quelque chose qu'elles ont fait pour elles-mêmes.

M. Leon E. Benoit: J'avais déjà entendu parler de cette question, mais pas de celle qui concerne les coûts d'exécution. Je comprends que cela peut représenter des sommes considérables dans bien des cas, car j'ai entendu parler de certaines factures qu'il faut payer pour assurer l'exécution des ordonnances de pension alimentaire.

C'est très intéressant tout cela, car au cours de la période de questions d'aujourd'hui, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances a dit que son gouvernement n'avait pas du tout augmenté les impôts sur le revenu des particuliers. Je ne sais pas comment on pourrait appeler cela.

Mme Beattie: Cela équivaut à une augmentation d'impôt pour les parents à faible revenu qui obtiennent la garde de leurs enfants. Pour ceux qui n'en obtiennent pas la garde, cela n'a pas vraiment beaucoup d'importance, parce que l'argent qu'ils enverraient normalement aux enfants, ils l'enverront maintenant au gouvernement. Ils ne garderont donc pas cet argent.

M. Leon E. Benoit: Eh bien, cela importe...

Mme Beattie: Cela importe dans le sens qu'ils préféreraient que l'argent aille aux enfants plutôt qu'au gouvernement, qui décidera quoi en faire.

M. Leon E. Benoit: Bien sûr. La plupart des parents qui n'ont pas la garde des enfants veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Or ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour les enfants.

Merci.

M. Herb Grubel: Puis-je demander une précision? Je sais que nous voulons tous ici passer au projet de loi C-93, mais cette question est tellement importante. J'écrirai peut-être quelque chose à ce sujet. C'est tout simplement une bévue incroyable de la part de ce gouvernement. Je pense que c'est le même ministre de la Justice qui a déjà cédé ainsi, parce qu'il est à la merci d'une bureaucratie totalement coupée de la population du Canada et ne veut pas faire ce qu'il convient de faire. Vous n'avez pas évidemment à répondre à cela.

J'aimerais poser une question technique. Je pensais que le coût fiscal tenait au fait que si on enlève 1 000 $ à quelqu'un dont le taux marginal d'imposition est de 50 p. 100 et qu'on le donne à quelqu'un d'autre qui n'a, disons, qu'un taux marginal d'imposition de 30 p. 100, ça donne un écart de 20 p. 100. Comment ces 50 000 $ interviennent-ils alors? Ce ne serait vrai que si la personne qui fait le paiement a un taux marginal d'imposition inférieur à celui du bénéficiaire. Expliquez-moi pourquoi cela a lieu à 54 000 $ de revenu.

Mme Beattie: Je n'ai pas fait cette étude, mais je peux vous donner une copie de l'article.

M. Herb Grubel: Je ne comprends rien.

Mme Beattie: Elle donne les noms des comptables chargés du litige auxquels elle a eu recours. Elle donne une table, et vous pourrez voir à compter de quel moment on rentre dans ses frais sans causer le moindre tort.

Quand j'ai dit qu'on perdrait 10 000 $ par année, il s'agissait d'un cas où le payeur gagnait 100 000 $ et le conjoint ayant la garde, rien.

M. Herb Grubel: J'ai bien hâte de voir ça.

Mme Beattie: Je peux vous en donner une copie.

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M. Herb Grubel: En principe, c'est une proposition tellement simple. Tant et aussi longtemps que le taux marginal d'imposition du payeur est supérieur au taux marginal d'imposition du bénéficiaire, il y a une perte. Et s'il finissait par y avoir égalité dans les conditions, il n'y aurait alors aucune différence. Ensuite, ça s'inverse. Et alors le gouvernement perd et la famille gagne. Mais il ne doit pas y avoir beaucoup d'exceptions comme celles-là, si les personnes qui touchent l'argent restent à la maison pour s'occuper des enfants. Mais ce n'est qu'une possibilité théorique.

J'ai vraiment du mal à comprendre comment une très forte proportion de ces 410 millions de dollars serait compensée par des gains. J'ai du mal à comprendre ça, il ne doit s'agir que d'un montant ridicule. Il se peut qu'il s'agisse d'une personne qui, après avoir divorcé, gagne à la loterie ou quelque chose du genre.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Fewchuk, vous aviez une question.

M. Ron Fewchuk (Selkirk - Red River, Lib.): Oui. Faisant suite aux observations deM. Grubel, j'aimerais rétablir les faits. Je ne me préoccupe pas beaucoup du vote pour le Parti réformiste, mais je tiens à corriger une impression pour le grand public. Je crois comprendre que les deux parties doivent être d'accord, qu'on n'aurait pas tous ces cas-là. Ai-je raison de croire ça? Les conjoints doivent être d'accord pour rouvrir le dossier?

Mme Beattie: Non, je ne pense pas que qui que ce soit puisse le rouvrir. Pour choisir, si vous ne vous présentez pas devant le tribunal, vous n'avez qu'à signer tous les deux un bout de papier et c'est fini.

M. Ron Fewchuk: C'est ce que je veux dire. Les deux doivent signer.

Mme Beattie: Mais si vous n'êtes pas d'accord et que l'un des deux veut se présenter au tribunal, pour obtenir une modification, alors... L'option, c'est ce qu'il y a de plus facile à faire, parce que ça ne coûte rien.

M. Ron Fewchuk: Si vous n'avez pas la réponse, soyez honnête et dites-le-moi franchement. Vous n'êtes pas trop sûre; vous hésitez. Vous devez savoir la réponse.

M. Leon E. Benoit: Elle a répondu.

M. Ron Fewchuk: Ce n'est pas à vous que je parle.

Mme Beattie: J'ai ici la documentation que j'ai reçue de Revenu Canada. Il y a le formulaire d'option et il y en a un autre.

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le président, je peux peut-être vous aider. J'ai devant moi les textes qui ont été publiés lors du dépôt du budget:

Il y a plusieurs situations où les nouvelles règles peuvent s'appliquer. Chose certaine, cela inclurait un accord conclu après le 1er mai, ou un accord ou une ordonnance du tribunal stipulant expressément que les nouvelles règles fiscales s'appliqueront aux paiements faits après une date précisée, mais pas avant le 30 avril, date à laquelle le payeur et le bénéficiaire signent tous les deux un formulaire disant que les nouvelles règles vont s'appliquer.

Mais je pense que ce dont on parle - et je ne vois pas ça dans mon texte, et nous devrions clarifier cela - c'est du fait qu'une partie à un accord peut de son propre chef demander au tribunal de modifier une ordonnance, forcer l'autre partie à demander cela au tribunal. Je vais vérifier cela dans un instant. Je ferai d'autres observations plus tard.

M. Herb Grubel: Mais là n'est pas la question.

M. Barry Campbell: Oui, c'était la question qu'il posait.

M. Ron Fewchuk: Oui, c'était ma question.

M. Herb Grubel: Mais pour moi la question, c'est que...

M. Barry Campbell: Eh bien, vous avez peut-être plusieurs questions.

M. Herb Grubel: Non, non, mais celle-là m'a surpris aussi parce qu'on n'en parlait pas dans les journaux.

Je vais dire père et mère. Pardonnez-moi si je me trompe dans ma généralisation et si je suis politiquement incorrect. Maintenant le père devra payer le même montant... Disons que le tribunal dit qu'il doit verser 10 000 $ à son ex-femme. À l'heure actuelle, avec un taux marginal d'imposition de 50 p. 100, ça lui coûte seulement 5 000 $ après impôt. À compter du 1er mai, pour l'année à venir, ça lui coûtera 10 000 $. Ce que je voulais dire c'était...

M. Ron Fewchuk: Ce n'est pas la question que j'ai posée.

M. Herb Grubel: D'accord. Permettez-moi seulement de reformuler la question.

M. Ron Fewchuk: Ma question s'adressait à elle.

M. Herb Grubel: Oui, mais vous me l'avez posée.

M. Ron Fewchuk: Parce que les deux doivent être d'accord pour signer.

Une voix: N'importe qui peut obtenir une modification.

M. Ron Fewchuk: Merci.

M. Herb Grubel: Ce qui me surprend, et ce qui surprend le témoin, c'est que le père, qui doit tout à coup payer, après impôts, deux fois plus qu'il payait l'année précédente, va devoir se présenter devant le tribunal et y dire que c'est totalement injuste et...

M. Ron Fewchuk: De toute façon, on pourrait discuter ici toute la journée et toute la nuit, mais nous n'avons pas tout ce temps-là à nous. Et c'est la même chose pour la mère.

Merci beaucoup. On n'a pas répondu à ma question.

Monsieur le président, vous pouvez poursuivre.

M. Herb Grubel: Le problème, c'est qu'il y aura tous ces parents n'ayant pas la garde, pour être politiquement correct, qui vont se réveiller un beau matin pour constater que leurs obligations ont doublé. Mais s'ils sont à un taux d'imposition marginal et que le montant reste le même, ils ont le droit...

M. Barry Campbell: Vous ne pouvez pas dire ça; regardez le tableau.

.1605

M. Herb Grubel: Ils ont le droit de se présenter au tribunal et de dire: monsieur le juge ou madame le juge, vous avez été saisis de notre affaire et m'avez imposé une pension alimentaire de 10 000 $, mais ce n'est plus valide. Je suis surpris qu'il n'y ait pas plus de parents n'ayant pas la garde qui ne contestent pas ça. Et ils vont le faire.

Mme Beattie: Si vous me permettez d'intervenir ici, je serais très surprise de voir des parents n'ayant pas la garde se présenter au tribunal pour exiger l'entrée en vigueur des nouvelles règles. Ce sont les parents ayant la garde qui vont le faire, parce qu'après le 1er mai, il y a un tas de dossiers qu'on pouvait ouvrir avant et qu'on ne pourra plus ouvrir. Le juge se contentera de regarder la table et dira, vous gagnez 100 000 $, donc voici ce que vous avez à payer. Et pour ce qui est des autres aspects de la question, la seule chose qu'on pourra faire, ce sera de plaider l'extrême misère financière, et ça va être très difficile.

Donc je serais très surprise si les parents n'ayant pas la garde commençaient...

M. Ron Fewchuk: Ce n'est pas très difficile, si vous n'avez rien, de plaider l'extrême misère financière.

Merci.

Le président: Monsieur Campbell.

M. Barry Campbell: J'ai quelques observations à faire et des questions à poser, mais j'aimerais reprendre là où nous avions terminé.

Pouvez-vous dire sans équivoque, tout de suite - et je sais que vous avez consacré à cela énormément de travail, et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises à ce sujet - queM. Grubel a raison de dire que le parent n'ayant pas la garde va se réveiller un beau matin et constater que ses obligations ont doublé en conséquence des tables que vous avez examinées, maintenant qu'il n'existera plus cette déduction-inclusion? Pouvez-vous répondre à cette question pour commencer?

Mme Beattie: Peut-être que certaines ont doublé mais seulement pour ceux qui payaient 50 $ par mois, auparavant, ce qui n'est vraiment pas beaucoup.

M. Barry Campbell: En effet. Donc, d'après vous, je sais que vous avez travaillé énormément sur la question, cela ne va pas avoir cet effet de doublement extraordinaire dont parle M. Grubel pour les parents qui n'ont pas la garde des enfants. Il y a des tas de choses dont nous devons parler cet après-midi, mais je voulais simplement m'assurer que nous ne partons pas du mauvais pied.

J'ajouterai toutefois, monsieur Grubel, pour être honnête, qu'une partie du problème que l'on a découvert en étudiant la question est qu'il y a des ordonnances de tout genre au Canada. Certains juges comprennent bien l'incidence de l'impôt sur le revenu; d'autres non. Certaines ordonnances semblent justes, tenant compte des implications fiscales de ces paiements, d'autres non. Les parents, à la fois ceux qui ont la garde et ceux qui ne l'ont pas, reviennent plus tard dire qu'ils n'avaient pas compris ce que cela représenterait du point de vue fiscal et qu'ils n'avaient pas saisi ceci ou cela si bien que l'on modifie continuellement les ordonnances.

Une partie du problème, et nous considérons les faits ici, est qu'il y a eu des ordonnances de tout genre et qu'il n'est tout simplement pas vrai que l'on puisse dire, que l'on puisse généraliser en disant que les parents qui n'ont pas la garde des enfants vont s'apercevoir maintenant que leurs paiements ont doublé. C'est un peu poussé.

M. Herb Grubel: Me permettez-vous de répondre?

Le président: Certainement.

M. Herb Grubel: N'est-il pas vrai que quiconque se trouve dans la fourchette de 50 p. 100 et doit transférer le même montant au parent qui a la garde va perdre un dégrèvement fiscal représentant exactement la moitié du montant versé?

Mme Beattie: En réalité, les nouvelles lignes directrices tiennent compte du fait que cette déduction ne s'applique plus. Le montant que vont recevoir les parents qui ont la garde de leurs enfants sera inférieur à ce qu'ils auraient reçu normalement sous l'ancien système parce que le gouvernement va toucher davantage. Ce que les parents qui ont la garde de leurs enfants ne savent pas en fait et ce qui est camouflé dans les lignes directrices est que si l'on avait maintenu l'ancien système, ils recevraient une pension alimentaire nette pour leurs enfants plus élevée parce que les dispositions concernant le fractionnement du revenu les touche aussi.

Les lignes directrices qui font partie de ce projet de loi donnent en fait aux parents qui ont la garde moins qu'ils n'auraient eu dans l'ancien système. Il ne s'agit donc pas que quelqu'un transfère... Par exemple, dans mon cas, si le gars gagnait 100 000 $, dans l'ancien système, je recevrais 3 000 $ par mois. Avec le calcul actuel, ce serait 1 500 $ ou quelque chose de cet ordre.

On tient donc compte du fait qu'il faut payer davantage d'impôts et que l'on paie ainsi moins en pension alimentaire pour enfants.

M. Herb Grubel: Je vous demande pardon. J'aimerais simplement dire une dernière chose. Je sais qu'il faut que nous avancions. Je dis simplement que sans se reporter aux lignes directrices, c'est- à-dire s'en remettre aux tribunaux, nous considérerons que comparé à l'année fiscale 1996, pour l'année 1997, si rien d'autre ne change, leur revenu après impôt aura diminué de 5 000 $. Je trouve que cette conclusion est tout à fait logique.

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Si l'on veut aller plus loin, s'ils sont insatisfaits et s'adressent à un avocat, qui leur dit que pour certains il existe des lignes directrices qui leur feront payer encore plus, la situation est différente. Mais si on ne change rien d'autre, ce parent qui n'a pas la garde aura un taux d'imposition marginal de 50 p. 100 dans l'exemple de 10 000 $ que je donnais et à la fin de l'année prochaine, son revenu après impôt sera de 5 000 $ inférieur à ce qu'il était cette année. Tout le reste demeure inchangé. Je n'en démords pas.

Mme Beattie: Vous parlez de quelqu'un qui a déjà une ordonnance?

M. Herb Grubel: Oui.

Mme Beattie: Les nouvelles règles ne s'appliquent pas aux gens qui ont déjà une ordonnance à moins que l'un d'entre eux fasse quelque chose pour invoquer le nouveau règlement.

M. Herb Grubel: L'impôt?

Mme Beattie: Oui. Les gens qui ont actuellement des ordonnances peuvent conserver l'ancien système tant que cela les satisfait. Par contre, s'ils demandent une modification, ils sont assujettis au nouveau règlement. Celui-ci ne s'applique qu'aux ordonnances rendues après le ler mai.

M. Barry Campbell: Monsieur le président, laissons M. Grubel absorber cela pendant un instant.

M. Herb Grubel: Ma foi, maintenant, je suis vraiment gêné. C'est horrible.

Le président: Nous apprenons tous beaucoup. Nous sommes tous ensemble en quête de vérité.

M. Barry Campbell: Monsieur le président, je voudrais revenir à un certain nombre d'autres points. J'aurais voulu revenir au témoin précédent afin de répondre à certaines des choses qui ont été dites et de rétablir certains faits pour le compte du gouvernement.

Mme Dewar a comparu devant nous il y a quelques instants. Elle a critiqué les politiques du gouvernement qui, d'après elle, ne donnaient pas la priorité aux enfants. Je dois répondre pour le gouvernement que c'est tout le contraire. Mme Beattie peut dire que nous nous y sommes mal pris et certains ne seront peut-être pas d'accord sur tel ou tel aspect de la question, mais l'objectif était de donner la priorité aux enfants et de veiller à ce que les paiements de pensions alimentaires les concernant ne soient pas touchés par cette modification au régime fiscal.

Deuxièmement, le témoin précédent a déclaré, et c'est une paraphrase, que nous ne devrions pas traiter différemment les gens qui travaillent et ceux qui sont assistés sociaux. À cet égard, j'attirerais son attention sur l'objectif de la nouvelle prestation fiscale pour enfants qui vise à mettre fin à la distinction qui existe et qui s'est révélée injuste pour les gens qui travaillent.

Autre chose, et Mme Beattie en a également parlé, à propos de la soi-disant ponction fiscale qui découlerait de ce nouveau système dans lequel on met fin à l'inclusion des pensions dans le revenu. Comme l'a déclaré alors le gouvernement, les gains qui en résultent sont réinvestis essentiellement dans deux domaines. D'une part, des mesures accrues pour faire appliquer des ordonnances. Pour revenir à ce que disait Mme Beattie, cela devrait diminuer le nombre de cas où les parents qui ont la garde sont obligés de poursuivre pour non-paiement ceux qui n'ont pas la garde. Deuxièmement, et c'est déjà en vigueur, des paiements supérieurs au titre du supplément de revenu pour les parents qui travaillent.

Je passe maintenant à Mme Beattie, tout d'abord pour la féliciter. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises. Je dois dire qu'il n'y a probablement pas grand-monde au pays qui a consacré autant de temps à cette question que Mme Beattie et je veux l'en féliciter.

Mais je ne suis pas d'accord quand elle dit pour commencer qu'elle a essayé de se faire entendre, de communiquer son point de vue. Je n'ai pas entendu dire qu'elle ait essayé de s'adresser à ce comité à ce sujet et qu'on lui ait refusé la possibilité de le faire. Qu'on me corrige si je me trompe. Elle est ici aujourd'hui, alors que nous étudions le projet de loi, et c'est le moment pour elle de nous faire part de son point de vue. D'autre part, j'ajouterais que je sais qu'elle a rencontré un certain nombre de députés et de fonctionnaires. Elle a également reçu plusieurs lettres en réponse aux siennes de ce député que je suis alors que je m'efforçais, dans la mesure de mes faibles capacités, de répondre à certaines des questions assez provocantes qu'elle posait.

Mme Beattie: Je voulais dire publiquement.

M. Barry Campbell: Ma foi, c'est ce que vous faites aujourd'hui. Je crois qu'il est injuste de dire...

Mme Beattie: Aujourd'hui, c'est très près de la fin.

M. Barry Campbell: Néanmoins, vos propos sont publics et nous prenons le temps d'avoir cette discussion.

Pour revenir à certaines de vos remarques, vous avez laissé entendre que la façon dont ces modifications avaient été introduites reflétait le paternalisme et l'iniquité. Il y a beaucoup de Canadiens qui ne seraient pas d'accord avec vous, puisqu'ils prétendraient au contraire que c'est le mécanisme de déduction et d'inclusion qui a compliqué tout le système d'aide financière aux enfants. Nous avons tous à coeur les enfants, mais nous ne nous entendons pas sur la façon de nous y prendre. N'oublions pas, toutefois, que l'objectif de cet exercice a toujours été de faire en sorte que les enfants reçoivent l'aide financière dont ils ont besoin.

.1615

Des députés se sont déplacés en comité dans tout le pays et le gouvernement a déployé beaucoup d'énergie sur cette question, et partout où nous sommes allés, nous avons rencontré des Canadiens qui étaient d'avis que le système actuel ne fonctionnait pas bien. Pourquoi? C'est surtout parce que les juges ne calculaient pas tous de la même façon la pension alimentaire à accorder. Certains d'entre eux calculaient à juste titre l'incidence fiscale, alors que d'autres n'en tenaient pas compte. Vous avez admis vous-même que les parents, qu'ils aient obtenu la garde ou non, ne comprenaient pas plus les uns que les autres comment l'impôt serait appliqué sur leur pension alimentaire. Il y a eu surprise de part et d'autre. Le système actuel nuisait à la capacité de donner aux enfants l'aide financière dont ils avaient besoin.

J'ai une ou deux autres observations plutôt disparates. D'abord, nous pouvons établir les montants. Les parents qui n'ont pas la garde des enfants sont obligés d'indiquer leurs paiements afin de profiter de la déduction. Les chiffres sont donc connus. On peut bien avancer tous les chiffres; il est possible d'avoir les chiffres. Ce sont ceux qui ont été inscrits au budget de l'an dernier.

Quant aux modifications, je tiens à signaler pour que cela soit bien clair que l'un ou l'autre des parents peut demander au tribunal de modifier l'ordonnance, mais il est toujours possible aux deux parents d'accepter d'adhérer au nouveau système.

Enfin, notre objectif a toujours été de simplifier le mécanisme, même si nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec les modalités. L'une d'entre elles, c'est évidemment une meilleure mise en oeuvre des nouvelles règles. Certains parents n'ayant pas la garde pourraient même découvrir qu'avec les nouvelles façons dont les montants sont calculés, et parce que certains juges ne comprennent pas bien les conséquences fiscales du nouveau mécanisme, leurs paiements pourraient ne pas doubler, même s'ils ne resteront pas nécessairement les mêmes. En fait, leurs paiements pourraient même diminuer. Il faut regarder le tableau.

Je vous demande votre indulgence, monsieur le président, car j'ai une dernière remarque. D'aucuns - et Mme Beattie en faisait peut-être partie - ont critiqué le nouveau système en alléguant qu'il était injuste de ne pas tenir compte du revenu du parent qui a la garde. C'est en tout cas ce qu'ont prétendu certains. En fait, on a tenu compte du revenu du parent gardien dans l'établissement des tableaux.

Dans les lignes directrices, on traite indépendamment les obligations financières des parents à l'égard des enfants. La contribution du parent qui verse la pension alimentaire est fixée en fonction de son revenu, sans que l'on tienne compte du revenu du parent gardien. Les montants octroyés au tableau représentent les montants que l'on s'attend à ce qu'un parent ayant tant de revenu dépense pour son enfant. On s'attend aussi à ce que le parent gardien contribue une part semblable de son revenu pour participer lui aussi à ce qu'il en coûte d'élever l'enfant. Si je me reporte à tout ce qui a été publié au moment du budget, c'est une façon de s'assurer que les enfants subiront les conséquences des augmentations et des diminutions du revenu de l'un ou l'autre des parents, tout comme ils le feraient si les deux parents avaient continué à vivre ensemble.

Monsieur le président, voilà tout ce que je voulais préciser au nom du gouvernement. Je suis convaincu que Mme Beattie aura certainement des commentaires à faire en réaction à mes propos, car c'est bien pour cela que nous sommes réunis ici.

Le président: Vous avez la parole, madame Beattie.

Mme Beattie: Je maintiens ce que j'ai dit au début, pour la plus grande partie. Il se peut fort bien que le nouveau système soit plus simple, mais il sera moins généreux avec les enfants. Laissez-moi vous expliquer ce qui arrivé dans le cas de ma propre famille. Je vous accorde que toute cette analyse est théorique, puisque nous ne recevons pas un sou.

Nous sommes à la fourchette 100 000 $ à zéro. Si je me présentais devant un tribunal le 1er mai et décidait d'opter pour le nouveau système, une fois la situation analysée, je me retrouverais avec 10 000 $ par année de moins qu'aujourd'hui, puisque le nouveau mécanisme prévoit que cette somme est versée au gouvernement. Je ne recevrais pas le supplément du revenu gagné. Le gouvernement me retire 10 000 $ et le donne à quelqu'un d'autre. Or, c'est ce qui arrive aussi à des tas d'autres familles, et c'est ce qui cloche.

Vous être en train de dire aux parents gardiens que vous allez subtiliser l'argent que verserait l'autre parent à ses enfants et que vous n'allez le leur rendre que sous forme de crédits d'impôt. Vous ne croyez pas qu'il vaudrait mieux laisser le parent le verser directement à l'enfant? Pourquoi me retirer 10 000 $ et le donner à quelqu'un d'autre? Mes enfants ont droit à toute somme que leur père pourrait leur donner.

Le président: Monsieur Grubel.

M. Herb Grubel: Conviendriez-vous avec moi que ce projet de loi aurait pu arranger la situation pour le mieux si le tableau des paiements avait été établi en fonction du revenu du parent non gardien et si les règles modifiant le traitement fiscal des versements avaient été omises?

.1620

Mme Beattie: Je crois avoir mentionné que des lignes directrices avaient été publiées en janvier 1995, et qu'elles se fondaient sur l'ancien système, mais qu'elles avaient été mises de côté par le plus grand des hasards.

Vous confondez les lignes directrices et le traitement fiscal. Je suis d'accord avec les lignes directrices, mais c'est le traitement fiscal qui me chiffonne. Si vous comparez les tableaux publiés en 1985 avec ceux qui ont été publiés conjointement avec ce projet de loi, vous verrez que les nouveaux tableaux pénalisent sévèrement les parents gardiens. L'argent qui serait versé normalement au père de l'enfant en vertu du fractionnement du revenu ira maintenant dans les coffres du gouvernement, et le gouvernement prétend qu'il le répartira parmi le 1,4 million de gagne-petit.

M. Herb Grubel: C'est toujours comme ça que l'on réagit! Nous soulevons la question de l'imposition et on nous répond qu'on a fixé des lignes directrices. Je me suis toujours demandé pourquoi il ne suffirait pas de fixer les lignes directrices, voire de leur donner force de loi au besoin, tout en oubliant le traitement fiscal. Ne croyez-vous pas que cela vaudrait mieux pour les enfants canadiens?

Mme Beattie: Je répète que, d'après moi, on devrait avoir le droit d'adhérer ou pas au nouveau système. Que l'on ait publié des lignes directrices dans les deux cas, ne donne pas plus de travail à qui que ce soit. Ainsi, les gens décideront... J'ai toujours cru que l'objectif, c'était d'optimiser la pension alimentaire destinée aux enfants et provenant d'abord du parent, quitte à ce que la prestation fiscale pour enfants vienne s'ajouter si le revenu familial est insuffisant. Il me semble que nous devons d'abord nous occuper des enfants.

Mais ce projet de loi-ci revient à dire que c'est l'État qui est le premier à subvenir aux besoins des enfants. En effet, en vertu du nouveau système, vous nuisez aux parents gardiens à faible revenu car ils reçoivent encore moins de pensions alimentaires destinées à leurs enfants de l'autre parent. Vous ne faites qu'exacerber la pauvreté en prétendant créer un programme, c'est-à- dire un programme national de prestations fiscales pour enfants, en vue de contrer cette même pauvreté.

M. Leon E. Benoit: Bien dit.

M. Herb Grubel: En effet, c'est bien dit.

Mme Beattie: Ce projet de loi pénalise les parents gardiens à faible revenu.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit: Le secrétaire parlementaire a prétendu que ce projet de loi-ci visait à améliorer le sort des enfants. Comment peut-il affirmer que de retirer entre 410 millions et 1 milliard de dollars par année à ces enfants leur rend la vie meilleure? Ce montant de 410 millions semble avoir été tiré du budget et...

M. Barry Campbell: Non, il ne l'est pas. Monsieur Benoit, vos chiffres sont désuets.

M. Leon E. Benoit: Ah non? Dans ce cas, les chiffres cités par le témoin et par le secrétaire parlementaire ne concordent pas.

Mme Beattie: Le document budgétaire de 1996 affirme que les règles de déduction et d'inclusion de 1996-1997 coûteront 410 millions de dollars.

M. Barry Campbell: Qu'est-ce qui coûtera cela?

Mme Beattie: Le document budgétaire de 1996 évalue à ce montant le coût total, et je cite:

M. Barry Campbell: Merci.

M. Leon E. Benoit: Nous parlons du coût total. Or, il n'y a qu'un seul contribuable, et cela me semble énorme que de retirer aux enfants de 410 millions à 1 milliard de dollars.

M. Barry Campbell: Monsieur Benoit, voudriez-vous laisser l'inflation en dehors de cela?

M. Leon E. Benoit: Pourquoi ne pas en débattre?

Mme Beattie: Si vous voulez avoir mon avis personnel sur ce que cela représentera comme montant, je pense que cela pourrait être encore plus, à cause de deux facteurs qui n'ont pas été pris en considération et des déductions.

M. Ron Fewchuk: Monsieur le président, je ne comprends pas de quoi nous parlons. Nous ne résoudrons rien du tout en utilisant leurs chiffres. Nous perdons beaucoup de temps précieux.

M. Leon E. Benoit: Je voulais également savoir si les chiffres du budget tiennent compte du fait que les coûts d'application du nouveau mécanisme ne seront plus déductibles. J'aimerais que le secrétaire parlementaire me réponde.

M. Barry Campbell: Je n'en sais rien. Je ne puis vous répondre.

M. Leon E. Benoit: Vous ne pouvez répondre. Cela pourrait bien faire grimper le tout de quelques millions, dans ce cas.

Le président: Monsieur Farber, pouvez-vous nous aider?

M. Leonard L. Farber (directeur général, Division de la législation de l'impôt, Direction générale de la politique fiscale, ministère des Finances): En ce qui concerne les coûts de mise en oeuvre du nouveau mécanisme, ils ne sont déductibles en vertu d'aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il existe toutefois des règles d'application générale portant que les coûts assumés afin d'aller chercher un revenu peuvent être déductibles. Par conséquent, dans la mesure où les montants des nouvelles ordonnances entrant en vigueur après avril 1997 ne sont pas inclus comme revenu, j'imagine - il faudrait pour cela que Revenu Canada nous donne son interprétation de la règle, qui n'a pas encore été mise à l'essai, que je sache - qu'il n'y aurait probablement pas de déductions au titre des règles d'application générale.

.1625

Le président: C'est ce qu'a dit Mme Beattie.

M. Farber: En effet.

M. Barry Campbell: Monsieur le président, le gouvernement est d'avis que la mise en oeuvre du nouveau système sera plus facile et que Mme Beattie et d'autres personnes dans la même situation n'auront pas à faire certains des déboursés qu'elles ont dû...

Mme Beattie: Si vous le permettez, je ne suis pas d'accord.

Le président: Je crois sincèrement que ces frais devraient être déductibles, même si le revenu n'est pas taxable.

Vous hochez négativement la tête, madame Beattie, comme si vous n'étiez pas d'accord avec moi. Mais c'est moi qui suis d'accord avec vous, à savoir que ces coûts devraient être déductibles.

Mme Beattie: C'est ce que nous souhaitons, mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les règles fiscales normales portent que pour pouvoir profiter d'une déduction il faut avoir payé la dépense dans le but de tirer un revenu qui est inscrit quelque part dans votre déclaration de revenu.

Le président: Je puis déduire l'intérêt que je verse sur le prêt que j'ai contracté pour acheter des actions, dont les dividendes pour ma société ne sont pas imposables.

Je conseillerais au gouvernement de se pencher sur cette question et de se demander s'il ne vaudrait pas mieux permettre la déduction des frais juridiques engagés dans le but d'aller chercher une pension alimentaire, même s'ils ne sont pas imposables chez le parent gardien.

Mme Beattie: Laissez-moi vous lire ce que je trouve dans le guide général d'impôt - il s'agit d'une lettre que j'ai envoyée à Mme Stewart...

Le président: Non, je comprends bien que cela n'est pas nécessairement le cas. M. Farber est d'accord avec vous, madame Beattie. Tout ce que je vous dis, c'est que le gouvernement devrait se pencher sur cette question, de même que sur l'autre question que vous avez soulevée également, soit les REER.

Est-ce bien exact? Mme Beattie a-t-elle raison quand elle dit qu'un parent qui a la garde ne pourrait pas à l'heure actuelle obtenir une déduction pour un REER, parce que son revenu n'est pas imposable?

M. Farber: Je crois que c'est exact, monsieur le président. Si son revenu n'est pas imposable, cela ne peut être calculé dans le total des revenus: par conséquent, on ne peut pas inscrire un ajustement de pension. Dans ces conditions, on ne peut pas réclamer une déduction pour REER.

Le président: Est-ce que cela était prévu, à votre avis, ou est-ce que c'est bien ce qu'on a voulu faire? À mon avis, il est souhaitable d'encourager tous les Canadiens à mettre de l'argent de côté pour leur retraite. La déductibilité devrait mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

Madame Beattie, vous avez traité ces deux questions d'une façon particulièrement intelligente et convaincante. Nous allons certainement étudier cela.

M. Farber: Monsieur le président, le gouvernement se penche actuellement sur la notion d'une pension pour les personnes qui travaillent au foyer. Cela ferait partie de la discussion générale sur la question de savoir si la pension des personnes qui travaillent au foyer et qui ne font pas partie de la main-d'oeuvre nationale doit passer par le Régime de pensions du Canada ou par un autre vecteur. C'est une notion de nature très générale qui mérite d'être analysée et approfondie.

Le président: Merci. Y a-t-il autre chose?

Madame Beattie, M. Campbell vous a félicitée pour tout le travail que vous avez consacré à ceci. C'est un mémoire exemplaire comme nous en recevons rarement de la part d'organismes professionnels, des gens qui sont assistés d'experts payés. Il y a peu de mémoires qui soient aussi réfléchis. Je vous en félicite vivement.

Mme Beattie: Merci.

Le président: Je sais que ce projet de loi va vous décevoir, mais ce n'est pas forcément la fin de nos efforts.

Mme Beattie: Non. Toutefois, il m'a semblé que cela méritait d'être exprimé. Ce n'est même pas un sujet qui m'intéresse directement, puisque je m'occupe plutôt d'application de la loi. Cela dit, je me suis sentie obligée d'en parler, car il m'a semblé qu'on n'avait pas suffisamment réfléchi à certaines choses.

Le président: MM. Grubel et Fewchuk ont des amis qui pourraient vous aider pour l'application, si vous le voulez.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier, madame Beattie. Je vous souhaite bonne chance; j'espère que vous aurez cet argent.

Mme Beattie: Merci.

.1630

Le président: Mesdames et messieurs, pouvons-nous revenir au projet de loi?

Les articles 2 et 3 sont-ils adoptés?

M. Barry Campbell: Monsieur le président, est-ce que je dois m'asseoir sur cette chaise devant le comité lorsque je passe d'un côté de la table au bout de la table?

Le président: Vous êtes comme le président de la Chambre lorsqu'on décide de siéger en comité plénier. Pour nous, cela ne fait pas la moindre différence.

M. Barry Campbell: Je précise que les gens du ministère sont ici si vous avez des questions à poser. Évidemment, je dois vous dire, monsieur le président, que nous avons l'intention de proposer 13 amendements. Ils sont tous de nature technique et sont le fruit de consultations ou d'améliorations apportées au libellé de certaines dispositions.

Le président: Dans tous les cas, d'excellents amendements.

M. Barry Campbell: Oui. Pour vous dire à quel point ils sont excellents, sept d'entre eux portent sur l'entrée en vigueur d'autres dispositions relatives aux assureurs multinationaux. En effet, la date d'entrée en vigueur, qui devait être après 1996, devient après 1997. En effet, les consultations ont pris plus de temps que prévu, elles ne sont donc pas terminées, et on souhaite donner à l'industrie un peu de temps pour se préparer.

Deux des amendements portent sur le nouveau système de pension alimentaire pour enfants et s'assurent que les versements faits dans le cadre d'accords signés après avril 1997 relèvent du nouveau système.

Les autres amendements portent sur les fonds des sociétés à capital de risque de travailleurs et l'exploitation de ressources. Ce sont des amendements hautement techniques qui font coïncider le libellé des dispositions et la politique.

Il s'agit des amendements du gouvernement G-1 à G-13.

Le président: Excellent, monsieur Campbell. Merci beaucoup. Vous avez fait un excellent travail.

Les articles 2 et 3 sont adoptés avec dissidence

M. Herb Grubel: Monsieur le président, tous les articles adoptés sont adoptés avec dissidence.

Le président: Très bien, monsieur Grubel.

L'article 4 modifié est adopté avec dissidence [voir Procès-verbaux]

Les articles 5 à 7 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 8 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

L'article 9 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

L'article 10 est adopté avec dissidence

L'article 11 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 12 à 16 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 17 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 18 à 22 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 23 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 24 à 38 inclusivement sont adoptés avec dissidence

[Français]

Le président: Monsieur Guimond, vous avez beaucoup travaillé et je dois vous féliciter. Qu'avez-vous fait pendant toute la fin de semaine?

M. Michel Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans, BQ): Nous sommes vaillants au Bloc québécois.

Le président: Courageux et assidus.

M. Michel Guimond: Nous avons pour devise: On n'a pas besoin d'être constipé pour être efficace.

[Traduction]

L'article 39 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

L'article 40 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 41 à 61 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 62 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 63 et 64 sont adoptés avec dissidence

L'article 65 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 66 à 70 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 71 est adopté avec dissidence [voir Procès- verbaux]

Les articles 72 à 75 inclusivement sont adoptés avec dissidence

L'article 1 est adopté avec dissidence

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Michel Guimond: Avec dissidence.

Le président: Le projet de loi est-il adopté à l'unanimité?

Des voix: Adopté.

M. Michel Guimond: Avec dissidence.

Le président: Dois-je faire réimprimer le projet de loi en prévision de l'étape du rapport?

Des voix: D'accord.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président: Mes amis, mesdames et messieurs du ministère, chers collègues, je vous remercie tous pour votre diligence, votre bon travail et les excellentes questions soulevées au sujet de ce projet de loi.

M. Barry Campbell: Au nom du gouvernement, je tiens à remercier les honorables députés ainsi que notre président.

Le président: Merci.

.1635

M. Herb Grubel: Monsieur le président, puis-je demander quelles sont les chances de voir quelque chose se faire au sujet des inquiétudes qui ont été soulevées aujourd'hui? Maintenant que nous avons adopté le projet de loi, est-ce totalement hors de question?

[Français]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

[Traduction]

M. Barry Campbell: Monsieur le président, j'aimerais répondre au nom du gouvernement. J'ai tout à fait l'intention de faire part de ces deux observations au ministre et de me pencher moi-même sur la question. En votre qualité de président du comité, je ne sais pas si vous jugerez bon d'écrire au ministre pour exprimer votre opinion et celle des membres du comité, mais je pense que ce serait une bonne idée.

M. Herb Grubel: Ils ont déjà décidé que cela ne ferait pas partie du projet de loi.

M. Barry Campbell: Pas pour l'instant. Comme M. Farber l'a dit, en ce qui concerne la première question, la possibilité de déduire les dépenses d'application, c'est une question d'interprétation, et le ministère va devoir y réfléchir. Quant à la deuxième question, c'est un sujet un peu plus vaste.

Je pense que pour l'instant nous allons devoir en rester là.

M. Herb Grubel: Le processus législatif est tel que tout cela est terminé pour l'instant, et seul un nouveau projet de loi pourrait changer cela, l'année prochaine ou à un autre moment.

Le président: Il est encore possible d'apporter des amendements à l'étape du rapport à la Chambre, monsieur Grubel. Je ne sais pas quand le projet de loi sera lu, mais j'imagine que ce sera dans les deux prochaines semaines; c'est probablement un espoir très faible, mais il est encore possible d'en discuter avec le ministre.

M. Herb Grubel: J'encourage vivement le président à écrire une lettre au ministre pour lui faire part des inquiétudes dont on nous a parlé aujourd'hui, pour lui demander d'employer son énergie considérable pour tenter d'y remédier, peut-être à l'étape du rapport et peut-être avant la troisième lecture.

Le président: Monsieur Grubel, je pense que vous pourriez vous-même écrire une lettre, si vous le souhaitez; de cette façon- là, je serais certain de ne pas donner une interprétation fausse. Je ne parlerais pas au nom du comité. À mon avis, vous devez vous sentir tout à fait libre d'écrire une lettre.

En tout cas, je vais m'assurer que ces deux questions sont portées à l'attention du ministre, mais je sais que de votre côté vos préoccupations vont plus loin.

M. Herb Grubel: Ces préoccupations-là étaient déjà apparues pendant le débat, mais maintenant, nous venons d'avoir de nouvelles informations que je n'avais pas à l'époque.

Le président: Mme Beattie a certainement fait un excellent travail.

M. Herb Grubel: Absolument.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.

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