3. Évaluation de la loi et de la politique
Les chapitres précédents ont servi à décrire les principes sur lesquels repose le régime canadien d'imposition des gains en capital des non-résidents et des migrants, et à tracer les grandes lignes des régimes en vigueur dans plusieurs autres pays. Le présent chapitre a pour objet de déterminer si le Canada devrait modifier sa politique en la matière.
Pour répondre à cette question, on analysera les règles actuelles en fonction des trois objectifs suivants, qui devraient à notre avis être poursuivis dans la politique canadienne, en visant le juste équilibre :
-
imposer les non-résidents, y compris les anciens résidents, sur tous les
gains dont on peut considérer qu'ils proviennent d'une source canadienne;
- harmoniser les règles fiscales du Canada avec celles d'autres pays et,
- faciliter l'observation de la loi pour les contribuables et l'exécution de la loi pour Revenu Canada.
La loi actuelle correspond dans l'ensemble à ces objectifs, mais certains réglages devraient être envisagés. La liste des conclusions et recommandations du Comité à ce sujet figure en fin de chapitre.
a) Concilier quatre critères
Pour évaluer une politique complexe, présentant de nombreux aspects, il faut dégager ses grands objectifs. Pour le Comité, la politique fiscale du Canada concernant la migration des contribuables doit être fondée sur les objectifs qui suivent :
-
imposer les non-résidents, y compris les anciens résidents, sur tous les
gains dont on peut considérer qu'ils proviennent d'une source canadienne;
- harmoniser les règles fiscales du Canada avec celles d'autres pays, au
moyen de conventions fiscales et de mesures législatives canadiennes;
- faciliter l'observation de la loi pour les contribuables;
- faciliter l'exécution de la loi pour Revenu Canada.
Le Comité reconnaît que c'est en combinant ces quatre objectifs, souvent contradictoires, de manière équilibrée que l'on pourra mettre au point une politique cohérente. Une politique qui serait résolument axée sur l'imposition du maximum de gains de source canadienne, par exemple, irait à l'encontre du grand principe reconnu internationalement, auquel souscrit d'ailleurs le Canada, voulant que le pays de résidence d'un contribuable doit avoir le pouvoir exclusif d'imposer la plupart des gains. De même, si l'objectif premier était la facilité d'observation, il faudrait exempter de nombreux non-résidents de l'impôt canadien, car les différences linguistiques et culturelles peuvent se révéler de véritables obstacles, même pour les contribuables les mieux disposés.
Néanmoins, ces quatre principes peuvent servir de repères pour évaluer le régime actuel et ses fondements. Les sections qui suivent visent à déterminer dans quelle mesure les règles actuelles d'imposition des migrants correspondent à ces principes.
b) Imposition des gains de source canadienne
Dans quelle mesure les dispositions législatives régissant les non-résidents et les biens canadiens imposables garantissent-elles que les gains accumulés au Canada sont imposés ici? Existe-t-il des moyens qui permettraient d'améliorer la situation? Pour répondre à ces questions, il est utile de distinguer l'application de ces règles aux personnes qui sont des non-résidents permanents et leur application à celles qui émigrent du Canada.
(i) l'impôt canadien sur les BCI détenus par des non-résidents
Certains biens sont des BCI, peu importe l'usage qu'en fait le propriétaire non résidant ou l'envergure de sa participation. C'est le cas des biens immobiliers situés au Canada et des actions de sociétés privées canadiennes. D'autres biens ne sont des BCI que dans certaines conditions, par exemple :
-
dans le cas des actions d'une société publique ou des actions ou unités
d'un fonds commun de placement, si le non-résidant ou les personnes ayant un
lien de dépendance avec lui ont eu au cours des cinq dernières années une
participation dans la société ou la fiducie égale ou supérieure à 25 p. 100;
- dans le cas d'une participation dans une société de personnes (ou une
fiducie, aux termes des modifications proposées), si la plus grande partie de la
juste valeur marchande des biens de la société de personnes (ou de la fiducie), à
n'importe quel moment au cours des 12 mois précédant la disposition, était
composée de BCI ou de certains autres biens canadiens et,
- dans le cas des biens en immobilisation, s'ils ont été utilisés par le non-résident dans l'exploitation d'une entreprise au Canada.
Le Comité note que, même s'il n'a pas été question dans les témoignages de problèmes particuliers dans ces types de biens, il est possible que, dans certaines circonstances, des contribuables puissent éviter qu'un bien soit placé dans la catégorie des BCI. Un non-résident possédant 25 p. 100 ou plus d'une catégorie d'actions cotées en bourse désireux de payer le moins possible d'impôt canadien sur un gain provenant de ces actions pourrait, par exemple, vendre tout juste ce qu'il faut d'actions pour que sa participation passe sous la barre des 25 p. 100, attendre plus de cinq ans et vendre le reste. Les gains réalisés lors de la vente initiale seraient imposables au Canada, mais les actions ne seraient plus un BCI au moment de la deuxième vente, et les gains réalisés à ce moment-là ne seraient pas assujettis à l'impôt canadien. Il serait aussi possible pour un associé non-résident soucieux d'éviter l'imposition d'un gain résultant de sa participation dans une société de personnes de diluer la proportion canadienne des biens de cette société en y ajoutant des actifs non canadiens. Si cet associé attendait avant de vendre qu'au moins 12 mois s'écoulent après que la proportion des biens canadiens sera tombée à moins de 50 p. 100, il pourrait éviter l'impôt canadien sur les gains en capital accumulés afférents à sa participation (9).
9 - Cette technique de dilution ne fonctionnera pas si l'apport de l'associé dans la société de personnes est constitué de BCI, grâce à la règle selon laquelle les participations dans une société de personnes sont réputées être des biens canadiens imposables.
Ces manipulations impropres du statut de biens pourraient être évitées si des modifications relativement mineures étaient apportées aux règles existantes. Le Comité croit qu'il serait utile d'envisager des modifications pour :
-
rallonger la période de 12 mois afin que la règle du retour en arrière qui
vise les sociétés de personnes (et les fiducies) soit harmonisée avec la règle de 5
ans qui est appliquée présentement pour la reconnaissance d'une participation
importante dans une société publique et,
- s'assurer que les gains sur un bien utilisé par un non-résident pour exploiter une entreprise au Canada sont imposés lorsque ce non-résident cesse d'utiliser le bien à cette fin.
Recommandation 1: Classement des biens
Le Comité recommande que le ministère des Finances envisage de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de manière à empêcher toute manipulation impropre ayant pour objet de faire passer un bien de la catégorie des "biens canadiens imposables" -- le genre de bien dont les gains en capital auxquels il donne lieu sont imposables pour les non-résidents -- à d'autres catégories de biens, ou vice-versa
(ii) l'impôt canadien sur les biens des personnes qui émigrent du Canada
Comme on le soulignait précédemment, les personnes physiques qui émigrent du Canada ne sont pas imposées sur les gains provenant de BCI au moment de leur départ. En outre, les émigrants peuvent différer aussi l'impôt dû sur les biens autres que des BCI en déposant une sûreté à l'égard de l'impôt dont ils sont redevables. Les fiducies ne sont pas assujetties à l'impôt sur les BCI au moment de leur départ, mais elles le sont sur les gains afférents aux autres catégories de biens, alors que les sociétés sont imposables au moment du départ sur les gains accumulés sur tous leurs biens, qu'ils soient des BCI ou non. Tous les contribuables doivent payer de l'impôt sur les gains afférents à un BCI, accumulés avant et après leur émigration, et réalisés après leur émigration. Les personnes physiques aussi sont redevables au moment de la réalisation du bien en question, de l'impôt qu'elles ont choisi, le cas échéant, de différer au moment de leur départ relativement à des biens autres que des BCI, l'impôt portant alors sur les gains accumulés avant et après leur émigration.
On a aussi noté que, lorsque les gains accumulés sur un bien ne sont pas imposables au moment de l'émigration, l'impôt exigible à la réalisation du bien porte à la fois sur les gains antérieurs et sur les gains postérieurs à l'émigration.
Au niveau théorique, ce système semble assez sain du fait que le bien en question aurait été un BCI d'un non-résident, soumis au même montant d'impôt canadien payable au même moment, peu importe que le contribuable soit un ancien résident canadien ou un non-résident pendant la période pertinente.
Si l'on admet qu'il est souhaitable d'obtenir des résultats uniformes dans le cas des contribuables émigrants et des «non-résidents permanents», il faut immédiatement se poser la question de fond suivante, soulevée dans le rapport du vérificateur général : les résidents canadiens doivent-ils être considérés comme détenant des BCI pour l'application des règles en vertu desquelles les biens qui ne sont pas des BCI sont réputés en être lorsqu'ils sont acquis en échange de BCI?
Sur cette question, le Comité part du principe que le système doit aboutir aux mêmes résultats du point de vue des montants globaux d'impôt canadien à payer, quelle que soit la chronologie des opérations. Il est généralement accepté, par exemple, que si un non-résident échange un BCI -- disons un bien immobilier canadien -- dans le cadre d'une opération de roulement contre des actions dans une société publique, ces actions seront réputées être un BCI, même si la participation de ce non-résident (et des personnes qui ont un lien de dépendance avec lui) dans la société est inférieure à 25 p. 100. Par conséquent, les gains subséquents qu'il réalisera sur ces actions seront assujettis à l'impôt canadien. De la même façon, un résident du Canada propriétaire d'un bien immobilier canadien qui émigre et échange ultérieurement le bien en question contre une participation de moins de 25 p. 100 dans une société publique dans le cadre d'une opération de roulement devra payer de l'impôt sur tous les gains afférents à ces actions, car elles seront alors considérées comme des BCI.
Mais que se passe-t-il si l'échange a lieu avant l'émigration? Si les actions ne sont pas réputées être des BCI (en supposant également que le contribuable ne demande pas qu'elles soient traitées comme des BCI), les gains qu'il accumulera après son départ ne seront pas imposés. Par contre, si les nouvelles actions sont considérées comme des BCI, du fait qu'elles ont été acquises en échange de BCI, tous les gains générés par ces actions jusqu'au moment de leur disposition finale seront imposables au Canada. Le Comité conclut qu'il vaudrait mieux considérer les actions comme un BCI d'un résident canadien puisque cette solution est compatible avec la façon dont sont traités le premier contribuable, qui est un non-résident permanent, et le second, c'est-à-dire celui qui émigre avant l'échange du bien immobilier contre les actions d'une société publique.
Prenons maintenant l'exemple du cas réel qui a été étudié dans la décision anticipée rendue en 1991. Une fiducie canadienne échange des actions d'une société canadienne privée contre moins de 25 p. 100 des actions d'une société publique, actions qu'elle attribue ensuite à un bénéficiaire non-résident. Compte tenu des éléments d'information dont il dispose, le Comité dégage le consensus qui suit :
-
L'attribution des actions de la société privée au bénéficiaire n'aurait pas
entraîné une imposition immédiate, mais tous les gains réalisés sur la vente
subséquente des actions auraient été assujettis à l'impôt canadien.
- L'attribution des actions de la société privée au bénéficiaire, puis leur
échange par celui-ci contre des actions d'une société publique aurait eu comme
effet que les actions de la société publique auraient été considérées comme un
BCI du bénéficiaire (ce qui signifie encore une fois que ni l'une ni l'autre des
opérations n'aurait entraîné une imposition immédiate au Canada, mais que tous
les gains réalisés par suite de la vente subséquente des actions auraient été
assujettis à l'impôt canadien).
- L'attribution des actions de la société publique au bénéficiaire aurait eu les effets suivants : si elles avaient été réputées être des BCI de la fiducie canadienne, l'impôt ne se serait pas appliqué immédiatement, mais tous les gains réalisés par le bénéficiaire lors de la revente des actions auraient été assujettis à l'impôt canadien; si les actions n'avaient pas été réputées être des BCI de la fiducie canadienne, l'impôt se serait appliqué immédiatement aux gains accumulés avant l'attribution, mais la totalité des gains accumulés pendant que le bénéficiaire possédait les actions aurait été exonérée.
Selon le Comité, il est difficile de justifier un régime fiscal dans lequel le montant de l'impôt à payer ou le moment de l'assujettissement à l'impôt dépendent de façon si cruciale de la chronologie d'opérations identiques ayant en bout de ligne les mêmes conséquences non fiscales. Manifestement, l'attribution des actions de la société privée au bénéficiaire non-résident aurait pu être qualifiée d'opération non imposable, car les gains générés sur ces actions seraient imposables en tant que BCI du bénéficiaire au moment de la vente finale. L'attribution des actions de la société privée au bénéficiaire non-résident, ainsi que l'échange subséquent de ces actions par ce dernier contre des actions d'une société publique, auraient certainement pu être considérés comme des opérations non imposables, puisque les actions privées auraient constitué un BCI du bénéficiaire et que les actions publiques auraient été réputées être un BCI pour ce même bénéficiaire. Si l'échange d'actions avait lieu avant l'attribution, il faudrait nécessairement, pour arriver au même résultat fiscal, que les actions publiques soient considérées comme des BCI pour la fiducie canadienne et pour son bénéficiaire non résidant.
Le Comité conclut donc que le régime en place va dans le sens de l'opinion voulant que les résidents canadiens puissent détenir des BCI et que, par conséquent, les règles en vertu desquelles les biens acquis en échange de BCI sont réputés être des BCI devraient s'appliquer aussi bien aux résidents canadiens qu'aux non-résidents.
Comme en témoignent le rapport du vérificateur général et les décisions analysées par ce dernier, les dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu ne reflètent pas cette conclusion aussi clairement qu'il serait souhaitable. Le Comité recommande de remédier à ce manque de clarté.
Recommandation 2: Portée de la définition de BCI
Le Comité recommande que l'on modifie la Loi de manière à indiquer clairement qu'un bien peut être considéré comme un bien canadien imposable pour n'importe quel contribuable, que le contribuable soit un résident du Canada ou un non-résident.
Le Comité note également les craintes exprimées durant les audiences au sujet des dispositions de la Loi qui peuvent permettre à une fiducie canadienne d'attribuer en franchise d'impôt un bien à un bénéficiaire non résidant, sur la seule base que ce bien est un BCI pour la fiducie. Pour reprendre l'exemple de la décision de 1991, si une fiducie échange des actions d'une société privée contre des actions d'une société publique, ces dernières seront réputées être un BCI de la fiducie et ainsi donc, comme l'a conclu le Comité, pourront et devraient pouvoir être attribuées à un bénéficiaire non résidant en franchise d'impôt. Toutefois, les gains du bénéficiaire afférents à ces actions devraient alors être assujettis à l'impôt canadien. Autrement dit, les actions publiques devraient aussi être des BCI réputés du bénéficiaire. Certains sont d'avis que la Loi ne précise pas assez clairement que les biens considérés comme des BCI pour la fiducie, qui peuvent donc être attribués sans imposition, doivent également être traités comme des BCI entre les mains du bénéficiaire. Le Comité n'est pas en mesure d'évaluer le bien-fondé de cette opinion, mais il estime néanmoins qu'il faudrait analyser cette question plus en profondeur.
Recommandation 3: Attribution des biens d'une fiducie
Le Comité recommande que l'on effectue les modifications nécessaires, au besoin, pour veiller à ce que les gains accumulés sur les biens d'une fiducie attribués à un bénéficiaire non résident soient imposés au nom de la fiducie ou au nom du bénéficiaire.
(iii) résumé
Le Comité conclut que, dans l'ensemble, les objectifs généraux de la politique fiscale sont conciliables avec le principe voulant que le Canada devrait imposer les non-résidents sur leurs gains de source canadienne. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils sont parfaitement reflétés dans les dispositions très techniques de la Loi de l'impôt sur le revenu. En particulier, des non-résidents peuvent manipuler de façon impropre le classement de certains biens pour qu'ils soient considérés comme des biens canadiens imposables ou comme d'autres biens. Dans le cas des personnes qui émigrent du Canada, le Comité estime que les arguments de principe avancés pour que des biens soient considérés comme des BCI de résidents du Canada sont tout à fait convaincants : si ce classement n'était pas permis, des opérations à résultat identique sur le plan financier auraient des incidences fiscales fort différentes. Pour éviter l'incertitude, les dispositions de la Loi devraient être éclaircies pour mieux tenir compte de cette conclusion. Le Comité ajoute que des inquiétudes ont été manifestées face au manque de clarté de certaines dispositions de la Loi en vertu desquelles des biens sont réputés être des BCI. Il recommande que cette question soit étudiée plus attentivement.
c) Harmonisation avec les autres pays
C'est principalement par un lacis de plus en plus vaste de conventions fiscales bilatérales que le Canada et les autres pays harmonisent leurs règles en matière d'impôt sur le revenu des non-résidents, y compris les anciens résidents. Le Canada est signataire de près de 60 conventions fiscales, et il en négocie d'autres présentement.
On a noté précédemment que les conventions fiscales signées par le Canada restreignent sérieusement l'application des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu régissant les BCI. Autrement dit, il y a souvent une marge entre ce que la Loi propose d'imposer et ce que le Canada peut imposer en réalité compte tenu des conventions.
(i) limites imposées par les conventions au régime fiscal canadien
La politique suivie par le Canada pour les conventions s'inspire largement des normes internationales fixées par l'Organisation de coopération et de développement économiques. En règle générale, le modèle de convention fiscale de l'OCDE, retenu par le Canada, confère au pays de résidence du contribuable le droit d'imposer les gains en capital. En outre, les gains sur les biens immobiliers et certains biens d'entreprise peuvent être imposés dans le pays où ces biens sont situés. De nombreuses conventions fiscales permettent également au Canada d'imposer un ancien résident sur ses gains provenant d'autres genres de biens, pourvu que les gains en question soient réalisés à l'intérieur d'une période spécifiée après le départ du Canada.
Ces principes sont acceptés par l'ensemble des partenaires commerciaux du Canada et par d'autres pays, et le Comité ne voit pas pourquoi le Canada devrait dévier de sa ligne de conduite au chapitre des conventions fiscales, du moins en ce qui concerne les non-résidents permanents. Les effets de ces conventions sur les contribuables émigrants pourraient toutefois être une source de problème.
Comme on l'a noté à maintes reprises dans le présent rapport, les contribuables autres que des sociétés n'ont pas à payer d'impôt sur les BCI au moment où ils émigrent. En outre, les particuliers autres que des fiducies peuvent différer la déclaration de leurs gains sur des biens qui ne sont pas des BCI en déposant une sûreté suffisante à l'égard de l'impôt qu'ils auraient dû payer autrement. La Loi dispose que lorsque les gains accumulés sur un bien avant le départ n'ont pas à être déclarés au moment de l'émigration, les gains accumulés sur ce bien avant et après le départ sont assujettis à l'impôt au moment de leur vente.
Le droit d'un contribuable émigrant de ne pas acquitter, au moment de son départ, l'impôt sur les gains accumulés pendant qu'il était résident tient au fait que l'impôt canadien sera imposé sur ces gains (ainsi que sur tous les gains accumulés après son départ) lorsqu'il disposera du bien. Les multiples conventions fiscales auxquelles le Canada est partie remettent toutefois en question le fondement même de ce système. Exception faite des participations directes dans des biens immobiliers situés au Canada et des biens utilisés dans l'exploitation d'une entreprise au Canada, des biens que la Loi considérerait comme imposables au moment de leur vente par le contribuable émigrant devenu un non-résident échapperont souvent au fisc canadien en raison des conventions fiscales.
(ii) arguments militant en faveur de l'adoption de règles additionnelles relativement à l'émigration des contribuables
Le Canada devrait-il tout simplement accepter cet état de fait, et céder à ses partenaires de convention le droit exclusif d'imposer tous les gains autres que ceux accumulés sur les biens vendus durant les quelques premières années qui suivent le départ du contribuable? Le Comité admet que cette position se défend, mais il se demande si elle est conforme aux grands principes sur lesquels repose le régime actuel.
En premier lieu, la Loi dispose comme règle générale que les contribuables émigrants sont assujettis à l'impôt, à la date où ils quittent le Canada, sur tous les gains qu'ils ont accumulés avant leur départ sur des biens qui ne sont pas des BCI, et qu'ils ne sont pas tenus d'acquitter à ce moment-là l'impôt canadien sur les gains provenant de BCI accumulés avant leur départ. Toutefois, les conventions font que le report de l'impôt canadien sur les gains accumulés afférents à un BCI équivaut en réalité à conférer au pays signataire de la convention le droit d'imposer la totalité des gains d'un ancien résident canadien, y compris les gains afférents à un BCI accumulé avant le départ du contribuable et réalisés après le nombre d'années précisé dans la convention pertinente. Vu que le Canada impose les gains accumulés avant l'émigration sur les biens autres que des BCI, le Comité conclut qu'il serait raisonnable que la règle soit la même pour les BCI.
En deuxième lieu, le Canada n'impose les gains des contribuables émigrants à l'égard de biens autres que des BCI que dans la mesure où ces gains ont été accumulés pendant qu'ils étaient résidents. Un contribuable qui immigre au Canada avec des biens qui ne sont pas des BCI, et qui émigre ensuite dans un pays signataire d'une convention, devra payer de l'impôt au Canada sur les gains accumulés durant sa période de résidence au Canada. Il s'agit en quelque sorte d'une marque de respect envers l'ancien pays de résidence de ces contribuables, lequel a peut-être imposé les gains qu'ils ont accumulés avant d'émigrer au Canada. Le Canada pourrait donc s'attendre que les autres pays lui rendent la pareille. Adopter cette position signifierait que le Canada imposerait les gains accumulés avant l'émigration à l'égard de biens que le pays de destination pourrait à juste titre considérer comme l'équivalent de biens autres que des BCI dans son propre régime d'imposition des gains accumulés avant l'acquisition du statut de résident.
Si l'on conclut que le Canada devrait imposer les contribuables émigrants sur la totalité des gains accumulés avant le départ qui risquent d'échapper ultérieurement au fisc canadien en raison d'une convention, il faut ensuite déterminer comment le faire. Une formule possible serait de subordonner l'application de l'impôt aux dispositions de toute convention liant, le cas échéant, le Canada et le pays d'émigration du contribuable. Toute personne qui émigrant dans un pays avec lequel le Canada n'a pas de convention fiscale pourrait différer l'impôt canadien sur les BCI, puisqu'aucune convention ne viendrait restreindre le pouvoir du Canada d'imposer, le cas échéant, les gains accumulés avant et après le départ. Tout émigrant s'installant dans un pays ayant conclu une convention fiscale qui empêche le Canada d'imposer les gains sur leurs biens, à l'exception des biens immobiliers canadiens, devrait acquitter à son départ du Canada de l'impôt sur tous les gains accumulés à l'égard des BCI (sauf les biens immobiliers) et des biens autres que des BCI.
Subordonner l'imposition des gains accumulés avant le départ à l'existence et aux dispositions de conventions fiscales ne serait toutefois pas une mesure sûre, loin de là. Une convention pourrait voir le jour après que le contribuable aurait établi sa résidence, les dispositions d'une convention peuvent changer, ou encore le contribuable pourrait déménager, avant la vente du bien, pour s'installer dans un troisième pays avec lequel le Canada aurait conclu une convention différente.
La solution pourrait consister à imposer les gains accumulés sur tous les biens susceptibles d'échapper au fisc canadien en raison d'une convention. Compte tenu de la politique canadienne en matière de conventions fiscales, il faudrait que les émigrants soient réputés avoir disposé de tous leurs biens, sauf les biens immobiliers canadiens et peut-être aussi les biens d'entreprise canadiens.
Pour apaiser les craintes liées à la nécessité de payer l'impôt sur ces gains avant la réalisation du produit de la vente du bien, les contribuables émigrants pourraient être autorisés à déposer une sûreté au titre de l'impôt, dont le paiement pourrait n'être exigible qu'à la date de la disposition réelle. Les contribuables seraient toutefois redevables de l'impôt au moment où ils cesseraient d'être résidents canadiens et ils ne seraient donc pas touchés par les modalités d'une convention fiscale concernant l'aliénation de biens lorsqu'un contribuable est résident d'un autre pays signataire d'une convention.
Dans un tel système, les pertes en capital accumulées après le départ du Canada n'auraient normalement pas d'incidence fiscale au Canada. La situation fiscale de l'ancien résident canadien aurait été déterminée, du moins en ce qui concerne les gains accumulés avant son départ, à la date de son émigration, et seul le paiement de l'impôt comme tel serait différé. Cependant, si un ancien résident dispose d'un BCI à l'égard duquel le droit d'imposition du Canada n'est pas limité par une convention signée avec le pays où il réside alors, il serait peut-être judicieux de lui permettre de soustraire des gains accumulés au moment de l'émigration les pertes encourues subséquemment. Il pourrait ainsi traiter la disposition réelle du bien comme la seule opération fiscale pertinente, à l'abri de la règle de la disposition réputée.
Le Comité considère qu'il n'a ni le temps ni les moyens de formuler une recommandation définitive au sujet de la portée de la règle de la disposition réputée concernant les émigrants. Il note toutefois que si les règles permettaient l'imposition de tous les gains en capital des émigrants qui pourraient échapper au fisc canadien en raison d'une convention, le régime fiscal du Canada continuerait d'être compatible avec ceux de ses partenaires signataires de conventions, et l'aptitude du Canada d'imposer les gains de source canadienne se trouverait accrue.
Recommandation 4: Gains accumulés des émigrants
Le Comité recommande que le ministre des Finances envisage de modifier la Loi pour faire en sorte que l'on calcul l'impôt exigible d'une personne qui émigre sur tous les gains accumulés jusqu'à la date de départ, abstraction faite des gains qui n'échapperont jamais à l'impôt canadien en raison d'une convention fiscale, le paiement de l'impôt n'étant du qu'au moment de la réalisation (à la condition que l'émigrant ait fourni une sureté suffisante).
(iii) questions spéciales au sujet des fiducies
Les fiducies feront l'objet de la dernière observation concernant les effets des conventions fiscales sur les dispositions législatives régissant les BCI. Aux termes de la Loi, les fiducies sont considérées comme des particuliers, et elles peuvent donc être traitées comme tels, selon les circonstances, pour les fins des conventions fiscales signées par le Canada.
Comme on l'a indiqué précédemment, certaines de ces conventions fiscales confèrent au Canada le droit exclusif d'imposer ses anciens résidents sur les biens dont ils étaient propriétaires lorsqu'ils habitaient au Canada. Cependant, cette règle n'est généralement valable que pendant une période donnée après le départ du contribuable du Canada. De plus, certaines conventions limitent le droit du Canada d'imposer les gains des anciens résidents aux seuls particuliers qui ont résidé au Canada pendant une période minimale spécifiée, d'où la possibilité pour une fiducie nouvellement formée qui émigre du Canada vers un pays signataire d'une convention de se soustraire à l'impôt canadien sur les gains accumulés avant son départ sur des biens canadiens imposables.
Pour éviter ce risque, on pourrait adopter une règle visant à imposer tous les gains accumulés sur tous les biens des contribuables émigrants susceptibles d'échapper au fisc en raison d'une convention. Sinon, il faudrait envisager de corriger les conventions qui aboutissent au résultat précité, d'ajouter des restrictions aux dispositions législatives sur les opérations de roulement qui risquent d'aboutir à ce résultat, ou encore de traiter les fiducies comme des sociétés en imposant tous leurs gains provenant de BCI ou d'autres biens lors de l'émigration.
(iv) résumé
Le Comité ne recommande pas de changer en profondeur la politique canadienne qui consiste à négocier des conventions fiscales bilatérales respectant dans les grandes lignes le modèle de l'OCDE. Il recommande toutefois qu'on étudie la possibilité d'élargir le champ d'application de la réalisation réputée des gains en capital accumulés au moment de l'émigration, de façon que les particuliers qui émigrent soient considérés comme ayant disposé de tous leurs biens qui ne sont pas des biens immobiliers canadiens (et éventuellement des biens d'entreprise canadiens), et puissent s'ils le souhaitent déposer une sûreté pour différer le paiement de l'impôt exigible.
d) Observation et exécution de la loi
Aucun régime fiscal, si parfait soit-il, ne fonctionnera si les autorités fiscales ne peuvent pas faire exécuter la loi. De plus, dans tout régime d'autocotisation, il est essentiel que les contribuables soient en mesure d'observer la loi.
Comme nous l'avons déjà dit, au Canada, l'observation et l'exécution des règles administratives régissant l'imposition des gains réalisés par des non-résidents reposent sur les opérations effectuées. Pour un contribuable non résidant, la simple possession d'un bien canadien imposable n'entraîne aucune obligation spéciale. C'est l'aliénation du bien qui entraîne une obligation de déclaration et éventuellement un impôt à payer. De son côté, Revenu Canada est dans l'impossibilité de déterminer, parmi les quelques milliards de contribuables éventuels dans le monde, lesquels détiennent dans les faits des BCI à un moment donné. Les registres des actionnaires des sociétés et les dossiers des services d'enregistrement des titres fonciers peuvent être une source d'information indirecte, mais même ces documents ne sont le plus souvent produits qu'au moment de la disposition des biens.
Le Comité juge que, de façon générale, il est approprié que les non-résidents ne soient tenus de déclarer leurs BCI qu'au moment de la disposition. L'instauration d'un système de déclaration plus astreignant ne servirait la cause ni des contribuables ni de Revenu Canada, qui se ferait probablement ensevelir sous une avalanche de documents si tous les non-résidents possédant des placements canadiens imposables devaient les déclarer à intervalles réguliers.
Le Comité considère toutefois que les particuliers émigrants (y compris les fiducies) qui choisissent de différer l'impôt sur les gains en capital accumulés devraient être tenus de déclarer ces gains. Sauf erreur, les particuliers qui émigrent ne sont pas obligés présentement de divulguer leurs biens canadiens imposables, si bien que Revenu Canada a beaucoup de mal à savoir quand ils sont aliénés -- particulièrement lorsque ces biens sont exemptés des exigences normales en matière de décharge et de retenues.
Le Comité recommande que les contribuables soient tenus de produire la liste de tous les biens qu'ils possèdent au moment de l'émigration, de sorte que Revenu Canada puisse mieux vérifier le classement des biens par les contribuables (BCI et autres biens) et garder l'oeil sur les biens des anciens résidents qui pourraient être assujettis à l'impôt canadien lors de leur disposition.
Recommandation 5: Déclaration
Le Comité recommande que tous les particuliers qui émigrent du Canada soient tenus de déclarer la totalité de leurs biens à Revenu Canada au moment ou ils émigrent.