1. Introduction
a) Les réformes de 1992
En 1992, le gouvernement a apporté des changements d'une portée considérable à la Loi sur les banques, à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, à la Loi sur les sociétés d'assurances et à la Loi sur les associations coopératives de crédit. De nouvelles conditions de concurrence étaient mises en place par la réduction des barrières entre les quatre piliers du secteur des finances. Étant donné l'ampleur des changements, le gouvernement a décidé de réexaminer le cadre législatif fédéral au bout de cinq ans, au lieu de dix comme d'habitude, et les lois ont été assorties de clauses d'expiration obligeant le Parlement à adopter de nouvelles lois au plus tard le 31 mars 1997.
b) L'examen actuellement en cours
Le ministère des Finances a amorcé l'actuel examen en menant des consultations approfondies auprès du secteur des finances. Puis, le 19 juin 1996, il a publié un Livre blanc intitulé «L'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières : Propositions de modifications». Le public avait jusqu'au 30 août 1996 pour présenter des mémoires. Le Comité des finances de la Chambre des communes a ensuite tenu des audiences publiques à Ottawa du 19 septembre au 1er octobre 1996. Le présent rapport reflète ce que nous ont appris les 35 témoins qui ont comparu devant nous, les 50 mémoires que nous avons reçus, ainsi que nos propres études et consultations.
Le Comité est loin de penser que le présent rapport au Parlement constitue un document définitif sur ce que devrait être la législation de 1997. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce rendra compte, de son côté, des audiences qu'il a tenues sur le Livre blanc. Nous pensons aussi que notre rapport engendrera d'autres mémoires au Secrétaire d'État aux Institutions financières internationales, l'honorable Douglas Peters, et à notre Comité. En fait, tous ceux que la question intéresse sont invités à chercher avec nous les moyens d'améliorer nos recommandations. Comme les enjeux sont fort complexes, le Comité reconnaît que seule une collaboration à part entière du secteur financier et des autres intéressés permettra de construire la meilleure législation qui soit. Le Comité accueillera avec intérêt toutes les contributions touchant la législation de 1997, que ce soit avant son dépôt au Parlement (à la fin de l'année courante ou au début de l'année prochaine), ou encore pendant les audiences qu'il tiendra une fois que la Chambre des communes aura procédé à la seconde lecture du nouveau projet de loi.
c) Sommaire des changements à apporter au Livre blanc
Le Comité s'est fait dire que les grandes réformes conduites en 1992 avaient donné de bons résultats et qu'il fallait féliciter le gouvernement pour la manière transparente et complète dont il élaborait les réformes de 1997. Les propositions du Livre blanc sont en général bien accueillies, comme le souligne notre rapport. Néanmoins, le Comité a jugé de bon de recommander un certain nombre de modifications à ce document, dont voici les principales :
- Le Bureau de protection des consommateurs
Il y aurait lieu de créer un Bureau de protection des consommateurs qui instruirait les plaintes relatives aux violations de la vie privée et à la vente liée, et ferait rapport au Parlement à ce sujet. Il serait bon que les régimes largement autoréglementés prévus à cet égard soient renforcés.
- Le droit de rembourser les hypothèques à l'avance
Il faudrait que des études supplémentaires soient effectuées avant que l'on inscrive dans la loi le droit de rembourser par anticipation les hypothèque de moins de cinq ans, avec pénalités prescrites. Dans l'intervalle, il faudrait prévoir une meilleure communication des modalités entourant la possibilité (ou la non-possibilité) de remboursement anticipé.
- La responsabilité proportionnelle des vérificateurs
À moins que les études du Sénat n'aboutissent à des conclusions contraires, il serait bon que l'actuelle responsabilité conjointe et solidaire à laquelle sont assujettis les vérificateurs en cas de négligence soit remplacée par une responsabilité proportionnelle. Il faudrait que les lois relatives aux institutions financières et aux sociétés en général soient modifiées en conséquence, sans délai.
- Les mécanismes de règlement indirect
Il ne faut pas voir dans les remarques du Livre blanc une interdiction des mécanismes de règlement indirect qui ne présentent aucun risque.
- Le régime d'autorisation d'accès aux banques étrangères
Il importe de modifier le régime projeté en ce qui concerne l'accès des entités financières étrangères au Canada. Le Livre blanc propose deux catégories réglementaires, à savoir les banques étrangères qui effectuent des opérations bancaires au Canada, lesquelles seraient entièrement réglementées, et les quasi-banques, dont les activités financières ne comportent pas toute la gamme des activités bancaires, lesquelles jouiraient d'un régime non réglementé. Il serait bon de créer une troisième catégorie, qui occuperait un créneau intermédiaire entre les deux premières et qui regrouperait les banques étrangères ou leurs filiales qui ne procèdent qu'à des activités financières limitées ou à d'autres activités au Canada, sans recueillir des dépôts de détail. Ces banques étrangères à activités limitées ne seraient pas soumises au même fardeau réglementaire que les banques étrangères offrant une gamme complète de services.
- L'ouverture de succursales directement au Canada
Le Livre blanc n'aborde pas la question des banques étrangères qui exercent leurs activités directement au Canada, au lieu de le faire par l'entremise d'une institution financière canadienne réglementée. Néanmoins, il faudrait que la législation de 1997 autorise l'établissement de succursales directement au Canada.
d) Les réformes à venir
Le Livre blanc est muet sur un certain nombre de problèmes graves auxquels fait face l'industrie des services financiers. Le budget de mars 1996 a annoncé que l'examen actuellement en cours ne porterait pas sur la possibilité pour les banques de vendre de l'assurance par le truchement de leurs succursales. Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers examinera la structure de l'industrie et les rôles que jouent ses divers membres. Il aura pour tâche de faire en sorte que, au seuil du XXIe siècle, le Canada se dote d'un secteur financier efficace, sûr et concurrentiel, qui assurera une bonne croissance, des débouchés et des emplois aux Canadiens. De plus, il recevra les recommandations du Comité consultatif du ministère des Finances sur le système de paiements du Canada, lequel se penchera sur certaines questions comme les nouveaux membres, l'accès, la concurrence et l'innovation.
Le groupe de travail, tout comme le Comité consultatif, s'attachera à préparer la prochaine série de modifications à la législation canadienne sur les institutions financières, qui devra être en place au plus tard le 31 mars 2002. Le Comité sera heureux de participer, de concert avec le gouvernement, l'industrie des services financiers et les Canadiens, à l'examen des problèmes, complexes mais importants, qui nous attendent.
2. Le renforcement de la protection des consommateurs
a) La protection des renseignements personnels
Parce qu'elles dispensent un vaste éventail de services, directement ou par l'entremise de leurs filiales, les institutions financières ont accès à une foule de renseignements personnels. Elles peuvent posséder des dossiers sur les revenus, le patrimoine, les dettes, les impôts et les investissements de leurs clients, et obtenir des relevés exacts de leurs dépenses au moyen des comptes de cartes de crédit et des comptes de chèques. Les dossiers médicaux se rapportant aux polices d'assurance-vie leur sont éventuellement accessibles depuis que les banques peuvent être propriétaires de compagnies d'assurance. En outre, les institutions financières qui fournissent des services de traitement de données, de traitement de documents ou d'émission de chèques de paye à des tiers possèdent des renseignements détaillés sur des gens qui ne sont même pas leurs clients. L'accès qu'ont les institutions financières à des renseignements sur chacun de nous grandit à mesure qu'elles diversifient leurs activités commerciales.
Le gouvernement reconnaît que la protection des renseignements personnels est de la plus haute importance. Le Livre blanc déclare qu'«il est important pour les consommateurs de savoir pourquoi les renseignements sont recueillis et comment ils seront utilisés et conservés. Le consentement des consommateurs est essentiel si les renseignements doivent servir à une nouvelle fin ou être communiqués à des tiers. Le gouvernement comprend également le désir des consommateurs d'avoir accès aux renseignements qui sont conservés à leur sujet et de disposer d'un recours si les renseignements sont utilisés à mauvais escient.»
Le Comité n'a entendu aucun témoignage faisant état d'un usage abusif de renseignements personnels par une institution financière. Cependant, le risque d'abus est énorme, et personne n'a contesté la nécessité d'aborder cette question. Ainsi, M. Jim Burnes de la Corporation financière Power a souligné qu'il n'existait encore aucune loi interdisant la circulation des renseignements sur les clients entre une banque et ses filiales.
En réponse à cette question complexe et importante, le gouvernement a annoncé récemment qu'il élaborait des propositions pour un cadre législatif visant la protection des renseignements personnels. Entre-temps, il souhaite profiter de l'occasion offerte par l'examen actuel pour instaurer des mesures réglementaires régissant la collecte, l'utilisation, la conservation et la communication de renseignements sur leur clientèle par les institutions financières fédérales.
Deux approches contrastantes ressortent des témoignages entendus par le Comité. La première, soutenue par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. Bruce Phillips, et par l'Association des consommateurs du Canada, prône l'inclusion, dans la réglementation, d'un mécanisme d'exécution, de sanctions officielles en cas d'infraction et d'un système de surveillance par un tiers impartial. La deuxième approche, retenue par le gouvernement dans le Livre blanc et appuyée par l'industrie des finances, recommande que le code de l'Association canadienne de normalisation (ACNOR) soit considéré comme la norme minimum par les institutiodans qui élaborent leurs propres codes de conduite. L'approche du Livre blanc, par conséquent, mise sur un niveau plus élevé d'autoréglementation que la première approche privilégiée par M. Phillips et par l'Association des consommateurs du Canada.
L'Association des banquiers canadiens et le Bureau d'assurance du Canada se sont déjà donné des codes de conduite inspirés du modèle de l'ACNOR. L'Association des consommateurs du Canada applaudit à la recommandation contenue dans le Livre blanc d'utiliser comme norme minimum le code type de l'ACNOR, qui dispose que l'information doit servir seulement aux fins pour lesquelles elle est recueillie. Le code souligne que le consommateur doit consentir à la collecte, à l'utilisation et au transfert de l'information.
En ce qui concerne les défis que pose la protection de la vie privée des consommateurs, le Comité n'a pas entendu parler de cas d'abus pouvant justifier l'adoption d'un régime réglementaire en bonne et due forme, mais il pense néanmoins que les dispositions du Livre blanc prévoyant un régime d'autoréglementation devraient être raffermies.
Par conséquent, le Comité recommande, comme le fait le Livre blanc, que le gouvernement prenne des règlements en vertu desquels toutes les institutions financières sous réglementation fédérale seraient tenues :
- d'adopter un code de conduite en matière de collecte, d'utilisation, de conservation et de communication de
l'information;
- de charger un cadre de haut niveau dans chaque institution financière de la mise en oeuvre du mécanisme de
traitement des plaintes des consommateurs;
- d'informer par écrit la clientèle de leur code de protection des renseignements personnels et de la procédure
à suivre pour porter plainte à ce sujet;
- de publier chaque année un rapport sur les plaintes reçues et les mesures prises pour les régler.
Encore à l'exemple du livre blanc, le Comité recommande que les institutions financières soient encouragées à adopter le code de l'ACNOR comme norme minimum dans l'élaboration de leurs codes de conduite.
Toutefois, le Comité recommande en plus la création d'un Bureau de protection des consommateurs relevant du ministre de l'Industrie, qui est chargé des affaires à la consommation. Le consommateur insatisfait du traitement accordé à sa plainte par une institution financière devra être informé de son droit de porter plainte directement au Bureau de protection des consommateurs. Celui-ci devra faire rapport au Parlement. S'il s'avérait que le régime de réglementation proposé ici ne protège pas adéquatement la vie privée du consommateur, il faudrait alors envisager des mesures plus rigoureuses, notamment l'utilisation par le gouvernement de son pouvoir de réglementation.
Le Comité recommande que les propositions précitées visant à protéger les renseignements personnels des clients des institutions financières soient adoptées immédiatement. Il reviendrait au Groupe de travail d'étudier la question de l'emprise sur les marchés que procure aux institutions financières la masse de données et d'information auxquelles elles ont accès.
b) Le coût des services financiers de base
Les institutions perçoivent des commissions variables en contrepartie des services financiers qu'elles fournissent (chèques, retraits, acquittement de factures au guichet automatique, protection contre les découverts, chèques retournés, cartes de crédit, etc. et elles offrent aussi divers types de comptes «sans fioritures»). Le Comité reconnaît que cette concurrence est avantageuse pour les consommateurs, pour autant qu'ils puissent facilement comparer le coût des services dont ils ont besoin, ce qui, toutefois, s'avère souvent difficile.
Par conséquent, le Comité encourage le gouvernement à travailler avec les banques et les sociétés de fiducie et de prêt, ainsi qu'avec les institutions financières régies par les provinces, afin de simplifier et d'améliorer l'information sur les frais pour en faciliter la diffusion à la clientèle.
c) La disponibilité des services financiers de base
Les particuliers à revenu modeste ont parfois du mal à obtenir des services financiers de base comme l'ouverture d'un compte ou l'encaissement d'un chèque. L'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal a déclaré au cours de son témoignage qu'environ 3 p. 100 des Canadiens adultes n'ont pas de compte bancaire et que ce chiffre dépassait 5 p. 100 en Colombie-Britannique et dans les provinces de l'Atlantique. Huit pour cent des adultes vivant dans des ménages ayant un revenu annuel de moins de 25 000 $ n'ont pas de compte de base. L'Association attribue cette situation en partie au coût des services bancaires, mais surtout aux pièces d'identité exigées et au fait que l'argent déposé dans un compte peut être saisi par les créanciers.
Personne n'a proposé au Comité de solution évidente sur la manière dont les institutions pourraient vérifier l'identité des gens qui n'ont pas de carte de crédit ni de permis de conduire, ou sur la question de savoir s'il faudrait rendre les prestations d'aide sociale et autres revenus de soutien insaisissables par certains créanciers. En fait, ce dernier point n'est probablement pas de ressort fédéral, et le Comité a bon espoir que le problème des pièces d'identité pourra être résolu de manière à rendre les services bancaires plus accessibles aux Canadiens à revenu modeste, tout en protégeant les institutions contre les fraudes.
La communauté des services financiers est consciente de ces problèmes et en discute pour tenter de trouver des solutions. Des projets pilotes ont été entrepris à Toronto et à Montréal, où les chèques d'aide sociale sont déposés électroniquement dans des comptes conçus pour répondre aux besoins des gens à revenu modeste. Si elles réussissent, ces pratiques pourraient être généralisées dans tout le Canada et peut-être élargies à d'autres paiements de pension, par exemple la pension alimentaire et les prestations d'assurance-emploi.
Cette question de la disponibilité des services concerne aussi la présence des banques dans les petites collectivités. L'avènement des nouvelles technologies n'empêche pas de nombreuses personnes d'avoir besoin de «parler à quelqu'un». Le Comité est certes d'avis que la présence d'une succursale bancaire ou d'une institution apparentée dans chaque collectivité est très souhaitable, mais il sait aussi que les banques fermeront les succursales qui ne sont pas rentables. La concurrence entre deux ou plusieurs institutions dans une ville assez grande pour en faire vivre une seule peut bine en définitive ne profiter ni à ces institutions ni à leurs clients, si cela débouche sur la fermeture de tous les établissements.
Le Comité recommande que le gouvernement continue, de concert avec les groupes de consommateurs, les groupes communautaires et les institutions financières, à chercher et à appliquer moyens propres à rendre les services financiers plus accessibles aux Canadiens à faible revenu.
d) La déclaration du coût du crédit
Dans le cadre de l'Initiative sur le commerce intérieur, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont engagés à harmoniser les dispositions portant sur la déclaration du coût du crédit aux consommateurs. Une fois en place, ces dispositions d'harmonisation amélioreront et uniformiseront les pratiques de déclaration du coût du crédit dans tout le pays. Ces mesures ont été vivement appuyées par les groupes qui ont comparu devant nous, notamment l'Association canadienne de l'immeuble, l'Association des consommateurs du Canada et l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal.
Le Comité recommande de poursuivre l'harmonisation de ces pratiques et de la faire porter également sur les taux réels d'intérêt annuel fixés dans tous les contrats de prêts, y compris les hypothèques. En outre, et comme nous le mentionnons ci-dessous, toutes les hypothèques devraient indiquer si le paiement par anticipation est possible comme formule de remboursement et, dans l'affirmative, quelle pénalité est imposée.
Le Comité sait que le groupe de travail fédéral-provincial sur la déclaration du coût du crédit a envisagé de codifier la présentation de la déclaration, par exemple de préciser que certains renseignements pourraient être imprimés en gros caractères ou en caractères gras. Il a toutefois jugé que, les renseignements importants à déclarer étant fort nombreux, il serait inopportun de prescrire que certains doivent prendre le pas sur d'autres. Tout en s'inclinant devant l'expérience du groupe de travail, le Comité se demande encore si les taux d'intérêt et les dispositions de paiement par anticipation ne devraient pas être mis en relief.
e) La vente liée
La vente liée intervient lorsqu'une entreprise oblige un client à acheter un produit ou un service pour pouvoir en obtenir un autre. Comme le souligne le Livre blanc, «certains ont exprimé la crainte que, en raison de la nature particulière de la relation existant entre les institutions financières et leurs clients, ces derniers soient particulièrement exposés à la coercition, et que le jeu du marché et la Loi sur la concurrence n'assurent peut-être pas une protection suffisante à cet égard».
Le Comité tient à ce que la vente liée ne soit pas confondue avec la vente additionnelle, qui consiste essentiellement à offrir à meilleur prix un produit ou un service donné si le client consent à acheter un autre produit ou service. La vente additionnelle sans coercition peut en fait permettre au client de réaliser des économies, d'autant plus que les forfaits sont souvent attrayants pour les clients. De plus, il peut arriver que les banques jugent intéressant de consentir des petits prêts d'affaires à leurs clients uniquement si d'autres services leur sont dispensés en même temps, dans un forfait; or, le Comité ne voudrait pas décourager le prêt aux petites entreprises. Il n'est pas toujours facile, cependant, de distinguer la vente liée de la vente croisée.
L'Independent Investment Dealers Association a porté à la connaissance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce trois cas allégués de vente liée par coercition pratiquée par des banques. L'Association des banquiers canadiens a nié qu'il s'agissait de vente liée. Il est impossible au Comité de juger le bien-fondé de chaque cas sans en vérifier les détails. Qu'il suffise de dire, cependant, que le Comité reste soucieux du risque d'abus de pouvoir de la part non seulement des banques, mais de toutes les institutions financières, et qu'il tient à ce que les clients ne soient pas victimes de pratiques abusives comportant des ventes liées.
La Loi sur la concurrence interdit actuellement les ventes liées
- «lorsqu'elles sont pratiquées par un fournisseur important sur un marché et parce que vraisemblablement,
selon le cas :
- a) elles feront obstacle à l'entrée ou au développement d'une firme sur le marché;
b) elles feront obstacle au lancement ou à l'expansion des ventes d'un produit sur le marché;
c) elles auront sur le marché quelque autre effet tendant à exclure,
- et qu'en conséquence la concurrence est ou sera vraisemblablement et sensiblement réduite [...]».
Le Comité n'estime pas que les interdictions contenues dans la Loi sur la concurrence puissent apaiser ses inquiétudes relativement à la vente liée de services financiers, car l'exercice de pressions indues sur un client particulier ne satisferait pas au critère d'une réduction sensible de la concurrence sur un marché donné. Les arguments voulant que la Loi sur la concurrence peut dissiper les inquiétudes du Comité au sujet de la vente liée sont donc spécieux.
Outre les interdictions contre les ventes liées prévues dans la Loi sur la concurrence, le paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques dispose que :
- «La banque ne peut exercer de pression sur un emprunteur pour lui faire souscrire, auprès d'une compagnie
d'assurance donnée, une assurance à son profit [...]»
Le Comité a entendu les points de vue de l'Association des banquiers canadiens (ABC) et de l'Independent Investment Dealers Association (IIDA) à propos de cette disposition.
L'IIDA a demandé que le paragraphe 416(5) soit modifié comme suit :
- «La banque ne peut exercer de pression sur un emprunteur pour lui faire acheter ou obtenir, auprès d'un
fournisseur donné, un produit ou un service financier.»
L'ABC s'élève contre l'utilisation du terme «pression» dans son application actuelle et contre la proposition d'étendre l'interdiction de «souscrire une assurance à son profit» à l'achat d'«un produit ou un service financier».
Le Comité est conscient, comme l'ABC, que le terme «pression» n'est pas défini et que de nombreux aspects de la vente peuvent comporter un élément de pression. Comme l'a dit l'Association des consommateurs du Canada, ce qui compte, c'est qu'il n'y ait pas de pression indue ou coercitive. Le Comité recommande, par conséquent, que soit réexaminé paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques, dans le dessein de préciser que seule une pression indue ou coercitive est inacceptable.
Deuxièmement, le Comité recommande que l'interdiction prévue dans le paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques contre l'exercice d'une pression indue ou coercitive s'applique à «tout produit ou service financier» et non pas seulement à «une assurance [au] profit [de la banque]». Rien ne justifie que de pareilles pressions soient permises en aucune circonstance.
Troisièmement, le Comité recommande qu'une disposition analogue au paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques, une fois modifié comme recommandé ci-dessus, s'applique à toutes les institutions financières sous réglementation fédérale. Les pressions indues ou coercitives ne devraient pas être interdites seulement aux banques. Reconnaissant la possibilité que des considérations constitutionnelles puissent être soulevées, le Comité recommande que le gouvernement discute avec les provinces afin d'obtenir cette protection pour les clients de toutes les institutions financières.
Quatrièmement, le Comité recommande que chaque institution ait l'obligation de :
- charger un cadre de haut niveau de la mise en oeuvre du mécanisme de traitement des plaintes des
consommateurs;
- fournir aux clients des détails sur la façon de présenter leurs plaintes;
- rendre compte annuellement des plaintes reçues et des réponses apportées.
Cinquièmement, le Comité recommande que les consommateurs insatisfaits de la réponse donnée à leur plainte par l'institution financière soient informés qu'ils ont le droit de s'adresser directement au Bureau de protection des consommateurs relevant du ministre de l'Industrie, et le Bureau devra rendre compte de ces plaintes au Parlement.
Sixièmement, si le régime proposé ici, en grande partie fondé sur l'autoréglementation, n'arrive pas à protéger les consommateurs contre la coercition et la pression indue que peut représenter la vente liée, il faudra prendre des mesures plus rigoureuses.
Finalement, le Comité recommande que les responsables étudient les lois et la jurisprudence d'autres zones de compétence afin de pouvoir établir d'une façon plus précise la différence entre la vente liée et la vente additionnelle. Par exemple, aux États-Unis, l'article 106 de la Bank Holding Company Act de 1970 énonce avec passablement de détails les activités bancaires qui ne sont pas considérées comme étant de la vente liée et qui, par conséquent, seraient à l'avantage des consommateurs. Les diverses lois provinciales qui traitent de la question pourraient également être de quelque secours.
f) Le droit de procéder au remboursement anticipé des prêts hypothécaires
La Loi sur l'intérêt prévoit que les prêts hypothécaires résidentiels ordinaires à échéance de plus de cinq ans peuvent être remboursés après cinq ans moyennant une pénalité de trois mois d'intérêt. Les prêts hypothécaires de trois ans ou plus, assurés par la SCHL, peuvent être remboursés après trois ans, moyennant une pénalité de trois mois d'intérêt.
Un propriétaire peut vouloir rembourser un prêt hypothécaire avant l'échéance pour tirer profit de taux d'intérêt inférieurs, mais il se peut également qu'un changement de situation - faillite, échec du mariage ou déplacement dû à l'emploi - le force à le faire. Par ailleurs, les pénalités de remboursement varient énormément d'un établissement de crédit à l'autre.
Le Livre blanc propose d'étudier la possibilité de légiférer quant au droit de procéder au remboursement anticipé des prêts hypothécaires et aux pénalités maximales. L'Association canadienne de l'immeuble et l'Association des consommateurs du Canada sont en faveur d'une telle législation, alors que l'Association des banquiers canadiens et l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes s'opposent à l'octroi, par voie législative, de tout droit supplémentaire de remboursement anticipé selon une formule normalisée. Elles maintiennent que, le marché hypothécaire étant en ce moment très compétitif, une formule normalisée pourrait entraîner des taux d'intérêt supérieurs sur les emprunts et rendrait difficile pour le prêteur d'établir avec prudence la concordance entre les éléments d'actif et de passif. L'Association des banquiers laisse entendre que l'actuel régime législatif de remboursement anticipé pour les hypothèques de plus de cinq ans risque soit de faire grimper les taux d'intérêt au-delà de ce qui serait normalement imposé, soit de réduire le nombre d'hypothèques de longue durée, ou les deux.
Le Comité s'inquiète surtout du fait que les propriétaires, lorsqu'ils contractent un emprunt hypothécaire, ne réalisent peut-être pas qu'ils n'ont pas droit au remboursement anticipé et qu'ils n'ont aucun moyen de déterminer d'avance à quelles pénalités ils s'exposent. Par conséquent, le Comité recommande que, dorénavant, tout prêt hypothécaire résidentiel porte, bien en évidence, une clause précisant qu'il n'existe aucun droit de remboursement anticipé, sauf à certaines conditions convenues, ou énonçant les principes selon lesquels un remboursement anticipé sera possible. Le droit à un remboursement anticipé sera alors fonction d'une négociation entre le prêteur et l'emprunteur qu'on espère bien informé, ce qui peut sous-entendre que d'autres clauses comme la pénalité d'intérêt peuvent faire l'objet de négociations.
Le Comité reconnaît que les prêts hypothécaires sans possibilité de remboursement anticipé risquent de causer aux propriétaires des difficultés dans les cas de déménagement, de faillite ou de divorce. Il est à espérer qu'une meilleure divulgation des renseignements aide à éviter de tels cas. Le Comité, toutefois, considère ne pas avoir suffisamment d'information pour recommander que soit établi dans une loi un régime de remboursement anticipé à l'égard des hypothèques à échéance de moins de cinq ans. Il recommande donc que le gouvernement approfondisse la question en vue de protéger les créanciers hypothécaires, de promouvoir la concurrence entre prêteurs et de garantir des règles équitables tant pour les prêteurs que pour les emprunteurs.
3. L'allégement de la réglementation
a) Le chevauchement et le dédoublement entre les réglementations fédérale et provinciales
Le Livre blanc mentionne trois secteurs où des discussions sont en cours pour réduire le chevauchement et le dédoublement entre la réglementation fédérale et provinciale des institutions financières.
Il y a premièrement le domaine des sociétés de fiducie et de prêt. Même si les discussions se poursuivent toujours, un certain progrès a été enregistré et le gouvernement modifiera la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt de façon à y inclure une définition harmonisée de «prêts commerciaux». Le Comité encourage les efforts d'harmonisation avec les provinces.
Un autre domaine qui fait l'objet d'efforts d'harmonisation est celui de la réglementation des valeurs mobilières. Ce secteur est actuellement soumis à treize autorités réglementaires, ce qui représente un fardeau ridicule pour un pays qui ne compte que 30 millions d'habitants. Le Comité encourage le gouvernement à continuer de collaborer avec les provinces intéressées en vue de créer une Commission canadienne des valeurs mobilières. Certaines provinces ne désirent peut-être pas en ce moment être du nombre, mais une harmonisation même partielle comporte des avantages substantiels. En effet, elle rendrait les marchés canadiens de capitaux plus efficients, réduirait le coût d'émission des titres et renforcerait la compétitivité des entreprises canadiennes.
Troisièmement, le gouvernement est disposé à examiner avec les provinces la possibilité d'éliminer le chevauchement et le dédoublement dans le secteur des caisses de crédit. Actuellement, le gouvernement fédéral réglemente la Centrale de caisses de crédit du Canada (CCCC), de même que six des sept centrales provinciales qui relèvent de la Loi sur les associations coopératives de crédit. Le Québec, pour sa part, réglemente les caisses populaires de la province. Dans le Livre blanc, le gouvernement fédéral a précisé qu'il était disposé à cesser de réglementer les six centrales provinciales de caisses de crédit.
La CCCC, comparaissant devant le Comité, a toutefois exhorté le gouvernement fédéral à maintenir son rôle réglementaire dans le domaine parce que son retrait pourrait, entre autres choses, empêcher les centrales provinciales d'avoir accès aux liquidités que le gouvernement fédéral prête par l'entremise de la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC). Par conséquent, le Comité recommande que les discussions se poursuivent, mais que l'élimination de la présence fédérale dans la réglementation des centrales provinciales de caisses de crédit ne se fasse qu'au moment convenu avec la CCCC.
Les courtiers et agents d'assurance de biens et risques divers sont assujettis à une réglementation et à l'obtention d'une autorisation à l'échelon provincial, ce qui suppose douze régimes réglementaires différents. Ils sont également visés par les lois sur la protection de la vie privée au Québec et en Colombie-Britannique. L'Association des courtiers d'assurance du Canada (ACAC) propose la création d'un groupe de travail chargé de tenter d'harmoniser les différentes dispositions législatives provinciales et fédérales. Le Comité applaudit à la suggestion de l'ACAC.
b) Le régime des opérations avec apparentés
À mesure que les institutions financières ont pu étendre leurs pouvoirs et leurs liens par rapport à d'autres institutions, les risques d'abus découlant d'opérations entre parties apparentées se sont accrus. La réforme de 1992 est venue réglementer la conduite sur ce plan, exigeant que chaque institution financière établisse un comité de révision chargé d'approuver presque toutes les transactions entre apparentés. La définition actuelle d'apparenté (personne considérée comme étant en mesure d'influer sur l'institution) est jugée trop large, étant donné qu'elle peut s'appliquer à plusieurs milliers d'individus dans une grande institution. Par conséquent, le gouvernement a proposé de restreindre la définition d'apparenté aux dirigeants occupant les postes les plus élevés et d'assouplir les règles concernant les filiales.
L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et les banques de l'annexe II sont d'avis que les mesures envisagées n'allégeraient pas suffisamment les dispositions réglementaires concernant les opérations avec apparentés. De même, la Deutscche Bank Canada demande que le régime des opérations avec apparentés envisagé soit assoupli en ce qui concerne les opérations entre les banques de l'annexe II au Canada, leurs filiales canadiennes et leurs maisons mères étrangères. Le fardeau réglementaire serait moindre pour la Deutsche Bank si elle n'était plus tenue d'être directement propriétaire de ses courtiers en valeurs mobilières affiliés, comme nous le proposons plus bas. Le Comité encourage le gouvernement à continuer ses discussions avec les intéressés de façon à garantir que, tout en éliminant les abus liés à ce type d'opérations, le régime ne soit pas trop lourd. Par ailleurs, le Comité aimerait avoir l'avis du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui a déjà réalisé d'importantes études dans le domaine.
c) L'obligation de passer par une filiale
En ce moment, les institutions financières peuvent se livrer à certaines activités uniquement par l'intermédiaire de filiales. Cette exigence a pour but de maintenir les activités de base à part et de limiter les risques, mais elle entraîne des charges administratives inutiles, dont la gestion des pertes fiscales.
Le Comité, en accord avec la proposition du Livre blanc, recommande que les institutions financières puissent mener à l'interne leurs programmes de capital-risque destinés aux petites entreprises. Il faudrait éliminer les obstacles administratifs à la réalisation d'opérations de capital-risque accrues, y compris la nécessité pour une institution de se départir de ses placements dans les dix ans. Il est en effet raisonnable de proposer que les avoirs puissent être maintenus pendant 13 ans. En outre, les pertes découlant de telles opérations devraient, pour les fins de l'impôt, pouvoir être déduites des autres revenus.
Le Livre blanc propose également que les institutions financières soient autorisées à traiter de l'information à l'interne. Le Comité est d'accord avec la proposition, pour autant que soient respectées les préoccupations au sujet des renseignements personnels évoquées plus haut. Le traitement de l'information à l'interne ne doit pas devenir un moyen d'accéder à des renseignements ou à des données qui ne seraient pas autrement disponibles.
d) La désaffiliation de l'assurance-dépôts
N'ayant été saisi d'aucune contestation à ce sujet, le Comité recommande que le gouvernement applique la proposition du Livre blanc «d'autoriser les institutions financières qui ne recueillent pas de dépôts de détail à se ¨désaffilier¨ de la SADC pourvu qu'elles ne soient pas affiliées à un membre de la SADC». Les institutions les plus susceptibles de chercher à se désaffilier de la SADC sont les banques étrangères.
Le Comité convient avec le Livre blanc que, lors de la conception du régime d'exemption, il faudra prévoir la nécessité d'informer les déposants que les dépôts auprès de certaines institutions exonérées ne sont pas assurés et d'adopter des mesures de transition appropriées.
D'après le Livre blanc, les exemptions pourraient être accordées «en fonction de la taille du dépôt (p. ex., plus de 200 000 $), du genre de déposant (p. ex., société, non résident) ou d'une combinaison de ces deux facteurs». Les responsables sont actuellement en train de discuter avec les parties intéressées de ce que devrait être les conditions précises des exemptions pour l'assurance-dépôts.
Le Comité recommande que les discussions se poursuivent et pense qu'il est possible d'établir un régime d'exemption qui protégera les déposants susceptibles de chercher de l'assurance auprès d'institutions exonérées.
Puisqu'il faut faire partie de la SADC pour être membre de l'Association canadienne des paiements, il s'ensuit qu'une désaffiliation de la SADC entraînerait un retrait de l'Association. Le Comité ne croit pas que cette conséquence était voulue et pense qu'il faudrait accorder à ceux qui choisissent de se désaffilier une protection de leur statut de membre de l'Association, ou donner la possibilité de faire partie de l'Association à ceux qui, sauf désaffiliation, seraient admissibles à une couverture de la SADC.
e) Le régime d'accès des banques étrangères
(i) Le régime réglementaire global
Le Livre blanc propose d'établir deux types de régimes réglementaires pour les entités étrangères qui font des affaires au Canada, soit un régime entièrement réglementé pour les banques étrangères qui effectuent des opérations bancaires au Canada et un régime non réglementé pour les entités étrangères non bancaires («quasi-banques») dont les activités financières au Canada ne comprennent pas toutes les opérations bancaires.
Les banques réglementées seraient les entités soumises à la réglementation bancaire dans leur pays d'origine et dont une bonne part des activités est constituée par la prestation de services bancaires. Ces institutions seraient autorisées à fournir des services au Canada uniquement par l'entremise de filiales qui seraient des institutions financières de régime fédéral.
Ainsi, il leur faudrait être des institutions financières sous réglementation fédérale comme en ce moment, constituées en sociétés au Canada, possédant au minimum dix millions de dollars de capital et soumises à de rigoureuses exigences réglementaires, ce qui comprend des comités de direction distincts, des administrateurs indépendants et des obligations de compte rendu.
Les quasi-banques seraient des entités qui ne sont pas soumises à la réglementation bancaire dans leur pays d'origine, ne recueillent pas de dépôts, ne pratiquent pas le financement au détail en recueillant des dépôts au Canada, mais qui fournissent un ou plusieurs services de nature bancaire, par exemple des prêts. Elles ne seraient pas réglementées par le gouvernement fédéral en tant qu'institutions financières mais, à leur entrée au Canada, elles seraient soumises à l'approbation réglementaire fédérale.
En ce moment, on procède au cas par cas pour déterminer si une entité étrangère doit ou non devenir une institution financière sous réglementation fédérale. De façon générale, les banques étrangères ne peuvent pas mener d'activités bancaires au Canada, mais elles peuvent exécuter de telles opérations en établissant une banque de l'annexe II. La Loi sur les banques, toutefois, contient un certain nombre de dispositions autorisant le ministre à exercer son pouvoir discrétionnaire par rapport à l'interdiction générale. Ces dispositions ont été utilisées par le passé afin de permettre à des banques étrangères de mener certaines activités au Canada. Le Livre blanc élimine cette option.
Le Comité convient qu'il faudrait établir un cadre législatif uniforme à l'égard des banques réglementées et des quasi-banques désireuses d'offrir des services financiers au Canada. Il convient également, comme le propose le Livre blanc, de déréglementer le régime des quasi-banques qui ne recueillent pas de dépôts. Le Comité se démarque cependant du Livre blanc pour ce qui est de la finesse des mailles du filet, qui aurait pour effet de soumettre à la structure réglementaire, sans guère de justification, de nombreuses activités dont certaines, réalisées au Canada aujourd'hui, ne sont pas soumises à la pleine réglementation, à juste titre.
Le Comité a entendu des exemples précis d'activités qui seraient soumises au régime réglementaire sans raison ni besoin apparent. Dans chacun des cas, il s'agissait d'une entité qui soit était une banque, soit appartenait directement ou indirectement à une banque étrangère, mais qui réalisait un nombre limité d'activités financières ou autres au Canada. Sans ce «lien bancaire», elles auraient fait partie de la structure non réglementée ou du régime des quasi-banques, car le Libre blanc établit,entre entités réglementées et non réglementées, une différence fondée sur les intérêts auxquels elles appartiennent et non pas sur les activités qu'elles mènent au Canada.
Le Comité cite, comme exemples de telles entités qui le font hésiter à souscrire aux propositions du Livre blanc, les institutions suivantes:
- Trans-Canada Credit
Au Canada, cette institution se limite à consentir de petits prêts aux consommateurs qui ont du mal à obtenir du crédit auprès des banques. Non réglementée à l'heure actuelle, elle le deviendrait puisqu'elle appartient à une banque américaine.
- Congress Financial Corporation
Cette institution fournit du financement basé sur l'actif à des entreprises qui ont du mal à se faire financer par les banques. Non réglementée, elle le deviendrait parce qu'elle est affiliée à une banque américaine.
- Cashflex
Cette institution assure actuellement des services de traitement de l'information financière. Elle n'est pas réglementée, mais elle le deviendrait parce qu'appartenant indirectement à une banque américaine.
- Capital One
Cette institution est déjà autorisée à émettre la carte MasterCard au Canada, qu'elle entend commercialiser auprès de consommateurs à risque élevé. Selon les propositions du Livre blanc, il faudrait qu'elle devienne une institution financière sous réglementation fédérale parce qu'en fait, elle appartient à une banque américaine.
- Wells Fargo Bank
Cette banque américaine souhaite fournir, au Canada, de petits prêts commerciaux d'un montant maximal de 75 000 $ à des taux d'intérêt situés entre 1,75 et 8 points de pourcentage au-dessus du taux de base. Ces prêts seraient financés par des sources américaines et comptabilisés aux États-Unis. Selon les propositions du Livre blanc, elle ne pourrait se livrer à de telles activités que si elle créait une institution financière sous réglementation fédérale au Canada.
Tous les témoins entendus par le Comité conviennent que la concurrence dans la vente de tels services financiers aux Canadiens serait une bonne chose. Le Comité ne croit pas qu'il devrait être nécessaire, dans la plupart de ces cas ou dans des cas semblables, d'exiger de ces institutions qu'elles dispensent leurs services financiers limités par l'intermédiaire d'institutions financières sous réglementation fédérale, assujetties à l'ensemble de la réglementation bancaire canadienne. En effet, comme elles ne recueillent pas de dépôts au Canada, il est inutile de les soumettre à une réglementation dont l'objet est de protéger les déposants.
À la lumière de cas précités, le Comité croit que deux solutions s'offrent au gouvernement. La première serait de déterminer précisément les services fournis au Canada qui doivent être réglementés et de déréglementer ensuite les autres, qu'ils soient directement ou indirectement assurés par une banque. L'autre solution consisterait à créer une troisième catégorie d'institutions étrangères appelée «banques étrangères à services limités» et qui comblerait le créneau entre la réglementation s'appliquant aux banques étrangères qui désirent assurer la totalité des services financiers au Canada et recueillir des dépôts de détail, d'une part, et le régime déréglementé qui s'appliquerait aux quasi-banques étrangères, d'autre part.
La première solution, soit abolir le régime réglementaire actuel fondé sur la propriété plutôt que sur les services assurés au Canada, exigerait une étude beaucoup plus approfondie. En effet, le nouveau régime fondé sur les services plutôt que sur la propriété s'appliquerait-il uniquement aux banques étrangères ou également aux banques canadiennes? Le Comité croit que les cinq institutions précitées ainsi que d'autres institutions semblables devraient être autorisées à assurer leurs services au Canada immédiatement sans être assujetties à l'ensemble de la réglementation. Or, le fait d'abandonner un régime réglementaire fondé sur la propriété au profit d'un autre axé sur les services fournis retarderait-il leur entrée dans le marché canadien? Ce nouveau régime aurait-il contre toute attente des effets secondaires non souhaitables sur la compétitivité des institutions canadiennes?
Étant donné le temps qu'il faudrait pour étudier à fond la première option, qui repose sur les fonctions et activités, le Comité la rejette pour l'instant, puisque le nouveau régime doit entrer en vigueur avant le 31 mars 1997, ce qui n'interdit toutefois pas au Groupe de travail de revenir sur la question. Le Comité recommande donc au gouvernement de retenir la deuxième solution, à savoir créer une troisième catégorie de banques aux fins de la réglementation des banques étrangères n'offrant que des services limités au Canada et ne prenant pas de dépôts de détail. Étant donné leur origine étrangère, ces banques ne pourraient accéder au marché canadien qu'avec une autorisation administrative, mais le Comité n'est pas convaincu qu'il faille absolument réglementer les banques étrangères à services limités. À défaut de raisons impératives de le faire, nous devrions l'éviter. Si le gouvernement décide de les réglementer quand même, il pourrait exiger qu'elles établissent une institution financière sous réglementation fédérale, mais élaborer à leur endroit une réglementation restreinte ne comportant pas les exigences en matière de capitalisation initiale de 10 millions de dollars et de régie interne qui s'appliquent aux autres banques étrangères. Il pourrait également assouplir d'autres règlements. La proposition du Comité de permettre à certains types de banques étrangères d'ouvrir des succursales au Canada constituerait elle aussi un pas dans cette direction tout en répondant aux préoccupations liées à certains des cas cités plus haut.
Aucun des témoins entendus par le Comité n'a soutenu qu'il faudrait assujettir les banques étrangères à services limités qui s'établiraient dans le marché canadien à une réglementation supplémentaire. Il ne serait certainement pas nécessaire de protéger les détenteurs de dépôts de détail, ce qui constitue la principale préoccupation de la SADC et du BSIF.
Mais avant de créer une troisième catégorie de banques pour réglementer l'accès des banques étrangères au marché canadien - la catégorie des «banques étrangères à services limités» -, le Comité doit admettre que cette approche n'a pas été soumise à une consultation publique en bonne et due forme et qu'elle pourrait avoir des répercussions imprévues sur le plan fiscal ou sur celui de la compétitivité et causer ainsi un préjudice aux institutions financières canadiennes. En outre, il pourrait y avoir des raisons valables d'exiger la divulgation de certains renseignements ou des assurances à l'égard de la régie interne des banques. Il y aurait peut-être lieu d'étudier aussi diverses questions touchant les consommateurs, comme la vente liée, la protection des renseignements personnels et la reddition de comptes. En conséquence,. tout en recommandant cette approche, le Comité estime qu'elle ne devrait pas être mise en vigueur sans avoir au préalable fait l'objet de consultations plus poussées qu'il serait indiqué d'entreprendre immédiatement, afin que le régime proposé puisse entrer en vigueur au plus tard le 31 mars 1997.
(ii) L'établissement au Canada
Le Livre blanc ne traite pas de la question de savoir si les institutions étrangères qui dispensent des services financiers au Canada devraient être tenues d'avoir pignon sur rue dans notre pays ou d'y assurer une présence tangible sous une forme ou une autre. Cette question se pose relativement à la banque Wells Fargo et à la fourniture de services financiers sur Internet. Si ces institutions financières ne possèdent pas de bureaux au Canada, le Comité se demande comment il sera possible de régler facilement avec elles les problèmes qui pourraient se poser; le Comité songe notamment aux recours légaux et à la divulgation des renseignements aux consommateurs, sans parler des considérations relatives à l'équité des règles du jeu pour les concurrents canadiens et des autres difficultés susceptibles de surgir.
Les propositions du Comité visant à alléger la réglementation en autorisant les banques étrangères à ouvrir des succursales directement au Canada (elles sont énoncées ci-après) et les banques étrangères à services limités, évoquées plus haut, à accéder au marché canadien devraient aider à régler le cas de ces institutions dans l'immédiat. Quant aux questions plus fondamentales que soulèvent les nouvelles technologies et les nouveaux systèmes de distribution, elles devront être examinées par le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
(iii) L'ouverture de succursales directement au Canada
Le Livre blanc reste silencieux sur la question de l'ouverture de succursales directement au Canada par les banques étrangères, mais ce sujet a néanmoins été abordé devant le Comité par le Comité exécutif des banques étrangères de l'annexe II de l'ABC. Selon la proposition de ce témoin, les banques étrangères pourraient fonctionner en tant que banques au Canada sans devoir pour cela établir des banques de l'annexe II distinctes. Il suffirait de les autoriser à fonctionner en tant que succursales de banques étrangères. Leurs clients canadiens traiteraient ainsi avec les banques étrangères, et non avec des filiales canadiennes de banques étrangères.
Selon les témoignages reçus par le Comité, les banques étrangères établies au Canada sont moins nombreuses qu'elles ne l'étaient par le passé. En effet, de soixante, leur nombre est tombé à quarante-cinq. Comme elles ne peuvent actuellement fonctionner qu'en ouvrant au Canada des banques de l'annexe II, elles doivent avoir une capitalisation initiale de 10 millions de dollars ou plus, au Canada. Si nous autorisions les banques étrangères à ouvrir directement des succursales au Canada, ces succursales pourraient utiliser le capital de leurs banques-mères pour financer leurs activités au Canada au lieu de devoir uniquement compter sur leur capital propre, comme c'est actuellement le cas. De plus, les règlements visant à protéger les déposants constituent un fardeau inutile pour les banques qui ne recueillent pas de dépôts.
Des témoins ont également dit au Comité que le Canada et le Mexique étaient les seuls pays de l'OCDE à ne pas autoriser les banques étrangères à ouvrir des succursales chez eux, et que, si le Canada le faisait, les entreprises canadiennes jouiraient d'un meilleur accès aux facilités bancaires mondiales.
Le Comité note que, si les États-Unis accordent le traitement national aux banques canadiennes en vertu de l'ALÉNA, ce qui signifie qu'elles sont traitées de la même façon que les banques américaines sur le marché américain, elles n'ont toujours pas un traitement identique à celui dont jouissent les banques américaines établies au Canada, lesquelles peuvent se livrer à certaines activités - comme établir des réseaux nationaux de succursales - qui sont encore interdites aux banques canadiennes établies aux États-Unis. Permettre aux banques étrangères d'ouvrir des succursales au Canada conférerait de nouveaux droits aux banques américaines, sans que les banques canadiennes établies aux États-Unis n'obtiennent quoi que ce soit en échange. Le Comité se rend quand même à l'avis des témoins qui ont dit que le Canada n'aurait de toute façon guère pu utiliser ce levier pour faire en sorte que les États-Unis modifient leurs lois, ce qui ne se produira que lorsque les institutions financières américaines exerceront des pressions sur le gouvernement de leur pays.
Le Comité a également demandé l'avis de l'Association des banquiers canadiens, dont les membres auraient à première vue le plus à perdre si nous autorisions les banques étrangères à ouvrir des succursales au Canada. Or, l'Association nous a assurés qu'elle n'y voyait pas d'objection, à condition que les banques étrangères soient soumises aux mêmes règles que les banques canadiennes. L'ABC estime que la principale activité de la plupart des banques étrangères qui choisiraient d'ouvrir directement des succursales au Canada serait, comme à l'heure actuelle, le prêt commercial aux grandes entreprises. Ce serait peut-être le cas de la plupart d'entre elles, mais le Comité croit néanmoins que le fait d'autoriser l'ouverture directe de succursales au Canada facilitera l'accès au marché canadien de banques étrangères souhaitant offrir des prêts à la consommation et aux petites entreprises et que de plus en plus de banques étrangères s'établiront au Canada.
À la lumière de ces considérations et du désir exprimé d'accroître la concurrence dans le secteur des services financiers et d'éliminer la réglementation inutile, le Comité recommande d'autoriser les banques étrangères à se livrer à leurs activités bancaires canadiennes directement par l'intermédiaire de succursales. Les banques étrangères qui recueilleraient des dépôts de détail seraient encore tenues de le faire par l'intermédiaire de banques de l'annexe II. Pour éviter les difficultés qu'entraînerait l'arrivée massive de petites institutions financières étrangères sous-capitalisées, seules les banques étrangères d'une certaine taille provenant de pays où la réglementation bancaire est conforme aux normes internationales et jugée satisfaisante par le BSIF seraient autorisées à ouvrir des succursales au Canada. Le Comité recommande d'autoriser dès que possible l'ouverture directe de succursales de banques étrangères au Canada, sans attendre le rapport du Groupe de travail.
Une banque étrangère ne devrait être autorisée à ouvrir directement des succursales au Canada qu'avec le consentement des autorités réglementaires fédérales. Celles-ci devraient tenir compte de facteurs tels que la situation financière de ces banques et l'existence d'une réglementation adéquate dans leurs pays d'origine. Ainsi, les banques étrangères ne seraient pas toutes autorisées à ouvrir des succursales au Canada, mais uniquement celles qui ne représenteraient pas un fardeau indu pour les autorités réglementaires canadiennes.
Si le Comité recommande instamment que les banques étrangères soient autorisées sans délai à ouvrir directement des succursales au Canada, il tient cependant à ce qu'elles ne jouissent pas d'avantages concurrentiels injustes sur les banques canadiennes. Il faudra continuer d'obliger les succursales canadiennes de banques étrangères à payer leur juste part d'impôts, y compris sur le capital. La réglementation devra certes tenir compte de leurs circonstances particulières, sans pour autant les avantager par rapport aux banques canadiennes sur le plan de la compétitivité.
(iv) Le financement de détail
Le Livre blanc propose de ne pas réglementer les «quasi-banques» qui ne pratiquent pas le «financement de détail». Cette expression n'est pas définie dans le Livre blanc, mais les discussions entre le gouvernement et les parties intéressées à ce sujet vont bon train.
Le BSIF obtient déjà des quasi-banques qui demandent à s'établir au Canada l'engagement que leurs émissions obligataires au Canada seront d'au moins 200 000 $ et en coupures d'au moins 100 000 $. Des témoins ont également dit au Comité que les institutions financières sous réglementation provinciale sont autorisées à utiliser des coupures d'aussi peu que 50 000 $, mais que le montant des coupures varie d'une province à l'autre. Selon certains témoins, les limites précitées sont inutilement restrictives, et l'utilisation de coupures plus petites devrait être autorisée.
Le Comité recommande que les discussions évoquées plus haut se poursuivent. Il faut absolument protéger les investisseurs non avertis, qui pourraient autrement croire que les émetteurs de ces obligations sont réglementés et que les obligations sont assurées. Le Comité recommande au gouvernement d'étudier des moyens de permettre aux quasi-banques étrangères de faire des émissions obligataires sans les obliger à se soumettre à la réglementation, mais de veiller à ce que les acquéreurs de leurs obligations sachent que les émetteurs ne sont pas réglementés et que le titre n'est pas assuré.
(v) La Propriété des filiales
Le Livre blanc propose qu'«une banque étrangère réglementée propriétaire d'une banque de l'annexe II ne [soit] plus obligée de détenir d'autres institutions financières filiales par l'entremise de la banque de l'annexe II». Par exemple, une banque étrangère réglementée pourrait détenir directement en filiale un courtier canadien en valeurs mobilières.
D'après cette proposition, les banques étrangères établies au Canada qui détiennent en filiale des courtiers en valeurs mobilières pourraient ainsi, par exemple, faire en sorte que cette activité soit soumise uniquement aux règles canadiennes en matière de capital auxquelles les courtiers sont assujetties, et non à celles qui s'appliquent à la fois aux courtiers et aux institutions-mères, comme c'est actuellement le cas. Certains banques étrangères ont expliqué au Comité les problèmes que ce double régime entraîne. Le Comité souscrit à cette proposition.
4. L'affinement de la législation
a) La régie interne des institutions
- (i) Dispositions générales
Les dispositions touchant la régie des institutions financières ont été mises à jour dans la législation de 1992, et les modifications ont été généralement bien accueillies. Le Livre blanc propose un certain nombre de changements supplémentaires afin d'améliorer la gestion du risque et d'assurer que la législation suive l'évolution des normes. Premièrement, le BSIF produira un recueil des meilleures pratiques afin que les conseils d'administration des institutions financières puissent fonctionner indépendamment de la direction des institutions. Deuxièmement, la mission confiée par la loi au comité de vérification sera précisée. Troisièmement, la définition de «administrateur non affilié» qui figure dans les lois sur les institutions financières sera rendue plus conforme à celle de «administrateur indépendant», en usage à la Bourse de Toronto. Quatrièmement, les conseils d'administration pourraient remplacer certaines de leurs réunions par des résolutions signées par tous leurs membres. Cinquièmement, des règles pourraient interdire l'utilisation de conseils d'administration identiques dans les filiales n'ayant pas le même type d'activités que leur société-mère. Sixièmement enfin, on discute actuellement de la possibilité de reconnaître la responsabilité civile au titre de l'information continue, et on étudie la question de savoir s'il y aurait lieu d'étendre les obligations fiduciaires des administrateurs et des dirigeants des institutions à d'autres parties prenantes.
Le Comité n'a entendu aucune objection à ces propositions et recommande de poursuivre la recherche et les consultations. Il recommande également au gouvernement d'étudier l'avis énoncé par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a étudié à fond les questions relatives à la régie interne des sociétés.
(ii) Les droits des souscripteurs
Les droits des souscripteurs habilités à voter ont été modernisés en 1992, et les changements apportés semblent donner de bons résultats. Le Livre blanc propose cependant de faciliter la communication des renseignements et la participation des souscripteurs aux affaires internes de leur société. Les propositions à cet égard y sont énoncées dans le détail et font l'objet de consultations plus poussées auprès de l'industrie, consultations auxquelles le Comité applaudit.
(iii) La responsabilité proportionnelle des vérificateurs comptables
À l'heure actuelle, les vérificateurs comptables d'une société sont tenus responsables conjointement et solidairement de toute négligence. Il s'ensuit qu'en cas de poursuites contre les vérificateurs d'une entreprise, les associés d'un cabinet de vérificateurs peuvent être exposés à payer le montant total des dommages accordés, même s'ils ne sont que partiellement responsables des préjudices subis. Si un tribunal décidait, par exemple, que la direction et les administrateurs sont responsables à 95 p. 100 des pertes subies par les souscripteurs, les créanciers ou les actionnaires et que le cabinet de vérificateurs n'est responsable qu'à 5 p. 100, les vérificateurs pourraient faire l'objet de tentatives de recouvrement des pertes totales. Le cabinet pourrait cependant tenter de se faire indemniser par les directeurs, les administrateurs ou quiconque s'est montré négligent.
La théorie qui sous-tend la règle de la responsabilité conjointe et solidaire est que quiconque a subi des pertes à la suite d'actes de négligence doit pouvoir obtenir compensation de tout malfaiteur, si peu que la négligence de ce dernier ait contribué aux pertes. Le cabinet de vérificateurs est une cible facile, car il possède des actifs alors que les autres malfaiteurs ont pu disparaître ou déclarer faillite.
Un groupe des comptables les plus en vue du Canada a raconté au Comité comment la responsabilité conjointe et solidaire a entraîné la faillite d'un grand cabinet d'experts-comptables. Ce groupe lui a aussi expliqué que l'assurance-responsabilité coûte maintenant jusqu'à 30 000 $ par an par associé, de sorte que certains cabinets s'en remettent à l'auto-assurance. Des procès contre lesquels il y aurait lieu de se défendre sont réglés hors cour à cause des craintes que la responsabilité inspire. La responsabilité limitée n'est pas une solution pour les associés, et les jeunes comptables n'assument ce genre de risques qu'à contre-coeur.
Les comptables estiment qu'ils devraient être assujettis à une responsabilité proportionnelle, plutôt qu'à la responsabilité conjointe et solidaire. En d'autres mots, ils ne devraient être responsables des préjudices qu'en proportion de leurs torts, pas plus.
Sauf erreur, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce doit se pencher sur la question de la responsabilité conjointe et solidaire des vérificateurs comptables plus tard cet automne. Il examinera notamment la situation dans d'autres pays qui ont déjà étudié la question, dont les États-Unis et l'Australie qui ont opté pour la responsabilité proportionnelle, et le Royaume-Uni qui n'a pas retenu cette solution. L'important sera, en définitive, de trouver un juste milieu entre ceux qui ont subi des pertes et ceux qui en ont, par leur négligence, été la cause.
Certes, il serait prématuré d'en juger avant que le comité sénatorial termine son étude. Disons néanmoins que nous n'avons entendu aucun commentaire défavorable au sujet de la responsabilité proportionnelle et que nous avons été frappés par le fardeau injuste que la responsabilité conjointe et solidaire impose aux vérificateurs. C'est un problème auquel il faut remédier.
Le Livre blanc, qui reconnaît le problème de la responsabilité conjointe et solidaire, propose de le régler en modifiant les mesures législatives concernant les sociétés en général. Il est peu probable que la Loi sur les sociétés par actions soit modifiée dans un avenir rapproché toutefois, et le Comité ne croit pas opportun de remettre les changements à plus tard.
Par conséquent, à moins que le rapport du comité sénatorial s'y oppose, le Comité recommande que le gouvernement dépose immédiatement un projet de loi polyvalent pour modifier à la fois la législation sur les institutions financières fédérales et la Loi sur les sociétés par actions de manière à remplacer, à l'égard des comptables, la responsabilité conjointe et solidaire par la responsabilité proportionnelle. Nous espérons que les provinces adopteront alors des lois semblables à l'égard des sociétés et institutions qui relèvent de leur compétence. Il y aurait aussi lieu de se demander si la responsabilité conjointe et solidaire devrait continuer de s'appliquer à d'autres fournisseurs de services, comme les avocats et les actuaires.
Le Livre blanc propose de donner plus de latitude aux institutions financières qui concluent des ententes de coentreprise, en éliminant l'exigence que les coentreprises admissibles soient contrôlées par une institution financière. Selon le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, les règles actuelles à l'égard des coentreprises restreignent la compétitivité. Sous réserve d'une étude plus approfondie de la part du comité sénatorial, le Comité appuie de tels changements.
c) La capitalisation des sociétés mutuelles d'assurances
Les sociétés mutuelles ont été autorisées, en 1992, à émettre des actions privilégiées, pendant que les petites sociétés mutuelles d'assurance-vie étaient autorisées à se «démutualiser» ou à se transformer en sociétés par actions. Aussi souhaitables qu'aient été ces mesures, elles n'allaient peut-être pas assez loin. Le Livre blanc propose d'autoriser les sociétés mutuelles d'assurances à émettre des actions participantes et de permettre à toutes les sociétés mutuelles d'assurance-vie de se démutualiser. Comme il n'a entendu aucune objection à ces propositions, le Comité présume, sous réserve de preuves du contraire, que le gouvernement devrait aller de l'avant.
d) Les sûretés
Il existe des incohérences entre la Loi sur les banques et la législation provinciale pertinente à l'égard des sûretés. Un groupe de travail se penche sur les façons d'y remédier. Le Comité encourage ces efforts d'harmonisation des législations fédérale et provinciales.
e) Les modifications à la Loi sur la Banque du Canada
Le Livre blanc propose plusieurs changements d'ordre technique en vue de moderniser la Loi sur la Banque du Canada, dont les suivants : élargir l'éventail des effets que la Banque peut acheter et vendre; préciser les activités secondaires, comme la cession sous licence d'une technologie de lutte contre la contrefaçon, auxquelles la Banque peut se livrer; et changer le seuil à partir duquel les soldes non réclamés des comptes de dépôt inactifs pendant plus de 20 ans sont virés au compte du Receveur général. Le Comité n'a entendu aucune objection à ces changements et suppose, sous réserve de preuves du contraire, que le gouvernement devrait aller de l'avant.
5. Examen du système de paiements
L'association canadienne des paiements
L'Association canadienne des paiements (ACP) a été établie, en 1980, par une loi fédérale qui la chargeait «d'établir et de mettre en oeuvre un système national de compensation et de règlement et de planifier le développement du système national de paiements». L'ACP établit, à cette fin, des règles et des procédures de paiement, de compensation et de règlement.
La régie de l'ACP
La Loi stipule que les institutions financières membres de l'ACP doivent appartenir à l'une des cinq catégories suivantes :
- Banque du Canada;
- banques à charte de l'annexe I ou de l'annexe II;
- sociétés de fiducie et sociétés de prêt;
- centrales des caisses de crédit; et
- autres établissements financiers de dépôt (y compris les caisses de crédit locales qui préfèrent ne pas s'affilier à une centrale).
L'ACP est dirigée par un conseil d'administration de onze membres, présidé par un des dirigeants de la Banque du Canada. Les dix autres administrateurs, répartis également entre les banques et les établissements non bancaires, sont élus par les membres de leur catégorie respective. Les membres de l'ACP, qui sont actuellement 143, comprennent pratiquement toutes les institutions qui recueillent des dépôts au Canada. Environ 60 p. 100 sont des institutions non bancaires, et environ 30 p. 100 sont réglementées par les provinces, comme la Caisse centrale Desjardins, la Fédération des caisses populaires du Québec, les succursales du Trésor de l'Alberta, et plusieurs sociétés de crédit locales.
L'ACP est un organisme sans but lucratif auquel chaque membre apporte une contribution financière calculée selon un pourcentage du volume des instruments de paiement traités par le système en cours de l'année précédente.
La compensation et le règlement
La compensation et le règlement des paiements constituent la fonction essentielle de l'ACP. La compensation est définie communément comme l'ensemble des processus dont chaque institution de dépôt se sert pour obtenir le paiement d'instruments comme les chèques et les transactions électroniques tirés sur d'autres institutions financières membres qu'elle reçoit au cours d'une journée de travail. Le règlement est le processus par lequel les obligations de paiement nettes découlant du processus de compensation sont prises en compte et débitées des comptes des institutions financières membres à la Banque du Canada.
Depuis 1984, le Système de compensation et de règlement automatisé (SCRA) assure toutes les fonctions associées au processus de comptabilité, de compensation interne et de rapprochement relatif à la compensation et au règlement. Ces fonctions englobent le dépôt d'instruments de paiement à sept centres régionaux de règlement répartis dans l'ensemble du Canada, suivi de l'ajustement, du rapprochement et de la transmission des chiffres afin d'obtenir le règlement par la Banque du Canada.
En plus du rôle qu'elle joue dans le processus de règlement final, la Banque du Canada offre également dans certaines situations, en tant que prêteur de dernier recours, des marges de crédit aux institutions financières membres de l'ACP pour assurer plus de stabilité au système.
Le système de transfert de paiements de grande valeur
Au cours des dernières années, l'ACP a consacré passablement d'efforts à la mise au point d'un système amélioré de gestion du risque pour renforcer le SCRA. Ce Système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV), dont le lancement est prévu pour le milieu de 1997, permettra aux adhérents d'obtenir le règlement absolu et définitif de toutes les transactions le jour même et d'offrir à leur clientèle un service de paiement définitif. Le STPGV comprend divers mécanismes (dont l'obligation pour chaque participant d'engager un cautionnement pour garantir les transactions qu'il entre dans le système), de manière à enrayer le «risque systémique», c'est-à-dire le risque que, si un des participants ne peut pas faire face à ses obligations, cela puisse s'étendre aux autres et déstabiliser le système financier. Une fois en place, le STPGV rehaussera la compétitivité du Canada sur les marchés financiers.
Innovation technologique
Tout Canadien qui procède à une opération de paiement sur support papier au moyen d'un chèque ou par mode électronique (pour retirer des fonds d'un guichet automatique bancaire, par exemple) est touché par les règles de l'ACP. Les progrès technologiques permettent l'acheminement électronique des paiements au moyen de services comme les dépôts directs, les prélèvements automatiques, les transactions aux guichets automatiques, les paiements aux points de vente et les paiements entre entreprises par l'échange électronique de données. Ces progrès ont sensiblement réduit le pourcentage d'effets de paiement sur support papier traités par le SCRA, qui est passé de plus de 91 p. 100 en 1988 à un peu moins de 62 p. 100 en 1995.
L'ACP a été contrainte d'établir des règles et des procédures pour parer au passage d'un mode de paiement documentaire à un contexte où l'électronique s'impose de plus en plus. Pour répondre aux besoins divergents d'autres utilisateurs sans porter atteinte à l'intégrité globale du système de paiements, il lui a fallu mener des consultations. Celles-ci ont mené à la création d'un Conseil consultatif des intervenants de l'ACP, qui doit tenir sa première réunion le 12 décembre 1996.
Le Livre blanc
Tout en reconnaissant que le système de paiements sur support papier du Canada est l'un des meilleurs au monde, le Livre blanc admet qu'il faudrait envisager des changements. C'est pourquoi on y annonce que le ministère des Finances créera un comité consultatif qui aura pour mission de recommander des changements en vue d'accroître la concurrence et l'innovation. D'autres questions, comme l'ouverture du système de paiements à d'autres intervenants et l'accès indirect d'entités non réglementées au système de paiements par le biais de membres de l'ACP au moyen d'effets de règlement indirect, seront également examinées.
Le Comité encourage la création du Comité consultatif sur le système de paiements du Canada. Bien que ces problèmes difficiles aient été laissés de côté en attendant une étude plus approfondie, le Comité a cependant fait l'objet de certaines représentations.
La maison Trimark Investment Management Inc. s'inquiétait de remarques, relevées dans le Livre blanc, indiquant que les mécanismes de règlement indirect, comme ceux qu'émet Trimark, entité non réglementée, «peuvent avoir des effets négatifs sur le bon fonctionnement du système financier» et mettant en garde ceux qui en émettent contre leur utilisation. Trimark souhaite offrir de tels effets, pour que ceux qui investissent dans des fonds communs de placements monétaires disposent d'un mode de retrait facile. L'Association canadienne des paiements autoriserait un tel mécanisme, mais aucun membre ne l'a mis à la disposition de Trimark ou d'un autre fonds commun. Le Comité ne croit pas que de tels retraits nuiraient au système de paiements, puisque ces fonds de placement ne renferment que des titres à court terme des gouvernements fédéral et provinciaux et que la cessation de paiement n'est pas envisageable. Il recommande donc que, en attendant la décision finale du comité consultatif à ce sujet, les remarques du Livre blanc ne soient pas considérées comme interdisant les mécanismes de règlement indirect qui ne présentent aucun risque, tels que ceux dont nous venons de parler. Le Comité partage toutefois les craintes du gouvernement que les mécanismes de règlement indirect émis par des maisons chancelantes puissent, en situation de cessation de paiement, «avoir des effets négatifs sur le bon fonctionnement du système financier». L'utilisation de mécanismes de règlement indirect par des entités non réglementées pourrait aussi soulever des questions de sécurité et de validité, de protection des consommateurs et de divulgation, et donner lieu, chez les institutions réglementées, à des inquiétudes au sujet de l'uniformité des règles du jeu.
Trimark et les membres de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes ont laissé entendre qu'ils se proposent de se joindre à l'ACP. Trimark s'est plainte qu'elle avait tenté en vain de conclure des ententes avec deux banques en vue d'offrir l'accès à ses fonds communs de placements monétaires au moyen de chèques. L'Association voudrait que les compagnies d'assurances puissent détenir les produits de l'assurance pour les bénéficiaires et leur offrir un service de retrait. Selon le témoignage du Conseil canadien du commerce de détail, le manque de concurrence entre fournisseurs de matériel de paiement électronique entraîne des coûts excessifs pour les détaillants.
Le Comité reconnaît que les compagnies d'assurances et les fonds communs de placement prennent une importance croissante dans le secteur des services financiers, et s'attend à ce que le comité consultatif examine attentivement leurs préoccupations, ainsi que celles du Conseil canadien du commerce de détail.